L`ergothérapie et la gestion de la douleur des personnes ayant subi

Transcription

L`ergothérapie et la gestion de la douleur des personnes ayant subi
L’ergothérapie et la gestion de la douleur des
personnes ayant subi un accident du travail :
Contexte et principes
Michele Moon, Rebecca McDonald et Jacqueline Van den Dolder
C
ertains intervenants ont affirmé qu’il était plus difficile de traiter les
personnes ayant de la douleur en raison d’un accident du travail,
car cette situation a des répercussions négatives sur leur réponse à la
réadaptation (Teasell, 2001). En effet, les ergothérapeutes qui exercent
dans ce domaine font face à de nombreux défis, comme des clients ayant
des besoins complexes, des problèmes de réadaptation à de multiples
niveaux et la nécessité de collaborer avec de nombreux intervenants
pouvant avoir des intérêts concurrentiels. Malgré ces défis, il s’agit d’un
milieu de pratique très gratifiant, dans lequel les ergothérapeutes jouent
un rôle de leadership en raison de l’accent qu’ils mettent sur l’optimisation
des capacités fonctionnelles et l’évaluation de la valeur du travail. Une
douleur persistante peut s’ajouter aux nombreuses barrières influant sur le
retour au travail d’un client ayant été victime d’un accident de travail. En
raison des nombreuses variables en jeu, l’exercice de l’ergothérapie dans
le domaine de la gestion de la douleur dans les cas de personnes ayant
subi un accident de travail et recevant ou non des indemnités est façonné
par un contexte spécifique et des principes distincts.
CONTEXTE
Accent mis sur le retour au travail
Les services et programmes sont financés par les commissions des
accidents du travail ou les compagnies d’assurance et les clients sont
dirigés vers les services d’ergothérapie par les gestionnaires de cas. Le
plus souvent dans ces programmes, le retour au travail est le résultat
recherché. Par conséquent, les programmes de gestion de la douleur ont
pour but d’offrir aux clients des stratégies de gestion de la douleur qui
leur permettront de participer plus activement à toutes leurs occupations,
y compris à un emploi rémunéré. L’établissement des buts, qui favorise
l’intégration des objectifs associés aux soins personnels et de loisirs, est
une composante déterminante de la réussite d’un programme centré sur
le client. De cette façon, les ergothérapeutes répondent aux attentes de
l’intervenant ou de l’organisme ayant fait la demande de consultation tout
en demeurant centrés sur le client.
Délais limités
Les délais du système d’indemnisation des travailleurs sont généralement
rigides. Toutefois, dans le contexte du retour au travail, cette inflexibilité
est un avantage qui favorise l’amélioration des capacités fonctionnelles.
Contrairement à la croyance populaire, le temps n’est pas le meilleur
allié du travailleur accidenté; en effet, plus la période d’arrêt de travail est
longue et moins le travailleur accidenté est susceptible de retourner au
travail (Crook et Modolfsky, 1994). Un retour rapide au travail permet de
réduire l’incapacité de travail (Lydell, Grahn, Mansson, Baigi et Marklund,
2009). Les délais stricts établis par les sources d’aiguillage favorisent
l’adoption d’une méthode d’intervention qui entraîne des progrès, tout en
aidant les clients à reprendre leurs occupations aussitôt qu’ils peuvent le
faire en toute sécurité et de manière durable.
Dangers perçus
La réussite de la réadaptation des clients peut être compromise par de
nombreuses barrières, notamment la perception selon laquelle l’activité,
certains milieux, certaines personnes et certains symptômes représentent
un « danger ». Par ailleurs, le milieu de la réadaptation, et en particulier
l’ergothérapeute de l’équipe peuvent aussi être intimidants pour les
clients, du fait que le milieu et l’ergothérapeute doivent répondre aux
attentes des demandeurs de services envers les clients, c’est-à-dire,
favoriser le retour au travail éventuel du client. Le retour au travail est
souvent un sujet délicat, que les clients ont peur d’envisager pour de
nombreuses raisons, notamment l’échec de leurs tentatives de retour au
travail dans le passé et leur peur de reprendre les activités qui ont entraîné
leur blessure ou leur accident. Il est difficile d’avoir des discussions
ouvertes sur ces inquiétudes, mais en abordant les préoccupations
du client face à son retour au travail, le dialogue qui en découle peut
favoriser la résolution des problèmes. Il est important de renseigner
les clients sur le système d’indemnisation des accidents du travail et de
démystifier le processus de réclamation, afin qu’ils aient des attentes
réalistes face à l’avenir et à la planification de leur congé du programme.
Les ergothérapeutes ont une perspective unique sur les dangers réels
et perçus par les clients; ils peuvent les aider à comprendre la relation
entre les tâches et les activités perçues comme étant dangereuses et
À propos des auteures
Rebecca McDonald, B.Sc., M.O.T., et Jacqueline Van den Dolder, B.A., M.O.T., sont des cliniciennes en ergothérapie à la clinique de la douleur OrionHealth à Vancouver.
Michele Moon, B.Sc.O.T. (c), M.Sc., est directrice du développement et de l’évaluation de programmes au bureau commercial de OrionHealth.
On peut la joindre à [email protected].
16
ACTUALITÉS ERGOTHÉRAPIQUES VOLUME 14.5
l’augmentation de la réaction à la douleur et des risques de subir d’autres
blessures ou accidents.
LES PRINCIPES
La valeur du travail
Les ergothérapeutes travaillant dans le milieu de la réadaptation des
travailleurs accidentés doivent croire fondamentalement en la valeur du
travail. Pour certains individus, cette croyance peut exiger qu’ils changent
leur façon de penser – il faut abandonner la croyance selon laquelle les
clients doivent être rétablis avant d’être aptes à retourner au travail, et
adopter plutôt la croyance selon laquelle les clients doivent retourner au
travail pour se rétablir. Le travail est à la fois un déterminant de la santé
et un comportement lié à la santé. Il procure non seulement une stabilité
financière, mais il nous donne également un sens, un but, un statut social,
une identité, une structure, une routine et des interactions sociales. Le
travail facilite aussi la réalisation d’activités non liées au travail et il favorise
l’autonomie, de même que le bien-être social, émotionnel et physique.
(p. ex., équipement ergonomique et programmes de retour graduel au
travail) pour favoriser leur participation autonome à des activités. Le
fait d’aider les clients à participer à des activités malgré leur douleur leur
permet de se prendre en charge et d’aller de l’avant, en se fiant moins aux
systèmes médicaux et d’indemnisation des accidents du travail.
LA PARTICIPATION DE L’ERGOTHÉRAPEUTE
Les ergothérapeutes participent à l’évaluation et au traitement des clients
ayant une douleur persistante. Les services d’ergothérapie peuvent
être offerts dans le cadre d’un groupe dans la communauté ou par une
équipe interdisciplinaire, en milieu clinique. Dans les deux contextes,
les services offerts par les ergothérapeutes exigent la collaboration de
plusieurs intervenants dans la communauté, y compris des médecins, des
employeurs, des représentants syndicaux, des membres de la famille et
des gestionnaires de cas.
Les évaluations ergothérapiques comprennent des évaluations
fonctionnelles (y compris les évaluations de la capacité fonctionnelle),
des visites en milieu de travail, des évaluations ergonomiques, des
Cadre de référence biospsychosocial
évaluations en vue de l’attribution d’équipement adapté, et autres. Parmi
Les clients aiguillés vers les programmes de gestion de la douleur au
les interventions ergothérapiques, citons notamment la gradation des
sein d’un système d’indemnisation des accidents du travail ou autre ont
activités en vue d’augmenter la tolérance fonctionnelle et l’enseignement
généralement atteint un plateau médical, et les autres possibilités de
et la mise en pratique de stratégies d’autogestion. Les ergothérapeutes
traitements médicaux ne sont pas
recommandent des stratégies
envisageables. Les programmes
comme la gradation des activités,
« En validant la douleur du client, en adoptant une
et les services de gestion de la
l’optimisation de la mécanique
approche biopsychosociale et en ayant recours
douleur sont conçus à partir du
corporelle (dans les soins personnels,
à des stratégies d’autogestion de la douleur, les
modèle biopsychosocial dans
les loisirs et le travail), l’élaboration
ergothérapeutes aident les clients à se prendre en
lequel la réaction à une blessure est
de plans en vue d’un retour au
considérée selon une perspective
travail, et, selon le cas, du soutien au
charge et à atteindre leurs objectifs en matière de
multidimensionnelle (Schultz,
travail et de l’encadrement en milieu
réadaptation et à réintégrer leur emploi. »
Crook, Fraser et Joy, 2000). Le
de travail. Les ergothérapeutes
modèle biopsychosocial favorise
qui participent à la planification du
les liens entre l’environnement, y compris la famille et le milieu de travail,
retour au travail doivent offrir de l’enseignement aux intervenants et ils
et considère le client de manière globale. Le fait de considérer un client
doivent souvent utiliser leurs habiletés pour la négociation et la médiation
comme une personne ayant de multiples forces et diverses barrières
dans leur pratique. Ils participent parfois à la planification de carrière
permet d’aborder des problèmes à l’aide d’une approche fondée sur la
lorsqu’un client se trouve sans emploi ou lorsqu’il est inapte à réintégrer
collaboration. L’un des tenants du modèle biopsychosocial est qu’une
l’emploi qu’il occupait avant son accident.
« pathologie organique ne permet pas de prédire une dysfonction ou
Les équipes interdisciplinaires des programmes de gestion de la
une invalidité de manière fiable » (Schultz et al. 2000, p. 286). En fait,
douleur sont composées d’ergothérapeutes, de physiothérapeutes,
l’invalidité découlant de la douleur est déterminée par plusieurs facteurs
de kinésiologues, de psychologues et de pharmaciens; certains
complexes qui interagissent entre eux. Donc, en examinant la douleur
programmes font appel à d’autres professionnels, comme les infirmières,
d’un point de vue biopsychosocial, il est possible de valider le fait que la
les chiropraticiens, les massothérapeutes, les diététistes et autres. Il s’agit
douleur est réelle et qu’elle peut avoir un impact profond sur la vie d’une
de programmes intensifs dont la plupart sont d’une durée de six à dix
personne et de son entourage. Ainsi, les ergothérapeutes possèdent
semaines. Les équipes cliniques travaillent en étroite collaboration pour
les compétences requises pour établir un partenariat avec leurs clients,
aborder les objectifs des clients, à la suite de l’établissement formel des
afin de traiter la douleur, en particulier quand cette douleur n’est plus
objectifs, qui sont revus régulièrement en équipe et avec le client. Les
provoquée par les dommages causés aux tissus. En étant à l’écoute de
cliniques communautaires ont des installations pour faire de l’exercice et
la douleur ressentie par le client et des expériences qui en découlent,
reproduire les conditions de travail et elles offrent des cours quotidiens
les ergothérapeutes peuvent demeurer centrés sur le client et accorder
sur divers sujets, comme la neurophysiologie de la douleur, la nutrition, la
leur attention à autre chose qu’à faire la preuve que la douleur est bien
méditation, les loisirs et la valeur du travail. Les ergothérapeutes ont une
réelle (Robinson, Kennedy et Harmon, 2011), une attitude qui tend à
voix forte et ils peuvent défendre les intérêts de leurs clients au sein de
augmenter l’invalidité.
ces équipes interdisciplinaires, en particulier en raison du rôle qu’ils jouent
en aidant les clients à appliquer les connaissances et les compétences
Autogestion
qu’ils ont acquises afin d’améliorer leur rendement. De plus, en travaillant
Les ergothérapeutes aident leurs clients à faire l’acquisition de stratégies
en équipe, les ergothérapeutes peuvent faire l’acquisition d’habiletés
d’autogestion et à les mettre en pratique pour gérer leur douleur et
transdisciplinaires. Des concepts comme la thérapie du comportement
les séquelles courantes d’une douleur persistante (p. ex., frustration,
et les entrevues motivationnelles permettent d’éclairer l’équipe dans ses
dépression, anxiété et isolement social). Les clients sont encadrés afin
interactions avec les clients et d’améliorer son efficacité.
de mettre en œuvre des stratégies qui leur permettront d’améliorer leurs
Les ergothérapeutes jouent également un rôle actif dans des
capacités physiques, sociales et fonctionnelles et ont leur donne des outils
programmes d’appoint comme la réadaptation professionnelle, la gestion
ACTUALITÉS ERGOTHÉRAPIQUES VOLUME 14.5
17
des médicaments et les interventions interdisciplinaires pour les accidents
traumatiques. Bien que le meilleur résultat de ces programmes soit le
retour au travail, les ergothérapeutes mettent l’accent sur la participation
des clients à des activités qui les préparent à retourner au travail, à gérer
leurs activités tout en ayant des symptômes de sevrage (aux opiacés) et à
gérer leur anxiété en milieu de travail.
Remerciements
Les auteures tiennent à remercier leurs collègues Brianna Boyle, Jennifer
Meldrum, Natalie Hull, Cara Rodrigues et Lindsey Townsend pour leur
aide et leur appui précieux lors de l’élaboration et de la rédaction de cet
article.
Références
Conclusion
L’habilitation du retour au travail d’un client est une composante
fondamentale des interventions visant à aider le client à gérer une
douleur chronique, peu importe la source de la demande de consultation.
Dans le système d’indemnisation des accidents du travail, comme
l’employabilité est généralement l’objectif du programme, il s’agit
d’un résultat adéquat et facilement mesurable de la réussite d’une
intervention thérapeutique et de la santé du client. Le travail favorise la
réalisation d’activités non liées au travail, procure des avantages financiers
et sociaux et entraîne une plus grande autonomie. En validant la douleur
du client, en adoptant une approche biopsychosociale et en ayant
recours à des stratégies d’autogestion de la douleur, les ergothérapeutes
aident les clients à se prendre en charge et à atteindre leurs objectifs en
matière de réadaptation et à réintégrer leur emploi.
Crook, J., et Modolfsky, H. (1994). The probability of recovery and return to
work from work disability as a function of time. Quality of Life Research, 3
(Supplement 1), S97 - S109.
Lydell, M., Grahn, B. Mansson, J., Baigi, A., et Marklund, B. (2009). Predictive
factors of sustained return to work for persons with musculoskeletal
disorders who participated in rehabilitation. Work, 33, 317-328.
Robinson, K., Kennedy, N., et Harmon, D. (2011). Review of occupational
therapy for people with chronic pain. Australian Occupational Therapy
Journal, 58, 74 – 81.
Schultz, I. Z., Crook, J., Fraser, K., et Joy, P. W. (2000). Models of diagnosis
and rehabilitation in musculoskeletal pain-related occupational disability.
Journal of Occupational Rehabilitation, 10 (4), 271-293.
Teasell, R.W. (2001). Compensation and chronic pain. The Clinical Journal of
Pain, 17 (4) Supplement 1, S46 – S51.
LA JOURNÉE TERRY FOX
POUR LA RECHERCHE SUR LE CANCER
AUCUN DROIT D’ENTRÉE
AUCUN MONTANT MINIMUM À RECUEILLIR
Courez- Marchez- Roulez
DIMANCHE 18 SEPTEMBRE
1 888 836-9786
18
journeeterryfox.org
ACTUALITÉS ERGOTHÉRAPIQUES VOLUME 14.5

Documents pareils