un atout constant : le corps des sous

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un atout constant : le corps des sous
UN ATOUT CONSTANT :
LE CORPS DES SOUS-OFFICIERS
SUPÉRIEURS DE L’ARMÉE DE TERRE
par le lieutenant-colonel Bernd Horn
Les sous-officiers sortis du rang appliquaient la
discipline, ils s’occupaient des tâches de
l’administration courante, ils formaient les recrues,
et parfois les officiers qui les commandaient, à la vie
militaire. De l’avis unanime, ils étaient l’épine
dorsale de leur unité1.
Desmond Morton
L
a description faite par Desmond Morton des sousofficiers supérieurs pendant la Première Guerre
mondiale semble intemporelle. On pourrait affirmer que
cette description était aussi valable au XIXe
siècle qu’elle l’est aujourd’hui. Pourtant, le rôle
des sous-officiers supérieurs, comme tant d’autres aspects
des affaires militaires contemporaines, n’échappe pas
aujourd’hui à un réexamen attentif. À la lumière de ce que
certains considèrent comme une nouvelle époque en matière
de conduite de la guerre, nombreux sont ceux qui ont
commencé à se demander si les fonctions et les
responsabilités traditionnelles des sous-officiers supérieurs
sont toujours pertinentes. Dans le cas du Canada, il y a toute
une ironie à ce que se produise ce nouveau débat. Pour faire
comprendre cette remarque un peu provocante, une légère
digression s’impose.
Été 2002
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Revue militaire canadienne
LE CHANGEMENT DE NATURE DES CONFLITS
«L
es soldats normaux », comme le faisait remarquer le
célèbre théoricien militaire Basil Liddell Hart,
« préfèrent toujours le connu à l’inconnu »2. Cette réflexion
décrit précisément la mentalité des militaires canadiens au
cours de la décennie qui a précédé le nouveau millénaire. La
guerre froide terminée, les leaders militaires du pays hésitaient,
ou ils en étaient incapables, à reconnaître et à s’adapter aux
changements auxquels ils étaient confrontés pendant les années
1990. Ces changements étaient profonds, et ils ébranlèrent
l’essence même des Forces canadiennes.
À l’ère de l’après-guerre froide, l’inviolabilité des vieilles
idées traditionnelles qui avaient eu cours pendant presque un
demi-siècle et la sécurité qu’elles apportaient disparurent. Du
jour au lendemain, les plans soigneusement élaborés pour la
défense de l’Allemagne n’étaient plus valables. L’ennemi
soviétique, avec lequel on était familier et dont on avait
soigneusement prévu les moindres mouvements, s’était
soudainement volatilisé3. Les officiers supérieurs, dont toute la
carrière se fondait sur le caractère prévisible et confortable de
Le lieutenant-colonel Bernd Horn est commandant du 1er Bataillon du
Régiment royal du Canada à Petawawa.
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LE LEADERSHIP
P h o t o I V D - 0 2 - 0 5 6 p r i s e a v e c u n a p p a r e i l p h o t o d e c o m b a t J 5 PA p a r l e s g t D a v i d S n a s h a l l
Un sergent du 3 e Bataillon du Princess Patricia’s Canadian Light Infantry reçoit de l’information d’un sous-officier américain au moment de
prendre la relève à l’aéroport de Kandahar en Afghanistan en février 2002.
la guerre froide et en dépendait, étaient confrontés à un monde
complètement nouveau. La nature des conflits était devenue
extrêmement plus complexe et imprévisible.
Photo du MDN 02enc4h par le sgt Don Clark
Cette situation s’explique facilement. L’équilibre souvent
tendu mais toujours stable entre les superpuissances en Europe
et ailleurs dans le monde s’inscrivait dans un cadre où les joueurs
étaient clairement connus et les règles comprises de tous. À
un cessez-le-feu convenu mutuellement entre elles. Rejetant
clairement les principes enchâssés dans le traité de Westphalie,
l’Occident a alors choisi de ne s’impliquer que dans certaines
opérations d’imposition de la paix. En outre, le nombre de ces
opérations s’est accéléré dramatiquement. Au cours des années
1990, les FC ont participé à trois fois plus de missions que dans
les quatre décennies précédentes5.
Le type de conflit ne constituait cependant
pas le seul changement auquel étaient
confrontés les dirigeants militaires. Des
développements considérables au niveau
scientifique et technologique sont survenus
parallèlement à la transformation des conflits.
Ces développements, combinés à la
mondialisation, ont fait naître les notions
d’économie du savoir et de monde postmoderne. Ils ont également suscité ce que
plusieurs pensent être une révolution dans les
affaires militaires (RAM). La numérisation, la
fusion des données, les munitions à guidage
de précision et les dispositifs cybernétiques
ne constituent que quelques-uns des concepts
qui sont développés dans le cadre d’une
nouvelle ère de la guerre. Ceux qui ont une foi
inébranlable dans la technologie voient
maintenant la guerre comme « un
phénomène prévisible quoique légèrement
désordonné, la défaite une simple analyse des
rapports entre les coûts et les avantages et
l’efficacité d’une force militaire quelconque
e
Un adjudant du 4 Régiment de défense aérienne de l’Artillerie royale canadienne donne une
un calcul précis de cibles détruites et de
séance d’information à l’équipe d’un canon anti-aérien Skyguard en Macédoine en avril 1999.
blessures infligées »6. À tout le moins, ce
plusieurs égards, la guerre froide a artificiellement séparé une phénomène a obligé les FC à réexaminer leur façon de
grande partie du monde en deux camps distincts alignés avec s’acquitter de leur mandat et celle de conduire leurs opérations.
l’une ou l’autre des superpuissances. À cause de cela, des États
Étonnamment, en plus des changements dramatiques et
ont souvent été soutenus et maintenus artificiellement par une
assistance économique et militaire. Ces outils étaient à la fois la tumultueux dans la nature des conflits, le paysage géopolitique et
carotte et le bâton qu’on utilisait pour maintenir à l’ordre les la technologie ont aussi connu des changements cataclysmiques
pays satellites ou alliés. Cependant, avec la chute du « Mur » en qui ont totalement pris au dépourvu les FC et leurs dirigeants.
1989-1990, plusieurs de ces États ont été abandonnés, et ils se Comme l’a écrit l’auteur canadien Peter C. Newman, le
sont alors mis à dériver vers l’effondrement complet. Le chaos changement révolutionnaire au niveau des attentes et des valeurs
qui en est résulté a transformé le contexte international en de la société, dans lequel il voit un glissement généralisé du
matière de sécurité. Là où les conflits de la guerre froide étaient respect de la population envers l’autorité et le gouvernement à un
fondés sur un paradigme inter-étatique, ils prennent maintenant sentiment de méfiance, a été si profond qu’il a altéré la façon dont
une forme intra-étatique. Les États faillis ont sombré dans les FC conduisaient leurs affaires7. La révélation publique, la
l’anarchie, ce qui a créé une absence du pouvoir qui a souvent transparence, le traitement équitable du personnel, la qualité de
été comblée par des seigneurs de la guerre, par des groupes vie et l’imputabilité des dirigeants semblaient en théorie des
paramilitaires et par des organisations criminelles. Les guerres concepts simples et raisonnables, mais ils étaient étrangers, au
civiles et les troubles sociaux qui s’ensuivirent ont été niveau de la pratique et de la compréhension, à ceux qui avaient
incroyablement sauvages et risquaient souvent de s’étendre aux traversé la guerre froide, période apparemment remplie de
pays voisins. En 1995, Boutros Boutros-Ghali, le secrétaire menaces et où on critiquait peu. N’étant pas habitués à justifier
général des Nations Unies, écrivait que « la fin de la guerre leurs actions ou leur existence, les dirigeants du ministère et des
froide avait fait disparaître les contraintes qui avait empêché les FC s’accrochèrent à leur compréhension myope et très étroite du
conflits dans l’ancienne Union Soviétique, et ailleurs. [Il y a eu] monde qui les entouraient. Par conséquent, ils ont vécu une
une irruption de guerres dans les nouveaux États indépendants, décennie houleuse qui a finalement érodé la confiance que le
guerres souvent de nature religieuse ou ethnique dans lesquelles public et le gouvernement accordaient à leurs militaires8.
intervenaient une violence et une cruauté inhabituelles4. »
Bien que cela ait été long à venir, on a commencé à se
À cause de ce nouveau tumulte international, plusieurs rendre compte vers la fin des années 1990 que les choses
nations occidentales y inclus le Canada se sont embarquées devaient changer. Le précédent chef d’état-major de la
dans des opérations de soutien de la paix qui ne ressemblent Défense, le général Maurice Baril, a écrit que « [l]es Forces
plus au modèle classique de maintien de la paix consistant canadiennes et le ministère de la Défense nationale, comme
simplement à interposer une force entre deux belligérants qui beaucoup d’autres institutions canadiennes, n’ont pas toujours
avaient accepté la présence d’une tierce partie pour surveiller été rapides à anticiper et à réagir à ces nouvelles transitions »;
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Comme il fallait s’y attendre, on se lança alors dans un zèle
d’efforts pour corriger les déficiences du passé. On embrassait
souvent le changement avec une ferveur fanatique, ce qui
semblait la marque d’un esprit libre et avant-gardiste. Toutefois,
s’il est nécessaire de réévaluer « notre façon de faire les choses »
et « qui devrait faire quoi », surtout compte tenu de l’évolution
(voire révolution) de la société et des affaires militaires, il est tout
aussi important de ne pas abandonner tout ce qui a su résister à
l’épreuve du temps. Pour le dire simplement, il ne faut pas trop
rapidement rejeter ces choses qui ont toujours assuré la
permanence de l’institution. Plus spécifiquement, au moment où
on réexamine le rôle des sous-officiers, il faut se rappeler que le
corps des sous-officiers supérieurs a systématiquement représenté
le modèle d’une richesse qui résiste au temps. Les sous-officiers
supérieurs sont depuis toujours le cortex cérébral de leur unité; ils
l’ont toujours été et continueront à l’être puisque, spécifiquement
à cause de leurs rôles et de leurs responsabilités traditionnelles, ils
sont indispensables à l’efficacité de l’Armée.
simplement des manifestations de communications et de
technologies inadéquates que les organisations militaires
américaines pourraient surmonter au cours du prochain siècle,
mais plutôt des manifestations de la nature fondamentale de
l’univers au sujet duquel on peut dire que, s’il se peut qu’une
chose aille mal, elle ira mal13. » Van Riper affirme que « la
guerre réelle est par sa nature même une entreprise incertaine
dans laquelle la chance, les désaccords et les limitations d’un
esprit humain soumis au stress limitent considérablement notre
capacité à prédire les résultats; et, pour que la défaite y ait une
portée quelconque, elle doit avant tout être infligée à l’esprit
des vaincus »14. La technologie peut tout bonnement appuyer
LE LEADERSHIP
et il admettait que « … une part de cette lenteur à réagir aux
changements provient des attitudes et des cultures
institutionnelles en place »9. Les FC se sont maintenant
lancées dans une démarche qui devrait garantir qu’elles ne
seront plus jamais prises au dépourvu. Pour ce faire, certaines
mesures ont été prises afin d’étudier les changements
nécessaires à permettre au Ministère et aux FC de faire face
aux défis qui se présenteront au cours des vingt prochaines
années et afin de formuler des recommandations à ce propos10.
Bien qu’on ne puisse pas ignorer les percées
technologiques et scientifiques, la longueur d’avance
technique que pourrait offrir une RAM, ne peut être que d’une
utilité limitée dans des situations comme celles qu’on a vécues
au Rwanda ou en Somalie. Comme le soutient George
Friedman, président de Strategic Forecasting de Baton Rouge :
« Le métier de guerrier demeurera toujours une question de
courage, de volonté à toute épreuve et de souffrance ». Il ajoute :
« Les munitions à guidage de précision ne feront pas de la
guerre une activité antiseptique, pas plus que ne l’a fait le char
d’assaut ou l’arbalète ou l’armure de bronze. La technologie
modifie la façon dont les hommes combattent et meurent, mais
elle ne modifie pas l’horreur et la gloire de la guerre, non plus
qu’elle ne change la réalité de la mort12. » Dans le même esprit,
Williamson Murray, Ph.D., un officier d’armée à la retraite,
disait : « Ce qui rend cet engouement féroce pour la
technologie si dangereux, c’est le fait qu’il va à l’encontre de
2 500 années d’histoire, et même de la science moderne.
Désaccord, ambiguïté, chance et incertitude ne sont pas
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Revue militaire canadienne
Photo BK2002-0155-09d du MDN par le cpl Grant Rivalin
Certains pourraient rejeter de telles idées et n’y voir que les
rêvasseries d’un dinosaure. Cependant, peu importe les progrès
accélérés de la technologie et les vaticinations à la Buck Rogers sur
la guerre de l’avenir, on aura toujours besoin du corps des sousofficiers supérieurs pour assumer une fonction qui est
indispensable à la viabilité d’une institution militaire. La
technologie modifie les outils utilisés par les armées pour
combattre, mais elle ne modifie pas la réalité du rôle de l’être
humain pendant un conflit. La guerre ne sera jamais propre ou
stérilisée. Les frappes de haute précision faites à partir de distance
de sécurité par des missiles à longue portée, à guidage de précision,
et conçues pour limiter les dommages connexes et pour minimiser
les pertes chez les forces amies sont efficaces seulement si elles
font des dégâts importants chez l’ennemi. Car, « que faire si
l’ennemi ignore simplement l’attaque »11, comme le demandait le
lieutenant général Paul van Riper du US Marine Corps?
Un sous-officier supérieur du 2 e Bataillon du Royal 22 e Régiment aux
commandes de son LAV III en patrouille près de la zone canadienne aux
environs de Tomislavgrad en Bosnie-Herzégovine en mai 2002.
et améliorer les capacités des fantassins; mais, en bout de ligne,
elle ne pourra jamais totalement les remplacer. La guerre
demeurera toujours une entreprise essentiellement humaine.
LE CIMENT D’UNE ARMÉE
C’
est dans ce contexte de toute la hideuse réalité des conflits
avec l’ambiguïté, la peur, les désaccords et les incertitudes
qui lui sont propres que l’importance prodigieuse des sousofficiers supérieurs apparaît clairement. En dépit de la nature
changeante des conflits, de la société ou de la technologie, il y a
plusieurs responsabilités fondamentales du corps des sousofficiers supérieurs qui ne peuvent être modifiées sans mettre en
péril l’efficacité des forces militaires d’un pays. C’est une réalité
qui devient évidente quand on examine les fonctions réelles d’un
sous-officier supérieur. Premièrement, il est le lien vital
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réciproque entre les soldats et le corps des officiers. En ce sens,
le sous-officier supérieur remplit souvent le rôle d’ombudsman
du personnel subalterne. En outre, c’est un administrateur, un
entraîneur, un mentor et, parfois, un parent pour ceux dont on lui
a confié la charge. De plus, il est aussi bien un agent de
motivation qu’un responsable de la discipline, un chef de file au
combat qu’un tacticien. Ce résumé très rapide de sa description
de tâches montre à l’évidence que le corps des sous-officiers
supérieurs est le ciment moral qui tient ensemble une armée.
C’est pourquoi celui qui était, en 1942, le général Bernard Law
Montgomery disait des sous-officiers qu’ils étaient l’épine
dorsale de leur unité15.
Photo BK2002-0156-65d par le cpl Grant Rivalin
Il va sans dire que Montgomery n’est pas le premier ni le
dernier commandant à formuler une opinion aussi convaincue au
sujet du rôle des sous-officiers supérieurs. Les raisons d’une telle
évaluation mérite d’être cernées davantage. Après tout, il importe
de comprendre le passé et le présent avant d’oser un geste aussi
audacieux et lourd de conséquences que de tenter de déterminer
l’avenir. C’est de la pure sottise que de chercher à faire des
changements quelconques au corps des sous-officiers supérieurs
données afin d’atteindre les objectifs institutionnels et qu’ils
assurent aussi bien le bien-être des soldats. Ils sont également
responsables de transmettre le système de valeurs et les
traditions des forces militaires en général et ceux du régiment
particulier dont ils font partie. En outre, ils doivent transmettre
et expliquer les ordres de leurs supérieurs à leurs subalternes et
s’assurer que toutes les directives sont réellement et
efficacement exécutées.
De plus, les officiers s’attendent avec raison à ce que les
sous-officiers supérieurs ait une connaissance plus actualisée et
plus précise que la leur du moral et des sentiments généraux du
personnel subalterne, et à ce que qu’ils informent la chaîne de
commandement des problèmes et des mécontentements
potentiels. William Otter, qui était colonel en 1880, formula
clairement cette attente dans son Guide: A Manual for the
Canadian Militia. Otter y expliquait qu’il était indispensable que
les sous-officiers connaissent intimement le caractère et les
capacités de chacun de leurs soldats. Quant au sergent-major,
Otter insistait sur le fait qu’il devait être un conseiller pour le
capitaine adjudant de l’unité et qu’il devait d’ordinaire être « les
yeux, les oreilles et la conscience du bataillon »18.
C’est dans la connaissance de ses soldats et
dans la proximité de ses liens avec eux que le sousofficier supérieur trouve sa plus grande force. Car
c’est seulement en ayant une connaissance complète
et juste d’une personne qu’il est vraiment possible
de tirer le maximum de son potentiel. En outre, la
compréhension approfondie qu’il a de ses
subalternes et le rôle de pivot qu’il joue entre soldats
et officiers permettent au sous-officier de servir
d’ombudsman à ses troupes. Les problèmes de
mécontentement et de moral peuvent souvent être
évités ou rapidement résolus si l’on intervient au
moment approprié ou si on reçoit de bons conseils.
En ce sens, les sous-officiers supérieurs clarifient la
nature des écarts de conduite des soldats et les
remettent en contexte, et ils font la même chose ce
qui concerne les insultes ou les injustices dont les
soldats se croiraient victimes. De plus, ils sont la
voix de leurs subalternes qui se sentent lésés,
Des membres du 5 e Régiment d’artillerie légère du Canada en train d’utiliser un Howitzer
intimidés ou trop anxieux, en particulier les jeunes
de 105 mm sur un terrain de tir à Glamoc en Bosnie-Herzégovine en mai 2002.
soldats19. Essentiellement, leur maturité, leur
sans comprendre dans leur ensemble et dans leurs détails les expérience et leurs connaissances leur permettent d’être une
influence stabilisatrice au sein d’une institution qui repose sur
responsabilités et les rôles traditionnels qu’ils exercent.
des relations entre des humains avec toute la confusion et toute
Le commandement de la Force terrestre dans son la fragilité inhérentes à ce genre d’activités.
document fondateur de doctrine intitulé « Une armée pour le
Canada » dit au sujet des sous-officiers supérieurs : « Ils sont LE RÔLE DU SOUS-OFFICIER DANS LA
le lien qui rattache les soldats à leurs officiers, et les officiers à FORMATION DES MILITAIRES
leurs soldats. Leur rôle est de transformer les intentions des
onobstant l’importance des rôles mentionnés précédemment,
commandants en actions16. » Cette conception se fonde sur la
loi. Les Ordonnances et règlements royaux spécifient les
la qualité et la capacité de ses forces combattantes sont
responsabilités générales de tout sous-officier, entre autres : essentielles à la vitalité d’une armée. Et c’est là qu’un des rôles
respecter et faire appliquer les règlements, les règles, les ordres fondamentaux et suprêmement importants du sous-officier
et les instructions, promouvoir la discipline, le bien-être et supérieur trouve sa place : celui de formateur. La formation est
l’efficacité de tous ses subalternes et faire rapport à l’autorité extrêmement importante pour influencer le comportement. Elle
concernée de toute violation à tout statut, règlement, règle, joue également un rôle critique dans la transmission des capacités
ordre et instruction spécifique gouvernant le comportement de et des techniques qui détermineront la survie des individus au
toute personne sujette au code de discipline militaire17.
combat et le succès d’une armée sur le champ de bataille. Bien que
la chose soit rarement présentée en ces termes, le rendement d’une
Pour le dire simplement, ce sont les sous-officiers armée repose largement sur la compétence et sur le
supérieurs qui assurent le fonctionnement de routine d’une professionnalisme de son corps de sous-officiers supérieurs. Ce
armée. On s’attend à ce qu’ils exécutent les instructions sont eux qui enseignent aux jeunes recrues les rudiments du métier
N
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Les militaires allemands avaient
clairement reconnu l’importance du rôle des
sous-officiers dans la formation. Par exemple,
pendant l’entre-deux-guerres, les sousofficiers allemands étaient des militaires
professionnels qui étaient soigneusement
sélectionnés et ils jouissaient d’un grand
prestige social. À la fin de sa carrière militaire,
le sous-officier allemand était assuré de
recevoir une pension de 1 500 marks et
d’avoir la priorité d’emploi dans la fonction
publique, dans le service ferroviaire et celui
des postes24. Tom Clancy, un expert reconnu
des affaires militaires, et le général américain
Fredrick M. Franks, un ancien commandant du
Training and Doctrine Command (TRADOC)
et le commandant du VII Corps pendant la
guerre du Golfe en 1990-1991, donnent une
opinion plus contemporaine de l’importance
du corps des sous-officiers supérieurs pour la
formation des militaires. Ils ont écrit :
Été 2002
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Les années de combat au Vietnam avaient affaibli les
forces basées en Europe à un niveau inacceptable.
Pire encore, les besoins toujours croissants en
personnel avaient dépouillé nos forces du leadership
des officiers, et ils avaient presque détruit le corps des
sous-officiers de carrière de l’armée qui était
considéré depuis longtemps comme l’épine dorsale de
l’armée. Une série de programmes de formation
improvisés mis sur pieds pour combler les vides dans
les rangs ont fait que l’Armée s’est retrouvée avec des
sous-officiers qui trop souvent étaient mal formés en
techniques de leadership de base. Comme les sousofficiers sont les leaders de première ligne dans
l’Armée, qu’ils sont responsables avant toute autre
personne du développement en chacun des soldats des
compétences de base sur lesquelles repose le succès
de toute opération, la discipline et la formation n’ont
pu qu’en souffrir. Dans certains cas, la formation et
discipline sont allées au diable25.
LA DISCIPLINE
L
a nécessité de former les militaires va de pair avec celle
d’imposer la discipline et de la faire respecter. Encore dans
ce cas, le sous-officier supérieur a toujours été la cheville
ouvrière. Il inculque la discipline en donnant lui-même
l’exemple et en formant les autres. Par ses paroles et par ses
actions, il indique aux soldats ce qui est un comportement
acceptable et ce qui ne l’est pas. C’est le sous-officier supérieur
qui a la façon la plus efficace d’annoncer, d’expliquer et
appliquer les directives, les ordres et les politiques. Ce fait n’a
rien d’étonnant puisqu’il est le résultat d’un contact étroit,
direct et quotidien entre le sous-officier supérieur et ses
soldats. « Du point de vue d’un homme affecté à une
compagnie de première ligne, je peux dire que nos vies au jour
le jour furent grandement influencées par les sous-officiers,
expliquait un vétéran de la Deuxième Guerre mondiale.
C’étaient eux les leaders en chair et en os que nous
connaissions26. » C’est pourquoi, historiquement, les sousofficiers supérieurs ont constitué une ressource inestimable
pour toute armée, et ils ont souvent fait la différence entre le
succès et l’échec des opérations.
Photo du MDN par le sgt France Dupuis
Il faut se rappeler que les sous-officiers ne sont pas habiles
qu’à former uniquement les soldats. C’est même un vieux truisme
de dire qu’il n’y a rien de plus dangereux qu’un sous-lieutenant.
Le corps des sous-officiers supérieurs atténue en grande partie ce
danger. Bien qu’un jeune officier de ce rang ait une autorité
hiérarchique officielle plus grande qu’un sous-officier supérieur,
en réalité son éducation et sa formation sont façonnées en grande
partie par les sous-officiers qui sont ses subordonnés. Une armée
pour le Canada donne un aval officiel à cette réalité. Ce
document affirme en effet que les sous-officiers supérieurs
« assument une responsabilité importante en donnant aux
officiers nouvellement recrutés une formation pratique sur les
aspects techniques du métier de soldat et de leader. Ceci inclut,
entre autres, donner des conseils, aider à résoudre des problèmes
et fournir des réactions et des informations22. » C’est en ce sens
que J. Mellinger, un First Sergeant américain, a pu expliquer,
dans une lettre ouverte à son corps de sous-officiers, que « la
formation de votre chef de peloton n’est pas seulement votre
travail mais votre responsabilité. S’il n’est pas efficace, le peloton
n’est pas efficace, et vous ne l’êtes pas non plus ». Et il ajouta
que, « puisque vous êtes le sous-officier supérieur le plus
expérimenté du peloton, vous devez transmettre les avantages de
cette science et de cette expérience à votre chef de peloton tout
autant qu’aux soldats »23.
LE LEADERSHIP
de soldat et de la vie militaire, et ce sont eux qui, plus tard dans les
unités, enseignent aux soldats les techniques plus poussées grâce
auxquelles ils pourront s’acquitter de leurs tâches de troupes de
combat. La compétence de ses membres est la base sur laquelle
repose la formation collective d’une unité. « Nous avions des
sergents exceptionnellement compétents », se rappelle le caporal
Denis Flynn du 1er Bataillon canadien de parachutistes pendant la
Deuxième Guerre mondiale. « Ils savaient comment organiser et
préparer les soldats », explique-t-il. « Leur principale fonction,
c’était d’enseigner aux soldats comment faire leur travail et
survivre20. » Ce souvenir si simple souligne une réalité
particulièrement frappante. Si un corps de sous-officiers
supérieurs n’est pas efficace, les fondements mêmes d’une unité
en particulier et d’une armée en général seront faibles, et cela
conduira à l’effondrement de l’ensemble de la structure. Il n’est
pas étonnant que le colonel Otter ait été persuadé que le succès
d’une unité « dépendait en grande partie de la vigilance et de la
compétence des sous-officiers »21.
Un Cougar du Lord Strathcona’s Horse en patrouille dans le centre du Kosovo en juillet 1999.
Revue militaire canadienne
43
Le cas du Régiment aéroporté canadien pendant son
déploiement en Somalie en 1992-1993 est un exemple patent
des résultats catastrophiques d’un manque de discipline. Des
années de dotation inadéquate en personnel, un très grand
nombre de sous-officiers (et d’officiers) faibles et un manque
de maintien de la discipline au sein de l’unité ont directement
conduit à la torture et au meurtre d’un jeune Somalien. Aussi
incroyable que ce soit, il a été démontré que, même si des sousofficiers et des officiers étaient conscients, et/ou qu’ils auraient
dû être conscients qu’on battait un détenu, rien n’a alors été fait
pour empêcher son assassinat. Ce crime eut des répercussions
cataclysmiques et, combiné à d’autres événements, conduisit
au démantèlement de l’unité, le premier à survenir dans
l’histoire canadienne à la suite de ce qui a été vu comme des
problèmes de discipline27.
UN MENTOR ET UN INCITATEUR DE
MOTIVATION
L’
importance de la discipline dans les forces armées pour
s’assurer de la soumission des volontés personnelles à la
volonté de l’institution ainsi que le rôle des sous-officiers dans
l’atteinte de cet objectif sont incontestables. Toutefois, la
véritable valeur du sous-officier supérieur ne peut pas réellement
être jaugée en ne faisant qu’énumérer chacune de ses
responsabilités. On ignorerait de la sorte la contribution qu’il a
apportée à l’armée tout au long de l’histoire. En plus d’être un
administrateur et un formateur, le sous-officier supérieur est
aussi un mentor, un incitateur de motivation et une image
parentale pour ses soldats. Ses actions inspirent la confiance et la
loyauté, et elles permettent d’obtenir le meilleur rendement dans
les pires conditions. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, le
mot allemand pour « maman » était utilisé dans l’argot des
soldats combattants pour désigner le sergent en chef d’une
compagnie de troupes allemandes; et la raison n’en est pas
difficile à comprendre. Ainsi, Karl Fuchs, qui occupait un tel
poste, écrivait pendant la guerre à son père resté à la maison :
« Je suis tellement devenu une partie intégrale de ma compagnie
que je ne pourrais plus jamais la quitter28. » Dans le même esprit,
Hans Werner Woltersdorf a affirmé : « Mon unité, c’était mon
foyer, ma famille, et il fallait que je la protège29. »
John McManus, Ph.D., dans son étude qui porte sur le
fantassin américain pendant la Deuxième Guerre mondiale,
confirme l’expérience allemande. Il constate que, dans la
plupart des cas, les sous-officiers étaient les leaders naturels
lors des combats. Le témoignage typique d’un vétéran
confirme ses constatations :
[Le sergent du peloton] s’occupait vraiment de ses
hommes, et il faisait tout pour s’assurer qu’ils avaient
tout ce dont ils avaient besoin. Il leur remontait leur
moral. Il vérifiait les armes quotidiennement, et il
s’assurait que les hommes avaient des bas secs.
C’était une vraie mère poule30.
Comme le montrent déjà ces anecdotes, il n’y a pas de
circonstance où l’importance du sous-officier supérieur est plus
facile à constater que pendant un combat ou pendant quelque
opération que ce soit. C’est alors que le sous-officier supérieur
mérite son titre incontesté d’épine dorsale de l’armée. Il
devient la clef du succès d’une opération en transformant les
intentions du commandant en réalités. C’est au moment où les
opérations se déroulent que toutes les responsabilités et toutes
les tâches du sous-officier supérieur se soudent ensemble et
44
qu’il devient par ses actions, à la fois un technicien, un
tacticien et un leader.
UN TECHNICIEN, UN TACTICIEN ET UN
L E A DE R
L
e rôle de technicien du sous-officier supérieur est nettement
évident. Ses connaissances approfondies des armes et des
équipements acquises pendant sa formation technique et
pendant l’instruction des autres soldats en fait un conseiller
inestimable pour les officiers ainsi que pour les instructeurs et
pour les superviseurs des soldats. Sa capacité de s’assurer du
soin, de l’entretien et des réparations de première nécessité des
différents composants du matériel militaire est capital pour
l’efficacité de l’unité, particulièrement alors que les opérations
battent leur train et que le stress est à son plus haut niveau.
Mais le plus important pour le succès d’une unité, c’est le
rôle du sous-officier supérieur comme tacticien et chef de file au
combat. Plusieurs s’élèveront sans doute contre l’utilisation du
mot tacticien. Après tout, le sous-officier supérieur ne fait
simplement qu’exécuter les ordres. Pendant la Première Guerre
mondiale, le sous-officier allemand, tout comme celui de la
plupart des autres nations « servait principalement ses hommes
en étant pour eux un modèle de solidité militaire, en imposant la
discipline, en appliquant les règlements militaires et en
empêchant qu’il n’y ait des Drueckeberger ( tire-au-flanc)
pendant le combat, mais pas en étant pour eux un modèle de
tacticien de théâtre des combats »31. La situation a cependant
rapidement changé avec l’évolution de la guerre motorisée.
Pendant la Deuxième Guerre mondiale, la notion selon laquelle
un sous-officier supérieur était un tacticien s’est imposée d’elle
même. Ne serait-ce qu’à cause du nombre de pertes de vie
humaine, ils durent assumer cette responsabilité. « J’étais sergent
de peloton au 4e Peloton de la compagnie B [1er Bataillon
canadien de parachutistes], se rappelle le sergent R.F. Anderson,
et, à plusieurs occasions sur le champ de bataille, je n’avais plus
d’officiers puisqu’ils étaient blessés ou morts. Il fallait donc
attendre un certain temps avant d’obtenir des remplaçants qui
devaient venir de l’Angleterre, alors les compagnies étaient
souvent dirigées par des sous-officiers supérieur32. » Un de ses
collègues parachutistes, le caporal Dan Hartigan confirme le fait.
« Nous avions perdu plus de 50 p. 100 de nos officiers au Jour J »
explique-t-il, « 15 des 27 je crois ». Et il ajoute : « Le combat
des semaines suivantes se transforma de guerre menée par des
officiers en guerre menée par des sous-officiers supérieurs33. »
L’étude de McManus confirme ces sources anecdotiques. Il
conclut d’ailleurs en écrivant : « C’est avec une fréquence
étonnante que les combattants comptaient jour après jour sur
leurs sergents pour le leadership au combat. Le changement
constant d’officiers explique en grande partie cette situation34. »
Mais attribuer la qualité de tacticien aux sous-officiers
supérieurs ne repose pas exclusivement sur leur capacité de
remplacer sur le champ de bataille des officiers blessés ou
morts. Par la nature de sa place dans l’armée, sans parler de la
doctrine établie, ce poste exige qu’on le fasse. Un des plus
remarquables commandants de terrain israéliens, Yigal Allon, a
déclaré que les grandes batailles de la guerre de 1948-1949, de
la campagne du Sinaï en 1956 et de la guerre des Six Jours en
1967 avaient été « gagnées dans les cours de sous-officiers de
la Haganah et du Palmach ». Et il explique sa remarque :
Le plan le plus génial conçu par le général le plus brillant
dépend des chefs de sections pour son exécution
Revue militaire canadienne
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Été 2002
Tout compte fait, que l’on accepte ou non d’utiliser
l’appellation de tacticien au sujet des sous-officiers, leur fonction
première lors des combats est encore de conduire leurs troupes
contre un ennemi tout en les conservant aussi intactes que possible
afin de pouvoir atteindre un objectif militaire donné. Pour y
arriver, ils doivent faire preuve de leadership, donner une
orientation et assurer un encadrement. En outre, ils doivent
apporter un soutien psychologique et physique aux troupes en
faisant preuve de courage, en démontrant beaucoup de sang-froid,
et en maintenant une présence d’esprit malgré l’agitation fébrile
ambiante. De plus, tout au long des combats, les sous-officiers
supérieurs doivent toujours demeurer avec les troupes qui sont le
plus près de l’ennemi et, donc, être toujours très près du danger.
Cette réalité constitue la preuve ultime de l’importance
indéniable du sous-officier supérieur pour l’efficacité de
l’Armée. On reconnaît généralement que les groupes sans chef
deviennent habituellement inactifs. Lorsque vient le temps où
la présence d’un chef s’impose, et c’est souvent dans une
situation de chaos, un sous-officier supérieur est
habituellement là pour assumer cette responsabilité. C’est tout
à fait naturel car, en fin de compte, les sous-officiers supérieurs
sont, par rapport à leurs troupes, le premier niveau de
commandement. La tâche de « s’approcher de l’ennemi et de
l’affronter », ce qui est beaucoup plus facile à dire qu’à faire,
retombe alors sur les épaules des sous-officiers supérieurs.
C’est alors que la présence du sous-officier devient
extrêmement importante. Dans un sondage effectué auprès d’un
groupe d’anciens combattants, 89 p. 100 d’entre eux ont souligné
l’importance de recevoir fréquemment les instructions des chefs
lorsque la situation est critique. Ils étaient d’avis que le sang-froid
au combat était contagieux. En fait, 94 p. 100 des répondants
étaient d’avis que « les hommes croient qu’ils se battaient mieux
après avoir observé d’autres hommes faire preuve de sang-froid
dans une situation dangereuse »36. Tout simplement, « les
hommes aiment suivre un homme expérimenté. [Un] homme
expérimenté sait comment atteindre des objectifs avec un
minimum de risques. Il donne l’exemple par son sang-froid et par
son efficacité, ce qui incite les autres à adopter un comportement
semblable37. » Pour cette raison, on ne doit pas s’étonner de
constater que les études portant sur les anciens combattants de la
Deuxième Guerre mondiale démontrent que, en ce qui concerne
le courage, 42 p. 100 des répondants s’attendaient à un tel
comportement de la part de leurs sous-officiers, car ils étaient
beaucoup plus proches d’eux et ils avaient confiance en eux, alors
Été 2002
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Revue militaire canadienne
que seulement 30 p. 100 s’attendaient à un tel comportement de
la part de leurs officiers38.
On trouve beaucoup d’exemples anecdotiques de ce
phénomène. Ainsi, Alexandre Huton confesse : « Je
commençais à avoir la frousse, mais le sergent demeurait
solide comme le roc. Quel soldat! » Et de poursuivre :
On a continué à avancer, cette fois sur un terrain plein
de trous d’obus, et le sergent était toujours en avant de
nous. Deux fois, il s’est arrêté, les pieds plantés dans
le sol, et il nous a conduit [sic] autour d’une mine. Ça,
c’était typique du sergent; il essayait d’abord luimême tout avant de laisser les autres continuer.
Quand on est arrivé devant des canaux très larges, le
sergent a nagé à travers en premier pour voir si on
pouvait le faire nous autres aussi. On a continué à
avancer encore une fois sur la route principale, puis le
sergent s’est arrêté pour couper les fils téléphoniques
des Allemands avec sa baïonnette, et il a fallu encore
se jeter à terre pendant que les canons de campagne
allemands nous dépassaient. Le sergent notait
toujours leur équipement et leur direction. Rien ne lui
échappait [… ] Je ne savais plus où on s’en allait,
mais le sergent nous montrait le chemin à prendre, et
on lui faisait confiance39.
Les actions d’un autre sous-officier, le sergent-major de
compagnie (SMC) John Kemp, renforcent elles aussi cette
image des sous-officiers supérieurs. Un rapport officiel
mentionnait : « Le SMC Kemp qui avait aidé à préparer les
hommes pour l’attaque conduisit l’attaque de ses hommes
contre la maison de ferme en dépit d’un feu nourri et sans soucis
pour sa propre sécurité. Par son exemple, il a permis à un petit
groupe de soldats de percer les défenses de l’ennemi et de
s’emparer de la position40. » De la même façon, les évaluations
de certains combattants donnent une nette idée, non seulement
des attentes des hommes, mais également de l’importance des
sous-officiers. Par exemple, les soldats du SMC Charlie Martin
du Queen’s Own Rifles le décrivaient comme le sergent idéal
pour des fusiliers. Au dire de tous, il était « un soldat
exceptionnel » qu’on pouvait toujours retrouver à l’avant « même
lorsqu’il s’agissait seulement d’une petite opération de
patrouille. » Pour ceux qui l’ont connu, c’était « le genre de
chef qui criait “Suivez-moi!” plutôt que “Allez-y!” »41.
Incontestablement, les responsabilités du sous-officier
supérieur comme administrateur, formateur, responsable de la
discipline, mentor, chef et tacticien sont indispensables pour
assurer l’efficacité d’une armée. Son exemple, sa présence
auprès de ses soldats et sa relation étroite avec eux lui
permettent de motiver les soldats confrontés à la peur et au
danger, ce qui leur permet d’accomplir leurs tâches. Il est tout
bonnement le ciment d’une armée. Aussi, peu importe les
développements technologiques et scientifiques et tant que les
êtres humains se feront la guerre, aura-t-on toujours besoin
d’hommes et de femmes qui accepteront de mettre leur vie en
danger. Ainsi les rôles et les responsabilités traditionnelles du
sous-officier supérieur seront-ils eux aussi toujours nécessaires.
ÉDUQUER LES SOUS-OFFICIERS DE CARRIÈRE
C
eci étant dit, certaines choses doivent évidemment
évoluer. À cause de la nouvelle complexité des conflits
dont on a déjà parlé42 et qui amène souvent à utiliser
45
LE LEADERSHIP
tactique. Des chefs de section incompétents peuvent
ruiner les plans les mieux conçus, alors que des chefs de
section exceptionnels compenseront souvent pour des
plans mal construits. Cela tient à la simple et bonne
raison que le chef de section est le seul niveau de
commandement qui maintient un contact constant et
direct avec les soldats qui portent tout le poids du combat
sur le terrain. Il s’ensuit donc qu’il faut former le chef de
section pour être le commandant tactique et l’éducateur
de ses hommes. [Dans la Force de défense israélienne]
les chefs de section sont formés pour commander de
manière autonome sur le champ de bataille et dans tous
les cas où ils doivent opérer seuls avec leur unité. En
outre, pendant un combat régulier, lorsque le chef de
section agit dans le cadre de son peloton et selon les
ordres de son officier supérieur, il a tout de même besoin
d’un haut niveau de connaissance et il doit avoir la
capacité de faire un bilan de la situation35.
l’expression « soldat stratège », jointe à l’effet « CNN » et
exacerbée par les attentes sociétales, on doit accorder une plus
grande importance à l’éducation du sous-officier plutôt que de
mettre exclusivement l’accent sur la formation, comme on l’a
toujours fait.
Selon le colonel Paul Maillet, directeur de l’éthique de la
défense au MDN, « les grandes formations de troupes
étroitement commandées et étroitement surveillées qu’on
trouvait dans les modèles de conflict de l’ère de la guerre froide
ont fait place aux petites unités éparpillées dans des pays
éloignés, ce qui a réduit le soutien rapidement disponible dans
des situations éthiques confuses et hautement explosives ». Il
ajoute : « Une mauvaise décision sous l’œil inquisiteur des
médias peut avoir des conséquences très graves qui affecteraient
les mandats des missions de maintien de la paix ainsi que les
politiques et objectifs stratégiques et nationaux43. »
Là se trouve le paradoxe. Cette prise de conscience
souligne la nécessité de maintenir les responsabilités et les
rôles traditionnels du corps des sous-officiers supérieurs, et, à
la fois, de modifier la façon selon laquelle on prépare le sousofficier à s’acquitter de ses fonctions. On doit trouver un
meilleur équilibre entre l’accent traditionnellement mis sur la
formation, c’est-à-dire sur l’acquisition d’« une réponse
prévisible à une situation prévisible », et l’éducation que le
professeur Ron Haycock décrit quant à elle comme la
« réponse raisonnée à une situation imprévisible […] une
réflexion critique face à l’inconnu »44. À dire simplement les
choses, l’application convenue d’idées et de méthodes ainsi
que l’usage prévu d’exercices et de listes de vérification ont
certes un but et une utilité fonctionnelle; toutefois, une telle
méthodologie ne permet plus d’équiper les chefs pour leur
permettre de faire face à la complexité du monde post-moderne
et d’y fonctionner efficacement. « Il n’existe pas de
procédures standards pour le genre de défis complexes que nos
troupes doivent relever dans des endroits comme la Bosnie »,
faisait remarquer Art Eggleton, l’ancien ministre de la
Défense nationale45.
Sans l’ombre d’un doute, il faut, comme on le fait pour
les officiers, enseigner aux sous-officiers supérieurs
comment penser et utiliser des concepts abstraits afin de les
aider à résoudre les problèmes pratiques auxquels ils
pourraient être confrontés. Ils doivent améliorer leurs
connaissances et acquérir une perspective plus globale; il
faut aussi qu’ils aient de plus grandes compétences sociopolitiques. En outre, ils doivent s’habituer à se sentir à l’aise
devant l’ambiguïté et le changement. Plutôt que de se fier
lourdement, comme c’était traditionnellement le cas, aux
procédures écrites des publications techniques et à une seule
dimension d’expérience, les sous-officiers supérieurs
doivent avoir pour guide le raisonnement critique et
l’innovation. Pour atteindre cet objectif, il faut se lancer
agressivement en quête d’éducation.
La nécessité d’une éducation plus spécialisée découle
aussi des exigences qu’impose la façon de traiter avec les
soldats d’aujourd’hui. Pierre de Reil, ministre français de la
guerre en 1793, écrivait : « Tant que le soldat croira qu’il est
égal à ses commandants en intelligence et en connaissance, il
n’obéira pas46. » Comme la recrue moyenne entre de plus en
plus souvent dans les FC avec un diplôme d’études secondaires
ou plus encore, le sous-officier supérieur doit continuellement
améliorer son propre bagage de connaissances pour non
46
seulement faire face à la complexité d’opérations, mais aussi
pour être capable d’enseigner, de former, de motiver et de
diriger des subalternes aux connaissances de plus en plus
poussées47. La vieille époque où les sergents instructeurs
engueulaient recrues et soldats avec force expressions
humiliantes et jurons, ou prenaient à l’écart derrière un hangar
un « cas spécial » pour « lui régler le problème », non
seulement ne serait plus tolérée aujourd’hui, mais elle est
depuis longtemps disparue. Les sous-officiers supérieurs
doivent comprendre et être capable de motiver leurs nouveaux
subalternes tout en tenant compte des différences de
générations et des nouvelles attentes, normes et valeurs de la
société. Encore une fois, l’éducation est la clef.
SAVOIR UTILISER LES CAPACITÉS ET
LES COMPÉTENCES
L’
amélioration de l’éducation du corps des sous-officiers
supérieurs est liée à un autre changement fondamental qui
doit se produire : l’utilisation des individus selon leurs
capacités et leurs compétences. À cause de l’évolution des
affaires militaires et de l’éducation de plus en plus poussée des
sous-officiers et des officiers, la pratique traditionnelle de
combler les postes de l’organisation exclusivement en fonction
du grade du titulaire doit évoluer vers un système plus flexible
axé sur les capacités des personnes. Par exemple, les postes à
différents niveaux des quartiers généraux ou des écoles qui
sont habituellement comblés par des officiers subalternes
(postes dans les états-majors de l’ONU ou d’observateurs
militaires de l’ONU, voire certains postes opérationnels de
commandants de peloton) peuvent être comblés par une
affectation normale (et non pas seulement comme une solution
temporaire) de sous-officiers supérieurs qualifiés. Un
changement si spectaculaire s’impose pour plusieurs raisons.
D’abord, il permettra de soulager le manque de personnel dans
l’organisation que provoque la crise actuelle au niveau du
recrutement et de la rétention des effectifs des FC.
Deuxièmement, il satisfera à la nécessité de reconnaître les
capacités de chacun et de récompenser ceux qui ont fait des
efforts pour améliorer leur niveau d’éducation et leurs
compétences. Troisièmement, il créera de nouveaux défis et
offrira des possibilités de croissance tant au niveau personnel
que professionnel, deux aspects si essentiels pour attirer et
retenir les gens dans les FC48.
Le défi qui attend les FC est de taille : savoir comment
conserver ce qui a été la force constante du corps des sousofficiers supérieurs et a fait de lui la véritable épine dorsale de
l’Armée, tout en assurant son évolution afin qu’il demeure une
ressource viable et pertinente dans l’avenir. La clef du succès
réside à la fois dans la compréhension du rôle et des
responsabilités du corps des sous-officiers supérieurs et dans le
fait de donner aux sous-officiers supérieurs l’éducation capable
de leur inculquer les connaissances et les structures de pensée
qui leur permettront de faire face à l’incertitude et au
changement. Finalement, il importe également de reconnaître
que, tant qu’il y aura des conflits entre les êtres humains et
quelles que soient les percées technologiques et scientifiques,
la capacité des sous-officiers supérieurs de former et de diriger
des soldats bien entraînés dans des situations de chaos, de
danger et d’agitation extrême demeurera le test ultime de
l’efficacité d’une armée.
Revue militaire canadienne
●
Été 2002
1.
Desmond Morton, When Your Number’s Up,
Toronto, Random House of Canada, 1993, p. 95.
[TCO]
2.
B.H. Liddell Hart, Strategy, 2e édition, New
York, Meridian, 1991, p. 25. [TCO]
3.
En 1987, Georgi Arbatov, conseiller de Mikhail
Gorbachev, annonçait à l’Ouest, « Nous allons vous
faire subir ce qu’il y a de pire : nous allons vous
priver de vos ennemis. » [TCO] Pascal Boniface,
« The Will to Powerlessness. Reflections on Our
Global Age », Queen’s Quarterly, Kingston, 1999,
p. 37.
4.
Boutros Boutros-Ghali, Un agenda pour la
paix en 1995, 2e édition, New York, Nations Unies,
1995, p. 7.
5.
Depuis 1989, les FC ont été déployées dans
environ 67 missions comparativement à 25 missions
de 1948 à 1989.
6.
Paul van Riper et Robert H. Scales, « Preparing
for War in the 21st Century », Parameters,
Automne 1997, p. 5. [TCO]
7.
Peter C. Newman, Canadian Revolution 19851995: From Deference to Defiance, Toronto, Viking
Press, 1995.
8.
La décision du gouvernement d’établir, en
1995, une commission d’enquête sur le déploiement
des Forces canadiennes en Somalie et d’instituer, en
1997, le Comité de surveillance du ministre pour
encadrer la mise en œuvre des recommandations
issues de ladite commission constitue une preuve de
cet état de fait. Le message était simple et clair : le
gouvernement ne faisait plus confiance aux enquêtes
ou correctifs internes de ses militaires. Voir aussi
John A. English, Lament for an Army. The Decline of
Canadian Military Professionalism, Toronto, Irwin
Publishing, 1998, p. 1-8.
9.
Le général M. Baril, « Officership: A Personal
Reflection », dans Generalship and the Art of the
Admiral, Bernd Horn et Stephen Harris, ed., St.
Catherines, Vanwell Ltd., 2001, p. 138. [TCO]
10. Les exemples abondent, en autres : la parution
du document sur la vision stratégique du Ministère
Stratégie 2020 en juin 1999; l’établissement du
conseiller spécial du chef d’état-major de la Défense
(Développement professionel) en mai 1999; la
publication de Canadian Officership in the 21st
Century en mai 2001; et la distribution de People in
Defence Beyond 2000 en mai 2001.
11. Van Riper et Scales, p. 11. [TCO] Voir aussi
Charles J. Dunlap, « 21st Century Land Warfare:
Four Dangerous Myths », Parameters, Automne
1997, p. 27-37. Les quatre mythes sont : 1- Nos
adversaires futurs les plus probables seront
semblables à nous. 2- Nous pouvons en toute sécurité
réduire le nombre de nos militaires au profit de forces
plus restreintes, rigoureusement formées et disposant
d’armement de haute technologie. 3- Nous pourrons
avoir une supériorité dans le renseignement et même
dominer complètement le domaine lors de conflits
futurs. 4- La technologie moderne rendra la guerre du
futur plus humaine; peut-être même se déroulera-telle sans effusion de sang.
12. George et Meredith Friedman, The Future of
War, New York, St Martin’s Griffin, 1998, p. xi.
[TCO]
13. Williamson Murray, « Does Military Culture
Matter? », Orbis, Hiver 1999, p. 37-38. [TCO]
14. Van Riper et Scales, p. 5. [TCO]
15. John A. English, Failure in High Command,
Ottawa, The Golden Dog Press, 1995, p. 318.
16. Commandement de la Force terrestre, Une
armée pour le Canada, Ottawa, MDN, 1998, p. 52.
17. Ordres et règlement royaux, Article 5.01.
18. Le major-général Sir William Dillon Otter, The
Été 2002
●
Guide: A Manual for the Canadian Militia,
9e édition, Toronto, Copp, Clark Company, 1914,
p. 21-22. [TCO] Voir aussi Ronald G. Haycock,
« The Stuff of Armies: The NCO Throughout
History, » dans Backbone of the Army. NonCommissioned Officers in the Future Army, Douglas
L. Bland, ed., Kingston, McGill-Queen’s University
Press, 2001, p. 9-23.
19. Une intéressante anecdote éclaire ce sujet. Au
cours de la Seconde Guerre mondiale, on demanda à
un jeune sergent qui promettait d’accepter une
commission d’officier. Il a refusé. « Voyez-vous, ditil, ce sont les contacts personnels avec les hommes
qui m’intéressent vraiment, et je sais que, comme
officier, je n’aurais pas la chance de les aider comme
je le fais maintenant. » [TCO] Le lieutenant R.
Bernays, « Man-Officer Relationships, » The Army
Quarterly, Vol XLVI, No 2, août 1943, p. 253.
20. Coporal Denis Flynn, entrevue avec l’auteur
18 avril 2001. [TCO]
21. Colonel Otter, tel que mentionné par Haycock,
p. 18. [TCO]
22. Une armée pour le Canada, p. 52-53.
23. First Sergeant Jeffrey J. Mellinger, « Open
Letter to Three NCOs, » Infantry, mai-juin 1989,
p. 20. [TCO] Cet aspect de la responsabilité d’un sousofficier supérieur est universel. Le célèbre lieutenantcolonel britannique Colin Michel (des Argylls)
écrivait : « Mon sergent de peloton, un petit homme
dur du nom de Dempsey, était de toute évidence le
professionnel dont j’avais besoin pour m’initier à
mon nouveau travail. » [TCO] Colin Mitchell,
Having Been a Soldier, London, Mayflower Books,
p. 41.
24. James S. Corum, The Roots of Blitzkrieg,
Kansas, University of Kansas, 1992, p. 11.
25. Tom Clancy avec le général (ret.) Fred Franks,
Jr., Into the Storm, New York, Berkley Books, 1998,
p. 85. [TCO]
26. John C. McManus, The deadly brotherhood.
The American combat soldier in World War II,
Novato, Presidio, 1998, p. 219. [TCO]
27. Voir Rapport de la Commission d’enquête sur
le déploiement des Forces canadiennes en Somalie,
Ottawa, Gouvernement du Canada, 1997, Vol 1,
p. 244-247 et 324; et Vol 2, p. 429-470. Voir aussi
Bernd Horn, Bastard Sons - A Critical Examination
of the Canadian Airborne Experience, 1942-1995, St.
Catherines, Vanwell Publishing, 2001.
28. Stephen G. Fritz, Frontsoldaten. The German
Soldier in World War II, Lexington, University of
Kentucky Press, p. 18-19. [TCO]
29. Ibid., p.19. [TCO]
30. McManus, p. 218-220. [TCO]
31. Karl H. Theile, Beyond Monsters and Clowns.
The Combat SS, New York, University Press of
America, 1997, p. 99. [TCO]
32. Le sergent R.F. Anderson, lettre à l’auteur,
19 décembre 2000. [TCO]
33. Le caporal Dan Hartigan, entrevue avec
l’auteur, 30 octobre 2000. [TCO]
34. McManus, p. 202. [TCO]
35. John A. English, On Infantry, New York,
Praeger, 1984, p. 191. [TCO]
36. John Dollard, Fear in Battle, Westport,
Connecticut, Greenwood Press 1944, p. 28. [TCO]
Voir aussi Elmar Dinter, Hero or Coward, London,
Frank Cass, 1985, et S.J. Rachman, Fear and
Courage, San Francisco, W.H. Freeman and
Company, 1978.
37. Dollard, p. 44. [TCO] On accepte
généralement que « la présence d’un leadership
prudent et attentionné crée une force qui aide à
maîtriser la peur ». [TCO]
Revue militaire canadienne
38. Elmar Dinter, Hero or Coward, p. 53.
39. L.S.B. Shapiro, « I Dropped Alone »,
MacLean’s, 1er août 1944, p. 5-6. [TCO]
40. Jean E. Portugal, We Were There. The Army. A
Record for Canada, Vol 2 of 7 ,Toronto, The Royal
Canadian Military Institute, 1998, p. 968. [TCO]
41. Ibid., p. 706. [TCO]
42. Les généraux de l’US Army qui ont servi en
contexte de guerre classique et lors de règlement de
conflit font valoir que le type de complexité
rencontré dans ce dernier cas, en Bosnie par exemple,
« n’existe pas sur le champ de bataille moderne. »
Ils ajoutent que « le conflit bosniaque implique un
nouveau degré de complexité et de frustration. » Tiré
de « The Civilian-Military Gap » Rapporté dans
“The Civilian-Military Gap,” Online NewsHour,
www.pbs.org/plweb-cgi/fastweb/getd, 10 novembre
1999. [TCO]
43. Le colonel J.P.M. Maillet, « Defence Ethics
Program Ethics and Operations Project », note de
service datée du 20 janvier 2000.
44. Ronald Haycock, Ph.D., ancien doyen des Arts,
Collège militaire royal, « Clio and Mars in Canada:
The Need for Military Education », allocution au
Canadian Club, Kingston, Ontario, 11 novembre
1999. [TCO]
45. Notes d’allocution de l’Honorable Art
Eggleton, ministre de la Défense nationale, Collège
des Forces canadiennes, 19 juin 2000, p.10. [TCO]
46. John A. Lynn, Bayonets of the Republic,
Chicago, University of Illinois Press, 1984, p. 89.
[TCO]
47. De plus en plus, on entend dire que le « caporal
avec une maîtrise » est l’image de l’avenir.
Bien qu’on en retrouve plusieurs dans les FC, surtout
dans la Réserve, ils ne sont pas suffisamment
nombreux pour qu’on parle d’une tendance.
L’affirmation selon laquelle il n’y aura bientôt plus
de différence entre les sous-officiers et les officiers
est peut-être de beaucoup prématurée. Ces
avertissements apocalyptiques ne sont pas nouveaux.
« L’éducation populaire a porté fruit, écrivait le
major R.A.C. Radcliffe en 1943, et on trouve
aujourd’hui dans les rangs bon nombre d’hommes
qui ont appris à penser et raisonner d’eux-mêmes. »
Il poursuivait en affirmant que la formation accrue
des militaires les rendaient « plus critiques, sur tous
les plans, face à leurs officiers ». Major R.A.C.
Radcliffe, Officer-Man Relationships, The Army
Quarterly, vol. XLVI, no 1, mai 1943, p. 114-116.
[TCO] Dans le même sens, un autre compte rendu
datant de 1943 révélait : « Dans l’ancienne armée,
on retrouvait une obéissance aveugle à l’officier et à
l’armée, résultant d’une discipline stricte, et que l’on
confondait souvent avec de la loyauté. De nos jours,
on retrouve un questionnement beaucoup plus
important […] Les sous-officiers et les soldats
d’aujourd’hui ne sont pas aveuglément loyaux à leurs
officiers supérieurs simplement parce qu’il se trouve
que ceux-ci détiennent une commission du roi. Ils
veulent d’abord s’assurer que leurs officiers sont
compétents dans l’ensemble et, en tant qu’êtres
intelligents, ils prennent note de chaque action,
regard et parole de leurs supérieurs. » C.W.
Valentine, « Army Morale and its Relation to
Discipline and Efficiency », The Fighting Forces,
Vol. XX, no 1, avril 1943, p. 24. [TCO] Bien qu’avoir
de l’éducation devienne de plus en plus nécessaire à
tous les échelons au MDN et dans les FC, la
différence entre les militaires du rang et le corps des
officiers continuera à être l’éducation.
48. Voir Canada, People in Defence Beyond 2000,
Ottawa, MDN, 2001.
47
LE LEADERSHIP
NOTES
M. Michael Hennessy, Ph.D., qui a été responsable des étapes préparatoires à la création de la Revue militaire
canadienne, s’est mérité la Mention élogieuse du chef d’état-major de la Défense pour son travail de mise sur pied
de divers projets importants pour la défense. La Mention élogieuse du chef d’état-major de la Défense est
d’ordinaire décernée à des militaires, et l’attribution de cette distinction honorifique à un civil en est d’autant plus
remarquable. Le libellé de cette Mention élogieuse se lit comme suit :
« M. Hennessy illustre les normes les plus élevées qui ont cours tant dans le corps professoral que dans la
fonction publique canadienne. Son dynamisme et sa détermination ont influencé la création de plusieurs
projets prioritaires très importants pour le ministère de la Défense. Son initiative et son imagination sont
systématiquement bien ciblées et justes. Sans son travail acharné, la Revue militaire canadienne, les
programmes d’études en études militaires avancées ou en sécurité nationale ainsi que l’Institut du Leadership
des Forces canadiennes n’auraient pas atteint le haut niveau de développement qu’on leur connaît. »
48
Revue militaire canadienne
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