transcriptions - Collège National d`Occlusodontologie

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ALLAZ A. F.
AMAT P.
BARON D.
BIOY A.
BODÉRÉ Y. T.
CARRE F.
DE LAAT A.
DELARUE J.
FOUGERONT N.
HENNEQUIN A.
JAISSON M.
KERLAN V.
KEROUÉDAN
KLÉCHA-MORIN A.
LALUQUE J. F.
LAVIGNE G.
LE MEVEL J. C.
LELIEVRE J.
MARCHAND S.
MESNAY W.
MISERY L.
PALLA S.
PENDUFF R.
PERS J. O.
ROBERT R.
WODA A.
Anne Françoise ALLAZ
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Stress et émotions: reconnaître
les contextes à risque
Président de séance : Dr Paul PIONCHON
Je vous présente ma co-présidente de séance, Myriam Chastaing. Elle est médecin psychiatre, travaille au CHU de Brest à l’unité de psychiatrie de liaison et à l’unité d’évaluation et de traitement de la
douleur. Et elle m’a appris tout à l’heure qu’elle travaillait aussi en dermatologie ce qui nous intéresse
car elle a l’occasion de voir beaucoup de patients glossodyniques. Donc Myriam, je vous cède la parole
pour présenter Anne-Françoise.
Présidente de séance : Dr Myriam CHASTAING
On est en charge Paul Pionchon et moi-même d’animer cette première partie de la matinée qui est
consacrée au stress et psychisme. La qualité des orateurs augure une séance riche et intéressante, et
la diversité des participants à cette séance de travail est aussi le reflet de la complexité de cette question. Alors il faut deux docteurs en chirurgie dentaire, un professeur de médecine interne, un professeur
de psychologie clinique, une pédiatre, une psychiatre. Tous ayant finalement pour dénominateur commun un travail autour de la douleur et un intérêt pour la question de la souffrance et du stress.
Finalement, cette table et tout le congrès illustrent la nécessité d’une approche pluridisciplinaire de la
douleur, mais aussi le caractère indissociable d’une approche globale du patient dans toutes pratiques
cliniques, pas simplement pour la douleur, et la nécessité d’éviter le clivage somatique, temporel, donc
et psychique.
Nous sommes très heureux d’accueillir Mme Allaz qui est professeur de médecine interne à Genève et
dont la réputation dans le domaine de la douleur n’est plus à faire. Alors je conseille à tous ceux qui ne
l’ont déjà fait la lecture de son livre « Le messager boiteux » qui est un ouvrage de référence qui s’appuie, on le sent bien, sur une expérience clinique très riche, un ouvrage de référence pour tous les praticiens qui s’engagent dans une approche psychosomatique de leurs patients. Alors nous allons l’écouter nous parler aujourd’hui des particularités des manifestations douloureuses dans cette sphère orofaciale qui occupe une place particulière dans notre formation corporelle. Et elle occupe une place bien
particulière parce que cette sphère occupe, vous le savez, une place privilégiée dans le développement
psychique au point que l’on a différencié un stade oral de ce développement.
Pr Anne-Françoise ALLAZ :
Je vais vous parler de l’interface entre les douleurs chroniques, le stress et les émotions et je suis particulièrement flattée qu’ils aient pensé que je sois capable de vous réveiller avec ce sujet. Donc, je vais
essayer de le faire.
Alors, je crois que comme spécialiste de la douleur, c’est surtout de douleur dont je vous parlerais , en
lien bien sûr avec le stress et les émotions . La manière dont j’ai l’intention de faire serait de vous parlez de la douleur et de ses paradigmes puisque je pense que l’on connaît relativement bien la douleur
aiguë, mais moins bien les douleurs chroniques, de parler des facteurs émotionnels qui sont liés aux
douleurs de l’ATM, de parler de stress et de traumatismes, de vous parlez des modèles psycho-physiologiques et d’aborder les attitudes thérapeutiques.
Alors commençons d’abord peut-être par la question de la douleur. Effectivement, je pense que si la
question de la douleur aiguë et de son approche des circuits douloureux est quelque chose qui est bien
connu et qui est très bien connu évidemment des dentistes et des chirurgiens maxillo-faciaux ; peutêtre que la question du syndrome douloureux chronique, la notion même de syndrome douloureux chronique est moins bien connu. Et il me parait important de souligner que lorsque l’on est algologue, spécialiste de la douleur, on a tendance à considérer la douleur chronique comme une sorte de maladie en
soi, un syndrome en soi qui est tout à fait dissocié de celui que l’on connaît avec les douleurs aiguës
où il s’agit disons d’une algie dentaire, il faut enlever la dent et la douleur disparaît. Là, on est dans un
domaine qui est tout à fait différent, celui de la chronicité d’une part, mais aussi celui de la perte de corrélation de l’intensité douloureuse ou des répercussions avec des lésions organiques. C'est-à-dire que
dans le syndrome douloureux chronique, on ne retrouve pas toujours des explications aux douleurs qui
sont présentées par le patient. Ou alors les douleurs, leur intensité, ou l’incapacité, le dysfonctionnement ne sont pas bien expliqués par les facteurs organiques ou encore les répercussions sur la vie quotidienne, l’incapacité générale de la vie des patients ou de l’invalidation ou encore la chronicité de la
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douleur ne sont pas expliqués par les traumas organiques ou mal expliqués. Et enfin, ces patients présentent une grande utilisation des systèmes de soins. Et je pense que vous le savez, ce sont des
patients qui viennent, reviennent et reviennent. Beaucoup d’études ont été faites sur le type de patient
qui utilise largement, six fois plus selon certaines études anglaises, les systèmes de santé que les
patients qui consultent habituellement. On est dans un domaine qui est très modulé par les facteurs
psycho-sociaux et effectivement lorsque l’on parle de douleurs chroniques aujourd’hui, on parle d’une
part de cette perte de corrélation, c'est-à-dire que l’on ne cherche plus à retrouver uniquement les facteurs organiques qui peuvent contribuer à la douleur, mais on cherche à comprendre les modulateurs.
Et ces modulateurs sont multifactoriels et ils sont souvent d’origine psycho-sociale. Ce qui fait que j’ai
vu dans les travaux qui ont été présenté hier, qu’il a été discuté notamment autour de la fibromyalgie,
de l’importance de cette approche que l’on appelle bio-psycho-sociale en l’occurrence ici occluso ou
dentisto-psycho-sociale. Il ne s’agit pas du tout de mettre de côté le corps ou les lésions corporelles
ou les problèmes méniscaux ou autres, mais il s’agit d’intégrer également une vision dynamique et multifonctionnelle de tous les déterminants de la douleur.
Alors, je voulais vous montrer quelques cas cliniques qui sont juste des personnes pour introduire la
discussion, du type de patient que nous voyons à la consultation de la douleur. Dans cette diapo, vous
avez un extrait de questionnaire que nous donnons aux patients qui viennent et c’est un patient qui de
toute évidence qui a des problèmes dans la sphère oro-faciale. Et comme vous le voyez, ce patient utilise beaucoup les systèmes de soins puisque le patient a vu toutes sortes de thérapeutes (ostéopathes,
magnétiseurs, physiothérapeutes), il a fait du raïki, ne me demandez pas ce que c’est, je crois que c’est
une thérapie inspirée de l’art martial. Et lorsque l’on demande au patient « quels médecins avez-vous
vu ? », vous voyez qu’il a vu des ORL, des médecins praticiens, des ostéopathes, des dentistes, des
physiothérapeutes, etc. Donc les patients nous parlent au fond de cette insécurité, et vous voyez que
le patient nous dit ici avoir reçu des explications tout à fait insuffisantes sur les causes de sa douleur,
alors même qu’il a consulté de très nombreux thérapeutes. Et on a l’impression qu’il y a comme çà
comme ça une tendance à la consultation, ce que l’on appelle le « shopping médical » qui est très
important chez ces patients à cause de l’insatisfaction sur les causalités et sur les réponses médicales
qui sont données.
Un deuxième exemple de patient qui m’a été envoyé. Je commence peut-être par les diagnostics. Donc
le médecin m’écrit « A votre demande, je vous fais parvenir les différentes thérapies qui ont été essayé
chez ce patient ». Nous y reviendrons. Mais vous voyez ici que lorsque l’on regarde les diagnostics qui
ont été évoqués auprès de ce patient sont nombreux et variés. Ce sont : névralgies essentielles du tri
jumeau, syndrome de conversion hystérique, donc on passe vraiment d’un domaine à l’autre, encombrements dentaires , algies faciales atypiques , claudication maxillaire sur artérite temporale , migraine
et algies faciales psychogènes. Et je crois que c’est tout à fait cela, le centre du type de patients qui
sont envoyés à vous et à nous les spécialistes de la douleur avec des diagnostics qui vont dans tous
les sens et cette errance diagnostique évidemment, elle n’est à blâmer à personne. Il est extrêmement
difficile de faire face à des patients qui présentent des douleurs pour lesquelles il n’y a pas d’explication organique et pour lesquelles, chacun donne , si j’ose dire dans un monde comme le vôtre très orofacial, sa langue au chat. Les thérapeutiques qui ont été essayées sont souvent des thérapeutiques
classiques de douleurs neurogènes ou de douleurs nociceptives, je ne vais pas m’y arrêter, ne serait ce
que pour montrer que chacun essaye de faire quelque chose et que l’on est toujours en échec et que
l’on est toujours dans les errances diagnostiques.
Alors pour insister encore si c’était nécessaire sur l’importance des aspects psycho-sociaux dans les
problèmes d’occlusodontologie, je vous ai mis ici quelques citations de collègues à vous que l’on trouve
dans la littérature. Et j’ai été extrêmement frappée de voir la richesse des documents et des rapports
sur le domaine psycho-social dans le domaine de la dentisterie, des problèmes de l’ATM. C’est très
impressionnant et il semble y avoir une augmentation vraiment massive de l’intérêt, comme le montre
d’ailleurs ce congrès, dans ce domaine. Alors ce que disent par exemple Turner et Dworkin. Dworkin
est quelqu’un qui semble avoir énormément publié sur le domaine des douleurs de l’ATM et ses aspects
psycho-sociaux, les patients avec des douleurs de l’ATM sont très différents en ce qui concerne le
niveau de la douleur, l’incapacité liée à la douleur et la détresse, mais les trouvailles physiques, organiques ne semblent pas expliquer ces différences. Et ensuite des chercheurs ont montré, ont démontré,
que des problèmes des troubles psychologiques ou psychopathologiques sévères sont fréquents chez
les patients avec des problèmes de l’ATM. Et quelqu’un d’autre, Vickers qui a beaucoup écrit sur ce
sujet, la douleur oro-faciale chronique est un problème bio-psycho-social. Alors, c’est très bien parce
que ça me permet à moi d’entrer là dedans.
Co-morbidités psychosociales associées aux douleurs de l’ATM. Au fond, les grands domaines que j’aimerais bien traiter, c’est l’anxiété, la dépression, la somatisation, on pourra peut-être s’y arrêter un peu,
le traumatisme et le stress. Tout ceci parce que tous ces éléments psychopathologiques induisent une
modification de l’intensité douloureuse et une modification des réponses au traitement. Alors arrêtons
nous d’abord sur l’anxiété. Je commence d’abord par l’anxiété parce qu’il est frappant pour quelqu’un
qui s’occupe de douleurs chroniques de voir que les phénomènes anxieux sont extrêmement prévalent
dans les douleurs de l’articulation temporo-mandibulaire ou dans les douleurs oro-faciales atypiques.
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Et ceci est étonnant parce que dans les autres syndromes douloureux chroniques, on a beaucoup plus
de prévalence de la dépression et beaucoup moins de l’anxiété que dans votre domaine. Et je pense
que c’est quelque chose à souligner. La prévalence de l’association entre troubles de l’ATM et anxiété
et haute parce que entre 30 % à 50 % des patients dans plusieurs études à mon avis extrêmement bien
menées et publiées dans de très bons journaux. Maintenant, ce qu’il est intéressant de constater, c’est
que c’est plus souvent dans les dysfonctions temporo-mandibulaires ou dans les douleurs faciales atypiques que l’on retrouve des problèmes de panique, d’agoraphobie, de vulnérabilité au stress plus que
lorsqu’il y a un phénomène organique documenté comme une lésion méniscale. Donc on est bien dans
le domaine des douleurs médicalement inexpliquées ou médicalement insuffisamment expliquées.
Maintenant, que fait l’anxiété ? Elle modifie clairement les éprouvés du corps, c'est-à-dire qu’elle modifie la manière dont on ressent la douleur, elle modifie quand c’est documenté par des études, par exemple le « muscle tenderness score » et d’autres scores et ceci a été démontré largement dans la littérature que j’ai lu dans votre domaine et en plus, l’anxiété induit une conviction d’atteinte organique. Les
patients sont sûrs qu’il doit y avoir quelque chose et c’est pour cela qu’ils viennent et reviennent vous
voir ou voir d’autres collègues, les uns après les autres pour chercher une explication. Donc il y a ce
sentiment qu’il y a quelque chose, mais il y a aussi une augmentation de la sensibilité musculaire et une
diffusion de la région douloureuse aussi. Et ceci est bien explicable psycho-physiologiquement parce
que vous savez que l’anxiété est un des facteurs qui modifie le seuil de la douleur, qui abaisse le seuil
de la douleur. Ce qui explique tout à fait bien que lorsque le seuil de la douleur est baissé, une sensation qui pourrait être autrefois banalisée ne l’est plus, d’autant plus que l’on est anxieux et les personnes anxieuses n’arrivent pas à banaliser les sensations qui peuvent autrement être ressenties comme
plus ou moins habituelles par des gens qui ne sont pas anxieux. Ce qui est intéressant dans votre
domaine, dans les douleurs de l’ATM en particulier, c’est que les patients se sentent anxieux et ils ont
le sentiment de perte de contrôle. Je le souligne parce que dans le domaine de la douleur chronique,
les patients nient leur anxiété. « Non, non. Tout va bien, je ne me sens pas anxieux. » Alors que là, on
est dans un domaine où les gens le disent et l’expriment : « je me sens anxieux ». L’anxiété est donc
un des domaines où les émotions ont avoir avec la diffusion de la douleur, son intensité, son ressenti et
le sentiment qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Je vous illustre ça par un magnifique triptyque de
Francis Bacon qui est un peintre anglais comme vous le savez. C’est un triptyque que j’ai vu à Paris au
musée de Picasso. Je ne sais pas s’il fait partie de la collection. Si jamais, c’est là bas que vous pourriez le retrouver.
Dépression. Deuxième grand domaine de la physiopathologie et de l’association entre émotion et douleur chronique. Alors l’association est fréquente et ceci est tout à fait classique, c’est la même chose
dans tous les syndromes douloureux chroniques, vous avez entendu parler de fibromyalgie hier, l’association par exemple avec la dépression est fréquente et donc tous les syndromes douloureux chroniques, l’association entre la douleur chronique et la dépression est reconnue comme étant largement de
50 %. Dans le domaine des ATM, il est intéressant de voir que c’est de nouveau plus les syndromes
algo-dysfonctionnels, que les lésions documentées qui font le lit de la dépression, qui sont associé à la
dépression. La dépression, vous le savez bien, c’est évident, modifie l’expérience douloureuse très clairement, c'est-à-dire que les gens se sentent, ça ne suffit pas, ça ne va pas, il y a quelque chose de très
pessimiste évidemment chez le déprimé. Un autre point qui est important, qui contribue certainement
à la diminution du seuil douloureux, c’est l’association à des problèmes de fatigue et de sommeil. Les
patients déprimés présentent souvent leur problématique de manière, on va dire, neurovégétative et
cela passe souvent par des problèmes de sommeil et de grande fatigue que les patients peuvent nous
décrire et qui son aussi une alerte pour le clinicien lorsque les patients se déclarent très fatigués ou dormir très mal, il faut tenter de penser à la dépression. La dépression est un prédicteur de chronicisation
des douleurs, vous m’excuserez le néologisme. J’utilise ça parce que le Fonds National de la Recherche
Suisse accepte le terme de chronicisation, j’espère que la France pourra nous suivre. Je ne sais pas
comment dire « devenir chronique » en français. Donc prédicteur de chronicisation dans le cadre de la
douleur, on est comme dans le cadre de l’anxiété sur une documentation claire d’un abaissement du
seuil de la douleur, donc là aussi la dépression abaisse le seuil de la douleur. Ceci a été largement documenté et c’est probablement le mécanisme physiopathologique qui explique pourquoi les patients
déprimés se plaignent tellement souvent de douleurs chroniques.
Maintenant, il me semble intéressant d’introduire autour de la question de la dépression, la notion de
somatisation qui est une notion je pense très importante dans le domaine des douleurs chroniques. Ici,
une illustration, c’est Kelkolwitz qui est une peintre de l’époque de Rubens et c’est une image qui est
au musée de Bâle. Tendance à la somatisation disais-je donc, la tendance, la somatisation est définie
comme l’expression d’une détresse intrapsychique ou psychosociale dans un langage de plaintes corporelles, en particulier la douleur, suivie d’une consultation médicale. C'est-à-dire que la détresse, la difficulté intrapsychique ou psychosociale se manifeste non pas en terme de « je craque, je n’en peux
plus, je suis triste, je n’ai plus de désir », mais elle se manifeste en termes de « j’ai mal ». Et ceci est
une tendance tout à fait prévalente dans les consultations. Nous voyons beaucoup de patients qui présentent ce phénomène de somatisation et je pense que ce phénomène de somatisation est souvent au
fond la manière de présenter une détresse, la manière de dire « ça ne va pas, je craque. »
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Alors ce mal-être est exprimé sous forme de plaintes. Il est reconnu de manière tout à fait claire comme
la plainte la plus fréquente de la somatisation, ce sont des douleurs, pas forcément de l’ATM, mais les
douleurs sont un mode de somatisation extrêmement important. Les personnes qui présentent cette
manière de présenter leur détresse sont souvent, auraient des difficultés à identifier et exprimer leurs
émotions, c'est-à-dire qu’ils ont de la difficulté à saisir que ce qu’il se passe est un déterminant émotionnel. Ca n’est pas toujours le cas, mais c’est souvent le cas. Il y a très souvent une conviction d’une
atteinte somatique. Le patient ne lâche pas cette idée, c’est là que ça se passe, « aidez moi et aidez
moi avec le corps », je pense que Antoine Bioy vous en parlera ensuite par rapport aux thérapeutiques
du corps, comment il faut passer par le corps pour répondre à ces patients. Les patients qui ont une
tendance à la somatisation n’ont pas mal que dans l’articulation temporo-mandibulaire ou dans la face,
mais ils ont en général de très nombreuses plaintes somatiques qui sont mal expliquées, qui ne sont
pas toujours inexpliquées , mais les trouvailles organiques n’expliquent pas la gravité de ce qui arrive à
ces patients ni l’intensité de la douleur présentée. Enfin, ce sont des patients qui utilisent énormément
les systèmes de soins. Je l’ai déjà mentionné à propos du cas que je vous ai montré.
Alors, ATM et somatisation. Est-ce que ce domaine vous touche ? Oui, il vous touche et c’est tout à
fait frappant de voir que l’association est tellement fréquente que je cite en l’occurrence Shermann,
c’est dans Psychosomatic Medicine, qui dit que c’est la règle plutôt que l’exception. Alors, je ne sais
pas, mais je sais en tout cas que la documentation sur la présence de traits de somatisation dans le
domaine des douleurs faciales atypiques et dans le domaine de l’articulation temporo-mandibulaire est
vraiment présent dans la littérature. Une fois de plus, c’est plus dans le domaine des SADAM que
lorsqu’il y a une lésion documentée, notamment des ménisques. La somatisation augmente la douleur
et les scores douloureux augmentent surtout l’attention de la zone douloureuse. Les gens sont très fixés
sur leurs zones douloureuses et puis dans le cadre de la somatisation, on rencontre cette sensibilisation générale à la douleur ; au fond, une sorte d’état d’abaissement du seuil douloureux si vous voulez
qui fait que les gens vont saisir tout ce qui les traverse comme quelque chose qui est pathologique, qui
est avec une grande anxiété et souvent une très grande incapacité à banaliser ce qui leur arrive. Les
problèmes associés à la somatisation sont souvent des problèmes de céphalées, des problèmes digestifs, des problèmes diffus. J’y reviendrais lorsque je parlerai de l’association des douleurs de l’ATM avec
la fibromyalgie, avec les autres symptômes inexpliqués.
Dernier point, l’association aux traumatismes et au stress qui est le centre de votre congrès d’aujourd’hui. Alors, il y a des études que je trouve personnellement très étonnantes qui montrent que dans
le cadre des patients qui ont des troubles de l’articulation temporo-mandibulaires, des « stresseurs »
-j’ai mis le terme anglais parce que c’est impressionnant- des « stresseurs » traumatiques sévères,
majeurs sont associés aux douleurs de l’ATM dans 50 % des cas. C’est une étude de De Leuw sur 1200
patients avec des douleurs de l’articulation temporo-mandibulaire. Alors bien sûr, qu’est ce que ça veut
dire un stresseur traumatique sévère ? C’est difficile à dire. Toujours est il que l’association des douleurs de l’ATM avec des évènements traumatiques est quelque chose qu’il faut retenir quelque soit les
pourcentages de prévalences associées, je dirais. Maintenant, la présence d’un syndrome de stress
post-traumatique avéré, je vais le définir, est aussi importante puisque c’est 10 à 15 % des patients qui
se plaignent de douleurs de l’ATM. Alors le syndrome du stress post-traumatique, c’est au fond des
reviviscences d’un évènement traumatique, la perte de sommeil, des cauchemars et le sentiment d’être
toujours dans un traumatisme actif, mais dans la définition internationale, c’est lorsqu’il y a eu un traumatisme d’une intensité exceptionnelle. C’est par exemple un accident de voiture où vous vous êtes
crashé contre la vitre, etc. ou un tremblement de terre ou des choses comme ça. Alors, je trouve que
les prévalences qui sont données dans la littérature sont très importantes et je ne sais pas les critères
qui ont été utilisés pour garder un diagnostic de syndrome de stress post-traumatique classique. Mais
néanmoins, ce sont des études publiées dans de très bons journaux et peut-être que nous sous-estimons l’importance des évènements traumatiques chez les patients qui souffrent de douleurs de l’ATM.
Je crois qu’il est important de réaliser que ce que l’on voit cliniquement alors avec certitude, c’est la
fréquence de ces vécus traumatiques, d’expériences traumatiques donc chez le patient y compris suite
à des opérations ou à des extractions dentaires. Et dans les consultations de la douleur, nous voyons
des patients qui attribuent tous leurs problèmes à une intervention dentaire, à une opération maxillofaciale. Et l’on voit des patients qui sont auparavant très plaintifs, mais enfin « équilibrés » qui tout à
coup après une opération de prognathisme, pré-prognathisme deviennent extraordinairement habités
de douleurs, extraordinairement habités de colère, extraordinairement habités de l’impression que
depuis cette opération « tout va mal, j’ai mal à la tête, j’ai mal à la nuque, je ne peux plus me concentrer » etc… Et au fond, on a l’impression qu’il y a une sorte de cristallisation sur les évènements traumatiques. Alors pardonnez moi d’appeler une opération un évènement traumatique parce qu’une opération, c’est évidemment un évènement salvateur et utile et il n’est pas question de remettre ça en question. Mais enfin, c’est aussi un évènement à valeur traumatique pour certains patients. Et si je vous en
parle ainsi, c’est parce que je crois qu’il y a une grande prudence dans les indications d’être très attentif de savoir si ce problème (s’ils sont prognathiques, je vous parle de ça et je vois souvent ce type de
patient, vraiment auquel le patient attribue ses incapacités sociales, etc…) doit être pris en charge de
manière chirurgicale ou est ce que l’on doit accompagner le patient à faire une adaptation à sa problématique ? Je pense que vous avez rencontré des patients qui après une intervention deviennent très
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revendicateurs, très agressifs et certainement ceci justifie d’être attentif. Il y a ce sentiment d’être une
victime après certaines interventions où le patient attribue à son dentiste, à son maxillo-facial tous les
maux de la Terre avec une forte tonalité de revendication. Souvent, on est dans une situation de avant
/ après. (Excusez-moi, il n’y a pas de 7, mais une barre oblique évidemment.) Avant l’accident, tout allait
bien ou avant l’opération, tout allait bien, avant l’extraction dentaire, tout allait bien et « depuis mon
intervention, je ne peux plus » etc. Je crois que ceci est important à reconnaître puisque les opérations
même parfaitement faites en termes techniques peuvent déstabiliser de manière majeure des patients
et modifier des équilibres précaires. J’imagine que vous avez rencontré ce type de patient. Ici l’avant /
après toujours d’après Francis Bacon, l’avant / après, j’ai mis la montre sur l’ATM, en fait ce n’est pas
moi qui l’est mise, c’est lui qui l’a mise, mais vous voyez ici cette idée de avant, tout allait bien et après
le monde se désorganise.
Le rôle du stress. Vous en avez entendu parler largement hier et je ne voudrais pas y revenir, si ce n’est
pour dire que le stress perçu par les patients est associé à une augmentation de la sensibilité à la douleur, que le stress augmente l’apparition de douleur de l’articulation temporo-mandibulaire de 2 à 3 fois
et que le stress, c’est quelque chose qui est très individuel et culturel. Ce que l’on considère comme un
stress, je pense, est quelque chose qui doit être bien défini avec les patients parce que parfois il peut
nous sembler banal de ce que les patients racontent comme stressant, peut être banal pour nous, mais
pour certains, ça ne l’est pas du tout. Et alors, les deux choses que je voulais dire, c’est que les conditions stressantes, enfin, ce qui est considéré comme un stress ou ce qui est défini comme un stress,
est très dépendant de l’individu et très dépendant de la culture, mais aussi qu’il y a beaucoup d’études
qui montrent que les « daily hassles », les petits ennuis du quotidien, les petits stress du quotidien sont
beaucoup plus pathogènes que le grand stress. Ca n’est pas forcément le gros accident ou le licenciement (ça peut être) qui induit un problème, c’est plus le mobile ou le sentiment d’être maltraité au quotidien et finalement, on a un petit évènement, ça peut être une extraction dentaire et là-dessus se cristallise l’ensemble du problème. Donc être attentif à ce point là, c'est-à-dire qu’il n’y a pas forcément un
grand stress, mais parfois beaucoup de petits stress quotidiens, une insatisfaction dans sa vie, sont
tout à fait des facteurs pathogènes et largement décrits dans le domaine de la douleur. Hippocrate qui
est quand même notre maître depuis toujours disait « L’usure des dents reflète bien le désarroi de
l’âme. » Et je trouve que c’est une très jolie phrase.
Facteurs de risque. Les risques de développer des douleurs de l’ATM. Mais alors, c’est un résumé de
ce que je viens de dire. Une étude très intéressante faite par Le Resche sur 2000 enfants de 11 ans qui
ont été suivi pendant trois ans, a montré que le développement de douleurs de l’articulation temporomandibulaire est lié à la présence de douleurs ailleurs, dans un autre lieu, à la tendance à la somatisation dont nous avons parlé et à l’insatisfaction générale avec sa vie. On est bien là dans le domaine
d’une sorte de stress chronique qui augmente quatre fois la chance de développer des douleurs de l’articulation temporo-mandibulaire. Une autre étude chez les adolescents a été menée par Bome Jardin
qui montre les mêmes déterminants. Donc les problèmes psychopathologiques sont associés à la chronicisation des douleurs et les déterminants de chronicisation ont été bien décrits. Vous le savez, c’est
le sexe féminin, le fait d’avoir des douleurs très intenses, le fait d’avoir des tendances à la somatisation,
cette particularité que l’on va appeler anglo-américaine qui est le catastrophisme ; en fait, c’est un
déterminant comportemental et cognitivo-comportemental qui est une tendance à globaliser les expériences, c'est-à-dire à ressentir comme absolument catastrophique ce qui arrive. « Je ne peux plus rien
faire. » Alors que l’on peut encore faire beaucoup de choses, mais la personne va rendre, va avoir une
vision extrêmement catastrophique de sa problématique, qui pour moi est quand même très fortement
lié à la dépression. Et puis, les difficultés de coping, les difficultés à faire face, c'est-à-dire des gens qui
ont des difficultés d’adaptation à la situation. Donc on sent bien que l’on est dans un domaine où au
fond les personnes qui ont des difficultés psychologiques, que ce soit l’anxiété, que ce soit la dépression, que ce soit une tendance à la somatisation, que ce soit des difficultés d’adaptation, sont des gens
qui vont présenter en plus souvent des douleurs de l’articulation temporo-mandibulaire d’une part et
des douleurs plus chroniques et plus difficiles à traiter.
Alors, est ce que les douleurs de l’ATM sont isolées ? Non, elles sont très souvent associées et à d’autres syndromes fonctionnels. Vous avez entendu parler hier de la fibromyalgie dont je ne reviens pas sur
la définition, mais les recoupements sont extrêmement nombreux entre les douleurs de l’ATM et les
autres syndromes fonctionnels, en particulier la fibromyalgie. Alors, qu’est ce qui est commun ? Cette
sensibilité générale à la douleur, avec des troubles du sommeil et des troubles de la concentration, souvent des céphalées, c’est la co-morbidité avec la psychopathologie, notamment l’anxiété et la dépression, mais l’anxiété est prévalente dans les troubles fonctionnels et puis des associations de syndromes. Des patients qui ont une fibromyalgie ont souvent aussi des douleurs de l’ATM comme ils ont souvent aussi des céphalées inexplicables, comme ils ont souvent des troubles digestifs fonctionnels. Et je
crois que c’est important à reconnaître. C'est-à-dire que souvent quand on est face à ces patients qui
présentent des plaintes chroniques médicalement mal expliquées, on est souvent dans une situation
d’abaissement extrêmement important des seuils de la douleur, de sensibilisation à la douleur. Et il y a
des études physiopathologiques très bien documentées aujourd’hui qui tentent à montrer qu’il y a une
sorte de ce que l’on appelle « central sensitization », de sensibilisation centrale d’un abaissement cen-
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tral des seuils de la douleur, en particulier dans la fibromyalgie.
Alors, je crois que lorsque vous êtes confrontés à des patients qui ont des douleurs chroniques inexplicables, en dehors des éléments psychopathologiques que nous avons discuté, il est peut-être intéressant de savoir si on n’est pas dans un contexte général de douleur et d’abaissement du seuil de la douleur. Une vision multifactorielle, je crois que cela a été largement discuté tous ces jours, mais les déterminants qui existent pour expliquer les douleurs de l’ATM ne sont pas que psychologiques, je ré insiste
fortement la dessus. Les problèmes d’occlusion existent, les problèmes de para-fonctions existent,
mais ils n’expliquent pas l’entièreté des problèmes et je crois qu’il faut être bien conscient que la
réponse que par les réponses que vous avez à donner, que ce soit de la physiothérapie ou des gouttières ou autres, ou des corrections existent et elles sont bonnes, mais elles ne doivent pas résumer la
réponse qui est donné au patient. La question des déterminants psychosociaux est importante et ces
déterminants psychosociaux qui sont clairement établis posent le problème de savoir si ce sont des
problèmes étiologiques ou est ce que ce sont des facteurs de maintien. C’est très difficile de savoir lorsque l’on rencontre un patient de savoir si c’est son état dépressif qui induit une douleur chronique ou
si c’est sa douleur chronique qui induit un état dépressif. Ca n’est pas forcément si important de déterminer ça. Ce qu’il est important de faire, c’est de prendre en compte le patient de manière bien globale
et bien large en étant clair sur la possibilité qu’il y ait une somatisation. C'est-à-dire cette tendance à
présenter des plaintes somatiques en tenant compte du vécu douloureux et en ne réduisant pas la problématique comme des problèmes uniquement organiques puisque dans votre domaine, il est largement documenté qu’ils n’expliquent pas l’ensemble de la douleur. Alors, ce diagramme, je ne vais pas
y revenir parce que je pense qu’il ne soit pas suffisamment lisible, mais vous l’aurez dans les diapositives. C’est un diagramme qui insiste énormément sur le fait qu’il y a des dimensions multifactorielles
dont une des cases est celle des para-fonctions et celle du bruxisme ou d’autres choses de ce genrelà. Mais les autres cases sont, ont avoir avec le vécu douloureux, avec la psychopathologie, avec le ressenti de la douleur, avec les abaissements de seuil et je crois qu’il est important de retenir qu’aujourd’hui
une vision globale du patient doit tenir compte de l’ensemble de ces dimensions.
En résumé, quelques points à retenir : la psychopathologie est prévalente dans le domaine des douleurs de l’ATM et ceci est plus ou moins identique à celle que l’on rencontre dans tous les autres syndromes douloureux chroniques à part le fait que j’ai mentionné qui est qu’il y a plus de prévalence dans
l’anxiété que dans les autres syndromes douloureux chroniques. La psychopathologie est la plus fréquente associée aux douleurs de l’ATM, c’est la dépression, l’anxiété et cette tendance à la somatisation dont j’imagine qu’Antoine Bioy vous reparlera. Il y a chez ces patients qui ont des douleurs chroniques, une sensibilité particulière à la douleur et souvent cette sensibilité particulière à la douleur peut
être associée aux autres syndromes fonctionnels associés. C’est une espèce de tendance générale à
ressentir les expériences du corps comme douloureuses et préoccupantes. Est-ce que les facteurs psychopathologiques associés ou les facteurs émotionnels associés sont des facteurs étiologiques ou de
maintien ? Au fond, je crois qu’il est surtout utile de les considérer comme des modulateurs de la
plainte et de la demande de soins. Et enfin, j’aimerai insister sur cette complexité du ressenti et de
l’adaptation à la douleur qui ne dépend pas que des éléments organiques.
Alors que faites vous lorsque vous êtes confrontés à un patients qui a des douleurs de l’ATM ? Ca, c’est
une sculpture qui vient du musée de l’art brut à Lausanne et je trouve cet alligator – poisson magnifique.
Approches thérapeutiques : vous êtes des thérapeutes du corps, il faut rester des thérapeutes du
corps. Les patients viennent vous interpeller parce que vous êtes dentiste, parce que vous êtes chirurgien maxillo-facial, parce que vous avez des compétences dans ce domaine. Et je crois qu’il ne s’agit
pas de se déloger de sa position personnelle et de ses compétences. Mais il faut même si on est un
excellent thérapeute du corps se situer dans une vision multidimensionnelle dont je vous ai parlé. Et je
crois que si je peux faire un plaidoyer c’est surtout sur l’importance de l’aspect relationnel et de l’évaluation, notamment le fait d’accepter la plainte et les symptômes comme ils viennent, ça n’est pas toujours explicable, ça n’est pas toujours quelque chose que vous allez pouvoir guérir, mais c’est quelque
chose qui est présenté. Décoder la plainte, c'est-à-dire aller un peu plus loin que la première plainte
parce que si on répond trop vite à ces patients, on risque d’entrer dans la iatrogénie, en intervenant trop
vite alors que la demande qui est là est une demande très régressive, une demande de réassurance
plutôt qu’une demande d’action. Evaluer soigneusement la douleur : on doit aujourd’hui avoir des évaluations de la douleur des patients que l’on voit et ce n’est pas seulement la douleur maintenant, mais
c’est la douleur ces dernières semaines, les meilleurs moments, les moins bons moments. Identifier les
dimensions psychopathologiques majeures qui sont anxiété, dépression et somatisation et éventuellement les traumatismes. Savoir reconnaître la somatisation , c'est-à-dire derrière cette plainte qui ne
vous parait pas correspondre à une lésion qui explique la douleur. Est-ce qu’il n’y a pas aussi des troubles du sommeil ? Est-ce qu’il n’y a pas aussi des plaintes plus générales ? Est-ce que l’on n’est pas
dans une tendance générale d’une pathologie de la plainte si vous voulez ? Et enfin, ne pas rejeter le
patient en cas d’échec. C’est un point très délicat pour les patients de trouver des thérapeutes dans le
domaine de la plainte qu’ils présentent et que ce thérapeute malgré son sentiment parfois d’impuissance, ne le lâche pas, continue à le voir, continue à l’examiner, continue à être présent pour lui. On est
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dans le domaine de la chronicité avec les douleurs chroniques donc on change de paradigme de soin,
c'est-à-dire que l’on change des paradigmes du curatif qui est un paradigme qui est très utile dans un
certain nombre de cas, mais dans les cas chroniques souvent on passe plus souvent vers l’accompagnement et je cite ici le titre d’une publication de Stohler sur la prise en charge des patients avec des
douleurs temporo-mandibulaires qui fait un plaidoyer pour une approche low-tech, haute prudence. Je
trouve que c’est joliment dit.
Le travail qui va être fait avec ces patients sera par contre un travail d’éducation et de contrôle.
Comment peuvent-ils apprendre à gérer les récidives, les crises les plus aiguës ? Comment peuventils apprendre à faire des exercices ? Comment peuvent-ils apprendre à utiliser les petits trucs personnels que l’on peut renforcer ? Et puis peut-être faut il faire parfois des suivis conjoints avec des psychothérapeutes ou référer à un psychothérapeute ? Ca n’est pas facile la référence à un psychothérapeute chez les patients souvent extrêmement défensifs sur la vision psychologique. C'est-à-dire, ce
sont des gens qui vous disent « je ne suis pas fou ». Je pense que c’est plus au patient de…, sur les
répercussions, « la souffrance que vous présenter m’impressionne, j’ai l’impression que votre moral est
très touché par ce qui vous arrive. J’aimerai vous aider à gérer les troubles du sommeil et de la concentration qui pourraient être pris en charge par un collègue à moi », sans pour autant rejeter le patient,
c'est-à-dire qu’il faut faire revenir le patient et continuer à le suivre, parfois dans des traitements de très
longue durée. Et enfin, identifier ses sentiments, ce sont des patients qui peuvent nous mettre dans des
sentiments d’échec important, ils peuvent nous agacer, ils peuvent nous donner l’impression qu’il ne
sont pas du tout dans la bonne escarcelle. Et qu’est ce qu’ils font chez moi ? Alors que je sens bien
que le problème se passe au niveau de l’anxiété et du stress de la vie quotidienne, mais c’est vous qui
avez été interpellé et je crois que le suivi ou l’offre de pouvoir aider le patient, d’être à disposition, est
quelque chose qui est important. Ce sont des personnes qui sont extraordinairement sensibles au rejet
et le rejet induit l’iatrogénie parce que vous allez trouver un collègue à côté de vous qui va tout de suite
intervenir et on sera souvent dans des catastrophes.
Je termine avec les approches spécifiques psychothérapeutiques. Je crois que la première approche
psychothérapeutique, c’est quelque chose que vous faites tous les jours. C’est une écoute empathique.
Et l’écoute empathique, vous savez l’empathie, c’est la capacité à nommer l’émotion de l’autre. Alors
vous n’allez pas dire « je vous trouve anxieux », ce qui serait parfaitement inadéquat. Mais c’est « je
me demande si vous n’êtes pas un peu stressé ? » Vous allez plusieurs crans en dessous de l’émotion que vous identifiez, mais vous ne laisser pas passer les évènements émotionnels qui vous impressionnent ou que vous voyez, ou qui sont évidents. Il y a à les commenter, à marquer que vous avez bien
entendu cette dimension de la plainte. Le domaine du bio-feedback et de la relaxation va être traité,
donc je n’y reviendrais pas, mais je crois que les approches corporelles de passer par le corps chez les
patients qui vous présentent des plaintes dans le corps sont des approches beaucoup plus utiles souvent, en tout cas dans un premier temps, que les approches psychothérapeutiques verbales. Et puis,
les thérapies cognitivo-comportementales qui travaillent l’adaptation de la personne, qui vont travailler
surtout à tenter de renforcer les défenses que les patients ont et la capacité à s’adapter et à changer
de comportement, à ne pas interpréter comme catastrophique tout ce qui arrive, sont des approches
qui sont documentées pour être utiles. Il y a des études qui montrent les interventions précoces qui utilisent des thérapies proches du corps mais qui ont une odeur si je puis dire psychothérapeutique
comme le bio feed back et la relaxation ou les thérapies cognitivo-comportementales sont efficaces sur
le nombre de consultation, sur la détresse émotionnelle et sur les capacités à faire face.
Voilà, je vous laisse maintenant avec une petite bibliographie. Il y aurait beaucoup d’auteurs à citer.
Pr Alain WODA :
Oui, j’étais très admiratif de la façon délicate avec laquelle vous avez su rentrer en contact avec notre
discipline. Je voulais vous poser une question concernant la somatisation, enfin ça ne me laisse pas
tranquille. Parce que quelque part, j’y vois un raisonnement un peu redondant. C'est-à-dire, on a affaire
à des gens qui ont mal dans le corps et on dit qu’ils ont une somatisation parce qu’ils ont mal au corps.
Pour vous, est ce que c’est vraiment clair qu’il y a une différence avec simplement le contexte anxio
dépressif chez des gens douloureux chroniques qui ont forcément mal quelque part ?
Pr Anne-Françoise ALLAZ :
Non. C’est tout à fait clair que si vous voulez, la notion de somatisation n’a d’utilité que pour permettre
peut-être d’être plus empathique face à des patients qui présentent souvent des problèmes anxio
dépressifs ou de stress psychosocial très très importants et simplement, comment se fait il que cette
personne vienne avec des plaintes … ? Je me mets dans la position du thérapeute qui reçoit une
plainte, une plainte répétitive, etc. Je cherche une étiologie organique, n’en trouve pas. Et dis « vous
n’avez rien ». Ca n’est pas vrai. Les patients ont quelque chose. Ils ont mal d’abord et quand les gens
disent qu’ils ont mal, ils ont mal. Mais en plus, souvent, ils ont un état anxieux ou une dépression ou
d’autres phénomènes psychosociaux qui se manifestent par une plainte douloureuse. Donc je ne dissocierai absolument pas la somatisation, les autres phénomènes psychopathologiques. Somatisation,
c’est très compliqué parce qu’il y a des spectres très importants d’expression. On a souvent des phénomènes organiques amplifiés. Il est rare qu’il n’y ait rien. Moi, dans des milliers de patients que j’ai vu,
je n’ai pratiquement jamais vu un patient, et pourtant on m’envoie des cas psy, je n’ai pratiquement
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jamais vu un patient qui n’avait pas de lésion organique. Il y a toujours quelque chose. Ce qui pose problème, c’est la manière dont le patient le ressent, le vit, l’exprime et n’arrive pas y faire face, si vous
voulez. Donc la somatisation n’est pas quelque chose qui existe en soi, même s’il y a des gens qui en
font une entité en soi, qu’il y a des échelles de somatisation, des échelles de toute sorte autour de la
somatisation. Mais c’est un phénomène associé, une manière d’exprimer la plainte qui fait parti de la
normalité humaine. Nous exprimons nos souffrances non seulement par « je suis triste » ou « je vais
mal », mais aussi parfois par l’estomac noué, par la gorge serrée, par des céphalées ou d’autres troubles organiques. Je crois que ce que je voudrais bien défendre, c’est que la somatisation n’est pas quelque chose que l’on doit rejeter ou mépriser ou mettre de côté. On est face à une manière de parler, un
canal corporel d’expression de la souffrance qui n’est pas exclusif. Certains patients ne peuvent pas du
tout parler de leurs émotions, d’autres peuvent très bien nuancer et progressivement arriver à mieux
ressentir que ce qui leur arrive, c’est au fond un effet de stress.
Pr Alain WODA :
Je comprends mieux comme vous le dites et dites moi si ça correspond à ce que j’ai compris. Il me
semble que vous utilisez le terme pour caractériser un aspect des gens, un aspect qui n’est pas exclusif, qui ne regroupe pas l’ensemble de leurs caractéristiques. Mais un aspect donc des gens qui viennent nous consulter. Vous n’en faites pas une entité psychopathologique individualisée des autres.
Pr Anne-Françoise ALLAZ :
Absolument.
Pr Alain WODA :
Oui, comme ça je comprends mieux.
Pr Anne-Françoise ALLAZ :
Je le pense comme un processus, comme une caractéristique d’expression de la plainte, comme un
canal d’expression corporelle de la plainte qui n’est pas exclusif de tout autre chose, qui n’est pas
exclusif de lésions organiques non plus et qui simplement doit être reconnu parce qu’il est important de
ne pas se jeter sur l’organicité éventuelle qui est sous-jacente sans avoir vu qu’il y a des composantes
modulatrices autres.
Pr Anton DE LAAT:
Vous avez parlé beaucoup du vécu et on a beaucoup de patients en passant par la somatisation et la
dépression et l’anxiété, elle a insisté beaucoup sur le fait que c’était 30 à 50 %, au moins 70 % de nos
patients qui ne sont pas dans cette enveloppe là. Pour revenir à mon point, c’est que vous avez parlé
beaucoup du vécu et c’est fréquent qu’avec les patients de douleurs chroniques et ils vont nous dire «
mais, c’est normal, mon papa a toujours eu mal au dos, ma maman a toujours eu mal au ventre, mon
grand-père a toujours eu des migraines ». Les vécus familiaux, d’après votre expérience, est quelque
chose qui peut aussi influencer la base de l’expression de la chronicisation de la douleur ?
Pr Anne-Françoise ALLAZ :
Oui. C’est une question importante. Alors peut-être que je vais répondre autrement. La première chose,
c’est que la question de la transmission génétique de la sensibilité à la douleur n’est pas quelque chose
qui est bien établi. C'est-à-dire que, à ma connaissance, je sais qu’il y a un certain nombre d’étude sur
les enzymes, la COMT, etc. qui sont en train d’être faites pour savoir s’il existe une transmission de la
sensibilité à la douleur. Je ne sais pas la réponse aujourd’hui. Ce qu’il est par contre bien décrit, ce sont
des « familles douloureuses » et qu’au fond la manière d’exprimer sa plainte, le choix de la manière
d’exprimer sa plainte qui rejoint la somatisation est très déterminée par l’environnement familial. Dans
les familles douloureuses, ce n’est pas tellement les circuits qui sont différents, mais c’est le fait que
quand j’ai mal, je dis « j’ai mal » plutôt que de dire « je me sens mal » si vous voulez ou « je souffre
». Donc, il y a des prêts-à-porter culturels aussi de la plainte. C’est largement décrit par l’anthropologie, c'est-à-dire que la manière de présenter la plainte a peut-être d’abord existé dans une société et
ou existé dans une micro société qui est la famille et effectivement, il y a des familles douloureuses qui
ont l’habitude de présenter des plaintes comme ça. Ca a été bien décrit aussi avec l’alimentation, c'està-dire lorsque la réponse au stress est de manger, on a des familles d’obèses.
Pr Sandro PALLA :
Juste un bref suivi peut-être sur ce qu’a discuté Alain. Je pense que ce serait peut-être éventuellement
une aide d’interlocution avec nos patients, par exemple de leur expliquer qu’il y a des données maintenant qui disent et qui montrent que les sensations de dépression et d’anxiété sont traduites dans des
effets somatiques, ce qui peut-être beaucoup plus facile pour eux de comprendre qu’il y a vraiment un
aspect psychosomatique qui n’est pas considéré comme des choses psy et seulement. Et je pense que
là, un terme logique comme la somatisation est beaucoup plus aisé, beaucoup plus facile à comprendre pour eux. Cà se transmet en changements au niveau des neurotransmetteurs, ça se traduit en un
autre seuil de douleur, et quelque chose qui peut nous aider aussi dans notre traitement je pense.
Pr Anne-Françoise ALLAZ :
Ce qui est très intéressant, c’est que dans les classifications internationales de psychiatrie, il est prévu
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très probablement d’introduire la douleur comme un des critères de dépression. Déjà aujourd’hui dans
le DSM 4R de l’association américaine de psychiatrie, la notion de douleur, comme un marqueur de la
dépression, est introduite dans le texte, il n’est pas dans les critères. Mais il est discuté de l’introduire
dans les critères du DSM 5. Je ne sais pas si la classification internationale de l’OMS reprendra aussi
ça. Elles sont proches donc c’est possible. Et ceci peut-être ferait tout à fait disparaître la notion de
somatisation, mais d’une certaine manière pour répondre à votre collègue, c'est-à-dire que si on dit
dans la douleur, ça fait partie de la dépression d’avoir des douleurs, je pense que c’est plus facile pour
les patients de l’accepter. Et au fond, on parle de ça quand on parle de somatisation.
Dr Bernard FLEITER :
Oui, j’ai commencé à lire votre ouvrage et je refais un peu de pub. Il est extraordinaire. Je conseille à
tout le monde de l’acheter.
Il y a quelque chose qui me gène depuis longtemps. C’est la question du coping que vous avez un petit
peu abordée et comme souvent dans les consultations, on entend dire un peu vite « oui, et bien, il faut
faire avec, c’est comme ça ». Vous venez de dire, bien sûr ce n’est pas votre objectif, c’est normal
d’avoir mal encore. Peut-être une autre notion, effectivement les patients comprennent que c’est normal d’avoir mal encore et que l’on ne pourrait pas les priver de leur douleur immédiatement et peut-être
leur apprendre, c’est un peu ce que vous dites dans votre ouvrage, apprendre à réapprendre du plaisir
doucement, progressivement avec la douleur encore et puis après avec moins de douleurs. Peut-être
que cette notion de plaisir que l’on n’aborde pas souvent me semble très intéressante et ne pas
s’acharner tout de suite sur la douleur parce que l’on sait bien que l’on ne peut pas la combattre immédiatement. Donc, je voulais avoir un peu votre avis la dessus.
Pr Anne-Françoise ALLAZ :
Oui. Je vous remercie. Je crois qu’une manière de dire les choses, c’est de dire, « malgré votre douleur, nous pourrions essayer de commencer par des exercices, etc. » Et ce « malgré votre douleur »
est une manière de légitimer le patient, c'est-à-dire que si on dit « vous avez mal, mais j’aimerais tout
de même que vous essayez des exercices de l’ATM ou des exercices généraux », c’est très difficile
pour le patient parce qu’il ne se sent pas du tout reconnu par sa plainte. Lorsque l’on dit « malgré votre
douleur, je vous propose que nous essayons ça et ça », ça permet de donner un accusé de réception
à la plainte, une légitimation à la plainte et de lui faire comprendre que l’on a bien compris, qu’on l’a
bien entendu et que malgré cela, on peut aussi faire cohabiter les éléments de meilleurs fonctionnement, de réafférentation au monde, de reconquérir des liens, de retrouver bien évidemment du plaisir.
Et je dirais d’abord des liens avec son environnement, avec ses activités, etc. Et je pense que le côté,
je dis « malgré », mais ce n’est pas une prescription que je fais , mais je pense que c’est une bonne
manière de dire un équivalent de ça. C’est pas « vous avez mal, mais faisons quand même », mais
c’est vraiment « malgré votre état douloureux ». Et souvent les patients vont aller mieux et faire des
choses beaucoup plus, investir, reprendre un travail, se sentir beaucoup moins gênés par des céphalées ou par des troubles divers, mais ils ne vous diront pas facilement qu’ils ont moins mal. Ils vous
diront « je vais mieux, mais j’ai toujours mal » et je crois qu’il faut accepter ça.
Dr Nicolas FOUGERONT :
Oui, c’était juste pour repérer l’anxiété. Est-ce qu’il y a des questions qui permettent de repérer si
quelqu’un est anxieux ? La dépression, un état de fatigue, troubles du sommeil. Mais pour l’anxiété,
est ce qu’il y a des repères clés pour vous ?
Pr Anne-Françoise ALLAZ :
Alors une chance qu’il y a dans votre domaine, c’est que les patients le disent. Ce n’est pas difficile de
faire exprimer au patient un sentiment anxieux. Les choses qui sont souvent difficiles, ce sont les troubles du sommeil, c’est « est-ce que vous êtes préoccupé par votre santé ? » « Est-ce que vous pensez qu’il y a quelque chose de grave ? » « Comment réagissez-vous aux situations difficiles ? » Et
puis, il existe toutes sortes d’échelles simples, certaines adaptées au domaine de l’occlusodontologie
qui permettent de faire des screening, des enfin excusez-moi, il faut que je trouve le terme français, des
évaluations rapides. Alors dans l’article de Turner, il y a un résumé (Turner et Dworkin) très intéressant,
il y a un résumé qui vous permet de voir les échelles qui sont recommandées, qui peuvent être très simples. Turner et Dworkin préconisent que l’on utilise des échelles dans tous les cas. Je pense que ce
n’est pas toujours faisable et puis ça dépend de votre pratique. Mais il existe des échelles simples et
parfois des échelles ont l’avantage de nous permettre d’avoir une médiation avec le patient autour des
éléments émotionnels. Nous, nous le faisons à la consultation douleur.
Pr Pierre CARPENTIER:
Juste une question sur, vous avez évoqué la conversion hystérique sur une de vos diapositives. Est-ce
que cela peut correspondre à certains patients qui sont, qui viennent nous consulter, qui sont souvent
des patients très intelligents, qui se sont approprié notre langage plus souvent et qui viennent nous voir
en disant « vous savez, suite à mon traitement orthodontique, j’ai la cuspide mésio-vestibulaire de la
26 qui n’est pas tout à fait en regard de la fosse ». Est-ce que ça correspond un peu à des patients là
?
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Pr Anne-Françoise ALLAZ :
Je n’ai pas parlé de conversions hystériques. C’étaient les diagnostics du patient que j’ai montré. Je
pense que si vous voulez, les patients s’attribuent notre langage, j’aurais plutôt tendance à mettre ceci
dans un trait de somatisation et une manière de faire face qui est de s’approprier le contrôle aussi. C’est
une manière de tenter de prendre le contrôle sur la situation. C’est aussi une manière d’avoir de la peine
à déléguer, alors ça va dans le sens de la question de Madame. C'est-à-dire comment est ce que le
patient est capable de se laisser aller à la confiance envers l’autre ? Ou est ce que le patient doit continuer à tout contrôler en étant le meilleur patient et en sachant tout, etc. ? On est souvent sur des problématiques je dirais un peu narcissiques, dans des cas comme ça. Mais on est aussi de plus en plus
confronté à des patients qui connaissent beaucoup de choses sur la médecine, qui s’approprient le langage de la médecine, qui parfois, vous le savez bien , est une manière de nous mettre à distance. Parce
que plutôt que de nous aider, on est face à devoir réexpliquer des choses de l’organicité, on est collé
à ce qui est dit. Non, l’osselet n’est pas situé là et là et on ne parle pas de la personne. Donc c’est aussi
une manière de mettre à distance, d’éviter de parler de soi et de mettre un objet transitionnel entre le
thérapeute et soi même qui est très organique, enfin centré sur l’organique. Donc j’aurai mis ça dans le
grand cadre de la somatisation. La conversion hystérique, pour autant qu’elle existe encore, ça s’appelle troubles de conversion, est aussi classée dans les troubles somatoformes, dans les classifications
psychiatriques.
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Dr Philippe AMAT
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Stress et orthopédie dento-faciale :
enjeux et prise en charge.
Comme l’ont déjà souligné Danièle et Paul ce matin, avant d’être un sujet de congrès, le stress est malheureusement un phénomène de société qui affecte gravement beaucoup de nos concitoyens et est
directement responsable du décès de 300 à 400 d’entre eux chaque année. Mercredi, un rapport traitant du stress et des risques psychosociaux dans le monde du travail a été remis à notre ministre de la
santé. La publication de nombreux ouvrages, consacrés au stress et rédigés pour un large public,
témoigne d’un réel intérêt pour ce sujet.
En 1936, Selye a présenté la définition du syndrome général d’adaptation. Nous n’allons pas aujourd’hui
évoquer le stress aigu qui est un phénomène adaptatif physiologique, tout à fait salutaire. Nous allons
parler du stress chronique et de ses répercussions délétères en orthopédie dento-faciale.
Alors, la question est : l’orthopédie dento-faciale est-elle, ou n’est-elle pas, concernée par le stress ?
Si on se réfère à une définition de cette discipline, à son rôle ainsi qu’à ses objectifs, clairement la
réponse est affirmative. Nous devons notamment participer à l’amélioration de l’équilibre biopsychosocial de nos patients, aussi le stress est, de fait, l’un de nos sujets d’intérêt quotidiens.
Je vous propose d’aborder ce thème par le biais du triangle du stress : le stress atteint des cibles, lesquelles développent des réponses, elles mêmes suivies de conséquences. Ce qui m’intéresse en tant
que clinicien, ce sont les conséquences de ce stress sur la vie quotidienne et la santé de mes patients.
Les cibles du stress sont au nombre de quatre : le patient, son entourage familial, les membres du cabinet d’orthodontie et le thérapeute.
La définition des différentes modalités de réponses au stress a été abordée hier et ce matin. On distingue trois types de réponses : comportementales, neuroendocriniennes et autonomes. Quelles sont les
réponses qui nous concernent plus particulièrement en orthopédie dento-faciale ? Sur ces deux diapositives, je vous en présente une liste non exhaustive. Nous traiterons plus en détail les parafonctions et
les dysfonctions. Nous évoquerons rapidement les parodontites et les réponses mettant en jeu le système immunitaire. Les autres types de réponse seront exclues du cadre de cet exposé.
Après les cibles et les réponses au stress, étudions quelles peuvent en être les conséquences. Le stress
peut participer à la genèse de certaines dysmorphies, altérer les capacités d’adaptation du patient et
perturber l’atteinte de nos objectifs thérapeutiques. Il peut également menacer l’intégrité de l’appareil
manducateur. Il peut aussi diminuer l’observance du patient, ce qui participe à l’accroissement de notre
propre stress professionnel et à l’altération de la qualité de notre relation thérapeutique. In fine, et nous
en verrons plusieurs exemples cliniques, le stress peut gravement compromettre la stabilité des résultats obtenus.
L’orthopédie dento-faciale fondée sur les faits nous aide à analyser la littérature et nous permet d’offrir
à notre patient des thérapeutiques moins stressantes car en accord avec sa demande de soin, ses
valeurs et ses préférences.
Commençons la présentation des réponses au stress, et de leurs conséquences en orthodontie, par les
parafonctions et les dysfonctions. Ce sont essentiellement les habitudes de succion non nutritives,
l’onychophagie et les tics de mordillement divers (lèvres, joues, crayon etc.). On peut également citer
les tics de tétée linguale et les diverses modalités de déglutition dysfonctionnelle.
Alors, quelle est la prévalence de ces dysfonctions et de ces parafonctions ? Voici synthétisées les
conclusions de deux études consacrées à ce sujet. Les puces blanches indiquent une prévalence qui
n’est pas liée au genre, et les puces roses témoignent de l’existence d’une dominante féminine, comme
c’est par exemple le cas pour l’onychophagie. Les puces bleues signalent des conséquences, tel un tic
de tétée linguale, davantage répandues chez les individus de sexe masculin.
Les habitudes de succion non nutritives sont présentes avec une fréquence d’environ 70 %. Elles cessent dans plus de 95 % des cas avant 6 ans. Ce qui nous concerne au premier chef, c’est la persistance de ces habitudes de succions non nutritives. Lorsqu’elles durent au moins 48 mois, leurs effets
délétères persistent.
Plusieurs études ont été consacrées aux conséquences anatomofonctionnelles de la persistance d’une
succion non nutritive. En voici les quatre modalités qui sont d’ailleurs fréquemment associées. On peut
ainsi observer une accentuation de l’infraclusie incisive, une majoration du surplomb incisif, une fréquence plus importante d’occlusions inversées postérieures et une prévalence plus élevée de maloc-
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clusions de classe II.
De ces quatre modalités, choisissons l’occlusion inversée postérieure pour essayer d’en expliquer le
mécanisme étiopathogénique. La persistance de la succion d’un doigt ou d’une tétine prive le palais de
la présence de la langue. L’influence constrictive des masséters sur l’arcade dento-alvéolaire maxillaire
(flèches bleues) n’étant plus équilibrée par les appuis linguaux, on observe une diminution de la dimension transversale de l’arcade maxillaire. La langue, abaissée dans l’arc mandibulaire, y déploie sa force
excentrique d’expansion et de reformage, et elle conduit à une augmentation des dimensions transversales de l’arcade mandibulaire. Cette double action, sur les arcades maxillaire et mandibulaire, mène au
tableau clinique ici présenté.
Evoquons maintenant l’onychophagie. Rare avant 6 ans, commune à la puberté, cette parafonction est
présente chez 20 à 33 % des enfants âgés de 7 à 10 ans et elle concerne 45 % des adolescents. Parmi
ses étiologies, vous retrouvez sans surprise : le stress.
Les conséquences en sont multiples. Sur le plan dentaire, on peut observer une usure des bords libres
ainsi que des résorptions radiculaires. J’ai en mémoire le cas d’une jeune adolescente qui, en seulement 6 mois d’une période sans traitement, avait raccourci de 4 mm la racine de l’incisive avec laquelle
elle mordillait assidûment un crayon.
Les conséquences peuvent être également d’ordre infectieux. Ainsi, l’onychophagie et la succion digitale
peuvent contribuer à la propagation de maladies infectieuses et l’on peut observer une augmentation
significative de la prévalence des entérobactéries dans la salive de sujets présentant une onychophagie
chronique. En voici un argument de nature à aider vos patients à arrêter de ronger leurs ongles !
Citons aussi les conséquences gingivales. Elles peuvent survenir par traumatisme direct (je ronge mon
ongle, je dérape. Ah ! Problème !). Elles peuvent aussi se présenter sous forme d’inflammation (je coince
une rognure d’ongle entre mes deux incisives centrales maxillaires pour mieux l’arracher, elle va se glisser dans le sulcus et hop, inflammation).
Mentionnons enfin la possibilité d’une dégradation des rapports occlusaux. Nous allons en voir quelques exemples cliniques.
Voici Ludivine qui suce ses doigts. Nous retrouvons les quatre modalités décrites tout à l’heure : l’établissement progressif d’une malocclusion de classe II, l’infraclusie incisive, l’accentuation du surplomb
incisif, et la tendance à une inversion des rapports d’occlusion transversaux.
Ludovic, lui, ne suce pas ses doigts. Par contre, il ronge ses ongles toute la journée, de façon quasi
compulsive. Et qu’est ce qu’elle fait la petite langue ? Et bien, elle est interposée là, juste à côté de l’ongle. Elle est là, en permanence. Et quand Ludovic ne ronge pas ses ongles, sa langue reste entre ses
dents et accomplit son travail de sape progressive. La malocclusion représentée en partie basse de
cette diapositive en est le résultat. Vous pouvez observer que l’infraclusion s’est étendue jusqu’aux
molaires.
Prenons le cas d’Hélène V. Elle présente une constriction des buccinateurs qui s’exerce à peu près au
niveau de la première prémolaire. La vue intraorale de l’arcade maxillaire permet d’observer une déformation dento-alvéolaire transversale qui commence exactement à ce niveau.
Voyons maintenant les conséquences néfastes du stress en période de contention et de post-contention. Voici l’occlusion de fin de traitement de Malvina. La photo a été prise le jour de la dépose du dispositif multiattache. Je laisse les bagues sur les quatre premières molaires pour aider à stabiliser l’élastofinisseur durant les six premiers mois de contention. Et que fait Malvina ? En pleine période d’examen, stressée, elle ronge ses ongles, et, quand elle ne ronge pas ses ongles, elle mordille sa lèvre.
Lorsqu’elle n’interpose ni ses ongles ni sa lèvre, c’est sa langue qui prend le relai et s’interpose entre
ses arcades dentaires. Avec quelles conséquences au niveau de son occlusion? La 12 commence à se
vestibuloverser et des rapports d’occlusion de classe II s’instaurent progressivement au niveau des
secteurs latéraux.
Prenons le cas d’Anaïs B. qui a l’habitude de ronger indifféremment ses ongles ou un stylo. J’ai réuni
sur cette diapositive un bref historique du traitement d’Anaïs. Avant traitement, elle présentait une
occlusion de classe I avec une infraclusie antérieure, une ventilation mixte et une interposition linguale
antérieure habituelle. En haut à droite, le setup réalisé à partir de modèles montés sur articulateur semiadaptable. Ils servent à la réalisation de l’élastofinisseur utilisé pour les finitions occlusales. La seconde
ligne montre l’occlusion de fin de traitement, les habitudes parafonctionnelles et leurs répercussions
délétères. On peut constater l’apparition d’une infraclusion antérieure et l’amorce d’une vestibuloversion de l’incisive, sur laquelle Anaïs appuie préférentiellement son crayon ou son ongle.
Alors, je me suis dit : puisque la prévalence de l’onychophagie et des tics de mordillement est à dominante féminine, ne soignons que les garçons ! Ce qui fut fait… jusqu’au jour où Gaëtan est venu me
consulter. A gauche, figure son occlusion de fin de traitement et à droite la récidive majeure apparue
ensuite. Depuis, je soigne, à nouveau et indifféremment, les patients des deux sexes ! Sur cette diagonale, vous découvrez la dégradation progressive de l’occlusion de Gaëtan. Au stade de la deuxième
vue, une rémission complète est possible si le port de l’élastofinisseur s’accompagne d’un arrêt des
habitudes parafonctionnelles. Si ensuite ces dernières réapparaissent, l’infraclusie se réinstalle. C’est
12
assez spectaculaire, assez horripilant aussi.
Alors, on peut difficilement parler d’orthodontie sans aborder les DAM. Ce thème a déjà été brillamment
traité pendant ces deux jours. Je me contenterai d’une brève évocation des relations entre stress, parafonctions et DAM. Winocur E et al. ont montré que les adolescentes présentent une prévalence de
signes et de symptômes de DAM plus importante que celle des sujets de sexe masculin, et qu’elles
témoignent également d’une activité parafonctionnelle plus intense. Ils pensent que cette activité parafonctionnelle pourrait être considérée comme un autre facteur explicatif de la différence de prévalence
des signes et symptômes de DAM selon le sexe.
Je ne ferai que survoler le cas clinique de Leslie-Anne qui, en fin de traitement, s’était plainte d’une
diminution de son amplitude d’ouverture orale et de myalgies. Voici l’occlusion de fin de traitement. La
voilà avant traitement. Elle présentait une occlusion de classe I avec biproalvéolie et bivestibuloversion
incisive. Voici successivement le setup utilisé pour la réalisation de son élastofinisseur, son occlusion
de fin de traitement, ses radiographies panoramiques, ses téléradiographies de profil, les analyses de
Delaire mettant en évidence la correction de la bivestibuloversion et, enfin, le sourire de fin de traitement. Alors, que se passe-t-il ? L’entretien et l’examen cliniques, menés selon le protocole de l’EACD,
mettent en évidence les éléments suivants : douleur sourde et de fréquence quotidienne, survenue la
première fois deux jours après l’annonce d’un possible futur redoublement de sa seconde. Citons également des parafonctions telle l’onychophagie, la mastication de chewing-gum et sur le plan psychologique, tension avec son père, menace de redoublement, stress à ces deux niveaux, mais aucun facteur
de stress sur le plan social. Les mouvements, le testing musculaire, tout ça, RAS. Diagnostic : courbatures des muscles élévateurs chez une jeune adolescente en situation de difficulté scolaire. La thérapeutique : rassurer, expliquer, aider à diminuer les parafonctions, et kinésithérapie maxillo-faciale avec
utilisation des fiches mises au point par Charles Pianello.
Très rapidement, deux diapositives sur la parodontie et deux sur l’immunologie. Les relations entre
parodonte et stress ont déjà été particulièrement bien traitées par Jacques-Olivier Pers. En orthodontie, les éléments déterminants sont résumés sur cette diapo : les sujets à haut niveau d’anxiété sont
davantage prédisposés à la maladie parodontale, le stress psychosocial peut favoriser un défaut d’hygiène bucco-dentaire ainsi qu’un accroissement des dépôts de plaque dentaire, et le stress psychologique apparaît être un facteur de risque significatif de l’inflammation parodontale. Les conséquences
cliniques en sont : mobilité dentaire, récession gingivale, apparition de diastèmes et perte osseuse.
Sur le plan immunologique, le stress prolonge la durée d'une maladie infectieuse, et lui confère une plus
grande sévérité. En quoi cela nous concerne-t-il? Et bien, citons simplement l’herpès et les poussées
d’aphtose récurrentes qui gênent le déroulement des soins, qui stressent le patient, qui stressent sa
famille et qui, au total, diminuent l’observance du patient dans le suivi de sa thérapeutique.
Autre point encore plus déterminant, particulièrement en orthopédie dento-faciale : le stress diminue la
résistance de l’hôte aux infections respiratoires supérieures et favorise la pollinose et l’asthme. Quand
on sait, et vous le savez, les répercussions majeures de tout dysfonctionnement ventilatoire sur l’apparition des dysmorphies orofaciales, sur nos traitements et la stabilité de leurs résultats, cela laisse
rêveur.
Alors, abordons maintenant la prise en charge du stress en orthodontie. Elle est globale et similaire à
celle des dysfonctions orofaciales. Elle est intégrée au traitement selon trois axes : procédures de gestion spécifiques, éducation thérapeutique et démarche organisationnelle.
Les procédures de gestion spécifiques permettent de répondre aux attentes individuelles, aux priorités
et aux capacités du patient. J’essaye bien modestement d’utiliser le protocole de renversement des
habitudes de Azrin et Nunn, et en cas de besoin je réfère évidemment mon patient à un professionnel
de santé approprié. Voici quelques références d’articles consacrés au protocole de Azrin et Nunn.
Evoquons l’éducation thérapeutique. Ce sujet est d’une extrême importance et il mériterait de faire l’objet d’un congrès à lui tout seul. L’éducation thérapeutique permet au patient d’abandonner son statut
d’objet des soins, pour devenir le co-acteur de la relation thérapeutique. Elle englobe trois niveaux d’intervention, souvent intriqués sur le plan clinique: l'éducation pour la santé du patient, l’éducation du
patient à sa maladie et l’éducation thérapeutique du patient. Brièvement quelques notions : méthode et
bon sens, c’est-à-dire qu’il faut prendre le temps de communiquer avec ses patients. On a parlé d’alliance thérapeutique, l’orthodontie fondée sur les faits permet cette alliance thérapeutique. Elle permet
également une alliance diagnostique, notamment en nous aidant à définir les attentes de notre patient.
L’éducation du patient en orthopédie dento-faciale est globale et elle intègre de nombreuses pratiques
qui nous sont familières, telles les rééducations de la ventilation et des dysfonctions orofaciales.
Paul Pionchon a écrit et a plusieurs fois déclaré qu’il fallait prendre son temps. Je crois que ce point est
essentiel. Certes les outils (présentations sur ordinateur, fiches d’information etc.) peuvent nous aider
mais ils sont insuffisants si le temps ou l’empathie viennent à manquer.
La démarche organisationnelle n’est pas la recherche systématique de la qualité totale, objectif stressant et un peu vain. Il s’agit simplement d’essayer de ne pas répéter sans cesse les mêmes erreurs.
J’avais écrit un éditorial sur la cinquième dimension. Je proposais qu’après les trois dimensions de l’espace, la quatrième dimension qui est celle du temps, nous prêtions davantage d’attention à la cin-
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quième dimension, celle du bon sens. Ainsi, pourquoi faire complexe lorsqu’on peut faire simple ?
Rappelons que l’anxiété, la peur et le stress du patient peuvent être apaisés par une communication
efficace avec le thérapeute. Il est souhaitable d’essayer d’adapter les locaux à l’exercice d’une communication efficace : nous préférons soigner nos patients dans deux petites salles de soins individualisées et pourvues de sièges pour recevoir leurs parents, dont la présence est souhaitée, sinon requise.
Comme l’a souligné Claude Valentin, il faut aussi définir les attentes du patient pour proposer un plan
de traitement et des objectifs cohérents, ainsi que des critères et des délais de réévaluation. Cela semble n’être que du bon sens mais cette démarche systématique limite efficacement le stress en cours de
thérapeutique, ainsi d’ailleurs qu’un suivi musculo-articulaire régulier.
Je terminerai cet exposé par une question intéressante : l’orthodontie permet-elle de diminuer le stress
? Force est de constater que les conclusions des études publiées ne sont pas concordantes. On peut
raisonnablement supposer que l’orthodontie puisse diminuer le stress de nos patients lorsqu’on
observe les résultats (profil et occlusion) des effets conjugués de la croissance et de notre thérapeutique chez cette patiente, ou la correction chez cet autre patient de son sourire gingival ainsi que l’amélioration de son profil et de son occlusion. De même si l’on examine les changements intervenus au
niveau du profil, de l’occlusion et du sourire de cette patiente.
Certes, des études ont montré que les malocclusions peuvent influencer la qualité de vie et l’équilibre
physique, social et psychologique. D’autres travaux indiquent que les traitements orthodontiques pourraient améliorer la qualité de vie et l’équilibre physique et psychosocial de nos patients.
Cependant, d’autres publications montrent que cette amélioration du bien être psychosocial et de la
qualité de vie n’est pas stable à long terme. Pourquoi ? Pitner nous en a livré la réponse dans une lettre à l’éditeur : les chercheurs en psychologie savent que le bien-être d’un individu peut difficilement
être modifié à long terme. En général, les circonstances, quand bien même il s’agirait d’une augmentation de nos revenus, de notre mariage ou de la naissance d’un enfant, peuvent seulement influencer
notre bien-être à court terme. Seuls des éléments, tel le décès de notre conjoint ou une période de chômage prolongé, sont susceptibles de l’influencer au-delà de cinq ans.
Par conséquent, qu’une étude montre que l’orthodontie n’a pas d’influence à long terme sur le bienêtre de nos patients, n’a rien de surprenant et ne remet pas en cause la validité de l’orthodontie. Cela
indique simplement que nos traitements n’ont pas plus d’effets à long terme sur la qualité de vie de nos
patients que n’en a la naissance d’un de leurs enfants.
En conclusion, la prise en charge du stress en orthopédie dento-faciale est souhaitable car elle participe à l’optimisation de l’équilibre biopsychosocial du patient et concourt à l’amélioration de sa qualité
de vie. Nous retrouvons là la définition de la santé donnée en 1946 par l’OMS.
14
Dr Dominique BARON
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La fibromyalgie:
maladie du stress chronique?
Je ne sais pas si tout le monde me connaît, mais je suis Dominique Baron. Je suis un élève du Pr Paul
Le Goff et je le remercie vivement d’avoir accepté d’être là.
Donc je vais parler tout de suite de la fibromyalgie. Qu’est-ce que c’est que la fibromyalgie ? Pour moi,
tout a commencé il y a à peu près 12-13 ans. C’était suite à une conférence grand public comme
aujourd’hui. Monsieur Le Goff m’avait prévenu. Est-ce que vous pouvez aller faire une conférence grand
public sur la fibromyalgie ? Je ne connaissais pas grand-chose sur cette pathologie. Trois mois plus tard
à peu près, c’était le délai de consultation, tous les jours en consultation, je voyais des cas qui se revendiquaient de la « fibromyalgie ». Je me suis dit, quoi faire que d’aller voir Monsieur Le Goff et je lui ai dit
que je n’arrête pas de voir des cas de fibromyalgie et je ne sais pas quoi faire. Il m’a dit : « étudiez-les
»., J’ai commencé à les étudier, avec Nagi Mimassi et puis France Marchand. Puis au tout départ, on a
commencé à dire, est-ce qu’elles se ressemblent vraiment beaucoup ces fibromyalgies ? Elles ont l’air
d’être toutes un petit peu enquiquineuses, j’ai mal partout, elles avaient des dossiers très lourds à faire
mal au dos. Et puis, on s’est dit et bien, il faut y aller.
Alors on a commencé à se rendre compte que c’est un diagnostic plutôt d’élimination et en gros, pour
faire un petit peu caricatural, c’est toujours plus facile pour comprendre. On s’est rendu compte que la
fibromyalgie, c’était des polyalgies diffuses. Il y avait certes des points douloureux qui avaient été
décrits par Yunus, comme les points des enthèses, il y en a 18. Les critères américains disent qu’il faut
en avoir 11 sur les 18. Il y a des douleurs myofasciales, il y a une sensibilisation à la douleur, on va y
revenir. Une personnalité prédisposante, des portes d’entrée dans l’enfance, des douleurs qui vont être
mixtes, un sommeil perturbé et un burn-out. Alors sur toutes ces notions là, on va y revenir, mais c’est
un petit peu un résumé. En gros, on peut estimer que quasiment toutes nos fibromyalgies répondent à
ces critères.
Alors, qu’est-ce que les polyalgies diffuses ? Il faut que ce soit des douleurs présentes sur les 4 cadrans
du corps : au-dessus de la ceinture, en dessous, à droite et à gauche. Les 4 cadrans doivent être
concernés. Nous, on s’est rendu compte sur un travail intéressant, qu’on avait mené entre autre avec
Céline, France, Cadalan et Nagi Mimassi et Monsieur Le Goff que les sujets présentaient des douleurs
des articulations de l’appareil mandicateur quasiment systématiquement et souvent au début des
signes, avant même que le diagnostic de fibromyalgie ne soit fait. Sur 32 patientes, il y en avait 29 qui
avaient des douleurs de l’articulation temporo mandibulaire.
En ce qui concerne, les points de Yunus, on n’y croit pas trop, ce n’est pas très important. Il nous semble que ce que l’on a décrit tout à l’heure est plus important que ces points là. Les zones myofasciales, c’est surtout les muscles qui sont douloureux au niveau de l’axe, c'est-à-dire au niveau du rachis
cervical, dorsal et lombaire. Et en fait, ce qu’il faut savoir, c’est que tout est normal dans la fibromyalgie, c’est une pathologie invisible, si bien qu’elle est souvent difficile à vivre.
La personnalité. On a fait également un travail sur 40 fibromyalgiques, c’était toutes des femmes prises
consécutivement dans le service et on s’est rendu compte qu’elles avaient toutes le même type de personnalité : sensible, émotive. C’était des gens qui étaient relativement empathiques, qui avaient un
manque de confiance en elle. Bref, c’était des femmes qui étaient hyperactives, c’était des gens qui
étaient à fond dans leur vie professionnelle, sociale, familiales, elles étaient vraiment à fond comme si
elles fuyaient quelque chose, peut-être même ce qu’elles fuyaient, c’était peut-être elles-même., c’est
le terrain prédisposant.
Ensuite, sur le terrain prédisposant, on a remarqué qu’il y avait des portes d’entrée. Ces portes d’entrée, c’est souvent dans l’enfance, dans l’adolescence et à l’âge adulte jeune. Ces portes d’entrée sont
très variables, elles sont souvent à type de violence, mais ça peut être aussi l’impression d’avoir été
moins aimé qu’un frère ou une sœur qui engendre des problèmes ensuite, ça peut être des patientes
qui ont l’impression d’avoir manqué d’affection. Il peut y avoir eu des violences et des traumatismes.
Bref, il y a quasiment dans tous les cas.
Le type de douleur, je vous ai dit tout à l’heure que ce sont des douleurs mixtes. Mixtes, ça veut dire
qu’elles associent les trois types de douleur qui existent, c'est-à-dire des douleur par excès de nociception, c’est celles qu’on a lorsque l’on se fait mal, quand on se cogne. Les douleurs psychogènes,
ce sont des douleurs qui vont survenir surtout après, quand on va avoir mal pendant longtemps, ça va
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finir par « prendre la tête ». Ces douleurs psychogènes sont importantes. Et enfin des douleurs neuropathiques. Là, j’ai encore mis « travail original de l’équipe » parce qu’avec Nagi, France et Monsieur Le
Goff, on a montré que ces douleurs là étaient des « douleurs neuropathiques ». On a soumis 500 et
quelques patients à un questionnaire qui est le DN4, qui correspond aux douleurs neuropathiques et on
s’est rendu compte que quasiment chez toutes les fibromyalgiques, on avait des brûlures ou froid douloureux, lancements, décharges électriques, picotements, fourmillements, engourdissements, démangeaisons, l’impression d’être serré dans un étau et également un phénomène d’allodynie. Les phénomènes d’allodynie, c’est quoi ? C’est quand des patients ont l’impression que dès qu’on les touche
qu’on les caresse ou qu’on les frôle, ça leur fait mal. Ça ne fait pas ça chez d’autres gens asymptomatiques. Ce sont des douleurs neuropathiques. On a été les premiers à montrer qu’il y avait des douleurs
neuropathiques. Elles sont d’origines différentes que les douleurs neuropathiques connues, comme celles qu’on a dans le diabète, celles qu’on a dans la maladie de Parkinson, dans la sclérose en plaques.
Là, on comprend, c’est le nerf qui est atteint dans sa chair, alors que dans la fibromyalgie, on ne
retrouve aucune lésion organique. On nous disait, ça ne peut pas être des douleurs neuropathiques. Et
un jour, on a eu la chance d’avoir l’imagerie moderne qui est arrivée à notre secours pour montrer ou
corroborer ce qu’on disait.
Alors le sommeil, il est perturbé. Vous savez que le sommeil se fait en 4 phases. Il y a la première phase,
c’est des sommeils relativement rapides et ils vont de plus en plus lents, de plus en plus profonds pour
arriver au sommeil profond. Et dans les fibromyalgies, le sommeil profond et le sommeil paradoxal
seraient perturbés. Et sans ce sommeil paradoxal, il y a des problèmes de récupération. Sans le sommeil profond, il n’y a pas de détente musculaire : la phase de curarisation, vous savez le curare comme
un produit que l’on met en chirurgie, en anesthésiologie pour décontracter complètement les patients.
Ca permet éventuellement aux tendons de se reposer. Là, ça ne se fait pas très bien chez les fibromyalgiques. c’est éventuellement ce qui peut expliquer les fameux points des enthèses parce que les tendons n’ont pas eu le temps de se reposer. Je passe sur cette diapositive.
Alors le burn-out, c’est quoi ? Un burn-out, c’est d’abord quelque chose qui ne survient pas chez n’importe qui. Ca survient chez les gens qui sont souvent impliqués dans les relations humaines. C’est les
métiers de ceux qui sont fibromyalgiques, ils sont toujours à peu près orientés vers la même chose. Ce
sont des gens empathiques, ils sont ouverts aux autres, ils vont avoir un métier de type infirmière, ils
vont aller dans le social, ils vont aller dans l’enseignement, dans le commerce. Ce sont ces gens là qui
vont avoir un burn-out. Et le burn-out, ça vient de l’anglais qui veut dire « être brûlé de l’intérieur », vous
savez ces incendies où on voit la maison extérieurement normale, intérieurement elle est vidée. Là, c’est
pareil. C’est une grande fatigue, une grande lassitude, une impression de n’être plus rien et il y a en plus
le système nerveux autonome, là encore c’est notre équipe, grâce à Nagi Mimassi qui a montré que le
système nerveux autonome était systématiquement atteint dans la fibromyalgie. Ce dysfonctionnement
du système nerveux autonome, c’est un peu comme si vous aviez la décharge d’adrénaline en permanence. C'est-à-dire tachycardie, sécheresse buccale, hypersudation, des problèmes au niveau du tube
digestif avec alternance de diarrhée / constipation. Bref tout ça, ce sont des éléments du domaine de
la dystonie neurovégétative et c’est systématiquement qu’on les retrouve dans la fibromyalgie. Alors, il
faut bien entendu ne pas faire de diagnostic de la fibromyalgie sans avoir fait une enquête et c’est
essentiel, c’est de la médecine interne, on ne dit pas c’est une fibromyalgie parce qu’une personne a
mal partout, il faut d’abord faire une enquête minutieuse, il faut faire certains examens complémentaires. Je ne vais pas insister là-dessus, mais sachez qu’il y a de nombreux examens, de nombreux diagnostics à éliminer avant de dire, c’est une fibromyalgie. C’est essentiel, je ne vous les cite pas, mais
vous les voyez. Et ce qu’il faut savoir là, je pense que c’est également essentiel, c’est qu’une fibromyalgie peut survenir avec tous les diagnostics qui viennent d’être cités sur la diapositive précédente (diapo
12) à savoir que quand vous avez une fibromyalgie et que l’on diagnostique une autre pathologie, souvent cette pathologie, elle est là avant, on en pas fait le diagnostic souvent parce qu’au niveau clinique,
on n’a pas assez insisté et malheureusement au bout d’un certain temps sur le terrain particulier, il va
survenir cette sensibilisation à la douleur qui va finir par passer au premier plan et on va finir par oublier
le diagnostic. Il faut toujours revenir à la clinique et là, mon maître, Monsieur Le Goff m’a toujours dit
ça, la clinique, la clinique, la clinique. Evitez de faire des examens complémentaires pour rien, c’est la
clinique qui est essentielle. A un tel point que nous, on pense que la fibromyalgie, enfin ces polyalgies
diffuses avec sensibilisation à la douleur que l’on pourrait très bien appeler algopathies diffuses parce
que c’est une pathologie de la douleur.
Alors le cerveau limbique, le stress. Vous savez, le cerveau limbique, vous en avez déjà entendu parler
ce matin avec Monsieur le Professeur Robert. Le cerveau limbique, vous le voyez ici, c’est là, on a 95
% en commun avec les animaux. C’est là où tout se passe la vie émotionnelle, les animaux, 95 % du
cerveau limbique est commun avec le cerveau des truites et des reptiles. On n’a pas inventé grandchose. C’est après qu’il y a eu des couches de strates qui se sont mises petit à petit, mais il faut savoir
que dans ce cerveau limbique en avant, on a l’axe hypothalamo-hypophyso-cortico-surrénalien, ce
qu’on appelle l’axe corticotrope et en arrière, on a le Locus coeruleus qui est là où naît le système nerveux végétatif avec deux brins : parasympathique qui est le frein et le sympathique qui fonctionne à
l’adrénaline qui est l’accélérateur. Chez les fibromyalgies, l’accélérateur est à fond en permanence.
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c’est un petit peu pour vous montrer comment ça se passe. Et cette étoile que j’ai symbolisé au milieu,
c’est l’étoile chère à Nagi Mimassi qui est l’étoile, la place de l’étoile à 20 h, avec des neuropeptides
qui passent de l’un à l’autre, qui vont donner des informations et qui vont arriver au stress. Alors là, j’ai
mis une notion plus pour le grand public. Chez les fibromyalgiques en gros, ces patientes ou patients
là sont des gens qui sont bac + 2 ou 3. Le QI, il est normal. Ce qui pêche, c’est le QE, c’est la gestion
du stress, c’est le quotient émotionnel. Pour vous dire, le QI n’a jamais cessé d’augmenter, c’est la
courbe en rouge (diapo 16) depuis la nuit des temps, alors que le QE est resté le même puisque c’est
le cerveau de la gestion du stress, ce QE a toujours été le même, mais la seule différence, c’est que le
QI ne bouge pas chez une personne donnée, le QE (quotient émotionnel), le comportemental peut
s’améliorer durant toute la vie. Alors là, je vous fais juste une petite image (diapo 18) pour montrer que
quand on fait un problème mathématique, c’est le cortex qui fonctionne, c’est le cortex frontal, c’est la
bosse des math. Là, c’est une substance algogène (diapo 19) et on voit que quand on injecte cette
substance algogène, la zone activée est bleu, comme une peur bleue si on veut, et située au niveau du
cerveau limbique.
Alors l’IRM fonctionnel, ce que je vous disais tout à l’heure, c’est que l’IRM fonctionnel est venu à notre
secours pour essayer de comprendre pourquoi les douleurs étaient neuropathiques dans la fibromyalgie.
Alors la première colonne (diapo 22), quand vous avez un stimulus douloureux, vous voyez qu’il y a plusieurs zones qui peuvent être allumées, c’est des zones qui sont en utilisation quand vous faites les
mêmes douleurs sous hypnose, vous voyez qu’on peut les diminuer et vous voyez même que simplement l’imagination de la douleur peut quand même continuer à colorer en vert, c’est moins intense.
Mais la simple idée que l’on va avoir mal peut déjà entraîner la pré utilisation des zones qui vont devenir douloureuses au moment où ça va se faire. Là, c’est pareil, au niveau de la fibromyalgie, quand on
regarde les douleurs, on voit qu’il y a une baisse du débit dans le cortex, cingulaire, enfin ce sont des
zones qui sont plutôt autour du cortex.
Alors, les conséquences thérapeutiques une fois qu’on arrive à comprendre ce qui est la fibromyalgie.
On sait qu’il va falloir agir sur trois axes : les douleurs, les conséquences psychologiques et le fameux
burn-out. Et en fait au milieu, je pense que c’est la prise en charge de la personne selon le support biopsycho-social qui est le plus efficace. On ne va pas trop médicaliser, je ne veux pas parler tellement des
médicaments. Il y a des médicaments. Ce n’est pas le plus important. Les médicaments permettent
souvent de faire passer un pallier au patient pour pouvoir lui faire comprendre l’essentiel. Alors, ce que
l’on appelle le bio, c’est basé un peu sur les médicaments, mais surtout sur le retour au mouvement.
Je dis le retour du mouvement douleur au mouvement plaisir. il faut lutter contre la kinésiophobie, la
peur du mouvement, et pour la réadaptation à l’effort. Le psycho, c’est basé sur le soutien psychologique et sur une technique d’autorelaxation qui va agir au niveau du système limbique pour la compréhension de l’émotionnel et tout ce qui est comportemental. Ca peut être l’hypnose, ça peut être le yoga,
ça peut être la relaxation active, respirée, ça peut être les techniques cognitivo-comportementales. Le
social, c’est basé sur le « good woman in the good place », comme je le dit parce que c’est souvent
des femmes et il faut éviter à tout prix une invalidité sans exception parce que ça a un effet pervers.
Ces gens là, ces patients qui souffrent de fibromyalgie, ils vivent par et pour les autres si on les retire
de la société, c’est la pire chose qu’on puisse leur faire. Au mieux, il faut leur faire reprendre une activité et ne pas les mettre en invalidité. c’est là où il y a un rôle important des acteurs sociaux.
Donc j’ai parlé combien de minutes pour l’instant parce que … [moins d’un quart d’heure]. dans les cinq
minutes qui suivent, je peux détailler un petit peu le bio. Il faut essayer de retrouver le mouvement plaisir et il faut essayer de faire tout ce que l’on peut faire pour que le patient bouge. Et le patient se rend
compte au départ, on lui dit qu’il faut bouger. Il a mal quand il bouge, il a mal quand il ne bouge pas, il
vaut mieux qu’il bouge et il aura certes mal, mais il se rendra compte des effets bénéfiques à terme.,
on peut utiliser plein de techniques, je ne vais pas non plus insister là-dessus, mais il y a plein de techniques qui permettent de retrouver le mouvement, en particulier en balnéothérapie parce que l’on est
en apesanteur et toutes les études actuelles vont dans le sens d’une meilleure rééducation quand on
apprend aussi au patient l’éducation à la santé. Ca, c’est une notion essentielle actuellement dont on
reparlera certainement dans les années à venir. Bon, il y a la TENS thérapie pour les douleurs neuropathiques en plus des médicaments. C’est des courants électriques qui permettent de leurrer un petit peu
l’organisme et qui permettent de diminuer la douleur.
La réadaptation à l’effort selon ses capacités. Comme ce matin, il y a eu un topo où on a beaucoup
insisté sur selon les capacités pour ne pas que l’on fasse trop mal au patient et il faut qu’il arrive par
rapport à leurs capacités et ça, c’est éventuellement au kinésithérapeute comme Youenn Thor Bodéré
qui nous en a parlé ce matin, de trouver quelle est la capacité du patient.
Les douleurs myofasciales, j’en ai vaguement parlé tout à l’heure. Ce sont des douleurs au niveau des
muscles. Il y a des zones extrêmement douloureuses. Bon, l’acuponcture a montré une petite supériorité sur ces douleurs là par rapport au placebo. Nous, on fait des injections dans les zones douloureuses de pupivacaïne, c'est-à-dire un anesthésique local et on le refait plusieurs fois et souvent ça permet au patient d’avoir moins mal un moment pour reprendre le mouvement.
Alors, les douleurs des ATM, vous avez compris que c’est essentiel aujourd’hui, mais nous, on était déjà
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persuadé, dans nos consultations douleur, on a Catherine Baraër qui est l’associée de Céline et qui travaille avec nous sur la douleur de l’articulation temporo mandibulaire. C’est essentiel aussi.
La posturologie, ça peut être également un plus parce que souvent on voit que quand on a (il y a un
des posters que l’on a vu de Catherine Baraër, aujourd’hui qui est exposé) où on montre que quelquefois une chaîne douloureuse au niveau du cou peut avoir un retentissement sur toutes les chaînes tout
au long du corps. ça peut être intéressant.
Là (diapo 33) réapprendre la notion du plaisir. c’est intéressant. Vous voyez la petite image. Là, c’était
juste une petite blague par rapport au gouverneur de New York avec « faites vous plaisir », mais vous
avez vu que quand on se fait plaisir, c’est pas toujours non plus. Et en fait, le traitement psycho, il faut
insister sur le soutien psychologique, c’est essentiel. On ne peut pas s’en sortir seul d’une fibromyalgie. Un médecin seul ne peut pas prendre en charge toute la fibromyalgie. Il faut à tout prix qu’il y ait
un soutien psychologique pour avoir la possibilité d’atteindre le comportemental. Et en plus, la technique de relaxation, quelle qu’elle soit. Il faut qu’il trouve la bonne, celle qui lui convient. C’est essentiel.
Et autrement, le traitement social, c’est ce que j’ai dit tout à l’heure, il faut essayer de trouver un poste
adapté. Il faut aller voir les acteurs sociaux, les assistantes sociales, les DRH dans les hôpitaux, dans
toutes les entreprises vont pouvoir trouver un poste adapté, mais c’est très important, avec un ergonome qui peut éventuellement trouver le bon poste de travail pour que les patients aient moins mal. Et
les médecins des Caisses sont également essentiels dans cette prise en charge.
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Dr Antoine BIOY
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Psychothérapie à médiation
corporelle
Présidente de séance : Dr Myriam CHASTIN
C’est Antoine Bioy qui va nous parler, qui est qui maître de conférences à Dijon en psychologie clinique
et qui travaille à Bicêtre je crois. Alors je m’étais dit que c’était un « Can an Discan » sur l’hypnose qui
allait nous être proposé. Alors pour les non bretons, je précise ce que c’est. C’est une pratique de chant,
le « Can an Discan « ; une pratique de chant dans les fest-noz, ce sont les fêtes de la nuit où deux chanteurs bretons se succèdent pour ne pas interrompre le rythme du chant pour les danseurs et pour le
second chanteur, chante avec le premier les derniers mots de la mélodie et chacun en quelque sorte
s’appuyant sur l’autre. Alors, ce sera un « Can an Discan » un peu décalé puisque en fait aujourd’hui,
c’est un prélude pour rester dans le domaine musical, un prélude pour le TD de demain que fera Chantal
Wood et où vous allez parler tous les deux de l’hypnose dans les différents registres aussi bien technique que relationnel. Voilà, donc on laisse la parole.
Président de séance : Dr Paul PIONCHON
Oui, je me permets d’ajouter aussi qu’Antoine Bioy est le vice-président de la Société Française d’Etude
et de Traitement de la Douleur, que je le remercie à ce titre et le conseil d’administration de la Société
Française d’avoir parrainer notre congrès.
Dr Antoine BIOY :
Il est vrai que lorsqu’il m’a été proposé d’intervenir auprès de vous, je me suis d’abord demandé quelle
était la légitimité d’un psychologue de venir dans ce type de congrès et puis, en y réfléchissant, je me
suis dit finalement que nos deux métiers n’étaient pas si différents, après tout. La plupart de nos
patients viennent vous consulter parce que finalement ils ont mal et il y a de la souffrance quelque part.
Dans les deux cas, on leur demande d’ouvrir la bouche. Dans les deux cas, c’est pour aller voir quelque chose à l’intérieur, l’évaluer et si possible guérir. Et dans les deux cas également, pour le patient,
ouvrir la bouche, ce n’est pas forcément une expérience très agréable. Donc, je me suis dit que finalement, c’était au moins ces quelques repères un peu schématiques, mais que l’on pouvait avoir en commun de façon à discuter ensemble aujourd’hui des psychothérapies à médiation corporelle en sachant
que je vais présenter principalement les thérapies à médiation corporelle et par la suite les spécificités
de l’approche psychothérapeutique. Mais il me fallait d’abord poser quelques bases concernant les thérapies en général.
Alors le premier concept important, c’est un concept assez paradoxal qui a été d’ailleurs énoncé
depuis hier, qui est la notion du psychisme. Ce concept est un peu paradoxal puisque les « psys » l’emploient à tour de bras, sous le terme de « psychisme » ou « psychique ». Or, si vous ouvrez un dictionnaire de psychologie ou de psychiatrie, vous ne trouverez pas la définition de psychisme. Donc c’est
vraiment un terme qui est très paradoxal simplement parce que le psychisme est juste une hypothèse
théorique que l’on formule. Il existerait chez un individu une instance qui ne serait pas le cerveau et qui
néanmoins interviendrait dans les conduites, les comportements, les capacités de raisonnements affectifs et émotionnelles d’une personne. Alors, pour vous donner une image, si j’utilise une métaphore, si
je nous transpose dans un autre champ de connaissances, qui est l’astronomie, le psychisme, c’est
l’équivalent des trous noirs. Vous savez qu’un trou noir par définition ne peut être photographié, on ne
peut pas observer un trou noir pour la bonne et simple raison que la gravitation y est sensée être si
importante qu’elle retient la lumière. Et donc par définition, le trou noir, c’est une théorie astronomique,
dont personne ne peut jamais vérifier si elle est exacte ou pas, puisqu’on ne peut pas observer directement un trou noir. Et donc du coup, ce qui va faire que l’on va poser l’existence du trou noir comme
étant une hypothèse valide, c’est en observant la façon dont un certain nombre de corps célestes sont
déviés de leur trajectoire et on va postuler que quelque part dans l’espace existe une zone de gravitation très importante qui effectivement les fait dévier. Et encore une fois, le trou noir ne peut pas être
observé directement, mais peut être observé indirectement par notamment ces problèmes de direction
de ces différents corps célestes. Le psychisme, c’est la même chose. Il s’agit de quelque chose que
l’on ne peut pas observer directement, mais dont on peut, en regardant un certain nombre de manifestations chez un individu, seulement postuler l’existence puisque finalement en dehors de l’hypothèse
du psychisme, on n’a pas grand chose qui nous permet de dire qu’effectivement, un individu ne se
résume pas à la façon dont son cerveau fonctionne.
Et donc dans ces approches à thérapie corporelle, on va parler de notion de psychisme, simplement
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parce que toute donnée psychique, tout évènement psychique est ressenti corporellement, physiquement par les patients, par les individus. Vous prenez le stress dont on est en train de parler depuis hier,
vous prenez l’angoisse, vous prenez la dépression, vous prenez toutes ses manifestations là que l’on
dit psychiques, ce sont toutes des manifestations que l’individu ressent dans le corps d’où les précisions importantes que nous a apporté tout à l’heure Anne-Françoise Allaz concernant la notion de
somatisation. C'est-à-dire la façon finalement dont un individu va s’emparer de ce ressenti corporel
pour exprimer quelque chose de qui il est.
Alors, on va postuler également dans les thérapies à médiation corporelle qu’il existerait un dialogue
entre psychisme et corps puisque toutes manifestations psychiques auraient une résonance corporelle
; il existerait un dialogue entre ces deux niveaux. Et l’on va donc faire l’hypothèse que puisque psychisme et corps sont en correspondance, si on modifie par exemple le corps, alors le psychisme se
modifiera. Si un lien de corrélation existe entre les deux, cela veut dire que si je vais bouger une unité,
le corps, à ce moment-là, l’autre unité, la psyché, va également bouger. Et le but des thérapies à médiation corporelle, c’est celui-ci. C'est-à-dire, il s’agit de pouvoir travailler autour du corps avec un patient
de façon à ce que notamment les données psychiques qui sont présentes avec ce patient là puissent
également être modifiées.
Une petite précision : les thérapies à médiation corporelle, relaxation, hypnose, sophrologie, bio feed
back, etc. ne sont pas des données qui sont immédiatement introspectives. Autrement dit, ce sont des
méthodes qui ne sont pas réservées qu’aux « psys ». Et puis, quelque soit la profession que l’on a, à
partir du moment où on est un professionnel de santé, on va avoir son propre usage bien spécifique de
la relaxation, de l’hypnose, etc. Je rejoins également tout à fait ce que disait tout à l’heure AnneFrançoise Allaz, il est vraiment important notamment lorsque l’on est thérapeute du corps, de rester des
thérapeutes du corps et essayer de ne pas faire autre chose, c’est valable également avec les thérapeutes du psychisme. D’ailleurs l’association que je faisais en l’écoutant, était que la racine du terme
de thérapeute qui vient du grec « thérapeutes somatos » : « thérapeute du corps », sauf qu’à l’époque,
c’était les cuisiniers que l’on appelait comme cela, c’est toujours une histoire de bouche quelques siècles après ! Mais on est vraiment quand on parle de thérapeute dans cette inscription corporelle qui est
au premier plan et il ne s’agit pas d’abandonner l’idée que s’il est vrai par exemple qu’un psychologue
faisait de la relaxation va avoir beaucoup d’autres objectifs, une prise en charge différente du somaticien pratiquant la même relaxation, il est vraiment très important de conserver ces « barrières » là et de
conserver nos spécificités culturelles.
Si je fais un peu un premier point sur l’application au stress dans l’ensemble de ces données, cela veut
dire que l’on va considérer dans ces approches que le stress est quelque chose qui est ressenti corporellement puisque le corps est en lien avec le contenu psychique à l’origine du stress, autrement dit, en
travaillant autour du corps, on va pouvoir travailler autour de toutes les données psychique qui sont en
lien avec les manifestations de stress chez un individu. Parfois même, et c’est le lien avec la communication précédente, on peut passer directement par les comportements et par un travail autour du mouvement et du comportement, pour pouvoir travailler ça. Mais il y a vraiment cette idée que le stress de
toute façon en travaillant autour du ressenti corporel du stress, on va également dans un même temps
travailler autour de l’ensemble des données psychiques en lien avec la notion de stress et de perception du stress.
Alors de façon à rentrer un peu plus dans le détail, j’ai fait le choix de vous parler un petit peu d’hypnose, d’abord pour faire le lien avec l’atelier de demain matin, et puis également parce qu’historiquement, l’hypnose se trouve être la première forme de prise en charge structurée dans le champ de ce
que l’on appelle maintenant les thérapies à médiation corporelle. C'est-à-dire que l’hypnose a donné
naissance notamment à la sophrologie à la plupart des écoles en relaxation, au bio feed back, etc. Donc
finalement, je suis vraiment retourné aux sources, aux racines des thérapies à médiation corporelle.
Je vous ai proposé une définition de l’hypnose comme étant un état de fonctionnement psychologique
dans lequel un sujet est en relation avec un praticien, va expérimenter un champ de conscience élargi.
Pourquoi je vous propose cette définition ? Parce qu’elle situe d’emblée l’hypnose dans deux champs
qui sont différents et complémentaires. D’abord, l’hypnose est un état de conscience modifié qui est
objectivé par l’imagerie cérébrale, les approches neuroscientifiques. Egalement, dans cet état de
conscience modifié, il y a des aspects psychologiques qui sont présents que l’on appelle les dissociations psychiques, ce qui veut dire que quand un individu est hypnotisé, il est capable à la fois de se percevoir dans cette salle, dans cet amphithéâtre et en même temps, de se vivre comme s’il était dans un
autre lieu. Il peut vivre les deux, les deux évènements en même temps, de se vivre en même temps dans
son salon en train de regarder un film qu’il apprécie et ici dans cette pièce, dans cet amphi, en train de
parler avec vous. Ce peut être également la dissociation psychique, le fait de pouvoir à la fois vivre un
évènement maintenant, dans l’actualité et en même temps, dans un même lieu, de pouvoir vivre un évènement qui s’est déjà passé ou que l’on va anticiper. C’est cela que l’on appelle la dissociation psychique : cette capacité que va avoir un individu à un moment donné de se projeter dans deux lieux différents ou à deux moments différents et de vivre de façon également les deux évènements ou les deux
moments. Donc c’est un processus très particulier, qui est associé à cet état de conscience modifié.
La deuxième dimension, c’est la dimension relationnelle. C'est-à-dire qu’il n’est pas possible de prati-
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quer ce que l’on appelle l’hypnose seul, c'est-à-dire que si jamais on fait ce que l’on appelle de l’autohypnose, on va seulement utiliser l’état de conscience modifié pour retrouver un certain nombre de
caractéristiques. Mais véritablement travailler en hypnose, c’est vraiment travailler en relation avec
quelqu’un, en relation avec un praticien Véritablement les effets, l’efficacité thérapeutique de la
méthode hypnotique comme de l’ensemble des thérapies à médiation corporelle ne dépendent pas en
fait de l’état de conscience modifié en tant que tel, mais dépendent de la relation au praticien au
moment où on utilise cette méthode là. Donc il y a à la fois les aspects communicationnels, on ne parle
pas au patient quand on pratique l’hypnose comme on parle à quelqu’un d’autre que l’on connaîtrait
dans d’autres circonstances, il y a une certaine façon d’amener la communication au patient et il y a
bien évidemment des aspects intra subjectifs, l’empathie a été cité tout à l’heure, etc. Je reviendrais sur
ces aspects tout à l’heure.
Quelque soit la thérapie à médiation corporelle que l’on utilise, l’hypnose en particulier, on va utiliser le
principe de l’analogie. Je vous disais tout à l’heure, en fait tout ressenti, toute chose qui peut venir déséquilibrer le patient, le patient va le ressentir de façon corporelle. Ce qui veut dire et vous le savez aussi
bien que moi, c’est que le patient va décrire son mal, ce qui le perturbe, de façon imagée. C’est ce que
l’on appelle les analogies. Il peut dire par exemple concernant le stress ou l’anxiété, « j’ai le cœur serré
», « j’ai un nœud à l’estomac », « c’est comme si j’avais une boule dans la gorge », il peut dire « je me
sens vidé, lessivé », etc. C'est-à-dire que c’est avec ces figures de l’analogie que l’on va travailler.
Chaque fois qu’un individu est dérangé par une situation, ressent par exemple une émotion qui commence à le déborder, il n’arrive plus à travers des mots pour communiquer très exactement à l’autre son
expérience. Et du coup pour communiquer à l’autre son expérience intime, il va biaiser le langage,
transgresser le langage et utiliser des images, des métaphores, des analogies. Ces analogies ayant
pour but d’essayer de transmettre au thérapeute de façon la plus exacte possible son ressenti intime.
Pourquoi s’agit-il d’une transgression du langage ? Parce que quand un patient nous dit « j’ai un nœud
à l’estomac », bien évidemment anatomiquement son estomac n’est pas en train de faire un double
nœud marin. Donc cela, c’est une transgression de langage avec pour but analogique de transmettre
quelque chose de l’ordre d’un état intérieur, émotionnel, au travers d’une image qui renvoie à l’idée du
corps.
Et donc, quand on travaille autour des thérapies à médiation corporelle et en hypnose en particulier, on
part toujours de la parole du patient systématiquement et on va travailler autour de ces analogies là.
Autour de ces images que nous donnent le patient à propos de son corps et en même temps parce que
l’on parle d’analogie, autour de la façon dont il vit subjectivement un évènement. Donc, dans une analogie, on a vraiment ces deux niveaux qui sont représentés ; à la fois, le niveau du ressenti du corps et
à la fois tout son monde psychique, représentations, croyances, son système de valeur, sa subjectivité,
etc.
En hypnose, on peut travailler de différentes façons. On peut travailler par visualisation, demander au
patient d’imaginer, de visualiser quelque chose, c’est d’ailleurs un point en commun avec la sophrologie. On peut utiliser les métaphores, ce que l’on appelle les métaphores hypnotiques, c’est en fait proche du conte thérapeutique : on raconte un conte au patient. On peut travailler autour du mouvement
en travaillant par exemple à la lévitation de la main. Pour ceux qui feront l’atelier demain avec Chantal
Wood, ce sera par exemple travailler autour du gant magique qui met en action quelque chose de l’ordre du mouvement. Et puis, un travail sur lequel je vais tirer mon exemple, qui est un travail corporel,
vraiment stricto sinsu, faire un travail corporel avec le patient. Ainsi, si je reprends les deux exemples
que je vous ai donné : par exemple, le patient qui va vous dire « j’ai un nœud à l’estomac », on va lui
proposer à l’aide de sa respiration de délier le nœud à l’estomac. Le patient qui a une boule dans la
gorge, en utilisant la déglutition, on va lui proposer de venir abraser, doucement détruire, la boule dans
la gorge. Et ce qu’on lui dit à ce moment-là, dans le premier cas concernant la respiration et le nœud à
l’estomac, on peut lui dire par exemple « amenez d’une façon ou d’une autre un peu de votre respiration entre chaque fibre du nœud » et on accompagne cela. On peut lui dire dans le cas où on lui
demande d’abraser cette boule dans la gorge (quand j’avais proposé cette image au patient, je pensais
que déjà j’allais être à Brest) puisque que je lui avais proposé « d’observez la naissance de votre salive
comme une vague qui se crée au loin, voyez comme elle s’approche en cascade, sentez avec quelle
puissance, ça vient percuter cette boule rocheuse dans votre gorge, venant l’éroder peu à peu » et on
peut continuer d’ailleurs en lui disant : « autour de cette boule rocheuse, il y a des sables qui était à
l’origine était justement cette roche que votre salive est venue déjà progressivement détruire ».
Donc voilà comment on travaille par analogie à la fois en hypnose et également dans d’autres thérapies
à médiation corporelle. On va utiliser vraiment la base du travail, le lien entre psyché et soma. Et on va
travailler vraiment quelque chose autour du corps et du ressenti corporelle en se disant que si on travaille avec ce ressenti corporel et que le ressenti corporel bouge, alors toutes les données psychiques
en lien avec ce ressenti corporel, autrement dit tout ce qui fait apparaître l’angoisse ou le stress, va également bouger. Il est absolument impossible que par exemple le patient arrive à amener de la respiration dans chaque fibre de son nœud, qu’il arrive doucement à délier le nœud au niveau de l’estomac et
que le stress ne bouge pas. C’est impossible. Comme il y a ce lien entre psyché et soma, si les perceptions somatiques bougent, les données psychiques vont bouger également. Si les données psychiques
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ne doivent pas bouger, alors quelle que soit la suggestion que vous faites au patient, ça ne bougera pas
non plus.
Je viens de prononcer un terme important qui est le terme de suggestion. Je ne fais que proposer un
type de travail avec le patient, ce sont des propositions d’action, en même temps la suggestion, c’est
également quelque chose de l’ordre de l’influence. On influence le patient en lui proposant quelque
chose. Et cette suggestion qui est la base de toute communication inscrit d’emblée les thérapies à
médiation corporelle dans quelque chose de l’ordre du langage, de l’influence, de la relation avec l’autre et ce sont des données sur lesquelles il faut pouvoir avoir un petit peu de visibilité. Pourquoi ? Parce
que pour reprendre une donnée un petit peu mystique, dans les thérapies à médiation corporelle, « le
verbe ne se fait pas chair » aussi facilement. Ce n’est pas parce que je dis à mon patient « est ce que
vous pouvez imaginer que vous amenez un petit peu de respiration entre chaque fibre de votre nœud
? » que pour autant, ce verbe là que je prononce, cette phrase, immédiatement, va faire que ce nœud
va se délier. Il y a évidemment quelque chose d’autre qui se joue et c’est quelque chose de l’ordre de
la relation, ce que les psychanalystes ont appelé le transfert, ce que les thérapeutes cognitivo-comportementalistes ont appelé l’alliance thérapeutique.
Il y a évidemment différents déterminants, ces aspects relationnels qui vont intervenir sur les effets des
thérapies à médiation corporelle et sur leur efficacité, la notion de personnalité, du thérapeute, du
patient, la nature de la relation, ces enjeux, le type d’échange, le cadre de l’échange. Ce n’est pas la
même chose de travailler en institution, en libéral, etc. Et puis les interactions entre le contexte et le
sujet.
Pour autant, ces dimensions relationnelles ne sont pas de l’ordre du contrôle. Je tiens d’ailleurs à juste
signaler une petite étude qui avait été faite par une excellente équipe de recherche en psychologie qui
est une équipe basée à Lausanne avec notamment Yves de Roten et puis Nicolas Despland, etc. Cette
étude a montré que lorsque l’on essayait d’apprendre l’alliance thérapeutique à un praticien en lui faisant suivre une semaine de formation où il venait visualiser des films où il devait analyser ce qui était
en train de se passer, en faisant des jeux de rôle, et bien après cette semaine de formation à l’alliance
thérapeutique, les thérapeutes étaient encore plus mauvais qu’avant de faire la formation ! Donc l’alliance thérapeutique, les données relationnelles ne s’apprennent pas, c’est juste quelque chose sur
lequel il faut avoir un minimum de regard, un minimum d’expertise et c’est l’une des dimensions qui est
justement propre aux psychologues. C'est-à-dire de pouvoir partir dans la recherche du sens que peut
avoir un symptôme, pour resituer les symptômes dans son environnement, pouvoir également faire des
interprétations psychologiques, proposer un travail autour justement des dimensions qui sont associées
au symptôme et puis de modifier en profondeur un symptôme. Ceci dit, ce n’est pas parce que les psychologues font ce travail là encore une fois que pour autant le somaticien ne peut avoir aucun regard
sur ce qui se passe dans la relation. Notamment Carl Rogers dont je vous conseille très vivement la lecture (« Le développement de la personne ») a beaucoup travaillé autour de ces notions de relation d’aide
avec une approche de la relation qui est tout à fait pertinente pour les somaticiens de talent.
En conclusion, le corps ne renvoie pas qu’à lui-même. La psychothérapie à médiation corporelle permet un abord intéressant à la fois du corps, mais aussi des données psychiques qui y sont liées. Des
phénomènes comme le stress sont intrinsèquement liés à ces deux niveaux-là. Et ces méthodes à thérapie corporelle peuvent être utilisées par différentes professions de santé, de façon différente évidemment, mais il s’agit de quelque chose qui est extrêmement ouvert.
Merci de votre attention.
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Monsieur Youenn Thor BODÉRÉ
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Une piste thérapeutique:
l'entrainement à l'effort
Président de séance : Jean-François CARLIER
Alors j’appelle donc maintenant Youenn-Thor Bodéré qui tient absolument à se présenter seul.
Monsieur Youenn-Thor BODERE :
Je m’appelle Youenn Bodéré. Je n’ai pas été invité ici en tant qu’ex-professeur de Céline, je voulais juste
le préciser ! Je suis kinésithérapeute libéral à Brest dans un cabinet qui est axé essentiellement sur la
traumatologie sportive et sur le suivi des sportifs de plus au moins haut niveau. On a entrepris, il y a 5
ans, avec plusieurs médecins spécialistes de la douleur de la région brestoise, dont Céline, dont le Dr
Mimassi qui est ici, la mise en place pratique d’un protocole de réadaptation à l’effort chez les patients
polyalgiques chroniques, dit fibromyalgiques. C’est donc un peu la suite du Pr Carré.
Alors c’est quelque chose qui m’intéressait beaucoup vu l’angle d’attaque de la prise en charge : un
angle nouveau, beaucoup plus actif, le côté pluridisciplinaire de la prise en charge. Céline voyait les
patients pour les douleurs oro-faciales, chaque spécialiste les voyait selon leur spécialité, et pour moi,
ils prévoyaient un protocole de réadaptation à l’effort. Il y a un parallélisme qui a d’ailleurs été fait avec
l’entrainement du sportif de haut niveau. Ce sont donc des patients qui auparavant n’avaient connu que
de la kinésithérapie dite traditionnelle, passive, à type de massage plus ou moins profond, de physiothérapie antalgique, on a parlé du TENS tout à l’heure, de parafangothérapie, de stretching. C’était donc
quelque chose de vraiment nouveau pour eux.
Alors les objectifs étaient d’ordres plutôt physiologiques et étiologiques, moins biomécaniques. On
n’était pas là pour leur muscler le dos, on était là pour avoir un renfort de tonus parasympathique et surtout une réduction de l’hyperactivité orthosympathique. Le but étant une rééquilibration du système
nerveux autonome, de la balance neurovégétative, afin d’augmenter le seuil des récepteurs à la douleur
et donc de diminuer l’état algique qui était dans la suite l’objectif du traitement.
Les outils étaient ceux de la mise en place d’un protocole de réentrainement à l’effort. C’est un entrainement d’endurance de type fondamental, c'est-à-dire un entrainement aérobie. L’objectif était d’arriver à _ d’heure d’effort physique tous les deux jours, à moins de 60 % de VO2 max. C’est l’objectif final,
grâce auquel on va pouvoir travailler sur une diminution de l’hyperactivité orthosympathique. Ces _
d’heure d’effort, évidemment, on n’y arrivait pas tout de suite. Les débuts sont souvent un petit peu
laborieux. Progressivement, on augmente le nombre de séances, on augmente le temps par séance,
pour arriver à cet objectif là. L’idéal, c’est d’être encadrer par un kinésithérapeute : le but étant plutôt
de lancer le protocole et puis après que l’on obtienne une autonomie du patient, qui enchaine par luimême.
Alors au cabinet j’utilise, par exemple, un elliptique qui reproduit le mouvement du ski de fond. C’est
assez doux, assez léger. L’endurance fondamentale que je fais, de type aérobie, c’est une faible résistance mais sur un exercice de longue durée. Souvent, d’ailleurs, pour mieux leur expliquer, je leur dis
que, pour l’instant, ils sont comme un sprinter américain devant la caméra, un peu nerveux, excité, et
que j’aimerais plus qu’ils aillent vers le côté marathonien kenyan, plus cool et plus détendu. Parce que
ça arrive parfois qu’ils ne comprennent pas très bien : on leur demande de faire de l’effort physique et
il y en a qui arrive en disant qu’ils ont fait dix fois cent mètres dans leur jardin et les résultats, évidemment, ne sont pas ceux escomptés.
Donc, j’utilise l’elliptique qui reproduit le mouvement du ski de fond à une vitesse de 10–12 km/h, de la
marche sur plan incliné (entre 4 et 6 km/h), du vélo et du rameur qui est le plus difficilement supportable par les patients. C’est dû au travail de la ceinture scapulaire qui est souvent algique chez les patients
fibromyalgiques. La dame qui est sur la photo a quand même 60 ans. Au début, elle n’arrivait à rien faire
du tout et là, elle fait 20 minutes de rameur !
En fin de la semaine, on évalue la douleur avec l’EVA. J’additionne tous les temps que je leur ai
demandé de faire dans la semaine et je les mets dans un tableau pour visualiser la progression du
patient. Ca leur permet, en plus, de voir l’évolution eux-mêmes. Il y a un effet psychologique qui est
intéressant avec un cercle vertueux où ils voient qu’ils sont vraiment capables de, alors qu’à l’origine,
ils ont vraiment l’impression d’être capable de rien du tout.
Les résultats sont une diminution de la douleur. Ce n’est pas magique non plus, c’est une légère dimi-
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nution. Il y a un fond douloureux qui reste présent, mais on peut dire que leur capacité à gérer leur douleur est ce qui est le mieux dans ce genre de réadaptation : ils ont vraiment une meilleure capacité à
gérer cette douleur.
Je peux vous montrer quelques exemples de suivi que j’ai fait au cabinet. J’en aurai des dizaines
comme ça depuis 5 ans. On a par exemple ici Madame Y. C’est l’exemple idéal de patiente avec qui on
a commencé par une séance par semaine, cinq minutes de vélo, cinq minutes d’elliptique, cinq minutes de joggeur. On a, au fur et à mesure, augmenté le nombre de séances dans la semaine. La partie
en bleu, c’est lorsque je demande aux patients de continuer chez eux avec leurs propres méthodes :
on diminue alors le nombre de séances au cabinet. Ca dépend de chacun, il y en a qui préfère certains
sports à d’autres. Ca peut être de la piscine, ça peut être du vélo, ça peut être de la marche rapide, de
la course à pieds pour ceux qui peuvent, c’est rare, mais ça peut arriver. J’en ai même qui se sont mis
à l’aviron. J’en ai même beaucoup qui se sont mis à l’aviron sur la rade de Brest et ça marche très bien.
Enfin, sauf la semaine dernière, à cause du temps! Donc ça, c’est le cas idéal : une EVA qui est descendue à 1 assez rapidement. Au bout de 2–3 mois, elle était quasiment autonome.
Monsieur X, lui, a eu une évolution plus variée. Il représente plus le cas typique de ce type de syndrome
de douleur chronique. L’évolution est un peu plus difficile, avec des semaines où il y a eu des crises
douloureuses et où il n’a pas pu venir. L’EVA est alors remontée à 6–7. On a alors été obligé de rediminuer le nombre et la durée des séances au cabinet, mais il a persévéré, il a serré les dents (sans trop
les serrer !). Et puis après, il a poursuivi seul (dans la partie bleue) : il ne revenait qu’une fois par semaine
au cabinet. Le résultat est plutôt correct, le taux de satisfaction est plutôt intéressant.
Le dernier patient c’est Madame Z. Pour madame Z, la prise en charge n’a pas fonctionné. Madame Z
n’a pas de partie bleue : elle n’a donc jamais continué chez elle, de son côté. On n’a jamais réussi à
faire trois séances dans la semaine : on est restés à seulement une heure d’exercice dans la semaine,
avec des périodes d’absence. Ca arrive de temps en temps, et là, le résultat est nul. Il n’y a pas de résultat du tout, la douleur ne diminue pas.
En conclusion, on pourrait dire que les facteurs de réussite de la réadaptation à l’effort sont surtout liés
à:
- La motivation et à l’implication du patient. C’est le point principal. On sent tout de suite dès
les premières séances si les patients sont motivés ou pas et de la part active qu’ils vont avoir. C’est
vraiment une kinésithérapie active, ce n’est pas une kinésithérapie passive où on s’installe et c’est le
praticien qui exerce. C’est à eux de se prendre en main. Alors parfois, c’est plus difficile, mais c’est eux
qui ont tout en main pour réussir.
- Ensuite, évidemment, la présence ou non de pathologies additionnelles. En fonction de ce que
l’on peut avoir comme problème à côté, par exemple des périarthrites scapulo-humérales, évidement
on ne va pas faire de rameur. Autre exemple, les maladies de Crohn, on peut avoir des crises, et du
coup le patient ne peut pas venir.
- L’âge du patient
- La précocité du diagnostic et la mise en place de ce traitement. Plus c’est pris tôt par rapport
à l’élaboration du diagnostic, mieux c’est.
Pour terminer, un journaliste a un jour demandé à Winston Churchill le secret de sa longévité. Il avait
répondu « no sport », c’était un peu sa philosophie de vie. Et bien en fait, ça ne devrait pas être la philosophie des fibromyalgiques !
Monsieur X :
Je voudrais vous poser une question pratique et rapide. Vous êtes kiné donc ça vous est assez facile
de régler un certain nombre de chose. Mais pour la plupart des gens qui vont essayer ça, est ce que
l’on ne peut pas remplacer, la VO2 max, 60 % de VO2 max ? C’est vachement abstrait pour nous, on
ne pourrait pas remplacer ça par une fréquence cardiaque ?
Monsieur Youenn-Thor BODERE :
Oui. Tout à fait.
Monsieur X :
Ca nous parlerait plus.
Monsieur Youenn-Thor BODERE :
Oui. Il suffit d’acheter le matériel et la montre. D’ailleurs, moi je les mets sous cardio-fréquence-mètre
quand on fait de la réadaptation.
Monsieur X :
Et vous êtes entre 100 et 120 ?
Monsieur Youenn-Thor BODERE :
Oui, c’est ça. Tout à fait.
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Dr Paul PIONCHON : question sur la technique
Monsieur Youenn-Thor BODERE :
Je l’utilise en fin de séance : je leur explique bien que quand ils viennent me voir pour ça, avec une
ordonnance pour ça, on ne va faire que ça parce que autrement, ils attendent toujours qu’on leur fasse
un massage quand ils ont mal et ils ont toujours mal : au visage, aux mâchoires, au dos… Ils attendent
toujours quelque chose de plus passif. Alors, je leur explique bien les choses clairement. Ceci dit, à la
fin de la séance, je finis souvent par de la cryothérapie gazeuse :c’est un jet de froid à -80° qui a un effet
calmant. Je les sollicite aussi pas mal au niveau des étirements activo-passifs. Je leur apprends comment s’étirer pour une remise au calme de toutes les chaines musculaires : une dizaine de minutes à la
fin de chaque séance pour repartir de l’avant. Et c’est assez intéressant. Ceci dit, dans un traitement
sur les patients polyalgiques, stress chronique, c’est un plus, un adjuvant, mais ce n’est pas l’élément
essentiel. C’est une technique complémentaire, une sorte d’hygiène de vie que j’essaie de leur apprendre.
Présidente de séance : Céline BODERE
Juste pour souligner que les outils que tu utilises au cabinet, en fait, peuvent se superposer. C’est tout
à fait superposable à une prise en charge de l’appareil manducateur et la cryothérapie.
Monsieur Youenn-Thor BODERE :
Oui, je le fais aussi sur les douleurs de l’appareil manducateur.
Président de séance : Jean-François CARLIER
Et peut-être, ce que l’on peut souligner, c’est l’idée de réentrainement à l’effort. Elle s’adresse en termes de réadaptation de la réponse au stress. Et donc, elle n’a rien à voir avec une localisation particulière de la douleur.
Monsieur Youenn-Thor BODERE :
Tout à fait.
Président de séance : Jean-François CARLIER
Ca peut tout à fait s’appliquer aux arthromyalgiques de la face ?
Monsieur Youenn-Thor BODERE :
Oui et c’est le cas souvent.
Président de séance : Jean-François CARLIER
Toutes ces pathologies douloureuses ont une composante d’irrégulation de la réponse au stress. Ce qui
est le cas de nos douleurs chroniques souvent.
Présidente de séance : Céline BODERE
Oui, ça m’est arrivé dernièrement d’ailleurs de conseiller à une patiente qui n’avait pas 36 000 solutions
de se remettre au footing. C’était une jeune patiente et elle n’avait pas de contre indication. Ces céphalées à composantes temporales, matinales après une nuit de crispation, ont disparu au bout de quelques 3–4 mois d’entrainement.
Pr François CARRE
Si je puis me permettre parce que c’est une chose que je pratique un petit peu en consultation. Ca se
résume en clair à dire à des gens qui ont mal de façon chronique et de façon incompréhensible, ça se
résume à leur dire « faites du sport » sachant que pour la plupart d’entre eux, ils ont un mal fou à bouger. Donc c’est « faites du sport mollement », mais « faites du sport », ça veut dire quand même dépasser 100 de fréquence cardiaque. C'est-à-dire que la marche à pieds ne sert à rien, je parle sous votre
contrôle. C'est-à-dire quand même qu’il faut que ça soit de la VMA, enfin de la fréquence cardiaque au
dessus de 100. Mais on leur dit « faites du sport » et il faut qu’il en fasse sachant qu’ils sont incapables
d’en faire.
Présidente de séance : Céline BODERE
C'est-à-dire qu’il y a des équivalents. Moi je ne dirais pas que la marche à pieds ne sert à rien, la marche rapide sur quelqu’un qui fait deux heures de marche rapide. Deux heures de marche rapide, c’est
l’équivalent de _ d’heure de footing à 7–8 km/h. Alors il faut adapter la « prescription ».
Monsieur Youenn-Thor BODERE :
Moi, je fais de la marche entre 4 et 6 km/h, je m’approche presque de la course à pieds. Et c’est des
gens qui au début sont incapables de faire le moindre effort, qui s’aperçoivent que même en état de crises douloureuses, ça n’accentue pas leur douleur après la séance. Ca, c’est quasi systématique chez
toutes les personnes.
25
Pr François CARRÉ
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Stress et système neurovégétatif :
l'entrainement de l'athlète
de haut niveau
Vous vous demandez peut-être effectivement pourquoi nous allons parler de l’entrainement et de l’effet de cet entrainement par rapport à un congrès qui parle essentiellement de stress. Je me suis aussi
posé la question et puis en fait, vous allez voir que l’entrainement représente un stress pour l’organisme
qui va avoir des effets bénéfiques dans l’immense majorité des cas grâce aux adaptations qu’il va
induire, mais comme toutes les adaptations, celles-ci ont des limites et des fois, on peut avoir dépassé
ces limites.
Alors pour vous convaincre que l’exercice physique, l’entrainement représente un stress, je voulais juste
vous rappeler que le débit cardiaque qui au repos est de 5 litres par minute et dans un effort maximal
va atteindre 25 litres par minutes chez un sédentaire et que cette augmentation du débit cardiaque est
due à l’augmentation de la fréquence cardiaque et vous voyez chez ce sujet, il va y avoir un passage
de fréquence cardiaque voisine de 100 à peu près au début de l’exercice, pour monter jusqu’à 200 par
minute, 200 battements par minute, donc une fréquence cardiaque qui est multipliée par deux et ici,
vous avez l’augmentation du volume d’éjection systolique, la quantité de sang éjectée à chaque battement par le sujet à l’effort. Donc on voit bien que l’exercice physique aigu représente un stress important pour l’organisme.
Je vous rappelle que le système cardiovasculaire est régulé sur le plan nerveux uniquement par le système nerveux autonome. Ici, je vous ai fait un petit schéma pour rappeler le rôle du système nerveux
autonome, vous en avez vu déjà quelque chose sur l’anatomie, et donc vous avez ici le système nerveux central, le bulbe et la moelle épinière, représenté ici le cœur et là, un vaisseau. Au niveau de ce
cœur, il existe des récepteurs muscariniques et beta adrénergiques et vous vous rappelez peut-être de
votre physiologie, il y a longtemps, quelques années pour certain d’entre vous, qu’il y a des récepteurs
qui sont disséminés dans l’organisme et qui vont détectés les valeurs de différents paramètres hémodynamiques par exemple la pression artérielle et en fonction de ces valeurs, vont envoyer des informations au niveau du système nerveux. Ici le bulbe et c’est ce bulbe qui va ensuite s’adapter.
Ce qui est beaucoup plus intéressant et que l’on connaît moins, c’est qu’il existe aussi des récepteurs
mécaniques, des récepteurs métaboliques, des ergo récepteurs donc au niveau des articulations dans
tous les muscles. Et en fin de compte, ce qu’il va se passer lors d’un exercice, c’est que ces récepteurs
musculaires articulaires vont envoyer des informations en permanence, les récepteurs étant donc représentés ici, vont envoyer des informations au niveau des mêmes centres et ainsi les centres vont pouvoir adapter très rapidement la fréquence cardiaque, le volume d’éjection systolique, la pression artérielle, etc. Ces adaptations se font soient par le système parasympathique qui est le système freinateur,
c’est le frein par l’intermédiaire de l’acétylcholine, soient par le système sympathique qui lui va agir avec
la noradrénaline. Le système parasympathique n’agit qu’au niveau des oreillettes. Le système sympathique agit à la fois sur les oreillettes, sur les ventricules, mais aussi les vaisseaux comme vous le voyez
ici. Et surtout ce système sympathique a son effet renforcé par les hormones médullo-surrénaliennes,
adrénaline et noradrénaline.
Donc quelles sont les modifications qui peuvent apparaître lorsque quelqu’un fait un exercice physique
de façon répétée ? Et bien, on a des modifications du système nerveux autonome qui se traduisent cliniquement d’abord par des modifications de l’électrocardiogramme, c’est la modification la plus
connue. C’est la diminution de la fréquence cardiaque, la bradycardie, mais il y a aussi des particularités dans la conduction entre l’oreillette et le ventricule et aussi des particularités dans la repolarisation,
c'est-à-dire l’onde T que l’on voit sur l’électrocardiogramme et qui montre comment le cœur se relâche.
Par ailleurs, au niveau hémodynamique, il y a des améliorations des fonctions diastoliques, le remplissage du cœur, systoliques, l’éjection du cœur, la contraction. Au niveau vasculaire, il y aussi une amélioration avec une capacité de dilatation plus importante des vaisseaux et au total, une baisse de la
pression artérielle. On revoit le premier schéma que je vous ai présenté au tout début de cet exposé, et
là, j’ai rajouté en rouge ce qui se passe chez un sportif entrainé. On est plus du tout dans le même
monde. Au repos, le débit cardiaque est le même, entrainé ou pas, 5 litres par minute, mais les sportifs
de plus haut niveau arrivent à avoir des débits cardiaques maximaux de 35 à 40 l/minute. C'est-à-dire
15 litres de plus que quelqu’un qui n’est pas entraîné. Ceci n’est possible que grâce à des adaptations
bien sûr et vous voyez ici l’adaptation de la fréquence cardiaque. Voyez que la fréquence cardiaque
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maximale du sportif n’est pas différente de celle du sédentaire, mais par contre cette fréquence cardiaque monte moins vite. Comment est ce que cette fréquence cardiaque peut monter moins vite ? Et bien
parce que grâce aux adaptations et en particulier du système nerveux autonome sur le cœur et son
remplissage et son éjection, vous voyez que le sportif éjecte beaucoup plus de sang pour le même
nombre de battements que le sédentaire. Donc il va épargner sa fréquence cardiaque pour utiliser
essentiellement sa contractilité.
Alors est ce que l’on a des preuves qui montrent que le système nerveux autonome est modifié par l’entraînement ? Et bien là, je vous ai montré des travaux qui ont été réalisé par Julie Barbier dans notre
équipe. Ces travaux ont été réalisés chez le rat, entraîné en endurance et vous voyez que les récepteurs
muscariniques représentés ici ne sont pas modifiés au niveau du myocarde après l’entrainement. Par
contre, la densité des récepteurs bêta adrénergiques est modifiée et cela dépend du type de récepteurs, je n’ai pas le temps de m’étendre sur ces différents types de bêta récepteurs. Donc, on voit bien
que l’entrainement en endurance va modifier les bêtas récepteurs cardiaques quand on s’entraine régulièrement. Alors, ce qui est le plus facile à étudier au niveau du système nerveux autonome, c’est la fréquence cardiaque et sa variabilité, on y reviendra.
Je vous rappelle très rapidement que la fréquence cardiaque en fait, votre fréquence cardiaque quand
vous êtes assis, est proche de 75 80 par minute. Moi qui suis stressé, je bats un peu plus vite que vous,
et bien ça dépend d’une fréquence cardiaque intrinsèque, c'est-à-dire la fréquence cardiaque à laquelle
le cœur bat quand on le sort du thorax de quelqu’un. Il n’y a plus de système nerveux autonome qui
intervient dessus, multiplié par l’effet du système sympathique (m), l’effet du système parasympathique
et puis l’effet croisé des deux, peu importe. En fait, chez l’homme, ce qui prédomine, c’est le frein puisque le cœur quand on le sort du thorax bat à 100 par minute à peu près, or là, je vous ai dit que vous
battiez à 75 – 80, donc il y a un frein, il y a le système parasympathique qui intervient le plus.
Chez le sportif, cette régulation va être modifiée. Je vous ai montré ici notre record personnel enregistré dans notre service, un cycliste qui bat à 30 par minute. C'est-à-dire, c’est quelqu’un qui vient, on lui
demande de se mettre torse nu, il s’allonge, on branche les électrodes et il bat à 30 par minute. Ca veut
dire que chez lui quand il se réveille, il bat à 22 -25 par minute. Donc on le voit, on est beaucoup plus
bas que la fréquence dont je vous ai parlé tout à l’heure de 75 – 80.
Alors comment est ce que l’on peut explorer l’influence du sympathique et du parasympathique sur
cette fréquence cardiaque ? Sans entrer dans les détails parce que je n’en ai pas le temps. C’est très
facile, il faut faire un enregistrement électrocardiographique un peu prolongé, au minimum 5 à 6 minutes. Sur cet électrocardiogramme, chaque pic que vous voyez le plus marqué, correspond à la dépolarisation du ventricule. Et bien si vous prenez le temps de regarder, vous voyez que l’intervalle de temps
entre les deux dépolarisations n’est pas constant. Cet intervalle de temps va varier de façon spontanée
et périodique. Donc en fin de compte, on peut analyser l’intervalle de temps qui présente des variations
périodiques avec des méthodes mathématiques et on va pouvoir ainsi par des analyses spectrales pour
avoir des spectres qui vont apparaître. Ici, je vous ai représenté l’analyse chez un sujet couché (diapo
10). Vous avez ici un spectre vert qui est assez ample, qui reflète l’influence du système parasympathique sur la fréquence cardiaque. En rouge, c’est la représentation de l’influence plutôt du système sympathique. Quand on demande au sujet de se lever et bien, on voit que le pic vert va diminuer alors que
l’amplitude du pic sympathique va augmenter, c’est normal quand je me lève, j’ai une accélération de
la fréquence cardiaque pour compenser la baisse de la pression artérielle. Donc on peut parfaitement
analyser ainsi les influences respectives du sympathique et du parasympathique.
Et maintenant si je regarde ce qu’il se passe chez des sportifs bradycardes, vous avez donc ici l’intervalle RR, l’intervalle entre les deux pics de dépolarisation, il est plus long chez les cyclistes, c'est-à-dire
que leur cœur bat plus lentement que chez les sédentaires. Ceci est du d’une part à l’augmentation de
la réponse au parasympathique, ici, mais aussi ici d’une grande part à la baisse de la réponse au système sympathique. Donc on voit que l’entrainement va modifier les réponses au sympathique et au
parasympathique. Ceci a peu d’effet à l’exercice physique puisque vous voyez que bien que ce cycliste
batte à 30 par minute, il peut atteindre la même fréquence maximale que chez un sujet non entrainé.
En récupération, après un effort, on revoit le même effet. Ici, vous avez des sujets qui ne sont pas entrainés (en orange) et des sujets qui sont retestés après un effort maximal trois semaines après s’être
entrainé. Vous voyez que la fréquence cardiaque redescend beaucoup plus vite. C’est ce que l’on a
l’habitude d’appeler le coup de frein vagal après l’exercice, on est entrainé, le frein vagal agit beaucoup
plus rapidement et beaucoup plus fort ce qui fait que la fréquence cardiaque redescend beaucoup plus
vite. Et nous cardiologues, on apprécie beaucoup cela parce que c’est un critère de bonne santé en
particulier chez nos insuffisants cardiaques, nos coronariens, etc. On voit donc là l’intérêt de l’adaptation cardiaque chez ces patients malgré le stress que représente l’exercice.
Le deuxième versant, c’est l’effet sur les vaisseaux. Ici, vous avez représenté en vert l’effet induit par
l’injection d’acétylcholine sur les vaisseaux de personnes sédentaires et en rouge, les personnes sportives. On voit que l’injection d’acétylcholine à dose croissante va augmenter la dilatation vasculaire
jusqu’à un certain niveau, puis il y a un plateau chez les sédentaires. On n’a pas du tous les mêmes
adaptations chez le sportif. Vous voyez que lui est capable de dilater encore plus ses vaisseaux.
Heureusement car si il avait des vaisseaux qui ne pouvaient se dilater que pour 25 litres par minute de
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débit cardiaque et qu’il reçoit 40 litres par minute, vous comprenez qu’il y aurait une incompatibilité.
Donc au niveau vasculaire, il va aussi y avoir une adaptation. Et vous savez bien que toutes les adaptations ont des limites et ces limites, c’est ce que je vais essayer de vous montrer, quelles sont les limites principales d’adaptation du système nerveux autonome à l’entrainement physique ?
La principale limite, c’est le problème du surentrainement. Le surentrainement, attention, ça ne touche
pas uniquement les sportifs de très haut niveau d’entrainement, ça peut toucher chacun d’entre nous.
C’est en fait un déséquilibre entre notre quantité d’entrainement et notre quantité de récupération. Donc
entre notre quantité de stress, entrainement et de récupération à ce stress. Et bien classiquement, on
distingue deux types de surentrainement : le type sympathique, c’est les troubles d’excitabilité qui sont
au premier plan (diapo 16) et le type parasympathique où c’est plutôt le type de ralentissement, c'està-dire une baisse de la réactivité qui sont au premier plan. Il est proposé actuellement de diagnostiquer
le surentrainement chez le sportif ou le risque de surentrainement à partir de l’analyse de la variabilité
de la fréquence cardiaque, vous vous rappelez les spectres que je vous ai montré tout à l’heure.
Nous avions réalisé avec Nadia Cheaib lorsqu’elle avait fait sa thèse dans notre équipe, un travail chez
des nageurs qui étaient tous de niveaux nationaux, national 2 pour la plupart, et on les avait explorés
pendant la période d’entrainement dite foncière, c'est-à-dire en fait essentiellement de l’endurance et
pendant la période d’entrainement d’affutage, c'est-à-dire dans les huit jours qui précèdent les championnats de France où là, ils font essentiellement, ces sportifs, des sprints, donc quelque chose qui stimule à priori le sympathique.
Est-ce que cette modification d’entrainement modifie la régulation de la fréquence cardiaque ? Et bien
oui. Ce qu’il y a d’intéressant à voir sur ce résultat, c’est que vous voyez que en période foncière ou
d’affutage, la fréquence cardiaque est la même : 62 – 61battements par minute. Par contre, quand je
regarde le mode de régulation, ici vous avez donc l’influence, on va dire du sympathique et ici l’influence
du parasympathique. Et bien dans la période foncière, vous voyez que c’est surtout le parasympathique qui intervient, beaucoup plus que dans la période d’affutage. A l’inverse, l’influence du sympathique intervient beaucoup plus dans l’affutage que dans la période foncière. On peut donc quand on
explore la fréquence cardiaque du sportif essayer de voir s’ils ont plutôt une régulation sympathique de
leur fréquence cardiaque ou plutôt une influence du parasympathique. Si cette régulation sympathique
devient trop importante, on a un risque de surentrainement. Attention. Soyons très prudents avec ces
méthodes. Autant c’est valable dans une population générale, autant pour un sujet donné, ça reste très
critiquable et il faut vraiment y aller avec beaucoup de prudence.
Deuxième limite : c’est les troubles du rythme. Et bien, nous avons chez des sportifs qui dépassent leurs
limites d’entrainement, l’apparition de troubles du rythme cardiaque. Et là, je vous ai montré un exemple de fibrillation atriale, on voit les ondes P ici, vous voyez qui sont complètement désordonnées ici,
on les voit un petit peu mieux ici, vous voyez des ondes P désordonnées chez un cycliste qui certes a
une oreillette gauche un peu grosse, mais surtout quand il s’entraine trop, il présente ce trouble du
rythme. Le traitement : c’est de diminuer l’entrainement. S’il diminue son entrainement, le trouble du
rythme disparaît.
Enfin dernière limite et peut-être la plus passionnante à mon avis sur le plan de la physiologie intégrée,
c’est la relation entre la pression artérielle et la fréquence cardiaque. Tout à l’heure, je vous ai di que
c’était intéressant de tester quelqu’un qui en position allongé, en position debout parce que quand je
passe en position debout, je fais chuter la pression artérielle et normalement ma fréquence cardiaque
doit augmenter pour compenser la baisse de la pression artérielle. Ici, vous avez des sujets sédentaires en vert et des sportifs en rouge. On ne va prendre que la partie gauche de la diapo. Ici, c’est au
repos. Les sujets sont allongés, on ne leur injecte pas de drogue. Et ici, on va leur injecter une drogue
qui va faire diminuer la pression artérielle. Voyez, on passe de 90 à 70 mm de mercure. Normalement,
d’après ce que je vous ai dit, on doit accélérer la fréquence cardiaque. Et bien oui. Vous voyez que le
sujet contrôle va passer de 60 battements par minute à 80 battements par minute à peu près. Le sportif très endurant, lui augmente très peu sa fréquence cardiaque. Il passe de 50 à 58 battements par
minute. Donc il n’accélère pas assez proportionnellement sa fréquence cardiaque. Et ceci peut être à
l’origine de syncope chez des sportifs, ce que l’on appelle l’intolérance à l’orthostatisme et vous avez
des sportifs qui lors d’un marathon ne peuvent pas s’arrêter au ravitaillement, s’ils s’arrêtent, ils tombent. Donc soient ils s’asseyent pendant le ravitaillement, soit ils continuent à trottiner. C’est la limite de
ces sportifs. Alors ce qui est passionnant, c’est lorsque l’on regarde l’influence des récepteurs dont je
vous ai parlé tout au début, les baro récepteurs à haute et basse pression. Très rapidement. Chez
quelqu’un qui fait du sport de façon modérée, vous voyez que la pression artérielle est régulée pour 65
% par les récepteurs à haute pression et pour 35 % à basse pression. Maintenant si je m’intéresse à
des sportifs qui ont des intolérances, avec des syncopes facilement, et bien vous voyez qu’ils ont complètement inversé leur mode de régulation. Ce n’est plus les baro récepteurs à haute pression qui jouent
le rôle important, seulement 40 %, mais c’est les baro récepteurs à basse pression, 60 %. Tout se passe
comme si les récepteurs à force d’être confronter à des niveaux de pression artérielle élevés lors de
l’entraînement, commençaient à perdre de leur sensibilité et donc de leur efficacité. On a donc bien
atteint chez certains sujets les limites de l’adaptation de ce système. C’est pour ça que si on regarde
la relation entre la condition physique et l’intolérance à l’orthostatisme, je vous ai représenté ici
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quelqu’un qui est resté pendant trois semaines au lit. Si ça vous ait déjà arrivé pour des problèmes de
santé, vous savez que la première fois où vous vous levez, vous avez tendance à tomber, vous avez au
moins des vertiges. Donc on a une intolérance à l’orthostatisme relativement élevé. Si vous êtes normalement actif, vous diminuez ce risque. Si vous vous entrainez régulièrement et modérément, vous
diminuez encore plus ce risque. C’est même un des traitements de la syncope vagale. Par contre, chez
certains sportifs qui s’entrainent trop, qui dépassent leurs limites, le risque d’intolérance à l’orthostatisme réaugmente.
Pour conclure, je crois que ce qui est important à retenir de cet exposé, c’est que l’exercice physique
régulier va induire des adaptations qui sont bénéfiques sur le système nerveux autonome. C’est pour
ça que l’on utilise l’exercice physique comme thérapeutique chez nos malades. Ces adaptations vont
dépendre du type, c’est plutôt l’entrainement en endurance qui est bénéfique et de la quantité d’entrainement puisque l’on a vu qu’il y avait des limites aux adaptations. Ces limites sont le surentrainement,
les éventuels troubles du rythme vagaux et l’intolérance à l’orthostatisme.
Je vous remercie pour votre attention.
Présidente de séance : Céline BODERE
D’abord je vous remercier François et tous les autres […] son faible
Question : Quelle est la marge de manœuvre au niveau de l’entrainement ? Trois à quatre heures par
semaine ?
Pr François CARRE :
Ce qui est important, c’est de pratiquer comme vous l’avez dit une activité physique régulière, modérée, on considère que c’est au moins trois heures d’activités physique par semaine, c’est ce que l’on
recommande à tous nos patients en cardiologie et si cette activité physique est bien équilibrée avec une
récupération suffisante, c'est-à-dire qu’effectivement vous avez quelqu’un qui fait trois heures de sport
par semaine et qui a sa vie professionnelle et familiale qui sont bien ciblées, tout va bien se passer. Par
contre, si une perturbation intervient, la naissance d’un enfant par exemple avec diminution de la durée
des nuits, il va pouvoir basculer dans l’effet négatif de l’activité physique parce qu’il ne laissera pas le
temps à l’organisme de s’adapter aux perturbations et au stress que représentent l’exercice physique.
Donc j’insiste toujours auprès des personnes qui viennent me voir parce qu’ils me disent « je ne peux
pas être surentrainé, je fais trois heure de sport par semaine ». On peut faire trois heures de sport par
semaine et être surentrainé par rapport au reste de la vie. Donc c’est exactement ce que vous avez dit,
l’exercice physique va améliorer la réponse au stress, il y a un effet relaxant à l’exercice physique que
l’on connaît, donc, mais si jamais on équilibre mal cet exercice qui en lui-même représente un stress
avec les phases de récupération, on peut avoir l’effet inverse.
Pr François CARRE :
Chez les sportifs de très haut niveau d’entrainement, il peut y avoir à la longue la survenue de douleurs
chroniques qui sont plutôt ostéoarticulaires plus que musculaires à priori puisqu’à priori si jamais il n’y
a pas de séquelles traumatiques, claquages et autres, vous n’avez pas de raison d’avoir de douleurs
musculaires, on rentre dans des pathologies associées. Ces réponses sont très variables parce que
tous les sportifs de haut niveau n’ont pas des articulations complètement détériorées par la surcharge
mécanique qui est due à la pratique. De la même façon, tous les sportifs de haut niveau ne tombent
pas quand ils s’arrêtent au ravitaillement, c’est 10 % des sportifs. Donc c’est très variable. Et pour
répondre à la question de Céline concernant le déconditionnement, même si ce n’est pas du tout ma
spécialité. Je suis quand même frappé de voir qu’aujourd’hui on recommande aux lombalgiques de
faire de l’exercice physique alors qu’avant, on leur disait de ne rien faire du tout. Donc ça prouve bien
que l’un des meilleurs traitements actuellement des douleurs « chroniques », c’est une activité physique, adaptée, modérée et bien sûr codifiée, encadrée.
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Pr Antoon DE LAAT
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Bases fondamentales, recherches
et conséquences cliniques
du stress chronique
Le français n’est pas ma langue maternelle ce qui va expliquer que probablement vous aurez des phrases un peu drôles de temps en temps,. J’ai vraiment appris déjà beaucoup de choses ce matin, le plus
important c’est qu’il ne faut pas avoir de stress…. je n’ai en ai pas et probablement c’est un peu aussi
l’esprit de la fac ici parce que je ne sais pas si vous avez remarqué, mais toutes les montres restent
comme ça. Ici, à l’intérieur ça reste toujours une heure de l’après-midi et hors de la salle il est toujours
14h15, alors il ne faut pas se stresser.
Je pense que j’y suis arrivé. Très bien. A partir d’une brève revue de la littérature, je voudrais aborder
quelques petits thèmes, d’abord la parodontite en fait qui est liée au stress chronique, quelques mots
sur la position de repos de la mandibule, on va toucher aussi la relation entre les para-fonctions et le
stress et par conséquent aussi le stress et la douleur et on a déjà vu toutes les conférences concernant
la stomatodynie, il y a encore quelques aspects, peut-être bizarreries, les douleurs mucosales.
Concernant la parodontite en fait il y a plusieurs études qui ont montré qu’il y a un vrai lien entre le stress
chronique et la fréquence ou l’intensité d’une parodontite ou d’une perte d’attachement gingival même
si il y a quelques études qui n’ont pas trouvé ce lien ou cette corrélation d’une façon significative. Je
pense que la majorité des études nous montre que si les patients se trouvent dans une situation stressante, le risque à développer une parodontite est beaucoup augmenté. Il faut impliquer certainement
tous les processus que l’on a déjà discuté ce matin, on peut reconnaître pas seulement ce cycle concernant le axis H PA, aussi par ici tout ce qui touche les autres neuromodulateurs, les autres neurotransmetteurs, mais certainement dans le cadre de la parodontite, il ne faut pas oublier que le stress chronique aussi aura comme conséquence qu’il y a un comportement qui change, il y a probablement aussi
le résultat du stress chronique qui va se traduire dans une manque d’hygiène orale, dans une approche
peut-être moins impliquée dans sa propre santé et ça aussi peut résulter en signe clinique d’une parodontite augmentée. Il y a une étude de Monsieur Ng & Leung en 2006 qui a vraiment stipulé plus en
détail les stress chroniques qui peuvent être impliqués. Vous pouvez lire que certainement aussi tout ce
qui nous donne du stress concernant notre boulot, concernant nos problèmes financiers, ne sont pas
bons pour notre parodonte. Comme pour la stomatodynie, on peut dire que l’anxiété, mais aussi la
dépression est un des facteurs qui se montre un peu plus en détail et les gens qui en général sont beaucoup plus focalisés sur les émotions, dans la manière qu’ils essayent à gérer le problème sont plus à
risque à développer une parodontite majeure, ou plus intensif que des gens qui ont plutôt une approche de focalisation, de focus, sur le problème propre. Néanmoins, il faut aussi se réaliser que même si
on peut toucher à ce genre de corrélations, certainement il y a d’autres qui sont beaucoup plus importantes que notre stress chronique : on parle de fumer, on parle aussi de l’âge, on parle aussi du diabète.
Si le stress chronique n’est pas seulement accompagné de conséquences vis à vis du système inflammatoire ou immunitaire, mais par exemple aussi dans une situation où les patients vont grincer ou serrer les dents beaucoup fréquemment, ça pourrait éventuellement aussi expliquer pourquoi il y aurait des
signes de mobilité ou de déchaussement.
Deuxième chose. Il y a déjà beaucoup d’années que l’on sait que si on va mettre des sujets dans une
situation expérimentale qui va augmenter le stress à l’aide d’exercise de calculs ou autres, que l’on peut
mesurer les électromyogrammes au niveau des muscles masticateurs (comme le masséter et le temporal mais plutôt le temporal), qui sont augmentés. Il y a des études un peu plus anciennes déjà de Bob
Yemm,mais aussi plus récemment on a vraiment documenté que l’ EMG de repos est augmenté dans
ces circonstances. Plus récemment le groupe de Torino avec Magda Passatore a documenté qu’il y
aurait aussi un effet par rapport au système nerveux sympathique qui par voie hémodynamique pourrait influencer la position mandibulaire de repos. Un groupe Taïwanais a montré que si en fait le stress
est appliqué, la mandibule va se trouver dans une position plus vers derrière et un petit peu vers le haut,
comme on positionnerait les patients d’une façon plus en supine ( ?)
Je pense qu’il n’y a personne qui pourrait dire que le genre de parafonction montré sur ce diapositif,
n’a pas de conséquence clinique. Je pense que, en tout cas, si on va discuter les corrélations entre les
deux (le stress et les parafonctions), les bruxomanes ont été nommé « des gens qui sont plus hostiles
». Je ne sais pas si c’est le cas, mais si on applique lds listes ou des questionnaires qui demandent ce
genre de capacités, on peut trouver beaucoup plus de scores plus élevés chez les bruxomanes.
Comme pour les autres signes, les autres conférenciers en ont discuté déjà, je pense qu’il y a de nouveau une indication qu’il y aurait une possibilité d’être corrélé avec la dépression, avec l’anxiété et aussi
30
la perception d’avoir un stress du boulot qui est beaucoup plus augmenté que chez des groupes
contrôles. Récemment, on a eu cette étude de Zurich, du Pr Palla, qui nous a indiqué par exemple que
si on va demander des gens qui ont une douleur myofasciale ou myogène, de s’observer et de noter
les contacts dentaires non-fonctionnels et inutiles lors d’une période d’une journée ou plus, que l’on
peut voir que les contacts non fonctionnels sont augmentés d’un facteur 4 en comparaison avec un
groupe contrôle qui n’a pas de douleur myofasciale. Cela de nouveau pourrait indiquer que ce genre de
corrélation serait encore plus importante pour les gens qui serrent les dents lors de la journée en comparaison avec les patients qui plutôt bruxent ou grincent lors de la nuit. Le grincement, l’abrasion sont
très connus, mais il y a aussi la discussion concernant les abfractions, Les abfrctions sont les pertes
de tissu dentaire liées, ou dites liées, aux forces axiales et qui pourraient briser les cristaux hydroxylapatite, et à partir de ce moment donner beaucoup plus la possibilité de créer des lésions semilunaires
à partir du brossage de detns ou autre. Je signale quand même qu’une revue récente de la littérature
ne pouvait pas trouver vraiment beaucoup d’arguments pour supporter cette hypothèse de l’abfraction. En clinique en tout cas, on voit certainement des gens qui serrent les dents où l’on peut trouver ce
genre de lésions au niveau de la transition de la dent et la gencive.
Beaucoup plus obscure à mon avis, est la relation entre le stress et la douleur myofasciale ou articulaire
de notre système masticateur. Le lien entre le bruxisme et ce genre de douleur n’est pas clair et probablement, Gilles Lavigne, demain, va nous donner encore beaucoup plus d’informations. C’est un peu
contradictoire : on sait que si on va demander des sujets sains, sans symptômes, et certainement des
patients, de serrer les dents lors d’une expérimentation, que l’on peut vraiment créer cette douleur
myofasciale. C’est déjà documenté plusieurs fois. Le problème se pose dans la différence avec la
situation clinique, parce que cette douleur expérimentale est seulement de courte durée, ça veut dire
dix minutes, vingt minutes ou deux heures. Ellene va certainement pas donner la même image que dans
la clinique en général. En plus, on voit que certainement pour les gens qui ont une tendance à serrer
ou grincer les dents, mais qui sont mâlesl, on ne peut pas trouver aussi beaucoup de douleurs que chez
les femmes. Ce fait a été déjà abordé ce matin : il y a certainement ce facteur génétique et aussi les
facteurs qui sont liés au sexe qui en fait, vont faire cette distinction entre les deux. Très récemment, le
groupe de Gilles Lavigne a reconsidéré toutes les données électromyographiques, aussi les vidéos, de
leurs études de sommeil dans une sorte d’étude où on a pris une centaine de registrations de gens qui
sont connus comme des bruxomanes et on les a comparé avec une quarantaine de régistrations de
groupes de contrôle. Dans le groupe des bruxomanes, on a pu faire une distinction entre ceux qui avait
une douleur rapportée et les bruxomanes qui n’avaient pas de douleurs. Et apparemment, ceux qui rapportent une douleur ont des épisodes moins fréquents lors de la nuit où ils serrent les dents, en comparaison avec ceux qui ne rapportent pas la douleur. Alors là aussi, il y a certainement encore beaucoup de choses à spécifier. Finalement, comme vous le savez, la majorité des gens que l’on voit chez
nous dans la clinique ne sont pas vraiment des bruxeurs aigus ou les gens qui sont connus comme des
gens qui grincent les dents. Peut-être, c’est beaucoup plus cette force qui est plutôt minimale lors de
la journée, mais exercée au long terme, qui pourrait vraiment donner cette douleur que l’on voit dans
la clinique. Certainement, si on met des patients qui ont déjà une douleur, dans ces circonstances
stressantes, on va voir une augmentation de la douleur. Cela a été documenté plusieurs fois, et c’est
pour ça que certainement il y a aussi cette relation entre la douleur musculaire dans des patients avec
la situation de l’hyperactivité musculaire induite par le stress. On a déjà touché quelque fois ce matin
au syndrome de stress post-traumatique. Là il y a des études récentes, plutôt américaines du groupe
du Kentucky, qui nous indiquent qu’un groupe important (de leurs patients en tout cas) rapporte des
douleurs myofasciales et ont subi un désordre de stress post-traumatique.
Toute la discussion concernant la douleur myofasciale et la perturbation du sommeil sera abordé dès
demain après-midi, mais là je pense qu’il y a vraiment un champ qui est très intéressant, puisque cette
interaction n’a pas été éclaircie déjà, d’une telle façon, que l’on peut dire « c’est l’un ou l’autre, » ou «
l’un va influencer l’autre » : il y a encore beaucoup de questions.
Pour la pathophysiologie du stress : on l’a déjà discuté ce matin, alors je peux vraiment passer très
vite. Vous avez vu déjà ce genre de tableau où certainement tous les facteurs humoaux et de neurotransmetteurs peuvent être influencés par les différents facteurs impliqués dans le stress, ce qui pourrait alors donner nos signes de dysfonction et de douleurs. Je pense que, en général, au point qu’on ne
peut pas lier cette douleur que l’on voit avec un mécanisme très simple nociceptif. La douleur est plutôt le résultat d’un réseau de réponses au niveau de notre cerveau, ce qui est nommé le neuromatrice.
Cela qui veut dire aussi, que en tout cas, il faut toujours prendre les différentes approches pour traiter
ou gérer une douleur pareille, et se réaliser aussi les conséquences psychologiques et l’impact . Ce
concept doit être appliqué non pas seulement dans la pathophysiologie, mais aussi au niveau de la clinique et le diagnostic.
Quelques mots encore concernant les douleurs des muqueuses. La première, c’est la stomatite aphteuse ; là il n’y a pas beaucoup de données, on pourrait dire que il ya eu une étude qui a essayé de
focaliser sur les facteurs impliqués dans l’étiologie, et même si on trouve de nouveau le stress dans les
questionnaires, il y a toutes sortes d’autres facteurs qui sont impliqués dans l’aphtose.
Pour le lichen plane, on a comparé cette situation avec pas seulement des groupes de contrôle qui
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étaient sans problèmes, mais aussi avec des autres douleurs dites atypiques dans la bouche comme la
glossodynie, comme les douleurs atypiques faciales. Là, on voit que tous ces patients ont en fait une
douleur semblable, et dans tous on peut voir des niveaux de douleur augmentés suite à du stress ou
des facteurs impliqués dans le stress, en comparaison avec les groupes contrôle. Par contre, si on veut
discerner entre une aphtose, un lichen plan ou une glossodynie, c’est beaucoup plus difficile, on ne
peut pas le faire.
Finalement, pour le BMS, la stomatodynie, elle a déjà été discuté lors de la conférence d’Alain Woda.
Il y a certainement des indications pour un taux d’anxiété qui est élevée, une dépression qui est élevée
et aussi ce stress psychologique.
Je pense que la seule chose qu’il faut encore dire, c’est que si on veut lier le stress psychologique avec
des facteurs dans la vie du patient qui ont déclenché ce genre de problèmes, ce seront des évènements
qui ont pris place dans le début de la vie, plutôt que des évènements très récents. C’est peut-être quelque chose qui est intéressant à savoir, puisqu’alors ça veut dire aussi, en conclusion, que la seule chose
qui nous manque, ce sont des études longitudinales. Presque toutes les études que j’ai pu discuter,
étaient des études trans-sectionnelles, ça veut dire que les corrélations étaient là, mais pas les explications… Il y a encore un gros manque concernant les études longitudinales.
En ce qui concerne le stress et les maladies : je pense qu’il y a vraiment des indications strictes des
liens entre les deux, que le stress est très important dans beaucoup de pathologies que l’on voit dans
la bouche. Cela veut dire aussi que dans notre approche des patients, on ne doit pas seulement se
contenter à essayer d’avoir un diagnostic somatique, mais dans la majorité des cas douloureux, aussi
prendre le temps pour vraiment voir si il y a des conséquences psychologiques et après les impliquer
dans le traitement.
Président de séance :
Merci Anton pour cette belle revue de littérature qui nous montre que le stress est un peu partout, que
ce soit au niveau des stomatodynies, des lésions de la muqueuse, des parodontites .
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Pr Jacques DELARUE
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Stress & Oméga 3 d’origine Marine ?
Nous allons parler des effets métaboliques du stress et essayer de voir en quoi ces effets métaboliques
peuvent être modulés par les omégas 3 d’origine marine. Quand on parle d’oméga 3 d’origine marine,
on parle des acides gras poly insaturés, à longue chaîne, le EPA et le DHA qui son contenus dans les
poissons gras dont le hareng, la sardine, le saumon et le maquereau. Le premier point, c’est que l’individu s’adapte au stress quand tout va bien. Quand le stress devient chronique apparaît une inadaptation. Il y a un certain nombre de facteurs qui concourent au stress, des facteurs environnementaux que
l’on appelle des agents stresseurs, que ce soit au travail, à la maison, dans son environnement. Il y a
des évènements de la vie, la perte d’un proche par exemple. Il peut y avoir des traumatismes de l’enfance plus ou moins importants. Et associé à ces différents facteurs qui jouent un rôle de stresseur, il y
a des différences individuelles, c'est-à-dire une sensibilité individuelle à la réponse au stress, qui
dépend de la génétique, qui dépend du développement foeto maternel, qui dépend de l’expérience
acquise. Gérer son stress, vous savez très bien que ça s’apprend. Ainsi, suivant la perception que l’on
en a, au niveau central, les informations reçues vont être de nature différente. Et en réponse au stress,
il va y avoir des réponses comportementales, c’est le fameux « Fight of Flight », c’est à dire « combattre ou fuir » qui correspond essentiellement au comportement de l’homme préhistorique. On peut rencontrer cette réponse, encore aujourd’hui, en réponse à d’autres types de stress. Les stress va entraîner parallèlement des réponses physiologiques et ce que l’on appelle l’allostasie. L’allostasie, c’est
l’adaptation à des évènements stressants. Enfin, lorsque le stress devient chronique, il y a une charge
allostasique. Cette charge allostasique va faire que l’on se trouve en situation d’inadaptation.
Juste une petite remarque sur le stress. Pour l’homme préhistorique, le stress classique, c’est un animal sauvage pour lequel il va à la chasse, l’animal sauvage est plus fort que lui, il fuit devant l’animal
sauvage et il rentre dans sa caverne. Une fois que l’animal sauvage est parti, il est tranquille, il pense à
autre chose. Les évènements stressants de la vie moderne sont un peu différents. Cet évènement stressant peut être quand vous êtes au travail, votre patron vous enquiquine et quand vous rentrez chez
vous, vous continuez à penser au patron, le soir, la nuit, le matin, en revenant, etc. Cela devient un
stress de nature symbolique, mais qui peut entraîner des évènements chroniques et naturellement, il y
a de multiple stress chroniques.
Le stress chronique induit des mécanismes d’inadaptation qui ont des retentissements clairement identifiés en termes de santé publique et démontrés sur le plan épidémiologique. Le stress chronique au travail est un facteur de risque du syndrome métabolique.
Le syndrome métabolique est une situation de pré diabète : ce sont des gens qui ont une obésité abdominale, qui ont une résistance à l’insuline et qui vont développer un risque cardiovasculaire accru et un
risque de diabète de type 2, celui que l’on appelait autrefois le diabète gras.
Le stress chronique au travail est un facteur de risque de diabète de type 2. On parle ici de facteur de
risque indépendant. Le stress est un facteur de risque d’infarctus du myocarde. Ainsi, vous voyez clairement que le stress chronique à lui seul, va favoriser la genèse de pathologies dont la fréquence est
extrêmement élevée dans tous les pays et pas uniquement dans les pays dits occidentalisés.
En fait, les agents stressants dont on parlait tout à l’heure vont entraîner une stimulation du système
nerveux sympathique et induire une stimulation de l’axe hypothalamo-hypophysaire, ça vous a été traité
au cours de ces journées. Ces mises en jeu vont entraîner une stimulation de la médullo surrénale et la
sécrétion de catécholamines. Ces différentes activations vont entraîner ce que l’on appelle une résistance à l’insuline, autrement dit l’insuline sera moins efficace sur ces tissus cibles et ce qui va prédisposer à long terme au diabète de type 2. Enfin cet enchaînement d’activations va favoriser également
le développement de l’obésité intra abdominale qui s’accompagne du risque le plus important de diabète de type 2. Ce type d’obésité qui est plus préoccupante vis-à-vis de ce risque que ne l’est l’obésité sous cutanée, donc ce sont des gens qui ont une morphologie androïde plutôt que ginoïde.
A terme, toute ces stimulations sympathique, hypothalamo-hypophysaire, adréno-surrénalienne vont
entraîner des mobilisations de substrats endogènes, une augmentation du débit cardiaque, du flux sanguin musculaire. Au total, ces activations vont permettre la réponse au stress.
Les effets délétères de la réponse au stress vont apparaitre à long terme. Le stress va entraîner une stimulation chronique de la corticosurrénale qui va être à l’origine d’un excès de cortisol. Cet excès de
cortisol va entraîner une multiplication des adipocytes, donc des cellules graisseuses intra abdomina-
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les. Ces cellules graisseuses intra abdominales ont la capacité de libérer un excès d’acide gras que l’on
appelle des acides gras libres. Quand ces acides gras libres arrivent en excès au niveau du foie, au
niveau du muscle et au niveau du pancréas, ils vont entraîner des altérations. Cela s’appelle la lipotoxicité. Cette lipotoxicité va rendre le foie résistant à l’insuline et va conduire à produire un excès de triglycérides, facteur de risque cardiovasculaire. Ces mécanismes vont entraîner une insulinorésistance
au niveau du muscle cad qu’il va capter moins de glucose ce qui va favoriser l’hyperglycémie qui défini
le diabète. Parallèlement, le stress va entraîner une activation synchrone de la médullosurrénale avec
une libération de catécholamines. Ces catécholamines vont encore accroître la lipolyse et l’excès d’acides gras libérés. Elles vont entraîner une vasoconstriction au niveau artériel qui va favoriser la dysfonction de l’endothélium et ce qui fait le lit de l’athérosclérose et va parallèlement entraîner une hypertension artérielle.
Vous voyez que le stress peut induire à lui seul toute la physiopathologie des anomalies suscitées. Il
peut parfaitement expliquer les données épidémiologiques sur le risque de diabète de type 2, sur le risque du syndrome métabolique et sur le risque d’infarctus du myocarde.
L’hypothèse qui a été soulevé en réponse au stress que je vous ai laissé entrevoir tout à l’heure, est que
des évènements stressants environnementaux vont entraîner une charge allostasique, c'est-à-dire une
moindre capacité à s’adapter au stress qui va induire progressivement des altérations métaboliques qui
deviennent permanentes. Lorsqu’elles deviennent permanentes, on rentre dans le cas des maladies
métaboliques du diabète de type 2, etc. et des maladies cardiovasculaires.
A présent, nous allons analyser en quoi le stress pourrait modifier des paramètres métaboliques, à la
fois sur la sensibilité à l’insuline, sur l’hémodynamique, sur l’inflammation. Les effets du stress sont différents selon que l’on a un poids normal ou selon que l’on est obèse. Alors voilà une étude qui a été
faite à Lausanne par Seematter. Cette étude a consisté à faire ce que l’on appelle un clamp euglycémique hyperinsulinémique. Retenez que celà consiste à perfuser de l’insuline à des volontaires pour augmenter leur concentration d’insuline dans le sang. En même temps, on leur perfuse du glucose pour
qu’ils ne soient pas en hypoglycémie. La quantité de glucose qu’il faut leur perfuser pour maintenir la
glycémie constante est un index de la capacité de l’organisme à utiliser le glucose. Plus vous utilisez
de glucose, plus vous êtes sensible à l’insuline. Et donc associée à ce type de technique, une épreuve
de stress mental est pratiquée pendant les trente dernières minutes du protocole. En quoi consistent
ces épreuves de stress mental ? Elles sont pratiquées couramment, notamment dans nos laboratoires.
Elles consistent en deux types d’épreuves.
Une épreuve qui consiste à faire lire des mots : le sujet voit le mot « rouge » qui est de couleur jaune,
le mot « vert » est de couleur rouge, le mot bleu de couleur verte, etc. On demande aux gens de dire la
couleur, comme ce n’est pas la couleur qui correspond au mot, ils se trompent. Et s’ils ne se trompent
pas, l’expérimentateur leur fait croire qu’ils sont dans l’erreur. On leur demande de retrouver non plus
le mot mais la couleur : opération mentale qui crée une difficulté supplémentaire, donc un stress psychologique. Enfin, l’expérimentateur leur demande de faire un calcul mental un peu particulier. C'est-àdire qu’on leur demande de calculer 1 + 3 ça fait 4, ensuite on leur donne le chiffre 3, mais il ne faut pas
qu’ils additionnent le chiffre 3 au chiffre 4 qu’ils viennent de calculer, mais 3 au chiffre 3 qui est le
deuxième chiffre qui a permis d’obtenir 4. Ils doivent trouver 6, etc. Comme c’est quelque chose d’assez compliqué, ce calcul créé un stress psychologique. Comment cela se manifeste en pratique ? Dans
cette étude, vous avez en bleu les sujets de poids normal qui sont les sujets de référence. Vous avez
ici la concentration d’adrénaline dans le sang, ici la concentration de noradrénaline. Pendant ces épreuves de tests de vision des mots colorés et du calcul mental, le stress induit se traduit par une augmentation très nette de l’adrénaline et une augmentation très nette de la noradrénaline. Alors suivant que
l’on est mince ou que l’on est obèse, il n’y a pas de différence, la réponse au stress des catécholamines, donc de la médullosurrénale est la même. Si on regarde maintenant la sensibilité à l’insuline c-a-d
la capacité de l’organisme à utiliser le glucose, vous voyez qu’ici le fait d’être en situation de stress lorsque l’on a un poids normal et en bonne santé va augmenter la capacité de l’organisme à utiliser le glucose. Donc ça veut dire que l’organisme devient plus sensible à l’insuline. En revanche, vous voyez que
si l’on est obèse, en rouge, ce phénomène ne survient pas. Donc les obèses pour une raison que l’on
va essayer de détailler tout à l’heure, n’ont pas la même capacité que les sujets sains à stimuler leur
utilisation de glucose en réponse au stress. En revanche, si on observe la dépense énergétique, la
consommation d’oxygène, vous voyez que le stress augmente la consommation d’oxygène donc la
dépense énergétique chez les sujets minces et chez les obèses de manière comparable. Ainsi, la différence que l’on rencontre, ne se situe pas sur les concentrations de catécholamines, ni sur la dépense
énergétique, mais c’est clairement sur la capacité de stimuler l’utilisation du glucose.
Si on regarde maintenant les paramètres cardiovasculaires, la fréquence cardiaque, la pression artérielle, l’index cardiaque, les résistances périphériques, l’épreuve mentale, ici dans la population de référence chez les sujets minces, va augmenter la fréquence cardiaque, va augmenter la pression artérielle
moyenne, va augmenter l’index cardiaque, donc il y a clairement un effet cardiovasculaire très facile à
constater, enfin ce test de stress va diminuer les résistances périphériques. Quand on regarde ce qu’il
se passe chez les obèses, le stress accélère la fréquence cardiaque comme chez les minces, augmente
la pression artérielle comme chez les minces. En revanche, l’index cardiaque augmente un peu moins
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et surtout, voyez que les résistances périphériques ne diminuent pas. Donc il y a un problème d’adaptation vasculaire chez l’obèse à la réponse au stress par rapport à un sujet qui n’est pas obèse. Donc
c’est une deuxième différence avec la capacité d’utiliser le glucose.
Quel peut être le mécanisme qui explique qu’il y a une différence entre l’obèse et le non obèse ? Ce
mécanisme pourrait être cette lipotoxicité dont je vous ai parlé au début, c'est-à-dire cet excès d’acides gras que l’on voit chez l’obèse parce qu’il a une masse adipeuse plus importante et cet excès d’acides gras qui est susceptible d’avoir un effet métabolique délétère et d’altérer un certain nombre de
fonctions métaboliques. Si on veut faire la preuve de cette hypothèse, faire maigrir les obèses représente une possibilité, mais on n’arrive pas toujours à les ramener à un poids normal, donc c’est difficile. La deuxième manière de procéder expérimentalement, c’est d’augmenter artificiellement les
concentrations d’acides gras dans le sang jusqu’à une concentration qui est à peu près la même que
celle que l’on observe chez les obèses, chez des volontaires et d’observer ce qu’il se passe avant et
après augmentation des concentrations d’acides gras. C’est ce qui a été fait ici dans ce travail de
Lausanne. Voilà la technique du clamp euglycémique hyperinsulinémique. Après perfusion de l’insuline
et augmentation expérimentale de la concentration d’insuline dans le sang, on fait l’épreuve de stress
mental. L’utilisation du glucose est ainsi augmentée. La glycémie est maintenue constante en perfusant
du glucose. Lors d’une des deux épreuves, on laisse les acides gras libres chuter en réponse à l’insulinémie et dans l’autre épreuve on perfuse des lipides pour que les acides gras libres soient aussi élevés que chez des obèses. On procède de la même façon avec l’épreuve de stress à la fin. Vous voyez
que lorsque l’on fait cette manipulation, l’utilisation du glucose augmente comme je vous l’ai indiqué
tout à l’heure chez les sujets minces qui ont un taux d’acides gras normal augmente tel que c’est
attendu. Par contre, vous voyez que si on a perfusé des acides gras pour rendre les concentrations
d’acides gras similaires à celle des obèse et bien cette augmentation d’utilisation du glucose ne se fait
plus. Donc il se passe exactement la même chose que chez l’obèse. De même, si on regarde les résistances périphériques, on voit que les résistances périphériques s’effondrent en réponse au stress lorsque les acides gras n’ont pas été perfusés. Si on a perfusé des acides gras, les résistances périphériques ne s’effondrent plus, exactement comme chez l’obèse. C’est la démonstration expérimentale que
vraisemblablement l’excès d’acides gras que l’on voit au cours de l’obésité contribue à une altération
de la réponse métabolique au stress. Cette réponse altérée suppose que le sujet ne soit plus capable
de baisser ces résistances périphériques en réponse au stress. Il risque à long terme d’avoir des montées tensionnelles. Si le sujet n’augmente pas son utilisation de glucose en réponse au stress, il présnte des manifestations de résistance à l’insuline. Voilà sur la pression artérielle, l’illustration de ce que
je vous disais tout à l’heure. Vous avez sur cette image, l’augmentation de la pression artérielle lorsque
l’on ne perfuse pas de lipide. Si on perfuse des lipides, vous voyez que l’augmentation de la pression
artérielle en réponse au stress est beaucoup plus importante. Nous venons d’évaluer pour les aspects
métaboliques.
Maintenant, penchons nous sur le système nerveux sympathique. Les choses sont très complexes.
L’hyperactivité sympathique est considérée comme un facteur de risque cardiovasculaire. Cette étude
démontre clairement qu’en fonction du poids, on a une activité sympathique qui est plus ou moins
importante. Vous avez ici des sujets de poids normal, qui ont un indice de masse corporelle normal de
21 et voyez ici l’activité sympathique. Cette activité est mesurée par microneurographie, l’opérateur
pose des petites électrodes au niveau du nerf sciatique poplité externe et fait un enregistrement très
très fin des décharges de ce nerf. Cet enregistrement est très précis, la meilleure mesure de l’activité
sympathique. Voyez qu’à la limite du surpoids avec un indice de masse corporelle à 25, il commence
déjà à se passer quelque chose, les pics sont un peu élevés. Si on passe au stade d’obésité avec un
indice de masse corporelle à 30, voyez que les décharges sont plus importantes et si on passe à une
obésité morbide, voyez que les décharges sont franchement très importantes. Ainsi, il y a une corrélation très nette entre le niveau d’activité sympathique et le niveau d’obésité. Vous voyez très bien la corrélation ici entre l’indice de masse corporelle et l’activité sympathique en microneurographie. Cette corrélation est très très forte puisque le coefficient de corrélation est de 0,67. Au total, chez l’obèse, la
réponse au stress n’est pas de même nature que chez le sujet de poids normal et celà passe vraisemblablement au moins par un excès d’acides gras libres circulants.
Que ce passe t’il, si on applique les études sur la réponse au stress au cours d’un repas ? Toutes ces
études ont été faites à jeun, mais on peut être stressé en dehors de la période de jeun le matin. On peut
être stressé quand on mange. C’est même probablement un des facteurs qui concourent à l’excès de
prise alimentaire chez beaucoup d’obèses ou chez les sujets qui ne sont pas encore obèses mais sont
prédisposés à le devenir. C'est-à-dire qu’en réponse au stress, il y a une surconsommation alimentaire.
C’est un travail que l’on est en train de faire actuellement, c’est la thèse de Gwénola Allain. Nous sommes en train d’étudier chez des volontaires, l’effet de deux périodes de stress telles que je vous les ai
décrites au cours d’une charge orale de glucose. L’opérateur leur fait avaler du glucose, vous voyez
l’augmentation de la glycémie. Puis pendant la période ascensionnelle de la glycémie, on induit trente
minutes de stress. « On laisse reposer. » Ensuite, pendant la période de descente de glycémie, on refait
une épreuve de stress. Voyez que ça ne change pas la glycémie, ce qui ne veut pas dire que cela ne
change pas l’utilisation du glucose, mais les résultats ne sont pas encore disponibles. Je ne vous mon-
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tre que les résultats cardiovasculaires sur la fréquence cardiaque et la pression artérielle moyenne.
Supposons que vous avez un stress au cours du repas. Vous êtes en train de manger, vous regardez la
télé, il y a l’homme politique du bord opposé au votre, il vous agace, il vous énerve, ça vous stresse. La
pression cardiaque augmente. Le bonhomme disparaît et il y a autre chose qui apparaît à la télé! La
pression cardiaque augmente. C’est pareil sur la pression artérielle moyenne. Voyez que la pression
artérielle augmente, puis elle diminue, puis elle réaugmente. Donc clairement, ça veut dire que si vous
êtes en situation de stress à différents moments de la journée, clairement il existe un retentissement du
stress aigu au moins sur les paramètres cardiovasculaires. Et il est clair qu’à long terme, cela induit des
niveaux moyens de fréquence cardiaque accélérée et de pression artérielle plus élevés que la moyenne.
Bien évidemment ça aura des conséquences cardiovasculaires. Le risque accru de l’infarctus du myocarde passe en partie par ce genre de phénomènes cardiovasculaires.
Au delà de ça, le stress va aussi favoriser l’inflammation. Parmi les facteurs qui concourent à l’athérosclérose, il y a l’inflammation artérielle. Alors cette inflammation artérielle va entraîner une libération de
cytokines pro inflammatoires, TNF, IL1, IL6 qui va entraîner une inflammation chronique et cette inflammation sub chronique va favoriser la résistance à l’insuline, l’augmentation de la pression artérielle, la
dyslipidémie, l’obésité abdominale qui elles mêmes vont entraîner une athérosclérose. Il existe parallèlement des facteurs extérieurs tels que l’âge, le fait de fumer, le fait d’être obèse , qui favorisent l’inflammation. Donc cet ensemble de cascades inflammatoires concourt à l’athérosclérose, au risque cardiovasculaire et à la prédisposition au diabète. Dans une étude qui a été publiée en 2003 dans le PNAS,
il a été démontré que le stress a un effet pro inflammatoire en plus des effets que je vous ai préalablement signalé. Ce sont des volontaires à qui l’on a fait faire une conférence comme je suis en train de
vous faire devant un public, plus du calcul arithmétique. On a mesuré l’élévation du cortisol et de l’ACTH
au cours du stress. Le cortisol augmente, l’ACTH augmente comme vous le savez déjà. L’adrénaline
augmente, la noradrénaline augmente et puis, ce qui a été évalué en prélevant des cellules mononuclées dans le sang, c’est leur capacité à exprimer un paramètre de l’inflammation que l’on appelle NF
CAPA B, je ne rentrerai pas dans les détails. Vous voyez qu’au cours du stress, il y a une augmentation
importante de ce facteur de transcription de l’inflammation dans ces cellules mononuclées, ce qui est
un indice et le reste de l’étude démontre clairement que le stress par lui-même va augmenter l’inflammation. C’est un mécanisme supplémentaire par lequel le stress va favoriser l’athérosclérose et le risque d’infarctus du myocarde en plus de l’élévation de la fréquence cardiaque lorsqu’il survient et de la
pression artérielle. Voilà pour ces aspects.
Maintenant ce qu’il faut savoir. C’est que la réponse au stress est extrêmement variable d’un individu à
un autre. Face à un même stress, les individus ne réagissent pas de la même façon. Ceci est susceptible d’expliquer la différence de prédisposition aux maladies métaboliques dans un même environnement stressant et tout autre facteur de risque identique par ailleurs, certains vont basculer vers le risque cardiovasculaire ou vers le diabète et d’autres ne le feront pas. Cette prédisposition dépend des
neurotrophines cérébrales. Je vous montrerai tout à l’heure que ce mécanisme est modulable par la
nutrition et notamment par les omégas 3. Voilà ce qu’il se passe lorsque vous faites faire une conférence en public, devant un amphithéâtre à des volontaires et que vous leur dosez le cortisol dans la
salive. Vous faites une conférence le premier jour, vous refaites faire la même conférence le deuxième
jour, puis le troisième jour, puis le quatrième jour, puis le cinquième jour. Ce que vous observez là en
moyenne sur une population, ici c’était des hommes, vous observez que le premier jour, le cortisol augmente beaucoup, puis il augmente un peu moins le deuxième jour et puis c’est à peu près pareil le troisième, le quatrième et le cinquième jour. Ici, c’est pour la moyenne de la population. Mais si on regarde
individuellement dans cette population, on se rend compte qu’il y a des hyper répondeurs, c'est-à-dire
des hyper stressés et des moins hyper stressés. Et voilà la démonstration, vous avez ici ce que l’on
appelle les hyper répondeurs, vous voyez que le premier jour, ça monte très fort, le deuxième jour ça
monte toujours aussi fort, le troisième jour ça augmente toujours aussi fort, le quatrième jour etc. puis
le cinquième jour, quand même il arrive à s’adapter. Et puis vous avez dans cette même population de
garçons des répondeurs, des moins grands répondeurs. Donc ceux là déjà, ils augmentent beaucoup
moins le premier jour et puis surtout dès le deuxième jour, ils se sont adaptés et ils augmentent considérablement moins qu’ils n’ont augmenté le premier jour. Donc clairement, suivant les individus, certains s’adaptent au stress et d’autres ne s’adaptent pas au stress. Cette variation individuelle va avoir
des conséquences différentes.
Autre élément qu’il faut connaître. C’est que le stress ou le choc post traumatique peut entraîner des
lésions cérébrales. Cette étude a été faite au Japon chez des sujets qui ont été victimes de cette
fameuse attaque au sarin dans le métro de Tokyo. Certains ont fait un choc post traumatique, d’autres
ne l’ont pas fait. Cette étude a comparé par une IRM cérébrale ceux qui avaient fait un choc post traumatique et ceux qui ne l’avaient pas fait. Chez ceux qui ont fait un choc post traumatique, psychologique et il y avait une perte de substance grise au niveau d’une région que l’on appelle la cingula. Cela
veut dire que le stress peut générer des lésions organiques cérébrales. Ces lésions organiques cérébrales dépendent probablement d’un effet sur un facteur trophique cérébral que l’on appelle le PDNF.
Je ne vais pas rentrer dans le détail, mais on sait que l’expression de ce facteur neurotrophique est
déprimé si l’on est dépressif, c’est le cas de le dire. Si l’on donne des régimes hyper lipidiques à des
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souris ou à de rats ce facteur est déprimé. On sait qu’au contraire ce facteur est stimulé, si on fait faire
de l’activité physique régulière. Ainsi, il est possible de moduler ce facteur neurotrophique et en modulant ce facteur neurotrophique, on va pouvoir moduler la trophicité cérébrale, la plasticité au niveau de
l’hippocampe. Ceci bien sûr va avoir des conséquences sur la réponse au stress, c'est-à-dire que si on
fait de l’activité physique, on va favoriser la plasticité au niveau de l’hippocampe et ça va favoriser la
réponse au stress. Inversement si on a un régime hyper lipidique ou si on est déjà déprimé, on va être
beaucoup plus sensible au stress.
Alors quelles sont les perspectives maintenant ? C’est à partir du moment où l’on sait que le stress n’est
pas bon pour la santé, il y a deux manières de faire. C’est soit diminuer l’environnement de stress, il est
impératif de tout mettre en œuvre pour diminuer l’environnement stressant. Ca fait d’ailleurs partie des
missions de la médecine du travail de diminuer le stress dans les entreprises, mais quelqu’un que vous
n’aimez pas que vous avez au boulot tous les jours avec vous, et bien de temps en temps vous le supportez pendant toute une carrière. Je prends cet exemple, il peut y en avoir d’autres. La deuxième possibilité, c’est de dire, on essaye de trouver des solutions pour qu’à un stress donné, la réponse soit
moins grande. Et parmi les facteurs susceptibles de moduler et bien, il y en a plusieurs. Il y a les omégas 3 d’origine marine, on va en parler, il y a l’alcool. Le fait de consommer de l’alcool potentialise l’effet du stress. Donc chez les gens qui consomment un peu trop d’alcool, il vaut mieux le faire diminuer
s’ils sont sensibles au stress dans un environnement stressant. D’autres nutriments ? L’activité physique qui va améliorer la réponse au stress, donc la soulager. Et puis les interactions qui peuvent exister
entre les nutriments et l’activité, puis d’autres facteurs que l’on ne connaît pas encore et puis éventuellement certains médicaments tels que les béta bloquants.
On va parler spécifiquement des omégas 3 dans cette dernière partie et voir en quoi ils sont capables
de moduler le stress psychologique. Il y a déjà un certain nombre de données épidémiologiques intéressantes. Celà a été fait en Angleterre chez des enfants et ce sont des enfants qui avaient des anomalies psychologique ou psychiatriques, telles que des conduites d’anxiété, des troubles psychosomatiques, une impulsivité d’hyper réactivité et ce qui a été démontré, c’est que les problèmes étaient beaucoup plus marqués chez ceux qui avaient des niveaux bas d’acides gras omégas 3 dans le plasma.
Donc ça n’est pas une démonstration de cause à effet, simplement ceux qui sont les plus anxieux, les
plus impulsifs, les plus porteurs de problèmes psychosomatiques sont ceux qui ont le taux d’acides
gras omégas 3 circulants les plus bas dans le plasma. Deuxième élément, si on regarde ici d’autres troubles psychiatriques, le syndrome bipolaire, c’est celui que vous rencontrez un jour et qui vous sourit et
puis tralala « t’es sympa » et puis qui le lendemain vous dit pas bonjour… On a des résultats similaires.
En ce qui concerne la consommation de produits marins ? Vous avez ici différents pays où la consommation de produits marins est plus ou moins importante. Vous voyez qu’il y a une courbe de cette nature
là et cette courbe, elle veut dire quoi ? Elle veut dire que dans les pays où la consommation de produits
d’origine marine est la plus importante, la fréquence de ce syndrome bipolaire est moins importante. Ca
n’est pas une démonstration de cause à effet. C’est une constatation d’une corrélation très marquée
entre consommation de produits marins et syndrome bipolaire. Mais ce n’est pas du stress au sens du
stress tel qu’on l’a décrit tout à l’heure. Les syndromes dépressifs pour en terminer avec des notions
d’épidémiologie et vous avez ici donc différents types de facteurs susceptibles d’influer sur la dépression qui va depuis le sexe, par l’indice de masse corporelle, la prise d’alcool, le café, etc. et bien parmi
les facteurs qui prédisposent au syndrome dépressif, il y a le fait de consommer peu de poisson qui
accroît le risque de dépression. Encore une fois, ça ne veut pas dire que c’est une relation de cause à
effet, mais c’est un constat d’association.
Maintenant, si on veut démontrer que les omégas 3 ont un effet anti stress, il faut faire des études d’intervention, donner des omégas 3 à des sujets et regarder ce qu’il se passe. La première étude, en fait,
a été publiée dans JCI en 96 et c’est celle qui a été finalement à l’origine de nos propres travaux. Elle
a été faite au Japon et a consisté à étudier deux groupes d’étudiants en train de préparer des examens
à l’université, donc considéré comme une période stressante et ça pendant, ça devait durer si ma
mémoire est bonne pendant trois mois. Un groupe a reçu de l’huile de poisson à des doses relativement élevées donc contenant du DHA et du EPA, et un groupe n’en a pas reçu. Donc voilà ce qu’il se
passe chez le groupe qui n’a pas reçu d’huile de poisson, on voit que les réactions d’hostilité vis-à-vis
de l’entourage se sont majorées pendant cette période de trois mois de préparation d’examen lorsqu’ils
n’avaient pas d’huile de poisson. On voit qu’inversement il y a une forte tendance à la diminution et la
différence est significative chez ceux qui ont reçu de l’huile de poisson, ces réactions d’hostilité en
réponse au stress de préparation des examens ont été abolies. En revanche, s’il n’y a pas de stress et
on voit qu’il ne se passe rien. Autrement dit, les omégas 3 n’ont d’effet sur les réactions d’hostilité que
si ces réactions d’hostilité surviennent en réponse à un stress. S’il y a des réactions d’hostilités en
dehors du stress, les omégas 3 ne jouent pas. Donc même les omégas 3 n’ont jamais démontré améliorer le bien être de qui que ce soit. Je précise ces points là, je le regrette, mais c’est comme ça.
Maintenant, ça c’était des stress relativement aigus, pendant trois mois, ce n’est pas très aigu, mais
quand même. Maintenant sur des stress chroniques prolongés de plusieurs mois et bien, on voit que si
l’on donne du DHA sous forme d’huile de poisson à un groupe qui est soumis à un stress chronique de
plusieurs mois, et que l’on regarde cette fois ci la réponse hormonale au stress et non plus la réaction
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d’hostilité dont on parlait tout à l’heure, on voit que l’on va diminuer par exemple la concentration circulante de noradrénaline. Par contre, ça ne fait pas grand-chose sur le cortisol et sur l’adrénaline, mais
au moins sur la noradrénaline et bien la concentration diminue en réponse au stress chronique. Donc à
l’issue de ces différents travaux de la littérature, nous avons étudié chez des volontaires, il y a quelques
années, l’effet d’un stress psychologique, en fin la prise d’omégas 3 sous forme d’huile de poisson sur
la réponse au stress psychologique. On a étudié des sujets à jeun. Ils ont eu un stress psychologique
avec la technique que je vous ai montré tout à l’heure pendant trente minutes, puis une heure de récupération, on a mesuré la consommation d’oxygène et la dépense d’énergie par calorimétrie et on a fait
des prélèvements sanguins pour doser le cortisol, l’hGH, l’adrénaline et la noradrénaline. Première
chose, si on regarde la pression artérielle moyenne, en jaune sans omégas 3, en rouge avec omégas 3,
c’est un peu décalé vers la droite, mais il n’y a pas de différence. Si on regarde les résistances périphériques, il n’y avait pas de différences significatives, mais il est clair quand même que sans omégas 3, il
y a une diminution des résistances périphériques et une tendance à ce que ça reste à peu près en l’état
avec les omégas 3, mais ce n’est pas différent, donc je ne commenterai pas plus avant. Si on regarde
la fréquence cardiaque, pas d’effet des omégas 3, on voit l’augmentation de la fréquence cardiaque
similaire dans les deux cas. Par contre, si on regarde la dépense d’énergie en réponse au stress, voyez
que la dépense d’énergie en réponse au stress augmente si il n’y a pas eu d’huile de poisson avant et
si il y a eu de l’huile de poisson avant, l’augmentation de la dépense énergétique est abolie grâce à
l’huile de poisson. De même, si on regarde sur les catécholamines, on observe pour ce qui est de l’adrénaline, la concentration d’adrénaline a été significativement moins élevée en réponse au stress après
omégas 3. Si on regarde le cortisol, c’est encore plus criant. Augmentation du cortisol en réponse au
stress si il n’y a pas d’huile de poisson. Si il y a de l’huile de poisson, abolition de l’augmentation du
cortisol et voyez sur l’hGH, on part de plus bas et il n’y a pas ce pic de hGH comme quand on observe
quand il n’y a pas d’omégas 3. Donc sur les hormones de stress, clairement il y a un effet d’abolition
de la réponse par l’huile de poisson. Si on regarde les acides gras libres, c'est-à-dire la lipolyse, la capacité à libérer des acides gras libres, je vous ai expliqué qu’à long terme un excès de libération d’acides
gras libres peut aggraver une lipotoxicité et bien vous voyez l’élévation d’acides gras libres en réponse
au stress s’il n’y a pas d’huile de poisson, si il y a de l’huile de poisson, on part plus bas et l’augmentation n’est pas plus significative. Donc là encore aussi, on a un effet sur ce phénomène.
Donc en conclusion sur ces aspects là, on peut dire que les omégas 3 marins donnés avant le stress
mental et effectué à jeun le matin abolissent la réponse cortico-adrénergique, abolissent l’augmentation
de la dépense énergétique et abolissent la stimulation de la lipolyse. En revanche, il n’y a pas d’effet sur
l’augmentation de la fréquence cardiaque et de la pression artérielle moyenne.
Maintenant, qu’est ce qu’il se passe si on étudie des gens en hyper insulinémie ? Avec la même technique du clamp euglycémique hyperinsulinémique que je vous ai indiqué tout à l’heure. Donc on a repris
les protocoles qui avaient été pris à Lausanne, d’ailleurs, on a fait cette étude avec nos collègues de
Lausanne. Nous induisons une hyper insulinémie, un stress psychologique pendant les trente dernières
minutes, une dépense d’énergie mesurée par calorimétrie indirecte. Voilà pour la sensibilité à l’insuline,
donc on augmente la concentration d’insuline, on perfuse du glucose pour que la glycémie reste
constante et vous voyez qu’en réponse au stress, il y a une augmentation qui était attendue de l’utilisation du glucose. Et cet effet n’est pas différent suivant qu’il y ai ou qu’il n’y ai pas d’huile de poisson,
c’est en rouge. En revanche, en hyper insulinémie cette fois ci, vous voyez que la pression artérielle systolique qui augmente significativement sans huile de poisson, n’augmente plus significativement s’il y a
eu de l’huile de poisson. Les résistances périphériques qui diminuent sans huile de poisson, ne diminuent plus s’il y a de l’huile de poisson. La fréquence cardiaque qui augmente sans huile de poisson,
n’augmente plus s’il y a de l’huile de poisson. Donc à la différence de ce qu’il se passe à jeun, en hyper
insulinémie, on a donc un effet cardiovasculaire protecteur de l’effet du stress par les omégas 3 marins.
Sur les hormones de stress, c’est aussi très évident, l’augmentation de l’adrénaline qui n’apparaît plus
s’il y a eu de l’huile de poisson. L’augmentation de la noradrénaline n’apparaît plus s’il y a eu de l’huile
de poisson. L’augmentation du cortisol ici qui est très forte qui n’apparaît plus s’il y a eu de l’huile de
poisson. Donc la réponse hormonales est elle aussi abolie par les omégas 3.
Maintenant si on passe à une autre situation qui est celle de l’hyperactivité sympathique. Je vous ai dit
tout à l’heure que l’obèse avait une hyperactivité sympathique, ça a été montré par les techniques de
microneurographie que je vous ai présenté. Là, on a étudié une population de patients qui sont connus
pour avoir une hyperactivité sympathique, ce sont les hémodialysés qui ont un risque cardiovasculaire
très important à tel point que c’est la première cause de décès chez ces patients. On a fait avaler du
glucose, une charge orale de glucose à des hémodialysés avant ou après trois semaines de prise d’huile
de poisson. Avant de prendre de l’huile de poisson, voilà la réponse de la dépense énergétique à la
charge orale de glucose. Vous voyez que ça augmente, ce qui est attendu, ça rediminue et puis ce qui
est totalement inattendu, ce que l’on observe jamais en dehors des hémodialysés, c’est qu’il y a une ré
augmentation de la dépense d’énergie donc pendant la deuxième partie de l’épreuve. S’ils ont reçu de
l’huile de poisson, vous voyez que cette ré augmentation est abolie. Et cette ré augmentation de la
dépense d’énergie ici en jaune quand ils n’ont pas reçu d’huile de poisson coïncide avec une augmentation significative de la concentration d’adrénaline, donc c’est bien une hyperactivité adrénergique
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chez ces patients. Et s’ils ont reçu de l’huile de poisson, vous voyez qu’il n’y a plus d’augmentation de
l’adrénaline et c’est ça qui explique qu’il n’y ait plus l’augmentation de la dépense d’énergie. Donc, ça
a un effet protecteur vis-à-vis de l’hyperactivité sympathique et l’hyperactivité sympathique qui est
délétère sur le plan cardiovasculaire.
Donc si je conclue sur mon exposé, on peut dire que les omégas 3 marins vont avoir différents points
d’impact en réponse au stress. Ils vont donc abolir la réponse du cortisol, abolir la réponse des catécholamines, ils vont éviter en hyper insulinémie au moins l’augmentation de la pression artérielle
moyenne. Et puis, il faut que vous sachiez que par ailleurs, ils ont d’autres effets protecteurs vis-à-vis
du risque cette fois ci de diabète en diminuant la résistance à l’insuline, ils préviennent la résistance à
l’insuline au niveau du muscle, au niveau du foie et ils restaurent un certain degré d’insulino sécrétion.
Donc autrement dit, en dehors de l’effet propre qu’ils ont sur le stress et dont je vous ai montré qu’il
était délétère, ils ont aussi d’autres effets et dans un cadre global, ils ont donc une place probable beaucoup plus importante que celle qu’on leur accorde aujourd’hui officiellement dans la prévention cardiovasculaire et la prédisposition au diabète de type 2.
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Dr Nicolas FOUGERONT
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Myalgies de l’appareil manducateur :
la kinésithérapie a-t-elle des effets
spécifiques ?
(Diapo 1) Ce qui est intéressant je trouve, c’est que plus ça va, plus on va vers la compréhension des
mécanismes, même s’il reste encore beaucoup d’inconnues. Ce qui m’intéresse, c’est de faire le lien
entre la clinique et le fondamental. De plus en plus, on utilise les exercices, par exemple dans les lombalgies, c’est quelque chose de reconnu. Les études cliniques montrent que les exercices sont efficients. Est-ce qu’ils sont efficaces ? C’est justement la question d’aujourd’hui et donc nous allons
essayer de comprendre si la kiné a un effet spécifique, c’est à dire un effet biologique ? En fait, pour
tout vous dire, je n’ai trouvé pratiquement aucune étude là-dessus. Je voudrais quand même vous en
parlez. Ce sont plus des hypothèses.
(Diapo 2) Donc comme vous le savez, tout le monde est d’accord là-dessus, on a trois cibles thérapeutiques : la douleur, la motricité et le comportement. On a parlé du stress longuement, on a évoqué la
douleur, un peu, avec les différents types de douleur. Peut-être Alain Woda nous parlera-t-il de la douleur neuropathique (Est-ce qu’il y a une composante neuropathique dans les dysfonctionnements de
l’appareil manducateur ?) Donc, selon les différents types de douleur, on peut peut-être agir de façon
plus ciblée dans nos traitements. Ce qui m’intéresse, c’est juste la motricité et la contraction musculaire, et est-ce que finalement la kiné agit sur la motricité et en fin de compte sur le muscle ? Mais vous
savez évidemment, vous êtes tous d’accord qu’il y a une « composante motrice » de la douleur, que la
douleur - outre une sensation - est aussi un comportement, tout ceci a été dit bien avant et je n’y reviendrais pas.
(Diapo 3) En fait pour agir sur la fonction on utilise soit les exercices, soit les gouttières. Et les gouttières d’après des reviews assez poussées ne semblent pas avoir d’effet spécifique. Cela peut être
contesté, on peut en discuter, mais je ne voudrais pas parler de cela, ce n’est pas mon sujet. Donc elles
ont quant même une efficience, tout au moins pour les myalgies localisées ; par contre pour les myalgies généralisées (ex. fibromyalgie), il semble que les gouttières n’ont pas d’effet d’après les études cliniques. Donc il semble que les gouttières ont quant même un effet positif, mais vous allez me dire, à
quoi est-ce du si elles ont un effet positif et si elles n’ont pas d’efficacité ? C’est simplement du à l’effet placebo. On sait que lorsque l’on prend de l’aspirine, il y a un effet placebo d’une part et un effet
thérapeutique (spécifique) d’autre part. Cela a été démontré, en inhibant l’effet placebo en donnant de
la naloxone (inhibiteur de la morphine et donc des endorphines du système modulateur descendant de
la douleur) ; dans ces conditions, l’effet antalgique est moins puissant et est uniquement du à l’action
antalgique de l’aspirine (effet spécifique). Donc, l’effet placebo a vraiment un substrat neurophysiologique, beaucoup de gens étudient cela de façon poussée.
(Diapo 4)Donc ici, ce qui m’intéresse, ce n’est pas l’effet placebo mais l’effet spécifique, à savoir l’efficacité. Ce qui est bizarre, c’est que lorsque l’on s’intéresse aux muscles, il y a des tonnes de publications, notamment en médecine sportive, montrant les effets des exercices au niveau du système
moteur et sur le muscle. Par exemple, les effets de l’hypoactivité ou de l’hyperactivité : (1) au niveau
neurophysiologique et neuroplastique (par exemple les modifications des cartes corticales, etc.) ; (2) la
circulation sanguine (hémodynamique) ; (3) l’histologie du muscle : la densité des capillaires qui change
(connu depuis les années 1980 ou 1970-80), ceci est du notamment à des synthèses de facteurs de
croissance (ex. VEGF) ; les fibres musculaires se modifient, il y a des modifications qualitatives (changement de phénotype étudié chez les sportifs), des changements quantitatifs : hypertrophie (augmentation de taille des cellules), voire dans certains cas hyperplasie (des fibres se multiplient, mais enfin
c’est plus discutable) ; (4) enfin, il y a des modifications biochimiques. Je ne vous parlerais pas de tout
cela en détail, parce que je serais absolument incompétent dans ce domaine, c’est juste une petite synthèse. Ici, je voudrais seulement reprendre certains de ces points, et du point de vue de la kiné voir ce
qui peut se passer.
(Diapo 5) Donc nous allons voir à chaque fois le modèle physiopathologique des myalgies, et face à
cela, émettre une hypothèse avec des arguments à l’appui ; notamment nous verrons à la fin, je vous
citerai la seule étude trouvé (Kadi et col., 2000), que dans le cas de myalgies du trapèze, on a des modifications histologiques et biochimiques et des effets thérapeutique avec un soulagement.
(Diapo 6 et 7) Alors au niveau de la motricité, donc on connaît tous le « modèle de l’adaptation de la
douleur » (de Lund, 1991). On va voir si les exercices peuvent avoir un effet au niveau moteur ou estce que c’est du au traitement de la douleur ? Alors je rappelle rapidement : une douleur persistante ou
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chronique, (selon la distinction faite par Sandro Palla entre douleur persistante et douleur chronique,
cette dernière serait associée à des facteurs psychosociaux plus importants, on en a parlé comme facteur de risque, etc), ce qui est important, c’est que c’est une douleur des tissus profonds d’une part, et
qui dure d’autre part. Elle va agir au niveau du système moteur segmentaire (au niveau des CPG, - central pattern generator -, générateur central de rythme) et elle va induire une décharge motrice paradoxale : avec une hypoactivité à la fermeture qui va expliquer l’impotence masticatoire (que l’on
retrouve dans des études cliniques), et à l’ouverture, une co-activation agoniste/antagoniste des élévateurs et des abaisseurs, qui explique la limitation d’ouverture et qui se traduit par une contraction
excentrique du muscle élévateur. Ceci a été revu et synthétisé. Ce sont donc des régulations segmentaires analogues à des réflexes à l’insu du patient. (Diapo 8) Par contre ce que l’on ne connaît pas, c’est
s’il y a des régulations supra-segmentaires, cela a été évoqué dans cet article. On ne sait pas ce qui se
passe dans le cerveau du point de vue des interrelations entre : la motricité, la douleur et le stress. On
peut se demander d’ailleurs quand on fait de la kiné (donc des mouvements volontaires d’origine cérébrale), si on peut court-circuiter les régulations segmentaires (rhombencéphaliques pour l’appareil manducateur, ou spinale pour l’appareil locomoteur). Mais on sait que les réflexes sont adaptables et que
les influences cérébrales peuvent moduler les réflexes, donc pourquoi pas ?
(Diapo 9) En fait, il y a deux stratégies motrices possibles, inhibition réciproque ou co-activation agoniste/antagoniste, et toutes les deux sont physiologiques ; mais dans les conditions pathologiques, la
stratégie co-activation agoniste/antagoniste est utilisée. On peut se demander finalement si avec le
traitement on peut passer de la co-activation à l’inhibition réciproque ; là est la question, car soit on
traite la douleur qui est la cause du dysfonctionnement et de l’activité paradoxale, et on va passer à une
inhibition réciproque, soit est-ce que les exercices en eux-mêmes ont un tel effet pour passer de l’une
à l’autre ? La co-activation agoniste/antagoniste se traduit par une raideur articulaire (que l’on ressent
d’ailleurs cliniquement quand on mobilise la mandibule du patient). Elle consomme forcément plus
d’énergie que l’inhibition réciproque puisque les deux, les abaisseurs et les élévateurs se contractent.
Et généralement, elle intervient quand les régulations sont peu efficaces, c'est-à-dire que le système
moteur ne peut pas anticiper les régulations nécessaires à la réalisation fine du mouvement. Et par
contre, dans l’inhibition réciproque la raideur articulaire est moindre (la mandibule est par exemple plus
facilement mobilisable), elle consomme moins d’énergie et n’intervient que lorsque les régulations sont
plus efficaces. Donc, a priori en traitant la douleur (la cause du dysfonctionnement), on peut passer
d’une stratégie à l’autre.
(Diapo 10 et 11) Mais, par ailleurs on s’est rendu compte, dans le muscle sain, que l’on pouvait diminuer ce taux de co-activation aussi bien dans des contractions isométriques, que dans des contractions isocinétiques. Et là, c’est le cas d’une étude des extenseurs (quadriceps) et des fléchisseurs
(biceps) de la jambe en condition isométrique. On se rend compte qu’après un exercice de huit semaines, le taux de co-activation des fléchisseurs diminue de 20 % dans la jambe entraînée. Ce qui est
curieux d’ailleurs, c’est qu’au niveau de la jambe opposée qui est non entraînée, la co-activation va
diminuer aussi, c'est ce qu’on appelle l’éducation croisée (par des modifications neurophysiologiques
centrales et controlatérales à la jambe entraînée).
(Diapo 11) En cas de contractions isocinétiques aussi, quand on compare des sujets sédentaires et des
sujets entraînés, il y a un taux de co-activation qui est moins important chez les sujets entraînés.
Donc on peut supposer que si on fait faire des exercices de la mâchoire, on rend peut-être les régulations plus efficaces. Mais évidemment, on traitera aussi la douleur. Donc il faut savoir faire la part des
choses. Pour l’instant on ne sait pas.
(Diapo 12 et 13) Du point de vue de la circulation sanguine (hémodynamique), on suppose fortement
que dans les myalgies, il y a une hypoperfusion. Plusieurs hypothèses au fil du temps ont été proposées pour cela ; et quand on fait des exercices, on favorise la circulation sanguine dans le muscle. Donc
il y a plusieurs hypothèses : (1) Moller a proposé qu’il y avait une compression vasculaire ; effectivement
pour des degrés de morsure pas très importants, il y avait un certain degré d’ischémie. (2) Mense a proposé deux cercles vicieux (contracture et congestion veineuse) centrés sur l’ischémie. Après (3),
Maekawa a proposé dans une synthèse, qu’il y avait une hypoperfusion d’origine végétative. Tout cela
va dans le même sens. Par ailleurs, il faut savoir aussi que l’hyperhémie fonctionnelle est un phénomène
très très compliqué faisant intervenir des phénomènes mécaniques, nerveux et métaboliques avec des
interactions entre ces différents paramètres. Ces hypothèses sur l’hypoperfusion peuvent donc se compléter. (Diapo 14) De plus, si on suppose qu’il y a une contraction excentrique (les muscles élévateurs
se contractent à l’abaissement) cela pourrait induire des troubles micro-circulatoires. Car d’une part, en
cas de contraction excentrique, les artérioles et les veinules sont moins capables de se dilater. D’autre
part quand on fait faire une contraction concentrique, (c'est-à-dire dans le sens du travail musculaire,
quand le muscle se raccourci dans son sens habituel), après une série d’exercices excentriques, la
chute de la PO2 au moment de la contraction concentrique est plus importante. Il y a un déficit en O2
à ce moment là. Voilà, ce sont les courbes du bas.
(Diapo 15)Donc quand le muscle se contracte, il y a une hyperhémie fonctionnelle. Cela est vrai pour
tous les muscles, on le sait depuis longtemps, et Moller l’a bien montré au niveau des muscles masticateurs, vous le voyez avec la mastication. (Diapo 16) Ce qui est intéressant, (ce sont des études chez
41
l’animal), après des exercices d’entraînement, on voit qu’il y a une accentuation de la dilatation des artérioles (ce qui est hachuré), ce qui explique l’accentuation de l’hyperhémie fonctionnelle. Donc cela, c’est
chez l’animal. Ce matin, on en a un peu parlé.
(Diapo 17) Jusqu’à maintenant ce que je vous proposais, c’était des hypothèses. Mais là au niveau histologique (capillaires et fibres musculaires) et biochimique, ce sont les résultats d’une seule étude en
cas de myalgie du trapèze. Nous allons voir à chaque fois l’état pathologique et les effets des exercices.
(Diapo 18) Pour les capillaires, le CAFA (capillary per fibre area) est l’indice de capillarisation. Vous avez
les capillaires (sur la photo de gauche ou de droite - diapo 18) à la périphérie de la fibre musculaire.
Donc on va partir de l’état pathologique. Chez les femmes et pas chez les hommes, (pourquoi pas chez
les hommes, je ne sais pas, mais il y a quand même plus de myalgies chez les femmes donc … ) l’indice de capillarisation est diminué. Et ce qui est intéressant, c’est qu’il y a une corrélation négative entre
l’indice de capillarisation d’une part, et l’intensité de la douleur et le nombre de sites douloureux d’autre part (corrélation CAFA faible / douleur importante). Dans cette étude on voit qu’après des exercices
pendant huit semaines (et si je me souviens bien, il s’agit de trois séances par semaine, trois jours, une
demie heure par séance, ce qui n’est pas énorme finalement), après exercices d’endurance ou de renforcement, mais pas après des exercices de coordination, qu’il y a une accentuation du nombre de
capillaires qui est très nette. D’après l’auteur, c’est ce qui pourrait expliquer l’amélioration fonctionnelle.
Dans ce cas, il s’agit d’un muscle pathologique ; mais dans le muscle sain, on savait depuis longtemps
qu’il y avait une angiogenèse capillaire induite par les exercices. Ce que l’on sait dans le muscle sain,
c’est qu’il y a des facteurs de croissance qui interviennent, et en particulier le VEGF. Donc, cela veut
dire que l’exercice permet une modification d’expression des gènes et une synthèse des facteurs de
croissance qui favorise donc cette capillarisation. Cela, c’était pour les capillaires.
(Diapo 19) Maintenant pour les cellules musculaires. Vous savez qu’il y a trois types de cellules musculaires (I, IIA, IIB) grosso modo. Dans les muscles masticateurs, ce n’est pas tout à fait vrai, il y a des
types intermédiaires. Les fibres de type I ont un métabolisme oxydatif, les fibres IIB un métabolisme glycolytique et les fibres IIA un métabolisme intermédiaire. Vous avez à gauche l’état pathologique, on va
voir après exercice à droite sur la diapo. Chez les femmes, mais pas chez les hommes (pas de différences par rapport aux témoins), la proportion de fibre de type I est augmentée. Quand on fait faire des
exercices chez la femme (il n’y a pas d’étude chez l’homme), la proportion des fibres de type I diminue
et la proportion des fibres de type IIA (le type intermédiaire) augmente. Et la taille des fibres aussi
change. Après coordination, on a une diminution de la taille des fibres de type I et après renforcement,
on a une augmentation de la taille des fibres de type II. Chez les hommes, il y avait une augmentation
de la taille des fibres de type IIA, mais comme il n’y a pas d’étude après traitement, on ne peut pas
conclure.
(Diapo 20 et 21) Ces fibres n’ont pas les mêmes mécanismes biochimiques. Donc, est-ce qu’il n’y aurait
pas au niveau biochimique maintenant une « crise de l’énergie », on pourrait appeler cela comme ça ?
Donc il y a eu des études qui ont montré, et d’autres qui ne l’ont pas montré, qu’il y avait une déficience
de la COX (la cytochrome C oxydase), qui est une enzyme qui intervient dans la chaîne terminale respiratoire dans la mitochondrie, après le cycle de Krebs. (La chaîne respiratoire est le site où les ATP vont
être synthétisés). Et donc vous voyez en bleu (diapo 21) les fibres COX négatives qui sont déficientes
en cette enzyme. Mais cette déficience de cette enzyme n’a pas été retrouvée dans toutes les études.
Mais si c’est le cas, cela pourrait expliquer pourquoi il y a eu des concentrations moindres en ATP dans
des études plus antérieures chez des patientes avec des myalgies du trapèze. Ce qui est intéressant,
c’est que l’exercice permet de diminuer la fréquence de ces fibres COX négatives.
(Diapo 22) En conclusion, les exercices et en particulier les exercices d’endurance et de renforcement,
semblent avoir des effets spécifiques, mais cela nécessiterait d’être étudié pour les myalgies de l’appareil manducateur. On pourrait se demander si la mastication physiologique, (c'est-à-dire non douloureuse, efficace, unilatérale alternée), pourrait être un moyen de rééducation naturelle à la fois de recoordination (on peut le comprendre dans le sens passage de la co-activation agoniste/antagoniste à l’inhibition réciproque) et de renforcement (renforcer notamment l’action agoniste).
Enfin une mastication physiologique, pourrait être aussi un des buts du traitement ; puisque les études
cliniques ont montré qu’il y avait une certaine impotence masticatoire dans les dysfonctionnements de
l’appareil manducateur, et que la mastication provoquait une douleur. Donc, mais vous allez me dire,
mais comment faire des exercices de mastication si le patient a mal ? Peut-être dans un premier temps,
on donne des exercices d’étirement (ce qu’on fait finalement) et dans un deuxième temps, on passe à
des exercices de renforcement avec des exercices de mastication. Peut-être intervient aussi la qualité
(dureté) du régime alimentaire, parce qu’il y a une étude (de He) chez l’animal qui montrait que, (mais
chez l’animal en croissance, ce n’est pas un adulte non plus et c’est un animal en plus), la qualité du
régime alimentaire influait sur l’indice de capillarisation et la taille des myocytes. Donc là peut intervenir la qualité et la dureté du régime alimentaire, et aussi la durée quotidienne, on ne connaît pas d’ailleurs la durée quotidienne de la mastication. Enfin, je n’en ai pas trouvé, et si quelqu’un le sait, je veux
bien, je suis preneur.
Donc dans le futur, la compréhension des myalgies et de la kiné sera sans doute du à une meilleure
42
compréhension de la motricité, et aussi de la neuroplasticité (c’est vrai qu’il y a des modifications corticales, etc.) et de la contraction musculaire, et de leurs relations avec la douleur, la douleur chronique
(fort facteurs psycho-sociaux) notamment.
43
Dr Antonin HENNEQUIN
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Occlusion, prothèse
et chirurgie orthognatique.
Alors on va s’éloigner un petit peu, à travers de cette communication libre, du thème du congrès
puisqu’on va parler d’occlusion, de prothèse et surtout de chirurgie orthognathique.
Avant de tenter de montrer la pertinence d’une telle association, commençons par poser la problématique.
a- problématique
Voici le cas d’un patient qui a perdu 45-46-47, non-remplacées, avec égression des dents antagonistes et perte de l’espace prothétique utilisable côté droit. Notez que la DVO est conservée en controlatéral.
Voici le cas d’un patient présentant un délabrement buccal de très grande étendue avec absence total
de guide antérieur fonctionnel.
Un wax-up de simulation de « ce que devraient être les dents » est réalisé. Il montre l’important décalage qui existe dans le sens antéropostérieur entre l’arcade maxillaire et l’arcade mandibulaire.
Dans ces conditions, est-il envisageable de réhabiliter ce patient en passant outre son architecture
osseuse, à savoir un décalage important des bases osseuses dans le sens antéropostérieur ? Et dans
ces conditions, la pérennité du traitement serait-elle assurée ?
Nous ne pouvons le certifier et c’est la raison pour laquelle, comme pour le cas précédent, et puisque
le problème est osseux, nous avons proposé une prise en charge chirurgicale maxillofaciale…
… avec comme but, dans ces cas difficiles, de replacer le patient dans un contexte occlusale favorable à une réhabilitation prothétique dite « classique, facile et habituelle ».
b – Les techniques chirurgicales
Examinons rapidement les techniques chirurgicales les plus couramment utilisées.
Distinguons les ostéotomies segmentaires des ostéotomies totales concernant tout le maxillaire, ou
toute la mandibule.
Une ostéotomie est un geste chirurgical qui consiste à réaliser un clivage osseux ; clivage qui permettra la mobilisation du fragment osseux, et la mobilisation son repositionnement dans une position que
le plan de traitement aura déterminé.
Une ostéotomie partielle maxillaire permettra par exemple une impaction d’un fragment osseux portant
les dents.
Une ostéotomie complète permettra une avancée, un recul, une bascule, une impaction, une égression
de tout un maxillaire, c’est le cas d’une ostéotomie de « LEFORT I » par exemple, ou d’une « ostéotomie sagittale bilatérale de la mandibule » appelée ostéotomie « d’EPKER ».
c – Bibliographie
Rapidement, une recherche biblio approfondie révèle le très petit nombre d’articles consacrés à l’utilisation conjointe de la prothèse et de la chirurgie dans les cas compliqués.
d – Protocoles chirurgico-prothétiques
La réalisation d’un certain nombre de cas relevant à la fois de ces 2 disciplines nous a conduit à prendre conscience de certaines faiblesses de nos protocoles lors de la réhabilitation buccale de nos
patients.
Nous avons ainsi isolé quelques problèmes, auxquels nous tentons de proposer quelques solutions.
Lors de la simulation de la chirurgie tout d’abord :
∑ - La difficulté de la simulation prothétique
∑ - la prise en compte insuffisante de l’architecture squelettique, alors que c’est elle-même qui est
concernée par la modification des bases osseuses.
∑ - les problèmes de simulation et de quantification peu précise des mouvements des bases osseuses
∑ - ainsi celui du report des données céphalométriques sur articulateur
∑ - La construction des courbes d’occlusion
∑ - La comparaison difficile entre et l’état initial et la simulation finale ainsi que la validation de notre
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travail à chaque étape
Pour chaque problème, nous proposons :
∑ - l’utilisation de wap-up lors de la simulation prothétique
∑ - l’utilisation de céphalométrie informatisée concernant l’analyse osseuse
∑ - l’utilisation du M.R.I concernant la prise en compte de cette architecture osseuse et la mobilisation
spatiale en 3D des fragments osseux que l’on veut déplacer
∑ - l’utilisation d’inserts de plans d’occlusion paramétrables
∑ - l’utilisation des doubles bases engrenées et des doubles modèles fractionnés pour la comparaison,
la validation et la vérification des étapes prothétiques
Lors de l’intervention chirurgicale, nous proposons :
∑ - la réalisation des prothèses provisoires AVANT l’intervention et non plus après, avec comme conséquence d’avoir des guides chirurgicaux scellés et une occlusion servant de guide sans équivoque
∑ - nous proposons aussi l’utilisation de porte-ligatures directement intégrés aux prothèses provisoires,
ce qui permet de se supprimer les arcs orthodontiques lors de la solidarisation des arcades
∑ - le maintien des prothèses provisoires ne pose aucun problème dans la mesure où elles ont été
conçues pour un usage prolongé (prothèse sur armature métallique et faces occlusales permettant une
fonction normale). Elles limitent la récidive précoce, et facilitent grandement les prothèses définitives :
pas de surprise de dernière minute, tout est déjà fait.
e – Cas clinique
Examinons ensemble un cas clinique, dont le problème insoluble a été résolu par l’utilisation de chirurgie orthognathique.
Cet homme est venu consulter pour des raisons autant fonctionnelles qu’esthétique, et il a voulu, la
quarantaine passée, faire table rase de son état dentaire (ce qui soit dit en passant n’est pas neutre
dans l’acceptation qu’il aura du plan de traitement).
L’examen du visage met déjà en évidence un affaissement de la dimension verticale ainsi qu’une progénie légèrement marquée.
L’examen buccal met en évidence de très nombreux problèmes d’édentements non compensés, de
malpositions dentaires, des problèmes parodontaux, des restaurations prothétiques et conservatrices à
refaire etc...
L’examen en bouche et sur articulateur révèle une absence de guide antérieur.
L’analyse céphalométrique informatisée diagnostic une classe III osseuse, ce qui doit être relativisé à la
lumière de l’examen attentif de la téléradiographie de profil, où l’on voit qu’en réalité, le menton trop
avancé du patient fausse complètement l’analyse. On peut dire qu’en présence d’un menton normal,
l’analyse céphalométrique montrerait probablement une classe I voire une classe II.
Le diagnostic vertical révèle une perte de DVO, que l’ordinateur estime de l’ordre de 5 mm en inter-incisif.
Le wax-up de prospection (ici à gauche) réalisé de façon à ce qu’il existe une congruence maximale en
OIM entre les 2 arcades, indépendamment des bases osseuses, objective le décalage dentaire qui
existe dans le sens antéropostérieur, et montre qu’aucune réalisation prothétique pérenne ne peut s’inscrire dans un tel cadre occlusal.
C’est la raison pour laquelle, le chirurgien-dentiste et le chirurgien maxillo-facial proposent une chirurgie d’avancée mandibulaire.
L’avancée mandibulaire augmentera sa progénie et sa « fausse classe III », ce qui sera corrigé par une
génioplastie soustractive.
Le plan de traitement va comporter 2 phases décisives :
∑ - une phase prothétique PRE-chirurgicale, comprenant un bridge complet haut et bas.
∑ - une phase chirurgicale.
• d’avancée mandibulaire et d’augmentation de la DVO par ostéotomie bilatérale sagittale des branches
montantes mandibulaires
• une génioplastie dans le même temps anesthésique
On procède donc aux soins pré-prothétiques : avulsions, parodontie, endodontie, et restauration radiculaire.
Les prothèses provisoires sur armatures métalliques sont réalisées en fonction des wax-up.
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L’essayage des prothèses met en évidence la béance antérieure qui existe avec les prothèses avant la
chirurgie, ce qui est normal du fait de la programmation du décalage antéropostérieur lors de la réalisation des prothèses. Les prothèses sont scellées la veille de l’intervention.
Lors de l’intervention chirurgicale, le chirurgien sépare l’arcade portant les dents des branches montantes, ce qui permet sa mobilisation et son repositionnement.
L’avancée mandibulaire est réalisée.
Des ligatures interarcades sont posées une fois la mandibule repositionnée, pour pouvoir fixer les plaques d’ostéosynthèse.
L’intervention se reporte sur la région mentonnière : la génioplastie soustractive est effectuée immédiatement, dans le même temps anesthésique et chirurgical. Une chirurgie esthétique d’aménagement des
tissus mous et graisseux est réalisée, de façon à donner un aspect naturel à la région mentonnière.
Après cicatrisation, les prothèses définitives haut et bas sont réalisées, dans des conditions de rapports
interarcades rendues « classiques, habituelles et faciles» par la chirurgie orthognathique.
Voici le résultat final à 1 an.
f - Conclusion
Notre travail tente, en proposant la rédaction de protocoles chirurgico-prothétiques, de montrer la pertinence de l’association de la chirurgie orthognathique et de la prothèse dans la résolution de cas prothétiques impossibles à réhabiliter de manière « classique ».
Précisons que les cas sont relativement rares, mais lorsqu’ils se présentent, les réponses sont souvent
inadaptées.
Nous proposons de déplacer l’étape prothétique AVANT l’étape chirurgicale (et non plus après).
Ce concept présente bien des avantages, notamment en terme de précision du repositionnement et de
la gestion future du contexte occlusal.
Ainsi se nouent les liens entre les possibilités techniques du moment, et les idéaux esthétiques et fonctionnels auxquels nous aspirons, nous et nos patients.
Cette démarche ne peut aboutir sans une véritable symbiose entre le chirurgien maxillo-facial et le chirurgien dentiste, et doit aller de paire avec cette prise de conscience : qu’ouvrir notre esprit aux possibilités de la chirurgie orthognathique, c’est élargir nos propres capacités à proposer un plan de traitement adapté à chacun de nos patients.
Mesdames et messieurs, madame la présidente de séance, je vous remercie de votre attention.
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Dr Maxime JAISSON
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Etude de la biomécanique de l'ATM.
Comportement du disque articulaire
dans un modèle en élément finis.
Cette étude a permis de se pencher sur le comportement articulaire grâce à une méthode de modélisation. Alors tout d’abord, nous allons essayer très rapidement de répondre à cette question : l’ATM estelle une articulation contrainte ? Je pense que la plupart d’entre vous ont la réponse. Bien que pendant
longtemps de nombreux auteurs la disaient sans contrainte pour ses raisons, puis Gysi en 1921 propose un modèle de cette articulation donc le levier. Et justement, le fait d’assimiler la mandibule à un
levier implique le développement d’une force au niveau du point d’implication, c'est-à-dire l’ATM. Les
études de Dawson, de Delcambre, Findlay ou Highlander entre autre vont dans ce sens. En étudiant
l’anatomie, Dawson situe dans le plan frontal les contraintes maximales au niveau des pôles médiaux
des condyles et des fossettes crâniennes en regard à cet endroit, l’os y est densifié. Delcambre, d’après
des études histologiques, physiologiques également, radiographiques détermine que seul le versant
antérieur du condyle temporal et le condyle temporal lui-même sont capables de supporter des pressions par disques articulaires interposés. On s’aperçoit qu’à ce nouveau, le fibro cartilage y est épaissi.
Highlander ou Findlay, eux, vont utiliser des jauges de déformations au niveau de l’ATM de macaque.
Actuellement le domaine des éléments finis, notre domaine d’étude permet de rendre compte de l’évolution et de la situation des déformations et des contraintes dans des zones non accessibles par les
méthodes classique. La technique de modélisation de l’articulation que je vais vous proposer est la suivante. Les objectifs sont de créer un modèle se rapprochant le plus possible du vivant et il faut que ce
modèle soit exportable vers un logiciel d’analyse. Alors, il faut avant tout des coupes scanner et des
images IRM d’un sujet considéré comme sain. Pour traiter les images, j’ai utilisé le logiciel AMIRA pour
reconstruire le modèle. Donc je suis allé au laboratoire le LACM. Ensuite, on a transmit ce modèle en
format.inp pour qu’il soit exportable vers le logiciel ABAQUS. Je travaille en collaboration avec le Dr
Philippe Lestriez du GMMS.
La méthode de conception du modèle passe par la segmentation de chaque image scanner. On va
contourer les muscles et aussi les structures osseuses. Les images IRM nous permettent de fixer les
limites du disque lors de sa segmentation sur les coupes scanner. Après la segmentation, il faut discrétiser l’ensemble de ces contours. C’est ce qu’on appelle le maillage. Vous voyez ici le disque en maillage volumique. L’interpolation donnera ensuite l’aspect lisse au modèle.
Voici le modèle sur lequel nous avons travaillé. Alors, il contient l’articulation gauche, ici vous voyez les
hémi arcades dentaires gauches, le disque articulaire, l’hémi mandibule gauche, le maxillaire avec la
base du crâne, le muscle ptérygoïdien latéral, ensuite les muscles temporaux, le muscle masséter et le
muscle ptérygoïdien médial. Alors, au niveau de ce modèle, seule l’articulation sera soumise à la simulation numérique. Par contre, la modélisation des muscles nous permet de voir et de calculer leur surface de section maximale et également leur orientation dans l’espace. Cette surface de section musculaire est nécessaire pour calculer la force musculaire maximale développée lors de la phase de broiement, déterminée par l’électromyographie, d’après les travaux de Azerad. Notre modèle sera soumis
aux forces répétées de l’occlusion.
Alors il faut décomposer la force musculaire en trois forces se répartissant dans les trois sens de l’espace. La force musculaire est considérée comme un vecteur, on applique la méthode de décomposition vectorielle et cela nécessite le calcul de deux angles.
Voilà les forces résultantes appliquées à la mandibule ou plutôt au condyle lors de l’occlusion. Elles correspondent alors à la somation des forces des muscles élévateurs. Or d’après Bravetti, seulement 35
% de ces forces sont appliquées à l’articulation, le reste est distribué au niveau des surfaces occlusales.
Il nous reste à attribuer au disque une loi de comportement. Il répond à la loi de comportement des
matériaux poroélastiques voire hyperélastiques. Le fibro cartilage réagit comme une éponge pleine
d’eau. Le liquide sort du tissu sous l’effet d’une force. Alors cette équation est issue d’expérimentation
sur disque humain et elle permet de reproduire les courbes de déformation et de contrainte et caractérise la loi comportementale. Elle moyenne les équations de comportement des deux matériaux composant dans le milieu poreux.
Une fois l’ensemble de ces éléments rentrés dans ce logiciel, le logiciel de calculs ABAQUS, la simulation numérique est lancée. On va pouvoir quantifier les contraintes et les déformations au niveau du
disque, les forces de réaction, le déplacement du condyle qui en résulte et les forces de réaction de la
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base du crâne. On travaille en quatre dimensions car on agit sur la durée, la fréquence du chargement.
La fréquence de mastication étant située environ entre 0,75 et 1,5 hertz, on soumet le disque à des
indendations autour de ces fréquences. Ici une fréquence de 1 hertz signifie que la force s’applique progressivement pendant 0,5 seconde, puis décroit progressivement pendant 0,5 seconde. Cela correspond à un cycle d’une seconde. Vous voyez donc en bas à gauche l’évolution des contraintes au niveau
de la face antérieure du disque gauche et à ce niveau là, l’évolution des déformations que l’on va commenter ensuite. Alors au bout de 8 secondes, les contraintes moyennes sont plus importantes à 0,5 et
2 hertz qu’à 1 hertz. Les contraintes ensuite au niveau de la face inférieure du disque se distribuent
essentiellement au niveau de la partie postéro latérale du disque. Alors, au bout de 4 cycles, on voit que
ces contraintes se répartissent davantage.
Pour ce qui concerne les déformations. Les courbes de déformation sont de type logarithmique, elles
évoluent rapidement dès les premiers cycles, puis évoluent peu dans les derniers cycles. On voit que
le disque plafonne sa déformation jusqu’à 11 % de sa déformation, c’est une déformation équivalente.
Comme pour les contraintes, les déformations les plus importantes sont distribuées au niveau de la portion postéro latérale du disque et on voit que le disque au bout de 4 mises en charge s’est déformé de
façon généralisée.
Alors, je vais maintenant comparer les déformations et les contraintes au bout de 4 mises en charge.
A la fréquence de 0,5 hertz, on s’aperçoit que les contraintes et les déformations sont importantes. Le
disque à cette fréquence d’indentation se vide d’une partie de ses fluides. Il est déformé, mais se rigidifie également. Alors les contraintes sont augmentées, sont plus importantes. Inversement à 2 hertz,
on voit que les déformations sont faibles, mais les contraintes sont importantes. Donc les fluides sont
comprimés à l’intérieur du disque, ils n’ont pas le temps de sortir, donc le disque se retrouve rigidifié et
les contraintes s’en trouvent augmentées. A 1 hertz, il y a un équilibre entre à la fois les contraintes
maximales et les déformations maximales. Les forces appliquées se font sur un laps de temps qui favorisent la circulation des fluides sans compression interne excessive. Ceci va donc se récupérer, se
répercuter (pardon) sur la distribution des contraintes à cette surface.
La déformation du disque, c’est peut-être un raisonnement qui se fait à l’envers, mais vous allez voir
que l’on a des solutions ensuite. La déformation du disque entraîne un déplacement condylien. Les
déplacements de la tête condylienne suite à ces déformations sont sensiblement les mêmes à différentes fréquences. Là, je devais vous montrer la fréquence de 1 hertz. Dans ce cas donc à 1 hertz, on voit
donc le déplacement moyen de la tête condylienne latéralement et de 0,3 mm selon la courbe bleue
(diapo 27). Le déplacement vertical vers le haut est de 0,5 mm (en rouge) et également, on voit que le
condyle effectue un déplacement postérieur (la courbe en vert).
Pour les forces de réaction, elles sont calculées au niveau de la base du crâne. Donc elles vont données une indication sur la redistribution par le disque des forces appliquées par la tête condylienne.
Alors également à 1 hertz, on voit que cette force de réaction est plus faible. Elles atteignent en
moyenne 500 newtons, mais ne redescendent jamais à 0. Cela signifie que l’énergie emmagasinée par
le disque n’a été totalement dissipée avant sa remise en charge. On peut comparer le disque à un amortisseur qui absorbe les forces qui lui sont appliquées avant de les retransmettre ensuite.
Alors parmi les points de discussion, on pourrait tout d’abord discuter de la relation linéaire qui lie la
force maximale à la surface de section maximale d’un muscle. En effet, toutes les fibres musculaires ne
sont pas équivalentes entre elles et ne développent pas la même puissance.
Enfin, pour explorer un peu plus la loi de comportement, s’intéresser de plus près à la phase de relaxation mais également au niveau de l’évolution dans le temps de la circulation des fluides au niveau des
parois du disque.
Pour conclure, on s’aperçoit également que l’amortissement et la répartition douce des contraintes se
fait pour une gamme de fréquences. Alors, cela nous donne effectivement des résultats mettant en évidence une véritable résilience articulaire ainsi qu’une déformation discale manquant à nos articulateurs.
D’après ce constat, on pourrait aussi se poser cette question : est-ce qu’une augmentation des fréquences d’indentation et donc de contraintes ne sollicitant pas le potentiel de récupération du disque
ne serait-elle pas à l’origine d’endommagement discal et par la même occasion intra articulaire ? La
question est levée et elle reste ensuite à prouver.
Alors, nous avons mis en évidence que la déformation du disque peut se faire jusqu’à 11 % donc de
son épaisseur, soit à peu près de O,4 mm. Alors, j’ai retrouvé ces valeurs dans le manuel d’occlusodontie pratique, cela avait déjà été avancé par Anne Giraudeau et Daniel Brocard. Cette déformation pourrait être rendue pour responsable d’une légère bascule postérieure de la mandibule entraînant donc un
déplacement postérieur du tampon occlusal. Cela reste bien évidemment à confirmer sur un échantillon statistiquement significatif.
Enfin, la mastication étant une action dynamique se faisant dans les trois sens de l’espace, il serait intéressant d’étendre ce travail en le mettant en relation avec des travaux étudiant la cinématique mandibulaire.
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Pr Véronique KERLAN
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Stress et modification
neuro-hormonales
En tant qu’endocrinologue je vais vous parler du stress et des modifications neuro-hormonales. Alors,
c’est très bien parce que mon topo a été largement préparé par les communications précédentes et en
particulier par celle de Jean-Claude Le Mevel ce qui me permettra de passer plus vite sur les premières diapositives et d’insister un peu plus sur la partie clinique et peut-être gagner un peu de temps.
Donc l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien est absolument fondamental dans la réponse au
stress. Et ce que l’on sait, c’est qu’à court terme, l’activation de ce système est un phénomène tout à
fait adaptatif, tout à fait approprié et il permet la survie. A long terme par contre, l’activation permanente
de ce système peut entrainer des phénomènes pathologiques, ceux sur lesquels je vais plus insister. Ce
peut être des troubles métaboliques, ce peut être des phénomènes de mémoire, ce peut être des phénomènes de dépression, d’anxiété et on verra ça de façon un peu plus développée.
Alors effectivement vous voyez, moi, j’ai extrêmement simplifié cet axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien puisque vous voyez sur cette diapositive uniquement la sécrétion de CRH par l’hypothalamus
qui stimule la sécrétion hypophysaire d’ACTH, laquelle stimule la sécrétion au niveau des deux glandes
surrénales de cortisol. Donc ce que Monsieur Le Mevel vous a expliqué, c’est qu’il existe un rétro
contrôle négatif qui permet quand le taux de cortisol est trop élevé, d’avoir un effet inhibiteur au niveau
de l’hypothalamus et au niveau de l’hypophyse pour diminuer de nouveau cette sécrétion de cortisol,
ce qui permet d’obtenir une bonne régulation, une bonne adaptation de ce mécanisme. Il faut savoir
que notre sécrétion d’ACTH comme celle de cortisol est soumise à un rythme nycthéméral comme
beaucoup d’hormones d’ailleurs. Et la sécrétion maximale d’ACTH, elle se produit deux heures avant
notre réveil le matin et puis, elle est minimale à partir de 4-5 heures de l’après-midi pour toute la première partie de nuit. Je passerai aussi rapidement sur les deux types de récepteurs au CRH que JeanClaude Le Mevel a cité ce matin, pour dire simplement qu’il semble qu’ils aient aussi des actions un
petit peu différentes. L’activation du récepteur de type 1 stimulerait plutôt la sécrétion initiale d’ACTH
et le récepteur de type 2 provoquerait l’inhibition de cet axe qui est caractéristique de la phase de récupération. Et ce que l’on peut dire, c’est que les souris qui sont invalidées pour ce gène ont des réactions tout à fait exagérées dans les situations anxiogènes.
Dans l’adaptation au stress en cas de stress important, effectivement l’axe hypothalamo-hypophysaire
joue un rôle fondamental en permettant la sécrétion du cortisol. Alors c’est vrai que le CRH a, par ailleurs, des effets centraux directs en réponse au stress, il joue certainement en plus des hormones catécholamines sur les modifications de la tension artérielle, de la fréquence cardiaques. Le stress joue
aussi par le biais du CRH un effet inhibiteur sur la sécrétion d’hormone de croissance, de nos hormones gonadiques puisqu’alors ce n’est pas la priorité et voilà les effets centraux. Le CRH a essentiellement un rôle de stimulation de la sécrétion hypophysaire d’ACTH pour permettre à notre cortisol d’être
sécrété et d’avoir tous les effets qui vous ont été décrits. La vasopressine, Monsieur Le Mevel vous en
a également parlé ce matin, joue un rôle essentiel pour favoriser la stimulation au niveau de la sécrétion
d’ACTH. Alors voilà pour la partie physiologique.
De façon plus clinique, qu’est ce qui se passe en cas d’un stress aigu ? L’exemple type et les réanimateurs le connaissent bien, c’est le sepsis sévère, en gros, la septicémie. Qu’est ce qui se passe à ce
moment là ? Et bien on sait très bien qu’il y a une très très bonne corrélation entre les patients qui sont
capables d’avoir une réaction adaptée en sécrétion de cortisol et une bonne réaction à ce sepsis. A ce
sepsis, c'est-à-dire que ceux qui ont un taux de cortisol qui reste trop bas, non stimulable, ont un taux
de mortalité très important alors que les patients qui ont un taux de cortisol élevé, une bonne adaptation, ils vont avoir une mortalité bien plus faible. Ca, c’est très connu.
Lors d’un stress chronique, et bien on peut voir que le phénomène est un peu différent et que la réponse
à une stimulation répétée devient progressivement inhibée, c’est ce qui a été dit ce matin. Il y a une
modification en fait de la sensibilité de l’ACTH au CRF, donc une diminution de la sensibilité ce qui permet ce phénomène inhibiteur. Alors, je vais vous citer un certain nombre de circonstance en pathologie
où il y a des modifications de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien. . Dans le syndrome post traumatique, et bien effectivement, il a bien été étudié et il y a des perturbations de cet axe. Chez les vétérans, c’est des études américaines, alors c’est bien sûr les vétérans du Viet Nam qui ont été utilisés et
par exemple, cette étude montre qu’il y des différences très nettes d’une part sur les taux de CRH plas-
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matique, si on admet que le taux de CRH plasmatique est un bon reflet du taux de CRH hypothalamique et d’autre part sur les taux de cortisol entre les vétérans qui ont des manifestations cliniques de
syndrome post traumatique et ceux qui n’en ont pas et les populations témoins. Et effectivement chez
les vétérans qui présentent des manifestations post traumatiques, on trouve des taux de CRH plus élevés et par contre un taux de cortisol plus bas, ce qui montre une modification donc de la régulation.
On a déjà parlé de la dépression ce matin. La dépression nous rend parfois perplexes sur le plan hormonal devant des situations où les patients ont une hypersécrétion de cortisol très importante et qui
devient mal freinable par les glucocorticoïdes et nous devons faire la différence sur le plan pathologique avec des patients qui ont une sécrétion endogène pathologique soit d’origine hypophysaire en rapport avec une tumeur, soit d’origine surrénalienne. Le syndrome dépressif et un des diagnostics différentiels que nous avons dans cette pathologie. Ce qui montre bien que dans la dépression, il y a des
troubles de la sécrétion du cortisol.
Alors, je ne vais pas rentrer dans le détail de la fibromyalgie, je sais que vous aurez d’autres conférences dessus, mais là aussi dans la fibromyalgie, il y a des anomalies importantes de l’axe hypothalamohypophyso-surrénalien avec une absence du cycle nycthéméral du cortisol, ils n’ont plus du tout de
rythme nycthéméral. Il y a une réponse du cortisol à l’ACTH qui est diminuée, une réponse du cortisol
au CRF qui est aussi diminuée, alors que pourtant la réponse de l’ACTH au CRF est normale. Donc il y
a aussi une réponse du cortisol à la freination qui est augmentée, donc on a l’impression qu’en fait dans
la fibromyalgie, il y a une augmentation de la sensibilité du feed back, en tout cas, il y a une dérégulation de cet axe.
J’ai eu envie de vous montrer cette étude qui montre qu’il peut y avoir des impacts tout à fait à long
terme des évènements précoces de la vie. C’est une étude qui a porté sur des femmes qui ont subi
dans l’enfance des violences sexuelles. Et bien ces femmes sont ensuite exposées à une situation de
stress. Alors, ils appellent ça le stress standard, c’est parler en public dix minutes. Ca me rappelle quelque chose ! Et donc ces femmes qui ont eu des stress très importants dans l’enfance ont une réactivité beaucoup plus importante, jusqu’à six fois plus importante en taux d’ACTH par rapport aux femmes témoins ; elles répondent de façon tout à fait excessive. Elles répondent de façon excessive en
cortisol et elles ont une augmentation plus importante de la fréquence cardiaque. Et donc ces femmes
qui ont été traumatisées dans l’enfance gardent une adaptation différente au stress et en particulier sur
l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien.
Quelque chose qui est peut-être plus à la mode, c’est le stress et l’infarctus du myocarde. Tout le
monde sait, c’est mauvais d’avoir du stress pour la pathologie cardiovasculaire. Et effectivement, ça a
été bien montré dans plusieurs études. La mieux menée, c’est l’étude qui s’appelle « Interheart », une
étude internationale dans 52 pays, sur toute la planète, sur différents continents et qui a recherché
l’existence ou non de stress chez les patients qui présentaient le premier infarctus du myocarde par rapport à des patients qui n’en avaient pas. Et en fin de compte, cette étude a porté sur 11 119 patients
qui présentaient un premier infarctus du myocarde comparés à une population de 13 000 témoins. Et
bien, oui, ceux qui font un infarctus du myocarde, ils ont un risque deux fois plus important d’avoir du
stress, soit un stress permanent au travail, soit un stress à la maison. Et ceci persiste après ajustement
sur les facteurs classiques d’infarctus du myocarde que sont l’âge, le sexe, la région géographique ou
le tabagisme. Et cette étude, qui est extrêmement bien faite sur le plan statistique, a essayé d’analyser
la part attribuable au stress dans les infarctus du myocarde chez ces patients. Et bien 9 % des infarctus, donc de par le monde, seraient dus au stress au travail, 8 % au stress à la maison, 11 % au stress
financier et pour finir, on aboutit à 30 % si on ajuste sur les différents facteurs qui sont bien connus dans
l’apparition de l’infarctus du myocarde que sont l’âge, le sexe, la notion d’hypertension, le fait d’être
diabétique ou non, d’avoir ou pas d’activité physique, un tour de taille un peu enveloppé, selon la diététique, selon l’alcool, les lipides, le tabac, tous les facteurs classiques sont pris en compte et après
réajustement, et bien oui, 33 % des infarctus du myocarde sont liés directement au stress indépendamment des autres facteurs.
Il y a une autre étude, qui est tout à fait intéressante, qui a été publiée en 2006 et qui s’appelle la « White
Hall Study ». C’est une étude prospective, longitudinale, qui a été effectuée sur des fonctionnaires britanniques, qui a porté sur douze ans, donc c’est quand même une étude solide. Et qui a essayé de
quantifié le stress au travail, à différentes périodes donc sur ces douze ans. Et le but était de voir quel
était le risque de développer ce que l’on appelle un syndrome métabolique en fonction du stress. Avoir
un syndrome métabolique, c’est avoir d’abord trois facteurs sur cinq, ceux qui sont écrits au tableau
(diapo 16) et c’est une grande prédisposition à tous les accidents cardiovasculaires. Donc le fait de
prendre un tour de taille un peu important, la limite n’est pas très élevée, regardez bien et comparez
chez vous : 102 cm pour les hommes, 88 cm chez les femmes ; d’avoir un taux de triglycérides supérieur à 1,50 g/l ; d’avoir un HDC cholestérol inférieur à 0,45 g/l ; une tension supérieure à 13/8,5 ou une
glycémie supérieure à 1,10 g/l et quand on a trois facteurs sur cinq, on a un syndrome métabolique et
on est très très exposé aux risques cardiovasculaires.
Et donc quel est le risque en fonction du facteur de stress ? Et bien, vous voyez que plus on est stressé,
plus on a un risque relatif de présenter un syndrome métabolique et ça reste vrai après réajustement
sur l’âge, le grade hiérarchique, l’alcool, le tabac, l’absence d’exercice physique, le régime pauvre en
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fruits et légumes. Et c’est encore plus vrai chez les non obèses et chez les femmes en particulier. C'està-dire que les femmes qui ont un poids normal, mais qui sont soumises au stress, là c’est du stress professionnel qui a été étudié, deviennent bien plus exposées au syndrome métabolique quand elles sont
stressées. Cette étude a été poursuivie et elle vient d’être publiée, enfin on line en janvier 2008 pour
rechercher si dans cette population non seulement apparaissait plus de syndrome métabolique, mais si
ces fonctionnaires faisaient plus d’infarctus du myocarde, selon qu’ils étaient stressés ou pas. Et bien
oui, ils font plus d’infarctus du myocarde (qu’ils soient fatals ou non), en cas de stress. Et le risque relatif, vous voyez est de 1,68 chez les hommes entre 37 et 49 ans si ils sont soumis au stress par rapport
aux non stressés.
Alors comment ça marche le stress et pourquoi ça induit des maladies cardiovasculaires ? Il y a deux
mécanismes, il y en a probablement d’autres, mais deux grands mécanismes qui sont évoqués. Le premier, c’est tout simplement, ça induit des comportements à risque. Quand on est stressé et bien, on
fume plus, on boit plus, on mange mal et on fait peu d’activités physiques. Mais le deuxième, c’est que
le stress peut jouer directement par le biais de la réponse hormonale au stress. Donc soit sous forme
d’une activation répétée du système nerveux autonome et c’est bien ce qui a l’air de se passer, on va
le revoir, ( mesuré par une modification de la variabilité de la fréquence cardiaque qui est moindre), soit
par une anomalie de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien, ce que j’ai essayé de vous montrer
depuis le début.
Et cette étude a effectivement essayé d’aller un peu plus loin pour essayer de préciser quel est le mécanisme responsable de l’infarctus dans le stress. Et bien la part attribuable à l’existence d’un syndrome
métabolique est de 16 %, la part attribuable estimée en ce qui concerne le comportement de santé qui
devient moins bien est de 16 % et vous voyez que pour finir l’effet direct est probablement très important. Il y a effectivement une capacité d’adaptation cardiovasculaire qui est moins bonne et ça a été
mesuré dans cette population là. Et puis le taux de cortisol plasmatique à jeun est aussi plus important dans la population soumise au stress. Il y a aussi des marqueurs inflammatoires qui sont plus
importants dans cette population.
Donc pour finir, le rôle primordial du stress est donc vraiment très très important et ce que l’on pensait,
les facteurs comportementaux ne jouent pour finir que pour 1/3 dans la génèse des troubles cardiovasculaires liés au stress. Donc, c’est autre chose.
Le cortisol, comment il pourrait être néfaste sur le plan cardiovasculaire ? Et bien, parce qu’il joue sur
le métabolisme des lipoprotéines au niveau hépatique donc il augmente le mauvais cholestérol. Il joue
sur la tolérance glycémique donc il augmente la glycémie. Il joue sur les marqueurs de l’inflammation
en les augmentant. Tous ces éléments sont des marqueurs du syndrome métabolique et exposent au
risque cardiovasculaire. Donc vous voyez le cortisol directement peut jouer un rôle important.
Donc en conclusion, le stress entraine des modifications de l’axe cortico-surrénalien. C’est une bonne
chose en aigu parce que ça nous permet d’avoir une bonne réponse, une réponse adaptée à un stress
aigu et donc c’est corrélé à une bonne survie et donc c’est fondamental et chez les patients qui ont eu
une surrénalectomie, on leur donne des doses très très importantes de cortisol au moment des stress.
Mais de façon chronique par contre, le stress induit des problèmes d’adaptation avec parfois, j’ai pu
vous le montrer, des conséquences pathologiques.
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Danielle KEROUÉDAN
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Stress du Praticien
Président de séance : Monsieur Allard
Je vous présente Madame Danièle Kérouédan qui est une consultante en ressources humaines auprès
de l’APEC, l’Association pour l’Emploi des Cadres à Brest. Elle a une activité en conseil de recrutement,
de formation, de communication R.H. pour les entreprises du Nord-Finistère et en gestion de carrière
pour les cadres du secteur privé, donc je pense qu’elle aura pleins de choses à nous transmettre.
Je ne présenterai pas Paul Pionchon aux membres du CNO, mais en revanche pour les confrères, collègues que ne le connaissent pas, Paul Pionchon est maître de conférence à la faculté de chirurgie dentaire de Clermont Ferrand. Il est donc chirurgien – dentiste, mais il est également psychologue clinicien.
Il est animateur de très nombreuses sociétés, dont la Société de la Douleur, le CNO, … La matinée passerait à énumérer ses mérites.
Madame Danièle KEROUEDAN :
J’ai été un petit peu surprise que l’on me demande un petit peu surprise que l’on me demande d’intervenir dans ce congrès parce qu’effectivement, je ne suis pas du tout dentiste. Simplement la thématique est abordée ce matin sur le stress du praticien, est intéressant à recadrer, à resituer dans l’actualité malheureusement on va dire très présente actuellement en France sur le stress des cadres en général et il nous a semblé intéressant à Paul et à moi d’essayer d’avoir effectivement un discours à deux
voix, à nouveau un canardiscan comme on dit, pour montrer un petit peu les spécificités du stress du
praticien, médecin, dentiste et en parallèle, on va dire plus environnementaux, dans ce qu’il se passe
actuellement en France dans les entreprises d’une façon plus générale.
Donc effectivement, je vous disais que l’actualité nous a rattrapé malheureusement puisque cette
semaine a encore eu lieu un nouveau cas de suicide dans une entreprise qui en a déjà connu beaucoup
ces dernières années, Renault et les sous traitants de Renault effectivement. Et cette semaine également, mercredi précisément, a eu lieu la remise du rapport Légeron au Ministère du Travail, un rapport
qui porte précisément sur le stress au travail et qui préconise entre autre la mise en place d’indicateurs
pour commencer à travailler concrètement sur les stress en France. Alors pourquoi cet intérêt ? Ce
n’est pas complètement innocent. Actuellement, effectivement, il y a eu aussi des enquêtes sur la profession des dentistes.
Dr Paul PIONCHON :
Alors, on a choisi dans le stress du praticien de ne parler que du stress des dentistes. Je sais qu’il n’y
a pas que des dentistes dans la salle, mais la littérature est abondante et dans le monde de la médecine, il semblerait qu’il y ait une spécificité aussi par spécialité. Par contre, Monsieur Allard qui est spécialiste aussi du stress au travail et qui est médecin pourrait en parler pendant la table ronde.
Vous avez reconnu la couverture du dernier numéro de Clinique où on voit un chirurgien – dentiste heureux. Alors qu’est ce que l’on relève dans une des vignettes ? Vous voyez un praticien qui se dit
content, mais fatigué, gagne bien sa vie, mais souffre de la pression qui lui impose son métier et il envisage des solutions : passer à une prise en charge globale des patients pour gagner en confort. Donc,
ce sont à peu près les deux axes que l’on va traiter : le stress du dentiste et les solutions.
Voilà, et puis encore pour vous dire que c’est de l’actualité, tout le monde, tous les odontologistes
connaissent la Société Odontologique de Paris qui la semaine prochaine organise une grande journée
sur le stress. Est-ce que le stress du praticien est une fatalité ?
Madame Danièle KEROUEDAN :
Alors des constats également actuellement sur un niveau plus général, parce que en effet à l’automne
dernier s’est tenu une convention tripartite pour travailler justement sur l’amélioration des conditions de
travail et en particulier la prévention des risques psychosociaux, donc tout ce qui peut être lié au stress,
anxiété, dépression et suicide, et tout cela en relation avec un accord européen qui date quand même
de 2004 et qui commence seulement actuellement à être mis en ?uvre.
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Dr Paul PIONCHON :
Alors, quid chez les dentistes ? On sait que c’est une profession qui est très exposée aux troubles musculo-squelettiques, c'est-à-dire à la fois des questions de postures et à la fois des questions probablement de stress. Dans la littérature, j’ai retrouvé plusieurs articles qui se posaient la question, pour les
médecins aussi, mais pour les dentistes de savoir si nous n’étions pas des professions exposées à l’alcoolisme, à la prise en charge de médicaments. On est prescripteur, on peut se servir tout seul.
Madame Danièle KEROUEDAN :
Donc l’intérêt actuellement, et bien c’est effectivement, c’est un intérêt économique en France. Il y a
effectivement un coût au stress alors qui est très difficile de chiffrer. On a des paramètres, on va dire,
qui varient énormément selon les éléments que l’on prend en compte. Au bas mot, effectivement, on
parle de 960 millions d’euros. Mais si on parle effectivement sur le côté économique général, on estime
que c’est à peu près 3 à 4 % du produit intérieur brut. Donc ça peut monter à plusieurs dizaines de milliards d’euros, rien qu’en France. Il n’y a aucune étude, on va dire pour l’instant, très à jours et très régulée, mais on part en fait sur des estimations à partir d’études qui ont été réalisé plutôt sur des pays du
nord de l’Europe qui ont un petit plus avancé dans ce domaine là. Effectivement, on se rend compte
également que les maladies professionnelles déclarées ont été multiplié par deux en cinq ans. C’est
quelque chose d’important au niveau de la société. Et puis aujourd’hui, effectivement, il y a une fourchette basse qui est donnée par le nombre de suicide qui est de 300 à 400 par an, essentiellement
comptabilisés chez les cadres, mais c’est là encore une fourchette basse car on dit que beaucoup de
suicides ne sont pas directement reliés au travail effectivement. Ce que l’on constate malgré tout, c’est
que depuis quelques années, on a de plus en plus de cas de suicide de cadres qui laissent des écrits
où ils stigmatisent, ils signent très spécifiquement leurs conditions de travail comme étant la cause prioritaire de leur suicide.
Dr Paul PIONCHON :
Alors , quid du suicide chez les dentistes.?J’ai fait un peu la revue de la littérature. Je n’ai pas trouvé
d’études récentes, de quelques cas malheureusement récents de confrères. Les études sont un petit
peu anciennes, mais elles sont difficiles, elles sont biaisées parce que ce sont des petits échantillons et
comme disait Danièle Kerouedan, il semblerait que la plupart des accidents qui sont en fait des suicides, ne sont pas répertoriés et pour diverses raisons : des raisons religieuses, des raisons culturelles,
des raisons d’assurances également. Néanmoins, dans les deux études qui datent un peu, 63 et 73, on
s’aperçoit quand même que les dentistes tiennent, dans les études de Blanchy, le haut des statistiques
et beaucoup plus, le double que les médecins généralistes et que les ouvriers par contre ont d’autres
maladies professionnelles, ils se suicident peu. Dans celle de Rose, vous voyez que c’est proche des
médecins généralistes, mais beaucoup moins pour les suicides des professeurs, enseignants dont on
parle beaucoup pour des raisons syndicales et beaucoup moins chez les travailleurs sociaux puisque
si on compare avec la population générale, la proportion est impressionnante.
Madame Danièle KEROUEDAN :
Alors là encore, quelques enquêtes qui montrent qu’effectivement pour beaucoup de français, le travail
en fait, c’est avant tout un stress, c’est le premier mot qui leur vient à l’esprit quand on leur demande «
parlez-moi de votre travail ». Et puis, effectivement des entreprises qui reconnaissent générées du
stress, il faut savoir que depuis la loi de modernisation sociale de 2002, elles peuvent être pénalement
mises en cause si il y a effectivement des accidents qui sont reconnus comme directement liés au stress
en entreprise, mais uniquement 15 % ont réellement mis en ?uvre une politique de sensibilisation et de
réduction du stress.
Dr Paul PIONCHON :
Alors, est ce que les dentistes estiment que leur travail est stressant et est ce qu’ils sont satisfaits ? Et
bien, ce sont toujours des études américaines, si on compare la population des dentistes et des pharmaciens, autre profession de santé, mais qui ne s’exerce pas dans les mêmes conditions, dans l’enquête de Wilson en 84, et bien on voit qu’un grand nombre de dentistes disent tolérer leur travail plus
que les pharmaciens. Un nombre non négligeable n’aime pas et beaucoup plus que les pharmaciens et
quelques-uns détestent. Et que globalement, les dentistes se sentent sous pression, alors que les pharmaciens ne sont pas vraiment stressés dans leur travail apparemment. 30 % des praticiens odontologistes envisagent de changer de profession et 42 % changerait si une opportunité se présentait.
Madame Danièle KEROUEDAN :
Alors, un certain nombre d’enquêtes ont été réalisé, dont une en particulier par l’IFAS, c’est l’Institut
Français d’Action contre le Stress qui a été publié dans « Les échos » cette année et qui a effectivement suivi 2000 ou 3000 personnes pour voir effectivement, évaluer leur niveau de stress en utilisant en
particulier l’échelle de Carazec, vous en avez peut-être entendu parler, et ce qu’il en ressort, c’est qu’à
priori les femmes se déclarent plus vulnérables au sur stress et comme par hasard dans la tranche
d’âge 35 – 44 ans, on peut imaginer qu’effectivement que le cumul d’une vie professionnelle, d’une vie
familiale n’est pas forcément effectivement un facteur favorisant. On voit aussi que le sur stress augmente avec l’âge, atteignant un point culminant aux alentours de 45 ans et effectivement dans ma pratique personnelle et professionnelle, je rencontre beaucoup de cadres qui viennent nous trouver, qui
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viennent trouver des consultants de l’APEC à peu près dans cette tranche d’âge, en disant « ça ne va
pas, il faut que je change, il faut que je trouve un autre équilibre, je craque ». Et par contre, quelque
chose qui est un petit peu intéressant, c’est que le stress décroit aux fonctions du statut. C'est-à-dire
que les cadres supérieurs se déclarent moins stressés que les cadres intermédiaires. Alors, est ce que
c’est un dénie ou est ce que c’est réellement le fait d’avoir un peu plus de marge de man?uvre, d’être
à l’origine d’effectivement la politique, la stratégie de l’entreprise qui fait qu’à priori ils se sentent un petit
peu plus libres dans leurs activités ? Ce que l’on peut également constater, c’est que malgré les réductions de temps de travail officiel, le temps de travail effectif des cadres en France a augmenté, plus de
deux heures et demies en cinq ans et effectivement, on peut aussi se demander si il s’agit d’une
contrainte externe, c'est-à-dire qu’effectivement dans certaines sociétés et dans certaines entreprises,
il est une norme selon laquelle le cadre doit être le premier arrivé et le dernier parti et si effectivement,
on quitte son travail à 20h et bien, c’est que l’on n’est pas motivé. Et effectivement, il y a une norme,
une politique, une « idéologie » qui s’installe dans certaines sociétés ou est ce que pour certains cas,
c’est vraiment ce que l’on appelle une addiction au travail, un workaholism, justement parce que ça fait
tellement partie de leur personnalité, qu’ils ne peuvent plus imaginer d’avoir d’autres vies en dehors du
travail.
Alors un certain nombre de causes environnementales peuvent être décelées, en particulier depuis les
années 90 où s’est imposée l’idée de qualité totale de la plupart des entreprises que ce soit dans les
industries ou dans les services. C'est-à-dire qu’il faut faire bien du premier coup, on vise le zéro défaut
et le tout devra être avec le moins d’erreur possible. En parallèle effectivement, se sont mises en place
des organisations à flux tendu, c'est-à-dire qu’il n’y a plus de stock, les délais entre chaque étape de
production et de conception d’un service se sont extrêmement réduits. Le management par objectifs,
c’est également développé, c'est-à-dire que chaque cadre a des objectifs individuels qui lui sont assignés et sur lesquels il n’a pas forcément de prix, il ne peut pas toujours négocier une révision de ses
objectifs, ce qui implique également une évaluation constante, donc les cadres sont évalués, doivent
fournir la preuve du travail qu’ils ont effectué et dans certains cas, ça s’assortit effectivement aux promotions ou de primes financières. Et je dirais que le côté le plus ennuyeux, je dirais, c’est quand les
objectifs sont en fait les victimes globales au sein d’une équipe. C'est-à-dire que là, à la pression personnelle, s’ajoute la pression du groupe puisqu’effectivement si un des membres du groupe est défaillant, on n’atteint pas les objectifs, c’est tout le groupe qui est pénalisé et qui donc effectivement a, on
va dire, moins de prime financière ou moins de possibilités d’avancement dans l’entreprise. La RTT des
équipes, c'est-à-dire des personnes non cadres, effectivement pèse sur le temps de travail des cadres
puisqu’ils se sont retrouvés beaucoup pour la plupart à compenser le manque de disponibilités de leurs
propres collaborateurs et donc de prendre sur eux pour travailler effectivement davantage en fonction
des congés ou des vacances de leurs équipes.
Dans de nombreuses sociétés, effectivement, les cadres montrent des éléments d’une très forte
concurrence interne et effectivement un manque de reconnaissance de la hiérarchie. Par ailleurs, et bien
effectivement, on est à l’aire de l’internationalisation, de la mondialisation et certains cadres jonglent
avec plusieurs fuseaux horaires parce qu’effectivement ils sont en relation avec des sites de production
décentralisés, que ce soit en Asie du sud est, en Afrique du nord ou en pays de l’est. Et par ailleurs,
cette notion de mondialisation fait qu’un certain nombre de décisions leur échappe totalement puisque
pris en relation avec des éléments économiques qui peuvent être liés aux coûts des matières premières, par exemple on le vit depuis quelques années avec l’acier, ou des décisions également liées à des
actionnaires qui ne sont pas effectivement sur le lieu de travail.
Un certain nombre de cadres aujourd’hui expérimente le nomadisme, c'est-à-dire qu’ils ont leur micro
portable, ils ont à la limite un caisson et ils arrivent effectivement sur des sites ou des lieux de travail
sans avoir forcément leur bureau à eux. Et donc ils perdent forcément un certain nombre de repères
personnels, pour pouvoir peut-être donner un peu plus d’intimité, personnaliser un petit peu leur cadre
de vie. Ou alors, d’autres sont en « open spaces », c'est-à-dire qu’ils sont effectivement sur des plateaux sur lesquels effectivement se côtoient une vingtaine ou une trentaine de personnes et même si
effectivement, on essaye d’aménager en mettant des cloisons pour limiter les bruits, il y a effectivement
des facteurs de stress, de fatigue, de manque d’attention lié au brouhaha incessant de ce mode de
fonctionnement. Et puis par ailleurs, on est très concerné, à titre individuel et professionnel, c’est qu’aujourd’hui l’information est démultipliée tant par les vecteurs que par les données que l’on doit effectivement traitées au quotidien, et en particulier à tout ce qui est communication électronique, que ce soit
les assistants personnels ou les téléphones mobiles ou les messageries web. C'est-à-dire on est sensé
être joignable 24h/24, y compris le week-end, on ramène du travail à faire chez soi parce que l’on a son
micro, on prend une clé USB, etc. Et donc, la coupure se fait de moins en moins entre la vie professionnelle et la vie personnelle. Donc j’ai appelé ça des « laisses électroniques » parce qu’effectivement, on
peut vous pister et vous êtes en permanence sous contrôle.
Beaucoup de cadres aujourd’hui effectuent des contraintes ou des injonctions paradoxales, c'est-à-dire
qu’on leur demande toujours plus avec toujours moins, que ce soit en personnel, en budget ou en
marge de man?uvre. On leur demande d’être plus autonomes, mais en même temps, on leur demande
de respecter des procédures de plus en plus strictes. Donc ils sont écartelés effectivement entre ces
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deux injonctions et puis on leur demande d’avoir une traçabilité de leur activité. A titre personnel, en
tant que consultante, on me demande jour par jour d’indiquer combien d’heures, combien de minutes,
j’ai passé soit sur du conseil aux cadres, soit sur de la relation entreprise, soit sur du travail administratif, etc. parce que tout ça sert au contrôle de gestion. Donc il y a effectivement à rendre des comptes
en permanence. Et puis effectivement les cadres retrouvent également un certain nombre de problème
éthique en se demandant est ce qu’il faut reporter la pression sur ses collaborateurs. On le fait effectivement de façon parfois maladroite et comment gérer effectivement les modes relationnels.
Dr Paul PIONCHON :
Alors chez les dentistes, je reprendrais ce qu’a dit Danièle sur le zéro défaut et la qualité totale. Nous
avons un métier de chirurgien et on peut s’attendre effectivement à ce que l’on tende à cette qualité. Et
si j’évoque ça, c’est parce que j’ai lu une étude sur le stress des étudiants en chirurgie dentaire qui explique tout à fait-c’est une étude canadienne-comment cette difficulté à accéder à cette idéologie du zéro
défaut est un facteur de stress. Nous, on n’est pas dans « l’open spaces », mais on travaille dans un
espace réduit et puis nous subissons un certain nombre de traumatismes émotionnels répétés de la
part du patient et dans la relation patient – praticien, c’est le fait de faire mal ou d’avoir peur de faire
mal, de faire peur. La plupart de nos patients ne viennent pas chez nous par plaisir comme l’a évoqué
Monsieur Allard tout à l’heure. Etre mal considéré et avoir affaire globalement à des patients tendus. Le
facteur d’isolement est aussi un facteur de stress, en particulier, on passe beaucoup d’heures dans le
cabinet et il a été mesuré que les praticiens qui travaillent seuls sont plus sensibles au stress que les
praticiens qui travaillent en équipe. Et puis comme toute chirurgie, la responsabilité de la prise de décision immédiate face à une situation où on est en train de travailler avec ses mains. Alors les stresseurs
dans la profession ont été répertoriés dans de nombreuses enquêtes. Là, je reviendrais plus tard sur
cette étude de Moore et Brodsgaard qui sont des danois. Et on retrouve à peu près les stresseurs qui
sont toujours les mêmes, c'est-à-dire à la fois la plus grosse contrainte pour un chirurgien dentiste, c’est
tenir l’horaire. C’est encore plus dur que pour un président de séance. Et puis, c’est toutes les causes
d’anxiété du patient. Vous voyez, c’est ce que j’ai ressorti, causer du mal et de la peur et que finalement et ça ressort dans une enquête de la SOP qui est paru dans leur journal, en France il y a quelques
semaines, tout ce que l’on appelle contraintes externes, la nomenclature, la sécurité sociale, les lois,
etc. arrivent finalement en dernière position et que ces contraintes là ne sont finalement pas tellement
majeures. Et que l’anxiété chronique touche 18 % de nos confrères.
Madame Danièle KEROUEDAN :
En ce qui concerne les causes, on va dire, plus internes pour les cadres, effectivement beaucoup d’entre eux ont été conditionné à réussir, on va dire c’est également leur ambition personnelle et un certain
nombre d’entre eux effectivement ont suivi une carrière et des études sans échec ou pratiquement et
donc lorsqu’ils se retrouvent confrontés à une situation, ils n’arrivent plus à faire face effectivement, soit
on est dans une situation d’inconfort par rapport à une image de soi, par rapport à une image que l’on
veut donner aux autres puisqu’on a « son rang à tenir ». Ce besoin de reconnaissance également qu’ils
ont pour la plupart d’entre eux qui n’est pas toujours bien reconnu par la hiérarchie et quand on dit
reconnaissance, ce n’est pas seulement reconnaissance salariale. C’est simplement effectivement
d’avoir un mode relationnel qui permet de savoir que ce que l’on fait sert à quelque chose et effectivement avoir un certain nombre d’éléments positifs on va dire pour poursuivre dans son activité. Alors
effectivement, on parle de problème de conciliation, de sphères personnelles, familiales et professionnelles, effectivement en particulier lorsque l’on a des horaires très importants, de nombreux déplacements et puis effectivement ce qu’il faut savoir, c’est qu’aujourd’hui on est quand même dans une aire
d’individualisme où chacun se doit de réussir tout seul. C’est un petit peu l’idéologie ambiante et en
particulier sur la vie professionnelle, mais aussi on doit réussir sa famille, on doit réussir son régime, on
doit réussir ses vacances. Donc tout doit être effectivement évalué et on n’a pas le droit à l’échec, enfin
on ne s’autorise pas le droit à l’échec. Et puis pour beaucoup de cadres aujourd’hui et compte tenu là
encore des évolutions économiques, il y a une perte de sens complète sur leur activité sachant qu’à
tout moment leur entreprise peut être racheter, peut être fusionner, qu’il y a des fermetures de sites qui
à priori ne répondent qu’à des impératifs économiques parce qu’il y a des fonds de pension derrière,
parce qu’il y a des actionnaires qui demandent toujours plus de rentabilité et un certain nombre de
cadre aujourd’hui se demande à quoi bon continuer à travailler.
Dr Paul PIONCHON :
Alors les causes internes chez les dentistes ont été aussi étudiées. Et ce qui ressort de plusieurs enquêtes, c’est que finalement les qualités professionnelles que l’on demande à un dentiste peut-être également assimilé à des facteurs de vulnérabilité personnelle. Ce que l’on demande à un dentiste, c’est une
minutie exacerbée, d’être perfectionniste, exigeant, intègre, économe, dominant, ambitieux, peur de
l’échec, isolement social, manque de loisirs et d’exutoire en tout genre, paradoxe entre le désir de soigner et l’obligation d’être un gestionnaire aussi bien puisque maintenant, on ne parle plus de cabinet,
on parle d’entreprise dentaire, mais on va bientôt être pareil à l’hôpital avec la T2A, il n’y a pas de problème et un manque de reconnaissance et de gratification. Et en plus le dentiste est dans le cadre de
son travail tout le temps en train, a la nécessité de contrôler son expression émotionnelle. J’aimerais
insister un peu sur ce plan là et faire le lien avec la psychophysiologie du stress que l’on a abordé hier.
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Les soins dentaires, vous savez tous ce que c’est. C’est une chirurgie, quasiment la seule chirurgie à
l’état vigil, dans une proximité corporelle et émotionnelle avec le patient et un patient qui peut la plupart du temps ressentir ces soins comme quelque chose d’intrusif et de manipulatoire. Et finalement
au-delà de la technique, une des tâches absolument silencieuses que l’on doit faire, c’est passer en
même temps toute notre énergie, une partie de notre énergie à contenir les affects douloureux du
patient. Et encore plus, c’est en même temps contrôler les pulsions agressives qui peuvent nous venir
parce que c’est le lot de tout chirurgien. Et cette balance et cette mobilisation émotionnelle est probablement quelque chose qui est extrêmement délétère pour le praticien.
Dans l’enquête de Moore et Brodsgaard dont je vous parlais tout à l’heure l’enquête porte sur l’anxiété
des praticiens, le stress perçu par les praticiens et finalement la relation que cela peut avoir dans la prise
en charge des patients anxieux. Et bien l’anxiété du patient n’est pas repérée par un certain nombre de
dentiste. Ce sont les dentistes de plus de 52 ans et qui perçoivent leur profession comme la plus stressante qu’une autre. Et la littérature montre que cette anxiété à l’égard des soins dentaires est plutôt un
état ponctuel qu’un trait de personnalité, un facteur de personnalité. Or un certain nombre de praticien
attribue au patient cette anxiété comme un trait de personnalité (et considèrent que) ce sont des gens
qui sont psychopathologiques en fait. Et comme par hasard, ce sont les gens qui travaillent seuls, qui
ont plus de 18 ans de pratique et qui présentent eux même un fort niveau de stress. Cette confusion
entre quelque chose qui est de l’ordre d’une situation et quelque chose qui est de l’ordre de la psychopathologie peut conduire à des erreurs de diagnostic (les dentistes n’ont pas de formation psy) et en
même temps qui peut conduire à des erreurs de prise en charge et en particulier des abus de médicaments, des abus d’indication d’AG et de sédation. En fait, ça ce sont des petits détails, il n’y a pas d’association avec le lieu d’exercice ou la perception négative que l’image publique des dentistes et il n’y a
pas d’association avec la prescription des médicaments et le niveau de stress des praticiens. Il n’y a
que des cabinets qui ont utilisé le dialogue avec les praticiens plutôt que les médicaments comme éléments de prise en charge de cette anxiété.
Madame Danièle KEROUEDAN :
Quelques éléments de prévention que vous avez sans doute déjà abordés lors des thématiques précédentes. Déjà dans les entreprises à titre institutionnel, il y a effectivement certaines d’entre elles qui ont
commencé à se doter d’observatoire du stress et en généra, ce sont celles où avaient eu lieu des cas
de suicides répertoriés et effectivement comme directement reliés au stress et en relation avec les
comités d’hygiène et de sécurité des conditions de travail et la médecine du travail, certaines grosses
sociétés pour la plupart d’entre elles travaillent effectivement sur la question. Essayent également de
revoir leur organisation interne, exemple en essayant de ne pas programmer des réunions après 18 h,
en essayant d’aménager également certains horaires et puis en réalisant également leur mode de
management pour essayer de réintroduire de la relation humaine dans le mode de relation au quotidien,
en essayant également de former la hiérarchie ou d’introduire des niveaux hiérarchiques intermédiaires
pour qu’il y ait plus de proximité entre les cadres eux-mêmes qui peuvent être en souffrance ou avec
les équipes qui peuvent elles mêmes subir du stress. Et effectivement certaines d’entre elles ont également commencé à travailler sur l’environnement physique du lieu de travail, l’aménagement d’espaces – détentes. Certaines incitent même leurs salariés à faire la sieste entre midi et deux. Il y a effectivement des aménagements d’horaires pour certaines femmes qui préfèrent travailler chez elle avec le
télé – travail, mais qui n’est non pas subi, mais choisit. Et puis effectivement, certains grands groupes
ont commencé à mettre en place des conciergeries d’entreprise où ils proposent aux salariés de prendre en charge un certain nombre de contraintes personnelles de façon à les « délester » de petits
stress quotidien et en particulier, je pense aux gardes d’enfants pour un certain nombre de femme.
Dr Paul PIONCHON :
Alors, à titre institutionnel en odontologie, c’est d’avoir aménagé son emploi du temps et c’est ce que
j’essayer d’apprendre un peu aux étudiants, améliorer l’ergonomie de son cadre de travail, organiser de
façon habile la délégation des tâches, développer la communication avec son équipe. L’exercice de
groupe semblerait, par les échanges et la solidarité qu’il peut y avoir entre praticiens, être un bon élément : développer la confraternité, des activités syndicales, associatives, et des réunions comme celle
que l’on fait aujourd’hui qui permettent d’avoir de l’information, mais en même temps de partager des
expériences avec des collègues sont des bons moyens de prévention. Et puis, il y a une publication
américaine qui montre que développer les activités d’enseignement et de recherche est une activité anti
stress par rapport à l’exercice libéral, seul dans un cabinet.
Madame Danièle KEROUEDAN :
A titre individuel effectivement, ce qui est préconisé pour les cadres au quotidien, c’est déjà d’identifier
les sources du stress et d’essayer de hiérarchiser les priorités et peut-être effectivement en revenant
sur les raisonnements catastrophiques et essayer également de revoir les éléments positifs, de commencer peut-être à imaginer de lâcher prise sur certains objectifs qui ne sont pas forcément et effectivement en parallèle de pouvoir dans certain cas, pratiquer des exercices de relaxation dont on vous a
déjà parlé et puis d’essayer d’adopter une bonne hygiène de vie. Sachant que l’hygiène de vie, ça commence par le sommeil et effectivement il y a encore une étude récente qui a montré que les français
sont effectivement en manque de sommeil pour la plupart d’entre eux. Et aussi effectivement de pren-
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dre des repas à peu près équilibrés et à heure régulière. De nombreux cadres sautent des repas ou les
prennent complètement à des heures décalées. Et puis effectivement essayer d’avoir des activités sportives, ludiques ou relationnelles en évitant autant que possible les excitants alcools, sauf cas très particulier. Et bien sûr essayer de se faire plaisir, de cultiver des émotions positives et dans certains cas
effectivement lâcher prise sur des éléments non primordiaux.
Dr Paul PIONCHON :
Alors on peut en conclusion, en ce qui concerne les dentistes, en particulier cette étude que je vous ai
cité, dire qu’il existe une association significative dans la perception qu’ont les dentistes de l’anxiété
des patients et la pratique des aspects psychosociaux de la dentisterie. Donc certains dentistes ont du
mal à repérer l’anxiété du patient, donc un dentiste stressé est finalement quelqu’un qui est moins sensible et moins réactif. Et on peut dire que ce manque de sensibilité du praticien représente ce que l’on
appelle maintenant une perte de chance pour le patient. Donc ça peut devenir un problème de santé
publique indirect.
Donc quelques perspectives pour le futur. La recherche fondamentale nous a montré hier matin que l’on
commençait à connaître les mécanismes de la réponse au stress. La recherche épidémiologique dont
je vous ai présenté brièvement quelques aspects montre des constats. Il y a une identification du facteur stress. Et moi, je rêve que l’on puisse avoir la possibilité de mettre en route des recherches cliniques, des études de l’interaction entre les patients et les praticiens, selon des critères mesurables, de
manière à pouvoir démontrer un certain nombre de chose entre ce qui se passe entre les émotions du
patient et la douleur, mais aussi les émotions du praticien et de la prise en charge de la douleur. Et finalement, on a parlé des mécanismes endogènes du contrôle du stress et est-ce que l’on pourra un jour
faire des recherches sur les mécanismes endogènes qui induisent l’effet placebo et l’empathie.
Je vous remercie pour votre attention et je finirais sur ce mot qui provient d’une conversation que j’ai
eu avec mon ami Jean-Daniel Orthlieb il y a trois ou quatre semaines à Marseille où nous avons conclu
que : pour être un dentiste heureux, il fallait savoir cultiver sa créativité.
57
Dr Anne KLECHA-MORIN A.
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Syndromes fonctionnels, dépression,
somatisation, et dysfonctions
de l’appareil manducateur :
une étude cas-témoins.
« Syndromes fonctionnels, dépression, somatisation, et dysfonctions de l’appareil manducateur : une
étude cas-témoins.
Pour vous parlez de ce travail qui porte sur les syndromes fonctionnels et leurs relations éventuelles
avec l’évaluation psychométrique de la dépression et de la somatisation dans un groupe de personnes
qui souffre de douleurs et dysfonctions oro-faciales et dans un groupe de patients témoins.
Alors les symptômes fonctionnels sont des symptômes physiques non spécifiques que tout à chacun
d’entre nous est susceptible de ressentir de manière transitoire, mais chez certaines personnes ils persistent et amènent ces personnes à solliciter le corps médical. Suivant le contexte dans lequel ils sont
exprimés, les intervenants qui y sont confrontés, on va les retrouver dans la description des syndromes
fonctionnels. Les syndromes fonctionnels qui ont été évoqué un certain nombre de fois aujourd’hui, qui
sont encore appelés syndromes bio stress qui sont observés dans la plupart des spécialités médicales.
Ils vont également être cités dans les manifestations somatiques de l’anxiété et de la dépression et enfin
ils vont faire partie des critères de diagnostic, des troubles somatoformes qui sont une catégorie diagnostique du manuel de statistiques et diagnostiques des maladies mentales.
Pour en revenir aux patients qui souffrent de douleurs et de dysfonctions oro-faciales, nos études ont
montré qu’une bonne partie de ces patients qui souffraient de douleurs et de dysfonctions oro-faciales
chroniques satisfaisait aux critères diagnostiques des troubles somatoformes. Sous l’angle des syndromes fonctionnels, plusieurs études ont évalué et observé une co-morbidité entre les douleurs et dysfonctions oro-faciales et certains syndromes fonctionnels. Cependant, seuls quelques syndromes fonctionnels ont été étudiés, notamment le syndrome de fatigue chronique et la fibromyalgie. Donc au final,
à notre connaissance, une seule étude a recherché de manière systématique la co-morbidité entre un
grand nombre de syndromes fonctionnels et les douleurs et dysfonctions oro-faciales. Et cette étude
est l’unique étude à avoir également évalué cette co-morbidité dans un groupe de patients témoins.
Les syndromes fonctionnels représentent un aspect de la somatisation et on sait que la somatisation,
au moins son évaluation psychométrique est un facteur prédictif de l’efficacité ou non du traitement par
des moyens physiques comme les orthèses occlusales ou la kinésithérapie chez les patients qui souffrent de douleurs et de dysfonctions oro-faciales. C’est pourquoi l’objectif de notre travail était d’évaluer les antécédents de syndromes fonctionnels rapportés par les patients qui souffraient de douleurs
et de dysfonctions oro-faciales et par les patients témoins.
Les patients et les méthodes sont les suivants. Les patients devaient avoir entre 18 et 75 ans. Les
patients du groupe douleurs et dysfonctions oro-faciale souffraient de dysfonction musculo-squelettique dont les symptômes avaient un caractère idiopathique et recherchaient une prise en charge pour
ces symptômes. Les patients étaient des patients qui consultaient pour de simples soins dentaires.
Pour l’ensemble des patients, l’existence d’une pathologie systémique et évolutive ou instable constituait un critère de non inclusion et pour les personnes du groupe douleurs et dysfonctions oro-faciales,
ils n’étaient pas inclus si une cause évidente à leurs symptômes existait. Les patients témoins n’étaient
pas inclus si ils présentaient quelques antécédents que ce soit de symptômes de douleurs et dysfonctions oro-faciales. Pour tous les patients, le fait de rapporter un antécédent de syndromes fonctionnels
qui n’avait pu être vérifiés en présence du patient ou un questionnaire incomplet constituait un critère
d’exclusion. Au total, le nombre du groupe des patients des douleurs et dysfonctions oro-faciales était
constitué de 56 personnes et le groupe de patients témoins de 103 personnes.
Tous les patients ont complété un auto questionnaire qui renseignait sur des informations sociodémographiques, sur les antécédents de syndromes fonctionnels diagnostiqués par un médecin, sur des
antécédents de douleurs et dysfonctions oro-faciales et comprenait également les échelles de dépression et somatisation du symptôme check-list de 90 afin d’évaluer les caractéristiques psychologiques
des patients comme Dworkin et LeResche l’ont recommandé.
Les syndromes fonctionnels sur lesquels les patients étaient interrogés, étaient la fibromyalgie, la
céphalée de tension, la douleur cardiaque atypique, la dyspepsie non ulcéreuse, la boule dans la gorge,
le syndrome du colon irritable, la colopathie fonctionnelle, la fatigue prolongée, l’hyperventilation, le
syndrome prémenstruel, la douleur pelvienne chronique, la cystalgie à urines claires et les douleurs et
dysfonctions oro-faciales. Et des patients étaient également interrogés sur des antécédents de stoma-
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todynies, de douleurs faciales atypiques ou d’ontalgies atypiques.
L’entretien et l’examen clinique ont été mené suivant la fiche d’entretien et l’examen clinique de la fiche
European Academy of Craniomandibular Disorders (EACD) et le diagnostic a été établi suivant les critères diagnostiques des Temporomandibular Disorders (TMD) de l’American Academy Oro-facial Pain.
La partie du questionnaire qui concernait les syndromes fonctionnels, elle était systématiquement
reprise en présence du patient pour vérifier en cas de réponse positive qu’elle n’était pas du à une mauvaise compréhension du patient.
Les analyses statistiques ont porté sur les variables sociodémographiques, sur le score de dépression
issu de l’échelle de dépression et sur les deux scores qui peuvent être obtenus à partir de l’échelle de
somatisation : la symptôme check-list 90, un score de symptômes physiques non spécifiques comprenant des symptômes douloureux et un score de symptômes physiques non spécifiques sans symptôme
douloureux. Chacun des syndromes fonctionnels et sur leur nombre ont été analysé. Et les scores
n’étaient pas distribués normalement, donc ils ont été analysés au moyen de tests paramétriques, les
variables qualitatives analysées par des tests du chi-deux, les variables quantitatives par le test t de
Student et le risque alpha a été fixé à 5 %.
Les résultats. Les deux populations étaient comparables en ce qui concerne le sexe et la situation de
famille, elles différaient pour l’âge, l’activité et le nombre d’année d’étude, c'est-à-dire que les patients
du groupes douleurs et dysfonctions oro-faciales étaient plus jeunes, plus actifs et avaient un niveau
d’éducation, un nombre d’année d’étude supérieur par rapport aux témoins. Les patients du groupe
douleur et dysfonctions oro-faciales souffraient d’un symptôme douloureux pour 91 % d’entre eux.
Cette douleur était présente depuis 21 mois en moyenne et il existait des symptômes non douloureux
qui étaient présents en moyenne depuis 32 mois.
Les patients du groupe douleurs et dysfonctions oro-faciales ont reçu un diagnostic unique pour 53 %
d’entre eux qui était articulaire pour 33,9 % et musculaire pour 21,4 %. Les 44,7 autre % ont reçu des
diagnostics multiples à la fois articulaire et musculaire. Les médianes des trois scores de dépression et
les deux scores de symptômes physiques non spécifiques étaient significativement plus élevés dans le
groupe des patients douleurs et dysfonctions oro-faciales. Pour chacun des scores, il existe des valeurs
seuils qui permettent de déterminer trois niveaux de sévérité, c'est-à-dire un niveau normal, un niveau
modéré et un niveau sévère et la répartition des patients dans ces trois niveaux de sévérité a été évaluée dans les deux groupes. Les patients du groupe douleurs et dysfonctions oro-faciales rentrent plus
fréquemment dans la catégorie modérée et sévère pour les scores de symptômes physiques et non
spécifiques avec douleur et sans douleur comparé aux témoins. La même tendance est observée pour
les scores de dépression, mais elle n’atteint pas le seuil de significativité. Les patients du groupe douleurs et dysfonctions oro-faciales rapportaient plus fréquemment, au moins un antécédent de syndrome
fonctionnel comparé aux patients témoins. 25 personnes du groupe douleur et dysfonctions oro-faciales contre 15 du groupe témoins. Le syndrome fonctionnel le plus souvent rapporté dans le groupe
témoin est le syndrome prémenstruel. Dans le groupe douleurs et dysfonctions oro-faciales, il s’agissait
du syndrome du colon irritable.
Au final, une différence significative existait en terme de fréquence pour 4 syndromes fonctionnels : le
syndrome du colon irritable, la fatigue prolongée, la dyspepsie non ulcéreuse et les céphalées de tension.
Ensuite dans chaque population, les patients étaient répartis en trois groupes suivant le nombre de syndrome fonctionnels qu’ils rapportaient : aucun syndrome fonctionnel, un à deux syndromes fonctionnels et trois syndromes fonctionnels ou plus. Les patients du groupe douleurs et dysfonctions oro-faciales rapportaient plus fréquemment des antécédents multiples de syndromes fonctionnels, notamment
… (j’ai perdu la flèche. Voilà) Un seul patient du groupe témoin rapporte trois syndromes fonctionnels
tandis que six personnes du groupe douleurs et dysfonctions oro-faciales en rapportent trois et plus,
notamment il y en un seul qui en rapporte trois et les cinq autres en rapportent plus de trois.
Ensuite la relation qui pouvait exister entre le nombre des syndromes fonctionnels et les scores de
dépression et de symptômes physiques non spécifiques été évaluée. Et il ressort que pour le score de
symptômes physiques et non spécifiques avec douleur et sans douleur, il existe un lien significatif et
positif avec le nombre de syndromes fonctionnels, c'est-à-dire que plus le nombre de syndromes fonctionnels rapporté par les patients augmente, plus la valeur des scores augmente également.
Donc la même relation existe pour les scores de dépression, elle est significative dans le groupe des
témoins, mais n’atteint pas le seuil de significativité dans le groupe des patients douleurs et dysfonctions oro-faciales.
Dans cette étude, le syndrome du colon irritable et les céphalées de tension sont les syndromes fonctionnels les plus fréquents, ce qui rejoint l’étude d’Aaron et coll. Dans une autre étude qui avait évalué
la co-morbidité d’un grand nombre de syndromes fonctionnels, c’était la céphalée de tension et la douleur faciale atypique qui étaient retrouvées le plus fréquemment associé avec les douleurs et dysfonctions oro-faciales.
Dans cette étude, les scores de somatisation des patients douleurs et dysfonctions oro-faciales étaient
significativement supérieurs à ceux des témoins, ce qui rejoint les résultats d’une autre étude cas-
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témoins. Et dans ce travail, il a été observé une relation entre le nombre de syndromes fonctionnels et
les scores des symptômes physiques non spécifiques, ce qui rejoint une notion récurrente dans la littérature selon laquelle la multiplicité des symptômes représente une progression dans le degré de
somatisation. Dans l’étude d’Aaron et coll, le nombre de symptômes fonctionnels ressentis par les
patients du groupe douleurs et dysfonctions oro-faciales était significativement supérieur à celui des
témoins. Et d’autre part, deux études ont montré que les scores de symptômes physiques non spécifiques de l’SCL-90 étaient positivement corrélés avec le nombre de muscles masticateurs sensibles à la
palpation.
Enfin, dans une étude qui a porté sur plus de 800 patients qui consultaient un grand nombre de spécialités médicales, de services de différentes spécialités médicales pour des symptômes fonctionnels
ou pour des syndromes fonctionnels, il apparaît clairement que le nombre de symptômes fonctionnels
représente bien une dimension de sévérité d’un syndrome que les auteurs ont appelé « bodily distress
» et qui englobe finalement la quasi-totalité des localisations des symptômes fonctionnels et des syndromes fonctionnels qui jusqu’à présent dans la littérature sont étudiés le plus souvent de manière
séparée. Donc ces résultats sont issus d’une première analyse. Il serait intéressant de faire une analyse
discriminative en clusters. Il serait également intéressant d’évaluer dans quelles mesures les syndromes
fonctionnels peuvent être reliés avec la réponse au traitement. Et enfin, il serait probablement intéressant de rechercher les antécédents de syndromes fonctionnels parmi les patients qui souffrent d’autres
types de douleurs oro-faciales que musculo-squelettique, c'est-à-dire l’odontalgie atypique et la douleur faciale atypique puisqu’une étude épidémiologique récente à montrer que les patients qui souffrent
de douleurs oro-faciales idiopathiques présentent un risque relatif deux fois plus élevé de souffrir en
même temps d’un syndrome du colon irritable et trois fois plus élevé de souffrir en même temps de douleurs diffuses que des patients qui souffrent de douleurs dentaires.
Donc en conclusion, cette étude confirme que des niveaux plus élevés de somatisation et de dépression concernant des sous populations de patients souffrant de douleurs et dysfonctions oro-faciales
puisque environ la moitié des patients de cette étude présentait des niveaux normaux de somatisation
et de dépression. Et d’autre part, il semble que la recherche des antécédents de syndromes fonctionnels pourrait constituer un moyen fiable d’apprécier le degré de somatisation des patients, ce qui peut
être utile pour tous les praticiens qui n’utilisent pas d’échelle psychométrique dans leur pratique quotidienne.
Je vous remercie de votre attention.
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Jean François LALUQUE
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Stress , sommeil et Bruxisme
Céline Bodéré m’a demandé de parler d’applications cliniques du bruxisme en 10 minutes, donc j’ai
d’un côté mon chronomètre et de l’autre côté mon cardiofréquencemètre pour essayer de tenir le temps
et en même temps de surveiller la fréquence cardiaque.
Je vais essayer en 10 minutes de passer un certain nombre d’illustrations cliniques, de cas cliniques,
de voir comment, et Bernard Fleiter a dit qu’il n’y avait pas que les dentistes qui s’occupaient de
bruxisme, mais en tant que dentiste, je suis confronté à des patients qui font du bruxisme. Qu’est ce
que l’on peut en faire ? Comment peut-on faire ? Et quelle est la part du stress chez ces patients qui
sont quand même des patients un petit peu difficiles ?
Le bruxisme est donc une « pathologie ». Est que c’est vraiment une pathologie ? Mais disons que c’est
une pathologie qui a des formes très différentes, des formes très différentes en fonction de l’âge, en
fonction du sexe, en fonction des moments de la vie. On peut faire du bruxisme à certains moments,
ça peut se réactiver à d’autres moments et nous en tant qu’odontologiste, on a affaire à ce problème
parce-que l’on est confronté à la cible sur laquelle va s’effectuer cette manie, cette parafonction ou
cette hyperfonction. On a donc à prendre en charge des effets spectaculaires comme sur ces quelques
photos. Et on a aussi à prendre en charge des aspects du bruxisme qui ne sont pas des aspects spectaculaires, il va falloir être apte à dépister et en particulier dans les situations de stress qui peuvent être
relativement importantes.
Alors, la littérature est très riche sur ce sujet, sur les aspects de la qualité de vie, sur les aspects du
stress, sur les aspects périphériques hors dentaires puisque comme l’a rappelé Gilles Lavigne il y a un
instant, les hypothèses de Ramfjord et Ash sont complètement abandonnées. L’étiologie dentaire ne
doit plus être du tout, n’existe absolument plus sur le bruxisme. Donc sans revenir à Hippocrate qui a
été cité ce matin, déjà dans les années 50, il y a eu les travaux de Moulton, de Schwartz qui ont montré l’importance du stress et des problèmes psychosociaux sur le bruxisme. Il y a l’expérience célèbre,
le travail de Rugh et Solberg dans les années 70-80 qui ont montré qu’en mettant certains sujets dans
des situations différentes de stress, il y avait une modification des épisodes de bruxisme et j’ai simplement noté ces deux travaux : travail donc d’une équipe d’Amsterdam avec Lobbezoo qui fait suite à un
travail qui avait été publié il y a trois ou quatre ans : celui-ci vient d’être publié dans le dernier Journal
of Oral Rehabilitation qui met le point sur l’importance ou certains aspects du stress avec l’activation
des épisodes de bruxisme. Malheureusement ce travail, l’échantillon de patients est très faible. Et puis
un travail un peu plus ancien, une douzaine d’années ou un peu plus, Thuan Dao quand elle était dans
le service, étudiante chez Gilles Lavigne, qui est un travail de référence avec un échantillon de sujets
beaucoup plus important sur l’association entre les répercussions des qualités de vie sur les épisodes
de bruxisme.
Voici un premier cas clinique que je vais vous montrer très rapidement. C’est le cas de cette jeune
femme d’une trentaine d’années qui arrive dans cet état en consultation, son problème, c’est de refaire
faire des céramiques fracturées. Alors évidemment en tant qu’occlusodontiste, si on peut dire, il y a du
grain à moudre, il y a des agénésies latérales, il y a des problèmes occlusaux importants, etc. Et puis,
quand on discute un petit peu avec elle, on lui demande « comment ça se fait que vous ayez cassé toutes vos dents ? Vous avez cassé un certain nombre de dents ». Elle nous dit : « c’est la troisième ou
quatrième fois que l’on refait des bridges, les dents se cassent ». « Est-ce qu’il vous arrive de vous surprendre les dents serrées ? » « Oui, je serre toujours des dents. » Donc là, ce sont des cas évidents,
avec des problèmes familiaux, des problèmes importants sur le plan du travail, elle vit une situation économique difficile. Il y a donc une association de stress chronique, de perturbations chroniques installées. Sans vouloir remonter à des histoires plus anciennes qu’ils lui sont arrivées, mais il y a une pérennité, une permanence du stress qui fait qu’en tant qu’odontologiste, pour traiter ces patients, il y a une
autre composante évidemment qu’il va falloir prendre en compte, ce n’est pas simplement faire de la
prothèse, stabiliser une occlusion, il y a bien d’autres choses qui vont devoir être faites, qui vont être
prises en charge certainement de façon pluridisciplinaire.
Un autre cas clinique et c’est un cas clinique et qui appartient à mon coéquipier habituel Daniel Brocard.
Donc ce cas clinique est intéressant, enfin l’exposé de ce patient est intéressant, car ce patient qui a
70 ans maintenant est un ancien sportif de très haut niveau. Il a été médaillé olympique, a eu une activité physique telle que celle qui a été évoquée hier avec un stress important dû à l’entraînement, avec
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un stress très important dû à la presse à laquelle il a été soumis à une époque où il n’y avait pas tellement de possibilités de médaillés olympiques français potentiels, on n’était pas encore habitués à être
champions du monde. Donc il était pratiquement le seul, il était très surveillé, très soumis à une pression et un stress très important. Et aujourd’hui, il est évidemment à la retraite, évidemment ce n’est plus
un sportif de haut niveau, mais voilà la situation dans laquelle il est. Il pratique si on peut dire un
bruxisme chronique important, permanent. Il continue à avoir une vie très stressée parce qu’il est sollicité par rapport à un certain nombre de firmes, d’équipementiers, de télévision pour faire des commentaires, il est toujours entre deux avions. Donc c’est quelqu’un qui a à la fois un stress chronique peutêtre potentiel au départ, mais entretenu par son activité « professionnelle » ou sportive passées et continué par son activité professionnelle actuelle. Quand on regarde les faces occlusales, ça confirme donc
toutes les fractures et le travail de Daniel Brocard a constitué à répondre à sa demande. Sa demande
qui était une demande occluso-fonctionnelle esthétique, de rétablissement surtout esthétique et évidemment de protection et essayer de l’engager, de lui faire comprendre qu’il fallait avoir un certain nombre de modifications de son comportement et c’est un patient qui a eu des problèmes cardiovasculaires graves qui se sont terminés par un pontage et qui est toujours dans des situations de surveillance.
D’autres observations que je ne vais pas détailler, mais on a tous des observations cliniques de ce type
dans nos cabinets. Ce qui est frappant et sans détailler, ce sont des patients comme celui de gauche
qui sont hyperactifs, très occupés, qui ont beaucoup de stress professionnel ou des patients comme la
patiente de droite qui est une patiente avec des problèmes psychosociaux majeurs, très importants,
des antécédents lourds. Ce sont aussi des patients qui ont comme point commun, comme les cas précédents, des problèmes dentaires. Ce sont donc des patients qui sont demandeurs ; cela a été dit aussi
à plusieurs reprises depuis hier matin ; ce sont des patients qui ont des demandes de traitements odontologiques auxquels il faut répondre. Ce sont des patients qui sont, certains qui mettent des défenses
quand on leur dit « vous avez d’autres problèmes », enfin il ne faut pas leur dire d’une façon aussi brutale. Quand on leur dit « vous avez d’autres problèmes que des problèmes dentaires qu’il va falloir prendre en charge. Le problème dentaire, c’est la conséquence de beaucoup d’autres choses, mais sur ce
problème dentaire, nous, on peut le traiter, mais ce n’est qu’une partie de votre pathologie au sens large
du terme. »
Donc tous ces patients sont des patients excessivement difficiles parce que très souvent ils sont adressés par des confrères qui eux-mêmes n’ont pas informés de l’étendue, de l’ouverture que l’on doit avoir.
Et ces patients viennent chercher une réponse à leur problème de bruxisme chez un dentiste par une
réponse mécanique. Ils veulent comme cela a été dit aussi ce matin une réponse définitive thérapeutique alors que c’est absolument, totalement impossible. Donc même si les situations sont différentes,
ce sont des patients qui vivent dans du stress différent, avec des problèmes dentaires et le problème
dentaire va être à traiter.
Autres cas totalement différents. Jusqu’à maintenant, on a vu des cas cliniques où il y avait des problèmes dentaires importants, majeurs, qui pouvaient nous faire prendre une fausse route éventuellement
sur la prise en charge de ces patients. Voilà une patiente qui vient, une jeune patiente, 25 ans. Sur le
plan de l’occlusion, il n’y a rien à dire. Il y a une stabilité parfaite de l’occlusion, les dents parfaites. Elle
vient avec des douleurs et elle vient dans un état de stress important, aigu, lié à une situation difficile
tout à fait ponctuelle. Donc là, c’est l’illustration de ce genre de cas à la fois qui semble beaucoup plus
facile, mais qui est aussi plus difficile. Beaucoup plus facile parce que sur le plan de la restauration, sur
le plan de la prise en charge occlusale, il n’y a absolument rien à faire et il ne faut surtout rien faire. Il
est hors de question de toucher à quoi que ce soit. Par contre, c’est beaucoup plus difficile parce
qu’elle vient consulter à nouveau chez un odontologiste, elle vient consulter pour un problème qui n’est
pas du tout un problème de notre compétence. Il faut avoir absolument une écoute, une attention, une
empathie, une prise en charge psychologique et des modifications comportementales de cette patiente.
Donc, ce sont des cas totalement différents.
Alors des gouttières, c’est tout ce que l’on peut faire nous, et c’est évidemment un peu frustrant dans
notre activité d’odontologiste. Ce que l’on nous a appris à faire, ce que l’on sait faire et que l’on continue à faire, c’est protéger les dents. On essaye, je n’ose pas dire traiter, mais on essaye de travailler sur
les conséquences. Cela a un côté frustrant parce que l’on n’a pas la capacité de travailler en amont. On
traite les conséquences par l’intermédiaire d’une gouttière. Comme Gilles Lavigne l’a très bien dit, la
gouttière occlusale et c’est une publication de Thuan Dao encore là-dessus qui montre l’efficacité
immédiate et à très moyen terme le peu d’efficacité des gouttières pour traiter le bruxisme. Chez ce
jeune patient qui est un étudiant en chirurgie dentaire et chacun sait, ce sont des études particulièrement stressantes qui faisait un bruxisme antérolatéral. On voit très bien que la gouttière va peut-être
protéger un petit peu ses dents, mais qu’il a répété les mêmes usures dans sa gouttière que sur ses
dents en particulier au niveau des canines et latérales, donc ça n’a absolument pas arrêté le bruxisme.
Donc pour répéter, on ne peut que traiter les conséquences. Le plus important, je crois, c’est de donner beaucoup d’informations, quelquefois, rarement, faire de la reconstruction si elle est demandée, si
elle est indiquée sur le plan esthétique par le patient et faire une protection adaptée. C’est ce qui a été
fait par ici sur ce cas clinique d’un patient d’une soixantaine d’années qui a des épisodes de bruxisme,
connus, périodiques, importants. Donc là, il y a un risque qui a été pris. Alors est-ce que c’est le fac-
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teur de risque ? Est-ce que c’est le risque pour le patient, pour le praticien ? Pour des raisons esthétiques, on a fait des facettes antérieures maxillaires et mandibulaires avec une protection, mais on n’est
pas certain que le patient porte cette gouttière. Et je parlais tout à l’heure avec Jean-Daniel Orthlieb de
ce genre de situation, est-ce que dans les modifications comportementales du patient, du comportement manducateur du patient, est-ce qu’en mettant en place des prothèses réputées pour être fragiles,
qui sont relativement onéreuses, ça ne modifie pas inconsciemment ou consciemment le comportement du patient qui peut-être serre un peu moins les dents?
Alors notre rôle dans cet aspect du stress et du bruxisme évidemment va être de traiter les conséquences dentaires si on peut les traiter ou s’il y a une demande de traitement dentaire. Mais surtout de
rechercher les signes du stress qui peuvent exister, qui font que ces patients stressés sont plus des
patients à risque que d’autres. Alors évidemment les signes dentaires sont les plus faciles à observer,
mais comme cela a été dit précédemment mais l’usure dentaire n’est pas un diagnostic de bruxisme,
absolument pas. Vous avez beaucoup de situations d’usures qui sont des usures physiologiques. Alain
Woda a beaucoup travaillé, a publié là-dessus et c’est un petit peu un de ses dadas. Il y a beaucoup
d’usures physiologiques. Quelle est la différence entre usure physiologique et usure pathologique ? Et
ce n’est certainement pas en observant uniquement les dents que l’on peut poser un diagnostic de
bruxisme. Il y a toute une anamnèse, un entretien clinique, une appréhension du patient qui est beaucoup plus importante pour essayer de chercher les signes quels qu’ils soient qui peuvent montrer que
le patient a des épisodes de bruxisme chroniques ou aigus qui peuvent éventuellement se réactiver.
Et à la demande de la Présidente, j’ai ressorti cette photo, je commence à l’avoir beaucoup montrée,
mais peut-être jamais en Bretagne. C’est cette patiente à l’âge de 25 ans, dans une situation d’étudiante en médecine, sans aucun problème et qui est ici la même patiente 20 ans plus tard, mariée, avec
des problèmes, médecin, etc. Donc c’est un peu pour revenir sur ce que je vous ai dit sur la diapo précédente. Donc c’est peut-être, est ce qu’il y avait un stress important ou est ce qu’il y avait la capacité
de les dépister ou pas ? Est que l’on pouvait faire quelque chose.
Et Bernard, rassures-toi, c’est ma dernière diapo. On a insisté là-dessus, donc c’est l’importance d’une
prise en charge globale parce-que beaucoup de choses ont déjà été dites, la recherche des signes,
essayer de faire de la prévention, donner beaucoup d’informations, essayer d’évaluer autant que l’on
peut et aussi bénéficier de la capacité adaptative de nos patients. Ceci est évidemment la chose la plus
importante. Et en désespoir de cause, protéger les structures dentaires et de l’appareil manducateur de
nos patients par des orthèses puisque c’est un petit peu la seule chose que l’on puisse faire.
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Pr Gilles LAVIGNE
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Stress, sommeil et bruxisme
Ce que l’on va essayer de faire dans les 30 minutes qui viennent est vraiment de brosser un tableau très
rapide de l’activité du système nerveux autonome dans le bruxisme. En Amérique, on utilise beaucoup
le terme système nerveux autonome et après plusieurs discussions Paul Pionchon Paul me disait que
c’était un peu différent ici, mais je me suis amusée à écrire système neuro-musculo-végétatif parce que
c’est un peu l’ensemble de tout ça qui va de pair. Chez nous quand on parle de système nerveux autonome, on parle beaucoup du système cardiaque et du système respiratoire comme activité majeure.
Mais à l’intérieur de ça aussi, il y a l’activité des petits nerfs du système nerveux autonome comme c’est
probablement les fibres que l’on associe à la douleur qui sont intensément liés à la microcirculation.
Donc le système nerveux autonome a plusieurs dimensions et je vais essayer, de ne pas trop vous amener sur les petits détails avec toutes les subtilités qu’il y a dans le système nerveux autonome.
En passant, il y a deux pages du même résumé, je n’ai rien compris, Sandro Palla essayait de me stresser ce matin en me disant que j’avais deux conférences à donner, donc ça veut dire que je n’ai pas 30
minutes, mais une heure pour parler. Donc, on va essayer d’aborder le tout.
Cette vidéo, là la caméra, est cachée. C’est une vidéo du patient, que je ne peux malheureusement pas
les mettre sur un DVD pour la vente. On a eu une longue discussion entre hier et aujourd’hui pour clarifier ce point là.
Chut, il dort Donc, ça c’est le bruxisme du sommeil. C’est très différent du bruxisme d’éveil. On évite
d’utiliser le nom de bruxisme de nuit parce que les gens en milieu hospitalier, les policiers, les pilotes
d’avion, ont souvent un horaire où ils dorment à d’autres moments. Donc si on parle de mouvement
rythmique qui est répété à une fréquence de 1 hertz, on parle de mouvement qui est assez stéréotypé
et l’American Academy of Sleep Medicine a classé le bruxisme dans les mouvements anormaux et non
pas dans les parasomnies.
Cà, ce monsieur, c’est le cas le plus sévère que l’on a vu dans toutes les années où on a enregistré le
bruxisme à Montréal ; ce monsieur faisait ça une centaine de fois par nuit. Vous voyez ici que c’e sont
des mouvements postérieurs, antérieurs et il avait très peu d’usure dentaire. S’il y a une donnée que
vous devez abolir dans votre tête, c’est la relation entre l’usure dentaire et la sévérité de la fréquence
du bruxisme, du nombre de fois qu’il y a des contacts dentaires. Ca ne tient pas beaucoup. Par contre
on retrouvait chez les gens qui grincent un peu plus d’usure que chez les normaux, mais beaucoup
moins que l’on pensait dans le passé.
Ce que je vais essayer de faire, c’est de rentrer assez intensément dans la physiopathologie ou la pathophysiologie du bruxisme, mais en faisant ça, on va couvrir aussi certains éléments fondamentaux et une
des premières choses qui ressort dans la littérature, c’est ce qui est lié entre l’anxiété et le stress et le
bruxisme. Le lien est de faible à modéré. Un des principaux problèmes que l’on a, c’est que la plupart
des identifications du fait que le patient est un bruxeur ou non, sont basés sur l’histoire. Donc c’est basé
sur le fait que le partenaire de sommeil a rapporté à la personne qui grince « tu fais du grincement ».
Le dentiste est très peu fiable. La plupart des dentistes sont sûrs qu’ils peuvent établir un diagnostic de
bruxisme à partir de l’examen d’usure des dents. Bien souvent aucune correspondance dans le temps
entre le fait que les dents soient usées et le patient peut avoir eu un épisode intense dans sa vie, six
ans avant et ne plus en avoir présentement. Alors quand vous posez la question au patient vous devez
actualiser ce lien là avec ce qu’il se passe présentement. Donc, ne soyez pas naïfs juste en regardant
les dents en établissant un diagnostic de bruxisme, ça n’a aucune valeur clinique si ce n’est pas associé avec une histoire actuelle. Donc je veux être large de ce côté-là. Et le gros problème que l’on a avec
la majorité des études, c’est qu’elles n’ont été faites qu’à partir de questionnaires.
Dans la littérature, on a des descriptifs comme quoi les bruxeurs sont des personnalités de type A. Le
type A, c’est quelqu’un qui est assez ambitieux, déterminé, qui avance dans la vie et c’était un terme
très à la mode dans les années 50 – 60, qui a disparu dans les années 70 – 80 et qui est revenu. Très
utilisé dans le domaine cardio-vasculaire, comme risque cardio-vasculaire. Il y a des études faites , dont
les études de Pierce , où il a essayé de montrer une corrélation entre le stress vécu- il parle du sujet le
jour, à l’éveil- versus l’activité qu’il y avait lorsque la personne dormait. Dans le cas ici, il avait vraiment
fait une étude jour et nuit et il a vu qu’il n’y avait que 7 patients au maximum où il pouvait faire une certaine corrélation entre les rapports de stress et l’activité motrice. C’était en fait avec des enregistre-
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ments ambulatoires, à la maison, sans confirmation du son. Ca, c’est vraiment toujours un problème.
Dans la population générale, il y a une étude de Ohayon qui a été publié en 2001, où Ohayon a regardé
le risque de rapporter de l’anxiété, du stress si le patient apportait une histoire de grincements de dents.
Cette étude là a comme intérêt d’avoir englobé l’Europe, l’Amérique du Sud, l’Amérique Centrale et
aussi une partie de l’Amérique du Nord. Je crois qu’il y avait 7000 personnes et il avait déterminé les
risques relatifs. (OR=1,3) Vous voyez que l’on a un risque très faible, on a vu beaucoup de Odds ratio
depuis hier et en épidémiologie, si on a un odds ratio en bas de 4, en bas de 5, ce n’est pas considéré
comme être puissant en terme de pénétrance dans la population. Donc c’est un risque relatif qui est là,
mais qui est relativement faible, mais ça s’explique par la présence de troubles respiratoires , de somnolence le jour et c’est une population de tous les âges, une population très large.
Les tests expérimentaux qui ont été fait entre autre, on en a fait un dans notre labo où on soumettait
les gens à des test de réflexe, ont permis de juste mettre en évidence que quand on prend un bruxeur
du sommeil et qu’on le soumet à un stress exécutoire, il va devenir beaucoup plus compétitif, c’est ce
qu’il rapporte, il se sent mis au défi, mais aucun de ces sujets là n’a mis en évidence une augmentation
du clenching. Donc ça nous a surpris beaucoup, on s’attendait à ce que le jour quand on les soumettait à l’éveil à un test stressant de voir chez ces gens là des réflexes de contractions, de serrements et
on n’avait pas été capable de mettre ça en évidence.
Une des choses que l’on vient de faire tout récemment, c’est d’analyser l’ensemble des patients que
l’on a observés au laboratoire du sommeil. Il faut bien comprendre que le laboratoire du sommeil, ce
n’est pas un environnement naturel, c’est un environnement expérimental, hospitalier, donc la première
nuit n’est jamais utilisée. La première nuit est utilisée comme adaptation. Pour avoir un sommeil parfait en laboratoire du sommeil, ça peut prendre trois à sept nuits, dépendant des sujets. Il y en a qui
retrouve un sommeil semblable à la maison et si quelqu’un a l’habitude de dormir avec une autre personne, c’est impossible dans un milieu hospitalier et encore moins dans un milieu comme le mien où
l’hôpital est contrôlé par des s?urs. Elles ne permettent pas au couple de partager une chambre.
Parenthèse : il y a plusieurs années, on avait une étudiante en psycho qui venait voir les bienfaits d’une
relation sexuelle sur la qualité et la profondeur du sommeil et les s?urs ont interdit la relation sexuelle,
mais ont permis la masturbation. Je vous laisse tirer les conclusions, donc c’était probablement permis
la masturbation chez les s?urs, mais on ne sait pas trop.
Pour revenir au bruxisme qui n’a rien avoir avec la masturbation, sauf la mienne, celle de mes neurones., ce que l’on fait, c’est que l’on a donc repris le groupe de bruxeurs et ici, on a isolé 99 bruxeurs
rapportés par le conjoint comme grinçant des dents et 42 sujets témoins, contrôles, asymptomatiques,
sans histoire de grincement. Et on a fait l’analyse à la Woda.L’analyse à la Woda, c’est une analyse par
cluster, le modèle qu’Alain nous a présenté hier et on au lieu que nous, on classe comme dentiste
comme si c’était un cas sévère, avec tous nos biais, on a demandé par la programmation scientifique
de séparer par fréquence d’évènements masticatoires , donc le nombre de fois que le patient se mettait à utiliser ses muscles de fermeture. Et on a vu par les analyses de cluster (donc de grappe) dit LOW
qu’il y avait un groupe qui présentait une très faible fréquence de bruxisme, de 2/3 épisodes par heure
de sommeil. Les sujets normaux, asymptomatiques, ont 1.3 par heure de sommeil. On a vu que l’on
avait des cas modérés, des cas qui étaient plus sévères, donc vous voyez, ça passe de 6 à presque 10
et ici, il y a vraiment une séparation entre ces cas là et ces cas là pour ce qui est des rapports de plainte
le matin. Et une des choses qui est sortie, c’est que le groupe avec une basse fréquence de bruxisme
avait un risque relatif d’avoir de la douleur le matin 4 fois plus élevé que les groupes modérés ou sévères. Quand on leur a demandé le stress de la vie en général, il n’y avait aucune différence entre les trois
groupes bruxeurs et le groupe contrôle. Par contre, quand on leur a demandé le stress actuel, d’être
enregistrés, d’être observés en laboratoire de sommeil. Autre parenthèse : vous êtes des latins, je peux
me permettre de faire des parenthèses. Au canada anglais, on ne fait jamais de parenthèse. Et ce que
l’on a vu chez ces patients là, c’était souvent le rapport des « est ce que vos électrodes vont enregistrer ce que je pense ? » Donc il faut expliquer. Et ce matin, on parlait justement de bien faire comprendre au sujet ce que l’on fait et quand on leur demandait si le stress actuel, on voyait que le groupe avec
une basse fréquence d’évènements musculaires, donc qui serrait rarement les dents pendant le sommeil, risque de rapporter du stress trois ou cinq fois plus élevé et les maux de têtes étaient très élevés
aussi chez ces patients là. Donc ça semble, je dis bien ça semble indiquer, il faudrait que ce soit reproduit dans des études avec des populations plus larges, qu’il y a possiblement des sous-groupes, ces
sous-groupes sont peut-être phénotypages de risque de prédicteurs de douleur et d’autres syndromes
fonctionnels, mais les maux de tête, c’est quelque chose qui nous a surpris.
Voici mathématiquement ce que ces courbes donnent. Les sujets normaux sont ici, les sujets avec la
douleur qui était légère sont ici, et ainsi de suite, et ça c’est une « work curve » et c’est mathématiquement comment on arrive à déterminer les courbes comme ça.
Maintenant, le sommeil.
[Vous dormez pas trop, je suis surpris, apparemment vous avez eu une réunion avant qui vous a stimulé
donc je n’ai pas eu l’odieux de vous tenir éveillé.]
Mais le sommeil comment ça fonctionne ? On sait tous que le sommeil, c’est une série d’oscillation,
c’est un état partiel et temporaire de déconnection avec l’environnement. Quand je dis partiel et tem-
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poraire, c’est que l’on reste quand même toujours aux aguets, on a un système qui nous permet de se
réveiller S’il y a quelque chose qui peut mettre en péril l’intégrité dans notre cas et le sommeil va osciller entre des stades où on est à l’éveil, où on commence à avoir de l’endormissement et graduellement,
on va atteindre le stade 1 qui est un stade de transition pour aller vers le stade 2 qui est un stade qui
va envelopper 50 % de la durée de notre sommeil. Et finalement, on arrive dans le sommeil au stade 3
et 4. Hier, il y a eu une erreur lors de la présentation de la fibromyalgie, les problèmes des patients fibromyalgiques est dans le stade 3 et 4 et non pas dans le sommeil paradoxal. Ca, c’est très clair, toutes
les études sont très très consistantes sur ça et je pense que c’est simplement une erreur de stress, la
personne a inversé le mot et je voulais juste corriger.
[Ah ! J’ai déjà un dormeur. Oups ! Il vient de se réveiller.]
Donc les stades 3 et 4, c’est théoriquement le sommeil récupérateur, c’est là que l’on en a beaucoup
dans le premier tiers de la nuit, c’est là que l’on a une augmentation de notre hormone de croissance,
c’est là qu’elle se libère le plus. Passer 45 ans, je suis désolé Claude Valentin, là il n’a plus d’hormones
de croissance. Tu as 48 ans là … enfin c’est terminé Claude. Les hormones de croissance, tu n’en as
presque plus. Donc ça disparaît avec l’âge.
On revient dans les stades les plus légers, on arrive finalement dans le sommeil paradoxal et on a des
oscillations comme ça, de trois à cinq fois pour arriver vers la fin de la nuit où on a de plus en plus de
sommeil paradoxal, qui est le sommeil REM pour « Rapid Eye Movement ». Qu’est ce qui caractérise
ce sommeil là ? C’est que l’on a le cerveau en ébullition, en pleine activité, c’est le stade de sommeil
où on rêve que l’on se promène demain avec Céline et Sarkozy en voilier et que le temps est splendide,
très peu de vent. Donc des rêves un peu idéalistes, un peu fantaisistes. Et c’est fantaisiste de penser
à Sarkozy. Et ces stades de sommeil sont aussi associés à une hypotonie musculaire. Dans la littérature, vous allez voir le terme atonie. Le terme atonie est un terme faux parce que l’on n’a pas d’atonie.
L’atonie, c’est la mort. Ce terme là vient de la période des polygraphes à plumes qui n’étaient pas assez
puissants pour enregistrer l’activité, donc c’est un terme qui ne tient plus.
Dans l’organisation du sommeil, on a toute une série de structures qui vont organiser le sommeil et on
a parlé beaucoup du locus coeruleus depuis hier. On vous a parlé beaucoup de l’hypothalamus, on vous
a parlé du thalamus, on vous a parlé des voies ascendantes vers l’éveil, donc qui vont finalement activer les voies que l’on appelle « arousal ascending system » qui ont été très à la mode dans les années
40-50-60 qui avaient été complètement oubliées par la suite et qui sont revenus très à la mode récemment d’autant plus que l’on sait que ces voies là sont partiellement désactivées pendant le sommeil.
On sait qu’elles impliquent un neurotransmetteur qui a été mis en évidence par Emmanuel Mignot, qui
est un médecin français qui travaille à Stanford , comme étant impliqué dans la vigilance l’orexine hypocrétine, et les patients qui souffrent de narcolepsie ont un déficit h’hypocrétine, les patients qui ont des
problèmes suite à des traumas cérébraux ont des problèmes de vigilance, de chronobiologie, ont un
déficit d’hypocrétine. Et que toutes ces substances là réagissent avec la dopamine, est très peu actif
dans le sommeil, mais très actif à l’éveil entre autre pour la motivation, pour les noyaux gris centraux,
l’acétylcholine, on revient à la noradrénaline, la sérotonine, le GABA. Et donc il y a des échanges, mais
ces échanges là ne se font pas seulement par les voies ascendantes, mais se font aussi par les voies
descendantes, donc on a un système réticulé descendant.
Du côté cardiaque, hier vous avez eu une illustration par un artiste d’un peu ce qui ce passe, un neurochirurgien artiste, c’est assez rare et ici on voit un peu ce qui arrive du côté contrôle cardiaque. Donc
ici on a Serge Marchand hier qui descend de l’avion, qui rencontre un douanier et qui est très très surpris donc, une réaction émotive, son système sensoriel de « Fight of Flight » s’active et Serge a un
changement au niveau du rythme cardiaque. Il se retourne et il voit Céline Bodéré, là tout va bien, son
rythme cardiaque se calme, il se dit elle va être ici pour me défendre, donc une réaction d’adaptation.
Mais en parallèle son cortex cingulaire est activé, son cortex insulaire est activé, son cortex frontal est
activé, son amygdale, pas celle que l’on a dans la gorge, [et ça régulièrement avec les américains, j’étais
obligé de préciser que les amygdales pour nous, on en a deux, les français ont a toujours tout en double, donc on a deux cerveaux, vous êtes d’accord, on n’en a pas qu’un. Je n’ai pas besoin de vous dire
mesdames où est le cerveau des hommes.]
Et ici donc, on a une activation de l’amygdale, on en a parlé beaucoup hier et tout ça finalement va avoir
un contrôle excessivement important sur l’activité cardiaque. Ca , c’est la voie supérieure, la voie des
centres cérébraux. Hier, on vous a parlé à profusion des voies médullaires, des systèmes de contrôle
périphérique et ainsi de suite. Mais je voulais juste vous rappeler et surtout insister beaucoup sur le rôle
de l’amygdale. Pourquoi ? Parce que quand on dort, c’est elle qui prend le relais pour le contrôle cardiaque. Elle prend le relais avec les locus coeruleus que je vous ai décrit tout à l’heure et il y a probablement des interactions avec les noyaux gris centraux. Donc il y a une étude qui a été faite par Pierre
Maquet qui est un collègue d’Antoon, qui est belge et qui a démontré de façon très élégante que pendant le sommeil, c’est l’amygdale qui reprend tout le relais et que toutes les autres fonctions sont beaucoup associées au niveau de vigilance et au niveau d’adaptation physiologique qu’on appelle le stress.
Donc une autre photo élégante qui vient d’une revue que vous connaissez, c’est « Cerveau et
Psychologie » où ici justement, on a mis en évidence toute la circuiterie et du côté éducatif, c’est assez
impressionnant, ça aide à se rappeler que le contrôle n’est pas seulement dans le tronc cérébral, que
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ça implique aussi des voies corticales. Comment on mesure l’activité cardiaque ? Pip pip pipip … l’irrégularité cardiaque. Hier, un cardiologue nous en a parlé, donc on peut évaluer l’activité cardiaque en
termes d’accélération. Donc ici Serge Marchand qui voit son lion en sortant de l’aéroport qui est un
douanier et ici il rencontre Céline, il se calme. Donc il y a une accélération et une décélération, une
tachycardie et la bradycardie et ici, ce que je voulais vraiment faire ressortir, c’est que tous ces changements physiologiques à l’éveil ou dans le sommeil sont influencées par l’âge et le sexe de la personne
que vous allez observer. Donc si vous vous mettez à faire des études de ce côté-là, vous devez contrôler le niveau de « fitness » comme on dit ça anglais, de forme physique, la diète du patient, les habitudes alimentaires, l’âge, le sexe et ainsi de suite.
L’autre façon de mesurer ça, on vous l’a décrit hier, c’est la balance entre le système sympathique et
parasympathique. Comment ça se fait ? Quand Paul Pionchon me prend à Lyon et m’amêne à
Clermont Ferrand et qu’il conduit la Volvo qui a déjà 14, 15 ans, donc une pièce de collection et qu’il
roule vers Clermont où Alain Woda l’attend et qu’il est pressé. Quand il accélère à la fin de chaque
courbe, il est domination sympathique et je trouve très sympathique, qui veut s’en aller vers Clermont.
Mais à chaque fois qu’il voit un policier, il devient très parasympathique, donc il met ses freins en action
et le système fonctionne un peu avec une balance comme ça d’accélérateur et de freinage. On vous a
décrit largement cette activité et une façon de le comprendre pendant le sommeil, à l’éveil donc c’est
très toucoutoucoutouc, on commence à s’endormir toucoutouc, on est en sommeil lent, léger toucou
toucou, on est en sommeil profond tou cou tou cou, on arrive en sommeil REM troumtoutou troumtoutou, on est encore plus actif qu’à l’éveil. Donc il y a une variabilité cardiaque qui est très très connue,
qui est perdue malheureusement chez les patients fibromyalgiques. Martina Celavin qui est la même
personne, qui est à Mexico, a fait des enregistrements sur 24 heures incluant éveil et sommeil et on voit
que chez les sujets normaux, à l’endormissement, on n’est plus en mode freinage et au réveil, on est
plus en mode accélération. Et que les patients fibromyalgiques perdaient cette variabilité cardiaque. Ce
n’est pas exclusif à la douleur. Donc soyez très très prudents comme la fibro quand on vous parle des
pertes de sommeil profond, ce n’est pas spécifique à la douleur, spécifique à tout état de déprivation,
de mauvais exercices, des problèmes de maladies chroniques, donc ce ne sont pas des marqueurs biologiques spécifiques d’un problème.
Avec Serge Marchand et d’autres collègues, on a regardé la densité des zones lentes, donc du sommeil profond par cycle non REM et REM et en bleu ici, on voit les sujets normaux et on voit qu’il y a des
gens qui souffrent de fibromyalgie ou de douleurs chroniques ont une perte de sommeil à ondes lentes,
de sommeil qui est à dominance 3 et 4, donc une perte de sommeil profond, ce que je vous ai décrit
tout à l’heure. Là, leur sommeil paradoxal, ils ont très très peu de changements, donc je vous apporte
une preuve de ce que je vous disais. Mais une des choses que l’on a observé, c’est comme je viens de
vous décrire, normalement en sommeil lent, on a une diminution de l’activité sympathique, on a une
dominance parasympathique, en sommeil REM paradoxal, on a une accélération, une diminution, une
accélération. Chez les patients douloureux et les patients fibromyalgiques, on a une perte de réactivation du système nerveux autonome cardiaque en sommeil paradoxal. Et on a séparé les données par
sexe et on a vu que c’était un facteur qui était assez caractéristique chez les femmes. Donc pour le
moment, on est en train de revérifier la spécificité de ce problème là, mais il y a des outils qui nous permettent de voir quels sont les effets finalement de variabilité du système nerveux autonome comme
marqueur indirect du stress physiologique. Pendant le sommeil, il y a une isolation partielle entre le cerveau supérieur et le cerveau inférieur. Voyez que celui là diffère beaucoup du patient que Serge vous a
montré hier, celui là il y a un vrai cerveau, ici c’est probablement un policier québécois, il s’exprime
beaucoup, il demande beaucoup au gouvernement fédéral chez nous. Et ce qui a été mis en évidence,
comme par Massimini qui est présentement à Milan, c’est que quand on fait des simulations magnétiques à l’éveil, on voit que à l’éveil tous les centres, tous les réseaux bilatéraux, des deux hémisphères,
sont activés avec une activation du système nerveux autonome. Lors du sommeil léger, du sommeil
non REM, on voit que si on stimule la même zone donc on envoie une simulation magnétique sans provoquer de mouvement, donc il faut qu’il trouve des régions où il ne provoque pas de mouvement, propose donc aucun réveil, il n’y a aucune diffusion. Donc il y a aussi une isolation inter hémisphérique
pendant le sommeil. Et il y a aussi une isolation entre le cerveau supérieur et le cerveau primitif pendant
le sommeil et cette isolation est partielle. Parce que l’on a des mécanismes récurrents lors du sommeil
qui sont des mécanismes de micro éveil.
Maintenant en ce qui concerne le patient insomniaque. [Ce matin, on a une collègue qui nous a parlé
des patients insomniaques. Elle dort présentement donc elle était peut-être insomniaque elle-même ]
Et cette description là chez le patient insomniaque nous amène à voir que le patient souffre de ce que
l’on appelle, dans la terminologie américaine hyperarousals. C’est une réaction d’hyperéveil physiologique et les patients qui souffrent d’insomnie vont souvent avoir une absence, ils vont nous dire «
Ecoutez docteur, je me couche le soir, ma tête marche, ma tête marche, ma tête galope, je ne suis pas
capable d’arrêter le flot de mes pensées », donc on vous a décrit tout à l’heure que c’est souvent le lot
des gens anxieux. Les gens dépressifs ont plus de difficultés avec le sommeil du matin, ils vont se rendormir, ils ont des difficultés à se relever, ainsi de suite et comme c’est des caractéristiques assez fréquentes. Mais en plus les gens dépressif, ils ont un sommeil paradoxal à très courtes latences, c’est un
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marqueur biologique de certaines formes de dépression. Normalement, on a notre premier sommeil
paradoxal 70 à 90 minutes après le début de sommeil. Donc les activations chez les patients insomniaques semblent assez constantes au cours de la nuit, mais les gens qui souffrent de troubles du mouvement ont des activations phasiques, périodiques beaucoup plus fréquentes. Ca c’est juste pour vous
démontrer que ça a été mis en évidence l’hyperarousal chez les patients qui souffrent d’insomnie par
Nofzinger qui a travaillé avec Derbyshire à Londres et ils ont vu que chez les patients qui souffrent d’insomnie, on a un maintien de l’activité dans plusieurs zone associées à l’éveil. La formation réticulée
ascendantes, certaines zones de l’hypothalamus, le thalamus était beaucoup plus actif, le cingulé, le
cortex insulaire, toutes les zones qui normalement pendant le sommeil sont grandement désactivées,
sinon complètement silencieuses. Donc le patient insomniaque dort avec un demi état de vigilance.
C’est comme s’il gardait toujours une forme de vigilance.
On revient au bruxisme. Donc séparez bien le bruxisme de l’éveil du bruxisme du sommeil. Il est rapporté à peu près par 8 % de la population, environ 14 % des enfants sembleraient en souffrir selon les
rapports des parents. Le bruxeur ne sait pas qu’il grince, c’est comme le ronfleur. Il est très rare que le
ronfleur va vous dire lui-même « oui, je m’entends ronfler ».. En général, c’est partenaire de chambre,
le voisin de congrès, le collègue avec qui vous allez à la pêche, à la chasse, avec qui vous partagez un
bateau. [Bernard,tu viens d’acheter un bateau, soit très très prudent avec qui tu invites parce que la
journée va être longue le lendemain.]
Est-ce qu’il y a une interaction entre l’activité le jour et le bruxisme de nuit ? Je vous ai mentionné que
l’étude de Pierce faite à Pittsburg n’a pas démontré de corrélations très fortes. Il y a eu des études faites dans les pays scandinaves où on a essayé de voir si il y avait une probabilité qu’un bruxeur de jour
soit un bruxeur de nuit, donc de sommeil. Et il semble qu’il y a peut-être 20 % des gens qui peuvent
avoir les deux, donc ce n’est pas aussi évident qu’on le croyait. Le bruxisme a deux formes. La forme
primaire : la cause est idiopathique, ce sont nous qui sommes les idiots, on ne comprend pas ce qu’il
se passe. La forme secondaire, elle est souvent associée à la prise de médicament principalement les
antipsychotiques, et c’est une forme qui est rarement associée à plus de grincements pendant le sommeil.
Ce qui m’amène maintenant à la physiologie du bruxisme. Quand moi j’étais formé à Montréal, on était
formé par l’école de Ramfjord et Ash où Sandro Palla, Christian Stohler ont commencé leur carrière de
chercheur et la croyance populaire était que le bruxisme était du aux interférences occlusales entre la
position la plus reculée et la position centrique. C’était un dogme, il fallait l’accepter, c’était comme ça.
Les évidences de Ramfjord à ce moment là étaient basées sur des enregistrements faits le jour, donc il
n’y avait aucun enregistrement de sommeil et c’était une hypothèse. Une hypothèse, c’est bon jusqu’à
temps que se soit prouvé ou démoli. Donc il avait suggéré qu’il y avait possiblement ces liens là.
Malheureusement avec les années, il y a très peu d’évidences scientifiques qui ont supporté cette hypothèse et moi quand j’ai commencé à travailler comme jeune dentiste, j’ai vu que ça ne fonctionnait pas
cet équilibrage d’occlusion. La seule réponse que j’avais appris, c’est que si ce n’était pas l’occlusion,
c’est psychosomatique et que le patient se réfère chez le psychologue. La première fois que j’ai dit ça
à un patient, je me suis fait engueuler. La patiente s’est levée debout sur ma chaise, elle piétinait mon
fauteuil. Mais là, j’ai dit « Woops, il y a un cours qui a été oublié en médecine dentaire, il y a un chapitre qui n’a pas été traité ». Et là, à ce moment là, j’ai décidé de retourner faire de la recherche et une
des choses que l’on a fait avec les étudiants, dont Takafumi Kato et des étudiants en ortho, on a décortiqué, mais qu’est ce qui précède le bruxisme ? Le bruxisme, c’est un évènement moteur. On sait en
physiologie que avant de se tendre, le bras, attraper une bouteille d’eau, j’ai du prendre une décision,
j’ai du activer mon cortex moteur, étendre le bras et là finalement, j’ai attrapé la bouteille. On s’imagine
qu’attraper la bouteille, c’est comme serrer les dents, mais tout ça pour se faire physiologiquement, ça
doit être associé avec une série d’activité du cerveau, ce n’est pas un mouvement du Saint Esprit qui
arrive et puis le grincement démarre. Ce n’est pas une activité isolée.
Donc, on a décortiqué et ce que l’on a vu, c’est qu’avant qu’il y ait le grincement, on voit ici l’activité
de fermeture répétitive et rythmique, on a vu qu’environ quatre minutes avant que le patient commence
à grincer des dents, il tombe en dominance sympathique, donc il y a une accélération. Paul Pionchon
pèse sur l’accélérateur et il enlève enfin son pied des freins et là donc, il laisse le système s’enclencher
s’en aller vers un éveil potentiel. Donc le bruxisme est associé à des courts épisodes d’éveil où on a au
départ des activations du système nerveux autonome. Cà, ce n’est pas nouveau, on va faire de 6 à 14
fois par heure de sommeil. Guido Macaluso a clairement démontré que c’est hautement corrélé avec
les épisodes de bruxisme. Donc le bruxisme survient dans une période où notre cerveau va filtrer l’environnement extérieur. C’est une réaction physiologique normale. Ce qui commence à être un peu anormal, c’est qu’il le fait de façon un peu plus forte. Ce que l’on voit quatre secondes avant le grincement
de dents, il y a une accélération de l’activité des zones cérébrales. Une seconde avant, il tombe en
tachycardie, pipipipip, le rythme cardiaque s’accélère. Finalement, il y a une activation des muscles
d’ouverture, les muscles supra hyoïdiens bien avant le grincement. Cà, c’était vraiment une surprise
pour nous et ça s’est fait mathématiquement et ça s’est reproduit chez à peu près 87 % des épisodes
de bruxisme que l’on a observé. On voyait cette séquence très claire. Et ici, au moment où on a l’augmentation subite des muscles d’ouverture, on n’a pas encore d’activité là dans le grincement potentiel.
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On n’a pas encore d’activité dans les muscles de fermeture. Qu’est ce que l’on a vu ? On vient juste
d’avoir l’article accepté dans Chest et on voit ici la respiration, inspiration, expiration et on voyait deux
immenses respirations au début de l’épisode de bruxisme. Ca, ça caractérisait les éveils physiologiques
associés avec du grincement de dents. Quand on n’avait jamais cette grande respiration. Donc, je sais
que je suis en train de briser des donnes, je force des cerveaux à penser différemment, mais ce n’est
pas des données que j’invente là, c’est des données que l’on a analysé, ré analysé, ainsi de suite. Et
finalement, BINGO. Ce que vous attendez tous depuis longtemps, le grincement des dents. Donc il y a
vraiment une séquence d’activation du système nerveux autonome. Depuis hier, vous en entendez parler. Et cette activation cérébrale, cette activation cardiaque, tout ça, c’est un micro éveil normal. Ce qui
est anormal, c’est la respiration qui est augmentée en phase avec l’activation du muscle supra hyoïdien,
les digastriques, ainsi de suite et finalement le bruxisme survient.
C’est bien beau cette séquence, mais comment on peut prouver ce concept ? Donc on a fait une série
d’études. Je viens de vous mentionné que l’on a les éveils périodiques. Guido Macaluso et compagnie
avec le groupe de Parme ont démontré que ces activations autonomiques sont dominantes avec le
bruxisme, donc c’est un système de sentinelle. Avec une de nos étudiantes Nelly Huyn, on a vu que le
bruxisme, c’est hautement corrélé statistiquement avec les épisodes de micro éveil, avec une augmentation du système nerveux autonome sympathique et un retrait du système nerveux parasympathique.
Donc vous pouvez trouver l’information dans le Journal of Research qui est le journal de l’Académie
Européenne de Médecine du Sommeil. Et comme « proof of concepts », on a traité ces patients alors
avec du propanolol [aford stress up parce que pour tout le glaçage que j’ai perdu avec la vidéo, j’ai
perdu cinq minutes, je vais les reprendre. Je te ferai signe. Céline a dit qu’il fallait avoir de l’humour.]
Alors comment combattre le stress ? Comment démontrer ça ? On a étudié le propanolol. Les psychologues et les psychiatres qui sont ici savent que le propanolol est utilisé beaucoup dans les cas de crise
de panique, dans la panique de donner une conférence. Paul Pionchon ce matin a sûrement pris de propanolol parce qu’il savait qu’il devait pousser les conférenciers, surtout les gens qui posaient des questions à aller plus rapidement. Donc est ce qu’on aurait pu contrôler son trac avec du propanolol ?
Probablement, mais ça agit en périphérie. On a donné du propanolol, aucun effet sur le bruxisme en
termes de fréquence, par heure de sommeil chez les patients clairement identifiés. On a donné aussi
chez ces patients là, en milieu hospitalier, donc ne donnez pas ça à vos patients demain, de la clonidine qui est un alpha agoniste et on a eu une diminution de 60 % du bruxisme. Donc proof of concepts,
donc on était capable de démontrer que l’on pouvait empêcher l’activation du système nerveux autonome initial chez les bruxeurs par un médicament. Ne donnez pas ça à vos patients parce qu’un patient
sur cinq a eu de l’hypotension sévère le matin.
Du côté analyse spectrale, de la variabilité cardiaque, on a démontré que l’on avait un changement sympathique et parasympathique avec les médicaments.
Du côté neurochimie, plusieurs hypothèses suggèrent que le bruxisme est dominant en période pré
sommeil paradoxal. Le sommeil pré paradoxal est une période excessivement importante. 70 % des
épisodes de bruxisme survient juste avant la transition du sommeil profond, vers le sommeil paradoxal.
Ca, c’est une donnée complètement nouvelle, c’était la première fois qu’on l’a présente comme ça, et
on se rend compte que c’est possiblement du à un mécanisme alpha 2. Les récepteurs alpha 2, les
molécules alpha 2 endogènes contrôlent le transfert du sommeil non paradoxal vers le sommeil paradoxal et quand on a traité les patients avec de la clonidine, on avait une perte totale du sommeil paradoxal. Donc il se peut que l’action de la clonidine n’ait pas été sur les motoneurones, mais est allée
beaucoup plus sur les mécanismes de régulation des oscillations du sommeil non REM, lors de sommeil REM, donc du sommeil lent vers le sommeil paradoxal.
La respiration. Vous le savez tous quand on s’endort, la mandibule vient dans une position rétrudée, la langue se niche dans le haut du palais et qu’il y a une obstruction d’environ 60 % du volume de la lumière
respiratoire. Ceci, c’est observé chez des étudiants de faculté de médecine et de médecine dentaire. On
assume que ce sont des sujets normaux. Ceci n’est toujours pas démontré. Et ce que l’on voit, c’est que
c’est juste le fait de dormir peut amener à créer des problèmes et dans la littérature, on décrit que les
patients qui présentent des troubles de respiration, soit l’apnée du sommeil ou le ronflement, seraient légèrement plus à risque de bruxisme. Et il y des évidences dans ce sens là. Et je vous ai mentionné tout à
l’heure que l’on avait le big breath, donc la grande respiration avant le début de l’épisode du bruxisme et
encore une fois comme proof of concepts, on a décidé de comparer la nuit après l’habituation au labo,
donc la deuxième nuit, versus une nuit où le patient était traité avec une plaque occlusale. A court terme,
on sait que la plaque occlusale doit diminuer le bruxisme d’environ 40 %, je dis bien à court terme parce
que après de dix à quinze jours, le patient revient au niveau initial. Ca a été démontré par deux études,
donc quand vous donnez une plaque occlusale à un patient, ça ne traite pas le bruxisme, ça contrôle le
bruxisme. Et on a mis un appareil d’avancement mandibulaire ici chez les patients et en mettant un appareil d’avancement mandibulaire, on avait une diminution de 50 à 60 % du bruxisme. Et on a utilisé un
deuxième appareil qui lui est beaucoup plus solide, qui ne brise pas chez les bruxeurs, parce que la question que j’avais souvent par les médecins du sommeil : « comment on traite un patient apnéique et un
bruxeur en même temps ? ». Et donc, on vient de terminer cette étude et elle va être soumise sous peu.
69
Dr Jean Claude Le MEVEL
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Effets centraux et périphériques
du stress aigu et chronique :
bases fondamentales
Le titre de cette conférence sera un peu différent de celui qui est écrit sur vos manuels. Je parlerai surtout des interactions centrales au cours du stress, les interactions entre le système des neurotransmetteurs et le système des hormones au niveau notamment de l’hypothalamus. Je pense qu’elle complètera la belle présentation que vous a faite le Pr Robert.
En plus de Mac Lean et de Papez, je vous citerai Hans Selye qui est ce médecin canadien d’origine austro-hongroise qui le premier en fait parla du stress. C’est lui qui présenta ce concept du stress en 1950.
L’un des experts du British Medical Journal lui fit remarquer que ce terme de stress, comme vous l’a dit
Monsieur Robert, était en fait ambigu parce qu’il désignait à la fois la cause, l’agression et la conséquence de cette cause sur l’organisme. Selye reconnut cette ambiguïté et en 1956, il proposa d’utiliser
le néologisme anglais « stressor », donc stresseur en français, pour parler de l’agent causal et de réserver le terme de stress pour les conséquences de l’agent stresseur sur l’organisme. Mais la diffusion du
terme stress était telle que l’on utilise indifféremment le terme stress pour l’agent causal et pour les
conséquences sur l’organisme.
Selye présenta également le syndrome général d’adaptation, on vous en a parlé il y a quelques minutes, qui représentait pour lui et représente toujours avec quelques nuances, l’ensemble des réactions
non spécifiques de l’organisme à toute variation nuisible des ses conditions de vie et qui constitue une
agression. Ce syndrome d’adaptation se déroule en trois phases. La phase d’alarme, nous allons la voir,
qui est une phase nerveuse et qui met en jeu le système nerveux sympathique essentiellement. Une
phase de résistance qui est une phase neuroendocrinienne ou neuroendocrine, nous allons la présenter également. Et une phase d’épuisement que je ne détaillerais pas qui correspond en fait à la période,
à la phase où les systèmes précédents sont dépassés. Ils n’arrivent donc pas à être suffisant pour permettre une adaptation de l’individu aux situations de stress. C’est durant cette phase d’épuisement que
se déroulent les différentes pathologies que Selye avait remarqué. Ainsi, il avait retenu comme triade
pathologique, des ulcérations gastriques, une hypertrophie de la surrénale et une immunodéficience.
Cette phase d’épuisement se remarque notamment au cours des stress répétés et au cours des stress
chroniques.
Actuellement, cette conception du stress a un petit peu divergée et on sait que le stress évoque des
réponses spécifiques. Il existe des réponses liées à différents types de stress. La réponse d’un individu
à un stress donné diffère selon le type de stress et les réponses entre les individus diffèrent pour un
même stress. En fait, il existe une véritable signature neurochimique entre les différents stress et l’une
des dernière classification, celle de Pacak et Palkovitz de 2001, présente différent groupes de stress,
différentes catégories de stress comme les stress physiques, les stress psychologiques, j’en parlerai,
on vient d’en parler d’ailleurs, les stress sociaux, les stress cardiovasculaires et métaboliques et les
stress liés à l’infection. Il existe donc une spécificité contrairement à ce qu’avait pensé Selye, une spécificité des réponses tant sur le plan qualitatif que sur le plan quantitatif en terme notamment de neurochimie.
Nous allons détailler maintenant les différentes phases de ce syndrome général d’adaptation et notamment, nous allons voir la part qu’occupe le cerveau et notamment l’hypothalamus, dans ces différentes
phases du syndrome général d’adaptation. Tout d’abord la phase d’alarme dont nous avons vu qu’il
s’agissait d’une phase purement nerveuse. Elle débute par intégration de tous les stimulus du stress au
niveau de l’hypothalamus, cette région centrale du cerveau dont le Pr Robert vous a parlé à l’instant, à
partir de l’hypothalamus, il y a projection de fibres vers le tronc cérébral, projection de messages pour
alerter le système nerveux autonome. Les voies conduisent vers le tronc cérébral, la moelle épinière,
avec une mise en jeu du système nerveux sympathique essentiellement avec production de noradrénaline. Le système se poursuit par la mise en jeu aussi d’une glande endocrine périphérique, la médullosurrénale. Chacune des médullo-surrénales est située au centre des deux surrénales et ces médullosurrénales produisent essentiellement une hormone, l’adrénaline. Finalement, on se retrouve avec deux
catécholamines, l’adrénaline et la noradrénaline libérées à la périphérie. L’action hormonale de l’adrénaline et l’action du neurotransmetteur noradrénaline se conjugent car ces deux catécholamines agissent pratiquement sur les mêmes effecteurs de façon à produire de l’énergie, pour permettre à un individu dans cette situation d’urgence de lutter contre l’agent agresseur par exemple, contre le stress (ou
le stresseur). En bref, le rythme cardiaque est accéléré, il y a une broncho-dilatation, les échanges cardiorespiratoires sont améliorés, le sang est redistribué, le taux de globules rouges est augmenté, il y a
70
lipolyse. Il y a également une augmentation de la glycogénolyse, c'est-à-dire la production de glucose
par le foie. Je ne détaille pas cette partie qui sera certainement revue par Monsieur Delarue demain soir.
Après cette réaction d’alarme qui est extrêmement rapide puisqu’elle est essentiellement une réaction
par voie nerveuse, donc une réaction neurogène, vous avez une phase de résistance qui est neuroendocrinienne. Et là aussi le stress alarme l’hypothalamus qui dans ce cas libère la neurohormone clé du
stress qui est la corticotropin-releasing hormone, nous la reverrons. Cette neurohormone alerte l’hypophyse et qui va libérer l’ACTH ou hormone corticotrope qui stimule chacune des cortico-surrénales. Les
deux cortico-surrénales vont libérer des glucocorticoïdes et chez l’homme le principal glucocorticoïde
est le cortisol. Le cortisol va remplacer ou va prendre le relais du système d’alarme précédent pour produire plus de glucose ou maintenir une production de glucose au niveau du foie grâce aux mécanismes
de la néoglucogenèse, c'est-à-dire la synthèse de glucose à partir de substrats non glucidiques pour
épargner le glycogène. Pour réaliser cette néoglucogenèse le cortisol agit notamment; i) sur le pancréas
permettant d’obtenir, de secréter une hormone hyperglycémiante le glucagon ; ii) au niveau des muscles en créant une protéolyse ; iii) au niveau du tissue adipeux pour favoriser la lipolyse lorsque le taux
de cortisol se maintient à un taux relativement élevé. Bref, on va favoriser la production de ce substrat
glucidique, le glucose, extrêmement important pour notamment, les neurones du cerveau. Par ailleurs,
et pour mémoire, lorsqu’un taux élevé de cortisol se maintient, il affecte le système lymphoïde.
A côté de ces deux phases, et Selye n’en n’avait pas tellement parlé, il existe également bien sûr des
réponses comportementales. Le Pr Robert vous en parlé à l’instant, bien connu chez les animaux, ceux
sont des réponses archaïques de type « Fight ou flight », c'est-à-dire « attaquer ou de fuir » face au prédateur. Nous allons maintenant voir sur un schéma anatomique qui va peut-être inquiéter le Pr Robert,
mais ce sera très simplifier, quelles sont les différentes voies du stress qui permettent l’activation du
système hypothalamo-hypophysaire et du système nerveux autonome. Il s’agit ici d’une coupe simplifiée d’un cerveau de rat puisque c’est surtout le rat qui est utilisé en recherche en tant que modèle
expérimental de réponse au stress. Ces animaux ont été très étudiés, ils sont toujours très étudiés,
quant à leur comportement face au stress de type émotionnel, par exemple, un changement d’environnement. On prend un rat, on le met dans une cloche qu’il ne connaît pas et on étudie ses différentes
réactions autonomes, neuroendocriniennes et autres. Le stress émotionnel comme nous l’avons vu, est
intégré par le cortex pré-frontal et ce cortex pré-frontal alerte le système limbique et notamment l’amygdale qui comme nous l’avons vu est le siège des émotions et apporte un caractère de peur, d’angoisse
en fonction du stress que reçoit l’animal. L’amygdale, via le noyau du lit de la strie terminale, va affecter un noyau hypothalamique extrêmement important et là, je le cite, c’est le noyau paraventriculaire.
Ainsi, ce noyau paraventriculaire reçoit des afférences glutaminergiques, le glutamate est un neurotransmetteur, mais aussi angiotensinergiques, l’angiotensine est un peptide et on sait que les peptides
jouent un rôle important aussi dans cette neurotransmission.
Les neurones paraventriculaires sont de petits neurones, on les appelle les neurones parvocellulaires ou
parvicellulaires qui vont projeter leurs fibres, nous allons le voir tout à l’heure, vers le tronc cérébral qui
se trouve ici. En plus de l’amygdale, l’hippocampe est recruté. Nous avons vu que l’hippocampe est le
siège de la mémoire, des processus d’apprentissage et il va donc confronter tout un répertoire cognitif
par rapport aux nouvelles informations qu’il reçoit, via le cortex pré-frontal, via le cortex cingulaire et
autres. A l’inverse de l’amygdale qui active les neurones du système paraventriculaire, ici l’hippocampe
adresse des fibres inhibitrices de type GABAergiques et inhibe le système du stress.
Si ce système est globalement activé, il va projeter des fibres issues des neurones du noyau paraventriculaire vers le tronc cérébral et vers le noyau du tractus solitaire (NTS) qui est un noyau du système
nerveux autonome. Le NTS peut ainsi être inhibé et si on bloque ce noyau, on bloque l’activation du
noyau moteur dorsal du vague, qui lui pilote le système para sympathique. Dans cette configuration par
exemple, mais ce n’est pas obligatoire, on aura donc une levée de l’action du système parasympathique sur le cœur, c'est-à-dire que l’on obtiendra une tachycardie. Par ailleurs, ce noyau paraventriculaire
projette également des fibres vers la zone rostroventrale et latérale du tronc cérébral et à ce niveau, on
aura par contre, une excitation du système nerveux sympathique. Il peut y avoir aussi des fibres directes qui se projettent vers le tronc cérébral et vers la moelle directement en partant de l’hypothalamus.
Dans cette configuration, on peut obtenir une accélération de la fréquence cardiaque, une augmentation de la pression artérielle et une chute du baroréflexe, mais nous avons vu tout à l’heure qu’une émotion peut aussi créer une syncope vasovagale et dans ce cas, une inversion, une bradycardie et une
hypotension.
D’autres noyaux sont également importants et je passe rapidement sur cet aspect. C'est-à-dire que le
système limbique, on l’a vu à l’instant, peut projeter directement vers le tronc cérébral en passant éventuellement par le noyau moteur dorso-médian de l’hypothalamus qui joue un rôle extrêmement important. Ce noyau projette ces informations vers le tronc cérébral via la substance grise péri-aqueducale,
le noyau du raphé et autres systèmes, tout cela pour contrôler le système nerveux autonome. Après
cette phase d’alarme, la phase de résistance se met en place. Nous apportons un peu plus de précision sur cette phase de résistance. Les neurones parvocellulaires du noyau paraventriculaire, synthétisent et libérent la corticotropin-releasing hormone ou CRH. Cette hormone qui est libérée dans le sang
porte hypothalamo-hypophysaire qui est ici. Il y a un système neuro-hémal qui fait communiquer l’hy-
71
pothalamus et l’hypophyse et la CRH va agir sur les cellules à ACTH du lobe antérieur de l’hypophyse,
l’ACTH va être libérée. L’ACTH est l’hormone corticotrope, elle va stimuler le cortex surrénalien qui va
produire du cortisol. Le cortisol a les effets que nous avons vu, que nous avons indiqué. Et si le système reste en place, il se produit un épuisement, il va y avoir une sur-activation du système voire un
épuisement des différents systèmes de neurotransmissions. Il est impératif, extrêmement important,
que le cortisol périphérique lorsqu’il atteint une concentration élevée, agisse par rétro-contrôle sur le
cerveau pour bloquer l’activation de l’axe corticotrope.
Sur cette diapositive, nous voyons les relations qui existent entre l’hypothalamus et le système nerveux
autonome pour rappeler que l’hypothalamus est bien considéré comme le premier centre cardiovasculaire du cerveau, le centre primaire. L’hypothalamus lorsqu’il est activé par les situations de stress va
pouvoir alerter très rapidement, le système parasympathique bien souvent pour l’inhiber et au contraire
activer le système nerveux sympathique.
Nous avons vu à l’instant l’importance de l’amygdale, je n’y reviens pas. Je veux simplement signaler
qu’au niveau de l’amygdale, au niveau du noyau central de l’amygdale qui va être à l’origine de l’activation de la production du CRH, de l’activation du système nerveux sympathique et qui va induire des
comportements, accroître la vigilance, il existe aussi des neurones à CRH. Cette hormone du stress qui
pendant longtemps était considérée comme étant uniquement localisée au niveau de l’hypothalamus,
présente des localisations extra-hypothalamiques. Elle va pouvoir traiter en amont au niveau de l’amygdale au moins, peut-être au niveau de l’hippocampe et au niveau du cortex pré-frontal, les messages
qui ont une connotation stressantes.
Nous avons vu l’importance du cortisol qui va tempérer l’activation de l’axe hypothalamo-hypophysosurrénalien, l’axe du stress. Sur ce schéma, nous allons reprendre cet aspect. Le cortisol joue un rôle
extrêmement important car lorsqu’il atteint un taux élevé, il va par contrôle rétro-négatif stimuler l’hippocampe. En stimulant l’hippocampe, compte tenu que l’hippocampe exerce un contrôle négatif sur le
complexe du stress, sur l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien, le cortisol va freiner sa propre libération via l’inhibition des neurones à CRH. Le cortisol se fixe sur des récepteurs aux glucocorticoïdes,
des récepteurs sensibles à un taux élevé de cortisol, c'est-à-dire le taux que l’on rencontre dans les
situations de stress. Par ailleurs, le cortisol peut directement se fixer sur des récepteurs présents au
niveau des neurones à CRH et bloquer ce système. Enfin, le cortisol va agir aussi au niveau de l’amygdale en bloquant le traitement des informations assuré par l’amygdale et bloquer par ce processus l’activation du système. Le cortisol peut agir également en amont sur le cortex pré-frontal où il existe aussi
des récepteurs pour le cortisol.
Nous avons noté le rôle fondamental du cortisol dans l’équilibre de la réponse au stress. Alors, lorsque
les glucocorticoïdes, le cortisol, n’exerce pas suffisamment bien son travail ou lorsque ce taux reste
extrêmement élevé, il peut y avoir dérèglement du système. On se retrouve avec un stress chronique
car il y a emballement du système et hyper-activation de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien. Il
y a beaucoup de CRH de libérée et par conséquent beaucoup de cortisol. Le cortisol devrait normalement par rétro-contrôle négatif bloquer ce système. Là, le système est perturbé. On remarque dans ce
cas une atrophie du cortex pré-frontal, mais surtout une atrophie de l’hippocampe. L’hippocampe est
une zone qui présente une très forte plasticité, il y a un renouvellement des neurones, la neurogénèse
est extrêmement importante. Lorsque le taux de cortisol est très élevé, il y a une réduction des récepteurs au cortisol, aux glucocorticoïdes et le cortisol ne peut plus exercer ses effets sur les neurones à
sérotonine, et à noradrénaline de l’hippocampe. Bref, tout cela nous conduit à une atrophie de l’hippocampe et si on atrophie l’hippocampe, l’hippocampe ne pourra plus exercer son frein au niveau de l’axe
hypothalamo-hypophyso-surrénalien.
Par ailleurs, il peut y avoir hypertrophie de l’amygdale et donc dans ce cas, il va y avoir une hypersensibilité au stress. Le système va s’emballer et il va s’auto-entretenir. Des situations de stress chroniques
avec un taux élevé de cortisol peuvent également augmenter les récepteurs de la vasopressine au
niveau de l’hypophyse. La vasopressine est connue comme étant une hormone vasopressive. Elle est
aussi une hormone antidiurétique. Ici au niveau du cerveau, elle est libérée dans le système porte et agit
sur le lobe antérieur, alors qu’habituellement elle est libérée par le lobe postérieur. Au niveau du lobe
antérieur la vasopressine a un rôle extrêmement important car elle potentialise l’action de la CRH sur
les cellules ACTH. La production d’ACTH sera accrue en présence de vasopressine dans des situations
de stress chronique.
Les glucocorticoïdes produits en très grande quantité au cours de ce stress chronique vont eux-mêmes
augmenter la fréquence cardiaque, la pression artérielle, réduire le baroréflexe et donc engendrer éventuellement des pathologies cardiovasculaires. Pour mémoire, les glucocorticoïdes, on vous en reparlera,
créent une immunodéficience lorsqu’ils sont à un taux élevé et lorsque ce taux se maintient.
Sur ces micro-photographies, j’ai scanné un article récent d’Elena Sender paru dans Sciences et Avenir
en février 2008 qui montre justement une atrophie importante de l’hippocampe chez les sujets qui présentent un taux très élevé de cortisol. Ceux sont des sujets qui sont bien souvent déprimés. Vous voyez
ici que l’hippocampe est beaucoup plus petit que l’hippocampe des sujets normaux.
A côté de la CRH qui est l’hormone-clé du stress au niveau de l’hypothalamus, on a découvert à partir
72
de 1995, l’existence d’autres peptides qui s’appellent l’urocortine 1, l’urocortine 2 et l’urocortine 3.
Nous avons donc quatre neuropeptides du stress de la famille de la CRH et ce qui est intéressant de
noter, c’est que ces neuropeptides ne sont pas uniquement localisés comme je le disais au niveau de
l’hypothalamus. La CRH est présente également au niveau du cortex, au niveau du tronc cérébral. Il en
est de même pour les autres peptides urocortines 1, 2 et 3. Les urocortines 2 et 3 ont également des
effets périphériques qui s’opposent souvent à ceux de la CRH. Ainsi par exemple, la CRH dans le cerveau peut provoquer par effets extra-hypothalamiques, une tachycardie, une hypertension, alors qu’à
la périphérie, la CRH et les peptides apparentés vont être vasodilatateurs. Ils vont s’opposer à l’hypertension qui s’est créée par la CRH.
En conclusion, au cours du stress, le cerveau joue un rôle majeur en orchestrant les réponses autonomes, neuroendocrines et comportementales. La CRH est la neurohormone du stress et nous avons vu
que le cortisol exerçait un rétro-contrôle négatif sur le cerveau en limitant l’activation de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien.
A méditer :
« It is not what happens to you that matters, but how you take it » Hans Selye.
73
Dr Julie LELIEVRE J.
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Impact d’un stress cognitif sur le
dosage du cortisol salivaire chez des
patientes présentant différents types
de douleurs chroniques.
« Impact d’un stress psychosocial sur le dosage du cortisol salivaire chez les patientes présentant différents types de douleurs chroniques orofaciales. »
Cette communication libre porte sur une étude que nous tentons de mettre en place actuellement au
CHU de Brest. Cette étude a pour objectif de mettre en évidence les effets d’un test de stress psychosocial aigu provoqué sur le dosage du cortisol salivaire et ce, chez des patientes présentant divers
types de douleurs chroniques orofaciales.
Les douleurs chroniques sont très présentes, très fréquentes dans nos sociétés et la co-morbidité avec
le stress chronique est importante. Indépendamment de l’axe de la douleur, de nombreuses hypothèses ont été avancées pour tenter d’expliquer les mécanismes physiopathologiques de ces douleurs
chroniques. Il a été montré entre autre que le stress chronique peut avoir un effet sur la douleur via l’axe
hypotalamo-hypophyso-surrénalien et via le système nerveux autonome. Effet du stress chronique sur
le système nerveux autonome entraînant une dystonie neurovégétative et effet sur l’axe hypotalamohypophyso-surrénalien entraînant une dysrégulation de cet axe.
En accord avec la littérature, nous supposons que la dysrégulation de l’axe corticotrope due au stress
chronique, entraînerait suite à un stress aigu un hypocortisolisme chez les patients fibromyalgiques et
un hypercortisolisme chez les patients myofasciaux.
L’hypothèse testée dans notre étude est donc une inadaptabilité au stress aigu de ces patients douloureux chroniques, qui pourrait être objectivée par le dosage du cortisol salivaire.
Notre étude est une étude monocentrique et exploratrice, comparative et non invasive. Elle rentre dans
le cadre de la loi Huriet du fait de la présence de volontaires sains. Et cette étude est contrôlée, prospective et ouverte.
L’objectif principal de notre étude est de vérifier l’hypothèse que nous avons posée : l’inadaptabilité de
réponse à un stress aigu psychosocial qui serait objectivée par l’hypocortisolisme chez les patients
fibromyalgiques et par l’hypercortisolisme chez les patients myofasciaux.
En objectif secondaire, nous nous attardons à étudier la variabilité des paramètres cardiovasculaires et
l’évaluation de la douleur en réponse à ce stress aigu en fonction des différents groupes étudiés. Et
nous voulions mettre en évidence une éventuelle relation du groupe stomatodynie avec les patients
fibromyalgiques dans l’inadaptabilité de réponse à ce stress aigu, afin de nous permettre de mieux
comprendre la physiopathologie de ces stomatodynies qui méritent une approche autre que purement
psychogène.
Notre étude est réalisée sur 60 femmes qui présentent des douleurs chroniques. Ces patientes respectent des critères d’inclusion et d’exclusion strictes. Le premier groupe est un groupe de patientes fibromyalgiques présentant des douleurs au niveau de la sphère orofaciale ; le second groupe est constitué
de patientes présentant une stomatodynie. Le troisième groupe est un groupe de patients présentant
des douleurs myofasciales chroniques localisées au niveau de la sphère orofaciale. Secondairement, un
groupe contrôle asymptomatique a été constitué.
Le test de stress utilisé dans notre étude est le TSST (Trier Social Stress Test). Il s’agit d’un test psychosocial qui a pour but d’évaluer la réactivité de l’axe hypotalamo-hypophyso-surrénalien. Les effets
montrés du TSST sur l’axe corticotrope sont ponctuels. La variation de la fréquence cardiaque est
contemporaine à la durée du test. Ce test de stress est en fait un test de mise en condition, il se présente en trois phases. Une première phase de préparation, où le patient est mit en situation : il joue le
rôle d’un candidat qui se présente à un entretien d’embauche, il doit préparer sa future présentation
orale dans laquelle il devra démontrer ses compétences et surtout sa motivation pour ce poste. Suit
ensuite la phase de présentation orale devant un jury. Cette phase dure dix minutes. Et à la fin de cette
présentation orale, le jury pose quelques questions sèches et déstabilisantes au patient. Et il s’en suit
également une épreuve de calcul mental de cinq minutes.
Les variables sont étudiées suite à ce test de stress, dont le principal critère étudié est le cortisol salivaire. Le cortisol endogène est un excellent marqueur de stress, il reflète l’activité endogène du système
hypotalamo-hypophyso-surrénalien. Le cortisol salivaire sera étudié à différents temps, avant le test de
stress, puis après à différents temps de post-stress. Les paramètres secondaires étudiés sont relevés
74
au même temps que le cortisol salivaire. Il s’agit des paramètres cardiovasculaires, la fréquence cardiaque et la pression artérielle, ainsi que l’évaluation de la douleur dans son intensité et l’évaluation du seuil
douloureux, ainsi qu’un questionnaire DN4 pour déterminer l’éventuelle origine neuropathique des douleurs.
Notre étude suit le schéma suivant. Les patients sont d’abord reçus dans une première consultation
spontanée dans laquelle le diagnostic de douleurs chroniques orofaciales est posé. Les patients entrant
potentiellement dans le cadre de l’étude sont orientés vers la seconde consultation.
Lors de cette seconde consultation, les critères d’inclusion et d’exclusion sont contrôlés. L’étude est
expliquée au patient, les données démographiques sont relevées et un examen clinique succinct est
réalisé. Différentes évaluations sont à réaliser. Il s’agit des questionnaires HAD pour dépister une tendance anxieuse ou dépressive, les patients font également une évaluation moyenne de leur douleur
chez eux la semaine précédent le troisième rendez-vous.
La troisième consultation est la phase de test proprement dit. Lors de celle-ci, les différentes variables
étudiées sont relevées, avant le test de stress. Puis le test de stress est effectué et les variables sont
également relevées à différents temps post-stress.
Les résultats attendus dans cette étude sont les suivants. Donc en résultats primaires, on s’attend au
niveau du groupe témoin à observer physiologiquement une élévation du cortisol pendant le test de
stress, puis pendant les dix minutes post-stress, s’en suit une décroissance du cortisol pour retrouver
une valeur similaire au taux basal et ce, cinquante minutes après la fin du stress. Ces résultats ont été
ceux avancés par B.M. Kudielka et ses collaborateurs dans leurs études effectuées en 2004.
Au niveau du groupe fibromyalgique, on s’attend à observer une hypo sécrétion du cortisol qui serait
en faveur d’une non réactivité de l’axe hypotalamo-hypophyso-surrénalien à un stress aigu. Pour le
groupe myofascial, à l’inverse on s’attend à observer une hyper sécrétion du cortisol qui lui serait en
faveur d’une hyper réactivité de cet axe au stress aigu.
Pour les résultats secondaires, au niveau du groupe témoin, on s’attend à objectiver une corrélation
dans la variation des paramètres cardiovasculaires avec la variation du cortisol endogène. C’est également les résultats qui ont été avancés par l’étude de B.M. Kudielka en 2004 et normalement, on ne
devrait pas avoir d’apparition de la douleur secondairement au test de stress. Dans le groupe fibromyalgique, on s’attend à observer une absence de variabilité des paramètres cardiovasculaires, ce qui serait
en faveur d’un déséquilibre neurovégétatif, et une augmentation progressive de la douleur qui elle, serait
en faveur d’une sensibilisation des voies de la douleur.
Quant au groupe myofascial, on s’attend à objectiver une élévation des paramètres cardiovasculaires
en péri et post stress de façon comparable au groupe témoin, qui soit d’amplitude comparable ou supérieure, ainsi qu’une diminution immédiate de la douleur en réponse à ce test de stress.
Enfin, dans le groupe stomatodynie, l’absence d’études comparables précédemment réalisées, nous ne
savons pas exactement ce que nous allons obtenir comme résultats, mais nous espérons observer une
éventuelle corrélation des résultats avec ceux du groupe fibromyalgique dans l’inadaptation à un stress
aigu.
Ce que l’on peut rajouter en discussion, c’est qu’au début, dans la mise en place de notre étude, on
s’était surtout de prime abord, intéresser à l’évaluation de l’axe hypothalamo-hypophyso-surénalien ;
puis au fur et à mesure de la rédaction du protocole, on s’est posé la question de l’intérêt d’y adjoindre
l’évaluation du système nerveux autonome pour évaluer sa réponse à un stress aigu. Ceci pourrait être
fait en suivant le même protocole, il suffirait en fait de rajouter pendant la troisième consultation un enregistrement en continu de la fréquence cardiaque, ce qui nous permettrait d’évaluer la variabilité de ce
rythme cardiaque et d’étudier plus précisément les composantes sympathiques et para-sympathiques.
75
Pr Serge MARCHAND
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La fibromyalgie, maladie du stress
chronique ?
Je voudrais tout d’abord remercier les organisateurs de leur invitation. Je suis très content d’être ici et
de venir partager avec vous nos projets de recherche et nos plus récentes données de façon simple et
pas compliquée.
Donc je vais vous mettre dans le contexte, je suis un neurophysiologiste et si je vois des patients, c’est
dans le cadre de projet de recherche. Je les vois au laboratoire et j’essaye de comprendre ce qui se
passe dans le système nerveux. Le but de mes recherches jusqu’à aujourd’hui portant sur la fibromyalgie et d’autres types de douleurs chroniques, est de savoir la part de la composante physiologique et
la part de la composante plus psychologique.
Quand on regarde, une patiente (diapo) qui souffre de douleurs chroniques et qui arrive pour la première
fois en clinique on se dit : «ça c’est évident qu’il y a une douleur articulaire, on peut voir les expressions
faciales et la patiente nous dire ce qu’elle a…» c’est assez facile. Mais quand on est un neurophysiologiste, ce n’est pas ça du tout que l’on voit, c’est ça (diapo). En fait, on voit au travers des gens. Alors,
on voit qu’il se passe quelque chose en périphérie, il peut avoir un processus inflammatoire. Mais on
sait aussi qu’il va se passer des choses au niveau spinal, au niveau du thalamus, au niveau du cortex.
Et les neurophysiologistes essayent de voir l’importance, de chacune de ces activités et à quel point on
peut influencer ces activités pour arrêter, le processus nociceptif.
Précédemment, un autre conférencier vous a expliqué les mécanismes ou la façon dont le signal peut
se rendre au cerveau. Pour ma part, je vais insister beaucoup sur le fait qu’il n’y a pas uniquement des
afférences, c'est-à-dire de l’information qui part de la périphérie pour aller aux centres supérieurs. Il y
a aussi ce que l’on appelle des mécanismes endogènes de contrôle de la douleur.
Alors si ce boxeur (diapo) n’a pas ressenti de douleur à ce moment là, ce n’est pas parce que le coup
était mal placé, c’était simplement parce qu’il était dans une situation de stress qui fait que la douleur
interprétée n’était pas un signal important. Ce qui était important, c’était de redonner un coup pour
amasser le million d’euros qui était associé à ce combat. Alors si on prend ce phénomène de mécanismes endogènes (diapo) qui vous montre aussi sa complexité, on ne va surtout pas avoir le temps d’aller dans le détail, mais on peut voir qu’il y a plusieurs neurotransmetteurs impliqués des deux côtés,
soit pour l’inhibition, soit pour la facilitation de la douleur. Vous avez donc, à l’intérieur de vous, de
manière endogène, des systèmes qui font qu’on peut augmenter les informations nociceptives ou les
diminuer de façon significative comme le ferait une dose importante d’opiacée telle la morphine. Les
prochaines diapositives de données soutiennent cet énoncé.
Un de ces mécanismes s’appelle le contrôle de l’inhibiteur diffus nociceptif ou CIDN. En deux mots,
quand vous recevez une stimulation douloureuse, vous avez ici (en rouge – diapo 6) la stimulation, vous
avez un nerf afférent qui vient au niveau spinal. L’information monte jusqu’au cerveau et vous ressentez la douleur et en même temps, vous recrutez dans le tronc cérébral des systèmes qui bloqueront la
douleur à tous les niveaux du système nerveux central. Et pour ce faire, le système va relâcher de la
sérotonine, de la noradrénaline, de la dopamine, des enképhalines, c'est-à-dire des morphines naturelles. Tout cela se produit à votre insu, naturellement et fait que si vous ne souffrez pas de douleurs chroniques, c’est probablement pour deux raisons. La première parce que vous ne recevez pas d’afférence
nociceptive, vous n’avez pas de blessure et la deuxième parce que vous avez un système de freinage
qui fonctionne de façon efficace, qui est capable de bloquer les informations nociceptives qui n’ont pas
besoin d’être là.
Revenons maintenant au sujet important de ma présentation : la fibromyalgie. Pourquoi la fibromyalgie
a t elle été si longtemps ignorée . Encore aujourd’hui, beaucoup de gens qui font des conférences vont
vous dire « écoutez, la fibromyalgie, ça n’existe pas ». Je fais des conférences à des groupes de médecins, surtout en médecine générale qui me disent « moi, je n’y crois pas, ça n’existe pas la fibromyalgie ». Et pourquoi a t on cette impression là ? C’est parce que c’est une maladie extrêmement complexe. Les patients se présentent avec de la fatigue, de la dépression, des troubles du sommeil, symptômes gastro-intestinaux, des troubles musculaires. Je vais vous faire simplement un aperçu de ce que
l’on peut avoir. Vous avez un patient qui rentre dans le bureau. Vous dites bonjour, vous voulez me voir
? Oui, bon. Vous aviez rendez-vous ? Qu’est ce que vous avez ? J’ai mal. Vous avez mal d’accord. A
quel endroit ? Mais aujourd’hui, j’ai mal à l’épaule. Qu’est ce que vous voulez dire aujourd’hui ? Parce
que des fois, j’ai mal à l’autre épaule, des fois c’est la jambe, au pied. Parfait. Alors ça commence dans
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votre tête, ça devient intéressant. Alors bon, on va examiner votre épaule. Oui mais du même coup
aussi, j’ai des diarrhées, je suis très fatigué, je suis déprimé, je dors mal et j’ai l’impression de perdre la
mémoire. Alors qu’est ce que le praticien va écrire sur le bout de papier ? Voir un psychiatre ? comme
la première impression qui vous vient. Alors c’est pour ça que cette maladie a eu, cette mauvaise
presse et a encore cette mauvaise presse aujourd’hui. Est ce que le stress joue un rôle dans la fibromyalgie ? C’est l’évidence. C’est l’évidence que le stress joue un rôle dominant, mais c’est probablement vrai aussi dans beaucoup d’autres douleurs chroniques. Et dans la fibromyalgie, on en voit encore
plus les conséquences.
On a fait un projet il y a maintenant quelques années sur les fameux mécanismes endogènes de
contrôle de la douleur. Pourquoi ? Parce qu’on sait que ces mécanismes sont sérotoninergiques, noradrénergiques, dopaminergiques et que les contrôles inhibiteurs fonctionnent de cette façon là et que
dans la fibromyalgie, on est justement privé de ces neurotransmetteurs. Alors, dans le laboratoire on fait
des recherches sur la douleur, j’ai donc le plaisir de faire mal aux gens, en leur mettant une thermode
sur le bras, en chauffant le bras pendant quelques minutes. A la suite de ça, parce que ce n’est pas
suffisant, on leur demande de mettre l’autre bras dans un bassin d’eau glacée et pour s’amuser encore
plus, on recommence, on reprend le même bras, on refait la même stimulation. Pourquoi fait-on ce type
de recherche ? Parce que l’on sait maintenant que , vous allez suivre la ligne bleue ici (diapo) qui va
vous souligner une ligne noire, qui monte avec la température qui augmente, qui se stabilise.
Maintenant, elle est nociceptive, ici elle est douloureuse et la ligne bleue, montre comment je perçois la
douleur en tant que telle. Alors, vous voyez que ça va augmenter ici. Et une fois que j’ai mis ma main
opposée dans un bassin d’eau très froide, regardez bien ce qui va se passer. Vous avez la même stimulation, la même intensité, mais vous avez une réduction autour de 40 % dépendamment des sujets.
On avait 45 % en moyenne . Si vous vouliez obtenir 45 % de réduction pour la même douleur avec de
la morphine, vous devriez donner une dose qui serait considérée comme une dose cliniquement potentielle pour enlever une douleur importante.
Si on prend maintenant un groupe de patients fibromyalgiques et que l’on refait exactement la même
expérience, (diapo) la ligne bleue c’est avant et la ligne orange c’est après avoir mis la main dans le
bassin d’eau froide. Vous pouvez voir, le système de freinage lorsque celui-ci est complètement absent.
Quand on les prend patient par patient, chez certains patients, on peut observer un petit système de
freinage (CIDN) ou pas du tout et on peut également retrouver l’effet inverse. On a des patients chez
qui, lorsqu’ils mettent la main dans l’eau, au lieu de freiner, ça augmente la première douleur perçue.
Alors qu’est ce qui explique ce phénomène ? On essaie de le comprendre, on commence à fouiller un
petit peu plus loin, on a d’autres questions et une des questions que l’on peut se poser c’est : est-ce
que ce que l’on observe dans la fibromyalgie est dû au fait qu’ils ont mal depuis 10 ans, 15 ans, 20
ans. Cela fait si longtemps qu’ils ont mal, ils ont épuisé le système endogène de contrôle de la douleur.
Alors, on a vérifié si ce phénomène existait dans d’autres douleurs chroniques. Et la réponse est oui.
Cela existe aussi chez les personnes atteintes de céphalées de tension, du syndrome du côlon irritable
et ça existe également dans certaines ostéoarthrites, mais l’on ne retrouve pas ce phénomène chez les
patients lombalgiques ni dans certaines douleurs arthritiques. Donc, ça ne semble pas être un déficit
que l’on va retrouver dans toutes les douleurs chroniques, ce n’est pas uniquement un épuisement du
système, ça semble être spécifique et particulier à certains syndromes, dont la fibromyalgie. Donc, on
a un système de freinage qui est déclenché normalement quand on a une douleur, qui ne fonctionne
plus ou du moins, qui fonctionne très mal chez les patients fibromyalgiques. Mais la question que l’on
peut se poser, est : est-ce que tout ça vient des centres supérieurs ? Est-ce que lorsque je suis fibromyalgique, j’ai tellement d’attentes d’avoir de la douleur que finalement je réinterprète la douleur, même
si la douleur a été freinée, comme si elle était plus douloureuse.
Alors voici ce que l’on a fait afin de répondre à cette question. On sait que quand on a une information
cognitive, on déclenche les systèmes d’inhibition de la douleur. Il est bien connu que la relaxation, la
méditation et le yoga peuvent avoir des effets analgésiques, dans certains cas assez puissants, ce qui
est d’ailleurs très bien documenté dans la littérature. Alors, dans cet exemple ici, (diapo) on a suspendu
un étudiant de la faculté de médecine de Sherbrooke, on fait ça à toutes les années, on en prend un au
hasard, on va le faire ici d’ailleurs, demain je pense, ça avait été prévu. Non ? Alors, vous vous imaginez que si c’était le cas, cette personne-là souffrirait le martyre, ce serait de la torture, mais bien sûr le
sujet ici a décidé lui-même de faire ce rituel parce qu’il avait des croyances face à ce dernier. Alors les
rituels, lorsqu’ils sont douloureux, mais qu’on les considère comme importants, on les perçoit comme
moins douloureux. Dans ce cas-ci, il doit être très important pour le sujet d’essayer de rester calme,
d’essayer de réfléchir à ce qu’il se passe. Alors le sujet nous dit « il faut éviter le stress ». Ici, c’est un
groupe de gens qui le font pour le plaisir, mais ça, c’est autre chose, on ne s’embarquera pas dans ce
genre de détail. Maintenant, la question que l’on s’est posé, tout récemment, cela a été publié l’an
passé : si je mets une thermode sur votre bras et que je chauffe (ça fait très mal, c’est douloureux) et
ensuite, je vous demande de mettre votre bras opposé dans un bassin d’eau froide et je vous demande
« qu’est-ce qu’il va arriver quand je vais remettre la thermode sur votre bras gauche ? » Alors imaginons
que l’on sépare la salle en deux, vous n’entendez pas ce que je dis aux autres et vice versa. Je vous
dis à vous, a droite , quand je vais mettre la thermode à nouveau, vous allez voir, je vais déclencher un
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système d’inhibition de la douleur que l’on appelle les CIDN, dans lesquels il y a libération de la sérotonine et de la noradrénaline, en d’autres termes, je vous convaincs et je vous dis que ça va faire beaucoup moins mal, que vous allez ressentir une analgésie. Et si je disais à vous, à gauche, vous avez eu
une douleur au début, vous en avez eu une deuxième et le système nerveux a enregistré tout ça.
Maintenant, quand je vais revenir avec la prochaine stimulation, ça va faire beaucoup plus mal, ça va
être beaucoup plus douloureux. C’est exactement ce que l’on a fait avec des sujets et voici ce qu’il s’est
passé. Ici, (diapo) on avait créé des attentes d’analgésie chez les sujets testés, on les a convaincus
que ça devrait faire moins mal. On a observé une réduction de 77% de la perception de la douleur. C’est
énorme parce que tout à l’heure, on avait 40 %. Regardez ce qu’il s’est passé au niveau cortical. Le
cortex, le cerveau, nous dit effectivement, j’ai beaucoup moins mal de façon significative. Regardez ce
qu’il se passe au niveau spinal maintenant, c’est très intéressant, c’est un réflexe nociceptif. La moelle
nous témoigne effectivement beaucoup moins de douleurs. Mais rien de très impressionnant ici parce
que même quand on ne crée pas d’attente d’analgésie, on obtient, en moins grande quantité, mais on
obtient le même signal. Mais qu’est-ce qu’il se passe quand je vous ai créé des attentes d’hyperalgésie ? Donc, je vous ai dit le contraire de ce qui devrait se passer physiologiquement et c’est là que ça
devient intéressant. Je vous rappelle que les attentes d’analgésie procuraient une diminution de 77%
de la perception de la douleur. Alors si vous regardez maintenant ce qu’il se passe ici, si vous avez une
attente d’hyperalgésie, l’on observe 0% de réduction de la douleur. En d’autres termes, si vous avez
une attente d’hyperalgésie, vous n’avez aucune réduction de la douleur. On était nous-mêmes très surpris. Si vous regardez dans les potentiels évoqués, la diminution est maintenant non significative et
regardez bien (diapo) ce que votre moelle dit. La moelle dit maintenant qu’il y a plus d’activités. Vous
avez complètement renversé le système qui est très efficace normalement, qui est très puissant uniquement parce que vous aviez des attentes d’hyperalgésie.
Alors, vous pourriez probablement conclure que c’est exactement ce qu’il se passe chez les fibromyalgiques. Ils ont tellement eu mal souvent que maintenant quand on leur dit ce que l’on va faire avec eux,
« on va mettre une thermode sur le bras, on va vous mettre l’autre bras dans l’eau froide », ils se disent
: « mais ça va sûrement me faire plus mal après ». C’est peut-être pour ça qu’ils n’ont plus de système
inhibiteur endogène. Alors c’est ce que nous avons testé. On a refait exactement ce qu’on avait fait
chez les sujets sains. Dans un premier temps, on a créé des attentes d’hyperalgésie. Ce n’est pas très
gentil, mais pour la science des fois, il faut faire des choses comme ça. Dans ce cas-ci, on a obtenu
20% d’augmentation de la douleur. Alors, une fois qu’ils ont eu la main dans l’eau froide, et que l’on a
recommencé avec la thermode, la douleur augmentait. Quand ils avaient des attentes d’analgésie et
bien, on a obtenu un effet analgésique. Alors, on était capable de renverser les attentes d’hyperalgésie
et ils ont dit « Ah ! Effectivement, une fois que j’ai mis la main dans l’eau froide, j’ai eu moins mal »,
contrairement à ce qu’on avait observéquand on ne créait pas d’attente. Mais, regardez bien ce qu’il se
passe au niveau physiologique. Quand on a une attente d’analgésie, on a effectivement une réduction
de l’activité corticale qui est significativement inférieure. Mais, regardez bien ce qu’il se passe dans la
moelle maintenant, parce que c’est la moelle qui nous dit si le système inhibiteur descendant est fonctionnel ou non. Quand on a une attente d’hyperalgésie, la moelle crie, la moelle nous dit ça fait très mal,
ça fait plus mal qu’avant. Mais même quand ils ont eu une attente d’analgésie, la moelle continue à dire
que ça fait aussi mal qu’avant.
Donc en deux mots, ces patients sont capables, sur le plan cortical, de déclencher une analgésie exactement comme vous et moi avec les centres supérieurs, mais une fois qu’ils l’ont déclenchée, le système inhibiteur n’est pas capable de faire taire l’hyperalgésie qui se produit dans la moelle. Donc le système de freinage semble réellement être déficitaire.
Qu’est-ce qu’il se passe avec des patients déprimés ? Parce qu’on dit souvent que les patients fibromyalgiques ont des troubles de l’humeur. Alors si on regardait uniquement des gens qui présentent une
dépression, qui n’ont pas de douleur chronique et que l’on regardait le système de freinage en tant que
tel, voici ce que l’on trouve. On observe qu’il y a un peu d’analgésie, mais significativement moins que
chez les sujets sains. Il s’agit de données préliminaires que je vous présente ici. C’est un projet en
cours, portant sur une vingtaine de sujets chez qui on a fait des mesures, mais ce n’est pas terminé
alors il faut prendre ça « avec un grain de sel » (expression canadienne : avec prudence). Je vous dirais
que je suis assez confiant avec ce que l’on a vu jusque là. Il semble qu’il y ait un déficit des CIDN, même
s’ils ne présentent pas de douleur. Est-ce que vous connaissez la littérature sur la dépression et la douleur? Si vous êtes en dépression, est-ce que vous avez un grand risque de développer des douleurs
chroniques? La réponse est oui, la littérature le souligne bien. Alors possiblement que votre système de
freinage commence à moins bien fonctionner et vous êtes à risque, à ce moment là, si vous vous blessez, de développer des douleurs chroniques plus volontiers. Est-ce que la dopamine est impliquée ? La
littérature le fait ressortir de plus en plus et il y a eu une question de Gilles Lavigne, un peu plus tôt
aujourd’hui, la COMT est en plein dans ce projet là, il y a des corrélations incroyables entre la COMT et
le système endogène de contrôle de la douleur. Donc, il y a des choses qui sont en train de se faire. On
travaille aussi sur la schizophrénie, mais je n’ai malheureusement pas le temps aujourd’hui de vous présenter les données, mais je vais quand même vous montrer un peu les conséquences.
La fibromyalgie, c’est un diagnostic qui est demandé à n’importe quel praticien qui voit beaucoup de
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patients . C’est quand même un diagnostic, sauf que pour les grands spécialistes qui voient beaucoup
de fibromyalgiques et qui le font depuis longtemps, c’est un diagnostic difficile dans le sens où c’est un
diagnostic d’exclusion et il y a un danger d’erreur de diagnostic. C'est-à-dire que si vous prenez la définition du diagnostic de fibromyalgie de l’association américaine de rhumatologie, vous pouvez établir
le diagnostic de fibromyalgie à des patients qui ne le sont probablement pas. Nous, chaque fois que
l’on voit des patients au laboratoire, on refait des tests pour être certain que les personnes que l’on
retient sont vraiment fibromyalgiques. Une des théories, c’est qu’il y aurait plus d’un type de fibromyalgique. Néanmoins, c’est dramatique comme information parce que s’il y avait deux, trois ou quatre
types de fibromyalgie et que vous traitez tout le monde de la même façon, vous allez avoir 1/3 de bons
résultats ou 25% de bons résultats. Et c’est à peu près ce que l’on retrouve dans la littérature. On sort
une nouvelle molécule, on dit c’est fantastique, c’est en fait, un antiépileptique. On la donne à cent
fibromyalgiques, 30% ont des résultats, 30% sont exactement comme avant et 30% ont plus mal
qu’avant. Mais, c’est peut-être dû au fait qu’il y a des sous-groupes.
Alors on a fait une multitude de mesures, je n’irai pas dans les détails, , on a utilisé le FIQ qui est un
questionnaire qui utilise des indices multi-dimensionnels de la douleur. On a également fait des tests de
sommation spatiale et ainsi de suite. On a fait plein de tests chez les patients et à la fin, on s’est aperçu
que le FIQ qui contient beaucoup de questions, nous permettait de faire ce que l’on appelle une analyse de clusters. Donc on a simplement pris toutes les données et on a essayé de voir s’il y avait des
groupes qui se dissociaient et s’il y avait des informations qui se dissociaient.
Là, (diapo) c’est le FIQ d’un premier groupe de fibromyalgiques, où tous les indices sont élevés, c'està-dire la douleur, la fatigue, la raideur du matin, l’anxiété et la dépression, tout est relativement élevé ;
si vous mettiez des sujets sains, ils se retrouveraient à peu près ici, donc vous avez le profil que l’on
s’attendait à trouver pour les fibromyalgiques. Mais un autre groupe de fibromyalgiques, qui avaient ce
profil-ci, pour la douleur, pour la fatigue, pour les raideurs, on avait exactement la même chose dans les
deux groupes, il n’y avait pas de différence significative. Mais quand on continue à regarder la courbe
et que l’on arrive à l’anxiété et la dépression, le groupe est significativement différent, en fait il n’est plus
significativement différent de la population générale. Ce qui veut dire qu’il y a des patients fibromyalgiques chez qui il y a de la dépression et de l’anxiété, et chez d’autres, il n’y en a pas plus que dans la
population générale. Alors, il existe possiblement deux sous-groupes différents. Alors on s’est
demandé, est-ce que ces groupes-là ont des déficits du système endogène de contrôle de la douleur
qui sont différents? Quand on les teste, on les met tous comme si c’était un seul groupe, mais maintenant si on les sous-divise, comme ici (je m’excuse pour les diapos en anglais), ici ce sont des sujets
sains (Heath control – HC) et ici, c’est le groupe complet de fibromyalgiques (FM), on compare la quantité ou le pourcentage de réduction de la douleur que l’on a pu obtenir et vous pouvez voir que c’est
très, très différent. Il semble y avoir vraiment un déficit en comparaison aux sujets sains. Mais si on
reprend les groupes maintenant, si on dit OK, tous les sujets fibromyalgiques, Type I, ce sont ceux qui
ne présentaient pas l’anxiété et la dépression et type II, ce sont ceux qui en présentaient. Et vous pouvez voir ici que la différence entre le type I et le type II est significative, c'est-à-dire que, dans le type I,
l’on a beaucoup moins de contrôles inhibiteurs diffus nociceptifs quand on souffre de fibromyalgie dans
laquelle il y a de la dépression et de l’anxiété. Donc le facteur stress, le facteur dépression et le facteur
anxiété semblent jouer un rôle déterminant dans les mécanismes endogènes de contrôle de la douleur.
Est-ce que ça pourrait permettre d’identifier le type de fibromyalgie ? C’est un test très facile, ça prend
5 à 10 minutes de prendre les données et de regarder si les scores sont très élevés aux composantes
anxiété et dépression. Est-ce possible qu’à partir de ces données, de dire que le type I a besoin d’analgésiques de type opiacé, anticonvulsivants, etc. _ et là, je ne suis pas en train de vous donner des recettes, mais vous donner une idée des analgésiques_ tandis que dans le type II, c’est plus là que les antidépresseurs fonctionnent. Dans les deux cas, il faudrait sûrement des analgésiques parce que tout le
monde avait des douleurs à ce moment-là. Mais j’essaie de voir s’il y a une autre façon d’améliorer l’efficacité des traitements que l’on donne actuellement. Et je rejoins complètement mon collègue, la pharmacologie doit être utilisée comme un outil ou une béquille pour aller vers autre chose, l’exercice physique et avoir des programmes beaucoup plus complets en tant que tels.
On a décidé aussi récemment de s’intéresser à une autre population qui va vous intéresser je pense.
C’est la névralgie du trijumeau. Pourquoi s’intéresse t on aux névralgies du trijumeau ? Parce qu’il y en
a deux types. Il y a les classiques et les atypiques. Et qu’y a t il de différent entre les classiques et les
atypiques ? Dans les atypiques souvent les patients disent : « j’ai des douleurs faciales », mais quand
on les teste ailleurs, ils ont des points de sensibilité. Et les points de sensibilité, ça fait beaucoup penser à la fibromyalgie. Alors, on a testé encore une fois les mécanismes endogènes de contrôle de la
douleur chez des sujets sains (diapo) et chez des classiques et des atypiques ou des gens qui souffraient de névralgies du trijumeau. Et l’on a trouvé, chez les classiques, une diminution significative, si
on compare aux sujets sains, des mécanismes endogènes du contrôle de la douleur. Mais encore plus
frappant si on regarde chez les atypiques. Et ces différences-là sont significatives en tant que telles.
Donc il semble y avoir comme une espèce d’évolution dans le déficit de mécanisme de freinage de la
douleur avec ces douleurs orofaciales. Mais j’étais content d’entendre un peu plus tôt que quand on
observe des patients fibromyalgiques et que l’on fait de l’épidémiologie, on s’aperçoit que les douleurs
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orofaciales sont extrêmement présentes, alors c’est peut-être qu’il faut être plus agressif dans nos traitements de ce type de douleurs pour éviter les douleurs « at large ».
Maintenant, si on prend ces mêmes patients avec des douleurs faciales et que l’on vérifie le nombre de
points de fibromyalgie qu’ils ont (ils sont non fibromyalgiques), ils ont plus de points de sensibilité par
rapport aux sujets sains ; les sujets sains aussi, ont des points de sensibilité. Si je vous prenais, vous,
dans la salle, et que je vous mettais 4 kg sur les trapèzes après une journée de conférence, vous allez
tous avoir des points de sensibilité. Alors finalement, regardez (diapo), ceux qui sont significativement
plus élevés, ce sont les patients atypiques qui présentent une différence significative entre les sujets
sains, alors qu’ ils ont beaucoup de points de sensibilité. Alors est-ce qu’on peut dire qu’ils sont à risque de développer de la fibromyalgie ? On ne le sait pas, mais c’est possible qu’ils soient à risque de
développer des douleurs diffuses plus que d’autres types de douleurs chroniques que l’on voit en général.
Alors le dernier message que je voudrais vous donner, c’est qu’est-ce qu’il se passe, de quelle façon
on développe la fibromyalgie? Ça c’est un patient ici que j’ai vu aux États-Unis, je ne vous donnerai pas
son nom parce que c’est quelqu’un de la télé, alors il préférerait qu’on le garde secret, mais il a permis
que l’on utilise l’image où on vous fait voir l’encéphale, ici, qui est relativement petit. Il ne souffre d’aucune douleur, il ne ressent aucune douleur, on en a conclut « no brain, no pain », alors il était très, très
content de le savoir . Aussi c’est important de dire au patient, si justement quelqu’un lui a dit, « c’est
dans votre tête que vous avez mal », il faut lui dire absolument, « c’est le seul endroit possible d’ailleurs
parce que c’est le cerveau qui nous dit que l’on a mal ou non. Si jamais vous avez mal ailleurs que dans
votre tête, c’est extrêmement inquiétant ».
Il semble exister des prédispositions génétiques à la douleur, on parlait des COMT un peu plus tôt. Ces
facteurs génétiques ajoutés à des agents externes (stress physique ou psychologique) pourraient expliquer certaines prédispositions à la chronicité. Je suis de plus en plus convaincu de ça, qu’il y a des prédispositions au départ. L’exemple classique, vous êtes prédisposés dès l’enfance si vous avez eu un
stress terrible, on va parler d’un abus ou d’un accident ou d’un stress physique ou psychologique très
important, très jeune, à l’enfance, j’avais des données là-dessus, mais si ça vous intéresse, j’en parlerai dans la séance de questions. Et ensuite, vous avez donc une sensibilisation, vous n’êtes pas encore
chronique, vous avez plus tard un accident qui apparaît banal à tout le monde. Vous aviez donc la composante génétique, vous avez eu un accident en bas âge qui a rendu encore plus possible le développement et le petit accident qui a l’air banal maintenant, vous fait développer de la douleur fibromyalgique. Et les gens se concentrent sur le dernier accident et disent mais oui, elle a eu un petit accident,
un petit coup de lapin, le whiplash et elle a développé des douleurs partout dans son corps, ça ne tient
pas la route.
Les hormones sexuelles semblent jouer un rôle. Le docteur, mon collègue, le Pr Vaudel a bien montré
aussi. Je pense que c’est tous ces facteurs combinés et si on veut étudier la fibromyalgie, il va falloir
tenir compte de chacun de ces facteurs si on veut vraiment comprendre.
Donc, je vais terminer, je pense avec cette diapo pour vous dire que l’on s’en va probablement et c’est
ce que j’espère (il faut dire que je suis un optimiste né alors il faut faire attention), vers des questions
simples pour essayer de déterminer qui est à risque de développer des douleurs chroniques. Et si on le
savait avant de faire une intervention chirurgicale, on pourrait être plus agressif sur certains patients et
peut-être réduire l’épidémiologie, c’est la quantité incroyable de patients qui semblent développer des
douleurs sur tout leur corps, donc on les appelle les fibromyalgiques et il faut réduire dans la population parce que ça devient très, très inquiétant.
Alors, je vous remercie beaucoup et si vous avez des questions, ça me fera plaisir d’y répondre.
80
Dr Wacyl MESNAY
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Comment agir sur un comportement :
Evaluation et traitement
comportemental d’un « trouble
douloureux de l’ATM »
Aussi, je vois que cette matinée se complète parfaitement parce l’exposé de Madame Allaz a bien posé
le problème du point de vue théorique et là, on va voir l’application du point de vue pratique.
Je réponds à une question que m’a posée Céline, changer les comportements. Comment changer les
comportements ? Connaissant mon expérience dans le domaine des thérapies comportementales, je
vais essayer de vous exposer en vingt minutes, vaste programme, qui est de changer les comportements et pour ça, on va procéder de la manière suivante. C'est-à-dire : d’abord, on va tomber d’accord
sur ce qu’est qu’un comportement, ensuite, je vais vous présenter les thérapies comportementales un
petit peu dans l’historique pour que vous compreniez bien comment ça fonctionne et puis ensuite, une
application sur un cas clinique de façon à ce que vous voyez comment, sur un cas clinique, on peut
appliquer ces thérapies.
Donc définition d’un comportement, c’est une définition que vous trouvez dans tous les dictionnaires et
que vous comprenez assez aisément. C’est une façon d’être et d’agir dans une situation donnée, qui
est observable d’une façon externe. Il y a une évaluation externe qui se fait. On dira qu’il y a un sujet,
une situation et un observateur. Cet observateur peut être d’ailleurs soi même, c'est-à-dire que l’on peut
avoir une situation à observer et donc à juger ou à critiquer et ou alors s’auto observer et avoir une évaluation sur ce que l’on a fait. Et c’est exactement ce que l’on fait en psychologie expérimentale à propos des comportements. C'est-à-dire que l’on se retrouve dans des situations que l’on observe avec
des éléments que l’on appelle des organismes qui sont inclus dans des situations et l’on observe des
comportements en psychologie expérimentale.
La première expérience et celle qui est la plus connue par tous, que vous avez vu au lycée, c’est celle
de Pavlov et celle du conditionnement, de la réponse inconditionnelle et de la réponse conditionnelle.
Et vous la connaissez tous. Il s’agit d’un chien. Vous avez à la fois la présentation d’une assiette avec
des aliments, le chien se met à saliver et si on met une lumière à côté, le chien salive en voyant à la fois
l’aliment et la lumière et la fin de l’expérimentation, on retire l’aliment, l’assiette, et le chien salive juste
à la perception de la lumière. La réponse est dite conditionnée.
Celle que l’on connaît moins, c’est celle de Skinner qui a été faite dans les années 50. Si vous prenez
une boîte, que vous mettez un rat à l’intérieur, il va avoir un comportement d’exploration naturelle. Si
vous mettez deux manettes, une manette avec de la récompense, donc une alimentation, une manette
avec une punition, donc une décharge électrique, il va très vite apprendre quelle est la manette de la
récompense et c’est ce que l’on appelle le renforcement positif du comportement. Et voilà donc, on dit
c’est la théorie du renforcement du comportement. On dira que le comportement est renforcé positivement ou que le comportement est renforcé négativement dans sa réponse. Et ce qui a été à la base en
fait de ce que l’on appelé le Behaviorisme de base et qui a été largement critiqué et qui a su faire d’ailleurs son autocritique puisque l’on a évolué dans les années 60 – 70 .
En fait, on s’est intéressé alors à l’organisme plus précisément et à la dimension humaine. Et l’intérêt
de cette prise de conscience a été fait surtout par les écrits de Bandura sur l’apprentissage social. On
parlait aussi tout à l’heure de la douleur qui était apprise dans l’environnement, les écrits de Bandura
décrivent très bien ce genre de phénomène et puis aussi les théories de Piaget et de Mahoney sur la
construction à la fois des apprentissages dans le développement humain. C’est ce que l’on appelé le
début du développement cognitif dans la psychologie comportementaliste.
Le comportementaliste cognitif a trouvé sa véritable dimension avec les travaux de Beck qui a mis en
évidence et en valeur l’inter-relation qui peut y avoir entre les émotions et les cognitions. Vous savez
tous que quand vous êtes en colère, vous pensez et vous dites des choses que vous regrettez quand
vous n’êtes plus en colère. Beck, lui, il a mis en évidence qu’ effectivement quand vous êtes en colère,
vous pensez réellement ce que vous dites. Mais au moment où vous n’êtes plus en colère vous regrettez ce que vous avez dit mais si vous continuez à être en colère, vous pensez toujours à la même
chose. Beck a été fondateur dans cette dimension là, c’est à dire que les émotions guident les pensées. Ça a été surtout appliqué à la dépression et le questionnaire de Beck et c’est un questionnaire
qui est incontournable aujourd’hui au sujet de la dépression et je voulais dire qu’au niveau des items de
la somatisation, Beck aussi a introduit les phénomènes douloureux dans son questionnaire qui est utilisé aujourd’hui comme étant un questionnaire de base pour la détermination de la dépression. Albert
Ellis, lui, a travaillé à partir des travaux de Beck sur une thérapie que l’on a appelé la thérapie ration-
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nelle – émotive et qui permet au patient de passer entre la rationalité et les émotions et de savoir déterminer et repérer les émotions qui arrivent et les idées qui arrivent en même temps que les émotions.
Voilà aujourd’hui, les thérapies comportementales et cognitives, travaillent sur ce schéma que vous
reconnaissez, que l’on appelle une contingence. La situation est analysée, puis l’organisme qui est analysé dans ses trois dimensions, c'est-à-dire les cognitions, les émotions et les sensations, les sensations physiques ; la réponse ou le comportement problème et ses conséquences. L’ensemble va former ce que l’on appelle une analyse fonctionnelle qui va être faite avec le patient dans un schéma qui
va être un schéma synchronique. C'est-à-dire qu’en fait, on va analyser cette séquence comportementale sur un temps donné et sur par exemple une situation donnée. Mais aussi, on va essayer de l’analyser dans le temps, c'est-à-dire ça va être une analyse que l’on appelle diachronique, à savoir comment les différents déterminants ont évolué spontanément, dans la façon où ils sont devenus dysfonctionnels dans le temps. Ce modèle s’appelle le modèle SORC, il y a d’autres modèles, mais c’est ce
modèle fondamental qui est utilisé par les thérapeutes comportementalistes.
je vous ai mis les mots clés des thérapies comportementales et cognitives. l’analyse fonctionnelle est
faite, il s’agit d’un entretien, ça peut durer une séance, deux ou trois séances, jusqu’à ce que tous les
déterminants aient été bien analysé et cette analyse fonctionnelle est faite dans un climat bien sûr
empathique avec le patient. C’est un entretien semi dirigé. Et puis ce qu’il va se passer dans la tête du
patient est un changement de la perception des différentes dimensions du symptôme, c’est ce que l’on
appelle une restructuration cognitive, autrement dit, autour de son symptôme, le patient à l’issu de ces
entretiens qui sont semi directifs et cette analyse bien spécifique ; le patient va reconstruire son symptôme autour des différents déterminants. Et c’est à partir de là que va s’installer aussi ce que l’on
appelle une alliance thérapeutique. C'est-à-dire que l’on sera en communication, en véritable communication. Une véritable entente. Et c’est à ce moment là seulement qu’une proposition thérapeutique
est faite et cette proposition thérapeutique est comprise par le patient. On parlera à ce moment là de
consentements éclairés ou de non-consentements, d’ailleurs, suivant les cas. Quelquefois, il sera
nécessaire, mais en accord avec le patient de faire un contrat thérapeutique. Le contrat thérapeutique,
il n’est pas imposé, mais dans certaines formes de thérapies et dans certaines formes de symptômes,
par exemple dans les addictions par exemple, on proposera un contrat thérapeutique de façon à retourner sur ce contrat éventuellement, en cas de difficulté dans le suivi. Et ensuite, la thérapeutique, ça sera
un véritable changement, enfin le changement sera un accompagnement par des techniques qui sont
des techniques pédagogiques, , on donnera au patient des outils de façon à ce que la gestion de son
symptôme se fasse à partir d’outils structurés et les évaluations seront toujours des évaluations objectives. C'est-à-dire que l’on va évaluer notamment à travers d’échelles, l’intensité et la fréquence d’intensité, enfin la forme du symptôme. Et ensuite, au fur et à mesure de la thérapeutique, on va la réévaluer à l’aide de ces mêmes échelles là. Les thérapies sont en général courtes. Elles durent entre 3, 6
mois, jusqu’à un an au maximum pour un symptôme donné.
Les thérapies comportementales et cognitives ont des domaines d’application privilégiées qui sont le
stress, l’anxiété, la dépression. Avec des études versus psychotropes qui sont significativement identiques dans les resultats. Des résultats basés sur une méthodologie et des résultats qui sont documentés. L’application que l’on en fait dans notre domaine c’est de la médecine comportementale et je vous
en dirais deux mots. Mais on trouve aussi des applications en pédagogie, en développement personnel. Vous savez, vous avez des rayons entiers dans les librairies des Fnac et autres, sur le développement personnel, en gestion du stress en particulier en entreprise Maintenant, aujourd’hui, on commence
à avoir des documents et des études documentées sur l’efficacité de ces thérapies sur le retard mental et les troubles, et même au niveau des psychoses, en particulier à Lyon avec l’équipe de Cotteraux.
En ce qui concerne plus spécifiquement la médecine comportementale : La médecine comportementale signifie médecine biopsychosociale, elle emprunte deux éléments aux thérapies comportementales. D’abord sa forme de relation thérapeutique : le style thérapeutique qui est un style délibératif, le fait
que l’on aboutisse à une alliance thérapeutique , au consentement éclairé ainsi que la gestion des comportements.
La gestion des comportements : c’est la gestion de comportements douloureux principalement, du
stress, les maladies chroniques, l’observance des prescriptions et puis aussi l’autocontrôle de tous les
comportements qui sont des comportements de santé.
La médecine comportementale : je pense que c’est la thérapie de choix dans les troubles douloureux.
Alors je dis troubles douloureux spécifiquement à la définition du DSM4. C'est-à-dire, une douleur
accompagnée de phénomènes psychosociaux.
La douleur, les troubles comportementaux et la médecine comportementale : deux principes. Les principes habituels tels que vous les trouvez dans les livres, c'est-à-dire « vous faites une bonne gestion
du stress, vous défocalisez du symptôme donc les gains secondaires, vous faites de l’ergothérapie, de
la rééducation fonctionnelle et puis des comportements de santé à côté. » Et bien souvent, c’est insuffisant, on est déçu, on arrive à des échecs parce qu’il y a des principes qui sont incontournables, qui
sont la restructuration cognitive et l’alliance thérapeutique. On a bien compris qu’il faut que le patient
comprenne ce qu’il se passe, qu’il soit partie prenante dans la décision et aussi dans le suivi thérapeutique et qu’une véritable alliance thérapeutique est nécessaire dans le suivi de ces patients.
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On va voir maintenant un exemple cliniqueJe vais vous présenter un patient qui va être à la fois douloureux et dysfonctionnel. Dysfonctionnel dans le sens où il y a une dysfonction articulaire, mais aussi
il y a une dysfonction des fonctions de respiration, de déglutition, de mastication également et que l’on
va appliquer des stratégies thérapeutiques comportementales à ce patient qui se présente à notre
consultation. Donc voilà cette demoiselle qui vient en consultation pour motifs de douleurs et claquements de la mâchoire depuis neuf mois, qui est adressée par le médecin, donc en consultation précédente. On retombe dans le schéma classique. Des patients qui sont en chronicisation comme dirait
Madame Allaz L’entretien clinique se fait en présence des parents, pour cette patiente là qui doit avoir
je crois 14 – 15 ans quand elle est venue me voir.
l’attitude générale : résignée, passive.
Motivée, l’inquiétude aussi qui est motivée par les consultations précédentes et puis face à la douleur
également.
L’évaluation de la douleur :j’ai une fiche d’évaluation que vous voyez ici qui est faite en trois niveaux. Et
j’analyse le symptôme qui est déjà un dépistage du trouble douloureux et ce dépistage se fait sur le fait
que le symptôme douloureux n’est pas forcément accompagné de la fonction. C'est-à-dire que la douleur apparaît en des moments de crise, de stress ou de fatigue ou des moments particuliers dans la
journée et c’est ce qui me permet de classer tout de suite, c’est un dépistage de troubles douleurs
chroniques. Pour elle, c’est un fond permanent, claquements douloureux, quotidien, surtout le soir,
durant neuf mois et puis c’est surtout calmé par le repos et donc l’arrêt des activités. l’analyse de la
douleur, elle est au niveau du fonctionnement global du patient, psychosocial, on va dire. elle perçoit
une fatigue scolaire, elle est en échec scolaire, elle est en situation d’isolement et en difficulté d’adaptation. Ah oui ! Pour vous dire que c’est une patiente qui est arrivée récemment en France, d’origine
yougoslave, dont les parents sont en difficultés d’adaptation et elle-même également, des tensions
familiales, des difficultés familiale également et puis du point de vue personnel, c’est tristesse, fatigue,
puis aussi des troubles du sommeil donc prédictif de la dépression. Du point de vue psychosocial, on
dira donc le stress, il sera d’origine scolaire qui a été le facteur déclenchant. C’est arrivé au mois d’octobre je crois. Et puis d’un point de vue structurel, il y a une dépression qui est en cours et c’est donc
le facteur favorisant, donc l’émergence du trouble.
Donc ici, l’examen articulaire – musculaire, donc je ne vais pas détailler puisque l’on va faire, on va arriver au diagnostic après. L’examen des fonctions, donc observez la partie droite du visage de la
patiente. Ici, vous voyez la partie droite par rapport à la partie gauche. En fait, la partie droite est dysfonctionnelle ; une déglutition atypique, une inocclusion labiale à droite, respiration mixte et mastication
à gauche avec une ankylose linguale.
l’examen dento-alvéolaire : ou l’on observe les conséquences du dysfonctionnement. globalement, le
diagnostic du trouble douloureux qui sera chronique, mais d’intensité modérée. Le diagnostic articulaire
: une hypermobilité mandibulaire avec une subluxation discale à droite. Le diagnostic musculaire : une
douleur faciale bilatérale du masséter superficiel et puis fonctionnel : l’ankylose linguale et dysfonction
de mastication, déglutition et de respiration.
La stratégie thérapeutique. Ca va être une proposition individualisée à la patiente. C'est-à-dire que la
proposition, elle sera étagée à trois niveaux : d’abord la gestion comportementale du trouble douloureux et la patiente peut s’arrêter là si elle en a envie. Ensuite le traitement fonctionnel du trouble non
douloureux, c'est-à-dire une rééducation de la respiration, la déglutition et de la mastication, mais
quand même avec comment dire ? Un aménagement de la congruence des maxillaires, c'est-à-dire une
expansion maxillaire et une freinectomie, donc une interventioninvasive. Et puis en troisième lieu, et si
la patiente le désire, également de l’orthodontie. Moi, j’ai été très prudent évidemment. Enfin, j’ai fait
cette proposition puisque c’était une proposition entière en lui proposant une proposition étagé et
qu’elle pourrait choisir suivant ses dispositions. Voilà. Et finalement, la thérapeutique a été suivie dans
son ensemble.
Alors voyez ici, on a dans une première colonne, on a l’évaluation. Ici le traitement, c’est sur deux axes.
le traitement biomécanique est classique, et puis ici l’accompagnement thérapeutique. on est passé
progressivement d’un premier stage au suivant, on a d’abord géré la douleur et ici, on est dans la gestion de la douleur et l’on a tout de suite enchainé puisqu’en fait, elle était d’accord. Je ne savais pas
trop si elle accepterait, mais elle a été d’accord tout de suite et le plus vite possible pour passer à l’orthodontie, enfin à la gestion complète de ses problèmes en réalité. Donc, vous voyez qu’ici la douleur
est à 5 en permanence et ici, on a encore des claquements, mais la douleur a disparu en réalité à partir du mois de septembre ou mois de décembre. En général, c’est trois mois, la gestion de la douleur
se fait à peu près en trois mois, d’une façon générale. Donc une fois la douleur passée, l’accord du multibague. Donc on est toujours là, l’évaluation de la douleur est à zéro et ensuite on passe au multibague proprement dit et on arrive à la rentrée suivante et on a à nouveau des douleurs. Vous savez, la
séquence comportementale s’actionne à nouveau. Et à ce moment là, on stoppe le traitement. On
repart dans un entretien « cognitif » et puis la gestion du stress, respiration et ensuite, on la reconditionne en quelque sorte. Et puis donc, on continue, plus de douleur (je ne sais plus où j’en suis). Donc
plus de douleur. Donc on continue le traitement multibague. On arrive au mois de mai, une douleur réapparait, de niveau 2, d’intensité moyenne, il a suffit d’un entretien pour, elle arrive à gérer et qu’elle com-
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prenne que la douleur est liée aux éléments stressants qu’elle a dans son environnement et qu’elle
arrive à gérer le symptôme en fonction des évènements.
On l’a revoit un an après, au mois de juillet et l’hypermobilité, on est arrivé à l’autocontrôler, on a un bon
synchronisme, on n’a plus de subluxation. Et puis on a une gestion, une auto gestion des comportements douloureux par la patiente qui est satisfaite. Voilà les résultats thérapeutiques. Et puis, vous
observez sur le visage la détente de la partie droite du visage ici qui est détendue effectivement. On voit
quand même, il y a des séquelles, mais vous voyez un qu’au niveau orbitaire, orbitaire et au niveau de
l’œil, vous voyez la différence.
pour conclusion, j’espère que j’ai fait le tour de la question, en tout cas que cela apporté quelques éléments. Changer les comportements, c’est et bien je crois d’abord avant tout un style thérapeutique. Et
puis ensuite de ce style thérapeutique, c’est une méthode pédagogique ensuite qui accompagne le
changement et qui donne des outils du changement au sujet.
Les applications odontologiques sont nombreuses puisque en fait en même temps, c’est le style thérapeutique, je pense, que c’est la médecine comportementale, c’est une médecine d’avenir. On en voit
déjà les prémices puisque tout le monde parle de contrat thérapeutique, tout le monde parle, pas d’alliance, mais comment ça s’appelle ? Pas d’alliance thérapeutique, mais le contrat thérapeutique que
l’on fait signer, « le consentement éclairé ». Enfin le consentement éclairé s’il est bien compris doit suivre, il doit suivre une relation thérapeutique particulière. Et je pense même que dans l’esprit du législateur, ça a été fait dans ce sens là. C'est-à-dire, il doit y avoir une alliance, il doit y avoir le consentement
éclairé, c’est aussi une qualité de relation thérapeutique avec son patient. Voilà et les applications sont
nombreuses en parodontie, les gestions du stress aussi en chirurgie, pré et post opératoire.
Président de séance : Dr Paul PIONCHON
Merci beaucoup Wacyl de nous avoir donné un exemple extrêmement concret de la manière dont un
odontologiste – orthodontiste pouvait intégrer à la fois le traitement somatique et la prise en charge du
patient et de la patiente elle-même.
Compte tenu du temps, on va sauter les questions car on a à peu près une demi-heure de retard. Non,
non. On va les sauter tout de suite. On a décidé avec Myriam Chastin de regrouper tout à la fin parce
que sinon, on ne s’en sortira pas.
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Pr Laurent MISERY
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Retentissement cutanéo-muqueux
du stress
Aspects psychosamatiques
Je voudrais m’excuser de ne pas avoir pu être présent les trois demi journées précédentes, alors il y
aura peut-être des redites et aussi des points de vue différents. Je suis dermatologue et j’anime une
équipe de recherche et j’ai une activité clinique qui est entre autre axée sur les interactions cliniques du
stress sur la peau. Bien sûr, vous le savez la peau et les muqueuses sont des structures très proches.
Il y a des muqueuses qui sont assez différentes de la peau, les muqueuses sécrétoires de l’appareil respiratoire ou de l’appareil digestif et puis il y a les muqueuses de revêtement comme celles des régions
ano-génitales ou la bouche qui sont vraiment extrêmement proches de la peau et d’ailleurs, on a l’habitude de dire que c’est finalement de la peau sans la couche cornée.
Alors le stress, vous l’avez je pense compris maintenant, c’est qu’il soit physique ou psychique, ça n’a
aucune importance, les réactions biologiques sont les mêmes et donc les conséquences cliniques aussi
et les mécanismes biologiques sont de trois ordres. Je crois que l’on vous a déjà longuement parlé des
deux premiers axes, l’axe hypothalamo-hypophysaire et le système adrénergique.
Ce qui est moins bien connu, c’est le rôle très important de l’innervation locale parce que ce sont des
données très récentes avec des travaux qui le pressentaient nettement depuis on va dire 3 – 4 ans et
puis maintenant, c’est très clairement démontré dans la peau, mais il n’y a vraiment aucune raison pour
que ça ne soit pas vrai dans la bouche. Alors bien entendu, ce n’est pas parce que je dis que le stress
a des mécanismes tout à fait biologiques, une médiation tout à fait biologique que ça exclut des explications qui sont beaucoup plus psychopathologiques. C’est totalement complémentaire, ce n’est pas
du tout contradictoire. Alors pour revenir au rôle de l’innervation locale et bien en fait, donc des expériences récentes montrent que lorsque des souris sont stressées, en fait au bout de 48 heures, on a une
augmentation de l’innervation cutanée dans la peau, dans l’épiderme (vous diriez vous épithélium).
Cette augmentation de l’innervation est accompagnée de la libération de substances P et d’une augmentation de l’inflammation neurogène dans l’eczéma atypique par exemple, le rôle du stress dans
l’augmentation des médiateurs inflammatoires est même plus important que le rôle de l’eczéma luimême. Ces auteurs ont en fait produit des souris qui étaient Knock out, qui n’exprimaient pas le récepteur de la substance P NK1 et lorsque l’on a plus ce récepteur de substance P NK1, on a plus du tout
cette augmentation de l’inflammation au cours du stress. Donc très localement en cas de stress, il y a
une augmentation de l’innervation cutanée avec une libération très accrue des substances P et les
effets du stress sont médiés directement. La substance P et bien P, c’est pain et donc un des médiateurs ou le médiateur principal de la douleur. C’est aussi un médiateur qui est très important dans l’inflammation neurogène. En fait, cette substance P libérée en périphérie, dans la peau et probablement
dans les muqueuses va être capable d’augmenter l’inflammation sur des maladies pré existantes, par
exemple dans la peau, le psoriasis, l’eschéma, activer tout un tas de mécanismes inflammatoires et
aussi augmenter des douleurs qui seraient infra cliniques localement.
Les effets du stress sur la peau, les muqueuses, présentent trois axes différents : le système sympathique ou autonome, l’axe hypothalamo-hypophysaire et puis cette innervation cutanée aux muqueuses.
C’est pourquoi le stress va diminuer finalement des seuils de perception et favoriser la survenue ou la
perception de douleur. Alors bien sûr, il y a des douleurs buccales comme la stomatodynie, la glossodynie, mais on a des équivalents dans d’autres muqueuses en particulier la vulvodynie, c’est bien aussi
fréquent que la stomatodynie. Des choses un peu plus rares qui sont l’anodynie, la scrotodynie, la trichodynie ou bien des paresthésies, des psychalgies cutanées puisque c’est aussi fréquent que la vulvodynie et la stomatodynie, ce sont les peaux sensibles qui ont une part aussi qui est psychogène. Et
puis, il y a des mécanismes, des phénomènes qui ne sont pas douloureux, mais c’est voisin quand
même, c’est le prurit ano-génital ou cutané qui va être largement favorisé par le stress ou même induit
par le stress. Le prurit, ce n’est pas une petite douleur, c’est quelque chose qui est complètement différent, mais finalement qui est aussi largement augmenter sous l’effet du stress et qui a quand même
un certain nombre de voies communes. Alors par exemple, pour ce qui est du prurit, il existe un prurit
psychogène. Afin d’éviter que le diagnostic soit fait à tord et à travers, le groupe français de psychodermatologie propose des critères diagnostiques. Ces critères diagnostiques, je voulais vous en parlez
parce que finalement ils pourraient être utiles un peu d’une autre manière vis-à-vis de la stomatodynie
pour éviter de dire trop vite aux gens « et bien vous avez mal dans la bouche, c’est psy ». Donc selon
nous, il faut trois critères obligatoires. Bien sûr qu’il y ait un prurit sans lésion, sinon on pense à autre
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chose, que ce soit chronique et donc qu’il n’y ait pas de cause somatique. Mais aussi, il faut des critères optionnels que l’on ne peut pas toujours exiger, c’est pour ça qu’on les a déclaré optionnels pour
dire qu’il y a un rôle du stress ou qu’il y a un rôle du psychisme dans des mécanismes sensitifs, et bien
il faut quand même qu’il y ait une variation chronologique du prurit par exemple ou de la stomatodynie
si vous préférez avec des évènements de vie qui vont avoir une répercussion psychique, autrement di
des évènements stressants. Il faut qu’il y ait une variation de l’intensité en fonction du stress, qu’il y ait
des variations nycthémérales, très classiquement, c’est plus important le soir, la nuit ou alors dans les
périodes de repos ou d’inactivité. Et puis aussi il faut qu’il y ait un trouble psychique associé, maladie
psychiatrique ou simplement souffrances psychologiques. Et puis, il faut aussi que le symptôme soit
amélioré par des psychotropes ou par des psychothérapies. Donc vous voyez, on a définit ces critères
pour le prurit, mais vous pouvez comparer à la stomatodynie et déjà vous pouvez voir des stomatodynies qui sont clairement psychogènes et d’autres qui ne le sont clairement pas. Evidemment, la frontière n’est pas toujours aussi simple.
Alors ces troubles sensitifs cutanés ou muqueux, en fait, ils entrent dans le cadre des syndromes somatoformes qui peuvent concernés des organes tout à fait différent. Je crois que vous avez déjà beaucoup
parlé de la fibromyalgie. Le colon irritable, c’est un peu le même mécanisme, il existe aussi des toux
chroniques psychogènes, des céphalées psychogènes ou des douleurs pelviennes chroniques psychogènes. Tout ça, c’est un peu dans le même cadre. Mais il ne faut jamais faire des diagnostics par excès
et ne jamais dire « oh bien ça c’est » par exemple des douleurs pelviennes, « je n’y comprends rien,
c’est le stress » et bien non, pour le dire, il faut aussi qu’il y ait des arguments positifs.
Alors comment comprendre que le stress soit à l’origine de douleur ou de prurit ? Et bien en fait, pour
que l’on ait une sensation douloureuse, il faut avoir un cerveau. Pas de cerveau, pas de douleur. Et donc
tout est contrôlé là haut et donc forcément dans les centres de la douleur et du prurit, il y a des interactions extrêmement importantes, des associations anatomiques extrêmement importantes avec les
aires affectives qui vous permettent de comprendre pourquoi quand on est stressé, quand on a des
émotions, on est plus réceptif à la douleur par exemple buccale. C’est ainsi qu’il existe un seuil de douleur, là vous avez des sensations qui pourraient être douloureuses ou prurigineuses et vous ne les sentez pas, heureusement. Mais si vous étiez par exemple stressés et bien votre seuil serait abaissé et à
ce moment là, vous pourriez les sentir.
Alors, est ce qu’il faut séparer ce qui est vraiment psychogénique de ce qui est somatique pur ? Non.
Non. Il existe des troubles qui sont purement somatiques, d’autres qui sont purement psychogènes et
puis entre les deux, il y a beaucoup de troubles somatiques qui sont favorisés ou aggravés par des
mécanismes psychogènes et il existe aussi le contraire. Donc on a vu la notion de seuil. Il faut aussi
comprendre les notions de sensibilisation périphérique et de sensibilisation centrales. La sensibilisation
: c’est le fait que lorsque vous avez une maladie on va dire qui est à l’origine de douleur ou de prurit
continus, qui petit à petit va faire en sorte que toute sensation que vous auriez perçue comme étant non
douloureuses devient douloureuses. Par exemple dans une bouche, l’effleurement des aliments qui
n’aurait pas du tout été perçu comme douloureux, qui aurait même pu être perçu comme agréable
devient douloureux du fait de cette sensibilisation périphérique et de cette sensibilisation centrale.
Parce qu’il existe au niveau du cerveau, mais aussi au niveau de l’innervation périphérique des mécanismes qui font que le système nerveux va se mettre à réagir de manière un peu univoque. Alors, il
existe bien entendu des facteurs psychologiques qui vont moduler l’expérience douloureuse qui sont
multiples. Il y a les émotions, le stress, la peur, la colère, dans un sens ou dans l’autre. Et puis ça dépend
un petit peu si c’est aigu ou chronique. Souvent quand vous êtes en colère, quand vous avez peur ou
que vous avez un stress aigu, vous oubliez une sensation douloureuse. Au contraire, quand vous avez
un stress chronique, et bien là, vous allez plutôt nettement aggraver votre sensation douloureuse ou la
ressentir beaucoup plus intensément. Alors il y aussi les types de personnalité. Par exemple, les personnalités hystériques vont ressentir de manière beaucoup plus importante la douleur, ainsi que les
hypochondriaques. C’est aussi le cas des personnalités masochistes, c’est un peu plus compliqué. Et
puis il y a des personnalités dites psychosomatiques, on l’a évoqué tout à l’heure et la personnalité de
type A, donc ça, c’est plutôt des gens hyperactifs qui seraient un peu à risque de maladies coronariennes. Type B, c’est plutôt des gens qui ne vont pas s’exprimer et sont à risque de cancers. Il y a aussi
la sexualité chez les maso donc ça n’a rien à voir avec la personnalité masochiste précitée, qui vont
trouver une douleur plutôt agréable, mais uniquement au moment des relations sexuelles. Et puis, plus
fréquent, il y a donc des troubles psychiatriques qui vont nettement augmenter la perception, donc le
seuil de perception ou diminuer le seuil de perception de la douleur qui sont la dépression, l’anxiété et
/ ou le stress post traumatique. Dans les cas les plus fréquents, c’est la dépression qui est quand même
une maladie très fréquente, à peu près 15 % de la population. Et puis bien entendu, il y a des facteurs
cognitifs, les croyances par exemple avec des cas un peu particulier. Il y a en particulier le christianisme,
surtout catholique d’un côté et le bouddhisme de l’autre qui donne un rôle particulièrement important
à la douleur et ça évidemment, ça modifie la perception de la douleur. Et aussi les convictions, c'est-àdire l’idée que l’on se fait de la douleur ou de la maladie ou de la mort qui vont modifier la perception
que l’on peut en avoir. Ce qui est très important aussi, c’est le fait de la contrôler ou pas. Quand on est
malade, on supporte beaucoup moins bien la douleur par exemple que quand on fait du sport. Il y a le
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coping, alors ça c’est la stratégie d’adaptation au stress qui est variable selon les gens ou aussi selon
leur moment de vie qui va considérablement modifier la perception de l’expérience douloureuse, on l’a
vu largement, il y a aussi l’état de vigilance.
Est-ce que l’on doit donner un sens à ces symptômes ? Est-ce que c’est vraiment simplement une diminution du seuil de perception ? Ou est ce qu’en fait, il y a aussi une expression physique de la douleur
morale ? Et bien en fait, c’est souvent un petit peu les deux. Alors les psychanalystes ou certains psychanalystes vont parfois plus loin et donnent un sens à la localisation. Et en particulier, pour ce qui vous
intéresse, pour ce qui est de la bouche, en fait, là la stomatodynie, ça serait un petit peu liée aux mots
qui brûlent la bouche parce qu’on ne les dit pas. En fait, ça peut paraître un peu fantaisiste ou passéiste,
mais dans la pratique clinique, c’est vrai que c’est quelque chose que l’on retrouve souvent. En revanche, je serai beaucoup plus prudent pour les interprétations qui concernent des douleurs génitales qui
n’auraient pas forcément une signification sexuelle, enfin c’est un plus compliqué. Quand au prurit du
visage et des jambes, alors là, y trouver une explication psychanalytique, ça me parait plus aventureux.
Ce qui est sûr en tous les cas, c’est que la dépression, ça fait mal et on dit souvent, la stomatodynie,
c’est une dépression masquée. Mais ce n’est pas la seule force d’expression somatique de la dépression. C’est tellement vrai qu’il y a des langues et je crois qu’il y a l’arabe en particulier qui confondent
totalement la douleur morale et la douleur physique parce qu’on considère un peu que cela correspond
à la même expérience et que c’est totalement indissociable. La fréquence des douleurs corporelles
dans la dépression serait importante, elle serait de 80 % ? Je mets un point d’interrogation parce qu’en
ce moment, un certain nombre de marketing pharmaceutiques veulent donner une grosse importante à
cela. Je ne sais pas si c’est vraiment aussi important, mais c’est quand même important. Alors, il y a
des douleurs cutanées aux muqueuses dans la dépression, mais aussi des céphalées, des myalgies,
des arthralgies, des douleurs abdominales et d’autres. Et ça se comprend très très bien sur le plan physiopathologique, biologique qu’il y a deux neuromédiateurs qui sont très importants dans la dépression,
qui sont la noradrénaline et la sérotonine. Et ces deux neuromédiateurs sont aussi très importants dans
la douleur. Donc ça se comprend très bien par des mécanismes biologiques. Ainsi, les douleurs liées à
la dépression sont plus fréquentes chez le sujet âgé.
Tiens ! La stomatodynie, c’est vrai que c’est plus important, plus fréquent chez les sujets âgés. Et donc,
on a constaté effectivement une diminution des douleurs liées à la dépression qui surviennent sous antidépresseurs et c’est un petit peu décalé par rapport aux symptômes psychiques.
En conclusion, il faut traiter. Par des psychothérapies, alors là, je ne rentre pas dans les détails, il y en
a beaucoup qui peuvent être une voie très intéressante en particuliers en matière de stomatodynie, mais
aussi les antidépresseurs. Et là, on préfèrera nettement les inhibiteurs de recapture de la sérotonine
parce que sur le plan physiopathologique, c’est plus intéressant, mais aussi parce qu’ils sont mieux
tolérés et associés à moins de sécheresse buccale. Et puis bien sûr, il faut une approche pluridisciplinaire qui est indispensable. Par exemple à Brest, il y a la célèbre consultation des douleurs oro-faciales de Céline Bodéré et puis, nous dans le service, on a une consultation de pathologie buccale que
j’assume avec mon ami dentiste Guy Le Toux. Il y a aussi, une consultation de pathologie vulvaire qui
est un peu l’équivalent. Enfin, en cas d’échecs, avec Madame Chastaing psychiatre, nous avons monté
une consultation de psycho-dermatologie.
Voilà, juste une petite page de pub avant de répondre à vos questions. Il existe co-organisé par Brest
et Paris V un DIU de dermatologie psychosomatique qui répond exactement à votre problématique. J’ai
laissé quelques programmes ici. Et les cours ont lieu alternativement une année à Brest et une année à
Paris.
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Pr Sandro PALLA
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Bases fondamentales, recherches
et conséquences cliniques du stress
chronique
Comme pour Anton, le français n’est pas ma langue maternelle et surtout dans ce thème il y aura des
mots qui seront de temps en temps en anglais. Je m’excuse aussi pour le fait que les diapos soient en
anglais et pas en français, mais il y a quelques années, j’ai décidé d’avoir seulement des diapos en
anglais parce que je fais beaucoup de conférences en dehors de la Suisse alors il faudrait changer toutes les fois les diapos, les textes, c’est absolument impossible.
Je vais faire une très petite introduction. Si on parle de myarthropathie, on sait que dans la majorité des
cas, il n’y a pas de problème à traiter ces patients avec des dysfonctions du système manducateur. Il
y a à peu près de 15 à 20 % des patients qui ont des problèmes du point de vue psychosocial et qui
sont pour cela très difficile à traiter et que l’on peut définir comme des patients avec des douleurs chroniques. On sait que la majorité de ces gens ont des problèmes de type musculaire et non pas des problèmes de type articulaire.
Si on regarde l’évolution dans la connaissance de l’étiologie des dysfonctions cardiomandibulaires, on
sait qu’il y a beaucoup d’années, on parlait surtout « d’occlusion », malheureusement, on en parle
encore aujourd’hui.
Parallèlement, il y a peut-être 50 ans, les dentistes ont commencé à parler de stress, mais ilks ont parlé
de stress d’un point de vue spécifique dont en parle toujours, cad du point de vue du bruxisme.
Puis, on a commencé à parler d’une étiologie multifactorielle dans les douleurs musculaires orofaciales.
Si vous regardez toute l’histoire, la notion d’occlusion doit disparaître.
Maintenant, on va regarder surtout ce qui se passe dans le système nerveux central, ce qui constitue
la majorité de la recherche aujourd’hui. Si on parle d’étiologie multifactorielle, il y a beaucoup de facteurs qui sont des facteurs risques. Un facteur risque est un facteur qui augment le risque que
quelqu’un développe une myoarthropathie. Et ils sont nombreux. Il y a des facteurs qui sont anatomiques, il y a des facteurs qui sont biométriques, des facteurs psychologiques, il y a le stress, il y a des
facteurs génétiques, il y a des facteurs hormonaux, il y a la neuroplasticité, il y a en peut-être encore
davantage, on ne sait pas. Le problème, c’est qu’il y a toujours une interaction entre tous ces facteurs.
Chez une même personne un facteur est peut-être plus important qu’un autre, chez d’autres personnes, c’est peut-être un autre facteur le plus important. Mais au centre de tout, il y a l’adaptation. Si une
personne peut s’adapter, il n’y a pas de maladie, il n’y a pas de dysfonctionnement. Le stress, comme
l’a dit Anton auparavant, on l’a corrélé durant longtemps exclusivement au bruxisme, c’est très réducteur. Si on regarde les patients, surtout les patients douloureux chroniques, et plus encore les patients
qui ont des problèmes myofasciaux, on voit que beaucoup de ces patients ont des évènements de
stress dans leur vie, beaucoup dans le passé et pas nécessairement au présent. C’est un des problèmes avec ces patients parce qu’ils ne vous parlent pas nécessairement des problèmes qu’ils avaient
dans le passé. Vous savez que la réponse au stress, c’est la réponse pour maintenir l’homéostasie corporelle en particulier en présence de situations de stress post-traumatiques. OR beaucoup de nos
patients ont eu des stress post-traumatiques.
Une brève récapitulation de l’axe hypotalamo-hypophyso-surrénalien qui est un des substrats physiologiques du stress. On a dit aujourd’hui que le cortisol est très important dans la réaction au stress. Un
taux de cortisol trop élevé est nocif pour l’organisme. On ne peut pas avoir trop peu de cortisol parce
que c’est la même chose. On sait que s’il y a trop de cortisol, on peut avoir une dégénération des cellules nerveuses centrales. Le système fonctionne avec un feedback négatif, de façon à ce que quand
il y trop de cortisol, il existe une action sur l’hypophyse afin que le taux de cortisol diminue. Et c’est un
système très subtil, un système que l’on peut contrôler d’un point de vue expérimental. On sait que
dans beaucoup de maladies, que l’on ne pas vraiment expliquer d’un point de vue des signes cliniques,
les maladies que l’on appelle « Functional pain conditions » ou « Douleurs dites fonctionnelles » ( ex :
fibromyalgie), on retrouve souvent des patients qui présentent une dysrégulation de l’axe corticotrope
ou de l’axe hypotalamo-hypophyso-surrénalien.
La question que l’on se pose, c’est est-ce qu’il y a la même chose, la même dysrégulation aussi chez
ces patients et ceux présentant des douleurs myofasciales chroniques ? On sait que, comme je vous
l’ai dit, une dysrégulation de cet axe est l’un des substrats expliquant une inadaptation au stress chez
beaucoup de patients, beaucoup de situations médicales compromises. Alors on peut effectivement
aller tester l’état de cet axe, on peut le faire en appliquant le stress. Ca peut être un stress psychoso-
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cial, ça peut être un stress psychologique, ça peut être un stress physique ou bien on peut donner au
patient du dexaméthasone. En fonction de ce que l’on veut tester ? On utilisera un stéroïde exogène
et avec cela, on va contrôler le taux de cortisol sécrété par le patient.
Ce qui se passe, quand on donne du dexaméthasone, ce dexaméthasone a un effet négatif sur l’hypophyse et il y a une réduction du taux de cortisol sanguin. Le dexaméthasone, c’est comme un facteur stressant si vous voulez et il mesure l’inhibition de feedback de l’axe corticotrope.
Alors on a pris 20 patients qui ont des douleurs chroniques faciales, myofasciales. Ces 20 patients sont
appariés en âge, sexe et en body mass index. On a fait un examen clinique en respectant les RDC (critères de diagnostic validés utilisés en recherche) de façon à avoir des patients qui avaient des problèmes uniquement myogènes. On a évalué l’intensité de la douleur, la qualité du sommeil, avant et après
l’administration du dexaméthasone. On a évalué la douleur avec l’échelle visuelle analogique et réalisé
un examen psychologique pour tous ces patients par des questionnaires et un entretien de façon à
pouvoir être sûr que l’on n’avait pas des patients avec des psychopathologies. Les critères d’exclusion
sont nécessaires pour que les groupes soient bien déterminés. L’expérimentation consiste à déterminer la quantité de cortisol dans la salive. On mesure le cortisol qu’il y a le matin quand le patient se
réveille. Le réveil, c’est le premier stress de la journée. On mesure dans la première heure et puis on va
regarder la variation du cortisol parce qu’on sait que le cortisol varie pendant la journée, à 8h, à 11h, à
16h, à 20h le soir. Le premier jour les deux groupes (contrôles asymptomatiques et patients) sont évalués. Le second jour à 11h, on donne aux patients 0,5 mg de dexaméthasone de façon à provoquer un
stress à l’axe corticotrope. On fait les mêmes mesures, que le premier jour. On contrôle la réponse du
cortisol au réveil, on contrôle la variation du cortisol pendant la journée.
Quels sont les résultats ? Vous voyez ici la réponse du cortisol au réveil et vous voyez ici que le cortisol augmente, puis il a tendance à diminuer un petit peu, il va diminuer pendant la journée. Vous voyez
après et s’il n’y a pas une différence statistique entre les patients et les contrôles. Si on regarde la variation du cortisol pendant la journée, comme je vous l’ai dit, le cortisol va diminuer après le stress du réveil
et vous voyez que dans les deux groupes, la diminution est la même et il n’y a pas de différence entre
les deux groupes. Ca, c’est l’enregistrement de la première journée, c'est-à-dire avant le stress du
dexaméthasone.
Qu’est ce qui se passe le jour d’après ? Vous voyez ici que le jour d’après la réponse au réveil est diminuée, dexaméthasone injectée bloque l’augmentation du cortisol salivaire. Dans le même temps, la
réponse des gens avec des douleurs chroniques est encore diminuée en comparaison aux gens qui
sont des contrôles. Et vous voyez, ça c’était la première journée. Vous voyez la différence, comme je
vous l’ai dit, on n’a pas de stress et on a une diminution plus forte chez les patients qui ont des douleurs chroniques que chez les patients contrôles.
Qu’est ce qu’il se passe pendant la journée ? Vous le voyez ici, il y a de nouveau une petite diminution
parce que la valeur ici est beaucoup plus basse, elle était là haut comme vous le voyez ici, ce sont les
données de la première journée ; ça, les données de la deuxième journée et il y a de nouveau une différence statistique.
Qu’est ce que cela veut dire ? Cela signifie qu’après avoir donné aux patients ce dexaméthasone, on
montre une altération significative de la réponse du cortisol au réveil et dans le changement pendant la
journée. C'est-à-dire qu’on a une feedback négatif chez les sujets qui n’ont pas de stress, qui n’ont pas
de douleurs chroniques. C'est-à-dire que les patients que l’on a étudiés, présentent une dysrégulation
de l’axe corticotropique. Vous voyez aussi si on regarde les données psychologiques, on voit que nos
patients ont des sores d’anxiété et de dépressions élevées, de même que pour la fatigue mentale et la
fatigue psychique et la dépression est élevée comparés aux sujets normaux. Mais elle n’est pas suffisamment veau que l’on puisse faire un diagnostic de dépression, c'est-à-dire que ces patients n’avaient
pas de dépression, ils avaient surtout une anxiété élevée, mais pas une dépression. C’est très important parce que la dépression a une conséquence différente sur le niveau du cortisol pendant la journée.
Si on regarde dans la littérature, qu’est ce que l’on trouve ? On trouve qu’il y a d’autres situations dans
lesquelles il y a les mêmes résultats, il y a de nouveau une hypersensibilité de l’axe corticotropique au
dexamethasone. C’est avec des patients avec des syndromes de fatigue chronique, de la fibromyalgie,
douleurs pelviennes chroniques, des patients avec des syndromes de coup du lapin, des patients avec
des désordres psychiques et surtout avec une dominance de troubles somatiques comme la dépression atypique. Ce sont toutes les données, toutes des maladies ou toutes des dysfonctions qui ont
aussi une dérégulation de l’axe corticotrope.
Vous savez que si vous prenez ces gens qui ont des douleurs chroniques, qui souffrent d’hyperalgésie,
on sait que les mécanismes qui sont responsables de l’hyperalgésie, ce sont des altérations neuroplastiques au niveau de la moelle, au niveau trigéminal, ce sont des dérégulations, , du système antinociceptif descendant et aussi probablement dans le système pronociceptif descendant et aussi une réorganisation au niveau cortical. Cela, on le sait, on l’a très bien étudié. Mais il y a aussi des données de
la littérature qui démontrent que la corticotropin-releasing factor, (je pense en français le corticolibérine
= CRH), a un effet sur la douleur. Elle a un effet périphérique connu qui est probablement d’origine centrale. Il est envisageable que chez ces gens qui présentent une altération de l’axe hypothalamique et
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corticotropique, il y ai une diminution des corticolibérines induisant une hyperalgésie. Ainsi, cette altération de l’axe corticotropique pourrait avoir ou pourrait être un autre facteur responsable de l’augmentation de la douleur et de l’hyperalgésie chez ces patients avec des douleurs myogènes chroniques.
Si vous regardez la littérature et Anton a déjà parlé de cela, il y a un certain nombre de patients avec
des douleurs faciales chroniques qui ont une histoire de stress post-traumatique (PTSD). Le stress n’est
pas seulement causé par des désordres post-traumatiques, il y a des problèmes psychosociaux aussi
qui sont des stresseurs pour les patients qui sont des stresseurs chroniques. Dans la littérature américaine, on trouve peut-être de 15 à 20 % de patients qui ont présentés ces stress post-traumatiques. On
n’a pas beaucoup de données en Europe sur cela, mais ce sont des données que l’on a dans la littérature. Et si vous regardez les patients qui ont ces problèmes de fatigue, chronic fatigue syndrome, fibromyalgie, syndrome du coup du lapin, ce sont aussi des groupes de patients dans lesquels il y a une
certaine quantité de patients qui ont des troubles et des syndromes post-traumatiques.
Nous, on ne sait pas si dans ce type de groupe de 20 patients, il y avait des patients qui avaient ces
troubles parce que l’on n’a pas évalué ce critère, de façon qu’on ne peut pas nécessairement dire que
ces gens sont, ou que l’altération de l’axe corticotrope soit en relation avec ces posttraumatic stress
disorders. C’est aussi trop prématuré de prendre ce test pour essayer peut-être de mieux caractériser
les patients avec des douleurs chroniques, myofasciales. Le test est très simple à faire et qui ne coûte
pas cher, mais c’est sûrement trop prématuré de tirer des conclusions sur une seule étude.
En conclusion, on peut dire que chez ces patients avec des douleurs myogènes chroniques faciales, il
y a une hypersensibilité du feedback négatif de l’axe corticotrope de façon qu’il y a une réaction diminuée de la sécrétion de cortisol du sujet confronté à un stress.
Je finis en remerciant les gens qui ont travaillé dans ce sujet.
90
Dr René PENDUFF
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Comment allier le concept
gnathologique et l'approche
fonctionnelle
HOMMAGE A JEAN-FRANCOIS LAURET
Comment allier le concept gnathologique et l’approche fonctionnelle ?
Je suis heureux aussi de savoir le Pr Abjean dans la salle car je l’ai eu comme enseignant, il y a bien
longtemps, à Nantes.
Jean-François était non seulement un collègue bien sûr, mais aussi un ami, depuis longtemps . Cette
communication était au départ hors thème dans notre esprit. En fait, quand on écoute, quand on lit certains auteurs, on s’aperçoit que finalement la mastication dont aimait parler Jean-François est en rapport avec le sujet. On se rappelle de la conférence du Pr Slavicek, à Toulouse en 2005(CNO), qui nous
disait que le fait de rééduquer des patients en pleine dépression, à mastiquer de nouveau, pouvait être
un mode de traitement efficace. Une relation existe donc entre la reprise de la fonction masticatrice et
le traitement de la dépression. Gilles Lavigne disait ce matin : « il faut parfaitement définir l’attente du
patient ». L’attente de beaucoup de patients, c’est de bien mastiquer, surtout à partir d’un certain âge,
c’est d’avoir une mastication optimale et c’est ce dont on va parler tout à l’heure.
Voici l’E-mail que j’ai reçu en décembre 2005, juste avant Noël . C’était un E-mail de Marcel Le Gall qui
se trouvait en Chine avec Jean-François, dont il nous annonçait le décès brutal.
Voici quelques phrases de ses amis que je vous laisse découvrir :M. Le Gall « J’ai perdu un ami, nous
avons tous perdu beaucoup plus ». François Unger et Jean-Luc Maïnetti : « la créativité, la modestie
et les qualités humaines de Jean-François Lauret susciteront encore, nous en sommes sûrs, de nombreux travaux chez les jeunes chercheurs, au bénéfice de toute l’Odontologie. » Un des ces grands
amis, Roger Joerger, de Strasbourg : « en bon breton, navigateur et ami de la mer, on peut aussi saluer
en lui le découvreur d’un continent nouveau.» Jean-François Laluque (dans le I.A.M) « sa brutale disparition nous laisse avec un travail inachevé. Il a ouvert une voie de précurseur, terme qu’il refusait, préférant dire qu’il tentait de remettre au goût du jour, une réalité oubliée ». Et Alain Hoornaert : « pourtant
nul besoin d’être spécialiste de l’occlusion pour se rendre compte que l’on ne mastique pas comme un
articulateur (et ça Jean-François adorait le dire) et pour vous en convaincre, essayez donc de mâcher
quoi que ce soit en réalisant des mouvements de diduction centrifuges ». Bernard Fleiter : « JeanFrançois était aussi brillant pour naviguer sur la crête des cuspides que sur celles des vagues de l’océan
Atlantique ». Les étudiants de Brest : « nous garderons de lui une tendresse très particulière . Avant
tout un ami de tout le monde , Jean-François Lauret, cet homme que l’on pensait éternel, cet enseignant sans pareil qui avait tant de passions, etc. ». Michel Degrange : « c’était un être complet qui savait
allier la théorie et la pratique et la logique et l’intuitif. C’était aussi et surtout un être profondément gentil ».
Remontons maintenant dans le temps... Année 2000, il y a huit ans, la création de son articulateur «
Reverse » qui visait à reproduire la cinématique fonctionnelle de la mastication, d’une façon qu’il voulait encore affiner ;articulateur qu’il a créé avec Christophe Landau qui a eu,hélas, la même destinée.
Neuf ans,1999, le CNO de Tours, dont vous vous souvenez tous, « Occlusion et manducation », qui avait
été initié par notre ami François Unger. Un Cours que l’on avait fait tous les deux, il y a 15 ans à Roanne
; on voit Jean-François ici en haut à droite et son épouse devant lui. Un Séminaire d’Occlusodontie à
Carnac, (vous voyez que l’on pouvait associer la mastication et la science). 24 ans, un congrès à
Bénodet. Jean-Daniel Orthlieb, que je voudrais aussi citer : « pourquoi émanait-il de Jean-François une
si forte puissance de conviction ? Parce qu’il disait simplement du vrai. Il nous a ouvert les yeux un peu
plus grands sur les fonctions occlusales. Il a gravé nos rétines par sa sympathie, sa simplicité, mais
aussi nos esprits par ses idées. Ces dernières resteront un acquis de l’occlusodontie française et par
conséquent, il sera toujours présent parmi nous ».
Je reprends la phrase de Jean-Daniel « il nous a ouvert les yeux un peu plus grands sur les fonctions
occlusales ». Il est vrai qu’il est intéressant d’observer les trajets, de comparer les trajets de latéroclusion à vide et de mastication ici à droite. Citons Pascal Picq, maître de conférence au Collège de
France : « l’homme mastique, c’est presque une découverte dans le domaine des sciences dentaires
et en occlusodontologie ! Comment a-t-on pu négliger aussi longtemps cette fonction princeps de notre
physiologie ? » Et la phrase de Jean-François : « Et si on parlait de l’occlusion en tenant compte des
91
connaissances sur la fonction masticatoire ? ».
J’en arrive au sujet du jour :comment allier les deux approches ? L’approche de l’Ecole gnathotologique a beaucoup apporté, en décrivant les mouvements d’analyse centrifuges, à vide, sans effort des
muscles masticateurs élévateurs, mouvements que l’on demande au patient d’exécuter, « proclusion et
latéroclusion » et tout ceci nous a donné des informations ; des informations qui sont utiles, que l’on
rappellera dans la diapo suivante. L’approche fonctionnelle, je la considère personnellement comme
une investigation complémentaire. Il s’agit d’étudier et d’essayer de reproduire les mouvements, en
tenant compte des contractions intenses des élévateurs. C’est une étude plus précise, plus fine de
l’anatomie cuspidienne et une réelle prise en compte de la physiologie neuromusculaire (et de la proprioception). Certes l’approche statique a un intérêt majeur, l’examen du visage, (voir ,à titre d’exemple, si il s’agit d’une latéro-déviation ou d’une hypercondylie), L’examen statique des arcades, les recouvrements, les surplombs, (José nous parlerait de surplomb immédiat), les abrasions, tout ceci est «
l’étude statique ». Ensuite,l’étude des mouvements à vide pour voir si on a des déviations, des craquements, si la répétitivité des mouvements est bonne et leur amplitude… Bien sûr… Tout ceci, c’est
l’étude classique, acceptée de tous, qui a toute son importance. Il n’y a aucun doute là dessus.
La latéralité à vide, (en contacts dento-dentaires) c’est la latéroclusion , mouvement que l’on demande
au patient d’exécuter, entrainant généralement la désocclusion des secteurs postérieurs. Mais pour
Jean-François et toute l’équipe qui travaillait avec lui, André Bégasse ici présent également, ils nous est
apparu qu’il y avait une zone d’incertitude au sein du concept gnathologique. Quand on fait une latéroclusion, quelle est l’amplitude de la désocclusion, des secteurs latéraux ? Comme disait JeanFrançois « ça désoccluse de combien ? » Comment doit-on reproduire cette désocclusion lorsqu’on
reconstruit une arcade ? Est-ce que l’on doit se contenter de faire une « protection canine » ? Ou est
ce que l’on essaye d’être plus précis ? En fait, c’est le fond du problème. Exemple de latéroclusion à
droite : vous voyez que sur un sujet sain, (c’est la diapo de gauche), on observe la fonction canine, les
désocclusions postérieures . Sur la même patiente, la mastication et ces trajets-ci : vous voyez des
magnifiques trajets d’entrée et de sortie , mais ici dans la fonction. Et lorsque le patient mastique sur
ses dents, c’est bien ce qui se passe : les trajets (fonctionnels) en bleu ici, sont la réalité ! Un mot que
Jean-François aimait aussi utiliser : le mot « centripète », qui représente la réalité fonctionnelle dans
la plupart des cas (sauf dans les inversés d’articulés molaire et prémolaire ou on observe l’inverse).
Un autre exemple clinique, un cas que j’ai réalisé il y a bien longtemps, en présence d’une agénésie en
45. Vous voyez,ici, un implant. (Vous m’excuserez, j’ai plus de cas cliniques d’implanto parce qu’on me
demande plus souvent des cours sur l’occlusion en implantologie, mais peu importe). Agénésie de la
45, j’ai réalisé une céramique sur implant . Ici, vous voyez l’OIM puis, en latéroclusion, un petit contact
furtif sur la 45et des trajets concernant surtout la canine (43) et la première prémolaire (44). . On continue l’observation : on fait mastiquer notre patiente et on lui trouve ici des trajets fonctionnels qui sont
complètement différents de ceux là. Ce qui veut dire que l’on a beau avoir une « protection » par la 43
et la 44, dans la mastication (ou le bruxisme), on a des trajets fonctionnels (ou/et parafonctionnels
éventuels). Il y a donc nécessité d’une « approche réellement fonctionnelle ». Il faut prendre en compte
les résultats des études concernant la manducation.
La bibliographie, je pense que vous la connaissez tous dans cette salle. Il y a le livre qu’ont écrit M. Le
Gall et JF. Lauret en 2002 . Marcel Le Gall vient de sortir un nouvel ouvage, qui est paru à l’ADF 2007
. Il cite Jean-François Lauret , en co-auteur, à titre posthume .(M. Le Gall regrette de n’avoir pu être ici
aujourd’hui). Dans le lexique du CNO, vous retrouvez les schémas de Jean-François et Marcel « entrée,
sortie de cycle » et toutes les définitions et les précisions de base qui vous faciliteront la lecture des
livres, ensuite.
Notre préoccupation, depuis très longtemps, est la simulation des mouvements mandibulaires. Je ne
vous fais pas un cours sur les auteurs… Ces auteurs voulaient simuler les mouvements : le pantographe de Lee avec les turbines dans les blocs de plastique. Déjà, un article m’avait interpellé, en 1977.
Je faisais un CES de prothèse à l’époque, avec Christian Knellessen parmi mes maîtres. C’était cet article d’Alain Woda, sur les contacts occlusaux. Cà a 31 ans et il proposait, il montrait qu’il y avait des «
côtés travaillant et non travaillant » », mais aussi des « côtés triturant et non triturant ». Cela m’avait
beaucoup intéressé. L’article est dans « les cahiers de prothèse » n° 19. Ensuite, Lundeen et Gibbs se
sont beaucoup intéressés à la mastication grâce au « Replicator » ; ils faisaient mastiquer les patients
et ils étudiaient les cycles dentaires et condyliens. Ici, le cycle du condyle mastiquant, cycle (de mastication) du condyle mastiquant. On retrouve la sortie de cycle et l’entrée de cycle de Jean-François, ici.
Le « Sirognatographe » sur lequel nous avons beaucoup travaillé avec José Abjean , à la Fac de Brest.
Cet appareil permet d’étudier les cycles de mastication dans les plans frontaux et sagittaux, grâce à
un système aimanté, collé sur les incisives mandibulaires. En fonction du type d’aliment, on a des cycles
différents. On aura des cycles différents pour une mastication du chewing-gum ou d’un autre
aliment.Ainsi, pour une carotte, on aura une cinématique un peu plus « herbivore » et on observera des
cycles différents. Et si on mange du fromage, ce sera encore d’autres tracés... Une denture jeune nous
donnera, dans le plan frontal ce type de trajets, mais une denture vieillie, abrasée, nous donnera dans
le plan frontal des trajets beaucoup plus étalés, aplatis. Voilà un cycle en vidéo : on fait mastiquer le
patient, puis, on lui enlève le chewing-gum. C’est un cycle d’un patient de 45 ans, avec des dents un
92
peu abrasées, (on avait enlevé la couronne provisoire sur la deuxième prémolaire, pour mieux voir la
fonction molaire).
Ainsi, notre préoccupation est actuellement la simulation des mouvements réellement fonctionnels car
pour nous, proclusion, latéroclusion ne sont pas des mouvements fonctionnels. On ne peut pas couper
(inciser) en ouvrant des ciseaux !... Le réglage de l’articulateur est actuellement, nous semble-t-il, la
seule solution,avec, bien sûr une finition des trajets en bouche. Réglage de l’articulateur, des boîtiers
condyliens pour les prémolaires- molaires et bien sûr guidage incisif pour ce qui concerne le secteur
antérieur. Le réglage de l’articulateur va nous donner, par une manipulation centripète des mouvements permettant une prise en charge par les prémolaires et les molaires. Ici (vidéo), la dent de 12 ans
participe peu, elle est mal placée, mais il faut surtout regarder la dent de 6 ans et les prémolaires. Voilà
comment nous manipulons un articulateur. Quand je vais déclencher le film, vous verrez que toutes les
cuspides vestibulaires du haut se comportent comme des canines, en fait. Vous verrez que la canine
n’a pas un rôle extraordinaire dans la mastication… Je pense que Pascal Picq ,lors de la séance de la
SOP à Paris, mi février 2008, l’a bien montré. Vous voyez cette harmonie et la cuspide disto-vestibulaire des premières molaires maxillaires, que Jean-François aimait décrire. Vous le voyez, toutes ces
cuspides fonctionnent en même temps. Donc ça n’a rien à voir avec la « protection canine ».
Cependant, je le répète, l’étude de la fonction canine et des mouvements « à vide », n’a rien d’inintéressant ni d’inutile. Je tiens à insister là-dessus.
L’être humain est omnivore, il effectue des mouvements dans tous les sens. Il est à la fois carnivore,
herbivore, rongeur, (surtout le bruxomane). On a donc des systèmes différents, bien sûr, au niveau des
ATM. Nous avons une composante carnivore au niveau de toutes les cuspides vestibulaires des arcades maxillaires et mandibulaires, permettant d’effectuer la première phase du cycle, la phase de déchirement carnivore. De là est apparue la « terminologie fonctionnelle » qui figure dans le petit lexique du
CNO (que je vous conseille d’avoir tous). On considère que les cuspides vestibulaires (ici en orange),
vous voyez, sont des « guidages d’entrée de cycle », de cisaillement, de type carnivore. Lorsqu’on a
des aliments plus difficiles à écraser, on se sert davantage de la fonction herbivore, c'est-à-dire des versants cuspidiens de sorties de cycle (en bleu,ici). Je ne dis pas que les patients se servent forcément
des entrées de cycle et des sorties tout le temps, ça serait tout à fait excessif. Certains cycles s’arrêtent à l’OIM, écrasent en OIM, et ouvrent. Ce n’est pas systématique. Mais plus on a des aliments difficiles à écraser, plus on triture comme un herbivore... Et il existe une harmonie fonctionnelle qu’il faut
essayer de reconstruire, entre : les muscles, qui permettent la fonction masticatoire, les facettes d’usure
fonctionnelles, les ATM. Cette fonction et bien, elle use les dents... Elle use les dents en fin de trituration du bol et cette abrasion génère des facettes d’usures fonctionnelles qui guident à leur tour, la fonction masticatoire. Donc il y a vraiment un cycle, guidé par les facettes d’usures et dirigé par les muscles. On essaye de conserver cette harmonie entre ce qui se passe au niveau des muscles, des ATM,
des cuspides, au cours de la mastication…
Alors, l’un des buts de l’approche fonctionnelle, (comme disait Gilles Lavigne ce matin), c’est de répondre à la demande du patient ; c’est d’avoir : un bon confort occlusal ,( tant en OIM qu’en mastication),
une bonne efficacité masticatoire, (ça vous l’aviez bien compris) et la pérennité des prothèses. Je
donne par exemple ici à mon labo ce type de trajet que je n’efface pas. Je fais mastiquer mon patient
et je laisse sur les biscuits les trajets pour le labo, ce qui permet d’ajouter un peu de céramique, par
exemple, si je vois qu’il en manque un peu , ici en sortie de cycle. Il le voit tout de suite, ça évite les discours, mais il faut, auparavant, former son prothésiste, bien sûr… ! Alors comment faire ? Et bien pour
programmer l’avant, (on va régler ça comme une goélette), on va réaliser un « guide incisif modelé » et
puis, pour programmer l’arrière, on va tout simplement programmer les paramètres condyliens. Et, pour
prothèses restaurant les dents postérieures, l’influence des ATM sera importante, l’influence des boîtiers sera importante. On a deux influences… Simplement faut-il peut-être insister sur le fait que dans
l’incision et dans la proclusion, on n’a pas les mêmes muscles en action. Dans l’incision on actionne les
muscles élévateurs, puissants. Dans la proclusion on n’a quasiment que les chefs inférieurs des ptérygoïdiens latéraux qui interviennent. Vous voyez ces trajets si différents que Jean-François a montrés...
Donc, quand on règle une céramique, par exemple sur une incisive, nous vous suggérons de régler en
proclusion, sans doute, mais surtout en incision, . Un autre cas clinique : reconstruire les incisives maxillaires, qui ont gardé une anatomie correcte, malgré les nombreux composites. Surtout ne pas tailler les
dents sans avoir, auparavant, créé un guide, « le guide incisif », de façon à garder la trace (faces palatines) de ce que la patiente présentait auparavant, quant aux trajets d’occlusion fonctionnels. Alors,
vous me direz , il n’est pas possible de dissocier proclusion et incision sur un articulateur. C’est effectivement en bouche que l’on demandera au patient d’inciser et que l’on « fignolera » l’ajustement fonctionnel. La mastication, vous le savez, est programmée, elle est sujette à des informations issues des
propriocepteurs et en particulier des propriocepteurs desmodontaux.
Ainsi, on a non seulement le « guidage antérieur », mais on a aussi un guidage postérieur tout aussi
important, sur les plans mécanique et proprioceptif. Le patient, en fait, quand on réussit à reproduir les
cuspides qu’il avait auparavant, a l’agréable sensation « d’avoir retrouvé ses dents ». Si on lui impose
des cuspides trop pentues ou des cuspides trop plates, il est moins satisfait,il n’ a pas le même confort.
Aussi faut-il un « retour au bon sens », mots de Jean-François… D’autres cas : voyez ici,(dents intac-
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tes) à gauche, des trajets dento-dentaires en latéroclusion et ,photo de droite,au cours de la mastication. C’est quasiment toujours le cas ; observez les sur des patients en denture naturelle n’ayant pas eu
d’orthodontie, n’ayant eu aucun soin. (Voyez ici, sur la 14, on peut remarquer qu’il n’y a pas d’entrée de
cycle par exemple). Alors pourquoi cette énorme différence ? Parce que les muscles mis en jeu sont
différents que ce soit dans la mastication ou dans le bruxisme. Ici, nous avons l’action +++ des élévateurs qui écrasent le papier, ou le jambon cru... Le complexe ptérygoïdien a un rôle essentiel du fait de
son orientation à 45° par rapport au plan sagittal. Cette direction des ptérygoïdiens en avant, en haut
et en dedans est la direction de la « sortie de cycle » de mastication, tout simplement. Ainsi, je préfère
dire : en haut, en avant, en dedans (plutôt qu’en bas, en arrière, en dehors, comme dans Rouvière), c’est
beaucoup plus fonctionnel. En fin de cycle de mastication , on a cette phase dento-dentaire de cycle
avec un glissement centripète, dans cette direction. Il s’exerce donc des forces transversales, dues
aux ptérygoïdiens et si on pose des implants postérieurs , ces forces transversales seront actives sur
nos implants, même en présence d’une « protection canine ». Cette notion « d’entrée de cycle » et de
« sortie de cycle » de mastication qui a été proposée par Jean-François, on y a beaucoup réfléchi
ensemble, avec Marcel Le Gall, Roger Joerger, André Bégasse … Il ne faut pas confondre ces sorties
avec des « interférences non travaillantes ». On en est conscient. Voilà, ici, les facettes. Je passe vite ,
vous connaissez… Cet exposé est un Hommage et non un Cours. La « sortie de cycle » se fait en
direction de la canine du côté opposé. On a , en « sortie de cycle de mastication à droite », effectivement,un glissement centrifuge, une « fonction canine » du côté gauche.
Marcel Le Gall a eu la gentillesse de me confier l’une des ses vidéos, qu’il a présentée au Congrès de
l’ADF 2007, lors d’un Atelier de Démonstration, animé ensemble. Il a demandé à l’un de ses patients
de mastiquer un chewing-gum ,puis il l’a retiré et lui a demandé de continuer le mouvement de la même
façon ... Vous voyez, le recrutement musculaire proposé ici pour l’entrée de cycle de mastication et
,ensuite, un recrutement plus important au niveau des ptérygoïdiens pour la sortie. Tous les ptérygoïdiens (côté mastiquant), sont concernés par la sortie. Il a placé, bien sûr, des papiers à articulé, de
façon à obtenir des guidages dentaires marqués par ce papier. Voyez , à droite, les guidages donnés
par l’entrée et la sortie du cycle. Regardez cette précision et la sortie de cycle ici… C’est extraordinaire, on est à mille lieues de la désocclusion des secteurs cuspidés en latéroclusion. On est à mille
lieues !... Entrée, sortie de cycle. Les trajets ,en bas (mandibulaires) sont un petit peu plus difficiles à
analyser et personnellement, j’ai plus de mal, parfois, à les interprèter. Ce sont des zones plus délicates à équilibrer, lors d’équilibrations sur dents naturelles, mais aussi ,bien sûr, sur prothèses. Vous voyez
ici la latéroclusion, c’est bien, mais vous reconstruisez comment vos cuspides postérieures ?
Nous avons espoir que le CNO associera, de plus en plus, c’est ce que l’on fait aujourd’hui, ces deux
façons, complémentaires d’aborder l’occlusion, qui ne sont pas opposées…
Vous voyez ici une prémolaire sur implant. Observez les trajets en latéralité (latéroclusion),la« fonctioncanine ». Si je fais mastiquer mon patient, j’ai des entrées et des sorties de cycle . Vous voyez que ce
composite n’a pas permis de sortie de cycle,( vous l’aviez déjà tous vu je pense). Il faut bien sûr regarder les deux côtés ; il est évident que l’entrée du cycle ici (à droite) ne doit pas être gênée par des
contacts du côté gauche. Il ne faut pas qu’il y ait d’ interférences , (on va dire des « interférences d’entrée »). Un autre cas , intéressant également. Vous voyez, un bridge banal de 17 à 22, que j’ai monté
sur articulateur totalement adaptable . Vous verrez tout à l’heure que c’est très simple à faire . J’avais
enregistré ,bien sûr, le guide incisif et réglé les paramètres condyliens. Voilà les trajets obtenus en mastication, que je donne au prothèsiste. Je les retrouve sur l’articulateur réglé. Cette patiente présente
une forte supraclusion incisive. Effectivement, vous faites une latéralité, ça « désengrène ». Mais de
combien ça désengrène ? Voilà le problème. Voici notre biscuit et voilà la prothèse qui sera posée. On
a des cuspides très marquées et pourquoi a-t-on des cuspides palatines (en 16-17) qui « descendent
»autant ? Tout simplement parce que la pente condylienne est très forte.( La pente condylienne, c’est
un peu une quatrième molaire). Si cette personne avait eu une pente beaucoup plus faible , nous
aurions créé des interférences, c’est bien évident. Mais là, il n’y a pas d’interférences. Bien sûr, il faut
régler le côté opposé pour vérifier globalement.
Comment réaliser le réglage de l’articulateur ? Comment se rapprocher au mieux de la réalité fonctionnelle ? On peut utiliser un articulateur semi- adaptable ou un totalement adaptable. Ce sera l’objet du
TD de demain pour ceux que cela intéresse, il y a encore quelques places. Sur un fauteuil dentaire, sur
patient, je ferai une démonstration du réglage, qui est très simple.
Sur un articulateur semi- adaptable, on ne peut régler que : le condyle orbitant. Donc on ne peut régler
que « la sortie de cycle », dans la terminologie fonctionnelle. Elle est déterminée par 3 valeurs : la pente
condylienne, le mouvement transversal immédiat (MTI) et le mouvement transversal progressif (MTP),
en sachant que dans la mastication, il y a un effort des ptérygoïdiens et que l’on trouvera un MTI plus
important. (Jean-François avait trouvé à peu près le double). Il faut un articulateur totalement adaptable pour régler : l’orbitant et le pivotant (en terminologie classique). Il y a quelque chose que j’aime bien
avoir, c’est la possibilité de recul du condyle pivotant. Je souhaite que la paroi postérieure du boîtier
ne soit pas rectiligne. Sur un articulateur comme celui-ci (Denar Mark 2), on a un usinage du mur postérieur du boîtier, qui permet le recul du condyle pivotant. Ce type d’articulateur semi adaptable « autorise » donc ce recul. Cependant, si je veux « mesurer », « régler » ce recul, je choisis : ou un totalement
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adaptable (exemple : D5A), ou l’articulateur de Lauret et Landau, le « Reverse » qu’ils avaient conçu
pour affiner ce mouvement, pour enregistrer ce mouvement de recul (mouvement de Bennett,qui est en
fait l’inverse de L’Entrée de cycle). Au niveau du condyle orbitant, le mouvement correspond à la « sortie de cycle », (mais avec un MTI , en latéroclusion , plus réduit qu’en fonction). Si vous observez ce
condyle mastiquant du côté droit ( à gauche sur l’écran), vous avez ici l’OIM, vous allez avoir une sortie de cycle. Ensuite, vous allez, comme lors du service au tennis, prendre de l’élan… Le condyle va
descendre puis remonter et reculer en haut,en dehors et un peu en arrière (mouvement de Bennett). Il
va donc reculer un peu , puis revenir en avant, en bas ,en dedans(entrée de cycle). Il va passer dans
une position correspondant à l’ OIM, puis en sortie de cycle… Lundeen et Wirth en 1973 puis Lundeen
et Gibbs en1982 ,également, avaient montré que le MTP était une variable proche des valeurs 7° - 7,5°,
ce qui fait que cette donnée, en pratique courante, à mon avis, peut être prise comme valeur moyenne
pour régler l’articulateur. J’ai essayé les deux façons (valeur moyenne 7° ou bien mesure du MTP) et
ça ne change pas grand-chose en pratique quotidienne. C’est beaucoup plus rapide , en fixant le MTP
à 7°(même en utilisant un articulateur totalement adaptable). Cela nous facilite le travail. Par exemple
dans une mastication à droite, voilà ici l’entrée de cycle. Jean-François Lauret avait insisté sur la difficulté d’enregistrer (et de reproduire) « l’entrée de cycle ». Ceci le tracassait… C’est une des raisons
qui l’ont conduit à réaliser l’articulateur « Reverse »,. On peut, c’est mon avis, travailler également avec
un articulateur adaptable type D5A (que j’aime utiliser) , mais il est vrai que son articulateur est une «
Rolls », mais un peu difficile à maîtriser pour les moins initiés.
Alors, « l’ entrée de cycle », qu’est ce que c’est ? Et bien, nous venons d’en parler, c’est l’inverse du
mouvement de Bennett. Le mouvement de Bennett se dirige , (en général) en haut, en arrière, en
dehors. Et bien , dans « l’entrée », vous avez un mouvement du condyle mastiquant, contraire : en bas,
en avant, en dedans. C’est « l’entrée de cycle de mastication » et cela, on pourra le développer demain
pour ceux que ça intéresse. C’est cette notion d’ « entrée » qui est subtile, et assez difficile à régler. J’en
discutais avec mon prothésiste, récemment . Lorsque l’on utilise un semi-adaptable comme le Mark2,
qui permet un recul du condyle pivotant, sans toutefois le mesurer, mais qui autorise le recul, qui permet donc de mimer une « entrée de cycle »,même approximative, on a déjà, cliniquement, des résultats
remarquables. De toutes façons, il nous faut fignoler les trajets en bouche (et souvent au laboratoire).
Il est rare que l’on réussisse tout de suite à les reproduire, soyons modestes... Il est rare que l’on atteigne, tout de suite, le résultat optimal.
On obtient ainsi, sur ces travaux de céramique, des zones de glissement pour « l’entrée de cycle », et
ici, pour la « sortie ». Voici un appui d’entrée, voici l’appui de la cuspide mésio-linguale de la 6 du bas.
On a un double glissement en « entrée de cycle », sur lequel je n’ai pas insisté pour ne pas être trop
long. Et là, après le réglage en bouche des biscuits, je vois qu’il me manque un peu de guidage de sortie. Je n’ai pas besoin d’insister auprès de mon prothésiste (je n’efface pas les trajets). Je lui mets
quand même un petit mot « renforcez le guidage sur la 26 »… Ainsi, on aura une bonne harmonie fonctonnelle. Il faut que « l’entrée de cycle » ici à gauche soit en harmonie avec la « sortie », à droite. Je
n’ai pas dit que c’était facile. J’ai dit que c’était efficace. Ce n’est pas la même chose !...
Alors quelquefois, on me dit « oui, mais ça te prend un temps fou, tout cela ! ». Voici un cas dentoimplanto-prothétique ; durée de traitement : 12 à 18 mois. Le réglage va durer à priori trente minutes ;
trente minutes sur 12 ou 18 mois franchement, à mon avis, ça en vaut la peine..!... J’utilise deux cires
de latéralité, tout simplement et je le fais en présence du patient. Pour ne pas être trop long, je n’ai pas
voulu insister trop, mais en fait, je mets mon MTP à 7°, ( même sur un totalement adaptable) en pratique de tous les jours. Je fais faire une latéralité à gauche, en induisant, jusqu’au bout à bout canin (gauche) par exemple. Cela me donne la sortie du cycle à droite et le mouvement de Bennett à gauche, (
donc l’inverse de l’entrée de cycle en mastication à gauche). La latéralité du côté droit me donne : la «
sortie de cycle » à gauche et » l’entrée de cycle » à droite. Avec deux cires, j’ai « l’entrée et la sortie ».
Durée : trente minutes en prenant son temps.
Conclusion. Les buts : obtenir d’emblée un résultat optimal, l’efficacité masticatoire, le confort, sur le
plan proprioceptif. Obtenir la sécurité et la longévité des prothèses en reproduisant le mieux possible,
de façon personnalisée des mouvements réellement fonctionnels du patient X : les mouvements X, du
patient X. Il faudra se méfier, bien sûr, des parafonctions d’éveil et du bruxisme nocturne et une orthèse
de protection sera à envisager..
Il est évident qu’en présence de parafonctions sévères, il y a danger, malgré l’existence d’une « protection canine ». De toutes façons, c’est un sujet qui sera développé à Bordeaux, les 5, 6 et 7 juin2008
et j’irai écouter les conférenciers.
Alors conclusion de la conclusion. Il y a deux approches complémentaires qui ne sont absolument pas
antagonistes. On a une approche à vide. « Madame, veuillez glisser à gauche, veuillez glisser à droite
». Souvent d’ailleurs, elle aura un peu de mal à le faire ou à comprendre ce qu’elle doit faire… «
Madame, veuillez mastiquer le bout de papier, allez y ». Une remarque : quand vous faites mastiquer à
droite, vous pouvez mettre des papiers à gauche et à droite de façon à voir ce qui se passe du côté
mastiquant et du côté non mastiquant.
Bon vent à l’occlusion fonctionnelle. Au revoir Jean-François… Tu étais un passionné, mais aussi un
passionné de voile…perfectionniste. En effet tu as également été champion d’Europe en Vaurien…
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Dr Jacques Olivier PERS
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Stress et parodontologie
C’est avec une certaine émotion qu’aujourd’hui du fait de la présence de José comme président de
séance que je vais vous parler. Pour une fois, on ne va pas « faire de l’occluso » ensemble et on va faire
quelque chose qui est plus dans ma thématique, quand même officielle je dirais, qui est d’essayer de
comprendre, voilà en tout cas les objectifs que je me suis donné aujourd’hui : En quoi le stress peut être
un facteur de risque de la maladie parodontale ?
Alors c’est vrai qu’au départ quand j’ai vu cette thématique proposée par Céline, je me suis dit « mais
de quoi est ce qu’elle veut que je parle ? Du stress oxydatif ? » Je vous rassure, non. Ca ne vas être le
stress oxydatif, encore que, n’oubliez pas que dans les mécanismes pathogéniques de la maladie parodontale et physiopathologiques, vous avez le stress oxydatif et tous ces dérivés de l’oxygène qui vont
participer à la destruction du tissu parodontal. Et ce qu’il ne faut pas oublier, bien sûr c’est que la maladie parodontale est une maladie bactérienne qui va se déclencher en raison d’une inadaptation du système immunitaire de l’hôte. Et à partir du moment où les bactéries sont présentes, il va y avoir différents mécanismes immunitaires impliqués, les neutrophiles bien sûr que vous connaissez, mais étudiés
maintenant plus en détail, parce que jusqu’à présent on avait longtemps cru que c’était seuls les neutrophiles qui participaient, les lymphocytes T, les lymphocytes B sont impliqués et bien sûr les médiateurs inflammatoires alors qu’ils sont bien sûr là aussi responsables de l’évolution de la pathologie,
encore que peut-être, je vais là moi aussi briser quelques dogmes aujourd’hui. Au final, l’objectif, enfin
les conséquences je dirais de l’inflammation parodontale et de la réponse de l’hôte va faire que dans
certains cas, on a une activation des ostéoclastes et donc une destruction du tissu osseux.
Alors, c’est vrai, depuis des années maintenant, le stress est considéré comme un facteur de risque de
la maladie parodontale au même titre que l’âge, que le tabac, que le diabète et d’autres que vous avez
ici avec des indicateurs de risque. On voit que l’occlusion et bien sûr le bruxisme, j’y reviendrais à la fin
de cet exposé, peuvent constituer aussi des facteurs de risque aggravants. Mais retenez bien et ce que
je veux vous montrer, c’est que c’est bien un facteur de risque et en quoi le stress est un facteur de risque au niveau de la maladie parodontale. Alors tout d’abord une définition du stress, mais vous avez eu
je sais, mais que quand je me suis intéressé à cette thématique et que j’ai fait de la bibliographie, il y
avait quand même beaucoup de difficultés d’interprétation des papiers en fonction de la définition qui
était donné du stress. Et quoi qu’il en soit, je pense que vous l’avez vu, à mon avis, c’est un état de tension physiologique ou psychologique qui est causé par des stimulis, qui a tendance à perturber le fonctionnement de l’organisme et que l’organisme a naturellement tendance à éviter, donc à s’adapter.
Alors, je vous ai fait une petite revue de la littérature en ce qui concerne justement tout ce qui a été étudié sur les relations entre le stress et la maladie parodontale. Et vous allez voir qu’il y a des différentes
choses, tout d’abord la plus impliquée je dirais au départ au niveau du stress, c’est ce que l’on a pu
mettre en évidence, au niveau de la gingivite ulcéro-nécrotique. Ca, vous l’avez tous vu, vous l’avez tous
entendu dans vos études. On a associé le stress à cette maladie parodontale typique avec une altération du fonctionnement des polynucléaires neutrophiles. Mais si on regarde un petit peu plus loin dans
la littérature, on se rend compte aussi que certains autres auteurs on essayé aussi justement de quantifier ce stress et c’est là que les définitions sont extrêmement difficiles, c'est-à-dire qu’en fonction des
évènements de la vie, vous vous rendez compte que la maladie parodontale peut être plus sévère ou
plus généralisée quand il y a des niveaux d’induction du stress qui sont atteints. Et quand on va encore
un petit peu plus loin, quand on regarde le stress au travail, je crois que c’était aussi une des thématiques de la journée, vous voyez que finalement on retrouve aussi des relations significatives entre le statut parodontal et une altération du travail, mais ils ont même montré les altérations en fonction du statut matrimonial et socioéconomique.
On va encore un petit peu plus loin. On essaye d’associer ces facteurs psychologique cette fois ci avec
la parodontite à progression rapide, encore une forme de parodontite du fait de son agressivité et on
peut noter que dans la parodontite à progression rapide, vous voyez qu’il y a un niveau je dirais plus
élevé de dépression et de solitude chez ces patients par rapport à d’autres patients qui souffrent eux
de parodontites chroniques. Un peu plus loin encore, on s’est demandé si ces facteurs psychologiques
pouvaient prévoir, enfin être prédictifs plutôt de niveau de plaque. Alors ça, c’est ce qui a été décrit,
mais ce qui est aussi important finalement, c’est que les modifications des habitudes pour les patients,
du comportement des patients en fonction du stress. Et vous savez et c’est déjà démontré que le stress
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fait que souvent les patients vont avoir plus d’autres facteurs de risque de la maladie parodontale,
comme la consommation de tabac, des addictions, l’alcool et on va y revenir, des altérations du sommeil et des altérations de la nutrition. Et donc, ça aussi ça a été démontré. Alors d’autres études. Là, je
passe rapidement. D’autres plus intéressantes, cette fois ci, on va s’intéresser plus je dirais aux conséquences physiologiques de la maladie, c’est la suivante où en fait, on s’est rendu compte que chez …,
une étude intéressante, j’y reviendrais, où on a pris des étudiants en période d’examen ou en vacances. Et où on a regardé un petit peu les phénomènes de cicatrisation. Et vous vous rendez compte que
finalement, on a montré que la cicatrisation était largement altérée avec surtout et je vais revenir là-dessus, sur une nette diminution de la production interleukine 1. Alors ça, à la limite, ça ne va pas vraiment
avec le sens de ce que vous avez déjà entendu sur la maladie parodontale et l’interleukine 1. En allant
un petit peu plus loin, je vais passer cette étude puisque l’on m’a donné pour mission d’aller vite pour
rattraper un peu le retard. Cette étude a comparé les degrés d’atteinte de maladie parodontale avec les
facteurs de stress. Pour se rendre compte en fait que l’atteinte, le degré de perte d’attache était plutôt
associé avec une atteinte modérée de la destruction osseuse. Et ça, c’est aussi quelque chose que je
vais essayer de vous expliquer dans quelques instants.
Alors après, on s’intéresse bien sûr au stress avec le suivi du traitement. Est-ce que ça influence le traitement le fait d’avoir des patients qui ont un stress plus important ? Et vous voyez qu’en effet, on
retrouve une perte d’attache plus importante quand les patients ont du stress à partir d’une même thérapeutique parodontale. Alors je vais passer rapidement là-dessus, mais c’est vrai que donc à partir
d’évènements d’induction de stress, vous avez ici une des échelles qui ont étudié je dirais séparément
les tracas quotidiens, d’autres les évènements majeurs de la vie et l’aspect parodontal. Il y a rarement
des études qui essayent d’associer les deux. Et vous avez bien sûr une réaction du stress avec des
manifestations qui vont être physiologiques, biologiques et comportementales. Et c’est ce que je vais
essayer de faire maintenant, essayer de vous expliquer en quoi ces manifestations biologiques, physiologiques et comportementales vont influer sur la maladie parodontale. Alors le facteur central, c’est
l’adaptation bien sûr, en fonction de l’adaptation, mais ça vous le savez. La réponse au stress va être
différente. Je passe sur ces réponses. Ce que je veux vous montrer d’emblée, c’est qu’en fonction des
ces différents agents stressants et en fonction de l’adaptation du patient, vous avez d’emblée une
modification du comportement du patient. Et les modifications comportementales du patient, vous
voyez, c’est une altération de son hygiène bucco-dentaire, c’est une consommation d’alcool, de tabac
augmentée, des altérations du sommeil et de là, on va retrouver des possibilités de bruxisme également
et un problème de nutrition. Donc déjà ces facteurs là qui sont tous des facteurs de risque de la maladie parodontale peuvent expliquer une augmentation de l’atteinte parodontale chez les malades. Et à
côté de ça, vous avez les fameux axes que vous avez et que vous connaissez maintenant. Le premier,
donc cet axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien avec la production de cortisol, l’augmentation
accrue de la production de cortisol qui est une réponse de défense. Je pense qu’on vous l’a dit, mais
j’insiste vraiment là-dessus. C’est l’organisme qui répond par cette voie avec au niveau immunitaire une
réaction anti-inflammatoire, c'est-à-dire qu’on a une augmentation du taux de glucose dans le sang,
donc là les manifestations du diabète, vous savez que la maladie parodontale peut être considérée
comme la sixième complication du diabète. Mais vous avez surtout une altération des cytokines. Et l’organisme, en effet, a même prévu, quand il y a une production importante d’interleukine 1, l’interleukine
1 est le TNF _ qui sont des cytokines pro-inflammatoires vont activer cette voie pour réguler la production d’interleukine 1 et de TNF _. Ca veut dire que ce je suis en train de vous dire, à la limite, ça peut
perturber, c'est-à-dire pour comment en fait, vous l’avez vu tout à l’heure en ayant moins d’interleukine
1, on peut avoir une maladie parodontale plus avancée parce que je sais que dans l’assistance, il y en
a qui sont sous le dogme du polymorphisme génétique de l’interleukine 1 et à qui on a dit « Ouh la la
la ! Un patient qui a de l’interleukine 1, attention maladie parodontale plus agressive, etc. » Alors, je vais
essayer de vous démontrer le contraire à partir des expériences personnelles.
A savoir que, ce qu’il faut savoir en effet, c’est que dès qu’il y a un mécanisme pathogène qui est
enclenché dans notre organisme, notre organisme va produire de l’interleukine 1 et du TNF _. Et s’il n’y
a pas de production d’interleukine 1 et de TNF _, la réaction inflammatoire ne peut pas se faire. Et donc
il faut bien comprendre que c’est indispensable. Et d’ailleurs, j’ai essayé de comprendre ce qu’il se passait si on inhibait le TNF _ chez des patients qui ont une maladie parodontale. Pour ça, je vois que la
diapo ne passe pas ! J’ai essayé d’observer ce qu’il se passait chez des patients qui ont une polyarthrite rhumatoïde. Ces patients, vous ne le savez peut-être pas, en fait, ils ont des manifestations de
destruction du cartilage osseux avec une similitude dans les phénomènes pathogéniques qui sont très
proches de la maladie parodontale. Et vous voyez que les facteurs immunitaires impliqués sont les
mêmes avec une destruction de l’os alvéolaire dans la maladie parodontale, l’interface os – cartilage et
vous voyez que les cytokines impliquées sont les mêmes. Et d’ailleurs, a été proposé et a révolutionné
je dirais la thérapeutique de ces malades, c’est les traitements par anticorps anti- TNF _. Vraiment, il y
a un souci avec la projection ! Ce n’est pas grave. C'est-à-dire que ces traitements par anticorps antiTNF _ ont permis d’améliorer considérablement et en révolutionnant le traitement de ces malades avec
des améliorations notamment au niveau osseux. Sauf que le problème, c’est que ces anticorps antiTNF _, pour ceux qui le savent, c’est que c’est 18 000 ¤ par patient et par an. Donc il était hors de ques tion d’envisager de traiter par anti TNF une maladie parodontale.
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Alors, ce que j’ai fait. Là, ça commence à faire beaucoup. Bref. Je suis parti de deux groupes de
patients. Un groupe de patient qui a été traité plus de 20 cures par anticorps anti-TNF _ et j’ai comparé
des polyarthrites non traitées encore par anti-TNF _. Ce que l’on observe, c’est que (voilà), c’est que
finalement quand on inhibe le TNF _ et que l’on regarde le statut parodontal de ces patients, ce que
vous voyez, là le groupe traité depuis très longtemps, vous voyez que l’inflammation qui se caractérise
par une augmentation de l’inflammation gingivale et l’indice de saignement est augmenté chez ces
patients. Donc quand on inhibe le TNF _, on augmente l’inflammation et au contraire, il n’y a pas d’augmentation de la destruction osseuse. Et c’est aussi vrai chez 9 patients que j’ai pu suivre au début non
traités et après 9 cures et vous voyez que les indices d’inflammation augmentent au niveau de la maladie parodontale, alors que le niveau osseux est amélioré comme ce qui s’observe dans la polyarthrite.
Donc finalement, au niveau de l’interleukine 1, vous comprenez mieux que la réaction au stress qui
inhibe l’interleukine 1 peut être responsable d’une exacerbation de la maladie parodontale.
La deuxième voie, la voie que vous connaissez aussi Flight of Light, c’est un petit peu la voie que j’ai
pu observer hier à la soirée de gala. Quand la musique s’est mise en marche, il y avait soit danse, soit
fuite. Je crois que c’est un peu ça les mouvements de foule que j’ai pu observer. En tout cas, on aboutit à la production d’adrénaline, de noradrénaline et là aussi, ça va avoir des répercussions au niveau
des cellules de l’immunité, mais également vous allez voir au niveau des bactéries. Ca, c’est très intéressant. Donc, je passe sur cette diapo justement pour vous montrer ce qu’il se passe au niveau de
l’axe sympathique. Donc l’adrénaline, la noradrénaline favorisent la vasoconstriction, l’hypoxie et on sait
que dans un processus de cicatrisation, l’oxygène est important puisqu’il va favoriser l’angiogénèse, il
va favoriser la réparation du collagène et ça influe aussi sur la xérostomie. Alors j’ai juste une petite
remarque à faire là-dessus. Voyez, j’ai la bouche sèche. Ca veut dire qu’en période de stress, on a la
bouche sèche. Et quand on dose le cortisol, certes il y a des variations circadiennes, mais si à mon avis,
on ne fait pas en même temps un dosage du débit salivaire, par l’expérience, je travaille beaucoup sur
le syndrome de Sjögren, je sais que toutes les protéines et les molécules de la salive sont augmentées
dans le cas de sécheresse buccale. Donc s’il n’y a pas à mon avis de dosage de débit salivaire associé à ces mesures de cortisol, on ne peut pas interpréter comme il faudrait.
Je reviens à cette notion qui est extrêmement intéressante. A savoir que l’adrénaline, la noradrénaline
peut être utilisées comme substrat par les bactéries. Donc, on se rend compte que chez les EColli, vous
voyez qu’en présence de noradrénaline, d’adrénaline, il y a une poussée, une croissance bactérienne.
Et quand on regarde les différents complexes aux niveaux parodontaux qui ont été mis à l’honneur par
Sokransky avec les complexes rouges, agressifs, orange, jaune, etc. Je ne vais pas détailler aujourd’hui.
Vous voyez que l’on a en fonction des doses d’adrénaline et de noradrénaline, des modifications extrêmement importantes, avec des croissances qui peuvent atteindre 143 % d’une espèce bactérienne.
Donc le stress peut induire par le biais de l’adrénaline en servant de substrat des modifications au
niveau de la constitution de la flore pathogène au niveau parodontal.
Les autres mécanismes, vous le savez, vous l’avez vu. Là, je pense qu’en effet sur des patients à qui
on a fait une biopsie palatine et à qui on a dosé le cortisol, on se rend compte que finalement, quand
le cortisol est élevé, la cicatrisation est plus lente. Donc ça, c’est observé. En ce qui concerne les cellules immunitaires, quelques mots. On a vu qu’il y avait une altération des polynucléaires. On montre
également qu’il y a une altération de l’activité des cellules NK, donc des cellules qui sont capables de
répondre là aussi rapidement, sans stimulation par le biais du système HLA. Donc là encore des défenses, je dirais, non spécifiques d’antigène et à côté de ça, il y a aussi par le biais du stress une altération des voies je dirais de distribution des lymphocytes T. Alors ça va devenir peut-être un petit peu
compliqué, mais vous savez et pour aller vite qu’on a en gros quand les lymphocytes T sont activés
deux voies : la voie TH1 qui est cytotoxique, qui est une voie de défense rapide des pathogènes et une
voie TH2 qui va favoriser la production d’anticorps. Et on sait qu’au niveau parodontal, la voie TH1 est
assez salutaire alors que la voie TH2, mais là ça implique justement un stress plus chronique, va être
en fait activée et être plus délétère au bout d’un certain temps. Et là, sur une étude chez l’animal, vous
voyez que l’on a deux groupes d’animaux. Des animaux où l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien
est hyperactif, qui produisent massivement du cortisol et un groupe contrôle où là le cortisol n’est pas
produit en grande quantité. Vous voyez que l’atteinte au niveau de l’os, au niveau des radios aussi lorsque l’on réalise cette petite ligature qui permet de mimer la maladie parodontale, est plus importante et
on se rend compte que les cytokines produites sont plus des cytokines de type TH2, donc on oriente
plus par le biais de ce stress une réponse de type TH2, délétère au niveau parodontal. Enfin, il n’était
pas évident finalement de trouver des modèles d’animaux qui reproduisent la maladie parodontale. J’en
ai trouvé un que je trouve assez intéressant chez le rat où là aussi ils réalisent des ligatures, mais où le
stress est réalisé en mettant l’animal sur une sorte de grillage en nylon où il est laissé pendant une longue période de temps et vous voyez que finalement, ils regardent aussi par le biais des ligatures l’atteinte parodontale. Ils observent ce que l’on voyait tout à l’heure, l’augmentation du niveau de glucose
dans le sang, l’augmentation des hormones comme l’ACTH et les corticoïdes et l’augmentation de
l’adrénaline chez le groupe stressé. Et ce qui est intéressant, c’est que vous voyez finalement le niveau
des furcations. Là, on a ici les molaires de ces rats. Un rat non stressé, un rat qui est non stressé à qui
on a mis une ligature pour induire la maladie parodontale. Voyez que le niveau osseux est un peu altéré.
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Et on ne retrouve plus du tout comme vous le voyez ici l’os alvéolaire quand le rat est stressé par rapport à l’animal contrôle. Je trouvais cette étude assez intéressante.
Rapidement, mais c’est vrai ce que je disais en introduction est vrai. Soit les études étudient les évènements majeurs de la vie et la maladie parodontale ou les tracas quotidiens et la maladie parodontale.
Alors c’est vrai que la mort d’un conjoint, la perte d’emploi peuvent être des évènements, sont des évènements majeurs de la vie, mais les répercutions qui en résultent sont bien sûr là aussi une source de
tracas quotidiens.
Peu de clarté entre stress aigu, stress chronique et ça, c’est malheureux parce que comme vous l’avez
vu, le stress aigu est bénéfique pour l’organisme alors que le stress chronique va être délétère.
Et pour revenir à la paro, vous savez que souvent les patients quand ils viennent vous voir, il y a trois
types de patients. Les patients qui ont peur, qui ont vraiment une crainte de perdre leurs dents. Et ceux
là, à la limite, et bien il va falloir les rassurer. Donc ils sont déjà dans un stress important. Il va falloir les
rassurer. Et c’est souvent ceux là que l’on arrivera le mieux à motiver. Il ne faut pas oublier qu’au niveau
parodontal, la motivation est le principal objectif que l’on va se donner avant si on veut réussir une thérapeutique. A côté de ça, vous avez des patients indifférents. Alors là, il va falloir creuser. Est-ce que le
patient est indifférent, passif parce qu’il est dans un état de stress avancé ? Quel est son degré de
stress ? L’interrogatoire est extrêmement important. La demande focalisée étant un groupe vraiment à
part où là le patient va vraiment vouloir qu’on lui réponde à un objectif très précis, pris en charge, etc.
Enfin bon, je passe.
Ce que je vous ai dit tout à l’heure et je vais finir rapidement avec ça. C’est que, est ce qu’il y a une
incidence du stress dans la thérapeutique ultérieure ? Manifestation oui. Les études que j’ai trouvées
montrent qu’il y a une perte d’attache plus importante avec une même thérapeutique parodontale
quand il y a un stress établi.
Enfin, un mot pour faire plaisir à José sur le bruxisme et maladie parodontale. J’étais obligé. Et là, je
vous invite à aller regarder le poster de Vincent Berthelot où il montre très nettement en prenant uniquement 256 dents, en regardant leur statut, leur atteinte parodontale forte, il montre que le facteur occlusal lié à un bruxisme, donc des facettes d’usure très marquées, est associé avec un niveau d’atteinte
parodontale beaucoup plus important.
Et voilà pour finir un schéma qui a été réalisé par le Dr Miasaki sur la guerre des étoiles parodontale.
Vous voyez qu’ici toutes les bactéries avec le stress en plus sont là pour essayer de rompre les défenses de notre organisme. De ce que je peux vous souhaiter, c’est que la force soit avec vous.
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Pr Roger ROBERT
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Neuro-antomie fonctionnelle
des voies du stress, de l'émotion
et de la douleur.
J’aime la neuroanatomie, j’aime la neuroanatomie fonctionnelle et c’est évidement d’elle que je vais
essayer de parler aujourd’hui.
A titre d’introduction, le stress semble venir du latin stringuere. Stringuere qui veut dire en fait mettre en
tension, j’allais dire bander, mais on n’en ai pas encore là et le stress entraîne plutôt une débandade
qu’une érection farouche. En tout cas, le stress vient d’un mot étrange qui est emprunté à la métallurgie : stresslock. La première fois que les anglo saxons ont utilisé ce terme là, c’était pour mettre en
contrainte les métaux et réaliser éventuellement une rupture. Alors bien entendu dans le langage courant, il est devenu quelque chose qui est un peu confus. D’abord, c’est un terme galvaudé, on stresse
à tout bout de champ, pour n’importe quoi et puis dans le stress, il y a des éléments, ça a été dit en
introduction, mais vous y reviendrez sûrement dans vos journées, comme les éléments positifs. C’est
le stress ou le youstress en anglo saxon. Et puis des fois, ça ne va pas très bien, ça devient un stress
délétère, dileterstress dans les deux langues.
Est-ce que le stress est un mal nécessaire ? Il est sûrement aussi nécessaire que la douleur, il est aussi
nécessaire que l’émotion, d’ailleurs il est nécessaire à l’émotion et c’est pourquoi Céline a proposé ce
titre, je n’ai pas eu mon mot à dire, vous savez comment elle est. On va mélanger un peu le stress, douleur et dysfonctions, mais tous ces circuits sont les mêmes et on placera de temps à autre les publications sur ces différents thèmes, afin de comprendre tout sur le stress.
Alors après avoir placé en introduction ces quelques mots sur le stress, on va voir comment globalement l’affaire fonctionne. Alors, c’est très bien, je vais commencer par une approche neurophysiologique ce que je ne suis pas du tout habitué à faire, en réalisant des cubes comme ça, des espèces de
rectangle, en mettant des mots dedans et puis des flèches. C’est comme ça que fonctionnent les collègues neurophysiologistes, que je respecte au demeurant.
Alors, pour déclencher le stress, il faut un stimulus. Un stimulus, mais on va appeler ça en anatomie,
des afférences, c'est-à-dire quelque chose qui va déterminer une action dans le système nerveux, donc
en tous les cas qui va informer le système nerveux central de quelque chose.
Ce stimulus peut résumer le stress. Et d’ailleurs dans la définition du stress au sens strict, le stress est
un agent qui va induire une réaction sur l’agent responsable, c'est-à-dire ce stimulus. Il faut vraiment
amalgamer deux notions, le syndrome général d’adaptation qui est en fait la réponse au stress et qui y
contribue, qui fait parti du stress. C'est-à-dire que si le stress ne se résumait qu’au stimulus, je pose
ma feuille et je m’en vais. Dans ce stimulus, il y a quoi ? Essentiellement les organes des sens, mais il
y a également le feeling, les émotions, le circuit de Papès que l’on va voir tout à l’heure et puis notre
néocortex qui fonctionne quand même en permanence par le biais de notre pensée qui est plus ou
moins gouvernable. Donc le stress, je vais mettre ensemble le stress et sa réponse, c'est-à-dire le syndrome général de l’adaptation au stress.
Ce qui va être important, ce sont les organes des sens. J’en prendrais un exemple plus tard. Un stimulus donné va effectivement répercuter son information sur le système nerveux central et on va le mettre dans ce cube comme ceci. Le système nerveux central dont on verra quand même quelques détails
tout à l’heure. Ce système nerveux central peut induire d’ailleurs l’image de stimulus qui va entraîner un
certain nombre de réaction. Le plan de mon exposé sera celui là. Ces types de réaction vont être
d’abord somatiques. L’expression, le mime du stress, ensuite ça va être essentiellement des réponses
qui participeront au fonctionnement du système nerveux autonome, qui vont s’exprimer par le système
nerveux autonome. Mais surtout, le stress va induire également la notion de vécu conscient du stress,
en fait le phénomène, j’allais dire du ressenti. Le ressenti du stress, c'est-à-dire ce que l’organisme va
tirer de cette impression de stress, en positif ou en négatif.
Alors toujours en introduction, l’introduction sera longue. Ce n’est pas mon habitude d’anatomiste, mais
là le sujet s’y prête. On va voir un à un, comment les gens ont travaillé dessus et comment il m’est venu
l’idée de faire finalement ce plan qui va de soit ?
On va prendre un exemple très simple que j’emprunte à Dubois qui est un ostéopathe qui a écrit un
bouquin assez récent dont je vous conseille la lecture. Il est assez facile à lire puisque je l’ai lu et puis
il traite de trucs intéressants que je ne connaissais pas. Alors il commence comme ça, vous allez voir
que l’on va retrouver un petit peu ce schéma. Voilà, vous êtes en bras de chemise et vous avez une sensation plutôt agréable sur l’avant-bras gauche si vous être un peu pileux. Alors, ça gratouille, enfin ça
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fait quelque chose. Je ressens quelque chose, ça n’est pas encore désagréable, mais vous allez voir,
ça le devenir parce l’organe des sens qui est le sens du tact va être d’abord positif. Puis je regarde,
c’est une guêpe. C’est une guêpe, c'est-à-dire que la vision va apporter un second stimulus qui est,
j’allais dire, opposé au premier. Le premier, ce n’était pas trop mal. Le deuxième, c’est carrément l’horreur. Or, à partir de ce moment là, il y a un comportement, un comportement automatique, il est probable que je vais changer de faciès. Peut-être que je ne vais pas bouger, je ne vais pas bouger pour deux
choses. C’est que d’une part, je peut être pétrifié par le stress et d’autre part, ma maman m’a dit quand
j’étais petit (à Brest d’ailleurs où j’ai vécu en 55-56) que quand une guêpe se posait sur votre avant-bras
ou ailleurs, on ne bougeait pas. Pour quelle raison ? Je n’en sais foutre rien, mais moi, j’ai écouté
d’abord ce que disait ma mère. Alors, on ne bouge plus. On ne bouge plus et le stress s’installe. On
peut éventuellement découvrir une sorte de sudation. Cette sudation, c’est cela. Donc on aura une
mimique, un comportement moteur et une sudation particulière. Alors la mimique, c’est l’expression du
visage du stress. C’est l’expression du visage, elle a fait l’objet de beaucoup de travaux et le premier
dans la littérature, je crois, à avoir publié dessus, il s’appelait Charles Lebrun et il était le peintre de Louis
XIV et en 1668, pas Rigaud celui qui a fait Louis XIV en costume d’apparat que l’on a dans nos bouquins d’histoire, mais son peintre préféré à lui.
Lebrun a fait une conférence sur les expressions du visage évidemment de façon magistrale. Et puis
Duschène de Boulogne qui est plus proche de nous et proche à tout point de vue, a fait également une
conférence en 1862 sur le nerf facial et son rôle dans l’expression. Le nerf facial, branchial moteur chez
l’être humain. Et puis enfin, Darwin l’incontournable, lui a étudié la configuration du visage du stress
dans plusieurs peuplades. Il a dit que le stress n’a pas de frontière. L’expression du stress a quelques
nuances culturelles près est partout le même. C'est-à-dire que les systèmes nerveux vont réagir au
stress d’une façon adaptée, bien entendu, c’est la sélection de Darwin.
Alors à côté de ces notions de visage, on pourrait aussi faire les bases anatomiques du cri du stress
puisque finalement, il va y avoir un langage particulier au stress. Eventuellement, suite à un stress, il
peut apparaitre une inhibition expliquant un mutisme lié au stress. A côté de ça, il y a effectivement le
système nerveux autonome. Alors, deux exemples, je parlais de cette sudation quand on commence à
avoir peur. La peur est un stress. La guêpe est toujours là, je vous le rappelle, sur mon avant-bras et je
commence à suer un petit peu. Mais je ne sue pas de n’importe où, j’ai eu en fait une hyper sudation
palmo plantaire. Et jamais quand il fait chaud, je ne sue spécifiquement de mes mains, de la face palmaire de la main ou de la face plantaire de mes pieds qu’e réponse au stress. Ce sont les glandes sudoripares écrines qui sont pour une fois mises en action. Alors que les acocrines sont des règlements de
facteurs thermiques en permanence de façon adaptée pour les homéothermes que nous sommes.
Donc vous voyez là que le système nerveux végétatif sous l’induction du stress est très sélectif. Par
exemple, la peur qui est un stress va faire accélérer le rythme cardiaque, mais la colère qui est un stress
aussi. L’exposition à un stress va faire monter la pression artérielle et plus particulièrement la diastolique. Ca veut dire qu’à un stress donné, la réponse végétative va être extrêmement sélective. Nous en
reparlerons tout au long du discours. Et puis enfin, il y a ce ressenti. Ce ressenti, il a été étudié essentiellement par deux hommes. D’abord Mac Line et de façon concomitante par Papes. Tout le monde a
entendu parler de Papes, en 1937, il va définir ce que je vais dessiner là, c'est-à-dire son fameux circuit HMTC (Hypocorpo-mamillo-thalamo-cingulaire) auquel je rajoute un deuxième C pour cortical,
donc hypocorpo-mamillo-thalamo-cingulo-cortical. On verra tout ça tout à l’heure pourquoi cette notion
est importante. Papes a décrit ça en 1937. Parallèlement, Mac Line, qui est psychologue américain,
neuropsychologue, commence à monter son laboratoire qui s’achèvera avec Esdard en 72. Mac Line
lui travaille déjà sur le cerveau et le comportement. Il étudie le lézard vert anonis et le singe écureuil. A
partir de cela, il en déduit qu’il y a une théorie des trois cerveaux, ce qu’il appelait le triangle brain, qui
a été traduit par Chillot en français, vous pouvez peut-être trouver ça dans les bibliothèques. En tout
cas, Mac Line est largement publié, d’où on sait que l’on a un comportement de base qu’il va appeler
le complexe reptilien qui est fait de noyaux dicentraux. Il est fait essentiellement du mésencéphale également et peut-être du système olfactif en tant que paléo cortex. Ensuite, il a décrit un deuxième étage
à la fusée cérébrale qu’il a appelé l’élément paléo mammalien. Et là, c’est tout le cortex limbique. Tout
le cortex limbique, c'est-à-dire le circuit mamillothalamique, ce fabuleux faisceau décrit par Victasir que
je reprendrais tout à l’heure avec plaisir. Et puis enfin, il a dit pour coiffer le tout, il y a l’homocortex, le
cortex extrêmement humain, le nec plus ultra qui lui, alors que le cortex de mammalien lui faisait rentrer dans l’empathie, c'est-à-dire la sympathie pour les autres et la compréhension du stress des autres
car le stress est un message. Et bien le néocortex, lui, contrairement à ce qu’on croit, est un être antisocial ou un dupe, il nous fait des duperies en permanence et ce néocortex est un ordinal none froid
qui ne travaille qu’en égoïste, pour lui-même. On va essayer de l’expliquer au cours de la conférence
tout à l’heure.
Alors, c’est intéressant, on a un reptile en nous (le voici), qui dit que finalement le comportement est
standardisé. C’est vrai que face au stress, tout le monde va dire : « une guêpe, une guêpe ». Le visage
se fige. Où je vais avec cette guêpe ? Alors c’est bien que je vais au bout d’un moment et bien taper
dessus. Taper dessus parce que j’en ai marre de stresser et la bête va tomber, si je suis adroit. Si non,
elle me pique, enfin peu importe. On va prendre la solution où je gagne, ça m’arrange. Elle tombe par
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terre et de rage, je mets mon pied dessus, je l’écrase et là, je me retourne comme un torero. J’ai vaincu
le stress. Donc je suis devenu quelqu’un d’extrêmement important pour moi quelques secondes et
peut-être pour ceux qui m’entourent car moi, j’ai vaincu le loup. C'est-à-dire qu’il y a là dedans un état
phase qui est l’état reptilien, puis un état pas néo mammalien, tout le monde me regarde en se disant
« putain, le pauvre. Il va mourir peut-être ».. Si on meurt d’une piqûre de guêpe, remarquez, ça ferait un
poste à la fac, mais c’est toujours embêtant pour moi, et puis enfin, il y a le néocortex qui dit « mais
moi, je suis plus forts que tous ces trucs là, j’ai vaincu, donc je suis définitivement le plus beau ». Je le
savais mais ce qui est fort, je ne le savais pas. Donc vous voyez qu’il y a une escalade dans le comportement qui va faire intervenir différents étages de la fusée cérébrale.
En 1939, quand les armées hitlériennes déferlaient sur l’Europe, deux hommes se rencontraient à New
York. Et ces deux là préparaient l’avenir. En effet, Mac Line s’est déplacé pour voir Papes. Il venait de
lire le circuit et il a dit « Monsieur Papes, je peux vous apporter la vérité expérimentale » et tous les deux
ont acquiescé en disant « le circuit de Papes est un bout de circuit ».
Alors, je sais que c’est un circuit extrêmement réducteur, mais je voudrais partir de là parce que
d’abord, je suis un provocateur et puis pour une fois qu’un américain fait quelque chose d’exceptionnelle, je me devais quand même de vous le présenter.
D’abord le circuit de Papes, tout le monde connaît bien ça, voici la partie du crâne, voici l’avant ici ou
la partie dorsale et la partie crâniale et je vais faire une coupe sagittale de l’encéphale avec ici la principale commissure blanche inter hémisphérique que l’on appelle le corps calleux avec ici une commissure que l’on appelle la commissure blanche ventrale, avec ici le petit décroché pour le casque optique
et en dessous l’hypophyse. L’hypophyse postérieure, antérieure et là un tubercule, qui est le tubercule
mammimaire, du noyau mammimaire de l’hypothalamus et en arrière, nous retrouvons bien sûr les trois
étages de la fusée du tronc cérébral puisque tout est ternaire dans le système nerveux central.
Voici là, l’ombre du thalamus, je vais représenter ici en section une partie du fornix ou trigone. Pour votre
éducation personnelle, fornix, ça veut dire la colonne, la voûte en latin et les péripatéticiennes étaient
souvent sous les voûtes. Alors quand on allait voir ces dames, on allait sous les voûtes, on allait forniquer d’où l’étymologie de ce mot. Toujours est-il que voici le thalamus, nous allons placer derrière, et
bien l’épiphyse avec ici un petit ganglion sur lequel je reviendrais qui est le ganglion de la médula. En
dessous, mais ça ne nous intéresse moins, aussi le tectum du mésencéphale, le cervelet qui est là, mais
encore une fois ces choses ne nous intéresse pas, on va s’en tenir à l’essentiel. Je représente ici très
schématiquement le relief du pôle frontal et ici du lobe temporal à qui j’avais laissé une grande place.
Dans ce lobe temporal, je vais faire partir tout d’abord l’hippocampe ventral, à la seule partie vraiment
réellement restante de cet archi cortex de Delmas, hippocampe ventral qui représente bien sûr d’une
part cet archi cortex à trois couches que tout le monde connaît, l’alvéus, le subiculum, puis la propagation par la fablia de cet influx nerveux via le fornix jusqu’au tubercule mamimaire. Voici un des éléments du circuit de Papes, je vais y revenir sur le mode fonctionnel. Ce circuit, il commence tout
d’abord par des afférences. Ces afférences sont essentiellement néocorticales, préfrontales, temporales mais également de tous les cortex et je ne vais pas surcharger le schéma. Bref, cet hippocampe qui
est le pôle récepteur puisqu’on va faire bientôt les cortex limbiques, cet hippocampe va effectivement
recevoir des impressions essentiellement corticales. C'est-à-dire essentiellement de la conscience car
pour avoir un stress, il faut avoir la conscience du stress et l’information stressante va devenir rapidement connue parce qu’elle émarge, elle provient en fait des cortex qui sont les niveaux de conscience
absolue. Ensuite, cette information est donc portée par le premier neurone du circuit de Papes, hippocampo-mammimaire. Je reviendrais sur le tubercule mammimaire qui est un noyau postérieur de l’hypothalamus tout à l’heure. Ce tubercule mammimaire joue un rôle important dans l’affaire mnésique et
la projection se fait au niveau du noyau antérieur du thalamus, noyau antérieur du thalamus qui joie un
rôle dans les phénomènes mnésiques, HMT.
Ensuite, tout autour du corps calleux, Broca avait déjà décrit son système limbique. Alors, on va mettre un bémol à l’enthousiasme américain que j’ai eu. Tous ces gens là ont piqué leurs travaux sur les
nôtres, sur le grand Broca qui était quand même de chez nous et avait déjà tout écrit. Le problème, c’est
qu’il n’a pas su s’en vanter, c’est un autre problème, il est arrivé un peu plus tôt que les autres, il est
vrai. Quoi qu’il en soit, honneur à Broca qui avait effectivement déjà tout décrit sur cet état, mais qui
était né de ce côté de l’Atlantique.
Toujours est il qu’ensuite la projection va se faire sur le grand lobe limbique de Broca, le gyrus cingulaire et à partir de là, effectivement, s’arrête le classique circuit HMTC (Hippocampo-mamillo-thalamocingulaire). Le problème étant que ce circuit qui est celui de l’émotion et de la douleur, mérite d’être
stocké. Une mémorisation d’un phénomène ne peut pas se priver et maintenant le petScan et l’IRM
fonctionnelle nous montre bien une spécialité de telle ou telle partie d’un lobe hémisphérique. Alors par
exemple, la mémoire visuelle doit partir de là, projeter bien évidemment dans le cortex occipital, la
mémoire, j’allais dire affective, dans le cortex préfrontal, la mémoire auditive dans le cortex temporal,
etc. C’est donc le stockage mnésique est en partie cortical. Les anatomistes l’avaient pressentit, de
nombreux radiologues nous en ont convaincus.
Alors de ce circuit HMTC, que faut-il retenir ? Il est très réducteur en sachant que tous les organes des
sens et également les idées qu’induit le stress. Il peut être complètement idéologique. Vous pouvez fort
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bien imaginer que votre fils, fille, petit fils, petite fille traverse la route sans regarder. Tout le monde voit
l’image de gamin auquel on tient tant, écrasé par la voiture. Je me fais un stress en pensant à ça, mais
on l’a tous fait. On voit sa gamine sur la balançoire, ça y est, elle va tomber, elle va être tétraplégique
comme celle que j’ai opéré la semaine dernière, etc. Je veux dire que le stress, on peut se le créer en
permanence. C’est l’auto suggestion du stress, c'est-à-dire que effectivement ce circuit de Papes, il est
extrêmement facile de le compléter dans ces afférences. Et puis dans ces efférences, c’est facile aussi
puisque ce sont les stockages mnésiques corticaux, alors vous voyez bien que mémoire, émotion, douleur, parce qu’il y va avoir la notion de la douleur, le stress, et bien tous ces circuits sont les mêmes et
le plan était bon.
On va jeter maintenant un certain nombre de zoom sur ces différentes structures et je vais commencer
ici par la structure préfrontale. Alors ici donc, mise en place du cortex préfrontal. Le cortex préfrontal,
je vous rappelle que sur un cerveau en vue latérale et je vous ferai l’offense simplement pour ceux un
peu plus jeune qui n’auraient pas fait de neuroanatomie de vous rappeler la fissure latérale, la fissure
centrale et de diviser ce lobe frontal en d’abord , le clavier moteur décrit par Penfield et surtout par son
élève Rasmussen, l’homme clavier moteur par excellence, R4 de Browman et puis devant une
deuxième partie que l’on va appeler le cortex pré moteur, les R6, 8, 0 etc. de l’occulocéphalogérie que
je me ferai un plaisir de parler un jour si on m’en donne l’occasion. Et puis devant à ce niveau là et bien,
bien sûr le cortex préfrontal qui nous intéresse par-dessus tout avec ces nomenclatures F1, F2, F3 et
c’est ce cortex préfrontal qui va être évidemment la vedette aujourd’hui. Parce qu’il est je pense le rétroviseur de l’homme, il est le cortex qui va éviter un certain nombre de catastrophe. On va voir à quoi il
sert en faisant une coupe frontale comme ceci et on va regarder par exemple un cortex préfrontal droit.
Ce cortex préfrontal droit, voici donc le haut et la partie latérale droite ici, il va se présenter de la façon
suivante. On lui décrit tout d’abord une partie qui va être latérale. Voilà F1, voilà F2, voilà F3. F1, F2, F3,
c’est la partie latérale de ce lobe frontale. A quoi sert-elle ? Et bien globalement, elle sert à la programmation de l’acte moteur. C'est-à-dire à ce niveau là, que ce schéma moteur avec ces aires associatives
préfrontal, avant que le geste moteur volontaire ne démarre, il faut bien les analyser. Ca va se faire dans
les noyaux gris, ça va se faire également dans le cortex préfrontal.
Ici, nous sommes dans la fissure inter hémisphérique et on va découvrir à ce niveau là, et bien un cortex qui sert à l’initiation du mouvement, une fois que le mouvement ait été façonné dans le temps, dans
l’espace et bien il faut bien agir et le mouvement sera déclenché en quelque sorte par cette partie
médiale. Je vous rappelle qu’à ce niveau là, nous aurions bien sûr l’information du cerveau qui s’intercale entre ces hémisphères et un peu plus en arrière le corps calleux. Et puis là, c’est la partie supra
orbitaire du lobe frontal. A quoi sert-elle ? Et bien à inhiber un certain nombre de comportement. Par
exemple, s’il y a des femmes qui éventuellement me plairaient dans ce public et bien mon cortex frontal va faire qu’je ne vais pas leur montrer mon sexe immédiatement. Alors que l’objectif du système nerveux, c’est la reproduction. C'est-à-dire une grande partie de notre néocortex va dire que l’on ne va pas
faire un certain nombre d’action que la morale réprouve. C’est un être social, alors il est un petit peu
ambigu. C’est lui qui va nous faire payer le restaurant, puis le cinéma, puis le dernier verre qu’elle va
refuser. Tout ça pourquoi ? On a perdu une soirée et pour rien. Alors que si on s’était contenté de […],
on faisait ça plus vite. Et bien entendu sans savoir le prénom.
Je veux dire que le cortex limbique et le noyau n’ont pas de temps à perdre, ils passent à la pratique.
On le verra avec l’hypothalamus. Et lui, il va nous inhiber, mais quand il est détruit, tout change. Et il
peut être détruit, il y a un exemple fabuleux dans la littérature que vous connaissez sûrement qui est
celui de Fineas Gatge. Fineas Gatge qui est le malade du Dr Arlow. Il travaillait dans la Nouvelle
Angleterre, c’était le 13 juin 1876. Il était en train de faire une traversée de montagne pour un train. Et
Gatge qui était un type extrêmement apprécié par son équipe, il avait 25 ans, il était chef d’équipe, responsable des explosifs. Il avait un grand bout de ferraille, une tige de fer, il tassait, on va appeler ça de
la dynamite. A un moment donné, quelqu’un l’appelle. A ce moment là, il tourne la tête comme ceci, il
fait un faux mouvement, explosion et là, la barre de fer qui mesurait un mètre sur trois centimètres de
diamètre et qui pesait 5,8 kg entre sous son processus zygomatique et ressort en para sagittale pré
frontalement et vole à trente mètres. Ce qui montre bien qu’elle était chaude, il a fait son hémostase en
passant, il n’en est pas mort et il n’est pas mort d’abcès du cerveau puisque étant brûlante, elle a tué
les germes et qu’il n’a pas eu d’infection non plus. Gatge est tombé à genoux, il a regardé ses copains
en disant « il s’est passé quelque chose ». Les autres ont dit oui, effectivement. Et il a été hospitalisé
quelques temps, mais comme dit Arlow « je ne lui ai rien fait, il a guéri tout seul » sans quoi il était mort.
La neurochirurgie n’était pas encore inventée. Et puis, ce garçon là a survécu 13 ans. Il est mort d’une
crise commissale, mais en 13 ans, le Dr Arlow a fait la description du cerveau frontal. Du cerveau frontal avec cette désinhibition complète, désinhibition qui fait qu’il a un comportement de fureur et il était
absolument intraitable, lui qui était si doux et si respecté de son équipe. Il a du changer de métier et de
métier en métier, il est passé dans différents cirques qui aimaient exhiber les monstres et finalement, il
est mort misérable d’une crise d’épilepsie. Mais toute l’ataxi frontale décrit par Burns aussi, c’était la
labilité de la tension et de l’humeur, ces comportements de désinhibition avec des gestes que la morale
réprouve, une absence de programmation du geste moteur qui souvent est imprécis et bien tout est
détruit dans la fonction de ce lobe frontal qui bien sûr est un mode d’expression du stress comme on
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l’a dit tout à l’heure. Alors à côté de cela, il y a bien sûr le problème de la dominance hémisphérique. Il
y a un hémisphère droit et il y a un hémisphère gauche. Est-ce que ces hémisphères dans le stress et
dans notre comportement émotionnel sont égaux, complémentaires, opposés ? On a longtemps dit que
l’hémisphère gauche était dominant chez tous les droitiers et la plupart des gauchers. Or dominant, ça
ne veut rien dire. Ils sont complémentaires. On sait depuis fort longtemps que l’hémisphère droit est
plutôt pour la géométrie, pour les arts et que l’hémisphère gauche est plutôt pour les mathématiques
et les trucs, on dire un petit peu froids et peut-être pour certains rébarbatifs. Incontestablement, il y a
une complémentarité hémisphérique. Quand on détruit un hémisphère gauche, le malade est près d’un
sentiment de dépression. Quand on détruit un hémisphère droit et bien il est plutôt euphorique. Donc il
y a certainement une balance différente entre la droite et la gauche au niveau du comportement psychologique.
Alors bien entendu, à partir de ces constatations là, certains ont travaillé sur les comportements
humains. Et je citerai ici un monsieur qui s’appelle Nederman. Nederman qui n’est pas du tout des
nôtres. Il n’est ni médecin ni dentiste ni anatomiste. Il est ingénieur de formation et il a travaillé comme
embaucheur, chasseur de tête. Il était responsable de la sélection du personnel. Donc, il a pris un très
bon neuroanatomiste, j’ai lu son bouquin, il a des idées. Ca doit être un gars qui doit avoir sept couches de neurones. Finalement, celui-ci a dit qu’il y avait des possibilités : il y a le fornix de deuxième
commissure blanche inter hémisphérique inter hippocampale. Il y a l’amygdale. L’amygdale que l’on
peut replacer ici, ce noyau amygdalien qui est dans le lobe temporal dont je dirais un mot. Il y a ici des
noyaux qui n’appartiennent pas au septum, mais que l’on appelle des noyaux du septum, tout ça gravite au niveau de l’univers limbique et on sait très bien qu’il y aura des ascenseurs, des ascenseurs avec
le faisceau médian du télé encéphale, il y aura des possibilités de passage droit, gauche par exemple
par l’intermédiaire de la commissure blanche ventrale inter amygdalienne, par l’intermédiaire également
du fornix tourné des deux hippocampes, par l’intermédiaire du corps calleux pour les deux néocortex.
Donc sur le plan analytique, il reprend la théorie de Mac Line. Il dit « Mac Line a raison », mais là ou il
n’a pas raison, c’est qu’il ne se concentre pas sur le dernier étage de sa fusée, c'est-à-dire le néocortex. Or lui qui est chargé d’embaucher des gens à la bonne place et bien il va travailler sur le comportement. A partir d’expériences très intéressantes que je n’ai pas le temps de vous divulguer ici, il va
décrire (toujours dans cette coupe frontale) un comportement télencéphalique très particulier. Il va couper le cerveau frontal en quatre. Et il va dire ici, c’est le néocortex, néocortex gauche que l’on va appeler A. Ici, c’est le cortex limbique gauche, on va l’appelé B. Ici, c’est le cortex limbique droit, c’est C et
ici, c’est le néocortex télencéphalique droit, nous on va l’appeler D. Il va donc compartimenter son cerveau en quatre cadrans et donner à chaque cadran une fonction particulière. Il l’a fait avec des appareils. Il l’a fait tout d’abord avec des appareils EEG et puis il l’a fait au début avec des scanners et des
IRM. Puis, il a contrôlé le tout avec des IRM fonctionnelles et il y a manifestement des choses très intéressantes. Il dit par exemple que ceux qui fonctionnent de façon prioritaire, on sait bien qu’il y a un cerveau prioritaire de l’affectif. Ce n’est pas parce que l’on est droitier que l’hémisphère gauche va tout
faire. On a vu qu’il était doué dans un certain domaine, ce n’est pas lui qui joue de la musique par exemple. Il en joue un peu, mais il ne l’entend pas ou pas bien. Toujours est il que ceux qui ont de façon préférentielle, en tous les cas de façon automatique une habitude de travailler avec leur néocortex gauche
et bien, ce sont des sujets qui sont froids, ce sont des banquiers par exemple, il y a mis des noms sur
les professions, ce sont les mathématiciens purs et durs, ce sont des individus froids, des ordinateurs
qui ne pensent qu’à eux. On en connaît. Et puis, on en est peut-être. En B, ce n’est pas du tout ça. C’est
celui qui va vérifier les choses, c’est un scrupuleux, le type qui a un bureau pas comme le mien, il est
absolument rangé partout, qui va sans arrêt vérifier si ce qu’il a fait rentre bien dans les cases. Un vérificateur, ce sont bien sûr les assureurs, ce sont bien sûr les hommes de loi qui vont essayer de remonter, de voir si il y a jurisprudence parce qu’ils ne fonctionnent que comme ça. En C, et bien c’est ceux
qui vont faire don de leur être à tous ceux qui en ont besoin. Ils sont des altruistes qui vont donner leur
chemise et plus si affinités, de façon à imaginer que l’humanité est souffrante. Et puis, ce sont les infirmières, ce sont les gens de santé la plupart du temps, enfin certains. Et puis en D, ce sont les gens qui
ne voient que par le futur, qui vont vous dire « demain soir à Brest, je fais un concert avec les Beatles
», « mais malheureux, il y en a deux qui sont morts », « ça ne fait rien, je prendrais les Stones, ils sont
peut-être pris, mais on va se débrouiller. Demain soir, je fais le concert, 150 000 places. Où ? J’en sais
rien, mais je vais me débrouiller ». Donc des irréalistes, mais des gens qui font avancer le schmilblick
et l’idéal, c’est de travailler dans tous ces quatre cadrans. Alors, vous allez me dire, tout ça, on s’en fout
parce que sur le stress, le comportement va être très stéréotypé. Et je veux prendre un exemple que
Nederman cite dans son bouquin. Voilà quatre journalistes qui narrent par écrit le même accident.
L’accident est terrible, c’est un car scolaire qui vient de tomber dans un ravin. 25 gamins sont morts.
Pas de survivant. Alors les secours arrivent, les journalistes aussi. Les seconds avant les premiers et
commencent à prendre des notes et le lendemain matin, on lit dans les journaux. Journaliste A : « il était
normal qu’à cette vitesse dans une courbe à 30°, sur une dénivellation de tant, et bien l’énergie centrifuge propulse le car à 25 mètres dans le bas avec trois tonneaux, avec des petits corps dedans qui évidemment vont être secoués et puis qui sont morts. C’est logique ». Le B, il va dire : « on aurait pu quand
dû vérifier le niveau d’huile, la qualité des freins, l’usure des pneus et puis peut-être refaire la route de
façon plus ascendante à ce niveau là puisque ça aurait éviter ce type d’accident qui s’est déjà produit
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en 1923 sur une route voisine dans les mêmes conditions. Donc il fallait revoir et tenir compte du passé
». Le D va dire : « il est évident que si on avait équipé ce véhicule d’un certain nombre de témoins partout, le chauffeur aurait compris qu’à cette vitesse là, il ne pouvait pas prendre le virage et donc il aurait
ralenti et il n’y aurait pas eu d’accident ». Et puis le C dit : « des tôles ensanglantées qui sortaient des
petits corps déchiquetés et sur le bord du trottoir, les mères pleuraient dans leur mouchoir ». Et bien,
c’est effectivement quatre niveaux différents d’interprétations de quatre journalistes. Alors on pourrait
prendre l’exemple de la gestion financière. Le A bien entendu, il va tout mettre là où il peut pour investir, etc. Le B va dire « attention, je n’investis que si ça peut rapporter en faisant très attention à ce qu’il
s’est passé ». Le D va dire : « moi, je m’en fou, de tout façon j’investi, j’achète ma banque demain ». Et
puis le C va dire : « moi, je n’ai pas besoin de sous, je les donne à tout le monde ». Alors, on va tous
se reconnaître. On a tous un comportement qui est A, B, C ou D et ça, cela fait parti de la gestion également du stress et on comprend un petit peu plus.
Une fois que l’on a vu ces divisions corticales, on va revenir maintenant à l’hypothalamus.
L’hypothalamus, je vais me l’écrire comme Esse, c'est-à-dire je ne vais pas vous embêter avec les
noyaux para auriculaires, supra optiques ou para optiques qui nous ont tous ennuyé, moi qui m’ennuie
moins, mais je pense qu’ils ne servent pas à grand-chose.
On va faire l’hypothalamus comme Esse l’a décrit avec toujours ici la lame terminale avec ici la commissure blanche ventrale avec ici le décroché pour le casque optique, on va agrandir un petit peu cette
région avec ici bien sûr la glande hypophyse avec ici le tuberculemamillaire que j’agrandis et ici l’ombre du thalamus. On l’a vu tout à l’heure, je n’insiste pas. Je vous rappelle qu’Hervé Kuching qui était
un de mes ancêtres aux USA, un neurochirurgien, disait en parlant de l’hypothalamus, que c’est dans
cette zone archaïque du bas du cerveau que l’angle du pouce pourrait cacher, que se dissimule le ressort essentiel de la vie instinctive et affective que l’homme s’était efforcé de recouvrir sous un manteau
d’un cortex d’inhibition. Ca veut dire que la dedans, c’est un Vésuve comportemental et qui si on le
laisse faire, il va quand il a faim, manger ; rentrer dans la boulangerie, virer les grognasses qui sont
devant lui, piquer les gâteaux, se les mettre dans la poche et partir sans payer. Comme il sort et qu’il
voit encore une merveilleuse silhouette de vue postérieure, il ne s’embarrasse pas à la regarder par la
vue antérieure, il passe à l’acte immédiatement. Il travaille en symbiose avec les systèmes limbiques qui
sont inter dépendants et enfin le néocortex pour que l’on arrête ce bazar. Alors S a dit, mais écoutez,
tout est prévu dans l’hypothalamus et on va comprendre les différentes réactions au stress avec cette
compartimentation de S qui a stimulé l’hypothalamus postérieur de chats et qui s’est aperçu qu’ils
devenaient à ce moment là des tigres. Il se dit, il y a quelque chose qui se passe et je parierai disait il
que l’hypothalamus postérieur travaille sur le système noradrénergique.
Alors effectivement, il y a là des noyaux que l’on va appeler des noyaux trophotropes et ces noyaux trophotropes de l’hypothalamus antérieur se sont les noyaux de la faim et de la satiété. Mais c'est-à-dire
des noyaux qui vont dire quand tu as soif, tu bois, mais quand tu n’as pas soif, tu t’arrêtes. Alors que
le néocortex va payer la deuxième tournée, alors qu’on a déjà plus soif. Et que l’on passe devant un
café et que l’on a plus soif, on s’arrête prendre un pot. Ca, c’est néocortical. L’hypothalamus, il dit : j’ai
pas soif, je ne bois pas. Mais si j’ai soif, c’est tout de suite et bien sûr sans payer. Ca va de soit. Alors
on verra effectivement que le stress peut être une maladie chronique, qui peut même entraîner, mais
vous en parlerez mieux que moi, des déficiences immunologiques ou autres. Ce stress peut entraîner
des perturbations de comportement alimentaires. J’ai entendu parler qu’il y avait une conférence làdessus. C’est tout à fait plausible et vrai.
Alors le deuxième noyau, c’est le noyau hypophysiotrope que d’autres appellent glandulotrope, je
trouve que le terme est un peu lourd. Donc ce noyau hypophysiotrope ici, c’est le lieu de sécrétion de
toutes les releasing factors qui ont déversé leur produit dans l’axe hypothalamo-hypophysaire. Alors
bien entendu, c’est la réponse, j’allais dire secondaire au stress. Vous savez qu’il y a trois timings d’intervention du stress. Il y a d’abord la phase d’urgence, d’attaque au départ qui va être en fait modulée
par la surrénale, puis une phase qui va être un petit peu plus tardive qui sera menée par l’axe hypothalamo-hypophysaire. Et puis enfin, une phase tardive qui est l’épuisement. Et l’épuisement justement,
c’est en particulier la vidange de l’axe hypothalamique.
Alors ensuite, il y a le noyau ergotrope. Ce noyau ergotrope situé ici, on rentre dans les noyaux qui sont
plus énergétiques. Lui, cette énergie justement, c’est lui qui va me donner le comportement de base,
ce qu’un homme a appelé l’homéostasie. Alors vous savez que dans l’homéostasie, c'est-à-dire la
conservation des structures, j’allai dire autonomes ou biologiques normales, il y a des variations. Et ces
noyaux ergotropes sont de la dynamo et vont faire que de base, nous sommes parfois des petits
anxieux, des entreprenants qui font dix choses en même temps, qui travaillent pendant une heure sur
un dossier, pour aller dans un autre pays pendant un heure, pour revenir à Paris, … et pour tout recommencer. Je ne ferai allusion à aucun homme politique, mais voilà un hyperactif. Lui, il est ergotrope
extrêmement positif. Il y en a d’autres, on aurait pu prendre dans le jeu politique aussi et je ne citerai
personne, qui sont flegmatiques. Vous leur tapez sur l’épaule et le soir, ils vibrent encore, c’est le seul
mouvement qu’ils auront de la journée. Alors évidemment, on peut osciller entre ces deux structures.
Là aussi chacun bien entendu se reconnaîtra.
Et puis enfin, il y a ce noyau. Ce noyau qui est ici situé et qui est le noyau mnémotrope, le tubercule-
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mamillaire, on l’a évoqué tout à l’heure. Il est branché sur le circuit de Papes, mais c’est lui qui va effectivement sélectionner ce qui est bon de stocker en mémoire. Je vous rappelle qu’à partir du moment
où il est atteint, on aura des syndromes corsacoliens, c'est-à-dire on oublie au fur et à mesure.
Certainement il intervient dans la maladie d’Eizeimer ou autres démences.
Alors, on a vu les différents cortex avec leurs fonctions et leurs bases comportementales et on a compris que cet hypothalamus devait être caché par un cortex, mais globalement, il nous sert à quoi ? A
deux choses fondamentales, survivre soi même, noyau trophotrope se reproduira entre autre en noyau
hypophysiotrope puisque ça, il nous donne le dynamisme qui parfois nous permet de surmonter le
stress et enfin, la mémoire sans laquelle rien n’est possible, d’autant plus que la mémoire est couplée
dans le circuit de Papes à l’émotion.
Alors ensuite en trois, on ne va pas s’embarrasser sur le plan du schéma. Voici une petite amande que
l’on appelle amygdale pour cette raison là et cette amygdale qui a été particulièrement étudié par
Ekeuls, le prix Nobel de médecine ou l’homme de la synapse. Et bien Ekeuls a dit que dans l’amygdale,
il y avait en fait deux parties, une partie qui est baso-latérale que je vais faire ici en bleu plein et une
partie cortico médiale que l’on va garder en noir comme ceci et que ces deux parties étaient complémentaires voire opposées. L’amygdale est un lieu d’activation automatique des émotions buccales.
C’est un noyau qui vous intéresse à plus forte raison. Mais sur le plan comportemental, non seulement
elle est le centre de l’agressivité, la morsure par exemple, il est assez logique que lorsque l’on vous
agresse, on morde. Des femmes le font notamment, mais parce qu’elles n’ont que ça pour se défendre.
Les agresseurs sont de plus en plus musclés, donc elles ont raison, c’est le chemin qui compte, il faut
utiliser ses armes. Donc c’est un noyau qui est j’allais dire assez agressif. Mais en fait, cette partie
agressive, c’est cette partie corticale, cette partie cortico médiale. La partie baso latérale et bien, elle
va, elle, développer l’empathie. Elle va être plutôt la sphère du baiser ou de l’approche tendre sur le plan
faciale, elle va travailler avec le cortex insulaire et Ekeuls est assez rassurant, il a pesé le noyau amygdalien, il a considéré que ce noyau amygdalien allait effectivement, (j’aurai besoin d’un sujet musclé
pour redescendre le tableau), allait effectivement se développer dans ce sens là, plutôt que dans celui
là.
Enfin, et je vais terminer rapidement. Il y a (j’avais prévu d’autres schémas, mais le temps manque) les
noyaux du septum. Alors, on va refaire rapidement le septum. Je vous rappelle qu’ici, c’est le corps calleux, que les noyaux du septum sont ici. Je vais représenter simplement là l’épiphyse avec le ganglion
de la médulla, ici une équipe de tuberculesmamillaires, on va quand même un peu habiller cette affaire
là, et en dessous le tronc cérébral. Alors le tronc cérébral, il va être en fait le centre vers lequel vont diriger ces éléments. Les noyaux du septum que l’on a vu tout à l’heure situés ici, sont la voie efférente du
cortex limbique. Et pour y aller, deux façons. Soit au niveau de la médulla, la voie médullo-interpédoniculaire du faisceau de Todd Mindner dont vous avez entendu parlez jadis et projeter alors dans la formation réticulée. Soit. Ces structures se projettent directement dans le tuberculemamillaire et vont dans
le tronc cérébral sur les noyaux des nerfs crâniens. C’est le classique faisceau de mamillo-técantal de
Quiden. Ca veut dire quoi ? Et bien que les expressions limbiques vont effectivement, je ne les vous
ferai pas, mais peu importe le détaille de la réticulée du nerf crânien. Ces éléments limbiques vont aller
sur les noyaux des nerfs crâniens par exemple sur le faisceau de Quiden et donnera à la fois puisque
tout est synchrone, le masque dit du stress, par exemple du stress négatif et en même temps les pleurs.
Les pleurs parce que le noyau branchial du 7, c’est le noyau distribué aux muscles de la mimique, et
que la branche lacrymo-mucco-nasale appartient au 7 aussi : d’où le fait que les pleures accompagnent habituellement les émotions fortes et tristes. Pourquoi ? Simplement pour solliciter des cortex
des autres et pleurer, c’est simplement pour alerter les autres qui sont ici. De la même façon, on peut
imaginer que ce stress va aller sur le noyau pneumo-gastrique et le pneumo-entérique du vague vont
entraîner une bradycardie, une hypotension, une syncope vagale. C’est certainement une protection
sélective, quand on était dans les cavernes et que les ours nous envahissaient dans le temps, on faisait comme l’araignée, involontairement, on tombait dans un choc vagal, on ne devenait pas appétissant parce que inerte. On n’était pas des proies vivantes et donc l’ours partait ce qui nous permettait
de retrouver nos esprits. Alors bien entendu, la projection se fait dans la réticulée et en particulier dans
le système noradrénergique du Locus cœruleus qui va mettre en action à la fois l’appareil cardiorespiratoire et à la fois la structure surrénalienne.
Alors, pour conclure, je ne dirais qu’une chose. C’est que ce stress, vous l’avez vu, emprunte toutes les
voies du système nerveux central et que le stress, nous le vivons au quotidien. Moi, je suis un médecin
du système public. Mon stress à moi s’appelle la T2A. Ce système de cotation qui est complètement
débile pour mon système à moi. On va mettre en opposition un système privé, que je respecte, auquel
je n’appartiens pas avec un système pour lequel je vis, qui est le système public. Alors les directeurs
d’hôpitaux qui sont parfois très très ouverts sur le plan cortical, nous disent actuellement « mais vous
savez, la T2A va nous rapporter beaucoup à condition que vous remplissiez vos fiches ». Moi, je leur
explique que quand j’opère un canal carpien, et bien il a en général le sida, il est hémophile et je le garde
quinze jours et qu’en clinique, ils le gardent trois heures. Je ne suis pas compétitif, mais ces canaux
carpiens viendront toujours chez moi. Alors j’avais dit simplement au directeur de l’hôpital que « vous
savez, vous, c’est le stress. Mais moi, je suis invulnérable parce que vous considérez Monsieur, que la
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T2A, c’est un mur, que l’hôpital, c’est une ambulance et vous savez ce que vous êtes en train de faire,
c’est de foncer dans le mur » et j’ai dit en plus « vous klaxonnez Monsieur le Directeur, ce n’est pas
sérieux ! ».
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Pr Alain WODA
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Les stomatodynies : un modèle
de douleur neuropathique ?
Je vais vous présenter une hypothèse concernant les douleurs idiopathiques, douleurs neuro-faciales
idiopathiques, en particulier la stomatodynie, souvent appelé glossodynie qui a été travaillé avec
Christelle Gremeau-Richard en particulier et également Thuan Dao. Alors je vous présente très rapidement la stomatodynie. Vous savez que ce sont des douleurs caractérisées par des brûlures sans qu’il y
ai aucun signe visible et qui sont souvent accompagnées de troubles du goût (dysgueusie) et de troubles de la salivation qu’on appelle souvent xérostomie, mais en l’occurrence, il n’y a pas tellement de
perte du débit salivaire, mais plutôt une impression de salive anormale. La douleur est continue et sans
explication simple, s’il y a des explications systémiques, on ne parlera pas de stomatodynie.
Alors pourquoi étudier la stomatodynie ? Essentiellement parce que ça fait partie de ces douleurs dites
fonctionnelles ou non spécifiques, ces douleurs qui vont de la stomatodynie à la lombalgie, à la neuroalgo-dystrophie dont on a parlé ce matin, en passant par les arthromyalgies de la face. Toutes douleurs
qui sont caractérisées par l’absence de cause organique simple et très souvent par un lien avec une
caractéristique sexuelle. C'est-à-dire, c’est très souvent des femmes (sauf la lombalgie pour laquelle
c’est plus souvent des hommes). Elles sont également caractérisées par un contexte anxio-dépressif.
Une diapositive pour dire que la stomatodynie est une entité bien caractérisée, qui est à la fois apparentée aux autres douleurs idiopathiques neuro-faciales comme les arthromyalgies de la face ou l’algie
faciale atypique, mais qui s’individualise bien dans une étude centrique qui est représentée sur cette
étude.
Est-ce que c’est une douleur neuropathique ? En fait, les données récentes ont montré que oui. Il s’agit
bien d’une douleur neuropathique et la première raison de le penser, c’est que l’histologie à montrer
dans deux études différentes que les fibres nerveuses de la muqueuse buccale sont assez largement
dégénérées en présence d’une stomatodynie. Je répète que l’on ne voit absolument rien, on ne voit pas
de fibres nerveuses dégénérées à l’œil nu et donc il y a bien une lésion nerveuse, donc on peut penser
que la douleur est issue de ces lésions nerveuses et qu’il s’agit bien d’une douleur neuropathique. Je
vous rappelle que la définition de la douleur neuropathique, c’est une douleur qui est due à une lésion
ou un dysfonctionnement du tissu nerveux lui-même.
Au contraire d’une douleur somatique qui est la conséquence d’une lésion d’un organe quelconque,
d’un tissu quelconque et qui est transmis par le système nerveux. C’est donc totalement différent.
Alors il y a d’autres éléments qui permettent de confirmer ce point. Je vais vous l’expliquer très rapidement sans rentrer dans les détails. Il y a des modifications de type électro-physiologiques, modifications des réflexes, des modifications des potentiels évoqués, des modifications des seuils sensitifs, des
interactions fortes entre gustation et afférences somatiques ; en particulier Yves Boucher a donné des
arguments forts dans ce sens ; il y a aussi le fait que les applications topiques de lidocaïne ou de certains psychotropes sur la langue (clonazépam cad rivotril®), ces applications ont une action bénéfique
sur la sensation douloureuse. Il y a également un contrôle neurovasculaire de la langue qui est associé
à la stomatodynie et des modifications de la composition salivaire qui est en fait ressentie par des
patients comme une sensation anormale de leur salive. Voilà maintenant une expérimentation que l’on
a faite avec Christelle Gremeau-Richard sur le clonazépam (rivotril®) qui montre que l’application topique (je répète bien topique, parce que si vous donnez du rivotril® à sucer à un patient, il faut lui dire de
le cracher). Cette application sur la langue permet de soulager, en gros la moitié des cas, partiellement
ou en totalité et cette action est due à une action topique parce que si on regarde la concentration sérique après avoir sucé le comprimé ou après l’avoir avalé, on constate que la concentration sérique est
complètement différente et on voit que sur 24 heures, un seul comprimé voire trois comprimés espacés
sur la journée n’atteignent jamais le seuil thérapeutique. C’est bien une action sur les récepteurs de la
langue qui est en cause. Donc d’une façon générale, ces données différentes montrent qu’il s’agit bien
d’une douleur neuropathique. Au delà de la stomatodynie cela voudrait dire qu’un certains nombres de
ces douleurs idiopathiques sont liées à des dégénérescences nerveuses ou au minimum à des dysfonctions nerveuses, ce qui très important. La question suivante est : qu’est ce qui cause cette dégénérescence nerveuse ? Si on veut essayer de trouver une cause, il nous a semblé qu’il faut rendre compte
de trois caractéristiques de ces douleurs en général et en particulier de la stomatodynie.
Première caractéristique : la sur-représentation d’un certain type de sujet, dans le cas de la stomatodynie, il s’agit des femmes ménopausées.
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Deuxième facteur à envisager : c’est la prévalence du contexte anxio-dépressif qui est commun à toutes ces douleurs non fonctionnelles, non spécifiques.
Troisième point auquel il faut répondre : c’est la localisation exclusivement buccale des symptômes, ce
qui quand même est assez étonnant.
Alors on va prendre ces points les uns après les autres.
Premier point : la sur-représentation des femmes ménopausées. On a au moins dix femmes ménopausées pour un homme et la moyenne d’âge est 60 ans. Quand ce n’est pas une femme ménopausée,
c’est une exception qui confirme la règle. La femme est jeune mais elle a été ovariectomisée ou
l’homme a un traitement anticancéreux pour la prostate. C’est presque systématique. Donc il y a très
peu d’exception. Cela veut dire quoi ? Ménopause, cela veut dire modification des hormones gonadiques, des hormones sexuelles. Cela veut dire chute brutale des œstrogènes (œstradiol en particulier),
également des androgènes et au moment de la ménopause, la femme va dépendre très largement de
la sécrétion des surrénales pour son support en hormones gonadiques. Et on va voir après que ces hormones sont éventuellement utilisées dans les tissus périphériques pour être synthétisées dans l’ensemble des hormones stéroïdiennes utiles.
Si je résume le premier point : on a des femmes ménopausées et cela a des conséquences sur les hormones gonadiques.
Deuxième point : c’est le contexte anxio-dépressif. Ce point est très documenté et cela a déjà été largement sous entendu ce matin. Tous ceux qui ont vu des patients sont bien convaincus de cela. Il semble qu’il y ait une forte prévalence de stress chronique post traumatique, c’est le syndrome de la guerre
du Golf ou le syndrome après un choc violent tel que la présence sur les lieux d’un accident ou d’un
attentat ou encore des anxiétés chroniques, des syndromes anxieux majeurs. La conséquence, pour
simplifier, est un désordre chronique de l’axe corticotrope. Et cela veut dire que le cortisol et d’autres
hormones aussi, mais surtout le cortisol n’est pas régulé correctement. Soit il y en a trop, soit il y en a
pas assez, soit au lieu de fluctuer normalement en réponse à une stimulation, par exemple : je cours
vers l’autobus, je vais le rater, donc je cours le plus vite possible, je suis en dépense physique et je vais
avoir immédiatement les trois réponses, c'est-à-dire le cortisol par la surrénale, l’adrénaline par la
médullosurrénale et la noradrénaline par les neurones. Ca c’est la réponse normale, nécessaire pour
que j’attrape l’autobus sans être malade. Si ma réaction n’est pas bien faite, si par exemple ça n’augmente pas et bien je vais quand même courir mais après je vais être malade (douleurs musculaires, …).
Donc en résumé, l’anxiété, le contexte anxio-dépressif résulte dans un dysfonctionnement du contrôle
de la sécrétion du cortisol qui est aussi une hormone stéroïde extrêmement voisines des hormone
gonadiques ; on passe de l’une à l’autre très facilement. Voila la première pièce du puzzle. La pièce suivante du puzzle, c’est que ça a des conséquences car ces hormones ont un effet sur le tissu nerveux.
Les œstrogènes en particulier sont neuroprotecteurs. Le cortisol est neuroprotecteur s’il est à bonne
dose, s’il est présent de façon constante, trop bas, trop haut, il semble qu’il soit délétère. Donc pas
assez d’œstrogènes d’un côté, pas assez d’hormones gonadiques d’un côté, on perd la protection.
Trop de cortisol de l’autre, on augmente, on est agressif et donc, c’est une possibilité d’action délétère
sur le système nerveux.
Premier élément : la prédominance des femmes ménopausées, 2ème élément le contexte anxiodépressif et 3ème élément, le fait que la douleur soit extrêmement localisée. C’est aussi un point extrêmement intéressant et une autre pièce du puzzle. On s’est aperçu que toutes ces hormones stéroïdes
sont, je le répète extrêmement voisines. On pensait qu’elles étaient secrétées par les glandes endocrines, et en fait c’est vrai, mais elles peuvent tout autant être secrétées par des tissus périphériques. Elles
peuvent être secrétées par la graisse, la peau et le tissu nerveux lui-même, dans le cerveau par exemple mais aussi dans les cellules de Schwann contenues dans les nerfs. Ces neurostéroïdes peuvent
être synthétisés à partir de n’importe quel type de précurseur stéroïdien, il peut y avoir pratiquement
toute la synthèse des hormones stéroïdes dans les tissus périphériques. Et à ce moment là, on a exactement les mêmes hormones, les mêmes stéroïdes, mais pas faites dans des glandes, mais faites dans
les tissus périphériques, on les appelle les neurostéroïdes ou stéroïdes neuroactifs car ils agissent aussi
beaucoup sur le système nerveux. Contrairement aux hormones qui ont une action générale, les neurostéroïdes agissent au lieu même où ils sont synthétisés. Ils sont synthétisés dans des endroits très
spécifiques, ça peut tout à fait être seulement dans la bouche et pas du tout ailleurs, donc ça n’a pas
du tout le côté général qu’ont les hormones et donc le fait que les neurostéroïdes puissent être synthétisés de cette façon là, d’une façon extrêmement localisée, permet de penser que c’est une bonne
explication à la localisation très restreinte de la stomatodynie par exemple. La diapositive suivante est
une présentation rapide des neurostéroïdes. En fait c’est tous les stéroïdes à partir du cholestérol qui
sont donnés (j’ai pas mis tout le schéma de synthèse des stéroïdes parce que cela aurait été trop compliqué), mais sont surlignés en rouge les principaux neurostéroïdes qui semblent avoir une grande
action sur le tissu nerveux. En particulier, le 3alpha,5alpha,TH-PROG, c'est-à-dire le tétrahydroprogestérone qui au moment de la réaction de stress est diminué, au contraire de la tétrahydrodésoxycorticostérone qui est augmentée au moment du stress et puis dans ces neurostéroïdes, il y a celui dont vous
avez tous entendu parler, la DHEA, qui est surtout sécrétée par les surrénales.
Il semble que ces neurostéroïdes ont une action particulière sur les récepteurs GABA, les récepteurs
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inclus dans les fibres nerveuses aussi bien centrales que périphériques, ce qui explique l’action du clonazépam (rivotril®) qui est connu pour avoir une action sur les récepteurs GABA.
Nous arrivons avec ces différentes pièces du puzzle à l’ hypothèse suivante sur laquelle nous travaillons en ce moment avec Yves Boucher. L’hypothèse est la suivante : lors de la stomatodynie, il y a des
changements dans la production des stéroïdes issus des gonades, des surrénales et des neurostéroïdes et c’est l’ensemble de ces changements parce qu’ils sont simultanés qui concoure à établir une
neuropathie, donc une dégénérescence nerveuse.
De façon schématique, on arrive à ce type de schéma : dans une situation normale, on a les surrénales qui secrètent entre autre la DHEA, la pregnénolone, la progestérone, aussi le cortisol bien sûr et ce
sont ces stéroïdes qui sont les précurseurs privilégiés des neurostéroïdes. Ces précurseurs vont, via les
neurostéroïdes, assurer la neuroprotection du tissu nerveux en même temps que les stéroïdes gonadiques.
Lorsque l’on est en présence d’une anxiété chronique éventuellement post-traumatique, il va y avoir un
dysfonctionnement des surrénales qui est ici représenté par une croix, mais ce n’est pas une suppression, la concentration de cortisol peut être trop ou pas assez importante ou ne pas apparaître au bon
moment. On va donc avoir un dysfonctionnement des surrénales et un dysfonctionnement de la protection nerveuse. On a encore par l’activité gonadique des précurseurs qui permettent d’assurer la synthèse en neurostéroïdes locales et la protection. Et puis au moment de la ménopause, on a plus cela et
à ce moment là, ça devient la catastrophe. il n’y a plus la protection et on va avoir dans un premier
temps une dysfonction de l’activité
des fibres fines (parce que tout cela joue sur les fibres fines et
les fibres fines buccales, celles qui assurent la brûlure, celles qui assurent le contrôle de la salivation et
celles qui assurent la gustation). Et donc on retrouve les trois signes principaux (brûlure, dysgueusie et
xérostomie) impliquant un changement dans la composition salivaire. Et puis assez rapidement, ce dysfonctionnement si le mécanisme continue et il n’y a pas de raison pour qu’il ne continue pas, ce dysfonctionnement va se traduire par non plus une dysfonction, mais par une modification de la structure
des fibres nerveuses et donc on va avoir une lésion irréversible des fibres fines, lésions irréversibles qui
avaient été vu par différents auteurs que je vous ai présenté en début de topo. On arrive donc cette
fois-ci à avoir une douleur spontanée. Il y a aussi dans le même temps des modifications éventuelles,
en plus ou en moins ou en absence de contrôle adapté, du cortisol sécrété par les surrénales.
Donc en résumé, initialement on pourrait avoir une neuropathie fonctionnelle et qui pourrait être réversible si on supprimait la cause, c'est-à-dire le dérèglement stéroïdien et dans un 2ème temps, la dysfonction va se traduire par une lésion nerveuse. Comme les lésions des fibres nerveuses ne se guérissent pas, ça devient une neuropathie irréversible et à ce moment là, ça explique tout à fait que l’on peut
faire tous les traitements de substitution endocriniens sans observer d’effets dans les stomatodynies,
dans les algies faciales atypiques, dans les odontalgies atypiques. Le cas des arthromyalgies n’est
peut-être pas très différent, mais je ne veux pas m’engager là-dessus.
Président de la séance :
J’en profite pour féliciter le groupe de Clermont parce que c’est vrai que quand nous voyons ces
patients présentant des stomatodynies, nous sommes très dépourvus en terme de prise en charge thérapeutique et que même si le clonazépam en action topique ne donne pas des résultats à 100 %, ça
permet quand même de proposer un traitement à ces patients.
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