Université Cheikh Anta Diop de Dakar Année Universitaire

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Université Cheikh Anta Diop de Dakar Année Universitaire
Université Cheikh Anta Diop de Dakar
Année Universitaire 2011/2012
Faculté des sciences Juridiques et Politiques
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Licence 1 Sciences Juridiques
Droit Civil / Groupe A
1er Semestre
EQUIPE PEDAGOGIQUE
Chargée du Cours : Dr Fatou Kiné CAMARA
Chargés (es) des Travaux dirigés
Mme Ndèye Sophie DIAGNE NDIR / M. Sidy Nar DIAGNE / M. Oumar Ahamadou
DICKO / M. Cheikhou Oumar DIEYE / Melle Khadidiatou DIOP /
Dr. Abdoul Aziz DIOUF / M. Christian Ousmane DIOUF / M. Samba DIOUF/
M. Ndiack FALL/ Melle Oumy GUEYE /M. Ousseynou KA / M. El Hadj Iba Barry
KAMARA / M. Séckou MASSALY / M. Ibrahima NDAO / M. El Hadj Samba
NDIAYE / Ndèye Coumba Madeleine NDIAYE (coordonnatrice)
SEANCE 1
CONTENU DE LA SEANCE
Prise de contact: présentations / présentation du déroulement des travaux
dirigés et de la méthode de travail
Explication de la méthodologie de la dissertation juridique
QUELQUES INFORMATIONS IMPORTANTES A CARACTERE
PEDAGOGIQUE
I- LES COURS ET LES TRAVAUX DIRIGES
Le cours dit magistral (en Amphi) et les travaux dirigés forment un tout, concourant de
manière différente mais complémentaire à la formation de l’étudiant.
Le cours est destiné à offrir à l’étudiant un ensemble de connaissances recouvrant le
programme de la matière (en l’espèce celui du droit civil : Introduction au droit – Les
Personnes – La Famille).
La tradition veut que l’assistance au cours ne soit pas obligatoire, ce qui peut se justifier soit
d’un point de vue pratique (comment contrôler la présence des étudiants) – soit d’un point de
vue intellectuel (ce que dit le Professeur serait déjà écrit dans les ouvrages de droit, plus
complets, plus développés que ne peut l’être un cours de droit. Parfois aussi le chargé de
cours fait des fascicules ou publie le cours sur un site internet).
En réalité, il est fortement conseillé d’assister au cours, et ce pour plusieurs raisons : écouter
favorise l’acquisition des connaissances, tandis que la lecture solitaire d’un ouvrage est source
de difficultés de compréhension sinon de contresens. Une telle lecture demande d’ailleurs
plus de temps et d’effort pour l’étudiant (l’étudiant doit assister au cours et compléter par la
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lecture d’un ouvrage). Enfin et de façon essentielle, le droit doit se parler, se discuter, être
source de controverses : la parole le rend vivant. Mais toujours est-il que les étudiants sont ici
parfaitement libres.
Ce n’est pas le cas pour les travaux dirigés : cette fois, l’assistance est obligatoire. L’assiduité
est prise en compte dans la note attribuée à l’étudiant. C’est que les travaux sont dirigés sont
parfaitement irremplaçables. En effet, les T.D sont-ils essentiellement pratiques : l’étudiant
procède dans ce cadre à divers exercices. C’est à cette occasion que chaque étudiant pourra à
son tour s’adonner à la discussion et à la controverse, à l’échange intellectuel.
Inévitablement, une séance de T.D ne peut être correctement préparée que si l’étudiant a, au
préalable, appris et compris le cours qui constitue le thème de la séance : en cela la
complémentarité est évidente. Mais le but du T.D. n’est pas de s’assurer que l’étudiant a bien
appris son cours ; il s’agit, de façon différente, d’approfondir les questions traitées en cours,
de les voir se mettre en œuvre. Alors les T.D conduiront inévitablement à former l’esprit
juridique des étudiants, à leur apprendre les méthodes du droit, les raisonnements, les modes
d’argumentation. Il faut pour cela que chaque étudiant y prenne une participation active : c’est
par le dialogue que se font les séances.
A RETENIR : Pour chaque séance, les étudiants devront donc nécessairement connaître le
cours correspondant, avoir lu toute la fiche et fait l’ensemble des exercices demandés. Ce
travail est la condition même de la réussite. Mais ce qui importe, c’est d’avantage : les
étudiants doivent exercer leur intelligence à partir des documents, réfléchir, comprendre,
discuter, s’interroger…
II- LA DOCUMENTATION (inspirée en grande partie de l’ouvrage de Jérôme
Bonnard, Méthodes de travail de l’étudiant en droit, 5è éd., Hachette Supérieur,
2011).
Pour être un bon étudiant en droit, il faut lire et beaucoup lire !!! Les livres et les revues
vont donc devenir les instruments de travail privilégiés de l’étudiant. Celui-ci devra en
acquérir certains et consulter les autres en bibliothèque. Il est littéralement impossible de
dresser une liste exhaustive des livres de droit. Nous présenterons ainsi les principales
catégories d’ouvrages de droit, les codes et les principales revues qui sont utiles pour la
compréhension du cours, l’approfondissement des connaissances et la préparation des travaux
dirigés.
A- LES CATEGORIES D’OUVRAGES
Sont à la disposition des étudiants des dictionnaires, des encyclopédies, des traités, des
manuels, des « Mélanges » et des thèses, des recueils de grands arrêts, des livres de
méthodologie et d’exercices pratiques.
1- Les dictionnaires et lexiques
- Culture juridique
D. Alland et S. Rials (sous la direction de), Dictionnaire de la culture juridique, PUF,
coll. « Quadridge », 2003.
O. Cayla et J.-L. Halpérin (sous la direction de), Dictionnaires des grands œuvres
juridiques, Dalloz, 2008.
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- Vocabulaire juridique
Comme toute science, le droit a un vocabulaire qui est technique et complexe. Certains termes
sont inconnus de l’étudiant novice. Par exemple usucapion, contrat synallagmatique, action
pétitoire, réintégrande.
D’autres termes sont plus familiers dans la mesure où ils sont empruntés au langage commun.
Mais ils peuvent avoir un sens différent en droit : par exemple, la possession n’est pas la
propriété ; un animal est un bien meuble ; un droit réel n’est pas un droit concret ou
authentique mais un droit qui porte sur une chose. Tous ces termes seront définis dans le
cours. Seulement, il peut être utile de consulter un dictionnaire de droit en général. Par
exemple :
R. Cabrillac (sous la dir. de), Dictionnaire du vocabulaire juridique, Litec, 3è éd.,
2008.
G. Cornu (sous la dir. de), Vocabulaire juridique, PUF, coll. « Quadridge », 8è
éd., 2007.
S. Guinchard et G. Montagnier (sous la dir. de), Lexique des termes juridiques,
Dalloz, 18è éd., 2010.
2- Les encyclopédies
Il s’agit d’ouvrages qui exposent l’ensemble des connaissances juridiques dans les principales
disciplines du droit. Les rubriques sont d’une grande fiabilité scientifique dans la mesure où
elles sont rédigées par les meilleurs spécialistes de la matière. Afin de garantir leur actualité,
les fascicules périmés sont régulièrement renouvelés. Dans l’attente de ces refontes, des
cahiers ou des feuillets mobiles de mise à jour, édités plusieurs fois par an, sont insérés dans
les volumes pour signaler les dernières évolutions. Il y a :
-
L’Encyclopédie Juridique Dalloz
Mode de citation : rép. civ. (ou Enc. Dalloz), v. Cession de créance, n° 182 (chaque
paragraphe des rubriques du répertoire est numéroté).
-
Les JurisClasseurs
Mode de citation : J.-Cl. civ., art. 1134.
3- Les traités
Les traités sont des ouvrages scientifiques qui développent de manière exhaustive une branche
du droit. Ces ouvrages peuvent être consultés en bibliothèque pour une recherche ponctuelle.
En droit civil, les grands traités ne sont plus réédités, comme ceux d’Aubry et Rau (Droit
civil français, 12 vol., dans la 7è édition de 1984 par A. Ponsard, Litec) ou de Planiol et
Ripert (Traité pratique de droit civil français, 2è éd., 1952-1960, 14 vol., LGDJ).
Ceci est dû au fait que ce genre d’ouvrages ne peut plus rendre compte de la complexité et de
l’évolution constante du droit positif.
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Pourtant, des éditeurs ont soutenu la gageure d’entreprendre de nouveaux traités de droit civil.
Contrairement aux anciens traités, certains volumes peuvent être rédigés par des auteurs
différents.
Droit civil, par Ph. Malaurie, L. Aynès (Defrénois) : Introduction générale, par Ph.
Malaurie et P. Morvan, 3è éd., 2009. – Les biens, par L. Aynès et Ph. Malaurie, 4è éd.,
2010. – Les obligations, par L. Aynès, Ph. Malaurie et P. Stoffel-Munck, 4è éd., 2009. – Les
contrats spéciaux, par L. Aynès, P.-Y. Gautier et Ph. Malaurie, 5è éd., 2011. – La famille, par
H. Fulchiron et Ph. Malaurie, 4è éd., 2011. – Les régimes matrimoniaux, par L. Aynès et Ph.
Malaurie, 3è éd., 2010. – Les successions, les libéralités, par Ph. Malaurie, 4è éd., 2010. – Les
sûretés, la publicité foncière, 3è éd., 2008, par L. Aynès et P. Croq.
4- Les manuels
Sous diverses appellations (manuels, précis, cours élémentaire, etc.), les éditeurs publient des
ouvrages qui exposent de manière claire et pédagogique les principales matières étudiées à
l’université. Ces ouvrages sont indispensables pour préparer les travaux dirigés et étudier des
questions pour lesquelles la prise de notes en cours a été incorrecte. En outre, les cours étant
rarement exhaustifs, les professeurs invitent souvent leurs étudiants à les compléter à l’aide de
manuels.
Aubert (J.-L.), et Savaux (E.), Introduction au droit, Sirey, coll. « Université », 13è éd.,
2010.
Buffelan-Lanore (Y.) et Larribau-Teyneyre (V.), Droit civil 1re année, Sirey, 16è éd.,
2009.
Carbonnier (J.), Droit civil, Introduction, PUF, coll. Thémis, 2è éd. 2002
Cornu (G.), Droit civil, Introduction au droit, Montchrestien, coll. « Précis Domat », 13è
éd., 2007
Courbe (P.), Introduction générale au droit, Dalloz, coll. « Mémentos », 11è éd., 2009.
Malaurie (Ph.) et Morvan (P.), Droit civil, Introduction générale, Défrénois, coll. « Droit
civil », 3è éd., 2009.
Mazeaud (H., L. et J.) et Chabas (F.), Leçons de droit civil : Introduction à l’étude du
droit, Montchrestien, 12è ed., 2000.
Terré (F.), Introduction générale au droit, Dalloz, coll. « Précis », 8è éd., 2009.
5- Les « Mélanges » et les Thèses
-
Mélanges
Les étudiants trouveront sur les rayonnages des bibliothèques de nombreux ouvrages dont le
titre « Mélanges » ou « Etudes » est suivi du nom d’un professeur des facultés de droit. Ces
ouvrages contiennent une série d’articles qui sont écrits, généralement par des universitaires,
en l’honneur d’un de leurs maîtres ou collègues (exemple : Mélanges en l’honneur de Serge
Guinchard, Dalloz 2010).
-
Thèses
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Un certain nombre de thèses de doctorat en droit sont publiées et peuvent être consultées en
bibliothèque pour préparer une étude ponctuelle. Exemple : Amsatou SOW SIDIBE, Le
pluralisme juridique en Afrique : l’exemple du droit successoral sénégalais, LGDJ, 1991.
6- Les Recueils de Grands Arrêts
Plusieurs ouvrages regroupent les plus importantes décisions rendues par les juridictions dans
une matière déterminée. Chaque arrêt est accompagné d’un commentaire, qui est mis à jour à
l’occasion de chaque réédition.
Les grands arrêts de la jurisprudence civile, par H. Capitant, F. Terré, Y. Lequette,
Dalloz, tome 1, 12è éd., 2007, tome 2, 12è éd.,
7- Les livres de méthodologie et d’exercices pratiques
-
Manuels de méthodologie juridique
Divers ouvrages fournissent des « outils » du droit pour familiariser l’étudiant avec la
documentation, le langage juridique, le raisonnement juridique et l’interprétation des
décisions de justice. On y Trouve également des conseils de méthodologie pour les divers
types d’exercices pratiqués dans les facultés des droits. Exemples : Isabelle DEFRENOISSOULEAU, Je veux réussir mon droit : Méthodes de travail et clés du succès, Dalloz, 7è
éd., 2010 ; Jérôme BONNARD, Méthodes de travail de l’étudiant en droit, Hachette
supérieur, 5è éd., 2011.
-
Manuels d’exercices pratiques
Les éditeurs multiplient les collections d’ouvrages d’exercices de droit appliqués à une
matière déterminée de premier et de deuxième cycle.
-
Roger Mendegris, Le commentaire d’arrêt en droit privé : méthode et exemples.
Méthode du droit, 7ème éd., Dalloz, 2004.
-
Gilles GOUBEAUX, Philippe BIHR, Les épreuves écrites en droit civil :
Méthodologie, LGDJ, 10è éd., 2005.
-
Alain SERIAUX, Marc BRUSCHI, Le commentaire de textes juridiques : Lois et
règlements, Ellipses, 2è éd., 2007.
-
Thierry GARE (sous la direction de), Annales : Introduction et droit et droit
civil : Méthodologie et sujets corrigés, Dalloz, 2009.
B- Les codes
On appelle « code » un ouvrage qui réunit en les ordonnant l’ensemble des lois, décrets et
arrêtés d’une même branche de droit.
-
Code des obligations civiles et commerciales (COCC), EDJA, 2010
-
Code civil français, Dalloz, 111è éd., 2012 ou 110è éd., 20118
-
Code de la famille, EDJA, 2009
-
La constitution sénégalaise du 22 janvier 2001 commentée, EDJA, 2011
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C- Les revues juridiques
-
Journal officiel de la République du Sénégal
-
Journal officiel de la République française
-
Bulletins des arrêts de la cour de cassation (France)
*****Le Bulletin civil regroupe les arrêts les plus importants rendus au cours du mois
considéré par les chambres civiles (première, deuxième et troisième chambre civile), la
chambre commerciale, financière et économique, et la chambre sociale de la cour de
cassation, ainsi que ceux rendus par l’Assemblée plénière ou en chambre mixte
Mode de citation : Cass. 1re civ. (ou Civ. 1re ), 27 mai 2010, Bull. civ. I, n° 121 (arrêt de
la première chambre civile de la cour de cassation, publié au Bulletin civil de l’année de la
décision) ; Com., 4 mai 2010, Bull. civ. IV, etc.
*****Le Bulletin criminel regroupe les arrêts essentiels rendus par la chambre criminelle.
Mode de citation : Cass. Crim. (ou Crim.), 14 avril 2010, 09-83503, Bull. n° 74.
*****Le Bulletin d’information de la cour de cassation
-
Le bulletin des arrêts de la cour de cassation (Sénégal)
-
Le Bulletin des arrêts rendus par la cour d’Appel de Dakar en matière civile et
commerciale (le Vol. n° 1 paru en 2011)
-
Le Recueil des décisions du conseil constitutionnel (France)
Mode de citation : Cons. Const., 11 février 2011, Décision n° 2010-99 QPC, JO du 12
févr. 2011, p. 2757.
-
Le Recueil Lebon (regroupe la jurisprudence administrative française)
Mode de citation : CE, 26 juin 2001, Sieur Bernier, Rec. Cons. D’ Et. (CE), 2001, p. 54
-
Le Recueil des arrêts de la cour internationale de justice (www.icj-cij.org)
-
Le Recueil Dalloz
Mode de citation :
L. Favoreu, La notion de liberté fondamentale devant le juge administratif des référés, D.
2001, Chron., p. 1739 (cette référence désigne un article du professeur Favoreu, reproduit
au Recueil Dalloz de l’année 2001, dans la première partie consacrée aux chroniques.
L’article débute à la page 1739 du recueil
Cass. Soc., 6 avril 1999, D. 2000, Jur., p. 5, note J. Mouly (cette référence désigne un arrêt
du 6 avril 1999 de la chambre sociale de la cour de cassation, qui est reproduit au Recueil
Dalloz de l’année 1999, page 5, avec un commentaire du professeur Mouly.
-
La Semaine Juridique (Semaine Juridique : SJ ; ou JurisClasseur Périodique : JCP)
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La Semaine Juridique, également appelée JurisClasseur Périodique (à ne pas confondre
avec les JurisClasseurs), connaît cinq éditions hebdomadaires : Générale ; Entreprise et
affaires ; Notariale et immobilière ; administrations et collectivités territoriales ; sociale.
-
La Gazette du Palais
Mode de citation : Gaz. Pal. 2009.1 (ou 2). 78. Les chiffres 1 et 2 renvoient au premier ou
au second recueil semestriel
-
Les Petites Affiches
Mode de citation : Petites Affiches, n° 220 du 4 novembre 2003
-
Droit et Patrimoine
Mode de citation : Dr et patr. 2007. 97, obs. P. Stoffel-Munck
-
Revue trimestrielle de droit civil (RTD civ)
-
Revue trimestrielle de droit commercial et de droit économique (RTD com)
-
Revue critique de droit international privé (Rev. Crit. DIP)
-
Revue du droit public (RDP)
-
Actualité Juridique Droit Administratif (AJDA)
-
Actualité Juridique Famille (AJ. Fam.)
-
Actualité Juridique Pénal (AJ. Pén.)
-
Revue de droit du travail (RDT)
-
La revue des Sociétés
-
Revue de droit sanitaire et social
-
Revue Lamy Droit Civil
-
Répertoire du notariat Defrénois (citée Defrénois)
-
Nouvelles Annales Africaines (Revue de la Faculté des Sciences Juridiques et
Politiques de l’Université Cheikh Anta Diop)
-
Revue Internationale de Droit Africain (Editions Juridiques africaines : EDJA) –
Parution trimestrielle
-
Revue Sénégalaise de Droit
-
Penant (Revue africaine)
-
Revue de droit uniforme (revue africaine)
-
Revue juridique et politique indépendance et coopération (revue africaine)
-
Revue internationale de droit africain
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Quelques sites utiles
www.credila.net (site du Centre de Recherche, d’Etude et de Documentation sur les
Institutions et les Législations Africaines (Faculté de Droit))
www.gouv.sn (site du Gouvernement du Sénégal)
www.edja.sn (site des Editions Juridiques Africaines)
www.courdecassation.fr (site de la cour de cassation française)
www.legifrance.gouv.fr (site où est publié le code civil français)
III- COMMENT LIRE (Extrait de l’ouvrage d’Isabelle DEFRENOIS-SOULEAU, Je
veux réussir mon droit, Dalloz, 2010, pp. 19-21)
Même d’une simple lecture, il doit vous rester quelque chose ; ce doit être un travail efficace
et non du temps perdu et de la fatigue.
Lisez lentement, avec grande concentration
Il ne s’agit pas de parcourir le texte distraitement ou avec précipitation. Décidez de vous
plonger dans une question ; concentrez-vous dans le calme, en vous ménageant un temps
suffisant.
Il n’est pas question de lire sans comprendre. Vous devez parvenir à comprendre très
clairement ce que vous lisez. Abordez la matière en prenant connaissance du plan et des
définitions : aucun mot ne doit vous restez obscur.
Lisez en pensant, en comparant, en vous posant des questions, c’est-à-dire de manière active.
Lisez le crayon à la main
Vos polycopiés, vos documents de TD, vos notes de cours, et même les manuels qui vous
appartiennent doivent être soulignés et annotés. Le texte lu sera ainsi préparé pour être résumé
(prenez l’habitude de faire des fiches) et révisé facilement.
Il est très utile de souligner ou de surligner les groupes de mots ou les phrases importants.
Mais il est sans aucun intérêt de souligner (ou de recopier) des paragraphes entiers. Souligner
a pour but de faire ressortir l’essentiel. Lorsque tout est souligné, plus rien ne ressort.
Le travail intelligent et profitable consiste à faire un effort pour distinguer l’important du
détail, isoler des mots mais peu de phrases, et ne faire apparaître que l’ossature du texte. De la
sorte, cette ossature apparaît d’un coup d’œil et le résumé de la question se trouve préparé.
Des indications notées en marge vous aideront aussi à préparer le travail de révision : marquez
d’un signe les définitions et les questions qui vous seront signalées comme étant
particulièrement importantes.
A RETENIR : vos notes de cours doivent être disposées de manière aérée et doivent être
aisément lisibles. Il faut nécessairement plusieurs lectures pour comprendre un cours. Une,
deux et même trois lectures ne suffisent point pour se familiariser avec le cours. Prenez le soin
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de photographier le plan (c’est-à-dire de connaître parfaitement le plan de votre cours : le
meilleur moyen c’est de prendre le plan sur des fiches, c’est la première étape du résumé du
cours).
IV- QUELQUES CONSEILS POUR LA REUSSITE DE L’EXPOSE ORAL (Extrait
de l’ouvrage d’Isabelle DEFRENOIS-SOULEAU, Je veux réussir mon droit,
Dalloz, 2010, p. 208)
L’exposé est un exercice de communication
L’exposé n’est pas une dissertation plus ou moins mal lue, mais un exercice bien particulier
destiné à vous entraîner à la parole en public d’une part, et à faire profiter tout le groupe du
travail de l’un des étudiants, d’autre part. C’est donc l’occasion d’apprendre à vous exprimer
oralement avec aisance et sérieux. Le droit est un art d’expression et presque toutes les
professions juridiques exigent de savoir parler, expliquer, convaincre.
En préparant et en disant votre exposé, pensez à votre auditoire
Ayez pour objectif :
-
de vous faire comprendre,
-
d’intéresser votre auditoire,
-
de lui apporter quelque chose : une étude approfondie, une synthèse, qui constitue le
fruit de votre travail et que vous avez à cœur de transmettre.
Dans cet état d’esprit, attachez-vous :
-
à mettre en valeur les aspects intéressants de la question,
-
à être clair,
-
à vous exprimer de manière correcte et vivante.
A RETENIR : Ne restez pas toujours collé à vos notes ! Un exercice bien préparé doit
pouvoir être présenté avec aisance sans pour autant lire de manière permanente ce que vous
avez écrit. Un étudiant de la première année doit s’exercer pour pouvoir y arriver
progressivement.
V- TRAVAIL DE LA LANGUE FRANCAISE
L’expression écrite doit être de qualité. Les copies qui présenteront trop de lacunes en français
seront sanctionnées. Pour vous éviter d’être pénalisé, la langue française devra être travaillée
sans relâche tout au long de l’année afin d’être toujours mieux connue, mieux dominée.
-
Enrichissez votre vocabulaire.
-
Evitez les erreurs et les imprécisions de vocabulaire, qu’il soit courant ou juridique
(gardez-vous d’employer, solutionner (pour résoudre) ; expliciter (pour expliquer) ;
conséquent (pour important) ; complexifier (pour compliquer, obscurcir) ; malgré que
(pour bien que, quoique) ; par contre (pour en revanche) ; génocide (pour crime) ; etc.
« Mal nommer les choses, c’est ajouter aux malheurs du monde » (Albert Camus).
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-
Faites attention à l’orthographe.
-
N’oubliez pas les accents et les majuscules.
-
Pensez à la ponctuation, elle est la respiration de la langue.
-
Tenez compte de la grammaire élémentaire (un verbe dans chaque phrase).
« Il ne peut y avoir, d’un côté la forme, de l’autre le fond. Un mauvais style, c’est une pensée
imparfaite » (Jules Renard).
Pour cela, vous devez :
-
continuer à travailler votre grammaire, conjugaison et orthographe en utilisant des
ouvrages appropriés (Bescherelle. La conjugaison pour tous, L’orthographe pour
tous, la grammaire pour tous), le BLED (orthographe, grammaire, conjugaison),
d’Edouard Bled.
-
Avoir à votre disposition un dictionnaire de la langue française (Le Robert, Le
Larousse, ou Le Dictionnaire Universel, Hachette, 2007).
-
Lire aussi des ouvrages, autres que ceux de droit (cela pourra vous aider à parfaire
votre culture générale).
VI- EXPRESSIONS LATINES USUELLES
Ab intestat : succession qui s’ouvre en l’absence de testament
Ad hoc : qui convient pour cela, pour cette fonction
Ad litem : pour le procès
Ad nutum : à son gré, de manière discrétionnaire
Ad probationem : formalité exigée pour la preuve d’un acte
Ad validitatem : formalité exigée pour la validité d’un acte
Contra legem (coutume) : coutume contraire à la loi
De cujus : défunt dont on répartit la succession entre les héritiers
De facto : en fait ou situation de pur fait
De jure : en droit ou situation juridique
De lege ferenda : dans la perspective d’une modification de la loi
De lege lata : relativement à la loi en vigueur
Erga omnes : à l’égard de tout le monde
Infra petita : en deçà de la demande
Instrumentum : acte juridique (le document)
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Intuitus personae : en considération de la personne
Lato sensu : au sens large
Negotium : acte juridique (le contenu)
Praeter legem (coutume) : coutume qui complète la loi
Pretium doloris : indemnisation des souffrances
Ratione loci : en raison du lieu (compétence territoriale du tribunal)
Ratione materiae: en raison de la matière (compétence d’attribution du tribunal)
Res nullius : chose sans propriétaire
Secundum legem (coutume) : coutume à laquelle renvoie la loi
Stricto sensu : au sens strict
Ultra petita : au-delà de la demande
Quelques maximes et adages
Accessorium sequitur principale : l’accessoire suit le principal
Actor sequitur forum rei : le demandeur doit porter l’action devant le tribunal du défendeur
Actori incumbit probatio : au demandeur incombe la preuve
A l’impossible nul n’est tenu
Bonne foi est toujours présumée
Donner et retenir ne vaut
Dura lex, sed lex : la loi est dure, mais c’est la loi
En fait de meubles, possession vaut titre
Error communis facit jus : une erreur communément répandue devient le droit
Exceptio est strcictissimae interpretationis : l’exception est d’interprétation stricte
Fraus omnia corrumpit : la fraude corrompt toute chose
In dubio pro reo : le doute profite à l’accusé
Nemo auditur propiam turpitudinem allegans : on ne peut être entendu en justice lorsque l’on
invoque sa propre turpitude
Nemo censetur ignorare legem : nul n’est censé ignorer la loi
Non bis in idem : on ne peut être jugé deux fois sur la même chose
Nulla poena (crimen) sine lege : il n’y a pas de peine (ou de crime) sans loi
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Ubi lex non distinguit nec nos distinguere debemus : quand la loi ne distingue pas, nous non
plus ne devons distinguer
Pas d’intérêt, pas d’action
Qui fait l’enfant doit le nourrir
Res mobilis, res vilis : chose mobilière, chose sans valeur
Res perit domino : la perte d’une chose est pour le propriétaire
Specialia generalibus derogant : les dispositions spéciales dérogent aux dispositions
générales
H. Roland et L. Boyer, Adages du droit français, Litec, 4è éd., 1999.
H. Roland, Lexique juridique – expressions latines, Litec, 4è éd., 2006.
VII- VOCABULAIRE JURIDIQUE
Chaque terme de droit a un sens précis qu’il convient de connaître pour pouvoir l’utiliser à
bon escient.
-
Un tribunal rend des jugements ; une cour d’appel, la cour suprême, le conseil d’Etat
rendent des arrêts, un président d’un tribunal ou d’une cour rend des ordonnances ;
une juridiction (tribunal ou cour) et le conseil constitutionnel rendent des décisions
-
Une cour d’appel confirme ou, au contraire, infirme (ou réforme) une décision. La
cour suprême ne confirme jamais (ni n’infirme ou ne réforme) une décision. Soit elle
rejette un pourvoi, c’est-à-dire qu’elle maintient une décision, soit elle casse celle-ci,
c’est-à-dire l’annule.
-
Ne dites pas qu’une loi stipule. Une loi dispose, prévoit, énonce, précise, etc.
C’est le créancier qui, dans un contrat, stipule une clause ou une obligation qui engage son
débiteur.
-
L’initiative d’un projet de loi revient au Président de la République; l’initiative d’une
proposition de loi, aux membres du parlement.
-
Plaignant, porter plainte (ne dites pas « porter une plainte »), poursuites, accusé,
prévenu, coupable, innocent sont des termes qui doivent être employés exclusivement
en matière pénale.
-
Préjudiciel : qui doit précéder le jugement. Préjudiciable : qui cause un dommage à
quelqu’un.
-
Demandeur : partie (ou plaideur) qui prend l’initiative d’un procès. Défendeur :
partie (ou plaideur) contre laquelle la demande est formée (à ne pas confondre avec le
terme défenseur, qui désigne l’avocat qui assure la défense ou la représentation d’un
plaideur).
12
-
Le fonds (avec « s » au singulier) désigne certaines biens (par exemple : fonds de
commerce). Le fond (sans « s » au singulier) signifie, au sens propre, l’endroit le plus
bas d’une chose (par exemple : descendre au fond), et au sens figuré, ce qui porte sur
des choses essentielles (par exemple : plaider ou juger sur le fond).
-
Placez les accents ainsi: règle, règlement, pouvoir réglementaire, réglementer.
Consulter les ouvrages (précités) de vocabulaire juridique.
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QUELQUES CONSEILS D’ORDRE PRATIQUE
-
Pour tout ce qui concerne les questions d’ordre administratif liées aux examens et aux
travaux dirigés, s’informer attentivement auprès des services compétents (Assessorat,
Service des examens et TD, Scolarité).
-
A l’examen de rattrapage, renseignez-vous sur la matière à reprendre. Lorsqu’une
unité d’enseignement n’est pas validée, tous ses éléments doivent être repris.
Exemple : l’introduction à l’étude du droit et les institutions judiciaires forment une
unité d’enseignement. Si l’étudiant a la moyenne en I.J et pas en Droit civil, et qu’il
n’a pas validé l’unité d’enseignement, il doit reprendre les deux (droit civil et I.J). Si
l’étudiant a la moyenne en introduction au droit et non en I.J, et qu’il a validé l’unité,
il ne doit pas reprendre pas les institutions judiciaires. Par ailleurs, faites bien attention
au sujet que vous devez traiter. C’est vraiment dommage de voir un étudiant échouer
parce qu’il n’a pas traité le bon sujet (il arrive qu’un étudiant traite le sujet d’un
semestre qu’il ne devait pas reprendre). Parce que dans pareil cas, il sera considéré
comme défaillant pour le semestre qu’il n’a pas repris.
-
Assurer vous que vous avez bien une note de TD pour chaque semestre (cela vous
éviterait à faire des réclamations). En effet, même si vous êtes régulier aux séances de
TD, il peut arriver que l’assistant qui a beaucoup de groupes à diriger oublie de vous
attribuer une note. Pour éviter cela, il faut assister à la dernière séance consacrée à la
remise des notes.
-
Lire les affiches (qui se font souvent au niveau du hall de la faculté), chaque jour, à
la sortie des amphithéâtres. Parfois, il peut y avoir des changements relatifs aux
programmations des cours et TD. Pour les travaux dirigés : les jours, les horaires, les
salles de TD et même les exercices de la semaine peuvent changer en fonction de
certaines circonstances.
-
Concernant les travaux dirigés, pour chaque semestre, le service des examens et TD
établit des emplois du temps différents. L’emploi du temps du 1er semestre n’est pas
automatiquement reconduit au second semestre (il y a souvent des changements de
salles de TD). Alors, revoir impérativement les affiches relatives aux TD du
second semestre.
-
Visiter régulièrement le site de la FSPJ : www.fsjp.sn.
-
Surtout, ne jamais hésiter à poser des questions aux chargés de TD qui pourront vous
conseiller.
14
Université Cheikh Anta Diop de Dakar
2011/2012
Année Universitaire
Faculté des sciences Juridiques et Politiques
Licence 1 Sciences Juridiques
***********
Droit Civil / Groupe A
1er Semestre
Chargée du Cours : Dr Fatou Kiné CAMARA
Coord. : Ndèye Coumba Madeleine NDIAYE
SEANCE 2
THEME : La règle de droit
Sous-thème : Identification de la règle de droit
Contenu de la séance : Méthodologie de la dissertation juridique et exercice d’application
Sujet : Droit et morale
BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE
-
Buffelan-Lanore (Y.) et Larribau-Teyneyre (V.), Droit civil 1re année, Sirey, 16è éd.,
2009.
-
Carbonnier (J.), Droit civil, Introduction, PUF, coll. Thémis, 2è éd. 2002.
-
Cornu (G.), Droit civil, Introduction au droit, Montchrestien, coll. « Précis Domat »,
13è éd., 2007.
-
Malaurie (Ph.) et Morvan (P.), Droit civil, Introduction générale, Defrénois, coll.
« Droit civil », 3è éd., 2009.
-
Mazeaud (H., L. et J.) et Chabas (F.), Leçons de droit civil : Introduction à l’étude du
droit, Montchrestien, 12è ed., 2000. (ouvrage recommandé pour cette séance).
-
Terré (F.), Introduction générale au droit, Dalloz, coll. « Précis », 8è éd., 2009.
Doc. 1. La règle de droit / par le Professeur Henri MAZEAUD (extrait de son Cours de
droit civil, licence 1e année – Les Cours de droit 1954-1955)
Il est indispensable, pour que la vie en société soit possible, qu’il existe une règle, une
règle de conduite. Si chacun de nous suivait son bon plaisir, chacun deviendrait un ennemi
pour son voisin. Mais si la nécessité d’une règle de conduite est incontestable, il est par contre
plus difficile de préciser à quels besoins répond exactement cette règle de conduite.
15
En réalité, cette règle s’impose à nous pour deux raisons ; elle s’impose, d’une part pour
faire régner la justice, et, d’autre part, pour donner la sécurité.
- La règle de droit s’impose d’abord pour faire régner la justice. Le besoin de justice est
l’un des plus élémentaires et l’un des plus impérieux que nous ressentions. Il existe déjà chez
l’enfant ; dès le plus jeune âge l’enfant se révolte contre l’injustice, et ce sentiment demeure
également puissant chez l’adulte : nous ne pouvons admettre un acte qui ne paraît se justifier
que par la force de celui qui l’accomplit ; il y a contre cet acte une révolte de notre
conscience, et ce n’est pas là seulement une simple réaction de tendance morale ; nous
réagissons ainsi parce que nous savons que la vie en société serait impossible si les plus forts
pouvaient écraser les plus faibles.
- La règle de droit est également nécessaire pour nous donner la sécurité, car, pour vivre
en société, l’homme a encore plus besoin de sécurité que de justice. Nous pouvons à la
rigueur vivre sous une règle que nous estimons injuste, du moins faut-il que nous
connaissions la règle sous laquelle nous vivons ; il faut, en effet, que quand nous
accomplissons un acte nous sachions quelles seront exactement les conséquences de cet acte.
Ce besoin de justice, et surtout ce besoin de sécurité, sans la satisfaction desquels la vie
en société est impossible, obligent à tracer une règle de conduite.
Mais il y a deux disciplines qui proposent aux hommes des règles de conduite ; il y
a la morale, et il y a le droit. Alors une question se pose : est-ce que la morale n’est pas une
règle suffisante, est-ce qu’il est nécessaire d’avoir, à côté de la règle morale, une règle de
droit ? C’est nécessaire, parce que la règle morale ne peut à elle seule, gouverner une
société, et cela pour trois raisons : (…).
Voilà donc la différence entre la règle de droit et la règle de morale :
La règle de morale a pour but de nous dire ce qui est juste, et aussi ce qui doit être
fait par chacun de nous au-delà de la justice, sur le terrain de la charité.
La règle de droit, elle, a pour but à la fois d’obliger à respecter ce qui est juste,
sans pouvoir dépasser la justice, et de nous donner la sécurité. (V. L’intégralité du
document à la salle de lecture de la FSJP).
Doc. 2 : Recueil Dalloz 1990, Chron. p. 199 La règle de droit comme modèle / Par Antoine
Jeammaud.
1. - La règle de droit est une « règle de conduite dans les rapports sociaux,
générale, abstraite et obligatoire, dont la sanction est assurée par la puissance publique » (1).
Que l'on adopte cette définition ou qu'on lui préfère une variante marquant son appartenance à
un genre des « ordres », « commandements », « impératifs » ou encore des « directives », il
n'est guère contesté que toute règle juridique a pour objet une conduite, par là même imposée,
interdite ou permise. Dans son champ de validité, tout ordre juridique répartirait les actions
humaines en licites (prescrites, positivement permises, ou indifférentes) et illicites (actions
16
prohibées ou abstentions d'accomplir ce qui est prescrit) ; encore que cette répartition selon un
code binaire puisse être troublée par le sentiment d'un « vide juridique » rendant incertain le
statut d'un comportement dont on souhaiterait qu'il fût explicitement commandé, interdit ou
autorisé. Cette conception des règles de droit et de leur rapport aux actions relève de ce « sens
commun théorique des juristes », qui fournit la matière commune de la plupart des ouvrages
et des enseignements d'introduction au droit. Elle est reçue ou confortée par maintes
productions de théorie ou philosophie du droit, à commencer par le normativisme kelsénien.
Les sociologues qui s'intéressent à la présence du droit dans les relations sociales paraissent
s'en accommoder, si même ils n'en font le présupposé d'une notion bien sommaire de
l'effectivité (les comportements conformes) ou de l'ineffectivité (les comportements
infractionnels) des normes. Soucieuses de dévoiler les fonctions sociétales du droit au cœur
d'un mode de production générateur d'inégalités et de domination, les approches critiques ne
s'inquiètent guère de sa pertinence. Il est vrai que, si nul ne dénonce plus dans le droit la
volonté masquée de la classe dominante ou une pure variété de violence, cette vision de la
norme juridique comme précepte de conduite peut faciliter la démonstration de sa vocation à
garantir et légitimer un ordre social établi tout en servant quelques changements désirés par
les détenteurs du pouvoir.
Nous voudrions pourtant convaincre de rejeter cette définition. Elle pèche par simplisme et
irréalisme à la fois. Notre conviction est que, si un ordre juridique comme le droit étatique
français de ce temps se présente d'abord comme un ensemble de normes, celles-ci ne
constituent pas toutes, tant s'en faut, des règles de conduite. Il s'agit, tout au plus, de règles
pour des actions. C'est en cela qu'elles appartiennent au genre des normes éthiques, et non en
raison de ce que serait nécessairement leur objet (2).
2. - L'ambition de cette mise en cause paraît d'abord limitée. Elle ne prétend pas fournir
une réponse exhaustive à la question « qu'est-ce qu'une règle de droit ? », mais seulement
montrer l'inadéquation à l'expérience la plus banale d'une définition reçue par des juristes,
théoriciens et philosophes du droit de diverses obédiences. Elle se veut modeste contribution à
cette manière de polyphonie qu'est tout naturellement la pratique de la théorie du droit, dans la
mesure où cette dernière prétend moins découvrir la vérité du droit que proposer des concepts
utiles à un progrès continu dans sa compréhension.
Ainsi ne pensons-nous pas que l'élucidation de la vocation spécifique des dispositions
dont il est convenu qu'elles ont « valeur normative » engage nécessairement dans les débats
contemporains sur l'ontologie du droit. Quelle que soit la position préférée à cet égard (3), la
question « qu'est-ce qu'une règle juridique ? » devrait demeurer pertinente pour quiconque
admet que la Constitution, les codes, lois, décrets, etc. ont à voir avec le droit, même s'ils ne le
constituent pas en eux-mêmes ou à eux seuls. « Douter que le droit (quoi qu'il soit en englobe
d'autres) comprenne des règles et que ces dernières soient l'un des aspects saillants du droit,
semblerait trop violemment contraire à l'expérience commune » (4).
Notre rejet de la conception « déontique » généralement partagée se rapporte à
l'expérience d'une société étatique telle que la nôtre. Rien n'autorise, en effet, à prétendre que
17
la normativité est de l'essence du juridique, donc que l'existence de règles objectivées et
préposées est première au point de rendre inconcevable un modèle juridique charismatique
(5). Ainsi n'implique-t-il pas de position particulière sur le délicat problème des frontières de
la juridicité, à supposer que l'on s'entende pour le formuler utilement sur la base d'une
hypothèse raisonnable d'un pluralisme juridique qui ne condamne pas à sombrer, soit dans le
panjurisme, soit dans un complet relativisme (6). Il ne commande pas davantage de position
déterminée dans les discussions sur les fonctions du droit - à quoi, à qui sert le droit dans telle
société ? - dont l'élucidation demeure l'objectif primordial des démarches critiques face à ce
qu'il faut bien nommer « l'idéologie juridique dominante ». Toutefois, la distance que le rejet
de la vision déontique conduit à prendre avec la représentation courante d'un droit encadrant
strictement les actions, et prenant en quelque sorte chacun de ses sujets par la main, oriente
vers une compréhension plus réaliste du modus operandi de ce droit dans le quotidien. La «
rigueur de la loi » s'en trouve relativisée et l'on pressent plus clairement la variété des voies de
cette « contrainte » qu'évoque l'idée même de loi. En cela aussi, la thèse très partielle qui va
être exposée inspire la défiance à l'égard de toute théorisation radicale de la systématicité du
droit et incite à préférer, moyennant sans doute quelques amendements, un recours au
paradigme du jeu (7). Elle doit, à tout le moins, prémunir contre une compréhension de type
organisciste ou téléologique de la régulation sociale à laquelle concourt le droit et de sa
manière spécifique d'y participer (8).
3. - Nous parlerons indifféremment de règle ou norme juridique. L'extrême dispersion
des distinctions parfois proposées entre des concepts que désigneraient respectivement ces
deux vocables recommande de s'en tenir à l'usage terminologique le plus répandu. Pour
certains, normes et règles constituent deux catégories différentes, mais l'accord cesse lorsqu'il
s'agit de repérer le genre et l'espèce. D'autres voient plutôt dans la norme une composante de
toute règle. Voilà qui est affaire de convention (9).
S'il paraît opportun de tenir pour synonymes les expressions « règle de droit » et « norme
juridique », il ne faut pas méconnaître, en revanche, la distinction essentielle des règles et des
décisions. Nous ne suivrons pas les auteurs qui regroupent ces deux espèces dans un genre des
« normes » (10). Cette option terminologique pourrait cependant se prévaloir d'une partielle
analogie d'usage de la règle (ou norme) et de la décision. Cette dernière, dont on trouve
maintes variétés dans la vie du droit (dispositif d'un jugement, nomination, mais aussi
disposition abrogatoire logée dans une loi ou disposition sur l'application d'une loi dans le
temps, édiction d'un transfert de propriété ou de capital inscrite dans une loi de
nationalisation, amnistie édictée dans une loi, etc.), est certes un acte tendant à modifier
ponctuellement la situation ou l'objet qu'elle affecte et elle s'épuise dans cette intervention
(11). Ses effets, néanmoins, s'avèrent durables, car tant qu'elle n'a pas été mise à néant, il y a
lieu de s'y référer pour déterminer la configuration ou la « valeur » juridique de la situation
qu'elle a touchée : telle personne doit-elle ou non des dommages-intérêts à telle autre, tel acte
privé ou public demeure-t-il valide ou a-t-il été annulé, quel est le titulaire de telle fonction ?
Son usage est alors analogue à celui d'une règle.
18
4. - Celle-ci est en effet une espèce de modèle : c'est de sa vocation à servir de référence
afin de déterminer comment les choses doivent être qu'un énoncé tire sa signification
normative, et non d'un prétendu contenu prescriptif, prohibitif ou permissif d'une conduite.
Nous tenterons d'en convaincre (I), puis examinerons dans quelle mesure ou dans quel sens
les règles de droit, identifiées comme des modèles pour les objets les plus divers, présentent
les caractères qu'il est traditionnel de leur attribuer (généralité, obligatoriété, présence d'une
sanction) (II). (V. l’article à la salle de lecture de la FSJP).
Doc.3.
Article de Philippe Jestaz, La sanction ou l’inconnue du droit, Dalloz, 1986, chron. 197
(disponible à la salle de lecture de la faculté des sciences juridiques et politiques).
19
SEANCE 3
THEME : Les sources de la règle de droit
Sous-thème : La hiérarchie des normes
Exercice : faire la dissertation
Sujet : La valeur des conventions internationales en droit interne
BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE
-
Doudou Ndoye, La Constitution du Sénégal du 22 janvier 2001 commentée, EDJA,
2011.
-
Le texte de la Constitution du Sénégal est disponible sur le site du gouvernement du
Sénégal : (www.gouv.sn).
-
Malaurie (Ph.) et Morvan (P.), Droit civil, Introduction générale, Defrénois, coll.
« Droit civil », 3è éd., 2009.
-
Mazeaud (H., L. et J.) et Chabas (F.), Leçons de droit civil : Introduction à l’étude du
droit, Montchrestien, 12è ed., 2000.
-
Terré (F.), Introduction générale au droit, Dalloz, coll. « Précis », 8è éd., 2009.
(Ouvrage recommandé pour cette séance).
-
Guibril CAMARA, Communication de la cour de cassation du Sénégal, in les actes du
colloque de Ouagadougou 24-26 juin 2003 sur l’application du droit international
dans l’ordre juridique interne des Etats africains Francophones – Les cahiers de
l’association Ouest Africaine des hautes juridictions francophones, pp. 296-299.
(Document disponible à la salle de lecture de la FSJP).
-
C- Neirinck et P.-M. Martin, Un traité bien maltraité. A propos de l’arrêt Le Jeune,
JCP 1993, I, 3677.
-
Cass. 1re civ. 13 juillet 2005, D. 2006, jur. P. 554, note F. Boulanger.
-
M. Alioune SALL, Les débuts des cours de justice de la CEDEAO et de l’UEMOA :
propos sur la faiblesse du droit jurisprudentiel de l’intégration en Afrique de l’Ouest,
Nouvelles Annales Africaines, n° 1/2010, pp. 5-72.
Doc. 1. Art. 97 de la constitution du Sénégal : « Si le Conseil Constitutionnel a déclaré qu’un
engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, l’autorisation de
le ratifier ou de l’approuver ne peut intervenir qu’après révision de la Constitution ».
Doc. 2. Art. 98 de la Constitution du Sénégal : « Les traités ou accords régulièrement ratifiés
ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque
accord ou traité, de son application par l’autre partie ».
Doc. 3. Extrait de Pascal Puig / Hiérarchie des normes : du système au principe - Revue
trimestrielle de droit civil 2001, Chroniques p. 749
20
(…) En fondant la validité d'une norme juridique sur le respect d'une procédure de création
prescrite par une norme supérieure - et, en dernier lieu, par la norme fondamentale - le
système kelsénien conduit le droit à organiser lui-même sa propre production (6) et, par cette
« autorégulation » (7), à se réaliser par degrés successifs. La norme de degré supérieur ne
pouvant tout prévoir (8), c'est à celles de niveau inférieur qu'il revient d'apporter les précisions
utiles, et ainsi de suite jusqu'aux normes à caractère individuel et aux actes de pure exécution
matérielle. La détermination du droit s'opère ainsi par étapes successives en descendant du
sommet vers la base de la pyramide des normes. A ce schéma théorique correspond en France
un mode de régulation juridique fondé sur la suprématie de l'Etat et gouverné, dans une large
&é »(-è-+
mesure, par une Administration dont l'omnipotence a atteint sous la Ve République des
proportions inquiétantes (9). Que ce système ait engendré une augmentation considérable du
volume des textes et participé au naufrage du droit commun en favorisant la spécialisation des
branches du droit n'est plus à démontrer.
En revanche, le « système dynamique de normes » auquel correspondent, selon Kelsen,
les ordres juridiques (10), n'aurait guère dû favoriser une inflation des contrôles au-delà du
seul respect des conditions de création de la norme. L'auteur distingue en effet deux systèmes
de normes, l'un de type statique, l'autre de type dynamique. Dans le premier, la validité des
normes résulte de la conformité de leur contenu à celui d'une norme supérieure, si bien que
chacune d'elles se trouve subsumée sous le fond d'une autre « comme le particulier sous le
général » (11) jusqu'à la norme fondamentale qui les contient toutes. Une telle hiérarchie
matérielle peut, selon l'auteur, être observée dans l'ordre moral où, par exemple, l'interdiction
du mensonge, de la tromperie ou du parjure peut être déduite de la norme plus générale qui
ordonne la sincérité (12). C'est donc par voie d'opération logique, en concluant du général au
particulier, que les normes peuvent se déduire l'une de l'autre.
A cette hiérarchie statique, Kelsen oppose un système dynamique dans lequel une norme
n'est pas valable parce qu'elle a un certain contenu mais parce qu'elle a été créée
conformément à ce que prescrit une norme supérieure, jusqu'à la norme fondamentale
supposée qui ne contient rien d'autre que « l'habilitation d'une autorité créatrice de normes »
(13). Dans un tel système, les seuls contrôles de validité auxquels les normes sont susceptibles
d'être soumises portent sur le respect de leur procédure de création puisque « n'importe quel
contenu peut être droit » (14). En cas de contrariété, peut alors être constatée la nullité de la
norme (15), c'est-à-dire son inexistence en tant que telle (16). Mais dès l'instant que ses
conditions de création ont été respectées, sa validité ne saurait, en principe, être contestée
alors même que son contenu se révélerait contraire à celui prescrit par une norme de niveau
supérieur. La pensée kelsénienne conduit ainsi à opérer une distinction fondamentale entre
validité et conformité (17) de laquelle il résulte qu'une norme valable, au sens où les
conditions qui règlent sa production ont été respectées, peut très bien n'être pas conforme au
contenu que prescrivent les normes de degré supérieur.
21
L'insigne mérite de cette proposition est de préserver la cohérence de la hiérarchie des
normes malgré la contrariété de fond d'une norme avec les degrés supérieurs de l'ordre
juridique, la validité n'impliquant pas la conformité. Dans cette perspective, il paraît quelque
peu difficile d'imputer au succès du normativisme l'accroissement des contrôles que connaît
notre droit positif, lesquels s'intéressent essentiellement à la conformité matérielle des
normes. L'analyse peut toutefois sembler bien insuffisante à ceux qui recherchent dans
l'organisation hiérarchisée des normes une cohérence substantielle. Or c'est bien ainsi qu'est
généralement comprise la hiérarchie des normes et c'est la raison pour laquelle le mouvement
normativiste a indirectement engendré cette inflation des contrôles.
3. Il est vrai que la théorie pure de Kelsen pouvait paraître sur ce point bien décevante et
que, séduits par la représentation pyramidale de l'ordre juridique, les juristes ont pu avoir la
tentation de l'adapter (18). En séparant les normes de leur contenu, en leur reconnaissant une
existence juridique indépendamment de tout jugement de valeur, elle conduit à « détacher le
droit de la société nourricière » (19) et s'installe, en définitive, « à côté du droit » et du
raisonnement juridique (20). Cette neutralité tant critiquée du kelsénisme conduit des auteurs
à n'y voir « qu'une théorie, et non une philosophie du droit » (21). Mais il est également vrai
que cette théorie comprend des nuances que les synthèses et le temps ont eu parfois tendance
à gommer. Ainsi le maître autrichien envisage-t-il assez largement la possibilité « qu'un seul
et même système de normes combine le principe statique et le principe dynamique » de telle
sorte que si les « ordres juridiques ont pour l'essentiel un caractère dynamique », il est
fréquent qu'une norme règle à la fois la création et le contenu des normes subordonnées (22).
Dans cette perspective, la validité ne tient plus seulement au respect de la procédure d'édiction
mais également à une correspondance de fond. Ainsi la théorie kelsénienne apparaît-elle déjà
plus directement à l'origine des nombreux contrôles de conformité (…). Suite V. le document
à la salle de lecture de la FSJP).
Doc. 4. Extrait de l’Arrêt Administration des Douanes c/Cafés Jacques Vabre – H. Capitant,
F. Terré et Y. Lequette, Grands arrêt de la jurisprudence civile, tome 1, 12è éd., 2007, p. 28.
MAIS ATTENDU QUE LE TRAITE DU 25 MARS 1957, QUI, EN VERTU DE
L’ARTICLE SUSVISE
DE LA CONSTITUTION [art. 55], A UNE AUTORITE
SUPERIEURE A CELLE DES LOIS, INSTITUE UN ORDRE JURIDIQUE PROPRE
INTEGRE A CELUI DES ETATS MEMBRES ;
QU’EN RAISON DE CETTE SPECIFICITE, L’ORDRE JURIDIQUE QU’IL A CREE EST
DIRECTEMENT APPLICABLE AUX RESSORTISSANTS DE CES ETATS ET S’IMPOSE
A LEURS JURIDICTIONS ; QUE, DES LORS, C'EST A BON DROIT, ET SANS
EXCEDER SES POUVOIRS, QUE LA COUR D'APPEL A DECIDE QUE L'ARTICLE 95
DU TRAITE DEVAIT ETRE APPLIQUE EN L'ESPECE, A L'EXCLUSION DE
L'ARTICLE 265 DU CODE DES DOUANES, BIEN QUE CE DERNIER TEXTE FUT
POSTERIEUR; D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN EST MAL FONDE; (…) – Par ces motifs,
rejette… (V. l’arrêt à la salle de lecture de la FSJP).
***********************************
METHODOLOGIE DE LA DISSERTATION JURIDIQUE
22
Si les étudiants semblent avoir une certaine familiarité avec la dissertation (dissertation
littéraire, philosophique), il faut remarquer que la dissertation juridique présente un certain
nombre de particularités liées bien sûr à la matière mais aussi à la construction. L’épreuve
écrite de dissertation juridique, parfois appelée « sujet théorique », n’est pas un devoir de
récitation du cours.
Il ne s’agit pas de reproduire des connaissances d’ailleurs plus ou moins bien comprises mais
de réfléchir à un sujet, en utilisant certes les connaissances acquises pendant l’année, mais
surtout en élaborant une réflexion personnelle et, en ce sens, originale. Dès lors, la
dissertation ne fait pas seulement appel à la mémoire, mais surtout à l’intelligence et à la
réflexion. Il est donc vain de tenter de rapprocher le sujet à traiter de tel ou tel chapitre du
cours, voire de telle section ou de tel paragraphe.
En effet, l’approche analytique qui est celle d’un cours diffère sensiblement de celle
synthétique qui est exigée dans une dissertation. La dissertation est une démonstration :
l’étudiant doit livrer au correcteur son approche de la question posée, en la justifiant par des
considérations juridiques. Dès lors, un bon devoir ne doit pas se limiter à une explication
technique des mécanismes juridiques discutés. Il doit indiquer en outre comment ces
mécanismes se rattachent au sujet, et pourquoi tel mécanisme est cité à tel endroit de la
démonstration et pas ailleurs.
La dissertation juridique est donc un exercice délicat et nécessite alors un effort de
préparation sérieuse et de construction rigoureuse avant la rédaction.
I- La préparation
Lecture du sujet
Cela semble banal de le préciser et pourtant une mauvaise compréhension du sujet découle
souvent de sa lecture en diagonal.
Imposez-vous plusieurs lectures articulées et concentrées, ne laissant rien passer.
Ne vous braquez pas sur un mot en négligeant l’expression entière (« l’action en nullité »
n’est pas le même sujet que « la nullité »).
Des termes comme comparer, commenter, discuter, analyser ou montrer vous indiquent et
vous imposent un certain genre d’exercice.
Analyse du sujet
Une étape à ne pas négligez, elle seule vous permet de cerner la problématique soulevée par le
sujet pour ensuite bâtir un plan détaillé adapté.
Une analyse rigoureuse vous garantit de ne pas passer à côté du sujet ou de traiter
partiellement le sujet.
-
Concentrez-vous d’abord sur la forme du sujet
Le sujet d’exposition
23
Le sujet d’exposition est l’exercice le plus simple, qui consiste à exposer une question
déterminée du programme de l’examen. En général, la question a été traitée en une seule fois
dans le cours. Cependant, pour éviter l’écueil d’une récitation mot à mot, il conviendra de
personnaliser le devoir. Cet effort de réflexion s’exprimera essentiellement dans la
construction du plan à partir de la problématique qui intéresse le sujet. Si la question dans le
cours a été décrite de manière linéaire en une suite de quatre ou cinq éléments par exemple, il
est indispensable de réunir ces éléments sous la forme d’un plan binaire. Si la question a été
traitée sous un plan classique en deux parties, il faudra rechercher si un autre plan n’est pas
concevable. A défaut, il sera toujours possible de rendre plus suggestifs les intitulés du plan
du cours. Exemple de sujet d’exposition : l’application de la loi dans le temps en matière de
contrats ; la notion de patrimoine, etc.
Le sujet de synthèse
Le sujet de synthèse nécessite de réunir plusieurs questions réparties dans l’ensemble du
programme. Dans ce cas, il faut éviter le piège qui consiste à ne traiter que le premier aspect
du sujet qui vient immédiatement à l’esprit. Il faut prendre le temps pour visionner tout le
cours et dresser l’inventaire complet des questions qui se rapportent au sujet. Ensuite, il
convient de réaliser une synthèse de ces questions.
Exemple : la vérité en droit civil ; la fidélité dans le couple, etc.
Le sujet de comparaison
Le sujet de comparaison est une espèce de sujet de synthèse. Il conduit à examiner deux
notions qui, souvent, ont été présentées séparément dans le cours. Cependant, l’exercice se
complique car il est indispensable d’examiner ces notions en parallèle. Autrement dit, il ne
s’agit pas de deux sujets descriptifs distincts mais d’un seul et unique sujet de synthèse.
Parfois ce genre de sujet est clairement énoncé dans l’intitulé. Par exemple « comparez le
droit et la morale ».
D’autres fois, il peut être déduit de l’utilisation dans l’intitulé de la conjonction de
coordination « et ». Par exemple : « Propriété et possession ». Cependant, l’emploi du mot
« et » n’est pas toujours synonyme d’un sujet de comparaison entre les deux éléments qu’il
relie. Souvent, il a pour objet d’inviter l’étudiant à réfléchir sur l’influence que peut exercer
l’un des éléments sur l’autre. Par exemple : le mariage en droit sénégalais et les conventions
internationales.
-
Analysez les termes clés puis délimitez le sujet
L’observation d’étudiants composant une épreuve écrite révèle une obsession pathologique à
trouver le plan parfait dans les cinq minutes qui suivent la distribution des sujets.
Faute de vous concentrer un quart d’heure sur l’analyse détaillée et la délimitation du sujet,
vous perdez un temps considérable à tester des plans bancals en cherchant davantage à caser
votre cours qu’à traiter la problématique. Vous vous contentez de réciter sans les trier ni les
organiser des connaissances parfois sans rapport direct avec le sujet. Mais ce n’est pas ce
24
qu’attend le correcteur ! Vous devez lui montrer que vous savez réfléchir et structurer votre
pensée.
Ne faites pas l’impasse sur l’analyse et la délimitation du sujet. Non seulement cette
étape fondamentale prévient le risque de hors sujet mais surtout met en lumière la
problématique à soulever ainsi qu’une ébauche de plan. Une analyse correctement
menée est la clé d’une dissertation réussie.
Pour une analyse efficace du sujet, sélectionnez puis définissez les termes clés. Décomposez
ensuite les définitions obtenues afin de repérer les points importants sous-entendus par le
sujet. Vous examinerez ces points lors de l’élaboration du plan détaillé.
Le piège, à ce stade de la préparation, est de restreindre arbitrairement le sujet ou de partir sur
une mauvaise voie en ne recherchant pas une définition exacte et complète de chaque terme.
Soyez attentif à tous les termes du sujet. Procédez par conséquent à une étude sémantique,
consistant à définir les mots importants, puis à une analyse grammaticale. Les articles définis
ou indéfinis, les mots de liaison comme « ou », « et », les adverbes et les signes de
ponctuation ne sont pas là par hasard ! Ils influent considérablement sur le sens du sujet.
Tenez également compte des temps et des modes employés. Attention ! La plupart des hors
sujets résultent de la négligence d’un terme ou d’un indice grammatical. Rater un examen,
une année universitaire, parce qu’on a confondu un « et » avec un « ou », alors que l’on
connaissait son cours sur le bout des doigts, il y a de quoi « se mordre les doigts » !
Pour gagner du temps lors de la recherche de la problématique, analysez le sujet sous forme
de tableau ou de schéma de manière à confronter les informations. La problématique naît en
effet de cette confrontation. La mise en valeur des contradictions soulevées par le sujet vous
permet de cerner et de formuler plus rapidement cette problématique.
-
Recherche et formulation de la problématique
Une fois l’analyse du sujet achevée, vous possédez déjà une idée de la problématique, c’est-àdire de la question importante et sujette à discussion que vous devez traiter. Selon l’intitulé du
sujet, cette problématique est plus ou moins apparente. Mais, même sous-jacente, elle doit
vous « sauter aux yeux » à ce stade de préparation si votre analyse a été correctement menée.
Il s’agit maintenant de la préciser et de la formuler correctement.
Relisez encore le sujet afin de vous assurer que vous ne partez pas sur la mauvaise voie. Puis
reprenez les éléments dégagés par l’analyse et repérez les contradictions qui en résultent.
Dégagez ensuite le fil qui unit ces contradictions. Ce fil constitue la problématique, c’est-àdire la question importante et digne d’intérêt que vous devez soulever. Pour vous aiguiller,
remémorez-vous aussi les points importants et les débats soulignés par le professeur lors du
cours relatif au thème abordé. Les sujets de dissertation ont quasiment toujours été évoqués
et/ou partiellement traités en cours.
La problématique est identifiée, il faut maintenant la formuler. Attention, il ne s’agit pas de
reprendre le sujet sous la forme d’une question ! Vous l’avez constaté, l’identification de la
problématique est le fruit d’un long processus de réflexion. Vous devez exposer le résultat de
ce processus. Votre formulation doit être dynamique. Cela signifie que vous devez mettre en
25
relief la problématique en expliquant son intérêt et l’enjeu des différentes réponses que l’on
peut y apporter. Pour trouver les éléments de mise en relief, prenez du recul face au sujet en
vous demandant pourquoi il vous est posé aujourd’hui et si les données du problème ont ou
vont évoluer ? Procédez par conséquent à une mise en perspective dans le temps et dans
l’espace du sujet.
Vous replacerez la problématique dans l’introduction que vous rédigerez une fois le plan
détaillé bâti. Cependant, formulez-la clairement avant la construction du plan car ce
dernier doit justement répondre à la problématique. Les intitulés des deux grandes parties
doivent renvoyer directement à la problématique. De bons intitulés doivent permettre de la
retrouver sans se référer à l’introduction.
-
Recensement des idées et des connaissances
Vous avez maintenant défini et précisé l’objet de votre développement. Il s’agit d’exposer en
deux axes votre réponse à la problématique que vous venez d’identifier.
Votre position personnelle, c’est-à-dire le message que vous voulez faire passer au moyen de
votre démonstration, constitue le fil directeur de votre devoir. Elle va donc orienter les
intitulés dans un sens ou un autre. L’exposé de votre réponse à la problématique doit être
organisé en deux axes (très exceptionnellement trois), en d’autres termes structuré autour d’un
plan, mais aussi justifié et illustré. En droit, encore plus que dans d’autres disciplines, vos
affirmations n’ont de valeur que si elles reposent sur des éléments objectifs. Affirmer sans
justifier revient à ne rien dire.
Afin de trouver les différents éléments qui servent de support à votre démonstration, reprenez
les points dégagés lors de l’analyse du sujet. Puis remémorez-vous votre cours, vos TD et vos
lectures en notant toutes les données qui se rapportent directement où indirectement au sujet.
Procédez à des associations d’idées.
II- La construction
La dissertation juridique comprend :
Une introduction,
Un plan (avec des développements bien sûr) en deux parties, elles-mêmes subdivisées en
deux sous-parties.
En revanche, ne vous donnez même pas la peine de pensez à la conclusion, car au premier
cycle on préfère l’occulter. Il n’y a pas de conclusion.
A. Les étapes de l’introduction
L’introduction est très certainement la partie la plus importante de la dissertation. Pour les
chasseurs de points, sachez qu’elle permet de récupérer un nombre conséquent de point
lorsqu’elle est bien construite. L’introduction ne doit être ni trop longue, ni trop brève (elle
doit représenter environ le 1/3 du devoir). Alors comment construire une bonne introduction
ou en tout cas une introduction qui puisse être satisfaisante.
26
L’introduction doit répondre aux trois grandes questions suivantes :
De quoi dois-je parler ?, Pourquoi dois-je parler de ce sujet ? Et comment vais-je parler
du sujet ?
De quoi dois-je parler ?
Il s’agit à ce stade de procéder à la présentation du sujet : l’étudiant doit amener et poser le
sujet, définir les termes du sujet et délimiter le sujet s’il y a lieu.
*1- Amener et poser le sujet
Amener le sujet
C’est la phrase d’accroche, encore appelée l’entrée en matière
Il s’agit de situer progressivement la question à traiter dans l’ensemble de la matière, en
centrant jusqu’à la cerner avec précision. C’est la méthode de l’entonnoir. Cependant, il faut
éviter de prendre la question de trop loin ou de trop haut, ce qui retarderait à l’excès l’étude
du sujet lui-même (par exemple il ne faut pas décrire toutes les sources de la règle de droit
avant d’en arriver à la jurisprudence ou encore, il ne faut pas exposer la règle de droit à
propos de l’étude de la preuve des droits subjectifs). Il faut essayer aussi de se distinguer en
proposant parfois une accroche qui va dans le sens du cours qui vous a été dispensé, mais qui
provient d’une autre source. Vous prouverez en outre que vous avez fait des recherches, donc
fourni un travail qui donne une valeur ajoutée à votre devoir. Citer le professeur de cours
magistral ou le chargé de TD n’est pas conseillé.
Exemple d’entrée en matière par la méthode de l’entonnoir (sujet l’abrogation de la loi par
désuétude)
Situer la question consiste à la placer dans le cadre général des sources du droit positif et,
parmi ces sources, la loi (dont on mentionnera la prééminence), puis à propos de la loi, à
poser la question de sa durée d’application, de son abrogation en général, et enfin du cas
particulier de son abrogation par désuétude
Cette façon d’ « attaquer » le sujet n’est pas la seule : L’entrée en matière peut notamment
faire référence à l’actualité juridique ou à l’histoire. Mais la méthode de l’entonnoir est la plus
usuelle.
Poser le sujet
Le sujet doit être progressivement annoncé. Il ne doit pas y avoir de rupture entre l’entrée en
matière et la citation du sujet
*2- La définition des termes du sujet
Dans le droit fil de la phrase d’accroche qui peut être une définition, vient le moment où il
faut définir le sujet (après l’avoir posé) pour le comprendre. Montrer que vous l’avez compris,
comment vous l’avez compris et pourquoi. En fait, il s’agit de prendre les mots du sujet et de
27
les définir en disant pourquoi vous avez retenu telle signification particulière de chaque mot et
du sujet en général. En procédant ainsi, vous dégagez et mettez en évidence, le sens du sujet.
A RETENIR : seuls les mots qui font partie du langage juridique sont à définir. Aussi, seuls
les vocables en relation directe avec le sujet appellent des définitions. Il n’y a pas lieu
d’expliquer chaque terme technique rencontré, ce qui alourdirait trop la dissertation.
Pour le sujet précédent (l’abrogation de la loi par désuétude : il s’agit de définir les termes :
loi, abrogation et désuétude).
* 3- La délimitation du sujet (ce point ne s’impose pas toujours. Tout dépend de l’étendue du
sujet)
Vous devez ciblez les idées que le sujet vous impose de traiter, tout en les délimitant d’abord
par rapport au sujet, mais aussi en prenant en compte des paramètres temporels (dates,
chronologie), géographique (le sujet impose-t-il de traiter que le cas sénégalais ou d’autres
pays sont concernés ? ), voire institutionnels (si le sujet impose une institution particulière,
peut-être cela suppose-t-il d’en évoquer d’autres. Ne serait ce que parce que l’institution du
sujet entretien des rapports avec les autres institutions).
Chose très importante aussi, dites ce que vous ne traiterez pas et pourquoi. L’intérêt de passer
par cette étape, consiste à montrer que vous avez connaissance de certaines notions mais dont
vous ne voyez pas l’utilité pour la démonstration que vous allez mener.
A RETENIR : délimiter un sujet ne consiste surtout pas à écarter une ou des questions qui
n’ont rien à voir avec le sujet (exemple pour traiter de la formation du mariage, l’étudiant n’a
pas à préciser que la question du divorce ne sera pas abordée parce que c’est une évidence).
Pourquoi dois-je parler de ce sujet :
Le sujet soulève une ou plusieurs questions fondamentales qui présentent certainement des
intérêts (sinon on ne vous l’aurait pas proposé). A ce stade, posez la problématique et le (ou
les) intérêt (s) du sujet.
*4- La problématique
Sujets sous forme interrogative
Parfois, la question que vous devez traiter est directement posée dans le sujet. Il convient alors
de répondre précisément à la question posée. Exemple : la jurisprudence constitue t-elle
une source de droit ? En général, ce genre de sujet invite l’étudiant à prendre
personnellement position. Il doit donc réunir les éléments de résolution du sujet présentés
dans le cours et les manuels, et les organiser pour construire un plan sous forme de réponse à
la question posée.
Sujets sous forme non interrogative
D’autres fois, la question que vous devez exposer n’est pas clairement exprimée dans le sujet.
Dans cette hypothèse, il ne vous appartient pas d’inventer n’importe quelle problématique. La
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problématique préexiste certainement, et vous devez la retrouver à travers le sujet. En général,
elle a été exposée en cours et elle figure dans les manuels.
Eventuellement, si vous avez du mal à dégager la problématique, essayez de reformuler le
sujet sous forme interrogative en utilisant des formules variées : « Quelle est l’influence de
… ? » ; « A quoi sert … ? » ; « Comment fonctionne … ? » ; « Quelle est la portée de
… ? »……..
Pour la réponse vous devez vous servir des matériaux (cours, documents) et de vos réflexions
personnelles.
A RETENIR : La problématique est le cœur de l’introduction. Soignez-là. Elle doit être
claire, compréhensible et surtout pertinente. C’est elle qui doit conditionner votre plan et non
l’inverse. Vous pouvez parfaitement tomber sur une, voire deux problématiques. Dans le
premier cas, il s’agira de suivre un seul fil conducteur. Il s’agira généralement de procéder par
étapes pour mener à bien la démonstration. Vérifiez que toutes les étapes du plan qui
s’annonce s’articulent bien entre elles. Dans l’hypothèse où vous auriez deux problématiques
qui ne peuvent a priori pas être regroupées sous une autre plus globale, alors dédiez une partie
à chaque problématique. C’est encore le plus simple. (Comment rechercher la problématique,
V. développements précédents)
*5- L’intérêt du sujet
Une fois que vous pensez savoir (mais mieux vaut en être certain) où le sujet veut vous
emmener, il faut insister sur l’intérêt du sujet. Il s’agit de répondre à la question : « pourquoi
dois-je parler de ce sujet ? ». Si le sujet a été donné, c’est qu’il est important. Il faut donc
rechercher pourquoi le sujet a été donné et le dire franchement. Ces intérêts, souvent liés à des
développements d’actualité, peuvent être d’ordre pratique et/ou théorique :
Intérêt théorique :
Ce sont les implications théoriques du sujet à savoir : les débats qui se sont soulevés (ce sont
les controverses doctrinales), lorsque les principes juridiques traduisent une évolution
particulière (de la législation, des mœurs, de la société…).
Exemple d’intérêt théorique
-
Actualité législative. Par exemple avec l’OHADA, la consécration d’un patrimoine
d’affectation avec la société unipersonnelle.
Controverse doctrinale. Par exemple, en ce qui concerne la nature du patrimoine, du
droit au nom ou du droit réel, la nature juridique du mariage.
Evolution d’un fondement du droit. Par exemple, en matière de responsabilité,
l’idéologie de la réparation qui conduit à indemniser toutes sortes de préjudices.
L’intérêt pratique
L’intérêt pratique se découvre la plupart du temps en cherchant à imager des cas d’application
concrets des règles juridiques en cause. On peut alors montrer que la question envisagée se
pose fréquemment, que les solutions à dégager intéressent beaucoup de personnes ou
29
commandent des conséquences (économiques, sociologiques…) importantes. Faire apparaître,
quand c’est possible, l’actualité des problèmes renforce considérablement le dynamisme de la
dissertation ; mais n’extrapolez surtout pas !
Exemple d’intérêt pratique
-
-
-
Conflit dans les sources du droit. Par exemple, le problème de la violation de la
convention de l’OIT soulevé dans l’affaire Séga Seck Fall, le problème de la violation
de la convention de New York contre la torture dans l’affaire Hissen Habré.
Hiatus entre la législation existante et les besoins pratiques. Par exemple les problèmes
posés par l’exigence du divorce judiciaire et la pratique de la répudiation ; les
problèmes posés par la limitation des dépenses excessives dans les cérémonies
familiales.
Aspects sociologiques. Par exemple en France, le débat judiciaire sur l’adoption
d’enfants par des couples homosexuels.
Eventuellement, on peut retracer à ce stade de l’intérêt du sujet l’évolution du sujet dans le
temps (historique) et dans l’espace (droit comparé).
A RETENIR : un sujet peut revêtir un intérêt théorique ou un intérêt pratique (pas toujours
les deux à la fois). Aussi, lorsque vous souligner l’existence d’un intérêt, il faudra
effectivement le préciser. Exemple : Il ne suffit pas de dire (comme on le remarque dans la
plupart des copies) : le sujet revêt un intérêt théorique (sans aucune précision). [Vous ne
soulignez là aucun intérêt !].
Comment vais-je parler du sujet ?
Il s’agit de justifier et d’annoncer le plan
* 6- L’annonce justifiée du plan
Vous voilà en possession de votre problématique qui prend le plus souvent la forme d’une
question. Le plan n’est autre que la réponse en deux points à cette question. Mais il ne s’agit
pas seulement de dire quelle articulation a été choisie ; il faut justifier ce plan. On doit
commencer par exprimer l’idée ou les idées essentielles animant le sujet ; puis on annonce
l’ordonnancement de la démonstration. Le plan adopté doit apparaître comme une
conséquence logique et naturelle des principes antérieurement dégagés.
L’essentiel consiste donc à expliquer pourquoi la présentation retenue s’impose.
L’annonce proprement dite se limite à la phrase dans laquelle vous ferez apparaître entre
parenthèse le I et le II du plan. Ex : ...............(I), ...................(II).
En première année, vous pouvez vous satisfaire de phrases assez simple comme : dans un
premier temps, puis dans un second, ou, dans une première partie nous traiterons telle chose et
puis telle autre dans une seconde. Mais il faudra assez vite dépasser ce stade car il n’apporte
pas de réelle satisfaction sinon celle de mettre en parallèle deux idées principales.
30
A RETENIR : l’étudiant doit impérativement dans l’introduction veiller à: Amener et
poser le sujet – Définir les termes du sujet – Poser la problématique – Donner l’intérêt
du sujet – Justifier et annoncer le plan.
Les différentes phases de l’introduction ne doivent pas être intitulées dans la rédaction.
Il suffit d’aller à la ligne après chaque phase.
B. Le plan
Le plan est commandé par le sujet, ou, plus précisément, par l’idée directrice que vous avez
dégagée. Il convient donc d’adopter un plan qui suive une ligne directrice claire, que l’on
s’attache à respecter et à démontrer.
Concrètement : le plan est la réponse à la problématique posée.
En droit, le plan se structure en deux parties, deux sous-parties. Ce qui fait un total de .... 4
sous parties. Si vous avez lu attentivement ce qui précédait, vous devez vous souvenir que,
lors de la recherche de notre problématique, nous avons regroupé nos idées en 4 catégories.
Celles-ci correspondent aux 4 sous parties. Mais pour réaliser le plan, ces 4 catégories doivent
être contenues dans deux grandes catégories. De telle sorte que :
Catégorie 1 regroupe Une sous catégorie, Une seconde sous catégorie,
Catégorie 2 regroupe Une sous catégorie, Une seconde sous catégorie.
Ce travail doit aboutir à plan qui devra avoir pour résultat ce qui suit :
Structure du Plan d’une dissertation juridique
I. Le titre de ma PREMIERE PARTIE
J’annonce que je vais parler ma première sous-partie (A), puis de ma seconde sous-partie (B).
A. Le titre de ma première sous-partie.
Je fais une transition pour annoncer la seconde sous-partie.
B. Le titre de ma seconde sous-partie.
Je fais une transition pour annoncer la SECONDE PARTIE.
31
II. Le titre de ma SECONDE PARTIE.
J’annonce que je vais parler de ma première sous-partie (A), puis de ma seconde sous-partie
(B).
A. Le titre de ma première sous-partie.
Je fais une transition vers ma seconde sous-p
artie.
B. Le titre de ma seconde sous-partie.
(Pas de conclusion)
ATTENTION : il est préférable et même important de réserver le I.B. et le II.A. aux
catégories les plus essentielles. C’est le cœur de votre devoir.
Comme vous pouvez le voir, le plan n’est pas qu’une succession de catégories. Il y a des
titres. Chaque titre de PARTIE doit être suffisamment englobant pour regrouper les
sous parties qui le composent (les sous parties doivent correspondre aux parties. Soit
elles se complètent ou elles s’opposent). De même, les titres doivent être la réponse à
votre problématique, de telle sorte qu’en le lisant le correcteur sait ce que vous allez dire
dans les parties et sous parties.
Ce n’est pas parce que vous n’avez pas le même plan que le camarade que vous êtes hors sujet
ou que vous avez fait un faux plan. Idem, en ce qui concerne votre plan et celui du chargé de
TD. Il y a plusieurs bonnes démarches pour traiter un sujet.
Tout dépend de la façon dont vous avez compris le sujet (en restant, bien sûr, dans le cadre de
la problématique posée par le sujet) mais aussi dont vous l’avez amené. D’où l’importance de
justifier (de bien justifier) les choix que vous avez fait lors de la délimitation du sujet.
Les différents plans possibles:
Le plan d’idées : c’est un plan qui valorisera toujours votre travail. Il est construit à partir
d’une idée que vous avez du sujet exposée en deux parties. Exemple de plan d’idées sur le
sujet le « dol » I- Le dol, vice du consentement dans la formation du contrat II- Le dol, délit
dans l’exécution du contrat
Les plans types
32
-
Les plans de comparaison : pour les sujets de comparaison, il faut proscrire l’examen
séparé des deux termes de la comparaison (Exemple pour le sujet précédent, éviter de
faire : I- Le droit II- La morale). A la limite, on peut envisager de présenter
successivement : les ressemblances (I) et les différences (II), en habilitant ces intitulés.
-
Les plans de continuation : le plan type le plus utilisé est celui dit « de continuation »,
dont les deux parties se prolongent en intégrant deux aspects distincts du sujet.
I- Les conditions II- Les effets /// I- La formation II- Le contenu /// I- La formation IIL’exécution /// I- Les sujets ou les titulaires du droit II- L’objet ou le contenu du
droit….
A RETENIR : Veiller à réaliser un certain équilibre des parties et sous-parties, en volume
et en intérêt autant que possible.
III-
La rédaction
Vous devez retenir qu’une dissertation est une démonstration et non pas un simple exposé des
connaissances. Les connaissances sont mises au service de la démonstration, c’est à dire de la
problématique.
Contrairement à la forme, le fond ou le contenu est fonction du sujet qui vous est donné. Mais
il y a quelques règles essentielles qui ne changent pas. Elles sont relatives à la rédaction ou la
formulation du contenu et son développement.
Faites des phrases courtes et simples. Les phrases courtes rendent le contenu dynamique, léger
et maintient l’attention du correcteur ou du lecteur. Les phrases simples rendent la dissertation
plus claire et compréhensible. Vous éviterez ainsi de perdre le lecteur. Généralement tout se
passe en trois temps : je vais dire quelque chose, je dis la chose en question, voilà ce que je
voulais vous dire. Il faut exprimer vos intentions, les réaliser et les résumer.
Privilégiez une idée par partie, mais une idée importante peut être accompagnée d’autres idées
accessoires. Le risque reste que des idées accessoires peuvent être hors sujet.
Il n’est pas possible de schématiser ou d’aller plus en profondeur pour deux raisons : la
première c’est qu’il existe une multitude de sujet et que chaque sujet peut être traité
différemment. C’est selon l’importance que l’on accorde à telle ou telle idée.
Pour quelques conseils de rédaction: soigner l’écriture, l’orthographe et l’expression ;
proscrire les abréviations, les sigles et les schémas ; éviter les familiarités ; ne pas
employer le mot « je », mais plutôt « nous », « on », « il » ; éviter l’emploi de verbes dans
les intitulés ; éviter les répétitions ; aller à ligne pour chaque idée nouvelle, enchaîner les
phrases de manière logique ; enfin, relire la copie.
33
Université Cheikh Anta Diop de Dakar
2011/2012
Année Universitaire
Faculté des sciences Juridiques et Politiques
Licence 1 Sciences Juridiques
***********
Droit Civil / Groupe A
1er Semestre
Chargée de cours : Dr Fatou Kiné Camara
Coord: Melle Ndèye Coumba Madeleine NDIAYE
SEANCE 4
THEME : Application de la loi
Sous-thème : conflits de lois dans le temps
Exercice: faire les cas pratiques
Cas n° 1
Khady, une jeune villageoise qui a quitté le collège après son échec au BFEM vient en ville
pour travailler comme domestique. Pendant deux années, elle est payée 25. 000 F CFA (vingt
cinq mille francs CFA) le mois. Un jour, à la radio, elle apprend qu’une loi nouvelle est en
vigueur depuis des mois et qu’elle prévoit un salaire minimum de 35. 000 F CFA (trente cinq
mille francs CFA) pour tout travailleur. Au retour de son employeur, Khady le lui fait savoir
et lui demande dare dare une augmentation de 10. 000 F CFA (dix mille francs CFA). Mieux,
elle lui demande de lui rembourser le surplus de 10. 000 F CFA (dix mille francs CFA) par
mois pour les deux années déjà écoulées. Qu’en pensez-vous ?
Cas n° 2
Modou est un farouche opposant politique ; il ne se lasse jamais d’afficher dans des endroits
publics des tracts contenant des messages hostiles au pouvoir en place.
Un jour, il est surpris et appréhendé par un agent de police pour affichage illégal.
Après jugement, il est condamné à 1 mois de prison. La semaine suivant sa condamnation,
entre en vigueur une loi qui dépénalise l’affichage illégal.
Son avocat, confiant, lui apprend qu’il va bientôt être libéré. Sur quels arguments se fonde ce
dernier ?
Cas n° 3
Mor Thiam est inquiet. Lors d’une discussion à la place du village, un étudiant en sciences
juridiques venu en vacances, lui a appris qu’il avait été voté une loi interdisant la polygamie
au-delà de 2 épouses sous peine d’emprisonnement. Mor Thiam, qui, déjà, avait 3 épouses, a
deux craintes majeures :
34
Il envisageait de convoler en quatrième noce le mois suivant ; son projet a-t-il des chances
d’aboutir ?
D’un autre côté, le jeune étudiant en droit lui a fait savoir qu’il devait divorcer d’avec l’une de
ses trois épouses sous peine de violer la loi ? Ce dernier a-t-il raison ?
INDICATIONS BIBLIOGRAPHIQUES
Malaurie (Ph.) et Morvan (P.), Droit civil, Introduction générale, Defrénois, coll. « Droit
civil », 3è éd., 2009.
Mazeaud (H., L. et J.) et Chabas (F.), Leçons de droit civil : Introduction à l’étude du droit,
Montchrestien, 12è ed., 2000.
Terré (F.), Introduction générale au droit, Dalloz, coll. « Précis », 8è éd., 2009.
Buffelan-Lanore (Y.) et Larribau-Teyneyre (V.), Droit civil 1re année, Sirey, 16è éd., 2009.
Documents annexes
Doc. 1. Art. 2 Code civil français : « La loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet
rétroactif ».
Doc. 2. Art. 831 Code de la famille du Sénégal
Conflits de lois dans le temps
- Principe
« La loi nouvelle a effet immédiat au jour de sa mise en vigueur. Elle régit les actes et faits
juridiques postérieurs et les conséquences que la loi tire des actes ou faits qui ont précédé sa
mise en application.
Demeurent soumis aux règles en vigueur lorsqu’ils ont été passés ou sont intervenus, les actes
ou faits ayant fait acquérir un droit ou créer une situation légale régulière ».
Doc. 3
Les grands arrêts de la jurisprudence civile, 12e édition 2007 / P. 40
LOIS. CONFLITS DANS LE TEMPS. NON-RETROACTIVITE. EFFET IMMEDIAT.
RAPPORTS JURIDIQUES FORMES ANTERIEUREMENT. DROITS ACQUIS
I. Civ. 20 février 1917. - II. Ch. réun. 13 janvier 1932. - III. Civ., 1re sect. civ. 29 avril 1960. IV. Civ., sect. com. 15 juin 1962
par François Terré Membre de l'Institut ; Professeur émérite à l'Université Panthéon-Assas
(Paris II)
par Yves Lequette Professeur à l'Université Panthéon-Assas (Paris II)
Si toute loi nouvelle régit en principe les situations établies et les rapports juridiques
formés dès avant sa promulgation, il est fait échec à ce principe par la règle de la non35
rétroactivité des lois formulée par l'article 2 du Code civil, lorsque l'application d'une loi
nouvelle porterait atteinte à des droits acquis sous l'empire de la législation antérieure (1er,
2e arrêts).
Si, sans doute, une loi nouvelle s'applique aussitôt aux effets à venir des situations
juridiques non contractuelles en cours au moment où elle entre en vigueur, et cela même
quand semblable situation est l'objet d'un litige judiciaire, en revanche elle ne saurait, sans
avoir effet rétroactif, régir rétrospectivement les conditions de validité ni les effets passés
d'opérations juridiques antérieurement achevées (3e arrêt).
Les effets d'un contrat sont régis, en principe, par la loi en vigueur à l'époque où il a été
passé (4e arrêt).
1 L'inflation des lois a pour corollaire l'instabilité du droit. De là, l'actualité du problème des
conflits de lois dans le temps. Lorsqu'une loi nouvelle remplace une loi ancienne, la
détermination de leurs domaines d'application respectifs résulte de l'affrontement d'impératifs
contradictoires : privilégie-t-on l'idée de sécurité, la loi ancienne se verra reconnaître une
place très importante ; lui préfère-t-on celle de progrès du droit et d'unité de la législation, et
la loi nouvelle l'emportera. Aussi bien l'histoire montre-t-elle que la coloration politique du
législateur n'est pas indifférente à ces choix : révolutionnaire ou réformiste, il n'hésitera pas
devant les lois rétroactives, c'est-à-dire devant les lois qui reviennent sur le passé ;
conservateur, il s'accommodera plus aisément d'une certaine survie de la loi ancienne. Eclairés
par les excès de la période révolutionnaire, les rédacteurs du Code civil ont eu à cœur de
consacrer une solution équilibrée. Aux termes de l'article 2 : « la loi ne dispose que pour
l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif ». La loi nouvelle n'a pas d'effet rétroactif, cela
signifie qu'elle ne s'applique pas aux situations juridiques qui se sont entièrement réalisées
sous l'empire de la loi ancienne. Ainsi sauvegarde-t-on la sécurité des particuliers. Comment,
au demeurant, exiger de ceux-ci l'obéissance à une règle qu'ils ne pouvaient connaître
puisqu'elle n'existait pas encore à l'époque où ils ont agi ? La loi nouvelle dispose pour
l'avenir ; elle régit donc les situations nées postérieurement à son entrée en vigueur. En
décider autrement serait, à l'évidence, priver de toute efficacité l'ordre du législateur.
Apparemment simples, ces directives se heurtent à des difficultés de mise en œuvre
considérables lorsque le changement de législation intéresse des phénomènes juridiques qui
ne présentent pas un caractère instantané : la création d'une situation juridique nécessite
parfois l'écoulement d'un certain temps (usucapion, possession d'état) ; les effets d'une
situation juridique peuvent se prolonger pendant une période fort longue. D'où une question :
quel est, dans ces diverses hypothèses, l'effet d'une loi nouvelle entrant en vigueur au cours de
ces périodes ? Face à l'insuffisance des directives du Code, il revenait à la jurisprudence de
faire œuvre créatrice. Elle s'y est employée avec souplesse et pragmatisme, s'inspirant des
grandes constructions doctrinales sans pour autant s'enfermer dans celles-ci. Aussi bien, en
contrepoint de l'analyse des arrêts ci-dessus reproduits, retracera-t-on les grandes lignes de
chacune de ces constructions (I), avant de dégager les solutions jurisprudentielles relatives à
la constitution et aux effets des situations juridiques (II). (suite V. le document à la salle de
lecture de la FSJP).
Doc. 4 :
Les grands arrêts de la jurisprudence civile, 12e édition 2007 / 57
36
LOIS. LOIS RETROACTIVES. LOIS DE VALIDATION. DROITS
FONDAMENTAUX. CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME.
PROCES EQUITABLE
Ass. plén. 24 janvier 2003 (Bull. civ. ass. plén., n° 2, p. 2, D. 2003. 1648, note Péricard-Pioux
; RFDA 2003. 470, note B. Mathieu) Baudron c/ Fédération des syndicats nationaux
d'employeurs des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées
par François Terré Membre de l'Institut ; Professeur émérite à l'Université Panthéon-Assas
(Paris II)
par Yves Lequette Professeur à l'Université Panthéon-Assas (Paris II)
1 Aux termes de l'article 2 du Code civil, la loi «n'a point d'effet rétroactif ». On entend
par là qu'une loi ne peut pas s'appliquer à des faits qui ont été accomplis antérieurement à son
entrée en vigueur. La règle paraît de bon sens. Le droit privé a pour finalité d'organiser la vie
en société et d'assurer la paix sociale en réglant les rapports entre les personnes privées.
Comment pourrait-il atteindre ce but si les actes qui ont été accomplis, les situations qui ont
été créées et les droits qui ont été acquis conformément à la loi alors en vigueur pouvaient être
remis en cause à tout moment par une loi nouvelle ? Mais il arrive que le législateur se
propose de déroger à cette règle. Le peut-il et dans quelle mesure ? Répondant à cette
interrogation, l'arrêt ci-dessus reproduit pose les principes qui gouvernent la question (I). Les
justifications qu'on invoque à leur soutien ne sont pas à l'abri de la discussion (II).
I. - Les principes
2 Après avoir rappelé que le législateur peut, en matière civile, adopter des dispositions
rétroactives (A), la haute juridiction apporte à cette affirmation, s'agissant des lois de
validation, des limitations qu'elle emprunte à la jurisprudence de la Cour de Strasbourg (B).
A. - Les lois rétroactives
3 « Le législateur peut adopter, en matière civile, des dispositions rétroactives ».
Et de fait, si l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, à laquelle
renvoient le Préambule de la Constitution de 1946 et celui de la Constitution de 1958, ainsi
que l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme posent le principe de la
non-rétroactivité de la loi pénale, il n'en va pas de même pour la loi civile. A la différence de
la Constitution de l'an III qui avait consacré un tel principe (« Aucune loi ni criminelle ni
civile ne peut avoir d'effet rétroactif »), aucun des instruments constitutionnels qui l'ont suivie
n'a réaffirmé cette règle, laquelle procède aujourd'hui exclusivement de l'article 2 du Code
civil. Il en résulte que le législateur peut, en matière civile, déroger au principe de nonrétroactivité, dès lors qu'il confère expressément ce caractère à une loi. On peut, en effet, en
principe déroger par une loi plus récente à une loi plus ancienne.
4 L'exemple toujours cité de disposition rétroactive est celui du décret du 17 nivôse an II
(6 janv. 1794) qui, durant la Révolution, a annulé toutes les donations faites depuis le 14
juillet 1789 et disposé que les règles nouvelles qu'il édictait en matière de dévolution de biens
laissés par des personnes décédées s'appliquaient à toutes les successions ouvertes depuis
cette date. Le législateur révolutionnaire cherchait ainsi à changer la structure de la société en
modifiant au sein de celle-ci la répartition des richesses. Il en est résulté de graves
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perturbations puisqu'il a fallu remettre en cause les partages effectués dans l'intervalle ainsi
que les actes juridiques qui avaient été accomplis sur la foi de ceux-ci. D'où, on l'a vu, la
consécration du principe de non-rétroactivité de la loi civile par la Constitution de l'an III.
Fort de cette expérience, le législateur n'a longtemps fait usage des lois rétroactives que
de manière exceptionnelle. Parfois, il s'est agi de faire face à des situations de crise. Ainsi la
loi du 27 juillet 1940 a exonéré les chemins de fer de leur responsabilité pour les transports
effectués depuis le 10 mai 1940. Parfois aussi, certaines lois reçoivent une portée rétroactive
dans un souci de progrès social. Ainsi la loi du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la
situation des victimes d'accident de la circulation a été déclarée applicable aux procédures en
cours, ainsi qu'aux accidents intervenus dans les trois années précédant la publication de la loi
et n'ayant pas donné lieu à l'introduction d'une action en justice. Parfois enfin, le législateur
donne une portée rétroactive à une loi nouvelle afin de valider une pratique, irrégulière au
regard des textes, mais qui paraît pouvoir être admise sans inconvénient sérieux. C'est ainsi
que la loi du 21 juin 1843 a validé rétroactivement tous les actes notariés ne mentionnant pas
la présence d'un notaire en second alors que celle-ci était requise. C'est ainsi encore que la loi
du 3 janvier 1972 a validé la reconnaissance d'enfants adultérins jusque-là illicites dont la
nullité n'avait pas été prononcée par un jugement passé en force de chose jugée (art. 12 al.3).
(Sur les lois interprétatives et leur caractère rétroactif, voir infra, n° 9). (suite V. le document
à la lecture de la FSJP)
Doc 5 Ordre public et bonnes mœurs – Jean HAUSER – Jean-Jacques LEMOULAND –
mars 2004 (dernière mise à jour : juin 2011) – Répertoire de droit civil
Section 1 - Sources de l'ordre public
Art. 1 - Sources internationales et européennes de l'ordre public
10. Il convient de mettre à part ce que le juge français range traditionnellement sous
l'appellation d'ordre public international (V. Rép. internat., Vo Ordre public). Par cette
référence on veut soit justifier l'application de certaines lois françaises ou du moins leur
application immédiate, soit porter exception à l'application de la loi étrangère que la règle de
conflit désignerait, ceci pour « défendre des positions jugées essentielles de l'ordre juridique
national » (J. DERRUPPÉ, Droit international privé, 9e éd., 1990, Dalloz). En réalité
l'expression d'ordre public international n'est pas très heureuse, et elle a seulement pour but
de marquer la distinction d'avec l'ordre public interne. Il n'y a pas coïncidence, et la notion
d'ordre public utilisée en droit international privé est beaucoup plus étroite que celle qui est
utilisée en droit interne. Il est vrai qu'elle n'est pas pour autant plus précise (pour un exposé
simplifié de cette notion, F. MONEGER, Droit international privé, no 141 et s., 2e éd., 2003,
Litec ; pour une étude détaillée, V. R. LIBCHABER, L'exception d'ordre public en droit
international privé, in L'ordre public à la fin du XXe siècle, op. cit., p. 65 et s.).
11. Les sources internationales de l'ordre public ne sauraient être négligées. Se résumant
souvent à des principes essentiels, les traités et conventions internationales peuvent être une
source importante d'ordre public, car ils proclament alors des droits élémentaires qui
prennent forcément appui sur des règles dont le caractère d'ordre public n'est pas contesté.
Que l'on songe aux pactes internationaux des droits de l'homme tant pour les droits
économiques, sociaux et culturels que pour les droits civils et politiques auxquels la France
a adhéré le 4 novembre 1981, ou encore la Convention européenne des droits de l'homme,
ou la Convention internationale sur les droits de l'enfant, ou bien entendu les traités fondant
l'Union européenne. Ces règles, dont toutes ne sont évidemment pas d'ordre public puisqu'on
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trouve de nombreuses simples recommandations, constituent une sorte de cadre dans lequel
la loi interne doit s'insérer, et les juridictions françaises acceptent de contrôler la
compatibilité entre elles et les lois internes (Cass. ch. mixte 24 mai 1975, D. 1975.497,
concl. Touffait ; CE 20 oct. 1989, Nicolo, D. 1990.135, note P. Sabourin ). L'effet d'ordre
public est très net dans la jurisprudence de la CEDH et affirmé dès le 11 janvier 1961 dans
un arrêt Autriche c/ Italie (Ann. CEDH, vol. 4, p. 139 et s.) selon lequel la Convention a
pour but « d'instaurer un ordre public communautaire des libres démocraties d'Europe afin
de sauvegarder leur patrimoine commun de traditions politiques, d'idéaux, de liberté et de
prééminence du droit ». En même temps l'articulation avec l'ordre public interne des États
connaît une application spécialement intéressante dans le contrôle de ce que la CEDH
appelle la marge nationale d'appréciation. L'exception d'ordre public national, qui est ainsi
reconnue, connaît toutefois un contrôle de plus en plus strict par la cour selon laquelle il ne
peut avoir effet que s'il concerne une mesure nécessaire, répondant à un besoin social
impérieux, s'il est proportionné, etc. (V. ainsi, F. SUDRE, op. cit., no 154 : sur la Convention
comme standard minimum, J. F. RENUCCI, op. cit., no 288 et s. ; sur l'ordre public en droit
communautaire, M. C. BOUTARD-LABARDE, in L'ordre public à la fin du XXe siècle,
p. 83 et s.). On est ainsi en face d'une hiérarchie organisée des ordres publics entre normes
internationales et normes internes.
Art. 2 - Sources internes
§ 1 - Sources textuelles
12. Lois et règlements. - Parmi les sources internes, c'est bien entendu tout d'abord la loi qui
en est la source première, et ce sont ces textes que vise l'article 6 du code civil qui prévoit
« qu'on ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l'ordre
public et les bonnes mœurs ». On retrouve trace de cette limite dans l'article 1128 du même
code qui interdit a contrario les conventions sur les choses qui sont hors du commerce et que
la jurisprudence utilise notamment en droit des personnes et de la famille, et encore dans les
articles 1131 et 1133 qui, combinés, annulent les conventions dont la cause serait prohibée
par la loi ou qui serait contraire à l'ordre public et aux bonnes mœurs. Mais, comme
l'indique nettement l'article 6, toute autre loi peut être déclarée d'ordre public, et ledit article
en assurera le respect. Il faut même entendre le terme de loi dans un sens large. En effet, si
de nombreuses dispositions d'ordre public résultent effectivement du pouvoir législatif, la
source réglementaire de l'ordre public s'est plus ou moins développée selon les périodes,
notamment dans le domaine de l'ordre public économique. Sous la seule réserve de respecter
les limites du domaine réglementaire fixées par la Constitution, il est toujours possible de
créer des dispositions d'ordre public par cette voie.
13. Les formules utilisées dans les textes sont très variables. À côté de la formule nette selon
laquelle le présent texte est d'ordre public, on trouve d'autres formules variées visant surtout
les éventuelles conventions contraires « nonobstant toutes conventions contraires… », « les
conventions contraires à la présente loi sont nulles… », « … sont réputées non écrites ». Il
arrivera même que le législateur ne prenne pas la peine de préciser, et qu'on déduise le
caractère d'ordre public de l'esprit même du texte, ce qui ne sera pas toujours sans créer des
difficultés. Dans ce dernier cas c'est le juge qui remplira alors un rôle important (V. infra,
no 18 et 87).
14. On pourrait être alors tenté de déduire de ces formules que l'ordre public serait
assimilable à la notion de lois impératives. Il se ramènerait aux textes qui sont suffisamment
importants pour qu'on interdise toute volonté contraire. L'affirmation suppose une double
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vérification. Il paraît d'abord certain que tout ce qui est d'ordre public ne résulte pas
forcément de lois impératives car il existe d'autres sources (V. infra, no 16), même si les lois
impératives demeurent une source importante. On a ainsi noté que de nombreux textes
modernes usaient et abusaient de la sanction pénale pour faire respecter ce qui semblait
essentiel au législateur moderne (J. CARBONNIER, Introduction, in L'évolution
contemporaine du droit des contrats, Journées R. Savatier, 1985, p. 36). Sur ce point l'accord
se fait en général (J. GHESTIN, Les obligations, op. cit., no 104 et 110). Par contre la
réciproque est beaucoup plus discutée : toutes les lois impératives sont-elles nécessairement
d'ordre public ? On peut fortement en douter, car ceci nous ramène à la définition de la
notion considérée. Si l'on admet que l'ordre public comporte un minimum de référence à
l'intérêt général, il faut bien constater que de nombreuses lois impératives ne visent qu'à
protéger certains intérêts de groupes ou d'individus sans que la référence à l'intérêt général
soit immédiate. Il est sans doute indirectement de l'intérêt général de protéger les incapables
par des lois impératives, mais, dans l'immédiat, ce sont bien les personnes elles-mêmes qui
sont protégées. Si l'on veut comprendre dans l'ordre public toutes les lois impératives, il faut
retenir de celui-ci une définition plus vague qui renonce à toute référence aux buts
poursuivis (J. CARBONNIER, Droit civil, t. 4, Les obligations, no 69, « l'ordre public est le
domaine des lois impératives »), mais cette conséquence est acceptée par une part
importante de la doctrine (J. GHESTIN, op. cit., no 97). Dans cette conception, l'ordre public
se définit uniquement par son résultat technique sans référence à un but poursuivi. Le choix
n'est pas seulement technique, il est aussi notionnel. Son importance apparaît bien dans
certains des projets de code européen des contrats où la notion d'impérativité est uniquement
utilisée sans qu'on puisse toujours affirmer que cette impérativité recouvre bien ce qu'on
entend habituellement par ordre public en droit français. Aussi bien la variabilité des
sanctions proposées pour assurer le respect de cette impérativité montre bien qu'on est
parfois très loin de textes destinés à assurer l'ordre public, au moins au sens habituel du
terme (J. HAUSER, L'ordre public et les bonnes mœurs, in Les concepts contractuels…,
op. cit., p. 105). On a même parfois soutenu (D. TALON, Considérations sur la notion
d'ordre public dans les contrats en droit français et en droit anglais, Mélanges Savatier,
p. 883 et s.) paradoxalement que l'ordre public n'existerait qu'en dehors des lois impératives,
car ce n'est que là que, en donnant une latitude au juge, il trouverait son utilité.
15. Il ne serait pas non plus possible de rapprocher lois d'ordre public et lois de police au
sens du droit international privé alors que ces dernières pourraient sembler proches des lois
impératives du droit interne. Il n y a pas coïncidence entre les lois d'ordre public interne et
les lois de police, ces dernières obéissant à une définition beaucoup plus étroite. Il n'y a pas
non plus coïncidence avec la notion d'ordre public en droit international privé car l'effet
technique en est très différent. Alors que l'exception d'ordre public conduit à évincer la loi
normalement applicable, ce qui suppose que celle-ci ait été préalablement désignée, la loi de
police postule que la loi étrangère n'a jamais été désignée. Il est vrai simplement que la
notion de loi d'ordre public en droit international est si discutée qu'on peut comprendre
les confusions parfois entretenues (sur ces discussions, R. LIBCHABER, L'exception
d'ordre public en droit international privé, in L'ordre public à la fin du XXe siècle, op. cit.,
p. 65 et s.). De nouveau le vocabulaire et la méthodologie retenues dans les projets
européens conduisent souvent à retenir parmi l'impérativité un noyau dur de textes, alors
semble-t-il plus proches de la définition classique de l'ordre public, qui comprendrait
certaines règles du droit international privé parmi lesquelles on trouverait les lois de police
(J. HAUSER, Ordre public et bonnes mœurs, in Les concepts contractuels, op. cit., p. 110).
(suite V. le document à la salle de lecture de la FSJP).
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METHODOLOGIE DU CAS PRATIQUE (tirée de l’ouvrage de Isabelle DefrénoisSouleau, Je veux réussir mon droit. Méthodes de travail et clés du succès, 7è éd., Dalloz,
2010)
Dans un cas pratique, on ne vous demande pas lequel des protagonistes, vous semble dans son
bon droit, ou quel arrangement vous paraîtrait équitable.
On vous demande la solution imposée par la loi ou, plus largement, par le droit positif en
vigueur ; autrement dit, la solution qu’apporterait un tribunal si le cas lui était donné à juger.
Vous devez découvrir les règles applicables et les mettre en œuvre comme si vous étiez le
juge.
Puisque la solution d’un cas pratique ne s’invente pas, des connaissances précises sont
nécessaires pour parvenir à des réponses exactes. N’essayez pas de résoudre un cas avant
d’avoir appris et compris la matière théorique sur laquelle il porte.
Il faut connaître les règles de droit, leurs conditions d’application, leurs effets, leurs
exceptions, sans oublier les détails tels que la durée des délais, etc. Il faut savoir quelle est la
position de la jurisprudence récente, et pour cela, avoir étudié quelques arrêts.
Il faut avoir acquis une certaine familiarité avec la terminologie, afin que les mots employés
dans l’énoncé ne soient pas vides de sens, mais éveillent des échos, déclenchent des
associations d’idées, suggèrent des solutions possibles.
En un mot, il faut être précis et attentif à tous les détails.
Ne cherchez pas un plan subtil. Le cas pratique est un exercice simple, qui n’obéit à aucune
règle de forme particulière. Il s’agit seulement de répondre, dans l’ordre, aux questions
posées.
On attend de vous une réponse qui soit à la fois précise et raisonnée. Une solution non
justifiée par un raisonnement juridique serait sans valeur pour le correcteur. Et, de
même, une argumentation ou un exposé de connaissances qui ne déboucherait pas sur
une réponse précise à la question posée resterait inachevé.
Donc : pas de solution sans raisonnement, pas de raisonnement sans une solution.
Et pour justifier clairement la solution, la meilleure méthode est celle du raisonnement
juridique classique :
1. Qualifications juridiques (qualification juridique des faits et problème juridique)
2. Règles applicables
3. Solution.
Construction
A- Schéma d’un cas pratique ne comportant qu’une question
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INTRODUCTION
1- Domaine général dans lequel se situe le cas pratique (c’est la phrase d’entrée en
matière qui n’est pas obligatoire mais rend compte du degré de compréhension du
cas par l’étudiant)
2-
Exposé des faits
Pour présenter l’exposé des faits, exprimez-vous en juriste. Il est sans intérêt de reprendre
textuellement l’énoncé, ou de le paraphraser maladroitement. L’exposé des faits doit se
faire dans l’ordre chronologique et en nommant les personnes, les actes, les évènements
en termes juridiques et abstraits.
3- Qualification juridique des faits
Qualifier, c’est nommer en termes juridiques. On qualifie des faits, ou une situation, en les
exprimant en termes juridiques et abstraits, afin de les rattacher aux cas prévus et
réglementés par la loi. Exemple, dire est-ce qu’il s’agit d’un problème d’application de la
loi dans le temps, est-ce un problème de preuve ou un problème de nullité du mariage etc.
4- Formulation du ou des problèmes de droit à résoudre.
Elle permet de dégager et de formuler un ou plusieurs problèmes de droit. Elle n’est
nécessaire que quand la question n’est pas déjà formulée en termes techniques et précis.
D’une demande de conseil, d’une question posée en langage courant, ou en termes vagues
(du genre « quels sont ses droits, de moyens dispose-t-il, que peut-il faire, qu’en pensezvous ? »), vous tirez donc une ou plusieurs questions de droit, précises, bien circonscrites,
auxquelles l’exposé des règles applicables va répondre.
Pour être parfaitement clair et précis, aboutissez à la formulation de problèmes de droit,
posés en termes abstraits et concis.
5- Règles applicables (ou principes de solution)
La deuxième phase du raisonnement consiste en une description et une explication des
règles applicables à la situation juridique que vous venez de dégager. Ce sont ces règles
qui apportent les principes de solution et qui justifient vos réponses.
Cet examen du droit positif portera sur :
Textes (légaux et réglementaires) et grands principes.
Jurisprudence (quelques mots sur l’évolution, puis explication des solutions
actuelles).
Doctrine.
Expliquez de manière approfondie les points de droit utiles à la solution mais
n’indiquez que brièvement ceux qui ne font pas de difficulté en l’espèce.
6- SOLUTION (ou réponse)
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La dernière étape consiste à tirer les raisonnements en appliquant les règles de droit au
cas d’espèce. On aboutit ainsi aux solutions imposées par le droit positif.
Dans la dernière partie de votre devoir, vous devez apporter des solutions nettes et
explicites à un double niveau :
Au plan juridique et abstrait, donnez réponse aux problèmes de droit que vous
avez dégagés plus haut. Expliquez de manière claire et convaincante la solution
tirée des règles exposées, la décision que prendrait un tribunal saisi de l’affaire.
Puis au plan concret, répondez à la question pratique posée : donnez une réponse
ou conseil concret et précis.
Eventuellement, pour une deuxième réponse écartant une autre solution, et/ou proposant
une solution subsidiaire, le plan sera le même.
A RETENIR : De manière détaillée, dans un cas pratique il faut obligatoirement :
rappeler les faits, qualifier juridiquement les faits, poser le problème juridique, donner le
(ou les) principe(s) de solution, rattacher le (ou les) principe (s) de solution au cas
d’espèce, donner la solution.
B- Schéma d’un cas pratique comportant plusieurs questions
INTRODUCTION
-
Domaine général dans lequel se situe le cas pratique,
-
Exposé des faits (dans l’ordre chronologique, en se limitant à ceux qui constituent les
données de l’ensemble des questions).
-
Qualification juridique des faits
PREMIERE QUESTION
Transposition de la question en termes juridiques (si nécessaire) et formulation d’un ou
plusieurs problèmes de droit (concis et abstraits).
Réponse au premier problème :
Règles applicables : exposé du droit positif.
Solution :
. solution du problème de droit
. réponse concrète.
Réponse à un deuxième problème (s’il y a lieu) : même raisonnement.
DEUXIEME QUESTION : même raisonnement.
TROISIEME QUESTION : même raisonnement.
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Université Cheikh Anta Diop de Dakar
Année Universitaire 2011/2012
Faculté des sciences Juridiques et Politiques
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Licence 1 Sciences Juridiques
Droit Civil / Groupe A
1er Semestre
Séance 5
Thème : La classification des biens
Sous-thème : La distinction des meubles et des immeubles
Exercice : Faire les cas pratiques
Cas 1
Amadou et Amina, deux jeunes stars de la chanson sénégalaise ont enfin pu réaliser leur
rêve: s'installer à Sangalkam pour y vivre éloignés de toutes les peines de la capitale. Ils ont
acheté un terrain, bordé de manguiers à la sortie du village. L'immobilier étant hors de prix,
ils ont dû contracter un prêt auprès d’une banque pour accéder à leur bonheur, leurs droits
d'auteurs ne suffisant pas pour régler le tout.
Le terrain est alors bien aménagé avec une partie habitation, un jardin muni de gazon et une
surface cultivable.
Goûtant à cette nouvelle vie, Amadou et Amina ont décidé d'arrêter la chanson et de se
lancer dans la culture de haricot. Ils achètent à cet effet tout le matériel nécessaire. Ils
exercent cette activité sur la surface cultivable. Ils ont fait construire un entrepôt à cet effet.
Malheureusement cette entreprise est un échec et leur haricot ne se vend pas. Il leur reste
en stock dans l’entrepôt plus de trois mille kilos. Pour subvenir à leurs besoins, ils ont vendu
les mangues qui seront cueillies par l’acheteur lorsqu’elles seront plus mûres. Comme si cela
ne suffisait pas, la banque leur réclame le remboursement du prêt. Elle leur rappelle qu'elle
dispose d'une hypothèque sur leurs biens immobiliers et que le cas échéant elle pourra en
faire usage.
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Amadou et Amina viennent vous consulter afin de connaître les droits de la banque sur
leurs biens.
Cas 2
Modou est récemment décédé. Il a légué ses biens immobiliers à sa fille cadette Fama qui a
toujours été à ses côtés et ses biens mobiliers à son fils Abdou qui vit à la capitale avec sa
petite famille. Etabli à Sébikhotane, Modou avait pour activité professionnelle l’élevage de
bovins. Il était ainsi propriétaire de plusieurs hectares de terre, cultivés en foin.
Il avait également une ferme avec la partie habitation proprement dite, ainsi qu’une
étable et un hangar.
Modou occupait son temps libre en faisant du jardinage et de l’horticulture. A cette
fin, il avait installé, à quelques mètres de la maison, une serre aisément démontable.
L’étable est un bâtiment construit à la même époque que la ferme, dans les mêmes
matériaux et avec la même assise. Elle abrite plusieurs bovins, que le chien de la maison
aime embêter.
En revanche, le hangar est de construction plus récente. C’est un bâtiment précaire
qui abrite un tracteur loué et une petite voiture achetée au début de l’année pour que Fama
puisse conduire Modou à l’hôpital. Le foin récolté, destiné à l’alimentation des bovins, y est
également entreposé.
Abdou vient vous consulter et vous demande de quels biens il héritera.
Cas 3
Le 03 juillet 2011, Adama Fall, homme d’affaire très endetté, vend, à contrecœur, au sieur
Sidi Dieng une maison, sise à Ngaparou, qu’il a héritée de son père et qui servait
d’habitation à ses ascendants depuis plusieurs générations. Auparavant M. Dieng avait
procédé à une visite des locaux, accompagné d’un notaire et d’un expert.
Avant la remise des clefs, prévue dans le contrat pour le 01 Janvier 2012 auprès du notaire,
Adama Fall entreprend de déménager et emmène avec lui certains objets de souvenir. C’est
ainsi qu’il retire la poterie ornementale placée dans un renfoncement du vestibule. Cette
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poterie avait été achetée par l’arrière grand père de M. Fall. Par ailleurs, M. Fall a enlevé la
tapisserie encastrée dans un mur du salon lors de la construction de la maison, et a pris les
tableaux d’art qui étaient accrochés sur les murs de l’espace familial.
Or, pour M. Dieng, ces objets font partie intégrante de la vente. D’ailleurs, leur existence a
déterminé son acceptation du prix de vente.
Qui est le propriétaire de chacun de ces biens, à l’issue de la vente?
NB : Pour chaque cas, avant de répondre, pensez à qualifier tous les biens
Bibliographie indicative
-
Ph. Malaurie, L. Aynès, Droit civil. Les biens, 3è éd., Defrénois, 2007.
-
Yvaine Buffelan-Lanore et Larribau-Teyneyre (V.), Droit civil, 1re année, sirey, 16è éd.,
2009.
-
Carbonnier (J.), Droit civil, Les biens, T.3, 19è éd., PUF, 2000.
-
Atias (Chr.), Droit civil, Les biens, 10è éd., Litec, 2009.
-
Cornu (G.), Droit civil. Introduction, les personnes, les biens, 13è éd., Montchrestien,
2007.
Doc. 1/ Art. 192 Acte uniforme sur le droit des sûretés
Sauf disposition contraire, seuls les immeubles présents et immatriculés peuvent faire
l'objet d'une hypothèque.
Peuvent faire l'objet d'une hypothèque :
1°) les fonds bâtis ou non bâtis et leurs améliorations ou constructions survenues, à
l'exclusion des meubles qui en constituent l'accessoire ;
2°) les droits réels immobiliers régulièrement inscrits selon les règles de l’Etat Partie.
Doc. 2 Articles 516 à 536 (Disponibles à la salle de lecture de la FSJP)
Article 516 Tous les biens sont meubles ou immeubles
Article 517 Les biens sont immeubles, ou par leur nature, ou par leur destination, ou par l'objet
auquel ils s'appliquent.
Article 518 Les fonds de terre et les bâtiments sont immeubles par leur nature.
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Article 520 Les récoltes pendantes par les racines et les fruits des arbres non encore recueillis sont
pareillement immeubles.
Dès que les grains sont coupés et les fruits détachés, quoique non enlevés, ils sont meubles.
Si une partie seulement de la récolte est coupée, cette partie seule est meuble.
Article 522 Les animaux que le propriétaire du fonds livre au fermier ou au métayer pour la culture,
estimés ou non, sont censés immeubles tant qu'ils demeurent attachés au fonds par l'effet de la
convention.
Ceux qu'il donne à cheptel à d'autres qu'au fermier ou métayer sont meubles.
Article 523 Les tuyaux servant à la conduite des eaux dans une maison ou autre héritage sont
immeubles et font partie du fonds auquel ils sont attachés.
Article 524 Modifié par Loi n°2009-526 du 12 mai 2009 - art. 10
Les animaux et les objets que le propriétaire d'un fonds y a placés pour le service et l'exploitation de
ce fonds sont immeubles par destination.
Ainsi, sont immeubles par destination, quand ils ont été placés par le propriétaire pour le service et
l'exploitation du fonds :
Les animaux attachés à la culture ;
Les ustensiles aratoires ;
Les semences données aux fermiers ou métayers ;
Les pigeons des colombiers ;
Les lapins des garennes ;
Les ruches à miel ;
Les poissons des eaux non visées à l'article 402 du code rural et des plans d'eau visés aux articles 432
et 433 du même code ;
Les pressoirs, chaudières, alambics, cuves et tonnes ;
Les ustensiles nécessaires à l'exploitation des forges, papeteries et autres usines ;
Les pailles et engrais.
Sont aussi immeubles par destination tous effets mobiliers que le propriétaire a attachés au fonds à
perpétuelle demeure.
Article 525 Le propriétaire est censé avoir attaché à son fonds des effets mobiliers à perpétuelle
demeure, quand ils y sont scellés en plâtre ou à chaux ou à ciment, ou, lorsqu'ils ne peuvent être
détachés sans être fracturés ou détériorés, ou sans briser ou détériorer la partie du fonds à laquelle
ils sont attachés.
Les glaces d'un appartement sont censées mises à perpétuelle demeure lorsque le parquet sur lequel
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elles sont attachées fait corps avec la boiserie.
Il en est de même des tableaux et autres ornements.
Quant aux statues, elles sont immeubles lorsqu'elles sont placées dans une niche pratiquée exprès
pour les recevoir, encore qu'elles puissent être enlevées sans fracture ou détérioration.
Article 526 Sont immeubles, par l'objet auquel ils s'appliquent :
L'usufruit des choses immobilières ;
Les servitudes ou services fonciers ;
Les actions qui tendent à revendiquer un immeuble.
Article 527 Les biens sont meubles par leur nature ou par la détermination de la loi.
Article 528 Loi n°99-5 du 6 janvier 1999 - art. 25 () JORF 7 janvier 1999.Sont meubles par leur nature
les animaux et les corps qui peuvent se transporter d'un lieu à un autre, soit qu'ils se meuvent par
eux-mêmes, soit qu'ils ne puissent changer de place que par l'effet d'une force étrangère.
Article 529 Sont meubles par la détermination de la loi les obligations et actions qui ont pour objet
des sommes exigibles ou des effets mobiliers, les actions ou intérêts dans les compagnies de finance,
de commerce ou d'industrie, encore que des immeubles dépendant de ces entreprises appartiennent
aux compagnies. Ces actions ou intérêts sont réputés meubles à l'égard de chaque associé
seulement, tant que dure la société.
Sont aussi meubles par la détermination de la loi les rentes perpétuelles ou viagères, soit sur l'Etat,
soit sur des particuliers.
Article 531 Les bateaux, bacs, navires, moulins et bains sur bateaux, et généralement toutes usines
non fixées par des piliers, et ne faisant point partie de la maison, sont meubles : la saisie de
quelques-uns de ces objets peut cependant, à cause de leur importance, être soumises à des formes
particulières, ainsi qu'il sera expliqué dans le code de la procédure civile.
Article 532 Les matériaux provenant de la démolition d'un édifice, ceux assemblés pour en
construire un nouveau, sont meubles jusqu'à ce qu'ils soient employés par l'ouvrier dans une
construction.
Article 533 Le mot "meuble", employé seul dans les dispositions de la loi ou de l'homme, sans autre
addition ni désignation, ne comprend pas l'argent comptant, les pierreries, les dettes actives, les
livres, les médailles, les instruments des sciences, des arts et métiers, le linge de corps, les chevaux,
équipages, armes, grains, vins, foins et autres denrées ; il ne comprend pas aussi ce qui fait l'objet
d'un commerce.
Article 534 Les mots "meubles meublants" ne comprennent que les meubles destinés à l'usage et à
l'ornement des appartements, comme tapisseries, lits, sièges, glaces, pendules, tables, porcelaines et
autres objets de cette nature.
Les tableaux et les statues qui font partie du meuble d'un appartement y sont aussi compris, mais
non les collections de tableaux qui peuvent être dans les galeries ou pièces particulières.
Il en est de même des porcelaines : celles seulement qui font partie de la décoration d'un
appartement sont comprises sous la dénomination de "meubles meublants".
48
Doc. 3. Cour de Cassation Assemblée plénière du 15 avril 1988 85-10.262 85-11.198 Publié au
bulletin – D. 1988, p. 325, note J. Maury
Titrages et résumés : 1° IMMEUBLE - Immeuble par nature - Fresque 1° Seuls sont immeubles par
destination les objets mobiliers que le propriétaire d'un fonds y a placés pour le service et
l'exploitation de ce fonds ou y a attachés à perpétuelle demeure. Encourt la cassation l'arrêt qui
qualifie d'immeubles par destination des fresques détachées de leur support, alors que celles-ci,
immeubles par nature, sont devenues des meubles du fait de leur arrachement.
Sur le moyen unique du pourvoi n° 85-10.262, pris en sa première branche, et sur le premier moyen
du pourvoi n° 85-11.198, pris en sa première branche, réunis :
Vu l'article 524 du Code civil ;
Attendu que seuls sont immeubles par destination les objets mobiliers que le propriétaire d'un fonds
y a placés pour le service et l'exploitation de ce fonds ou y a attachés à perpétuelle demeure ;
Attendu que des fresques qui décoraient l'église désaffectée de Casenoves ont été vendues par deux
des propriétaires indivis de ce bâtiment sans l'accord des deux autres, Mmes Z... et Y... ; que
détachées des murs par l'acquéreur, puis réparties en deux lots, elles se trouvent actuellement en la
possession de la Fondation Abegg et de la ville de Genève, contre lesquelles Mmes Z... et Y... ont
formé une demande en revendication devant le tribunal de grande instance de Perpignan ; que la
Fondation Abegg et la ville de Genève ayant soulevé l'incompétence de ce tribunal au profit des
juridictions helvétiques, par application de la convention franco-suisse du 15 juin 1869, qui, en
matière mobilière, attribue compétence au tribunal du domicile du défendeur, l'arrêt attaqué
(Montpellier, 18 décembre 1984) retient, pour rejeter leurs contredits, que les fresques litigieuses,
originairement immeubles par nature, étaient devenues immeubles par destination depuis la
découverte d'un procédé permettant de les détacher des murs sur lesquels elles étaient peintes ;
qu'il en déduit que leur séparation de l'immeuble principal, dès lors qu'elle est intervenue sans le
consentement de tous les propriétaires, ne leur a pas fait perdre leur nature immobilière, dont
Mmes Z... et Y... peuvent continuer à se prévaloir à l'égard de tous, de sorte que l'action exercée par
elles est une action en revendication immobilière ;
Attendu qu'en statuant ainsi alors que les fresques, immeubles par nature, sont devenues des
meubles du fait de leur arrachement, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; […]
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois ;
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 décembre 1984, entre les parties,
par la cour d'appel de Montpellier sous le n° 84/2797 ; statuant à nouveau, dit que le tribunal de
grande instance de Perpignan est incompétent et, aucune juridiction française n'étant compétente,
renvoie les parties à mieux se pourvoir ; […].
49
Doc. 4 / Cass. civ. 1ère, 5 mars 1991, Bull. civ. I, n ° 81
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que, par acte notarié du 5 mars 1986, les époux X...
ont vendu aux époux Y... un ensemble immobilier sis à La Rochelle ; que, le 1er janvier 1987, M. X... a
assigné les époux Y... en restitution de la bibliothèque située au deuxième étage de l'immeuble cédé ;
que l'arrêt attaqué (Poitiers, 8 mars 1989) l'a débouté de cette demande ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, d'une part, qu'ayant
relevé que le meuble, dont le caractère démontable était invoqué, était appuyé au mur, et non scellé,
la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les
articles 524 et 525 du Code civil, et privé sa décision de base légale au regard de ce dernier texte ;
alors, ensuite, qu'il n'a pas été répondu aux conclusions soulignant le caractère démontable du
meuble et provisoire de sa fixation ; et alors, enfin, que faute d'avoir constaté la volonté expresse du
propriétaire d'attacher la bibliothèque à perpétuelle demeure, volonté au surplus démentie par la
vente de l'immeuble qui n'incluait pas ce meuble, la juridiction du second degré a privé sa décision de
base légale au regard de l'article 524 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé, tant par motifs propres qu'adoptés, que la bibliothèque litigieuse était
un important meuble en L masquant entièrement les murs sur lesquels il était appuyé, et que ce
meuble a été construit aux dimensions exactes de la pièce dont il épouse les particularités, et qu'ayant
souverainement estimé que les propriétaires ont ainsi manifesté leur volonté de faire de l'agencement
de cette bibliothèque un accessoire de l'immeuble auquel elle était fixée, et dont elle ne pouvait être
détachée sans en altérer la substance, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions invoquées, en a
exactement déduit que ladite bibliothèque constituait un immeuble par destination attaché au fonds à
perpétuelle demeure ;
D'où il suit que le moyen ne peut être retenu en aucune de ses trois branches ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.
Doc. 5. Recueil Dalloz 2005 p. 2352
Droit des biens : panorama 2005
Blandine Mallet-Bricout, Nadège Reboul-Maupin,
50
L'essentiel
L'année 2005 est marquée par l'émergence de « nouveaux biens » : produits de l'activité
intellectuelle, sols pollués, biens naturels ou biens environnementaux en sont quelques illustrations...
Certains essaient de parvenir à la qualification de biens par l'extension des catégories intermédiaires
existantes ; d'autres, en revanche, tendent à une adaptabilité du droit commun des biens. A côté de
ces innovations, le droit des biens conserve toutefois ses « grands classiques » : le juste titre, notion
délicate, donne lieu à quelques décisions intéressantes qui permettent de mieux la cerner. Quant à la
théorie des troubles du voisinage, certaines décisions récentes donnent l'occasion de s'interroger sur
l'existence d'un « droit acquis de nuire à autrui » ou encore sur la cohabitation de cette théorie avec
la copropriété ou le lotissement. On retrouve d'ailleurs le particularisme de la propriété laissant place
à l'intérêt collectif à propos des servitudes : ces derniers mois ont notamment été marqués par un
important revirement de la Cour de cassation relatif aux servitudes au sein de la copropriété.
I - Qualification des biens : à la recherche de catégories intermédiaires
Qualifier un bien suppose de le faire entrer dans l'une des catégories prévues par la loi. A cet égard,
les décisions récentes, tant nationales qu'européennes, se livrent à une application des critères de
l'immobilisation par destination à une exploitation piscicole (A) ou à celle des critères de la
mobilisation par anticipation à un sol pollué (B). Ce recours intempestif aux catégories intermédiaires
s'inscrit d'ailleurs dans un contexte de renouvellement des biens liés le plus souvent à la nature et à
l'environnement. En droit positif, c'est l'animal qui pose quelques difficultés : celui-ci a-t-il encore un
avenir en droit des biens (C) ?
A - L'application des critères de l'immobilisation par destination
« Les articles 524 et 525 régissent deux types de meubles devenant immeubles par destination :
ceux que le propriétaire d'un fonds y a placés pour le service et l'exploitation de ce fonds et ceux qu'il
a attachés au fonds à perpétuelle demeure » (V. H. Périnet-Marquet, Evolution de la distinction des
meubles et des immeubles depuis le code civil, Etudes offertes à J. Béguin, Litec, coll. Droit et
actualité, 2005, p. 643). La destination issue du code civil de 1804 est strictement légale. Elle est
fonctionnelle ou matérielle ; et, à y regarder de plus près, elle est plutôt « économique par intention
ou domestique par incorporation » (V. H. Périnet-Marquet, op. cit., p. 651). Pour autant, elle ne doit
pas faire perdre de vue qu'elle a connu certains assouplissements jurisprudentiels. Les tribunaux ont
contribué à élargir et à préciser le critère de destination. Ils ont non seulement étendu les activités
auxquelles on applique ledit critère mais aussi décidé que « la volonté de désaffectation était
insuffisante à faire perdre la qualité d' immeuble par destination s'il n'y a pas soit séparation
effective entre l'immeuble par nature et l' immeuble par destination , soit aliénation de l'un et de
l'autre » (V. F. Terré et P. Simler, Droit civil, Les biens, 6e éd., Dalloz, coll. Précis, 2002, n° 33).
51
C'est bien dans cette logique que s'inscrit l'arrêt rendu le 11 janvier 2005 par la première Chambre
civile de la Cour de cassation. En l'espèce, des époux vendent à une première société civile
immobilière une exploitation piscicole comprenant des bâtiments et des terres. Le même jour, ils
procèdent encore à la vente du matériel nécessaire à l'exploitation et à la vente des bassins piscicoles
à une autre société. Cette dernière reproche aux vendeurs de ne pas avoir délivré la quantité de
truites prévues au contrat et les assigne en remboursement partiel du prix de vente. La cour d'appel
la déclare déchue de son action en relevant que celle-ci a été intentée plus d'un an après la vente.
L'arrêt est cassé pour violation de l'article 1622 du code civil car il ne « s'applique pas aux ventes de
meubles et que les juges ont pu constater que les poissons avaient été cédés indépendamment du
terrain sur lequel les bassins étaient implantés, de sorte qu'ils ne pouvaient présenter le caractère
d' immeubles par destination au sens de l'article 524 du code civil » (Cass. 1re civ., 11 janv. 2005, n°
01-17.736, D. 2005, IR p. 246). Dans ces conditions, le critère d'immobilisation par destination fait
bien défaut en ce qu'il y a bien une séparation résultant d'une aliénation (Cass. 1re civ., 4 juin 1962,
Bull. civ. I, n° 284 ; Cass. com., 21 juill. 1987, JCP N 1988, II, p. 312). L'arrêt ne fait que reprendre une
précision jurisprudentielle importante sur les conditions de suppression de la destination. Toutefois,
ne doit-on pas considérer que le contrat prend alors le relais de la loi ? Si le contrat peut faire perdre
la qualité d' immeuble par destination , il peut aussi lui faire acquérir. C'est admettre une nouvelle
destination. A côté de la destination légale, il y aurait la destination conventionnelle. La solution
ressortait déjà implicitement d'un arrêt de la Cour de cassation rendu le 7 avril 1998 (Bull. civ. I, n°
143 ; D. 1998, Somm. p. 344, obs. A. Robert ; JCP 1998, I, 171, n° 1, obs. H. Périnet-Marquet ;
solution déjà consacrée par Cass. civ., 27 juin 1944, DC 1944, Jur. p. 93, note A. C. ; RTD civ. 1945, p.
127, note H. Solus ; JCP 1945, II, 2782, note G. Toujas) où il est jugé qu'il n'est pas possible de faire
perdre aux biens la qualité d' immeuble par destination par la simple manifestation de la volonté,
mais qu'il en va peut-être différemment en cas de concrétisation de la volonté (formule employée
par A. Robert dans ses obs. sous CA Paris, 8 avr. 1994, D. 1995, Somm. p. 191 ) dans un acte
juridique et donc, a fortiori, qu'il est possible de leur faire acquérir cette qualité par une stipulation
dans l'acte juridique (V. contra, Cass. 3e civ., 26 juin 1991, JCP 1992, II, 21825, note J.-F. Barbièri où «
il est affirmé que la nature immobilière ou mobilière d'un bien est définie par la loi et que la
convention des parties ne peut avoir d'incidence à cet égard »). Certes, la théorie des immeubles par
destination a fait l'objet de vives critiques doctrinales comme n'ajoutant rien à celle de l'accessoire
(V. en ce sens, J. Carbonnier, Droit civil, Les biens (Monnaie, immeuble, meuble), t. 3, 19e éd., PUF,
coll. Thémis, 2000, n° 63). Il en résulte que la prise en compte d'un nouveau type de destination, dite
conventionnelle, permettrait de dépasser une telle critique et aurait le mérite de s'appuyer sur le
principe bien connu de la force obligatoire du contrat exprimé à l'article 1134 du code civil. D'ailleurs,
la destination conventionnelle a déjà été consacrée dans un arrêt de la Cour d'appel de Paris du 8
avril 1994 (A. Robert, obs. préc.) à propos de lustres, de boiseries et de tapisseries murales qui
avaient donné lieu à une stipulation dans l'acte de vente comme des éléments constituant des
immeubles par destination . Si elle constitue une dérogation au principe général suivant lequel la
distinction des biens mobiliers et immobiliers est d'ordre objectif, elle conduit incontestablement à
admettre la consécration d'une nouvelle source de destination, à savoir par contrat, dans un
contexte d'émergence de « nouveaux biens ».
B - Droit des biens face au droit de l'environnement : des questionnements
52
La régénération du droit des biens est vivement souhaitée. Etant pour l'essentiel un droit de
l'immeuble (V. H. Périnet-Marquet, L'immeuble et le code civil, in Le Code civil, un passé, un présent,
un avenir, Dalloz, 2004, p. 395), il connaît depuis plusieurs années une explosion de la matière
mobilière qui s'est faite parfois hors du droit, ou par l'intermédiaire de textes spéciaux, ou encore par
l'intervention des juges qui n'ont pas hésité à accueillir une catégorie coutumière (V. à ce propos, la
note de F. G. Trébulle sous CJCE, 7 déc. 2004, Van de Walle, RDI 2005, p. 31, spéc. p. 35 , citant
Pothier qui rapporte que la coutume d'Orléans réputait meubles les bois de la forêt d'Orléans
aussitôt que la coupe avait été adjugée aux sièges des forêts « quoi qu'ils n'avaient pas encore été
abattus » : Pothier, Traité des choses, oeuvres compl., t. XIII, 1873, p. 475), les meubles par
anticipation (M. Fréjaville, Des meubles par anticipation, thèse, Paris, 1927). Ils peuvent être définis
comme « des biens, qui par leur nature physique, sont des immeubles, mais qui, à certains égards,
sont soumis au régime juridique des meubles parce qu'ils sont destinés à le devenir dans un avenir
prochain » (P. Malaurie et L. Aynès, Droit civil, Les biens, 2e éd., Defrénois, 2005, n° 134). Il s'agit là
d'une destination future et, en l'occurrence, d'une dérogation au principe général selon lequel « la
nature mobilière ou immobilière d'un bien ne dépend pas de la volonté de l'homme » (V. F. Terré, op.
cit., n° 33). Ceci étant, la catégorie des meubles par anticipation ne transgresse pas toujours ledit
principe puisque l'on vient encore de lui attribuer une origine toute particulière. En effet, un arrêt
Van de Walle du 7 décembre 2004, rendu à la suite d'une question préjudicielle posée à la Cour de
justice des Communautés européennes, a consacré « sur le strict plan des déchets une véritable
innovation en droit des biens qui invite à élargir la notion de meubles par anticipation » (CJCE, 7 déc.
2004, aff. C-1/03, note F. G. Trébulle, préc. ; D. 2004, IR p. 2620 ; AJDA 2004, p. 2454, note A.
Gossement ). Au lieu de faire découler la mobilisation par anticipation de la volonté des parties ou
du contrat (V. à cet effet, le contrat de foretage, C. Larroumet, La mobilisation par anticipation,
Mélanges A. Colomer, Litec, 1993, p. 209 ; V. dernièrement, Cass. 3e civ., 12 janv. 2005, Contrats,
conc., consom., juin 2005, n° 105, obs. L. Leveneur), il paraît désormais possible de s'en tenir à la loi
et, plus particulièrement, « à une qualité objective qui demeure la pollution » (F. G. Trébulle, note
préc.).
Les faits sont les suivants : un sous-sol est pollué à la suite d'une fuite accidentelle d'hydrocarbures
provenant d'une station-service. Cette dernière était exploitée par un gérant en vertu d'une
convention d'exploitation qui prévoyait que le terrain, bâtiment, matériel et mobilier d'exploitation
étaient mis à la disposition du gérant par Texaco. Après la découverte de la fuite, qui résultait de
défauts dans les installations de stockage de la station-service, Texaco a considéré que l'exploitation
de celle-ci n'était plus possible et a résilié le contrat de gérance en invoquant une faute grave du
gérant. Malgré les travaux d'assainissement du sol non menés à terme et le remplacement d'une
partie des installations de stockage par Texaco, la région de Bruxelles, propriétaire du terrain voisin
victime de l'infiltration d'eaux saturées d'hydrocarbures, et le ministère public agirent contre celle-ci
en lui reprochant d'avoir abandonné des déchets. Les juridictions belges se sont alors interrogées à la
fois sur la notion d'abandon et de déchets. Pour sa part, la Cour d'appel de Bruxelles, ayant un doute
sur la qualification de déchet des terres non encore excavées, interroge la Cour de justice des
Communautés européennes. Celle-ci retient avec étonnement la qualification de déchets « au sens
de la directive CE n° 75/442 du 15 juillet 1975 (dont le point Q 4 de l'annexe I précise que doit être
considéré comme déchet « toute matière, équipement, etc., contaminés par suite du déversement
accidentel de ces matières, de la perte de celles-ci ou de tout autre incident ») qui s'impose pour le sol
53
contaminé par suite d'un déversement accidentel d'hydrocarbures » (pt 52). Alors que le sol, en tant
que fonds de terre, relève de l'article 518 du code civil, et donc de la catégorie des immeubles par
nature, la Cour nous surprend en l'analysant comme un déchet. La question est clairement posée par
M. le Professeur Trébulle : « comment concevoir que le sol, fonds de terre, puisse être en même
temps un immeuble par nature et un déchet, c'est-à-dire un meuble ? » (V. la note sous CJCE, 7 déc.
2004, préc., p. 34). Pour y répondre, il considère que la Cour « adopte un raisonnement fondé sur la
règle de l'accessoire » mais interprété en sens inverse puisqu'elle retient que « les hydrocarbures ne
sont pas séparables des terres qu'ils ont polluées et ne peuvent être valorisés ou éliminés que si ces
terres font également l'objet des opérations nécessaires de décontamination », note de F. G. Trébulle,
préc.). Ainsi, les déchets constituent le principal alors que la terre demeure l'accessoire. Peu importe,
il s'agit là d'une application de la théorie de la mobilisation par anticipation. En effet, la terre polluée
par les hydrocarbures peut être considérée comme un déchet dans une optique de protection des
milieux naturels et d'interdiction de leur abandon. Une telle qualification « dépend donc bien de
l'obligation qu'a la personne à l'origine du déversement accidentel de ces substances de se défaire de
celles-ci » (pt 52). Ainsi, l'obligation de s'en défaire en les éliminant ou en les valorisant imposée par
la loi, et donc par le code de l'environnement, en matière de déchets dangereux, va permettre
d'anticiper le détachement. Il en résulte que la mobilisation par anticipation s'éloigne de sa source
première qu'est la volonté des parties ou le contrat pour y préférer la loi. La chronologie des sources
est donc inversée par rapport à celle de l'immobilisation par destination, mais il n'en demeure pas
moins que les catégories intermédiaires accusent un réel succès.
Par conséquent, l'homogénéité du droit des biens est mise à mal. Elle l'est d'ailleurs, le plus souvent,
par le droit de l'environnement qui, loin de se cantonner à élargir la mobilisation par anticipation, «
met en évidence la nécessité de créer des catégories juridiques particulières, et, par exemple, les biens
de l'environnement ou biens naturels, bien spéciaux par excellence » (M.-J. del Rey-Bouchentouf,
Droit des biens et droit de l'environnement, thèse, Paris I-Sorbonne, 2002). C'est mettre en avant le «
patrimoine commun de l'humanité » et proclamer « haut et fort » le point de vue écologique. Le
relais est pris par le droit de l'environnement qui s'adonne à protéger la faune sauvage (V. à cet effet
pour l'animal sauvage, L. du 10 juill. 1976 ; V. sur la question, S. Antoine, L'animal et le droit des
biens, D. 2003, Chron. p. 2651 ), ce qui apporte un « enrichissement au droit des biens » et participe
en même temps « à la remise en cause de sa summa divisio qui semble désormais bel et bien
dépassée, aléatoire, et insuffisante » (S. Antoine, art. préc., p. 2654). Le droit de l'environnement fait
donc prendre conscience qu'il faut repenser les distinctions en adaptant le droit commun des biens
(V. sur la question de l'adaptabilité du droit des biens à propos du produit de l'activité intellectuelle,
T. Revet, obs. sous Cass. crim., 22 sept. 2004, RTD civ. 2005, p. 164 ; V. C. Caron, Du droit commun
des biens en tant que droit commun de la propriété intellectuelle, JCP 2004, I, 162), et en
commençant, par exemple, à attribuer un statut juridique à l'animal.
C - Quel avenir pour l'animal en droit des biens ?
« La pensée zoophile est en constante évolution : la sensibilité à la cause animale ne cesse de croître »
(B. Vital-Durand, Tous les animaux naissent libres et égaux, Libération du 27 mai 2005, p. 27), ce qui
amène, depuis quelque temps déjà, à s'interroger sur l'avenir de l'animal en droit des biens. « Sans
aller jusqu'à souhaiter des droits semblables à ceux des êtres humains » (position de Paola Cavalieri,
54
philosophe italienne), la réforme proposée par Mme Suzanne Antoine, Présidente de chambre
honoraire à la Cour d'appel de Paris (S. Antoine, Rapport sur le régime juridique de l'animal,
www.ladocumentationfrançaise.fr), aboutit à deux solutions. La première, privilégiée par l'auteur,
consiste à « déréifier » les animaux en les considérant comme des êtres vivants doués de sensibilité
et aboutit à une extraction complète de l'animal du droit des biens tout en ne bouleversant pas le
régime de l'appropriation. La seconde se contente de créer une troisième catégorie de biens, celle
des animaux, en les associant à des « biens protégés ». C'est reprendre pour la première de ses
propositions les termes de l'article 9 (abrogé par l'Ord. n° 2000-550 du 15 juin 2000, D. 2000, Lég. p.
290) de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, puisqu'il qualifiait
l'animal « d'être sensible qui devait être placé par un propriétaire dans des conditions compatibles
avec les impératifs biologiques de son espèce ». Déjà reconnue par la jurisprudence comme une
personne par destination (TGI Lille, 23 mars 1999, D. 1999, Jur. p. 350, note X. Labbée ; Defrénois
1999, art. 37048, note P. Malaurie), il semble que la réflexion législative menée sur le nouveau statut
juridique de l'animal n'aille pas aussi loin. Tout au plus, elle semble admettre que l'animal serait une
entité à mi-chemin entre les biens et les personnes.
Ne faut-il pas préférer que le droit des biens apparaisse beaucoup plus proche de la nature des
choses ? A cet effet, deux tendances peuvent s'imposer. Une première tendance d'adaptation à de
nouvelles préoccupations qui devrait conduire le droit des biens à mettre à plat ces distinctions
classiques pour en introduire de nouvelles fondées sur la nature des choses. La seconde tendance
serait plutôt de consacrer un droit des biens spéciaux afin de réintroduire de nouvelles catégories
ignorées du droit commun, ce qui aurait le mérite « de s'adonner à une vision concrète des choses »
(J. Carbonnier, op. cit., n° 46). Pour cet être sensible, autre que l'être humain, que constitue l'animal,
il semble qu'il faille préférer la première à la seconde tendance, sauf à s'aventurer dans une
spécialisation à outrance des droits pouvant conduire à perdre de vue le droit commun des biens. Il
nous faut régénérer le droit des biens en ajoutant aux deux critères classiques de reconnaissance des
biens, à savoir ceux de l'appropriation et de l'utilité, ceux apportés par le droit de l'environnement, «
à savoir celui de la protection [le droit cherche à protéger les biens] et celui de la finalité [dans
certains systèmes juridiques, les fins sont considérées comme des biens] » (M.-J. del ReyBouchentouf, Les biens naturels, un nouveau droit objectif : le droit des biens spéciaux, D. 2004,
Chron. p. 1615 ). Le tour est ainsi joué. Rendons aux biens, ce qui relève des biens et laissons aux
personnes, ce qui relève des personnes!
N. R.-M.
SEANCE 6
Thème : Les droits subjectifs
Sous-thème : La preuve des droits subjectifs
55
Exercice : Faire les cas pratiques
Cas n° 1
Pour venir en aide à son voisin qui est menacé d’expulsion pour des arriérés de loyers, Mr
baldé l’interpelle discrètement et lui prête, en espèce, une somme de 300 000 F CFA. Au
bout de 3 mois, voyant que son voisin a acheté de nouveaux meubles, il lui réclame son
argent. Ce dernier, de très mauvaise foi, dit ne pas se souvenir d’une quelconque dette à
l’égard de Mr Baldé. Très déçu, mais aussi remonté contre son voisin, Mr Baldé l’assigne en
justice et propose à son avocat d’invoquer l’impossibilité morale.
Cet argument peut-il prospérer ?
Cas n° 2
Fatou Ndiaye est une grande commerçante qui rencontre ces derniers temps des difficultés
financières. Sa fille a obtenu le baccalauréat, et elle veut l’emmener au Canada poursuivre
ses études. Elle s’en ouvre à un autre grand commerçant, Abdoulaye qui consent à lui prêter
3 millions de francs CFA ; une reconnaissance de dette est établie par cette dernière.
A l’échéance du prêt, Fatou Ndiaye refuse de payer, car, dit-elle, Abdoulaye lui avait une fois
vendu de la mauvaise marchandise. Elle est poursuivie en justice par ce dernier. Un ami du
commerçant, juriste de formation lui fait comprendre qu’il n’a pas à apporter de preuve
écrite car il était lié à une commerçante. Cet ami a-t-il raison ?
Un des voisins, avocat, lui conseille de se servir de la reconnaissance de dette de sa
débitrice. A quel titre peut-il s’en servir ?
Cas n° 3
Dame Sarr, un père de famille est inquiet. La semaine dernière il a été victime d’un
cambriolage et le sac dans lequel étaient contenus tous ses reçus de loyers a été emporté.
Au courant de cette situation, son bailleur, un grand escroc, en profite pour le pousser à la
porte et lui réclame paiement des trois derniers mois de loyers.
Traduit devant le juge par son bailleur, Dame Sarr soutient avoir déjà payé.
Qu’en pensez-vous
56
Cas n° 4
Par l’intermédiaire de sa sœur qui fait ses études à Saint-Louis, Coumba fait la connaissance
de Aïta une Saint-Louisienne. Elles finissent par nouer des relations cordiales et Aïta la
sollicite pour un prêt de 7 millions. Coumba accepte et l’opération se fait par voie
électronique. Six mois après, à l’échéance du prêt, sa débitrice reste introuvable et refuse de
répondre à ses appels. Sa colère atteint le comble lorsqu’au détour d’une conversation, sa
sœur lui apprend qu’Aïta est en réalité une femme malhonnête qui a eu par le passé, à
rouler beaucoup de personnes. Elle s’en ouvre à un de ses amis avocat.
Dans quelle mesure peut-elle espérer rentrer dans ses fonds ?
Bibliographie indicative
-
Buffelan-Lanore (Y.) et Larribau-Teyneyre (V.), Droit civil 1re année, Sirey, 16è éd.,
2009.
Carbonnier (J.), Droit civil, Introduction, PUF, coll. Thémis, 2è éd. 2002
Cornu (G.), Droit civil, Introduction au droit, Montchrestien, coll. « Précis Domat »,
13è éd., 2007
Malaurie (Ph.) et Morvan (P.), Droit civil, Introduction générale, Défrénois, coll.
« Droit civil », 3è éd., 2009.
Mazeaud (H., L. et J.) et Chabas (F.), Leçons de droit civil : Introduction à l’étude du
droit, Montchrestien, 12è ed., 2000.
Terré (F.), Introduction générale au droit, Dalloz, coll. « Précis », 8è éd., 2009. (n°
449-571)
Doc. 1. Articles 9 à 38 du COCC (articles et commentaires disponibles à la salle de lecture de
la FSJP)
CHAPITRE Il / LA PREUVE DES OBLIGATIONS
SECTION PREMIERE / LA CHARGE DE LA PREUVE
ARTICLE 9 / Droit commun
Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit en prouver l'existence.
57
Celui qui se prétend libéré doit prouver que l'obligation est inexistante ou éteinte.
ARTICLE 10 / Présomptions légales
Celui qui établit les actes ou faits auxquels la loi a attaché une présomption bénéficie pour le surplus
d'une dispense de preuve.
En toute hypothèse, la bonne foi est présumée et c'est à celui qui allègue la mauvaise foi de la
prouver.
ARTICLE 11 / Preuve contraire aux présomptions légales
La présomption légale supporte la preuve contraire qui peut être faite par tous moyens.
Interdite dans les cas expressément prévus par la loi, la preuve contraire peut également être
limitée dans son objet ou dans les moyens de preuve laissés à la disposition des parties.
SECTION Il / LES MOYENS DE PREUVE
ARTICLE 12 / Enumération
Les seuls moyens de preuve retenus par la loi sont:
- L'écrit ;
- Le témoignage ;
- La présomption du fait de l'homme ;
- L'aveu judiciaire ;
- Le serment.
ARTICLE 13 / Liberté de preuve
Tous ces moyens peuvent être utilisés pour la preuve des faits juridiques.
La preuve est libre en matière commerciale pour les actes juridiques.
Paragraphe Premier L'écrit
ARTICLE 14 / Préconstitution de la preuve
Il doit être passé acte devant notaire ou sous signatures privées de toute convention dont l'objet
excède 20.000 francs.
ARTICLE 15 / Impossibilité de préconstitution de la preuve
La règle ci-dessus reçoit exception toutes les fois qu'il n'a pas été possible au créancier de se procurer
ou de produire une preuve écrite de la convention.
58
ARTICLE 16 / Commencement de preuve écrit
Les témoignages et présomptions sont également recevables, lorsqu'il existe un commencement de
preuve par écrit.
On appelle commencement de preuve par écrit tout écrit qui rend vraisemblable le fait allégué et
qui émane de celui auquel on l'oppose, de son auteur ou de son représentant.
Sont assimilées au commencement de preuve par écrit les déclarations faites au cours d'une
comparution personnelle ordonnée par le juge.
ARTICLE 17 / Acte authentique
L'acte authentique est celui qui a été reçu par un officier public compétent instrumentant dans les
formes requises par la loi.
L'acte qui ne remplit pas ces conditions vaut comme acte sous seings privés s'il a été signé par les
parties.
ARTICLE 18 / Force probante
L'acte authentique fait pleine foi à l'égard de tous et jusqu'à inscription de faux de ce que l'officier a
fait ou constaté personnellement conformément à ses fonctions.
Pour le surplus l'acte fait foi seulement jusqu'a preuve contraire.
ARTICLE 19 / Acte sous seings privés
L'acte sous seings privés est valable lorsqu'il est signé par les parties.
ARTICLE 20 / Actes des illettrés
La partie illettrée doit se faire assister de deux témoins lettrés qui certifient dans l'écrit son identité
et sa présence: ils attestent en outre que la nature et les effets de l'acte lui ont été précisés.
ARTICLE 21 / Formalité du double
L'acte sous seings privés relatif à une convention synallagmatique doit être rédigé en autant
d'originaux qu'il y a de parties ayant un intérêt distinct.
Chaque original doit contenir la mention du nombre des originaux établis.
ARTICLE 22 / Formalité du bon pour
L'acte sous seings privés contenant un engagement unilatéral doit être rédigé en entier de la main de
celui qui le souscrit.
Dans le cas contraire, il faut que celui qui s'engage écrive de sa main, outre sa signature un bon pour
ou un approuvé portant en toutes lettres le montant de son obligation dont il fait preuve.
La présence des témoins certificateurs dispense les illettrés de l'accomplissement de la présente
59
formalité.
ARTICLE 23 / Force probante de l'acte sous seings privés
L'acte sous seings privés reconnu par celui auquel on l'oppose, ou déclare sincère par le juge, fait foi
de son contenu à l'égard de tous jusqu'à preuve contraire.
ARTICLE 24 / Date certaine
L'acte sous seings privés fait foi de sa date entre les parties et leurs ayants cause à titre universel.
A l'égard des tiers il acquiert date certaine du jour où il a été enregistré, du jour du décès d'une des
parties ou du jour ou l'acte a été mentionné dans un acte dressé par un officier public.
ARTICLE 25 / Désaveu et contestation
Faute de désaveu, l'écriture ou la signature sont tenues pour reconnues.
Les héritiers ou ayants cause peuvent se borner à déclarer qu'ils ne connaissent pas l'écriture ou la
signature de leur auteur.
ARTICLE 26 / Vérification d'écriture
En cas de désaveu ou de non connaissance, la vérification d'écriture est ordonnée en justice suivant
les dispositions du Code de procédure civile.
ARTICLE 27 / Lettres missives
La lettre missive fait foi des engagements qu'elle contient contre celui qui l'a signée.
ARTICLE 28 / Copie et reproduction de titres
La copie, photocopie ou toute autre reproduction d'actes authentiques, ou d'actes sous seings privés
a la même force probante que l'acte lui-même lorsqu'elle est certifiée conforme par un officier public
ou, dans les limites de leurs attributions, par le conservateur de la propriété foncière et le receveur
de l'enregistrement.
(Loi du 6 juillet 1989).
La copie, photocopie ou toute autre reproduction d'actes sous-seings privés a également la même
force probante que l'acte lui-même, lorsqu'elle est certifiée conforme par un officier de police
judiciaire.
Paragraphe II / Des témoignages et des présomptions du fait de l'homme
ARTICLE 29 / Admissibilité
La preuve par témoins ou par présomptions du fait de l'homme est admissible chaque fois que la
préconstitution de la preuve n'est pas obligatoire.
60
Elle n'est pas recevable contre et outre le contenue d'un acte écrit.
ARTICLE 30 Force probante
Les témoignages ou présomptions sont abandonnés à la prudence du magistrat qui en apprécie la
gravité, la précision ou la concordance.
ARTICLE 31 / Enregistrement de la parole
Les modes de reproduction de la parole peuvent seulement être retenus comme présomptions du
fait de l'homme.
ARTICLE 32 / Aveu extrajudiciaire
L'aveu extrajudiciaire vaut comme présomption du fait de l'homme.
Paragraphe III / L'aveu judiciaire et le serment
ARTICLE 33 / Conditions et effets de l'aveu
Recevable en toute matière, l'aveu judiciaire de la partie, ou de son fondé de pouvoir spécial, fait
pleine foi contre celui dont il émane.
L'aveu est indivisible. Il ne peut être révoqué sauf erreur de fait.
ARTICLE 34 / Conditions de la prestation de serment
Le serment peut être déféré en toute matière sur un fait personnel à la partie à laquelle on le défère.
ARTICLE 35 / Effets
La force probante du serment et sa forme résultent de la convention des parties passées devant le
juge.
Si la partie refuse une telle convention, son refus vaut aveu judiciaire, sauf à référer le serment à
l'adversaire.
Le refus de prêter le serment ainsi référé vaut aveu par l'adversaire de la fausseté du fait allégué.
ARTICLE 36 / Aveu et serment des personnes morales
Pour les personnes morales, l'aveu est fait et le serment prêté par les personnes physiques qui les
représentent, statutairement.
SECTION III / LES CONVENTIONS SUR LA PREUVE
ARTICLE 37/ Conventions valables
Les conventions sur la preuve sont valables dans la mesure où les parties règlent
conventionnellement l'acquisition ou la perte d'un droit par la production d'un mode de preuve
61
déterminé.
ARTICLE 38 / Conventions nulles
Sont nulles les conventions ayant pour objet de modifier la charge de la preuve telle qu'elle est
répartie par la loi.
Art. 179 / Preuve du paiement
La preuve du paiement obéit, sauf dispositions contraires de la loi, aux règles du droit commun de la
preuve
Doc. 2. Loi n°2008-08 du 25 janvier 2008 sur les transactions électroniques, Recueil –Droit
sénégalais dans la société de l’information, p. 63. (disponible à la salle de lecture de la FSJP)
Art. 19, al.1 Lorsqu’un écrit est exigé pour la validité d’un acte juridique, il peut être établi et
conservé sous forme électronique dans les conditions prévues aux articles 37 et 41 de la présente loi.
Art. 24 al. 1Quiconque propose, à titre professionnel, par voie électronique, la fourniture de biens ou
la prestation de services, met à la disposition de la clientèle les conditions contractuelles applicables
d’une manière qui permette leur conservation et leur reproduction. Sans préjudice des conditions de
validité mentionnées dans l’offre, son auteur reste engagé par elle tant qu’elle est accessible par voie
électronique de son fait […]
Art. 37 L’écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l’écrit sur support
papier et a la même force probante que celui-ci, sous réserve que puisse être dûment identifié la
personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir
l’intégrité.
La conservation des documents sous forme électronique doit se faire pendant une période de dix
(10) ans et dans les conditions suivantes : […]
Art. 41 La signature nécessaire à la perfection d’un acte juridique identifie celui qui l’appose. Elle
manifeste le consentement des parties aux obligations qui découlent de cet acte. Quand elle est
apposée par un officier public, elle confère l’authenticité à l’acte.
Lorsqu’elle est électronique, elle consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant
son lien avec l’acte auquel elle s’attache.
La fiabilité de ce procédé est présumé, jusqu’à preuve contraire, lorsque la signature électronique est
créée.
L’acte authentique peut être dressé sur support électronique s’il est établi et conservé dans des
conditions fixées par décret.
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Doc. 3. Articles 1315 à 1369-11 C. civ. français (Disponibles à la salle de lecture de la FSJP)
Art. 1315 Celui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le payement ou le fait qui a produit
l’extinction de son obligation.
Art. 1316 (L. n° 2000-230 du 13 mars 2000) La preuve littérale, ou preuve par écrit, résulte d’une
suite de lettres, de caractères, de chiffres ou de tous autres signes ou symboles dotés d’une
signification intelligible, quels sue soient leur support et leurs modalités de transmission.
Art. 1316-1. L’écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l’écrit sur
support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit
établi et conservé dans des conditions de nature à e, garantir l’intégrité.
Art. 1317 L’acte authentique est celui qui a été reçu par officiers publics ayant el droit d’instrumenter
dans le lieu où l’acte a été rédigé, et avec les solennités requises.
(L. n° 2000-230 du 13 mars 2000) « Il peut être dressé sur support électronique s’il est établi et
conservé dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat. »
Art. 1322 L’acte sous seing privé, reconnu par celui auquel on l’oppose, ou légalement tenu pour
reconnu, a, entre ceux qui l’ont souscrit et entre leurs héritiers et ayants cause, la même foi que
l’acte authentique.
Art. 1341 Il doit être passé acte devant notaires ou sous signatures privées de toutes choses
excédant une somme ou une valeur fixée par décret, même pour dépôts volontaires, et il n’est reçu
aucune preuve par témoins contre et outre le contenu aux actes, ni sur ce qui serait avoir été dit
avant, lors ou depuis les actes, encore qu’il s’agisse d’une somme ou valeur moindre.
Le tout sans préjudice de ce qui est prescrit dans les lois relatives au commerce.
Art. 1352 La présomption légale dispense de toute preuve celui au profit duquel elle existe.
Nulle preuve n’est admise contre la présomption de la loi, lorsque, sur le fondement de cette
présomption, elle annule certains actes ou dénie l’action en justice, à moins qu’elle n’ait réservé la
preuve contraire et sauf ce qui sera dit sur le serment et l’aveu judiciaires
Art. 1353 Les présomptions qui ne sont point établies par la loi, sont abandonnées aux lumières et à
la prudence du magistrat, qui ne doit admettre que des présomptions graves, précises et
concordantes, et dans les cas seulement où la loi admet les preuves testimoniales, à moins que l’acte
ne soit attaqué pour cause de fraude ou de dol.
63
Art. 1354 L’aveu qui est opposé à une partie, est ou extrajudiciaire ou judiciaire.
Art. 1357 Le serment judiciaire est de deux espèces :
1° Celui qu’une partie défère à l’autre pour en faire dépendre le jugement de la cause : il est appelé
décisoire.
2° Celui qui est déféré d’office par le juge à l’une ou à l’autre des parties.
Art. 1369-1 (ord. N° 2005-674 du 16 juin 2005) la voie électronique peut être utilisée pour mettre à
disposition des conditions contractuelles ou des informations sur des biens ou services.
Doc. 4. Extrait de Philippe Delebecque, Jean-Daniel Bretzner, Isabelle Gelbard-Le Dauphin / Droit de
la preuve, juillet 2010 - octobre 2011 - Recueil Dalloz 2011 p. 2891
J.-D. B.
II - Les principes probatoires propres aux droits personnels
A - La preuve des actes juridiques
1 - En l'absence de fraude, la preuve, entre les parties, d'une simulation doit se faire par écrit
En cas de fraude, la simulation se prouve par tous moyens, puisque la fraude fait échec à tous les
principes (Civ. 1re, 17 déc. 2009, n° 08-13.276, D. 2010. 150 , et 2671, nos obs. ). Mais, en dehors
de cette situation, les règles ordinaires retrouvent leur application et la simulation doit alors être
prouvée par écrit, dès l'instant que l'acte ostensible est établi sous cette forme (V. Civ. 1re, 18 janv.
1989, n° 86-15.605, Bull. civ. I, n° 28 ; RTD civ. 1990. 79, obs. J. Mestre ; Civ. 3e, 3 mai 1978, Bull.
civ. III, n° 186). Elle ne peut résulter, par ailleurs, du comportement de l'une des parties à l'acte
ostensible. Voilà en substance ce que nous dit un arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de
cassation du 15 septembre 2010 (Civ. 3e, 15 sept. 2010, n° 09-68.656, Bull. civ. III, n° 160 ; AJDI 2011.
438 , obs. N. Damas ; RTD civ. 2010. 781, obs. B. Fages ).
En l'espèce, l'ayant droit d'une partie à un bail emphytéotique, sans se prévaloir d'une quelconque
fraude, avait agi en déclaration de simulation, afin d'obtenir l'annulation dudit bail. Le demandeur
n'invoquait aucun écrit pouvant contredire l'acte apparent et s'était contenté de dire que son auteur
- la bailleresse - avait laissé faire les choses et n'avait fait preuve d'aucune rigueur au cours de
l'exécution du bail. Le bailleur, avait-il été prétendu, aurait fait montre de « faiblesse vis-à-vis du
locataire en n'exigeant pas l'application stricte des termes du bail emphytéotique », ce qui signifiait
que les parties étaient convenues à l'origine d'une simulation de bail emphytéotique pour cacher une
autre opération. Pouvait-on se fonder sur le seul comportement d'une partie pour conclure à
l'existence d'une simulation, alors qu'un acte ostensible - le bail emphytéotique - avait été conclu en
64
bonne et due forme ? Aucun commencement de preuve par écrit n'accréditait la simulation. De
même, aucune impossibilité morale d'établir un écrit n'était-elle alléguée. L'acte apparent écrit ne
pouvait donc être remis en cause que par un autre écrit. A défaut, la preuve d'un simple fait - le
comportement de l'une des parties à l'acte et plus précisément sa complaisance - n'avait-elle aucune
efficacité juridique.
Ph. D.
2 - Impossibilité morale de pré-constituer un écrit en présence d'un usage agricole
Comment prouver une vente d'aliments pour le bétail à l'égard d'un acheteur qui n'a pas la qualité
de commerçant (une exploitation agricole à responsabilité limitée) ? Par écrit, si du moins la valeur
de l'opération dépasse 1 500 € ou, encore, sur la base d'un commencement de preuve par écrit
rendant admissible la preuve par d'autres moyens. Ce qui n'est pas le cas si le demandeur, le vendeur
en l'espèce, se prévaut de documents (bons de livraison, bons de fabrication) émanant de lui-même
ou de l'un de ses préposés. Ce qui est cependant le cas, si ces documents émanent d'un mandataire
du demandeur, mandataire dont on peut présumer l'indépendance. Par commencement de preuve
par écrit donc ou, en son absence, par tous moyens, dans la mesure où le demandeur peut établir
une impossibilité morale de pré-constituer un écrit. Or, précisément, en matière de vente agricole,
l'usage est d'autoriser les parties à sceller verbalement leurs conventions (V., pour une vente
d'engrais naturel, Civ. 1re, 28 févr. 1995, n° 93-15.448, RTD civ. 1996. 170, spéc. 174, obs. J. Mestre
; CCC 1995, n° 83, obs. L. Leveneur). La parole suffit. Le monde rural est encore respectueux de ses
poignées de mains.
C'est au demeurant ce bel usage qui est ici rappelé (Com. 22 mars 2011, n° 09-72.426, D. 2011. 1076,
obs. X. Delpech, et 2687, chron. F. Arbellot ; RTD civ. 2011. 491, obs. P. Deumier ; Dr. rur. 2011.
Comm. 81, obs. J.-J. Barbièri ; RDC 2011. 869, obs. Libchaber). Et l'arrêt d'approuver la cour d'appel
qui avait estimé que des commandes d'aliments pour bétail pouvaient être faites par téléphone et ne
pas être concrétisées par un écrit daté et signé par le client.
Ph. D.
3 - Le défaut de forme de l'acte authentique enfermant une cession de parts n'emporte pas la nullité
du contrat conclu, mais simplement sa réduction en acte sous seing privé
Même s'il relève plus de la forme des actes juridiques que de leur preuve, l'arrêt de la première
chambre civile du 28 septembre 2011 (Civ. 1re, 28 sept. 2011, n° 10-13.733, D. 2011. 2471) mérite
d'être signalé dans ce panorama. Il met en cause un acte notarié dont la régularité passe, comme on
le sait, par le respect scrupuleux des dispositions du décret du 26 novembre 1971. Le texte impose,
entre autres exigences de forme, la signature du notaire, celle des parties et des éventuels
représentants. En l'espèce, le débat s'est concentré sur l'absence de signature de l'une des parties
(co-cédant des parts sociales d'une SCI faisant l'objet d'un contrat de cession). Cette carence
constituait un défaut de forme au sens de l'article 1318 du code civil privant l'acte de toute
authenticité. Pour autant, l'acte n'était pas privé de toute valeur instrumentaire et pouvait encore
être considéré comme un acte sous seing privé.
65
L'arrêt permet de rappeler que lorsqu'un acte authentique est requis à titre de validité, son
irrégularité formelle entraîne la nullité de l'acte. Dans le cas inverse, l'irrégularité n'affecte que sa
force probante : celle-ci est réduite à celle d'un acte sous seing privé s'il a été signé (V. Civ. 1re, 21
févr. 2006, n° 04-17.318, Bull. civ. I, n° 85 ; D. 2006. 675 , et 2007. 1901, obs. T. Vasseur ; RTD civ.
2006. 767, obs. J. Mestre et B. Fages ). Cette réserve n'était pas en cause en l'espèce, car le cocédant avait ultérieurement ratifié l'acte de cession, et c'est bien d'instrumentum irrégulier qu'il
s'agissait. La solution de requalification en acte sous seing privé mérite donc d'être retenue, mais il
serait intéressant d'en savoir plus sur la notion de « défaut de forme » visée par l'article 1318. Le
défaut de signature du notaire lui-même en fait-il partie ? N'est-ce pas un cas d'inexistence ? Qu'en
est-il aussi de l'irrégularité des pouvoirs donnés à un clerc qui n'en est pas un ? Quid encore de
l'annexion de ces pouvoirs à l'acte lui-même (cf. Décr. 26 nov. 1971, art. 21) ? Ces questions
appelleraient, elles aussi, des réponses claires.
Doc.5. Extrait de Matthieu Buchberger, Le rôle de l'article 1315 du code civil en cas d'inexécution
d'un contrat - Recueil Dalloz 2011 p. 465
L'essentiel
L'apparente simplicité de l'article 1315 du code civil est trompeuse. Dès lors que l'on s'écarte de
l'hypothèse expressément visée par ce texte, soit celle d'une action en exécution forcée, déterminer
quelle est l'interprétation qui s'est imposée en jurisprudence ne relève pas de l'évidence. En
particulier, il est difficile d'expliquer pourquoi l'inexécution, lorsqu'elle est invoquée pour résister à
une action en exécution forcée, ou sert de fondement à une action en responsabilité ou en
résolution, est parfois, mais parfois seulement, présumée. Une certaine cohérence peut cependant
être révélée en recourant à une interprétation large de cette disposition et aux propositions
doctrinales distinguant entre le défaut d'exécution et l'exécution défectueuse.
1 - L'actualité jurisprudentielle récente remet au goût du jour la question de la charge de la preuve
en droit des contrats. En particulier, elle soulève la question du sens de la règle, a priori simple,
posée à l'article 1315 du code civil.
Selon le premier aliéna de ce texte, « celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ».
En écho, le second alinéa énonce que, « réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le
payement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ». Ce texte paraît illustrer à merveille
la théorie classique qui voit avant tout dans la charge de la preuve un « jeu de pendule » (1).
Quoiqu'elle soit aujourd'hui complétée par une analyse en termes de « risque de la preuve » (2),
cette présentation quelque peu théorique demeure d'actualité.
66
La doctrine est unanime pour considérer que le domaine de l'article 1315 du code civil dépasse
largement le droit des contrats, son champ naturel d'application. Cependant, nul besoin de
s'engager dans les autres domaines du droit pour déceler un certain nombre de problèmes auxquels
doctrine et jurisprudence sont à ce jour encore confrontées. En effet, en droit des contrats, des
solutions ou des opinions difficilement conciliables voient le jour, ce qui suggère la persistance de
certaines difficultés.
2 - Ces difficultés sont de deux ordres. La première concerne l'alinéa 1er de l'article 1315 du code civil
et, plus précisément, la question de la preuve de l'existence de l'obligation. En effet, selon cet alinéa,
celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit en prouver l'existence. Or, les solutions rendues
par les juges du fond révèlent qu'il n'est pas toujours aisé de savoir comment celui qui agit peut se
conformer à cette exigence.
Ainsi, un arrêt de la cour d'appel de Paris rendu à propos d'un prêt consenti par un particulier a
récemment été cassé par la Cour de cassation car les juges du fond n'avaient pas pris en compte
l'existence d'une reconnaissance de dette (3). Pourtant, cette dernière suffit à prouver l'existence
du prêt et celle de la remise des fonds, peu important, selon la Cour de cassation, que la
reconnaissance de dette ne précise pas quelle en était la cause. Toujours en matière de prêt, la Cour
de cassation avait d'ailleurs déjà dû casser un arrêt de la cour d'appel de Versailles, laquelle avait
considéré que la preuve de la remise des fonds par un particulier suffisait à démontrer l'existence de
ce prêt. Cette cassation ne peut qu'être approuvée puisque, comme le rappelle la haute juridiction, «
la preuve de la remise des fonds à une personne ne suffit pas à justifier l'obligation pour celle-ci de
les restituer » (4). En effet, la remise des fonds pourrait révéler, non pas un prêt, mais une
donation.
Au final, ces solutions relatives à la preuve de l'existence de l'obligation paraissent, sinon appliquées
sans difficultés par les juges du fond, du moins tout à fait compréhensibles et justifiables.
3 - La seconde difficulté soulevée par l'application de l'article 1315 du code civil s'avère plus délicate.
Elle concerne la charge de la preuve quant à l'exécution d'une obligation, ce dont traite directement
cette disposition : est-ce à celui qui allègue l'inexécution de la démontrer, ou est-ce au débiteur de
cette obligation d'en prouver l'exécution (5) ? Si l'on s'en tient à une analyse littérale de l'article
1315, c'est-à-dire à l'hypothèse d'une demande en exécution forcée d'une obligation, la solution
reste simple. En effet, la combinaison des deux alinéas de cet article indique que, s'il revient à celui
qui réclame l'exécution d'une obligation d'en démontrer l'existence (al. 1er), c'est en revanche à celui
qui se prétend libéré de démontrer qu'il s'est exécuté ou qu'il n'avait pas à le faire (al. 2) (6).
Autrement dit, celui qui agit n'a à démontrer que l'existence de l'obligation, et non l'inexécution ; et
c'est au débiteur de prouver, pour se défendre, qu'il a exécuté son obligation. En quelque sorte, la
démonstration par le créancier de l'existence de l'obligation fait présumer l'inexécution, et c'est
alors au débiteur de combattre cette présomption en rapportant la preuve de l'exécution. Par
conséquent, si l'on se cantonne à l'hypothèse directement envisagée par l'article 1315, soit lorsque
l'exécution forcée est demandée en raison d'une inexécution, le problème de la charge de la preuve
de l'exécution ou de l'inexécution se résout sans grande difficulté.
67
Pourtant, nombreuses sont les circonstances, autres qu'une demande en exécution forcée, où une
inexécution peut être alléguée. Quid en particulier lorsque l'inexécution est employée comme
moyen de défense pour résister à la demande d'un créancier ? Quid également lorsqu'elle est
invoquée, non pour fonder une demande en exécution forcée, mais pour engager la responsabilité
du cocontractant ou obtenir la résolution du contrat ? L'article 1315 a-t-il vocation à régir de telles
situations ? Peut-on généraliser le raisonnement exposé précédemment, selon lequel le créancier
n'aurait qu'à prouver l'existence de l'obligation, le débiteur devant démontrer qu'il s'est exécuté ou
qu'il n'avait pas à le faire ?
Il est fort probable que les rédacteurs du code civil n'envisageaient pas ces autres situations
lorsqu'ils ont rédigé l'article 1315. De fait, les discours et discussions qui ont précédé l'adoption de
cette disposition révèlent que cette dernière n'était conçue que comme l'expression d'une
évidence (7), ce qui laisse penser qu'aucune portée ne lui était donnée en dehors de son domaine
littéral d'application.
Mais n'est-il pas justifié de raisonner de façon similaire dans ces différentes hypothèses ? Demander
l'exécution forcée, la résolution du contrat, chercher à engager la responsabilité du cocontractant ou
à lui opposer l'exception d'inexécution ne revient-il pas finalement au même : sanctionner ce
dernier, coupable d'une inexécution contractuelle ? Et ne serait-il donc pas justifié de transposer à
ces différentes situations les règles que le code civil ne semble édicter qu'à propos d'une demande
d'exécution forcée. On peut le penser, et ce d'autant plus que le code civil n'établit aucune
hiérarchie entre les sanctions possibles de l'inexécution (8), ce qui rend peu compréhensible
l'édiction d'une règle de preuve favorable au débiteur dans la seule hypothèse d'une demande en
exécution forcée.
Cette idée d'uniformiser le régime de la preuve en cas d'inexécution n'est pas étrangère à la Cour de
cassation, qui se réfère à l'article 1315 dans toutes les hypothèses où l'inexécution d'une obligation
est alléguée. Cependant, cette œuvre d'uniformisation est loin d'être parfaite, les solutions
jurisprudentielles demeurant encore très hétérogènes. Ainsi, l'application des règles relatives à la
charge de la preuve en dehors de leur domaine littérale d'application n'est parfois pas sans
surprendre, car il n'est pas toujours évident de comprendre quelle lecture de ce texte a fondé la
solution retenue, en particulier lorsque cette dernière heurte le sens littéral de cette disposition,
pourtant expressément visée.
L'objectif de cet article est donc de tenter d'apporter quelques clarifications quant au rôle de l'article
1315 en cas d'inexécution. A cette fin, il importe d'exposer les différentes interprétations dont
l'article 1315 du code civil est susceptible de faire l'objet (I), avant de les confronter aux solutions
retenues par la jurisprudence (II). Il sera alors possible de dresser un bilan quant au rôle de l'article
1315 du code civil en cas d'inexécution du contrat (III)
I - Les interprétations possibles de l'article 1315
4 - La première interprétation de l'article 1315 , déjà évoquée, est littérale : ce dernier aurait
vocation à ne s'appliquer que dans le cas où une partie réclame l'exécution d'une obligation. Dans
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une telle hypothèse, il revient au créancier de prouver l'existence de l'obligation, ce qui fait
présumer l'inexécution. Quant au débiteur, il doit, pour s'opposer à une telle demande en exécution
forcée, démontrer soit l'exécution de son engagement, soit le fait qui a produit l'extinction de cette
obligation. Dès lors qu'aucune exécution de l'obligation n'est réclamée, l'article 1315 n'aurait aucun
rôle à jouer.
En conséquence, l'action en résolution échapperait au domaine de l'article 1315 car, dans une telle
hypothèse, ce n'est pas l'exécution de l'obligation souscrite par le débiteur qui est réclamée, mais la
remise en cause du lien contractuel. On appliquerait alors l'article 9 du code de procédure civile en
vertu duquel « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au
succès de sa prétention ». Le créancier ne pourrait donc pas se contenter d'alléguer l'inexécution. Il
devrait prouver l'inexécution, cette dernière étant l'un des « faits nécessaires » à l'obtention de la
résolution.
S'agissant des actions en responsabilité contractuelle, on pourrait croire que l'article 1315 n'a pas à
s'appliquer puisque, à s'en tenir à une analyse classique, ce n'est pas l'exécution forcée qui est
demandée. Une telle impression devrait cependant être écartée si l'on adoptait la théorie qui
assimile l'action en responsabilité à une action en exécution forcée (9). L'hypothèse serait alors
directement celle que vise l'article 1315, et la présomption d'inexécution qu'il édicte devrait alors
s'appliquer. Mais il est vrai que cette théorie, contestée par de nombreux auteurs, ne semble pas
s'être imposée en droit positif (10). A s'en tenir à la conception classique de la responsabilité
contractuelle, devrait-on pour autant en conclure qu'elle échappe au domaine de l'article 1315 ?
Rien n'est moins sûr, puisque l'on peut considérer que le créancier agissant en responsabilité
cherche à démontrer l'existence d'une obligation de réparation dont il demande l'exécution (11). Il
faut cependant préciser que seule l'obligation en réparation est alors concernée par cette
disposition, et que l'inexécution de l'obligation initialement souscrite n'est donc pas présumée. Au
contraire, démontrer l'inexécution de cette obligation est ce qui permet de prouver l'existence de
l'obligation de réparation.
Quant à l'exception d'inexécution, la solution est incertaine. Si l'on considère que celui qui oppose
l'exception d'inexécution ne le fait pas dans le but premier de ne pas respecter ses engagements,
mais dans l'espoir de forcer son cocontractant à s'exécuter, on peut penser qu'il s'agit d'un moyen
de réclamer l'exécution d'une obligation. Dans ce cas, celui qui oppose une telle exception n'aurait,
selon l'article 1315, alinéa 1er, qu'à prouver l'existence de l'obligation dont il allègue l'inexécution. A
l'inverse, si l'on insiste d'avantage sur le fait que l'exception d'inexécution est un moyen de défense
opposé à une demande en exécution, une interprétation littérale de l'article 1315 conduirait à
écarter cette disposition. En effet, le second alinéa de cet article ne vise comme moyen de défense
que la preuve du payement ou d'une cause d'extinction de l'obligation. Or, l'exception d'inexécution
n'est ni un payement, ni une cause d'extinction de l'obligation, du moins si l'on s'en tient à la liste
dressée à l'article 1234 du code civil. Pour que l'article 1315, alinéa 2, s'applique à l'exception
d'inexécution vue comme un moyen de défense, il faut dépasser une interprétation littérale de cette
disposition, ce qui renvoie à la deuxième analyse dont cet article peut faire l'objet.
5 - La deuxième analyse de l'article 1315 repose sur une interprétation que l'on pourrait qualifier de
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téléologique. Ce qui importe est le mouvement de balancier entre une demande et la réplique à
cette demande, mouvement que suggère l'adverbe « réciproquement » figurant en tête du second
alinéa de l'article 1315. Le demandeur doit prouver ce qu'il allègue ; le défendeur doit prouver ce
qu'il oppose à cette demande, ce qui n'est que reprendre la règle actori incombit probatio, reus in
excipiendo fit actor, elle-même consacrée à l'article 9 du code de procédure civile (12).
Suivant cette deuxième interprétation, les actions en résolution et en responsabilité tombent dans le
champ d'application de l'article 1315 du code civil. En vertu de l'article 1315, alinéa 1er, que le
demandeur invoque l'une ou l'autre de ces actions, il doit prouver ce qui permet de les mettre en
oeuvre. Et le moins qu'il ait à démontrer est l'inexécution de ses obligations par son débiteur.
L'inexécution n'est donc pas présumée.
Concernant l'exception d'inexécution, elle peut être vue comme une application de l'article 1315,
alinéa 2, si l'on retient cette deuxième interprétation, et si l'on considère que l'exception
d'inexécution est davantage un moyen de défense qu'une manière de réclamer l'exécution d'une
obligation. Il reviendra alors à celui qui allègue ce moyen de défense de le démontrer, ce qui
suppose la preuve de l'inexécution.
6 - Mais à retenir une interprétation de l'article 1315 détachée de sa lettre, on pourrait être
conduit à privilégier une troisième analyse qui conférerait une portée bien plus large à la
présomption d'inexécution qu'il édicte. Cette analyse, à mi-chemin entre une interprétation littérale
et une interprétation téléologique, consisterait à dire qu'en toute hypothèse (ce qui conduit à
dépasser le domaine d'application de l'article 1315 tel qu'il résulte de sa lettre) un créancier n'a à
démontrer que l'existence de l'obligation, laquelle ferait présumer l'inexécution (ce qui correspond à
une interprétation littérale de cette disposition). Ce serait ensuite au débiteur de démontrer qu'il a
exécuté cette obligation, ou qu'il n'avait pas à le faire. De la sorte, la présomption d'inexécution ne
se cantonnerait plus à l'hypothèse d'une demande en exécution forcée, mais serait appliquée dans
tous les cas où l'inexécution est alléguée par le créancier. Une telle interprétation semble retenue
par certains auteurs qui généralisent la présomption d'inexécution en se fondant soit sur le premier
alinéa de l'article 1315 du code civil (13), soit sur le second (14).
A suivre cette troisième interprétation, le créancier qui agit en résolution ou en responsabilité
contractuelle n'aurait qu'à alléguer l'inexécution, et non à la démontrer, dès lors qu'il aurait
rapporté la preuve de l'existence de l'obligation. De même, le débiteur qui oppose une exception
d'inexécution n'aurait pas à prouver l'inexécution : il reviendrait à son créancier de démontrer qu'il a
bien exécuté sa propre obligation avant de pouvoir exiger celle de son débiteur.
7 - De ce qui précède, il résulte que l'article 1315 du code civil est susceptible de donner lieu à trois
interprétations.
La première est littérale et conduit à appliquer l'article 1315 aux actions en exécution forcée et en
responsabilité contractuelle, ainsi qu'à l'exception d'inexécution si on y voit davantage un moyen de
réclamer l'exécution d'une obligation qu'un moyen de défense. Alors que, s'agissant d'une action en
responsabilité contractuelle, il reviendrait au créancier de démontrer l'inexécution, il n'aurait qu'à
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rapporter la preuve de l'existence de la créance s'il réclamait l'exécution forcée ou opposait
l'exception d'inexécution. La deuxième interprétation, téléologique, fait de cette disposition une
réplique de l'article 9 du code de procédure civile. Elle conduit à imposer au créancier qui agit en
responsabilité contractuelle et en résolution, ainsi qu'à celui qui oppose l'exception d'inexécution,
analysée en un moyen de défense, de démontrer l'inexécution. Quant à la troisième interprétation,
elle a pour conséquence d'édicter une présomption générale d'inexécution, applicable quelles que
soient les circonstances dans lesquelles l'inexécution est invoquée.
Il reste alors à confronter ces différentes interprétations aux solutions de la jurisprudence, afin de
savoir si l'une d'elles s'est imposée en droit positif.
II - L'application jurisprudentielle de l'article 1315
8 - Afin de clarifier les développements qui suivent, il sera distingué selon que l'inexécution est
invoquée comme moyen de défense, par le biais de l'exception d'inexécution (A), ou à titre principal,
au service d'une action en responsabilité ou en résolution (B).
A - L'exception d'inexécution
9 - Un grand nombre d'arrêts fait peser sur le débiteur qui oppose l'exception d'inexécution la
charge de prouver cette inexécution. Ainsi, dans un arrêt du 18 décembre 1990, rendu au visa de
l'article 1315, alinéa 2, du code civil, la Cour de cassation affirme qu'il appartient à la partie qui se
prévaut de l'exception d'inexécution en alléguant l'inexécution partielle par le débiteur de son
obligation de moyens d'établir cette inexécution (15). Ce n'était que confirmer plusieurs décisions
antérieures, lesquelles concernaient également une exécution défectueuse invoquée par le débiteur
pour échapper à ses obligations (16).
De tels arrêts paraissent adopter l'interprétation téléologique (la deuxième interprétation exposée)
de l'article 1315 , laquelle conduit à considérer que l'alinéa 2 vise tout moyen de défense opposé à
la demande du créancier, et non uniquement ceux qu'il énumère expressément (17), et qu'il
revient au débiteur qui oppose cette exception de prouver l'inexécution.
Cette solution est jugée évidente, car l'inverse conduirait à imposer à tout créancier la
démonstration de l'exécution de sa propre prestation avant de pouvoir exiger celle de son
débiteur (18). Pire, prôner une solution contraire conduirait à présumer l'inexécution (19).
10 - Pourtant, dans d'autres arrêts, la Cour de cassation a semblé obliger le créancier à démontrer
qu'il avait exécuté sa propre obligation avant de pouvoir exiger l'exécution de celle de son débiteur.
Tel est le cas d'un arrêt rendu le 23 octobre 1990 par la chambre commerciale de la Cour de
cassation (20). Un débiteur avait refusé de payer l'intégralité du prix, arguant qu'une partie
seulement de la marchandise promise avait été reçue. Pour la cour d'appel, le débiteur devait
prouver cette allégation. Son arrêt est cassé, au visa de l'article 1315, au motif qu'il appartient à celui
qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver. Comme le remarquent certains auteurs, il est
difficile de concilier cette solution avec celles retenues en cas d'exception d'inexécution (21). En
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effet, invoquer l'exception d'inexécution, c'est alléguer le non-respect par le créancier de ses
engagements pour ne pas avoir à exécuter sa propre prestation tant que ce dernier ne le fait pas luimême. Or, dans l'arrêt du 23 octobre 1990, c'est précisément le raisonnement que tenait le
débiteur, lequel prétendait n'avoir pas reçu l'intégralité de sa commande.
La référence à l'article 1315 et à l'obligation pour celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la
prouver, ce qui paraît renvoyer à l'alinéa 1er de cet article, semble indiquer que, pour la Cour de
cassation, celui qui oppose l'exception d'inexécution pour ne pas avoir à exécuter sa propre
obligation doit être assimilé à celui qui réclame l'exécution de l'obligation. C'est, semble-il,
considérer que celui qui oppose une telle exception réclame l'exécution de l'obligation. La solution
de la Cour de cassation peut donc découler d'une interprétation littérale de l'article 1315 ,
première interprétation à avoir été exposée.
Très récemment, la haute juridiction a paru réaffirmer cette solution, considérant que « si le prêt
consenti par un professionnel du crédit est un contrat consensuel, il appartient au prêteur qui
sollicite l'exécution de l'obligation de restitution de l'emprunteur d'apporter la preuve de l'exécution
préalable de son obligation de remise des fonds » (22). Une interprétation littérale de cet attendu
peut conduire à penser que la Cour de cassation réaffirme l'idée selon laquelle la démonstration par
le créancier de l'exécution de son obligation est un préalable à la possibilité d'agir contre son
débiteur.
Le fondement de ce raisonnement est moins évident que dans l'arrêt précédent puisqu'il n'est pas
fait référence à la « réclamation de l'exécution d'une obligation ». On ne sait pas s'il s'agit d'une
interprétation littérale de l'article 1315 du code civil ou d'une interprétation généralisant la
présomption d'inexécution qu'il contient (23). Mais, quoi qu'il en soit, cet arrêt permet également
à celui qui invoque l'exception d'inexécution de se contenter de démontrer l'existence de
l'obligation, sans avoir à démontrer l'inexécution. Il s'oppose ainsi aux arrêts évoqués
précédemment qui lui imposent au contraire de prouver cette inexécution.
Les arrêts concernant l'exception d'inexécution révèlent par conséquent que l' interprétation
téléologique de l'article 1315 du code civil ne prévaut pas en toute hypothèse, certaines solutions
paraissant appliquer la présomption d'inexécution qu'il recèle. Ces exceptions se retrouvent
s'agissant des actions en résolution et en responsabilité contractuelle.
B - Les actions en résolution et en responsabilité contractuelle
11 - Concernant l'action en résolution, la jurisprudence semble en principe s'en tenir à
l' interprétation téléologique de l'article 1315 , écartant ainsi la présomption d'inexécution qu'il
énonce. L'inexécution doit être prouvée par le créancier, demandeur à l'action en résolution (24).
La doctrine approuve une telle solution, remarquant qu'il ne s'agit pas d'une demande en exécution,
mais en résolution (25). C'est appliquer la règle actori incumbit probatio, et donc l'article 1315,
alinéa 1er, entendu de façon particulièrement large (26).
Mais, comme pour l'exception d'inexécution, on dénombre quelques arrêts dissidents qui, sans le
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dire expressément, paraissent adopter l'interprétation généralisant la présomption d'inexécution de
l'article 1315 puisqu'ils exigent du débiteur contre lequel le créancier agit en résolution qu'il
démontre l'exécution de son obligation (27).
12 - S'agissant de la responsabilité contractuelle, la jurisprudence écarte généralement la
présomption d'inexécution qu'édicte l'article 1315. En effet, c'est en principe à celui qui invoque la
responsabilité contractuelle de rapporter la preuve de l'inexécution. Plus encore, parce qu'il est
question de responsabilité civile, le créancier doit en outre démontrer que cette inexécution lui a
causé un préjudice (28). On remarquera que les arrêts rendus en matière de responsabilité
contractuelle le sont au visa de l'article 1315 du code civil (outre le visa des art. 1137 et 1147 c.
civ.) (29). Un tel visa peut se comprendre, soit que l'on considère que le créancier cherche à
démontrer l'existence d'une obligation de réparation, soit que l'on estime plus simplement qu'étant
le demandeur, il doit démontrer les éléments qui lui permettent de mettre en jeu la responsabilité
de son débiteur. Ainsi, le visa de l'article 1315 se comprend que l'on adopte l'une ou l'autre des deux
premières interprétations dont il peut faire l'objet.
Il est cependant un domaine de la responsabilité contractuelle, celui des obligations d'information
qui pèsent sur certains professionnels, où les juges paraissent favorables à la troisième
interprétation de l'article 1315 et par conséquent à la généralisation de la présomption
d'inexécution qu'il édicte. En effet, se fondant sur cette disposition, la jurisprudence fait peser sur le
débiteur poursuivi la charge de démontrer qu'il a exécuté l'obligation d'information à laquelle il est
tenu (30).
Par ailleurs, même en dehors du cas particulier des obligations d'information, un arrêt du 18 janvier
1989 a, en matière de mandat, imposé au mandataire de prouver qu'il avait exécuté son obligation,
du moins lorsque c'est une absence totale d'exécution qui est alléguée par le créancier (31). Là
encore, la présomption d'inexécution de l'article 1315 semble être appliquée en dehors de son
domaine originel.
Ces différentes solutions jurisprudentielles exposées, un bilan peut être dressé quant au rôle de
l'article 1315 en cas d'inexécution.
III - Bilan quant au rôle de l'article 1315 en cas d'inexécution
13 - Les solutions jurisprudentielles révèlent que les interprétations de l'article 1315 varient selon
les hypothèses où l'inexécution est alléguée, qu'il s'agisse d'exception d'inexécution, d'action en
résolution, ou d'action en responsabilité contractuelle.
Ce texte ne semble donc pas employé comme un moyen rigoureux d'organiser la charge de la
preuve de l'inexécution d'un contrat. Il est d'avantage un instrument servant à parer les solutions de
la Cour de cassation d'une apparence de rigueur, l'interprétation sollicitée étant étroitement liée au
résultat souhaité. Comme cela a déjà été exposé, les véritables fondements sont ailleurs :
vraisemblance, aptitude de chacune des parties à la preuve, position de faiblesse de l'une des
parties, prise en compte de la difficulté de prouver une abstention, équité... (32).
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En somme, en cherchant la cohérence d'un système à travers une lecture unitaire de ce texte, on
découvre le caractère artificiel du raisonnement fondé sur ce dernier.
14 - Ce constat peut inquiéter car ce que l'on gagne en souplesse se perd en prévisibilité. Aussi,
serait-il tentant de suggérer un retour à un système plus rigoureux, fondé sur une interprétation
littérale de l'article 1315 , laquelle conduit à ne présumer l'inexécution que dans le cadre d'une
action en exécution forcée. Mais un tel système ne serait pas sans inconvénients. D'une part,
s'agissant de l'exception d'inexécution, il serait difficile de savoir si celui qui s'en prévaut bénéficie
de la présomption. En effet, cette présomption ne pourrait s'appliquer que s'il était possible
d'assimiler l'exception d'inexécution à une action en exécution forcée. Or, l'exception d'inexécution
peut tout autant être vue comme un moyen d'obtenir l'exécution d'une obligation que comme une
façon de résister à une demande en exécution. D'autre part, l'exception d'inexécution mise à part, ce
retour à la lettre du texte conduirait à ne présumer l'inexécution que dans le cas d'une action en
exécution forcée, alors que l'on ne voit pas ce qui justifie de cantonner cette solution à cette seule
hypothèse. Pourquoi devrait-on présumer l'inexécution lorsque est demandée l'exécution forcée, et
non lorsque le créancier agit en responsabilité, alors que cette dernière action peut conduire à une
réparation en nature, très proche, voire assimilable, à une exécution en nature (33) ? De même,
serait-il vraiment justifié de ne pas présumer l'inexécution lorsque le créancier agit en résolution
puisqu'il s'agit également de sanctionner l'inexécution de ses obligations par le débiteur, et que
l'article 1184, alinéa 2, du code civil semble la présenter comme une alternative à l'exécution
forcée (34) ? Il ne le semble pas. Dès lors, en ce qu'elle échoue à fournir un régime unitaire de la
preuve de l'inexécution, l'interprétation littérale paraît devoir être écartée.
15 - La deuxième interprétation - l'interprétation téléologique - n'échappe pas à ce grief. Seule la
troisième interprétation, qui fait présumer l'inexécution quelle que soit l'action en cause, offre un
régime unitaire. Mais cette dernière interprétation doit-elle prévaloir ?
Elle peut a priori sembler excessive car elle heurte frontalement un grand nombre de solutions
jurisprudentielles : ce n'est que rarement que l'inexécution est réellement présumée. Il est
néanmoins possible de nuancer les conséquences de cette interprétation en s'appuyant sur
certaines contributions doctrinales visant à redonner une cohérence aux solutions jurisprudentielles.
Il a ainsi été proposé de distinguer selon qu'était invoquée une exécution défectueuse ou une
absence d'exécution (35). Selon certains auteurs, l'article 1315 ne viserait que l'absence totale
d'exécution, et la présomption d'inexécution qu'il pose ne fonctionnerait que dans ce dernier
cas (36).
On ne cachera pas que cette théorie présente des inconvénients. Son fondement est incertain :
l'article 1315 peut tout autant viser le défaut d'exécution que l'exécution défectueuse. Il ne sera en
outre pas toujours évident de distinguer ces deux hypothèses (37). Enfin, cette distinction n'est pas
appliquée systématiquement en jurisprudence. Ainsi, à propos de l'exception d'inexécution, la Cour
de cassation considère que le créancier à qui est opposée une livraison partielle doit prouver qu'il a
exécuté intégralement son obligation (38). A appliquer le critère proposé, cela signifierait qu'une
livraison partielle est une absence totale d'exécution, ce dont on peut douter.
74
Pourtant, malgré ces défauts, un tel système semble devoir être préconisé. La première raison est
que la distinction sur laquelle il repose n'est pas sans recevoir un certain écho en jurisprudence. La
Cour de cassation y a parfois recours expressément, tant en ce qui concerne l'exception
d'inexécution (39) que l'action en responsabilité (40). De plus, cette distinction confère une
certaine cohérence à des solutions de prime abord difficilement conciliables (41).
Par ailleurs, ce système présente le mérite de généraliser la présomption d'inexécution à toutes les
hypothèses où l'inexécution est alléguée, soumettant ainsi à des règles identiques des situations qui
ne méritent pas d'être distinguées, du moins quant à leur régime probatoire. Ce système est
également opportun en ce que, tout en généralisant la présomption d'inexécution, il la cantonne à
l'hypothèse où est alléguée une absence totale d'exécution. De fait, qui mieux que le débiteur est à
même de démontrer qu'il n'y a pas absence totale d'exécution ? Et, à l'inverse, si cette exécution est
jugée insatisfaisante par le créancier, qui mieux que lui peut démontrer en quoi consiste l'exécution
défectueuse ?
Par conséquent, lorsqu'un créancier agit en responsabilité contractuelle, il ne devrait pas avoir à
prouver l'inexécution dès lors qu'il allègue une inexécution totale, et ce qu'il s'agisse d'une
obligation de moyens ou de résultat (42). La même distinction s'impose en cas d'action en
exécution forcée ou en résolution, voire encore lorsque est opposée l'exception d'inexécution (43).
Certes, une telle construction doctrinale malmène l'article 1315, puisqu'elle suppose à la fois de se
détacher de sa lettre et de s'y conformer strictement. Cela ne doit pas surprendre outre mesure :
l'évolution de la jurisprudence révèle en effet que ce texte ne fait depuis longtemps plus l'objet
d'une interprétation uniforme et cohérente, ce qui soulève d'ailleurs la question de son opportunité,
du moins en l'état actuel de sa rédaction (44). (suite V. document à la salle de lecture et sur le site
de la FSJP).
Doc. 6. Source : Civ. 1re, 16 sept. 2010, n° 09-13.947 / Consécration du principe de la liberté de la
preuve du paiement / La preuve du paiement, qui est un fait, peut être rapportée par tous
moyens. www.dalloz-actu-etudiant.fr
Un homme a consenti à une femme un prêt d’argent. Se fondant sur une reconnaissance de dette, le
prêteur assigna l’emprunteur en paiement de la somme ainsi prêtée. La femme ne versant comme
preuve de la libération de sa dette que des attestations (attestations sur l’honneur et relevé de sa
banque) et non une quittance, les juges du fond ont accueilli la demande du prêteur, subordonnant
ainsi la preuve de l’exécution du paiement à un écrit.
Tout en confirmant sa jurisprudence constante depuis 2004 (Civ. 1re, 6 juill. 2004 ; Civ. 1re, 30 avr.
2009), la première chambre civile casse cette analyse au visa de l’article 1341 du Code civil avec
toujours le même attendu de principe : « la preuve du paiement, qui est un fait, peut être rapportée par
tous moyens ».
La Cour rappelle ainsi la nature juridique du paiement : un fait (et non un acte V. à ce propos la
jurisprudence antérieure de la Cour avant le revirement de 2004 : Civ. 1re, 19 mars 2002) dont la
preuve peut être rapportée par tous moyens, notamment comme en l’espèce grâce à une attestation sur
75
l’honneur de l’employé de banque à qui l’emprunteuse avait confié la destination des fonds ainsi tirés.
Cette solution s’inscrit dans l’esprit de clarification retenu par l’avant-projet de réforme du droit des
obligations (projet Catala). En effet, les futurs articles 1219 et 1231 du Code civil disposeraient
respectivement que : « Le paiement est l’exécution de la prestation due » et qu’il « (…) se prouve par
tous moyens ». Cette définition générique du paiement et la consécration du principe de la preuve par
tous moyens mettraient ainsi fin au débat doctrinal sur la détermination de la nature juridique du
paiement qui était un préalable obligatoire à la désignation des modes de preuve exigés dans ce
domaine.
Civ. 1re, 16 sept. 2010, n°09-13.947
■ Reconnaissance de dette : « Acte par lequel une personne reconnaît unilatéralement devoir une
certaine somme ou un bien fongible à une autre personne; sa validité est subordonnée à la mention,
écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. » - Lexique des
termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.
■ Article 1341 du Code civil
« Il doit être passé acte devant notaires ou sous signatures privées de toutes choses excédant une
somme ou une valeur fixée par décret, même pour dépôts volontaires, et il n'est reçu aucune preuve
par témoins contre et outre le contenu aux actes, ni sur ce qui serait allégué avoir été dit avant, lors ou
depuis les actes, encore qu'il s'agisse d'une somme ou valeur moindre.
Le tout sans préjudice de ce qui est prescrit dans les lois relatives au commerce. »
■ Civ. 1re, 19 mars 2002, n°98-23.083, Bull. civ. I, n°101.
■ Civ. 1re, 6 juill. 2004, n°01-14.618, Bull. civ. I, n°202.
■ Civ. 1re, 30 avr. 2009, n°08-13.705.
■ Avant-projet Catata
Article 1219
« Le paiement est l’exécution de la prestation due. »
Article 1231
« Le paiement se prouve par tous moyens ».
Doc. 7. www.cdcm-montpellier.fr / Isabelle ALVAREZ (centre du droit de la consommation –
Montpellier 1)
Février 2010 ou l’impossibilité morale de prouver par écrit dans tous ses états
Civ. 1ère, 11 février 2010, n°09-11.527 - Civ. 1ère, 11 février 2010, n°09-12.372 - Civ. 1ère, 25 février
2010, n°09-10.428
Le principe selon lequel un acte juridique doit être prouvé par écrit (C. civ., art. 1341) connait de
nombreuses exceptions, notamment lorsque se présentent des circonstances empêchant d’établir une
preuve littérale : c’est classiquement le contrat conclu sur un champ de bataille, le contrat conclu en
famille, etc.
L’article 1348 du Code civil identifie plus précisément l’hypothèse de l’impossibilité morale d’établir
une preuve littérale.
Le Code civil n’apportant aucune définition de cette notion, il appartient à la jurisprudence de
l’illustrer.
Les usages (voir notamment : Civ. 1ère, 15 avril 1980 – en matière d’usage professionnel en
agriculture : Civ. 1ère, 17 mars 1982 ; TGI Saintes, 2 juillet 1991 ; CA Poitiers, 25 novembre 1992 –
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en matière de vente de fumier : Civ. 1ère, 28 février 1995), les rapports de confiance (dans le cadre de
la relation d’un avocat avec son client : Civ. 1ère, 9 mai 1996) ou encore les liens de parenté ou
d’affection (voir notamment : Civ. 1ère, 10 octobre 1984 - Civ. 3e, 7 janvier 1981 - Civ. 1ère, 06
décembre 1972 - CA Grenoble, 12 avril 1967 - Civ. 1ère, 16 décembre 1997 - Civ. 1ère, 27 juin 1973)
ont déjà fait l’objet de toute l’attention de la Cour de cassation.
Le mois de février 2010 continue de s’inscrire dans cette lignée.
L’impossibilité morale, d’interprétation stricte en raison de son caractère dérogatoire, dépend de
l’appréciation souveraine des juges du fond.
La Cour de cassation a récemment réaffirmé cela en rejetant un pourvoi ne tendant « qu’à contester
cette appréciation souveraine » (Civ. 1ère, 11 février 2010, n°09-11.527).
Cet arrêt confirme également la solution retenue par la cour d’appel qui avait relevé qu’un garagiste,
demandant le remboursement des réparations effectuées sur le véhicule d’un particulier à hauteur de
4 917, 66 euros, s’était trouvé dans l’impossibilité morale de se procurer une preuve écrite de la
commande de travaux en raison « d’un lien de voisinage et d’une entente cordiale, née d’une passion
commune des parties pour les voitures anciennes ».
Le même jour, la Cour reconnaissait que l’existence d’une « liaison » entre les parties suffit à établir
l’exception probatoire. Elle « reproche à la cour d’appel, qui avait pourtant constaté qu’en raison de
leur relation affective les parties étaient dans l’impossibilité morale de se procurer une preuve
littérale de l’avance de frais allégué par l’une d’entre elle, d’avoir débouté cette dernière de sa
demande en remboursement, faute de commencement de preuve par écrit (art. 1347 c. civ.) » (Civ.
1ère, 11 février 2010, n°09-12.372 – P. Guiomard, Passion (très) diverses et impossibilité morale de se
procurer un écrit, Dalloz actu., 24 février 2010).
En revanche, le 25 février 2010, la Cour de cassation approuvait les juges du fond qui avait rejeté
l’impossibilité morale malgré les liens familiaux unissant les parties.
En l’espèce, M. D., demandait le remboursement de sommes prétendument versées au bénéfice de son
frère et de ses neveux, dans le cadre de l’acquisition de parcelles de terre.
Il invoquait l’article 1348 du Code civil et l’impossibilité morale pour justifier l’absence de preuve
littérale de ces prêts. Il soulignait en particulier à cet égard qu’il est le frère et l’oncle et, qu’étant sans
enfant, « il considérait ses neveux comme ses propres fils ».
La première chambre civile de la Cour de cassation approuve la décision des juges du fond rejetant
cette argumentation et constatant que « ni les liens de parenté qui unissaient le demandeur à ses
neveux, ni le degré d’estime, de confiance et d’intimité des relations ayant existé entre les parties ne
pouvaient empêcher qu’il leur demandât un écrit s’agissant de prêts de plus de 300 000 francs ».
Dans cette dernière affaire, le montant important du prêt litigieux semble avoir influencé les juges
dans leur refus de reconnaître l’existence d’une impossibilité morale de se préconstituer une preuve
écrite. Faut-il en conclure qu’il s’agit d’un nouveau critère permettant de déterminer l’existence d’une
impossibilité morale ? Jusqu’à quel montant l’estime, la confiance et l’intimité pourront constituer des
circonstances interdisant, moralement, de se demander mutuellement un écrit ?
Doc. 8. L’arrêt Michel Drucker et la preuve en matière civile / LA PREUVE PAR ECRIT ENTRE
CONCUBINS (l'exemple d'un animateur de télévision croqué par son "nègre") – Par Patrick MORVAN
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/ Professeur Agrégé à l'Université Panthéon-Assas / Publié dans www.Patrickmorvan.over-blog.com
I. - Le droit civil des preuves est dominé par un principe de légalité transcrit au premier alinéa de
l’article 1341 du Code civil, reprenant les termes de l’ordonnance de Moulins de 1566 : « Il doit être
passé acte devant notaires ou sous signatures privées de toutes choses excédant une somme ou une
valeur fixée par décret [...] », soit une valeur de 1 500 euros.
En d’autres termes, les parties à un acte juridique – bilatéral (ex. : contrat) ou unilatéral (ex. :
testament) – doivent « préconstituer » par « écrit » la preuve de l’existence de cet acte, fût-il verbal,
dès lors que la demande excède 1500 euros.
Un tel écrit (preuve littérale ou titre) doit revêtir la forme d’un acte authentique (notarié) ou celle
d’un acte sous seing privé. À défaut d’un tel document (instrumentum), la preuve de l’acte juridique
(negotium) ne pourra être rapportée d’aucune autre manière (témoignages, indices ou
présomptions de fait).
Cette preuve littérale ne pourra ensuite être combattue qu’au travers d’un autre écrit (comme
l’indique l’article 1341, al. 1er, en ses derniers mots : « (…) et il n’est reçu aucune preuve par témoins
contre et outre le contenu aux actes (…)». La contre-preuve doit consister en un autre écrit
(authentique ou sous seing privé) dès lors qu’il s’agit de nier le contenu de l’acte initial. Dans la
mesure où il est improbable qu’il y ait deux titres divergents constatant le même acte juridique, le
titre initial sera souvent décisif.
Mais le Code civil aménage des échappatoires à l’article 1341, permettant de contourner l’impératif
de la preuve littérale. En particulier, l’article 1348 dispose que la preuve redevient libre « lorsque
l’une des parties n’a pas eu la possibilité matérielle ou morale de se procurer une preuve littérale de
l’acte juridique ».
L’impossibilité morale de préconstituer un écrit, en particulier, peut résulter d’un lien affectif entre
concubins ou entre parents (pour des exemples devant des cours d’appel : D. 2008, Pan., 2825, obs.
Ph. Delebecque), d’un rapport de confiance (ex. : Cass. civ. 3e, 7 janv. 1981, Bull. civ. III, n° 7,
relevant des « liens particuliers et quasi familiaux d’estime et d’affection »), voire d’un usage
professionnel (ex. : Cass. civ. 1re, 17 mars 1982, Bull. civ. I, n° 114 ).
Dans tous ces cas, la preuve par tous moyens (indices, témoignages, etc.) est à nouveau recevable.
II. - La cour d’appel de Paris vient de donner une intéressante et peu fréquente illustration de
l’impossibilité morale de se préconstituer un écrit en raison d’un lien affectif.
En l’espèce, Madame Calixte Belaya, écrivain franco-camerounaise, réclamait à Monsieur Michel
Drucker, animateur de radio et de télévision, la rémunération de 200.000 euros que celui-ci lui aurait
promise en 2005 afin de rédiger à sa place un livre d’entretiens commandé par les éditions Albin
Michel (soit les réponses à une douzaine de questions posées par Régis Debray).
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La cour d’appel de Paris, par arrêt du 12 janvier 2011, fait droit partiellement à cette demande
(allouant 30.000 euros à titre de dommages-intérêts), en dépit de l’absence de preuve littérale
produite par la demanderesse. La décision se fonde sur l’article 1348 du Code civil pour affirmer que
« la relation de concubinage qu’elle entretenait à l’époque avec Michel Drucker la plaçait dans
l’impossibilité morale d’exiger de lui qu’il formalise par écrit son engagement ».
Mais une autre question de preuve se pose : comment la concubine amère est-elle parvenue à
démontrer la réalité de ce concubinage au point que les magistrats y virent sans hésiter la source
d’une impossibilité morale d’établir un écrit ? Par sa propre plume : en 2007, elle publiait un roman
(L'Homme qui m'offrait le ciel, Albin Michel) relatant dans un esprit vengeur sa relation entre 2004 et
2006 avec un présentateur de télévision, incarné par un personnage masculin dissimulé sous un
nom d’emprunt transparent (François Ackerman). Elle démontra alors être en possession d’une
correspondance personnelle émanant de son amant.
L'animateur a renoncé à former un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris.
Cela est regrettable pour le droit civil car deux principes encadrant la recevabilité de la preuve
auraient pu être invoqués (sous réserve d’une analyse plus approfondie) :
- D’une part, le « principe selon lequel nul ne peut se constituer une preuve à lui-même » implique le
rejet d’une preuve unilatérale, émanant exclusivement de la partie qui l’a versée aux débats.
- D’autre part, le principe de loyauté de la preuve rend irrecevable en justice celle obtenue par un
procédé déloyal. Ainsi, « l'enregistrement d'une conversation téléphonique privée, effectué et
conservé à l'insu de l'auteur des propos invoqués, est un procédé déloyal rendant irrecevable en
justice la preuve ainsi obtenue » (Cass. civ. 2e, 7 oct. 2004, Bull. civ. II, n° 447). Toutefois, la Cour de
cassation admet qu’un mari produise aux débats, dans une procédure de divorce, le journal intime
et les lettres de son épouse (obtenus sans fraude ni violence) alors même que ces preuves portent
atteinte à la vie privée de l’intéressée (Cass. civ. 1re, 29 janv. 1997, D. 1997, 296 ; Cass. civ. 2e, 6 mai
1999, JCP G, 1999.II.10201 ; D. 2000, 557).Dans le même sens, la Cour européenne des droits de
l'homme juge non contraire à l’art. 8 CEDH la production par une épouse, dans une procédure de
divorce, de lettres échangées entre le mari et son amant homosexuel (CEDH 13 mai 2008, RTD civ.
2008, p. 650, obs. J.-P. Marguénaud).
Doc. 9 France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 09 février 2012, 10-27101
(www.juricaf.org)
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 16 septembre 2010), que M. Alain X... et Mme Adeline X...
ont, suivant acte notarié, procédé au partage des biens immobiliers dont la donation leur avait été
consentie par leur mère et conclu une convention de voisinage aux termes de laquelle ils s'engageaient
à " ne pas élever entre les maisons et le golf, sauf accord entre les parties, aucune autre construction
que celle existant déjà, à l'exception de piscine et de constructions souterraines " ; que M. et Mme
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Alain X..., reprochant à Mme Adeline X... d'avoir fait construire deux vérandas sans leur accord et en
violation de ces stipulations, l'ont fait assigner aux fins d'en voir ordonner la démolition ;
Attendu que M. et Mme Alain X... font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande, alors, selon le
moyen :
1°/ qu'il doit être passé acte devant notaires ou sous signatures privées de toutes choses excédant une
somme ou une valeur fixée par décret ; que cette règle reçoit exception en cas d'impossibilité morale
de se procurer un écrit ; que cette impossibilité morale suppose l'existence de circonstances
particulières ayant empêché de prouver par écrit ; qu'en recherchant si M. X... rapportait la preuve de
la possibilité, pour sa soeur, de se préconstituer un écrit sans caractériser des circonstances
particulières qui auraient empêché Mme Adeline X... de se procurer un écrit, la cour d'appel a privé
son arrêt de base légale au regard des articles 1341 et 1348 du code civil ;
2°/ qu'à défaut de rechercher, comme elle y était invitée, si la conclusion entre les parties d'une
précédente convention, en date du 14 janvier 1983, par écrit, n'établissait pas la preuve de
l'impossibilité morale de se procurer un écrit, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au sens
des articles 1341 et 1348 du code civil ;
3°/ que dans leurs écritures devant la cour d'appel, M. et Mme Alain X... avaient rappelé que la
convention du 14 janvier 1983 avait été conclue par écrit et que l'existence de ce précédent contrat
démontrait l'absence d'impossibilité morale de se procurer un écrit entre M. X... et sa soeur ; qu'à
défaut de répondre à ce moyen, la cour d'appel a méconnu les prescriptions de l'article 455 du code de
procédure civile ;
4°/ qu'en se fondant sur le motif inopérant selon lequel M. Alain X... aurait demandé la démolition des
vérandas afin d'obtenir une autorisation d'implanter un garage, la cour d'appel a privé son arrêt de base
légale au regard de l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé, d'une part, que la preuve des relations affectives et familiales qui
existaient entre M. Alain X... et Mme Adeline X... était rapportée par les pièces produites et, d'autre
part, que M. et Mme Alain X... ne parvenaient pas à démontrer que les parties ne procédaient entre
elles que par échange d'écrits, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre celles-ci dans le détail de
leur argumentation, a, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la dernière branche du
moyen, souverainement estimé que de telles circonstances caractérisaient l'impossibilité morale de se
procurer un écrit et constaté que preuve était apportée de l'existence d'un accord tacite de M. et Mme
Alain X... à la construction des vérandas litigieuses ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme Alain X... aux dépens ;
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