Les machinistes : techniciens du mouvement - E

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Les machinistes : techniciens du mouvement - E
Les machinistes : techniciens du mouvement
Le nom de machiniste pourrait laisser croire que les techniciens de cette profession
sont dévolus à la gestion des machines sur un tournage, ce qui n’est ni tout à fait
faux ni tout a fait juste. Historiquement, le machiniste vient du théâtre et de l’opéra
où il manœuvrait trappes et décors. S’il lui incombe encore les tâches de
déplacement de matériel au sein des théâtres, il est aujourd’hui dans l’audio-visuel
celui qui gère les installations spécifiques et l’exécutant technique des déplacements
de la caméra à laquelle il est prioritairement attaché.
"Notre travail, c’est de répondre aux demandes de chacun,d’estimer et de veiller à la
sécurité des installations, de trouver les moyens techniques les mieux adaptés aux
circonstances afin d’honorer les besoins de la lumière ou les intentions du
réalisateur", précise Angelo Chinosi, chef machiniste. Et l’on peut dire qu’au fil de
l’histoire du cinéma les machinistes ont su donner par leurs inventions ou par ce
qu’ils ont adapté des ailes à la caméra.Tous les systèmes de machinerie qui se sont
développés ont rendu possible une spectaculaire évolution du langage
cinématographique Aujourd’hui la panoplie des techniques de machinerie est telle
qu’il ne semble plus y avoir de limites physiques au cheminement de la camera.
Accès aux sous-titres :
En préparation : construction de l’esprit
Sur le plateau : force sensible
Au quotidien : monsieur bricolage
Portrait
En préparation : construction de l’esprit
Comme pour toutes les équipes la préparation du tournage se fait dans chaque
département sous le joug du chef de poste. Le chef machiniste entre en scène au
moment des repérages techniques qu’il effectue aux côtés du directeur de
production, du chef décorateur, le régisseur général, du chef électricien, parfois de
l'ingénieur du son et sans oublier bien entendu du chef opérateur et le réalisateur…
Suivant les volontés de ces derniers, le chef machino étudie le décor et prend la
mesure de toutes les installations que lui et son équipe devront mettre en place afin
de répondre à la demande.
Ces installations sont le passeport vers la réalisation concrète des intentions du
réalisateur et des désirs du chef opérateur en termes d’image. Un domaine bien
vaste puisqu’elles peuvent concerner :
Parfois la déco et le son,
la mise en scène (pour le confort de jeu d’un comédien ou une demande artistique)
mais essentiellement la lumière (installation de tours, nacelles, véhicules
automobiles, plafonds techniques etc…)
et la caméra (travelling voiture, déplacements dans l’espace, installations sur
véhicules automobile, hélicoptère etc...)
Voici un résumé des
installations qui font appel à
son savoir-faire.
"En fait, la machinerie
concerne tous les supports et
systèmes adaptés aux
demandes particulières des
techniques du tournage, le
machino peut donc apporter
une assistance à tous les
corps de métier qui
l’entourent…" résume Angelo
Chinosi,
On comprend l’importance d’un bon repérage : Éviter l’écueil du manque de
matériel, ou d’un matériel inadapté une fois sur le plateau qui rendrait impossible la
réalisation d’un plan ou d’une séquence.
Comme les autres chefs de poste, le chef machino doit passer en revue tous les
besoins et problèmes éventuels qu’il aura à résoudre. "Notre efficacité, c’est
d’anticiper" affirme notre chef machino, "Anticiper sur les solutions pour ne pas avoir
de problèmes, mais aussi sur les demandes de chacun. On doit connaître tous les
moyens possibles et imaginables de déplacer ou mettre en place une caméra ou un
projecteur, non seulement pour répondre aux requêtes initiales, mais aussi pour
pouvoir proposer des solutions de rechange en cas de souci".
La mission du chef machiniste est d’autant plus délicate que la production doit
valider la liste de matériel demandée alors trucs, astuces et bidouilles sont
bienvenus lorsque le budget ne permet pas d’avoir le personnel et les outils
nécessaires
Parallèlement, le chef machino détermine la composition de l’équipe qui sera à
même de l’accompagner et la place que chacun de ses assistants y tiendra
Enfin, il veille à la sécurité sur le tournage. Il est en effet responsable de la sûreté de
toutes les installations techniques sur le plateau. Dès les repérages, il réfléchit aux
aménagements envisagés et en y intégrant tous les paramètres aux solutions les
plus appropriées si les premiers lui paraissent trop dangereux ou inefficaces.
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Sur le plateau : force sensible
Après la tête, les bras…
La journée d’un machiniste sur le plateau
débute toujours par un peu d’exercice :
l’installation plus ou moins lourde des systèmes
de portage élaborés en amont. Arrivés en
même temps que les électriciens, les
machinistes installent ce qui est prioritaire, et, si
cela est le cas en parallèle de leurs installation
les supports lumière afin que les électriciens
puissent mettre en place leurs éclairages
permettant ainsi au directeur de la photographie
d’avancer dans son travail d’image. "Notre
arrivée sur les lieux de tournage a quelque
chose de magique" s’enthousiasme Angelo
Chinosi. "N’importe quel lieu insolite et banal se
transforme en vrai plateau de tournage. Comme
des forains (dont nous sommes proches) on
investit la place, on monte notre "scène" sorti
tout droit du camion et quand on part il ne reste
que quelques bout de "gaffer" par ci par là et la
chaleur encore ambiante des projecteurs. Lorsque les particuliers prennent la
mesure de nos installations, ils sont plutôt…hallucinés !"
Attitude compréhensible, car la trousse à outils d’un machiniste est plus proche du
camion bondé que de la petite caisse métallique, on y trouve en plus du gros
matériel indispensable aux déplacements de la
caméra : chariots de travelling , mono rails, plaques de roulement, grue, dolly, etc….
sa "bijoute" qu’il a su faire évoluer au fil des tournages et des besoins spécifiques.
Puisque le nerf du cinéma est aujourd’hui l’argent, le budget influe beaucoup sur le
travail. De gros moyens financiers sont toujours synonymes de gros moyens
techniques à portée de main dont la logistique est familière a un grand nombre
d’entre nous, et qu’il suffit de mettre en place… A contrario, un petit budget
demandera à ces as du système D de déployer des trésors d’imagination et
d’ingéniosité. "J’apprécie particulièrement la recherche de solutions improvisées
avec les moyens du bord, détourner le matériel et les techniques de leurs
applications habituelles" explique Angelo Chinosi. .
Une fois la machinerie mise en place, il n’est plus l’heure pour les machinistes de
jouer les gros bras. C’est à leur sensibilité et leur délicatesse que fait appel la phase
suivante : manœuvrer les installations pendant les prises, ils poussent, tirent,
déplacent la caméra sur son support, le chariot de travelling par exemple, leur travail
sert alors, directement l’image. L’entente de tous autour de la caméra doit donc être
parfaite, surtout lorsqu’il s’agit de coordonner au moment des prises le travail de
chacun aux exigences d un mouvements. Car un mouvement de camera réussi
techniquement est le fruit de la collaboration du cadreur, de l’assistant caméra et des
machinistes
Les directives de déplacement répondent à des contraintes optiques pour le
recadrage ou artistiques pour une intention, un parti pris, afin de crèer un rythme,
une ambiance , dynamiser, une vue subjective, ou pour alimenter un contexte
narratif.
Elles peuvent aussi être l’écho du jeu d’acteur : "à nous alors d’avoir assez de
concentration et de sensibilité pour faire décoller le travelling au moment où le
comédien le décide, où il nous emmène… et tout en douceur !", explique Angelo.
Le machiniste est ainsi le garant de tout déplacement de la caméra dans l’espace,
auquel il amène des nuances qu’un système programmé serait incapable de
reproduire. De quoi permettre au cadre de retrouver un angle de vue ou de révéler
un indice et des décors cachés parfois, de quoi surtout mettre la technique au
service de l’esthétique et permettre au réalisateur de concrétiser ses plans les plus
ambitieux. "C’est dans les demandes les plus difficiles que se révèle notre capacité à
trouver en toutes circonstances les solutions techniques les plus appropriées afin
d’optimiser les exigences, c’est notre raison d’exister" livre notre généreux machino.
"C’est le sentiment d’apporter le meilleur de ce que j’ai acquis durant toutes ces
années qui me nourrit le plus".
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Au quotidien : monsieur bricolage
Il va sans dire que le travail de machiniste implique une résistance physique. "Pour
ma part, les maux de dos qui peuvent apparaître à la longue sont le seul
inconvénient que je vois à mon métier", concède Angelo Chinosi. Connaître le travail
des autres, savoir anticiper et être un bon bricoleur familier du système D sont
d’autres qualités précieuses sans lesquelles un machino même costaud, ne saurait
être un bon machino. Certains fabriquent d’ailleurs eux-mêmes des outils de leur
bijoute.
"L’avantage, conclue Angelo, c’est que nous sommes toujours près de la caméra
impliqués techniquement dans la réalisation des plans et de cet endroit stratégique
le machiniste observe tout le travail d’un plateau de cinéma, il y développe ses
connaissances générales et son sens de l’anticipation. Apporter une solution est
toujours valorisant".
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Portrait
Angelo Chinosi a commencé par suivre une formation de
métreur en BTP avant d’entrer dans le cinéma par hasard.
Machiniste à la construction d'abord puis au tournage, il
devient officiellement chef machiniste en 1994 sur le film
de Manuel Poirier A la campagne.
Affectionnant tout particulièrement le travail en fiction, il a
participé à de nombreux courts et moyens métrages, des
téléfilms et des séries (Les brigades du Tigre, Les
chevaliers du ciel 2, Les Invincibles 1 et 2) et surtout des
longs-métrages. A son actif ; Surviving Picasso de James
Ivory, Western de Manuel Poirier, Jet Set de Fabien
Oteniente, ou encore Casablanca Driver de Maurice Barthélémy.