Hangar “Caquot” - Ministère de l`écologie et du développement

Transcription

Hangar “Caquot” - Ministère de l`écologie et du développement
1932 - 2012
Aéroport de Lyon-Bron
Hangar “Caquot”
histoire du premier hangar avions à “double auvent”
réalisé en France
Dossier réalisé avec le soutien de la Mission Mémoire (DGAC) et de l’association Anciens Aérodromes
Guilhem Labeeuw (DGAC/SNIA) - octobre 2012
Reconstitution virtuelle du hangar “Caquot” de Bron dans son état de 1932
Réalisation : HB Concepts
L’auteur tient à remercier :
- la mission mémoire de la DGAC et le SNIA
- l’association Anciens Aérodromes
- la SLHADA
- + personnes ressources : Paul Mathevet
à compléter
2012
Les derniers jours du hangar “Caquot” de Lyon-Bron
chapitre 1
remerciements
Hangar en béton armé du port aérien de Bron - 1932
d’après le concept novateur de l’ingénieur Albert Caquot
introduction
1932 - 2012
Une page de l’histoire du patrimoine aéronautique français s’est tournée le 28 juin 2012
sur l’aéroport de Lyon-Bron. Construit tout
juste après la première aérogare de Bron il
y a quatre-vingts ans, il n’aura pourtant fallu
que quelques jours pour démolir cet édifice
considéré comme le premier exemplaire
français de hangar avion en béton armé de
type “double auvent”.
Les perspectives de développement de
la plateforme aéronautique de Bron, les
contraintes d’exploitation et son état de
dégradation ont eu raison de ce vestige
de l’architecture aéronautique des années 30. Depuis un nouveau hangar pour
l’entretien des véhicules d’intervention du
SSLIA de l’aéroport est venu s’intercaler entre l’aérogare et le restaurant de l’aéroport.
Surnommé localement “le Caquot”, ce
hangar à la forme atypique, avec sa proue
en forme de vigie et ses auvents rappelant
des ailes d’avion, avait sû conserver quelques
traces d’un passé plus glorieux.
En 1931, la Chambre de Commerce de Lyon
décidait de doter la plateforme d’un hangar
avions de “nouvelle génération”. Sur un programme directement inspiré des études du
service des Bases du Ministère de l’air, rattaché à l’époque à la direction d’Albert
Caquot, les architectes Chomel & Verrier,
auteurs de la première aérogare de Bron,
furent chargés d’en exécuter les travaux.
L’entreprise Limousin, avec pour ingénieur
Gaston Le Marec (successeur d’Eugène Freyssinet dans cette entreprise), remporta le
marché de construction. Le hangar fut livré
en 1932, le premier d’une série de hangars
du même type construits sur différentes plateformes aéronautiques, en France comme
au Maroc ou au Brésil.
Cependant, le travail mené conjointement
par la mission mémoire de la Direction générale de l’Aviation civile (DGAC), le Service
National d’Ingénierie Aéroportuaire (DGAC/
SNIA) et les Aéroports de Lyon a permis la réalisation de supports oeuvrant à sa mémoire.
A côté des maquettes et outils de reconstitution virtuelle, le présent ouvrage se veut, à
son tour, apporter une pierre au maintien de
la mémoire de cette réalisation historique.
Hangar “Caquot” de Bron en 1932
Extrait de la revue “L’architecture, 1932”
Hangar “Caquot” de Bron en 2011
Photo G. Labeeuw
Démolition du hangar “Caquot” de Bron en juin 2012
Photo : SLHADA
Démolition du hangar “Caquot” de Bron en juin 2012
Photo : SLHADA
Vue aérienne du hangar “Caquot” en juin 2011
source : bing.fr
Lourdement bombardé en 1944, le hangar
fut reconstruit quasiment à l’identique, avant
de connaître quelques années plus tard des
modifications importantes, lui faisant perdre sa destination aéronautique première
au profit d’un garage pour les véhicules
d’intervention et de sécurité de la plateforme (SSLIA).
La nouvelle caserne du SSLIA de Bron inaugurée en juin 2012, juste avant la démolition du hangar Caquot.
Architectes : HB Concepts . Source : Aéroports de Lyon
Hangar en béton armé du port aérien de Bron. 1932 - 2012
Architectes : Chomel et Verrier - Entreprise : Ets. Limousin (ingénieur : Le Marec)
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Maquette d’ensemble du hangar “Caquot” de Bron (échelle 1/72ème), dans l’état de 1932
Réalisation : Maquettes HP
Extraits de la visite virtuelle réalisée par le SNIA (C. Morand) sur la base d’une modélisation numérique commandée à l’agence d’architecture ayant réalisé la nouvelle caserne SSLIA (HB Concepts).
Réalisation : SNIA & HB Concepts
Maquette de détail de la structure (échelle 1/50ème), montrant l’appui central en béton, une section de la poutre
longitudinale et la structure triangulée supportant les auvents en béton.
Réalisation : Maquettes HP
Vue intérieure de la maquette, portes ouvertes.
Réalisation : Maquettes HP
La réalisation des maquettes d’ensemble
et de structure a été confiée par Aéroports de Lyon à la société Maquettes
HP. Un travail préalable sur les quelques
documents d’époque (plans et cartes
postales) a été réalisé afin de consolider
la véracité de certains détails (pavés de
verre, portes, escaliers intérieurs).
Les avions représentés sur la maquette
ont été choisis au regard de leur
présence à un moment donné sur la
plateforme de Bron.
La réalisation d’un outil de visualisation virtuelle est un choix de la mission mémoire de la DGAC
et du SNIA, dans l’optique d’une mise à disposition du grand public sur le site internet du
ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, section transport aérien.
Cet outil de visualisation à 360° autorise une navigation à l’intérieur du hangar, à partir de
plusieurs points de vue prédéfinis mais également depuis la toiture pour mieux apprécier
l’ingéniosité des structures triangulées en béton supportant les auvents. Il est accessible en
ligne sur le site internet du ministère.
Hangar en béton armé du port aérien de Bron. 1932 - 2012
Architectes : Chomel et Verrier - Entreprise : Ets. Limousin (ingénieur : Le Marec)
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chapitre 2
1932
Repères historiques autour de la construction du premier
hangar avions à “double auvent” en béton armé
Hangar en béton armé du port aérien de Bron. 1932 - 2012
Architectes : Chomel et Verrier - Entreprise : Ets. Limousin (ingénieur : Le Marec)
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L’apport d’Albert Caquot à la production architecturale aéronautique
1928 : A. Caquot est rappelé au ministère de l’Air
Albert Caquot (Vouziers 1881-Paris 1976)
Ingénieur (X- P&C promotion 1899)
Hangars avions
Dans les débuts de l’aviation, la construction
de hangars pour le stationnement et la maintenance des avions répond à plusieurs objectifs. Les hangars doivent être clos, couverts
et permettre d’y déplacer plusieurs appareils
de taille variable. Ces exigences conduisent
après 1918 à l’utilisation des structures de portée plus importante que le type de hangar le
plus répandu alors : les “Bessonneau”.
L’implantation des hangars est déterminée
par le plan de masse des terrains. A quelques
exceptions près, comme le premier hangar
avion en béton conçu par Freyssinet en 1916
sur le camp d’Avord, les hangars ne comportent bien souvent qu’une grande porte
ouvrant sur le côté des pistes en herbe.
Quand au plan des hangars, si les formes polygonales ou circulaires sont tout à fait fonctionnelles, les raisons précédentes ont conduit
à privilégier les dispositifs rectangulaires avec
un seul pan ouvert. Avec les progrès réalisés
sur les portes de grandes dimensions, il a été
possible d’élargir les longs-pans côté ouvrant
afin de permettre la sortie directe des avions
sans déplacer les voisins, conduisant à des formats de hangars plus larges que profonds.
Albert Caquot fut considéré comme « le plus grand des
ingénieurs français vivants » pendant un demi-siècle. Doté
d’une faculté d’invention féconde et variée, son génie mécanicien et visionnaire s’appliqua aussi bien à la
construction aéronautique naissante qu’à la réalisation
d’ouvrages en béton armé, avec plus de 300 ponts et
barrages de tous types, dont plusieurs furent des records
du monde, et des œuvres de génie civil les plus variées.
(Extrait de la notice biographique d’A. Caquot sur Wikipedia)
1928 : Directeur général des
Services techniques et industriels de
l’Aéronautique au ministère de l’Air
Les liens entre Caquot et l’aviation commencèrent dès son service militaire en 1901-1902
au sein du bataillon de sapeurs aérostiers du
génie. C’est ainsi qu’en 1914, s’inspirant des
observations qu’il a pu faire sur les dirigeables
du colonel Renard, “il conçoit un nouveau
modèle de ballon captif destiné à emporter
des observateurs de l’armée de terre, qu’il
adapte pour répondre aux besoins de la
flotte anglaise. De nombreux ballons Caquot
seront utilisés par les flottes anglaise et française pendant le premier conflit mondial. Le
11 janvier 1918, Albert Caquot est nommé
Directeur technique de la Section technique
de l’aviation militaire ; dans l’exercice de
cette responsabilité il donne une impulsion
nouvelle à la conception et à la construction
en série de nouveaux appareils. “(1)
Suite à la création du ministère de l’Air en
1928, A. Caquot renoue avec le monde de
l’aviation après s’être brillamment illustré
pendant plus d’une décennie dans l’étude
et la construction de ponts mais aussi, dans le
développement de hangars pour l’aviation
Collection Musée de l’Air
et de l’Espace
militaire au sein du bureau d’étude PelnardConsidère-Caquot .
Nommé directeur général des Services Techniques et Industriels de l’Aéronautique au
ministère de l’Air le 18 octobre 1928, Caquot
innove en créant de nouvelles institutions
(Ecole Sup’aéro) et des laboratoires (Soufflerie de Chalais Meudon).
Durant les six années passées au poste de
directeur général, il développe particulièrement les réflexions autour d’une architecture
spécifique à l’aviation.
C’est ainsi qu’il est à l’origine de la conception des hangars en béton armé à double
auvent, dont le concept ne s’inspire plus
seulement des techniques éprouvées sur les
ouvrages d’art mais témoigne d’une véritable réponse fonctionnelle aux contraintes de
stationnement des avions. Les plans retrouvés
et articles de presse de l’époque donnent un
aperçu de ces hangars d’un genre nouveau
et voués à une généralisation sur de nombreux aérodromes.
(1)
A la recherche d’un nouveau type de hangar avions
Hangar “traversant” conçu par Freyssinet en 1916, sur
le camp d’aviation d’Avord. Collection personnelle
Hangars à double auvent
Avant d’être rappelé au ministère de l’Air en
1928, Caquot avait déjà réalisé avec ses associés Pelnard et Considère de nombreuses
études de hangars pour l’aviation militaire.
Les formes étudiées s’inspiraient pour une
grande part des techniques des ouvrages
d’art, telles les structures de hangars à poutre bow-string développées tout au long des
années 20.
Vers la fin des années 1920, A. Caquot développe une idée de structure entièrement
nouvelle pour l’époque, en prenant pour
exemple à nouveau le retour sur expérience
acquis sur les réalisations d’ouvrages d’art.
Extraits de la biographie de Jean et Thierry Kerisel
Schémas issus de la revue l’Architecture de 1936 (n°9)
Source : Institut Français d’Architecture
Hangar en béton armé du port aérien de Bron. 1932 - 2012
Architectes : Chomel et Verrier - Entreprise : Ets. Limousin (ingénieur : Le Marec)
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Un article de la revue l’Architecture de 1936
revient quelques années après sur les principaux avantages de ce type de hangar à
double auvent :
[Les hangars à auvent] consistent à réaliser
la couverture du rectangle, exactement
comme dans les portiques-parapluies des
chemins de fer, au moyen d’une file de
points d’appui simples ou jumelés, implantés
dans l’axe longitudinal, la toiture étant constituée par deux encorbellements.
Les progrès de la technique ont même permis, dans certaines réalisations, de supprimer
la file des points d’appui et de remplacer ces
derniers par une poutre-caisson, reposant
sur les seuls points d’appui subsistant aux extrémités, dans laquelle viennent s’encastrer
les nervures d’encorbellement.
Dans le cas du hangar à double auvent, on
utilise intégralement les bénéfices du dispositif en implantant la plus grande dimension de ces édifices normalement aux limites
du terrain.
On peut ainsi, en équipant en portes les deux
longs pans, dégager simultanément les deux
faces et, si l’on a la précaution d’écarter suffisamment l’un de l’autre deux hangars voisins, on réserve ainsi un espace de manoeuvre qui permet de déplacer les appareils
sans encombrer les pistes de circulation.
[...]
Le hanqar en béton armé présente les avantaqes d’un entretien à peu près nul et aussi
d’une grande sécurité en cas d’incendie.
Extraits d’un fac similé d’un album de plans du service des années aériennes (~ années 1930)
Collection Service Historique de la Défense
La production d’A. Caquot au sein du
ministère de l’Air
Le «Service des Bases» du ministère de l’Air,
rattaché au service dirigé par A. Caquot,
édite en décembre 1930 un album de plans
de bâtiments aéronautiques, dont un fac-similé a été retrouvé récemment dans le fonds
du musée de la base aérienne d’Avord et
versé en 2011 aux archives du Service Historique de la Défense (SHD)
Parmi les planches de l’album, deux d’entre
elles illustrent le travail exploratoire mené par
les services d’A. Caquot. La structure de ces
hangars à auvents, en béton armé, se compose d’une poutre centrale en cantilever,
reposant sur un nombre limité de portiques.
Cette poutre supporte de fins auvents en béton, dont la forme n’est pas sans rappeler les
structures des avions de l’époque.
In L’Architecture de 1936, n°9 chapitre 5
Dans les archives du bureau d’études Pelnard Considère-Caquot, on retrouve des
plans, notes de calcul et correspondances
pour des hangars à double auvent sur les
bases d’Orléans et Fréjus. Pour autant, il est
difficile de déterminer si A. Caquot a travaillé directement à la construction d’un de
ces hangars. Ceux d’Orléans sont attribués à
l’ingénieur B. Laffaille, dont des échanges de
correspondance avec le service des Bases
sont conservés à l’Institut Français d’Architecture dans le fonds Laffaille.
Extraits d’un fac similé d’un album de plans du service des années aériennes (~ années 1930)
Collection Service Historique de la Défense
La note de calcul ci-dessus relative aux efforts du vent sur les hangars à double auvent est conservée au centre d’archives du
monde du travail à Roubaix.
Les documents d’époque font référence
à une norme 9961 spécifique à l’aviation
(non retrouvée) et portent généralement le
logo du service des Bases du ministère de
l’Air et la signature de M.Garbe, directeur
du Service des Bases à l’époque.
Hangar en béton armé du port aérien de Bron. 1932 - 2012
Architectes : Chomel et Verrier - Entreprise : Ets. Limousin (ingénieur : Le Marec)
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Bron : La première réalisation du type
Octobre 1931 : démarrage des travaux
Extrait de l’article du Génie Civil de 1932 :
Le concours organisé par la Chambre de Commerce de Lyon
1931 - Les études
Le 10 septembre 1932 paraît dans la revue du
Génie Civil un article sur le «hangar à auvents
en béton armé type «Caquot»» écrit par Gaston Le Marec, ingénieur des Ets Limousin adjudicataire du marché de construction. Cet
article permet de retrouver quelques informations relatives au déroulement des études
et de la phase de travaux.
Début 1931, la Chambre de Commerce de
Lyon confie aux architectes Chomel et Verrier le soin de construire un hangar de 40x50
mètres destiné au stationnement des avions.
Ces derniers, auteurs de l’aérogare de Bron,
inaugurée le 14 décembre 1930, dressent un
avant-projet sur la base d’un programme
général établi par le Service des Bases qui
devait servir de base à un appel d’offres.
Sans en avoir retrouvé la trace, il est néanmoins fort probable que ce programme s’inspire directement des recherches de Caquot.
Dans une construction de ce genre, toute
la difficulté réside évidemment dans la réalisation des auvents et de leur support. Ces
auvents sont, en effet, soumis à des efforts
multiples : ils doivent être capable de supporter leur poids propre et les surcharges de
vent et de neige ; ils sont, d’autre part, soumis à des conditions de dilatation très dures,
car leur grande portée conduit à l’emploi
de faibles épaisseurs, plus sensibles aux variations de la température et de l’état hygrométrique de l’atmosphère. Des hourdis
plans ne pouvaient constituer une solution
acceptable qu’à la condition d’être coupés
par des joints de dilatation très rapprochés.
L’appel d’offres a dû se dérouler durant le
premier semestre 1931, car les archives de
Roubaix conservent dans le fonds Paindavoine les traces de plans d’appel d’offres
pour un hangar avions à Bron daté de
juin 1931. Il n’est donc pas impossible que
d’autres entreprises en dehors des Ets Limousin aient répondu à cette consultation.
Le marché a été attribué aux Ets Limousin,
entreprise connue dans pour la réalisation
d’ouvrages d’art mais également de hangars avions, parmi lesquels les plus connus
sont les hangars à dirigeables d’Orly conçus
par Freyssinet au début des années 20 . L’ingénieur Le Marec, au départ de Freyssinet
de l’entreprise Limousin, saura mettre à profit
les enseignements des hangars voûtes d’Orly
en proposant des améliorations des voûtes
des auvents.
[Le hangar à double auvent] comporte essentiellement une poutre-caisson centrale,
reposant sur une série de portiques qui soutient de part et d’autre de grands auvents
en porte à faux ; [...]. Il présente une largeur
totale de 50 mètres, répartis en deux auvents
de 20 mètres de portée chacun, et un caisson central de 10 mètres. Sa longueur totale
est de 40 mètres, divisé en deux travées de
20 mètres ; la hauteur libre aux extrémités des
auvents est de 8,30 m. La fermeture est assurée sur les deux longs pans par des portes
roulantes, et aux deux autres extrémités par
deux pignons, dont l’un est provisoire, ce qui
permettra l’allongement ultérieur du hangar.
L’emploi d’une série de voûtes transversales
résout parfaitement le problème de la dilatation ; il constitue, d’autre part, la solution
spécifiquement la plus légère et la plus satisfaisante.
L’ensemble des constructions des hangars
[...] par la Société des Entreprises Limousin,
montre qu’une surface ondulée conserve
parfaitement sa continuité et son étanchéité, malgré les dilatations et les retraits, aussi la
Société des Entreprises Limousin n’hésita pas
à proposer cette solution pour le hangar de
Bron.
La couverture des auvents est ainsi constituée
par une série de voûtes de 5 cm. d’épaisseur, de 6,66 m de portée, et de 0,63 m de
flèche, dont les poussées sont absorbées par
des tirants. Ces voûtes, se réunissant deux à
deux aux retombées, constituent une poutre
en forme de V d’une très grande inertie. Les
auvents sont attachés sur la poutre-caisson
à l’aide de suspentes en béton armé, au
nombre de trois, disposées en éventail au
droit de chaque poutre-noue.
llustration de l’opération de décintrement réalisée en
quatre phases le 30 mars 1932.
source : Le Génie Civil du 10 septembre 1932
Paindavoine
Hangar à dirigeables d’Orly conçu par Freyssinet et
l’entrepise Limousin (détruits en 1944).
Collection personnelle
Coupe transversale d’un projet de hangar à Bron non réalisé
(Paindavoine). Collection Centre des Archives du Monde du
Travail à Roubaix
Non retenu lors de l’appel d’offres, le projet de
l’entreprise de charpentes
métalliques fondée à Lille
en 1960 respectait la forme
des hangars à auvents
mais avec une poutre longitudinale triangulée pour
reprendre les auvents. Les
auvents n’étaient donc
pas suspendus à la poutre
caisson centrale.
Hangar en béton armé du port aérien de Bron. 1932 - 2012
Architectes : Chomel et Verrier - Entreprise : Ets. Limousin (ingénieur : Le Marec)
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automne 1932 : achèvement des travaux
Achevé à l’automne 1932, le hangar à double auvent de Bron sera finalement le premier du
genre à être construit. Mais, dans le même temps, d’autres projets du même type sont en
préparation sur les bases d’Orléans puis Marignane et Fréjus. Un aperçu de ces hangars se
trouvent dans le chapitre 3.
Vue aérienne du hangar en juin 1938
Source : Photothèque de l’IGN
Façade principale avec la première vigie
Source : Revue l’Architecture 1932
Vue intérieure depuis le centre du hangar
Source : Revue l’Architecture 1932
Vue transversale, portes ouvertes
Source : Revue l’Architecture 1932
Coupe transversale sur le pilier central
(collection Les Constructions Modernes)
Le pignon arrière
Source : Revue l’Architecture 1932
Vue depuis les auvents
Source : Revue l’Architecture 1932
Hangar en béton armé du port aérien de Bron. 1932 - 2012
Architectes : Chomel et Verrier - Entreprise : Ets. Limousin (ingénieur : Le Marec)
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De 1932 aux démolitions de1944
La reconstruction du hangar et sa transformation en garage
1932 - 1944
Dès sa construction et jusqu’en 1939, le hangar abrite des avions civils, appartenant à
des aéroclubs. On peut voir sur certaines
photos d’époque les avions suivants :
Farman 190
Collection personnelle
- Farman 190 de l’Aéro-Club du Rhône et du
Sud Est (ACRSE) immatriculé F-AJJG en service jusqu’en 1936
- Caudron C-59 immatriculé F-AIHB vu de l’arrière sur la première photo
- Morane 230 immatriculé F-ALHB appartenant au président Lumière de l’ACRSE
Le hangar Caquot en 1950, avec sa nouvelle vigie
Collection personnelle
Les travaux de réhabilitation
Caudron C-59
Source : Les constructions modernes
Malgré son état de ruine suite aux bombardements de 1944, le hangar sera finalement
réparé dans les années 1947, dans un état
quasiment identique à celui de 1932 : seuls
les pavés de verre dans les voûtes semblent
ne pas avoir été conservés. Une nouvelle
vigie a été installée sur le toit du hangar. Réhabilité, le hangar peut à nouveau accueillir
des avions de tourisme.
En 1960 (1), la décision est prise d’aménager le hangar pour les besoins du fret d’Air
France. Les portes sont dès lors supprimées et
remplacées par des maçonneries sur toute la
longueur des longs-pans. Seuls les rails de guidage haut seront conservés.
Lourdement bombardé par l’aviation
alliée le 14 août 1944, le hangar subit
des dommages importants. On voit
bien que les structures en béton, prônée par les constructeurs pour leur
résistance, n’aura pas mieux résisté
aux destructions de guerre que les
hangars métalliques.
Le hangar en 1944
Collection personnelle
Le hangar en 1944
Collection personnelle
Ces travaux marquent la fin de la destination
aéronautique du hangar, les avions ayant
été transférés sur d’autres hangars de la plateforme.
Quelques années plus tard, le hangar sera
transformé de l’intérieur avec la création
de cloisonnements et mezzanine pour les
besoins du service des pompiers (SSLIA) de
l’aéroport. On trouve la trace de ces aménagements dans le plan de la DDE 69 ci-dessous. Le hangar conservera jusqu’en 2012 sa
destination de garage pompiers.
: informations issues du bulletin de la SLHADA
(Tableau de bord) n°5 du janvier 2002, texte de P. Mathevet
(1)
Plan des aménagements intérieurs du hangar dressé par la DDE 69.
Fonds de la SLHADA
Hangar en béton armé du port aérien de Bron. 1932 - 2012
Architectes : Chomel et Verrier - Entreprise : Ets. Limousin (ingénieur : Le Marec)
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La couverture
Etat des lieux en 2011
2011
Le pignon nord et sa vigie en 2011
Photo : G. Labeeuw
La façade ouest
Photo : G. Labeeuw
Le hangar Caquot, tel qu’on pouvait encore
le voir en 2011, présentait donc un aspect
assez différent de celui d’origine ou de son
état après guerre.
L’enduit épais de couleur marron a été appliqué il y a quelques années, laissant par endroit apparaître les maçonneries en mâchefer. Ce choix de teinte sombre a conduit à
mettre en exergue ce bâtiment au sein d’un
paysage architectural de tendance plutôt
claire, mais à son détriment, les opérations
d’entretien réalisées ne pouvant remplacer
une nécessaire réhabilitation.
Le hangar en 1944
Collection : SLHADA
La couverture en coques de béton est restée quasiment dans son état de la réhabilitation d’après guerre. Seules quelques traitements de fissures et la présence de lichens
témoignent de l’agression des éléments climatiques.
Pour mémoire, ces coques de 5 cm de béton
(dans la construction d’origine), larges de
6,66m constituaient une des réponses les plus
efficaces dans les années 30 au regard de
l’étanchéité et de l’absorption de la dilatation.
Les “haubannages”
Les coques de béton, reliées entre elles par
des poutres noues servant d’évacuation,
étaient reliées à la poutre caisson centrale
via des suspentes en béton armé disposées
en éventail au droit des poutres noues. Ce
procédé de haubannage extrêment audacieux posera problème dans le temps, les
enrobages des aciers des suspentes n’étant
pas suffisant pour protéger durablement
les aciers des agressions du gel. C’est ainsi
qu’en 1987, la DDE 69 réalisa une campagne
de renfort en ajoutant des tirants en torons
d’acier.
Faute de décision forte prise pour sa pérennité dans les schémas directeurs de la plateforme des années 70, le bâtiment s’est progressivement dégradé, surtout au niveau de
sa couverture.
Un rapport du bureau d’études JPGen Facilities en a dressé un bilan très inquiétant en
2010, sans toutefois s’appuyer sur des analyses et expertises concernant le vieillissement
intrinsèque des bétons. Néanmoins, devant
les coûts annoncés pour sa réhabilitation et
son état de dégradation avancée, peu de
projets de réutilisation ont été raisonnablement étudiés.
Les suspentes en béton
Photo : G. Labeeuw
C’est ainsi que la décision de sa démolition a
été actée dans le dernier schéma directeur
de l’aéroport de Bron.
Vue des sous-faces des coques en béton.
D’anciennes infiltrations d’eaux pluviales ont généré
des coulures ternissant l’aspect des sous-faces
Photo : G. Labeeuw
Le pignon arrière. On aperçoit encore les structures
des rails des portes.
Photo : G. Labeeuw
Les bureaux à l’étage.
La disposition de la poutre caisson centrale permettait de dégager des surfaces importantes de bureau
bénéficiant d’un large accès à la lumière naturelle
Photo : G. Labeeuw
Hangar en béton armé du port aérien de Bron. 1932 - 2012
Architectes : Chomel et Verrier - Entreprise : Ets. Limousin (ingénieur : Le Marec)
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chapitre 3
autres réalisations
de hangars avions à “double auvent”
Hangar en béton armé du port aérien de Bron. 1932 - 2012
Architectes : Chomel et Verrier - Entreprise : Ets. Limousin (ingénieur : Le Marec)
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L’appropriation du type
Robert Camelot, architecte
Beaudouin & Lods, architectes
Ce projet de hangar à double
auvents, datant des années
1932, est issu de la collaboration entre l’ingénieur Laffaille
et l’architecte Robert Camelot.
On aperçoit sur les pignons du
hangar les poteaux en forme
de V, que l’ingénieur Laffaille
concrétisera sur de nombreuses
réalisations pour l’aviation ou la
SNCF.
source : Institut Français d’Architecture
Robert Camelot, Grand prix de
Rome en 1933, devient architecte en chef des bâtiments
civils et Palais Nationaux et sera
un des architectes du CNIT à la
Défense. Il faut également signaler que l’ingénieur B. Laffaille
avait participé au concours du
CNIT, qui sera finalement réalisé
avec le concours de l’ingénieur
N. Esquillan.
source : Institut Français d’Architecture
Dans le cadre du concours organisé par l’OTUA (Office technique pour l’utilisation de l’acier)
en 1933, les architectes Beaudouin et Lods imaginèrent un projet de hangar avions à appui
central unique dont les auvents circulaires étaient prévus en béton armé.
Si la forme s’éloigne des hangars à double auvent, ce projet pousse l’idée du hangar à auvents encore plus loin en imaginant un stationnement des avions tout autour du pilier central.
A. Hardy, ingénieur
On ignore à ce stade si cette réalisation de
hangars à auvent circulaire en béton a pu
s’inspirer du projet non réalisé de Beaudoin
et Lods. Les deux hangars ont été construits
en 1947 par l’ingénieur Alfred Hardy sur l’aérodrome de Grimbergen, près de Bruxelles.
Les auvents ont environ 25 m de portée et
ont une épaisseur variant de 6 à 12 cm. Réalisation peu connue en France, ces hangars
sont pourtant devenus une référence internationale.
source : Institut Français d’Architecture
Perspective (ci-dessus) et esquisses (en haut) d’un projet de hangar “Caquot” réalisé par l’architecte Robert Camelot (architecte du C.N.I.T à la Défense (92)). Collection Institut Français d’Architecture
source : Institut Français d’Architecture
source : Institut Français d’Architecture
Hangar en béton armé du port aérien de Bron. 1932 - 2012
Architectes : Chomel et Verrier - Entreprise : Ets. Limousin (ingénieur : Le Marec)
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L’appropriation du type
Bernard Laffaille, ingénieur
Esquisse (en haut) et croquis d’étude (en bas) d’un projet de hangar “Caquot” réalisé par l’ingénieur B.
Laffaille. Collection Institut Français d’Architecture, fonds Laffaille.
L’ingénieur Laffaille ne limitera pas ses réflexions sur les structures en béton, bien au
contraire.
Ses recherches sur les coques en acier ont
fait l’objet de publication scientifiques dans
les annales des Ponts et Chaussées et nombreuses sont les esquisses de hangars métalliques conservées dans le fonds Laffaille à
l’IFA.
Parmi celles-ci, on note plusieurs types de
hangars à auvents, simples ou doubles,
toutes basées sur une couverture composée
de demi-cylindres métalliques.
Des hangars utilisant ce type de couverture
ont été construits sur les bases de Cazaux et
Dijon et détruits pendant la dernière guerre.
Projet (non réalisé) de hangar métallique à double auvent pour le ministère de l’Air établi par B. Laffaille en 1936.
Collection : Institut Français d’Architecture
Bureau d’Etudes Techniques Hennebique
Le BET Hennebique, un des tous premiers
bureaux d’études à avoir développé les
structures en béton en France, a réalisé ou
participé à de nombreux appels d’offres
de hangars pour l’aviation.
Pour ce projet de hangar à auvents en béton sur la base aérienne d’Orléans, le fonds
d’archive conservés à l’Institut Français
d’Architecture permettent de comparer
les différentes réponses techniques des BET
Hennebique et de l’ingénieur Laffaille.
On retrouve également dans ce même
fonds un projet pour le hangar double auvent de Port-Lyautey (aujourd’hui Kenitra
au Maroc).
Bernard Laffaille, ingénieur de l’Ecole Centrale, s’appuie sur les concours de hangars du
ministère de l’air pour développer ses recherches sur les structures en coques de béton. Certaines de ses réalisations sont toujours visibles, comme le hangar à doubles auvents sur la base
aérienne d’Orléans. Le fonds d’archives de l’Institut Français d’Architecture conserve également de nombreuses études préalables sur les structures à auvents.
Fiche descriptive d’une étude de hangar à avions pour la
base d’Orléans, établie par le BET Hennebique. Collection
Institut Français d’Architecture
Hangar en béton armé du port aérien de Bron. 1932 - 2012
Architectes : Chomel et Verrier - Entreprise : Ets. Limousin (ingénieur : Le Marec)
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Aperçu des réalisations connues de hangar relevant du
type “Caquot”
Kénitra (Port-Lyautey) - Maroc
Rio de Janeiro - Brésil
Le hangar en 2012
source : googlemap.fr
Projet de hangar à auvent à Rio de Janeiro
source : Techniques et Architecture 1947 n°9-12
Intérieur du hangar en 1947
source : dafina.net
Le hangar en 2012
source : googlemap.fr
Le fonds d’archive du BET Hennebique à
l’IFA conserve la trace d’un projet de hangar à auvents daté de 1932. Mais l’attribution reste à confirmer. Ce hangar construit
vers 1934-1937 existait toujours en 2012.
Conçu par l’ingénieur A. de Mello-Flores
probablement vers 1939, ce hangar mesure 126 m de long et 60 m de large.
En 2012, Il semblait encore conserver une
destination aéronautique.
Hangars conçus par Bernard Laffaille
Marignane (13)
La façade principale dessinée par B. Laffaille
Collection : DGAC / SNIA
Le hangar d’Orléans en 2012
source : googlemap.fr
Détruit pendant la dernière guerre, ce
hangar a été vraisemblablement conçu
par l’ingénieur B. Laffaille en 1936, d’après
les notes de calcul conservées à l’Institut
Français d’Architecture.
Le hangar de Marignane
Collection : Photothèque nationale (IGN)
Orléans-Bricy (45)
Trois hangars étaient prévus sur cette base,
dont deux seulement ont été réalisés. Suite
aux bombardements, un seul a été conservé
puis agrandi vers 1960 pour accueillir, encore
aujourd’hui, les TRANSALL. Il est l’oeuvre de
l’ingénieur B. Laffaille. La datation de ce dernier hangar est difficile à déterminer de façon sûre, mais remonterait aux années 1933
à 1936.
Les versions métalliques
Collection personnelle
Hangar attribué à Albert Caquot
Fréjus-Saint-Raphaël (83)
Construit dans les années 19331934 par la Société des Grands
Travaux en béton armé, ce
hangar a été endommagé lors
de la catastrophe du barrage
de Malpasset et transformé depuis en base de loisirs.
Hangar métallique à double auvent, Saint-Etienne/
Bouthéon. source : L’architecture 1936 n°9
Hangar métallique à double auvent, Los Angeles 1959.
Deux exemples parmi d’autres de hangars métalliques à double auvent s’inspirant de l’invention d’A. Caquot. Le premier construit en 1934 par la Société générale d’entreprises sur
l’aéroport de Saint-Etienne-Bouthéon existe toujours. La portée des auvents reste assez limitée. Le deuxième est un hangar à Los Angeles (vers 1959) de portée beaucoup plus significative, témoignant de la possibilité d’utilisation de ce principe pour des avions d’envergure plus
grande.
On retrouve des plans de ce hangar dans les archives du fonds Pelnard
Considère Caquot au Centre des Archives du Monde du Travail à Roubaix
Collection : CAMT
Hangar en béton armé du port aérien de Bron. 1932 - 2012
Architectes : Chomel et Verrier - Entreprise : Ets. Limousin (ingénieur : Le Marec)
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chapitre 4
annexes
Hangar en béton armé du port aérien de Bron. 1932 - 2012
Architectes : Chomel et Verrier - Entreprise : Ets. Limousin (ingénieur : Le Marec)
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articles de presse de l’époque
L’Architecture, 1932
L’architecture, 1936, n°9
. Collection Institut Français d’Architecture
Hangar en béton armé du port aérien de Bron. 1932 - 2012
Architectes : Chomel et Verrier - Entreprise : Ets. Limousin (ingénieur : Le Marec)
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article de presse contemporaine
Le Progrès, 11 mars 2012
Hangar en béton armé du port aérien de Bron. 1932 - 2012
Architectes : Chomel et Verrier - Entreprise : Ets. Limousin (ingénieur : Le Marec)
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Hangar “Caquot” de Lyon Bron
1932 - 2012
Une page de l’histoire du patrimoine aéronautique français s’est tournée le 28 juin 2012
sur l’aéroport de Lyon-Bron. Construit tout juste après la première aérogare de Bron il y
a quatre-vingts ans, il n’aura pourtant fallu que quelques jours pour démolir cet édifice
considéré comme le premier exemplaire français de hangar avion en béton armé de
type “double auvent” inventé par l’ingénieur Albert Caquot.
Cet ouvrage, disponible en lecture libre, revient sur l’histoire du hangar «Caquot» de
Bron et esquisse les nombreuses réalisations de hangars avions suscitées par l’invention
d’Albert Caquot.
Guilhem Labeeuw
Ingénieur - architecte au département Bâtiments du Service National d’Ingénierie
Aéroportuaire (DGAC/SNIA).
Vice Président de l’Association « Anciens aérodromes ».
Hangar “Caquot”
histoire du premier hangar avions à “double auvent”
réalisé en France
Avec le soutien de :