Problématique de l`intégration des enfants et jeunes migrants
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Problématique de l`intégration des enfants et jeunes migrants
UNIVERSITE DE ROUEN DEPARTEMENT DES SCIENCES DE L’EDUCATION Problématique de l’intégration des enfants et jeunes migrants africains dans le système éducatif allemand. Cas des élèves migrants originaires d’Afrique francophone subsaharienne en Rhénanie du Nord Westphalie. Daniel KITENGE KABASELE MASTER DE RECHERCHE FRANCOPHONE Sciences de l’Education Spécialisation Politiques éducatives et sociologie de l’éducation Sous la direction de Monsieur André D. ROBERT Professeur des Universités Directeur de l'Ecole doctorale EPIC n° 485 Directeur adjoint de l'UMR Education et Politiques Université Lumière Lyon 2 Université de Rouen 2010 1 A mon fils Michel Kitenge Mukenge 2 REMERCIEMENTS Nous voudrions exprimer nos remerciements à notre directeur de mémoire Monsieur André Robert, qui a bien voulu assurer l’encadrement scientifique de ce travail. Ces remarques de fond et de forme nous ont permis de cerner les objets de cette recherche et d’en maîtriser l’approche. Qu’il trouve ici l’expression de notre profonde reconnaissance. Nos remerciements vont aussi à tous les enseignants, au personnel administratif et technique du Mardif, qui n’ont ménagé aucun effort pour assurer notre formation. Nous témoignons toute notre gratitude à Madame Marianig Viaouet-Porot pour sa sollicitude. Nous n’oublierons pas son enthousiasme, sa disponibilité, son engagement, et rendons hommage à son travail quotidien. Nous adressons nos remerciements à toute notre famille particulièrement à notre épouse Bernadette et à nos enfants Michel, Albert, Philippe, Dieudonné, Gabriel et Stéphanie, pour le soutien moral et les sacrifices consentis. Merci à toi Robert Kanyiki Lumbamba pour tes encouragements et surtout d’avoir consacré ton temps à lire nos brouillons, « tshiadima umue tshiadia bangi ». Nous n’oublions pas tous ceux qui nous ont soutenu d’une manière ou d’une autre dans le cadre de la réalisation de cette étude. 3 TABLE DES MATIERES INTRODUCTION …………………………………………………………………………. 8 Choix et intérêt de la recherche ……………………………………………………………….8 Problématique, hypothèses et objets de la recherche ………………………………………….9 Originalité de l’étude ………………………………………………………………………...12 PREMIERE PARTIE : CADRE GENERAL ET CONCEPTUEL ……………………………………………… 13 I.1. Analyse des concepts ……………………………………………………………….... 14 I.1.1 Intégration……………………………………………………………………………...14 I.1.2 Migration ………………………………………………………………………………16 I.2. Immigration noire africaine en Allemagne et en Rhénanie Nord-Westphalie ……18 I.2.1 Contexte historique des migrations en Allemagne …………………………………….18 I.2.2 Immigration des Africains d’origine subsaharienne en Allemagne ……………………18 I.2.2.1 L’Afrique subsaharienne ……………………………………………………………..19 I.2.2.2 L’Afrique subsaharienne francophone ……………………………………………….19 I.2.3 Immigration des africains d’origine subsaharienne en Rhénanie du Nord-Westphalie ..20 I.2.3.1 La Rhénanie Nord-Westphalie ………………………………………………………20 I.2.3.2 L’Afrique subsaharienne en Rhénanie du Nord-Westphalie ………………………...21 I.2.3.2.1 Importance numérique et composition de l’immigration africaine subsaharienne ...21 I.2.3.2.2 Migrations estudiantines des populations d’Afrique subsaharienne en Rhénanie du Nord-Westphalie ……………………………………………………………………………..23 I.2.3.2.3 Migrants noirs africains : réfugiés, demandeurs d’asile ……………………………25 I.2.3.2.3.1 Droit d’asile en Allemagne ……………………………………………………….27 I.2.3.2.4 Regroupement familial ……………………………………………………………..28 I.2.4 Population francophone africaine subsaharienne en Rhénanie du Nord-Westphalie …..30 I.3 Caractéristiques socio-démographiques et durée de séjour des immigrants africains subsahariens francophones ………………………………………………………………...31 I.3.1 Composition ……………………………………………………………………………31 I.3.2 Statut, durée de séjour, naturalisation …………………………………………………..31 I.3.3 Situation professionnelle ……………………………………………………………….33 I.3.4 Formes d’organisation sociale …………………………………………………………33 DEUXIEME PARTIE : LE SYSTEME EDUCATIF ALLEMAND, LA PARTICULARITE DU LAND DE RHENANIE-NORD WESTPHALIE, ET LE PROBLEME DE L'INTEGRATION DES ELEVES ORIGINAIRES D'AFRIQUE SUBSAHARIENNE ……………………………………………………………………………..36 II.1 SYSTEME EDUCATIF ALLEMAND ……………………………………………………….37 II.1.1 Compétences et administration en matière d’éducation en Allemagne ……………….38 II.1.1.1 Contexte général ……………………………………………………………………..38 II.1.1.1.1 Principes de base et cadre juridique de l’enseignement …………………………...38 II.1.1.1.2 Structure …………………………………………………………………………...39 II.1.1.1.2.1 Education préscolaire ……………………………………………………………39 II. 1.1.1.2.2 Ecoles …………………………………………………………………………..40 II. 1.1.1.2.3 Financement …………………………………………………………………….40 II. 1.1.1.2.4 Institutions privées ……………………………………………………………...41 4 II.1.2 Cursus et Curricula scolaires : du jardin d’enfants à l’école secondaire ………..42 II.1.2.1 Education préscolaire ou préélémentaire ……………………………………………42 II.1.2.1.1 Objectifs et programmes …………………………………………………………..43 II.1.2.2 Formation générale au primaire et au secondaire inférieur ………………………….44 II.1.2.2.1 Le primaire ………………………………………………………………………...45 II.1.2.2.1.1 Organisation de l’école primaire ………………………………………………...45 II.1.2.2.1.2 Programme ………………………………………………………………………45 II.1.2.2.1.3 Evaluation ……………………………………………………………………….46 II.1.2.2.1.4 Enseignants ……………………………………………………………………...47 II.1.2.2.2 Enseignement Secondaire ………………………………………………………….48 II.1.2.2.2.1 Enseignement secondaire inférieur ………………………………………………48 II.1.2.2.2.1.1 Etablissements offrant un seul type d’enseignement …………………………..48 II.1.2.2.2.1.2 Etablissements offrant plusieurs types d’enseignement ……………………….49 II.1.2.2.2.1.3 Organisation des écoles ………………………………………………………..49 II.1.2.2.2.1.4 Evaluation et examens finals de l’enseignement secondaire inférieur ………...49 II.1.2.2.2.1.5 Enseignants …………………………………………………………………….49 II.1.2.2.2.1.6Formation générale et professionnelle de l’enseignement secondaire supérieur 50 II.1.2.2.2.2 Organismes de conseil et d’assistance …………………………………………..50 II.1.3 Les politiques éducatives dans le système éducatif allemand ……………………..52 II.1.3.1 Contexte notionnel …………………………………………………………………..52 II.1.3.2 Politique en matière d’éducation des enfants des migrants ………………………….54 II.1.3.3 Evaluation du système éducatif allemand : résultat de l’étude PISA ………………..56 II.2 ORGANISATION SCOLAIRE EN RHENANIE DU NORD-WESTPHALIE …………………. 59 II.2.1 Organisation de l’enseignement secondaire supérieur en Rhénanie Nord-Westphalie ..60 II.2.2 Programme …………………………………………………………………………….61 II.3 Population scolaire africaine en Rhénanie du Nord-Westphalie ………………………..63 II.4 PROBLEMATIQUE DE L’INTEGRATION DES ENFANTS ET JEUNES MIGRANTS ORIGINAIRES D’AFRIQUE FRANCOPHONE SUBSAHARIENNE DANS LE SYSTEME SCOLAIRE ALLEMAND …..66 II.5 METHODOLOGIE …………………………………………………………………...66 II.5.1 Approche globale ……………………………………………………………………...66 II.5.2 Populations enquêtées ………………………………………………………………...67 II.5.3 RECUEIL DES DONNEES ……………………………………………………….68 II.5.3.1 Les entretiens ……………………………………………………………………….68 II.5.3.1.1 Difficultés …………………………………………………………………………69 II.5.3.2 L’observation ………………………………………………………………………..69 II.5.3.3 L’exploitation documentaire ………………………………………………………...70 TROISIEME PARTIE : ANALYSE DES DONNEES ET INTERPRETATION DES RESULTATS ……………71 III.1 PRESENTATION GLOBALE DES RESUTATS DES INVESTIGATIONS …….72 III.1.1 Synthèse des entretiens avec les parents ……………………………………………...72 III.1.2 Synthèse des entretiens avec les enseignants et les chefs d’établissements ………….75 III.1.3 Synthèse des entretiens avec les élèves ………………………………………………78 III.1.4 Synthèse des résultats de l’observation ………………………………………………80 III.1.5 Synthèse globale des résultats de l’enquête …………………………………………..82 III. 1.6 Tableau récapitulatif des difficultés d‘intégration scolaire ………………………….85 5 III.2 L’intégration des enfants et jeunes migrants d’Afrique francophone subsaharienne à la lumière d’une enquête. La question de l’échec scolaire ……………………………..86 III.2.1 L’échec scolaire ………………………………………………………………………86 III.2.2 Situation des enfants au moment de l’entrée à l’école ………………………………90 III.2.2.1 Niveau d’instruction des parents …………………………………………………...90 III.2.2.2 Le problème de la Langue ………………………………………………………….91 III.2.2.2.1 Langue parlée en famille ………………………………………………………….91 III.2.2.2.2 Niveau de connaissances en allemand au moment de l’entrée à l’école ………….93 III.2.2.3 La culture d’origine …………………………………………………………………98 III.2.2.4 Attitudes et représentations ………………………………………………………..101 III.2.3 Quelle est la situation de l’école allemande? ……………………………………….105 III.2.4 Rôle des parents dans la réussite scolaire …………………………………………...107 III.2.5 Milieu socio-économique ……………………………………………………………111 III.2.6 Stratégies des parents ……………………………………………………………….113 CONCLUSION ……………………………………………………………...116 BIBLIOGRAPHIE ………………………………………………………….120 ANNEXE ……………………………………………………………………129 6 Apprendre n’est pas en soi une activité relevant strictement du plaisir. Une partie des difficultés se révèlent au moment de la confrontation à un obstacle. C’est alors que se manifestent les limites d’un élève. 7 INTRODUCTION Choix et intérêt de la recherche Nous avons constaté depuis quelques années en Allemagne, plus particulièrement en Rhénanie du Nord-Westphalie, que de plus en plus des parents africains originaires d’Afrique francophone subsaharienne avaient tendance à se plaindre de l’école allemande et de son impact sur le développement et la réussite scolaire de leurs enfants. En Allemagne, pour avoir accès aux études universitaires, il faut, en principe, être passé par le Gymnasium et avoir obtenu l’Abitur (le bac). Le passage au Gymnasium se fait par orientation dès la Grundschule (école primaire). Celle-ci est généralement décidée en fontion de ce que recommande l’école primaire, après une information approfondie des parents. La décision finale revenant très souvent à l’école ou à l’autorité scolaire. « Tout dépend aussi de la générosité avec laquelle les autorités permettront l’accès aux classes régulières, accès qui est régi par le niveau des connaissances en allemand » L. Porcher (1981). S’étant rendus compte des difficultés qu’ont leurs enfants à intégrer le système éducatif allemand, plusieurs parents africains francophones subsahariens en Rhénanie du NordWestphalie préfèrent sortir leurs enfants de l’école publique allemande pour les mettre dans des internats et écoles francophones belges se trouvant de l’autre côté de la frontière. Espérant, pour ainsi dire, tirer profit d’un enseignement en langue et culture dont ils ont une certaine maîtrise. Ce phénomène, loin d’être marginal et dépourvu d’intérêt, a attiré notre attention en 2007 lorsque la chaîne locale de radio-télévision WDR (Westdeutscher Rundfunk), a voulu mener une enquête sur l’afflux des enfants noirs africains vers les écoles frontalières belges. Ce média avait organisé des entretiens à la fois avec les élèves d’origine africaine, en se rendant sur place dans les écoles belges concernées, et avec les parents individuellement ou par le biais des plateformes associatives en l’occurrence « Conseil des parents d’élèves d’origine africaine » où nous faisons partie du comité de coordination. Cette enquête suscitera en nous un intérêt particulier pour l’étude du problème de l’intégration scolaire des élèves migrants francophones originaires d’Afrique subsaharienne en Rhénanie du Nord-Westphalie. 8 Problématique, hypothèses et objets de la recherche Notre problème général de recherche s’inscrit dans le cadre global du rôle de l’éducation dans le processus du développement (de l’individu et de la société). En abordant ce sujet dans le cadre du Master de recherche, nous avons voulu cerner l’une des questions fondamentales, celle de savoir si le système éducatif allemand serait un outil capable de produire de l’intégration sociale ou agit-il comme un vecteur d’exclusion socio-économique et culturelle. Cette étude vise également à dresser un portrait démographique des Africains subsahariens francophones en Rhénanie du Nord-Westphalie et à documenter l’impact sociologique du système scolaire allemand sur les élèves migrants noirs africains francophones. Le champ scientifique auquel appartient la problématique soulevée est celui de Politiques éducatives et sociologie de l’éducation. Le cadre conceptuel et théorique de cette étude articule également, d’une part, les recherches et théories développées en sociolinguistique éducative centrée sur l’étude de la diversité linguistique et culturelle, qui explore les contacts et la transmission des langues en famille et à l’école, et étudie les cultures éducatives privilégiées dans les familles et les institutions ( Moore, 2006) ; d’autre part, les études sur les relations ethniques en éducation et l’éducation multiculturelle/interculturelle. Celles-ci mettent l’emphase sur la façon dont les systèmes éducatifs adressent (ou non) les questions d’intégration sociale, culturelle, linguistique, voire religieuse des immigrants (Jacquet, 2007) et les dispositifs mis en place pour y répondre. Ces études mettent notamment en perspective le jeu complexe des marqueurs de la différence (origines, cultures, langues, classes sociales, etc.) qui articulent les dynamiques d’inclusion et d’exclusion en milieu scolaire. Cette question à l’allure générale donnera lieu à l’étude des objets suivants : l’organisation générale de l’enseignement en Allemagne, le système scolaire en Rhénanie du NordWestphalie, l’immigration africaine en Allemagne, présentation sociologique de la communauté noire africaine en Rhénanie du Nord-Westphalie, l’approche notionnelle de l’intégration, les politiques en matière d’éducation des enfants d’origine étrangère en Rhénanie du Nord-Westphalie, les outils d’évaluation dans l’enseignement allemand, les résultats d’enquêtes internationales en l’occurrence PISA, l’échec scolaire et les stratégies des parents et élèves africains francophones subsahariens. Le choix d’étudier ces objets est motivé, par notre propre désir d’évaluer les chances de réussite que peuvent avoir les jeunes migrants noirs africains francophones dans un pays comme l’Allemagne. Autrement dit nous avons voulu réfléchir sur la capacité de l’école allemande à répondre aux demandes des jeunes migrants africains et leurs familles en terme d’égalité des chances, de mobilité sociale, de reconnaissance culturelle et d’entrée dans le marché de l’emploi. L’étude révèle également une grande complexité de situations, en termes par exemple des statuts de migrants, de leurs origines, de leurs langues et cultures, ainsi que de leurs expériences sociales et scolaires antérieures. Malgré la grande importance qui semble être accordée à la question de l’intégration et de l’égalité des chances, il y a en Allemagne une rareté d'études et données en ce qui concerne l’intégration scolaire et professionnelle des minorités noires africaines. Toutefois nous considérons que notre démarche reste valide dans la mesure où elle correspond à une dimension transversale, absolument essentielle, de la problématique générale de l’intégration dans le système éducatif allemand des enfants et jeunes issus de l’immigration. 9 A propos de cette problématique générale, plusieurs auteurs se sont exprimés d’une façon concordante: - Prof. Franz Hamburger, 2005 « Migration und Bildung : Über das Verhältnis von Anerkennung und Zumutung in der Einwanderungsgesellschaft » (Migration et formation : les relations d'une reconnaissance et d'une exigence dans la société d'immigration). Dans son ouvrage, Franz Hamburger déclare que les deux études Pisa menées en 2000 et 2001 sont unanimes lorsqu’elles révèlent l’échec scolaire des enfants des migrants. Cet échec frappant a tendance à rester stable. En outre, il déplore le fait que des publications locales et une certaine opinion publique semblent mettre l’accent sur les insuffisances des enfants des migrants plutôt que sur les faiblesses du système d’enseignement allemand. - Christoph Feighofen, 2003 « Das schwedische Bildungssystem und die Integration von Kindern mit Migrationshintergrund. Ein Vorbild für Deutschland? ». Feighofen fait une étude comparative des politiques d’intégration scolaire des enfants issus de l’immigration en Suède et en Allemagne. Il considère que l’Allemagne devrait prendre modèle sur la Suède. - Ursula Clauditz, 2007 « Die Schul-und Bildungssituation von Jugendlichen mit afrikanischem Migrationshintergrund. » Clauditz soutien que l'éducation et la formation dans un pays d'immigration comme l’Allemagne doivent encourager, soutenir et promouvoir tous les enfants. Les compétences et les faiblesses des enfants d’origines africaines doivent être exploitées et prises en compte dans le processus d’intégration dans les écoles allemandes. - Maria Böhmer, 2006 « L’égalité des chances et l’intégration commence par l’éducation et la formation… Tous les jeunes ont droit à la formation qui leur convient. » - Mona Motakef (2006) dans son étude «Le droit de l’homme à la formation et à la protection de discrimination, de risques d’exclusions et le droit à la possibilité d’intégration » considère que des stratégies qui font le pari de l’intégration sociale ne signifient non seulement un avantage pour les enfants et adolescents qui font l’expérience de la discrimination, on se doit de leur ouvrir les portes par des mesures d’intégration dans la formation pour qu’ils puissent participer à la vie en société. Prétendre faire un travail exhaustif en un tel domaine, plus encore que dans d’autres domaines, est impossible. Il ne saurait s’agir pour nous de prétendre à un panorama exhaustif de tout ce qui, dès aujourd’hui et depuis déjà un certain temps, est mis en place pour essayer de résoudre les problèmes éducatifs des enfants des familles migrantes. Notre objectif est de pénétrer, par une analyse systémique, au cœur du « système éducatif allemand » - ce terme doit être interrogé ; y a-t-il un système ou des systèmes éducatifs en Allemagne? - pour voir comment les jeunes migrants africains d’origine subsaharienne peuvent y être intégrer, dans la perspective d’accéder aux filières de réussite sociale et professionnelle, grâce bien entendu à l’éducation prioritaire, à une meilleure orientation et à une ouverture sociale de l’enseignement supérieur. Notre hypothèse générale en l’amorce de cette étude est que la politique éducative en Allemagne ne favorise pas la réussite scolaire des enfants d’origine étrangère, en l’occurrence les jeunes migrants originaires d’Afrique francophone subsaharienne. Ainsi suscite-t-elle au mieux la méfiance des bénéficiaires, au pire leur hostilité. L’accusation majeure formulée à l’égard du système scolaire allemand, sans adopter de jugement a priori, est son manque d’intérêt pour les populations d’origine étrangère. On lui 10 reproche en outre de ne pas donner les bases nécessaires et suffisantes aux enfants d’immigrés pour la poursuite des études et de ne pas être en prise avec les diversités culturelles. De même la formation des enseignants est remise en cause. Comparant le processus d’intégration en Allemagne, en France et en Grande-Bretagne, Dominique Schnapper (2007) déclare : « L’Allemagne est le seul pays où la différence reste forte, les enfants de migrants n’atteignent que rarement le niveau universitaire et, de manière générale, leur réussite scolaire est faible. Si la situation s’améliore lentement, elle reste très inégalitaire et les sociologues soulignent que la relégation des enfants de migrants vers les filières courtes est de caractère discriminatoire. Les filles et fils de migrants qui entrent à l’université son encore peu nombreux ». Dans son rapport, Vernor Munoz (2007) considère que le système éducatif allemand est « extrêmement sélectif » et demande avec insistance à l’Allemagne de reconsidérer le système scolaire de multiples niveaux et de supprimer les différences fédérales dans l’organisation et la mise en oeuvre. « La répartition prématurée d’élèves d’âge moyen de dix ans sur des parcours scolaires différents est extrêmement sélective, atypique en comparaison internationale (…) De cette façon les élèves ne pourraient pas être évalués convenablement et seraient particulièrement désavantagés quand ils sont issus de familles de faibles ressources, d’immigration ou quand ils sont handicapés ». Le même constat est fait par Georg Auernheimer (2003), professeur de « Pédagogie interculturelle » à l'université de Cologne lorsqu’il dit : « La répartition des élèves dans différentes filières scolaires avec une forte concentration des jeunes migrants dans des écoles Générales (Hauptschule) ou dans des écoles Spéciales (Sonderschule) encourage l'idée d'une inégalité naturelle suivant le talent et l'origine ethnique ». Pour sa part Lisa Britz (2005) souligne : « L’égalité de chances commence par l’éducation et la formation. Jusqu'à présent notre système éducatif ne correspond pas aux normes d’une société d'immigration ». De son côté, le chercheur en migration et pédagogue P. Mecheril (cité par L. Britz) fait remarquer que des enfants et jeunes migrants sont mis en mal par le système scolaire allemand qui renforce plutôt les attributions sociales selon un modèle d'esprit binaire "nous / autre", "propre / étranger" ou "en haut / en bas". Dans cet esprit, Marianne Demmer, vice-présidente du syndicat allemand de l’éducation et des sciences (GEW, 2006) pense qu’à l’avenir, l’Allemange aura besoin d’un système scolaire intégratif et inclusif et d’une réforme structurelle profonde à la base. En considérant tous ces points de vue nous pouvons émettre l’hypothèse que le système éducatif allemand comporte des inégalités d’accès aux savoirs qui sont, à la fois, de nature politique, pédagogique, socio-économique et socioculturelle. Pour corroborer ou infirmer cette hypothèse nous nous sommes proposé de la soumettre à l’épreuve du terrain, à travers des entretiens, des analyses des documents principalement, mais aussi à travers des observations grâce à nos expériences professionnelles et à nos engagements associatifs. Dans cette optique, notre recherche sera centrée sur les objectifs suivants : - étudier les réalités du système éducatif allemand dans son ensemble. Etudier les politiques en matière d’éducation des enfants des étrangers, au niveau fédéral et au niveau des Länder dont la Rhénanie du Nord-Westphalie 11 - - Etudier la marge de manœuvre de la jeunesse africaine (stratégies scolaires) face aux exigences du système éducatif allemand Etudier les modalités réelles de participation des parents d’élèves à la vie de l’école. Comprendre comment les familles construisent leurs propres expériences éducationnelles à travers leurs relations à l’école. Comprendre comment l’institution scolaire (directions d’école et enseignants) perçoit ces relations. Comprendre comment les jeunes migrants africains se situent dans ces interfaces relationnelles. Analyser les implications et responsabilités de part et d’autres Faire une évaluation des effets Originalité de l’étude Ce qui fait l’originalité de ce travail, c’est qu’aucune recherche à notre connaissance n’a été menée sur l’intégration scolaire des enfants et jeunes migrants d’Afrique francophone subsaharienne en Rhénanie du Nord-Westphalie, voire en milieu scolaire allemand. On sait peu de choses sur les africains noirs en Allemagne. Cette étude qualitative est la première du genre réalisée auprès de la population francophone d’Afrique subsaharienne en Rhénanie Westphalie. Elle contribue au développement de connaissances sur une population de loin minorisée et largement marginalisée sur le plan national (voir statistique fédérale). La présente recherche nous permet en conséquence de mettre en lumière, d’une part les déficits des visions et des politiques d’intégration éducative à partir des données sur l’échec scolaire et sur l’accès effectif des migrants à l’école et, d’autre part la complexité des défis auxquels est confronté l’ensemble des partenaires éducatifs, à savoir directions d’école, enseignants et parents d’élèves. Ce travail conserve un caractère exploratoire et ne prétend à aucune exhaustivité ou représentativité. La présentation des résultats de nos recherches sera structurée en trois grandes parties, ellesmêmes subdivisées en chapitres. La première partie définira le cadre général et spécifique dont relèvent les objets de l’étude. Elle sera consacrée à l’analyse du concept de l’intégration et à la question de l’immigration africaine en Allemagne. Nous définirons la notion de l’intégration en nous basant sur ce que quelques auteurs ont écrit. Quant à la migration, nous chercherons à quand remonte l’immigration africaine en Allemagne, plus précisément en Rhénanie du Nord-Westphalie ; quelle a été son importance en termes de données numériques, quelles sont les caractéristiques générales de la population africaine francophone d’origine subsaharienne en Rhénanie du Nord-Westphalie. La seconde partie sera une présentation du système éducatif allemand dans sa globalité, de la particularité du land de Rhénanie Nord-Westphalie, et du problème de l’intégration des élèves migrants originaires d’Afrique subsaharienne. La troisième partie articule l’intégration et la question de l’échec scolaire des enfants et jeunes migrants d’Afrique francophone subsaharienne à la lumière d’une enquête. 12 PREMIERE PARTIE CADRE GENERAL ET CONCEPTUEL 13 I.1. Analyse des concepts I.1.1 Intégration Le terme d’intégration est, comme le souligne Dominique Schnapper (2007), particulièrement ambigu parce qu’il appartient à la fois au langage politique et à celui de la sociologie. Bien que ce mot devienne de plus en plus « populaire », tout le monde ne l’utilise pas en lui donnant le même sens. Dans notre approche, nous envisageons cette notion sans rentrer dans le détail du paradigme lexical et épistémologique qu’elle soulève. D’un point de vue étymologique, le mot intégration (du latin « integrare » : rendre entier, action de faire entrer une partie dans le tout) vient du verbe intégrer qui est défini dans le Petit Larousse (2003) comme une « action visant l’assimilation d’une personne à un groupe ». Le terme « assimiler » étant à son tour défini comme « qui vise à rendre semblable aux autres ». Flynn (1989) définit l’intégration comme un processus par lequel des éléments sont amenés à constituer un tout unissant les différentes parties dans une totalité. Globalement, l’intégration peut être définie comme un processus d’insertion et d’adaptation d’un individu à un nouveau groupe, milieu ou dans une nouvelle société et culture, ceci en respectant les différences et les particularités de l’identité personnelle de l’individu. Pour Laurence Marfaing (2003), l’intégration est un processus mis en place tant par l’étranger lui-même que par la société d’accueil. Elle ne peut être gérée uniquement par une volonté individuelle. La société locale et les étrangers mis en présence développent mutuellement des stratégies d’intégration ou de rejet en fonction des événements et des circonstances. Ce terme peut se démultiplier à l’infini et il est utilisé dans bien d’autres domaines. Nous nous en référons ici à une conception sociologique du terme qui a trait aux modes de participation des individus ou des groupes à la vie collective et sociale. De ce point de vue, l’intégration est un processus qui interroge la formation et le maintien d’un collectif, les rapports entre un individu et un groupe et rend compte de la capacité des différents acteurs ainsi que des structures sociales dans lesquelles ils sont engagés à maintenir une cohésion sociétale, et/ou à s’y ajuster. Ce processus mutuel de réciprocité implique que « les individus et les groupes peuvent être intégrés selon des modes variés. La participation à la vie collective n’est ni uniforme ni égale pour tous les groupes, elle ne suit pas de direction unique, elle ne peut jamais être complète » (Schnapper, 1991 : 98). Ainsi, la participation aux instances de la vie collective ne peut être appréhendée selon une progression linéaire mais doit être davantage envisagée selon des caractéristiques qui laissent la place à des modes différents d’intégration. Lorsque nous considérons l’école comme un élément clé de la cohésion sociale, et plutôt que de percevoir les mécanismes qui tendent à assurer cette dernière, notre vision de l’intégration retiendrait davantage la complexité des étapes de transformations et d’ajustements que doivent opérer réciproquement les différents groupes en présence, dans leurs dimensions linguistiques, culturelles, socio-économiques, etc. Sur le plan idéologique, l’intégration est un mode de gestion des rapports entre groupes majoritaires et minoritaires qui se distingue du modèle assimilationiste par la centralité accordée à la reconnaissance symbolique et matérielle des groupes minorisés et de leur participation à la construction de la société. En ce sens, nous pouvons dire que la politique du 14 multiculturalisme / interculturalisme1 en Allemagne par exemple, représente une idéologie préoccupée de définir une vision pluraliste de la communauté nationale. Dans son analyse comparative, Schnapper (2007) fait remarquer qu’en Allemagne où les responsables politiques ont longtemps refusé que leur pays était devenu un pays d’immigration et où les aspirations au « multiculturalisme » ont été abondamment exprimées par la plupart des enseignants, chercheurs et travailleurs sociaux, la politique d’intégration a été officiellement adoptée depuis quelques années. A titre d’exemple, le Land de Rhénanie du Nord-Westphalie comporte un ministre de l’Intégration et annonce la création d’un Comité pour l’intégration composé de scientifiques, d’artistes, d’entrepreneurs et d’immigrés. Le gouvernement fédéral comprend également un sous-secrétaire pour l’intégration ainsi qu’un commissaire pour les migrations, les réfugiés et l’intégration. Cette politique fédérale constitue le cadre général sur lequel s’appuient et se construisent les politiques de gestion de la diversité en milieux scolaires. Toutefois, constate Altay A. Manço (2006) que dans bien de cas, à la différence des discours officiels sur l’interculturalité, les pratiques et les attitudes qui leur sont sous-jacentes sont souvent emprunts dans divers pays d’immigration d’un certain sens commun qui confond assimilation et intégration. Cet auteur définit la notion d’assimilation comme la résorption des spécificités migratoires et culturelles ou la transformation du « différent » en « semblable » de façon à ce que l’étranger devienne « invisible ». Cette vision ethnocentrique fait fi des apports culturels des groupes migrants à travers le processus d’acculturation, c'est-à-dire l’ensemble des processus d’acceptation, de rejet et de négociation nés de la rencontre de cultures et dépendant des rapports de force en présence. Au demeurant, l’intégration des immigrants et de leurs descendants est déterminée par la réussite scolaire, par l’accès à un travail valorisant et par une réelle reconnaissance socioculturelle de leur présence. Un contexte d’interactions équilibré offre aux communautés issues de l’immigration la possibilité de développer leur propre vie sociale et des espaces d’articulation de cette vie avec la société d’accueil. ____________________ 1 Le concept de multiculturalisme peut être défini comme un processus consistant à favoriser la reconnaissance et l’estime réciproque des diverses cultures au sein d’un même ensemble (pays), et à promouvoir l’expression et les manifestations progressives de ces cultures dans la société » (E.Renan, 2005) . Tolérance et accommodement sont au centre de cette approche qui considère par ailleurs que les cultures sont égales. On encourage la compréhension et le respect de la diversité culturelle et raciale. En outre, le multiculturalisme est un bon instrument pour supprimer les barrières faisant obstacle à la participation des citoyens, à un accès égal et à la répresentation au sein des institutions du pays (Dewing et Leman, 2006). Cependant, la démarche multiculturelle, tout en reconnaissant les différences, s’arrête en fait à une structure de cohabitation, de « coprésence » des groupes et des individus. Autrement dit le multiculturalisme est simplement la juxtaposition de fait de cultures différentes dont on n’envisage pas l’interaction (A. Manço, 2006). Pour sa part, l’interculturalisme correspond à la capacité d’intégration d’identités plurielles dans le but d’établir un équilibre entre les exigences de l’unité, à travers la reconnaisssance d’un pôle identitaire principal. L’approche interculturelle pose le concept d’interaction comme base pour la définition de la culture et de l’identité culturelle. Elle aide également à éviter les dangers de ghettoisation et d’exclusion en ce sens que la reconnaissance des identités culturelles passe par l’affirmation des droits et l’obligation de participer à la sphère publique. L’accent est mis ici sur l’importance de développer un « projet de société » auquel tout le monde prendrait part, peu importe le milieu d’origine. 15 L’autre notion qui sera mobilisée dans cette étude est celle de migration. I.1.2 Migration Du latin « migratio » ou « migrare » qui signifie se déplacer, le terme migration est définie dans Petit Robert comme: 1°) « Déplacement de populations qui passent d’un pays dans un autre pour s’y établir » ; « déplacement de populations d’un endroit à un autre » ; 2°) « Déplacement collectif, d’ordinaire périodique, d’une espèce animale sur de grandes distances ». Ce concept peut donc être défini comme déplacement d’une population, humaine ou animale, d’un endroit vers un autre. Chez l’être humain, ce processus s’accomplit dans le but de s’établir de façon permanente dans un autre endroit. Par contre, chez les animaux, les déplacements sont plutôt périodiques et visent à assurer la survie de l’espèce. Les périodes migratoires chez les animaux coincident avec la raréfication de la nourriture tandis que les populations humaines se déplacent pour assurer leur survie. Pour définir la notion de migration, Michaela Frost, dans son étude intitulée « Paradigmenwechsel in der deutschen Zuwanderungsdebatte »1, fait remarquer que les déplacements des populations humaines ont toujours été observés à toutes les époques et qu’ils font partie intégrante de l’histoire de l’homme. La migration n’est pas qu’un simple acte de passage de frontières, mais plutôt un long processus qui affecte les vies des personnes impliquées. C’est un phénomène inhérent à la condition humaine et la physionomie des déplacements de populations reflète un monde en perpétuel changement. D’un point de vue typologique, on distingue généralement deux principales formes de migration : la migration interne et la migration externe. Cette migration peut être volontaire ou forcée. La migration interne concerne le mouvement de personnes entre deux régions d’un même pays. C’est dans cette catégorie qu’on trouve les « personnes déplacées »2. La migration externe, appelée également migration internationale désigne le « mouvement de personnes qui traversent une/ des frontière(s) internationale(s) pour s’établir de manière permanente ou temporaire dans un autre pays » (D. Lucas & P. Meyer, 1994). Cette forme de migration est également définie par « Human rights of migrants »3 comme « une relocation territoriale des personnes entre les Etats-Nations ». C’est cette dernière catégorie de migration qui nous intéresse dans le cadre de ce travail. _____________________ « Changement de paradigmes dans le débat politique allemand sur la migration » (2005) 2 « Sont considérées comme personnes déplacées celles qui ont été forcées de quitter en grand nombre leurs maisons soudainement ou de manière inattendue, à la suite d’un conflit armé, conflit interne, une violence systématique des droits humains ou un désatre naturel ou accasionné par l’homme ; et qui se trouvent à l’intérieur de leur pays » (Boutros Ghali, 1992). 3 G. Rodriguez Pizarro, “Special Reporter of the Commission on Human rights in A/57/292, Human rights of migrants, Note by the Secretary-General, 9th August 2002 1 16 Sur le plan international, on distingue diverses formes de migration, nous en retiendrons principalement trois, à savoir : migration de travail (permanente ou saisonnière, volontaire ou forcée), migration d’études et migration de contrainte (des réfugiés et demandeurs d’asile). Pour cette étude, nous nous sommes particulièrement intéressé aux migrations d’études et de refügiés car, c’est dans ces deux catégories que s’inscrit essentiellement la migration africaine d’origine subsaharienne en Allemagne. On pourrait être amené à se demander pourquoi les gens migrent-ils? Sans rentrer dans le détail, nous pouvons dire avec Michaela Frost (op cit) que, la dynamique migratoire reflète l’interaction entre des facteurs répulsifs « push- Faktoren» et des facteurs attractifs « pull-Faktoren ». Les facteurs répulsifs sont ceux qui poussent les gens à quitter leur lieu de vie, à émigrer : manque de travail ou de services, faible niveau de sécurité, forte criminalité, famine, inondation, sécheresse, pauvreté, guerre, persécutions politiques, ethniques, culturelles ou religieuses. Les facteurs attractifs sont ceux qui attirent les gens dans une région particulière : plus de travail ou de services, meilleure qualité de vie, bonnes réserves de nourriture, meilleur climat et terre fertile, moins de risque de catastrophes naturelles, richesse, sécurité politique. D’après les Nations Unies, 191 millions de personnes vivaient en dehors de leur pays de naissance en 2005, soit 3% de la population mondiale1. Ces personnes sont appelées des migrants. Le terme migrant peut-être compris généralement comme toute personne qui vit de façon temporaire ou permanente dans un pays dans lequel il n’est pas né et qui a acquis d’importants liens sociaux avec ce pays. Cependant, cette définition peut être trop restrictive dans la mesure où elle reflète la difficulté à distinguer entre les émigrés qui partent ou sont partis de leur pays pour des raisons économiques et politiques et les immigrés qui arrivent ou sont installés dans un pays depuis plus longtemps. On fait également appel à ce terme pour nommer les enfants issus de familles migrantes qui sont nés dans le pays et qui n’ont personnellement pas migré. On peut donc ranger sous la dénomination de migrants des individus qui ont un vécu migratoire différent ; il faut commencer par différencier les migrants primo-arrivants de ceux établis depuis de nombreuses années et qui peuvent même être issus de la deuxième ou troisième génération. En effet, ce n’est pas pareil d’être un « enfant migrant » ou un « enfant de migrant », appelé également « enfant issu de l’immigration ». Le second peut être né dans le pays d’accueil et ne pas connaître directement l’expérience de migration, c’est le cas des enfants issus de la deuxième génération. Ces deux catégories d’enfants sont importantes pour notre étude, dans la mesure où leur intégration scolaire présente des situations similaires, en terme de difficultés. Nous allons donc construire ce travail autour de l’intégration scolaire des enfants migrants et des enfants de migrants ou issus de l’immigration. ________________________ 1 Nations Unies, International Migration, Facts and Figure, 2005 17 I.2. Immigration noire africaine en Allemagne et en Rhénanie Nord-Westphalie Ce chapitre a pour but de faire un aperçu du contexte historique des migrations en Allemagne, de localiser la Rhénanie du Nord-Westphalie et de définir, (en fonction des données mobilisables à notre disposition), la présence sur le sol allemand des africains d’origine subsaharienne, en particulier les ressortissants de pays francophones d’Afrique subsaharienne. I.2.1 Contexte historique des migrations en Allemagne L’immigration est un phénomène très ancien en Allemagne. De l’empire à nos jours, en passant par la République de Weimar et le 3e Reich, un flot ininterompu de migrants en quête de travail est arrivé en Allemagne (Steffen Angenendt, 2008, p.1). Bien avant la 2ème guerre mondiale, il y eut des périodes d’immigration en Allemagne de travailleurs de pays européens. En 1910 on y a recensé 1,3 million d’étrangers (Münz at al, 1999). Cependant avec la reconstruction et le boom économique des années 1950 la situation changeait. Le « miracle » économique allemand orienté vers l’exportation nécessita un apport important de main d’œuvre, entraînant la disparition du chômage et l’intégration dans l’économie ouestallemande des réfugiés de l’après-guerre et des expulsés (Luettinger, 1986). Malgré cette réserve de main d’œuvre et l’entrée annuelle de centaines de milliers de citoyens de la RDA, certains postes de travail dans les industries ne purent être pourvus dès le milieu des années 50. L’économie ouest-allemande commença alors à recruter des travailleurs en Europe du Sud. Un accord fut signé avec l’Italie en 1955, puis avec l’Espagne et la Grèce en 1960, la Turquie en 1961, le Maroc en 1963, le Portugal en 1964, la Tunisie en 1965 et enfin la Yougoslavie en 1968 (Rudolph, 1994). Le programme « Gastarbeiter » aboutit au recrutement de cinq millions de travailleurs étrangers. Le gouvernement prit lui-même l’initiative de cette immigration, dans le cadre d’accords bilatéraux et l’encouragea pour des raisons économiques (Münz at al, 1998). L’Allemagne de l’Est eut aussi ses immigrés, appelés « Travailleurs contractuels » (Vertragsarbeiter), venus, eux, de « pays frères » tels que Vietnam, Mozambique, Angola, etc. La plupart des « travailleurs immigrés » sont repartis dans leur pays d’origine, nombre d’entre eux sont restés en Allemagne pour y travailler et y vivre. Ce qui a commencé comme une migration temporaire à la fin des années 50 et 60 est devenue une immigration permanente, rendue en effet possible par les lois existantes. Le deuxième grand groupe d’immigrants est constitué par des rapatriés de souche allemande, qui ont vécu pendant de nombreuses générations dans l’ancienne Union soviétique, en Roumanie et en Pologne et qui sont revenus en Allemagne, notamment depuis l’éffondrement des régimes communistes. Selon la définition de l’Office fédéral des Statistiques, quelque 15 millions d’habitants en Allemagne sont issus de l’immigration (Statistisches Bundesamt, 2005). Les personnes de nationalité turques représentent le plus gros contingent d’étrangers avec environ 1,7 million de ressortissants, suivis par les Italiens avec 530 000 ressortissants. I.2.2 Immigration des Africains d’origine subsaharienne en Allemagne Comme nous l’avons mentionné en début de ce travail, une étude approfondie sur l’immigration noire africaine en Allemagne n’existe pas en tant que telle (Sieveking at al, 2008, p. 16,17). Jamais le sujet n’a été vraiment exploré. La littérature disponible à ce jour présente beaucoup de lacunes. Si l’Allemagne n’a pas fait appel aux noirs africains dans le 18 cadre d’importations de main-d’œuvre, c’est essentiellement pour des raisons idéologiques, liées au passé colonial et à l’histoire du Reich (Lise Willar, 2009). D’après Laurence Marfaing (2003), c’est à partir des années 1960 que les Africains d’origine subsaharienne commencent à s’installer sur le sol allemand. Leur présence est par contre jusqu’ici peu connue. Contrairement à d’autres pays colonisateurs, comme la France ou la Grande-Bretagne, qui comptent en leur sein d’importants effectifs de ressortissants des colonies, l’immigration noire africaine en Allemagne est très dispercée et reste bien moins importante en nombre. L’installation des ressortissants de l’Afrique subsaharienne s’est manifestée de façon occasionnelle et individuelle, si bien qu’ils apparaissent difficilement dans les annales officielles comme étant un groupe à part entière. Les rapports officiels et les statistiques fusionnent souvent ceux-ci dans le groupe « autres » (sonstige). Puisque notre étude concerne spécifiquement les populations francophones de l’Afrique subsaharienne, nous estimons donc nécessaire de savoir ce qu’on entend par Afrique subsaharienne et par Afrique francophone, avec bien entendu un accent particulier sur le terme « francophone ». I.2.2.1 L’Afrique subsaharienne Le continent africain compte près d’un milliard d’habitants qui vivent sur une superficie de 30 221 532 km². Il regroupe 57 pays, francophones, anglophones et lusophones. L’Afrique est subdivisée en deux grandes parties : l’ Afrique du nord et l’Afrique subsaharienne. L’Afrique subsaharienne appelée aussi Afrique noire, car peuplée principalement d’individus ayant la peau de couleur noire, est formée de 48 pays et peuplée d'environ 830 millions d'habitants. Ce sous-continent est une mosaique de peuples, de langues et de cultures, marquée par une histoire coloniale complexe. On y dénombre plus de 2011 langues parlées, et toutes les grandes religions y sont pratiquées (Naidoo, 2005). L’Afrique subsaharienne est généralement subdivisée en quatre sous-régions : l’Afrique de l’Ouest, l’Afrique de l’Est, l’Afrique centrale et l’Afrique australe. I.2.2.2 L’Afrique subsaharienne francophone. D’après le Petit Robert (2009) le terme « francophone » signifie : 1°) qui emploie habituellement le français, au moins dans certaines circonstances de la communication, comme langue première ou seconde ; 2°) En parlant d’un groupe, d’une région, dans lequel le français est pratiqué en tant que langue maternelle, officielle ou véhiculaire - même si les individus ne parlent pas tous le français -. On parle d’Afrique francophone subsaharienne pour désigner l’ensemble des pays de l’Afrique subsaharienne ayant la langue française en partage. D’après une étude de l’Universite de Laval au Québec publiée dans « Langue française et francophonie » en novembre 2005, l’implantation du français en Afrique remonte au XVIIIème siècle avec l’établissement des postes français au Sénégal, mais l’expansion de cette langue a commencé au XIXème siècle avec de nouvelles conquêtes militaires, l’effort d’évangilisation et le développement de l’organisation scolaire. Parmi les pays francophones de l’Afrique subsaharienne, le français est l’unique langue officielle au Bénin, au Burkina Faso, en République centrafricaine, au Congo-Brazzaville, au Congo-Kinshasa, en Côte d’Ivoire, au Gabon, en Guinée, au Mali, au Niger, au Sénégal et au Togo. On dénombre également des locuteurs du français langue maternelle dans tous ces pays. Par ailleurs, le français est une langue co-officielle au Burundi, au Cameroun, à Djibouti, en Guinée équatoriale, à 19 Madagascar, au Ruanda, au Tchad. Le nombre d’africains subsahariens francophones est estimé aujourd’hui à plus de 80 millions. I.2.3 Immigration des africains d’origine subsaharienne en Rhénanie du NordWestphalie La Rhénanie du Nord-Westphalie constitue le pôle d’implantation principale des africains d’origine subsaharienne. Il nous semble donc nécessaire de faire la présentation de cette région de la République fédérale d’Allemagne avant de cerner l’immigration des populations noires africaines dans cette partie du pays. I.2.3.1 La Rhénanie Nord-Westphalie La Rhénanie du Nord-Westphalie, en allemand Nordrhein-Westphalen, est une région (Land) de l’ouest de l’Allemagne. Sa superficie est de 34.083 km² et sa capitale Düsseldorf. C'est le Land allemand le plus peuplé avec 18,080 millions d’habitants soit plus de 23% de la population allemande (Statistische Ämter des Bundes und der Länder, 25.02.2005). Elle affiche une densité démographique du double de la moyenne allemande, avec une concentration dans les villes de la vallée du Rhin et de la Ruhr. Ce Land a le plus fort poids économique du pays, en partie grâce à sa région industrielle de la vallée de la Ruhr. Le charbon et l’acier du bassin de la Ruhr sont aujourd’hui concurrencés par la biochimie et les technologies de pointe. La Rhénanie du Nord-Westphalie est frontalière de la Belgique à l’ouest et des Pays-Bas à l’ouest et au nord-ouest et d'autres Länder allemands : la Basse-Saxe au nord, la Rhénanie-Palatinat au sud-ouest et la Hesse au sud-est. Le Land comprend la partie septentrionale de la vallée du Rhin, de l’ancienne capitale Bonn jusqu’à Clèves près de la frontière néerlandaise. C’est là que se situe la région industrielle de la Ruhr. La Rhénanie-Westphalie est traversée par le Rhin et le land dispose d'un réseau de communications intense. Ces grandes villes sont : Düsseldorf, la capitale ; Cologne, célèbre pour sa cathédrale, son carnaval et sa fameuse "eau de Cologne" ; Bonn a été choisie en 1949 comme capitale de l'Allemagne et le restera jusqu'à la réunification de 1990 ; Essen et Dortmund, métropoles du bassin de la Ruhr ; Aix-la-Chapelle (Aachen), capitale de l’Europe sous l’empereur Charlemagne ; Duisbourg et son grand port fluvial. La prosperité de ce Land est aussi le fruit de l’étroite coopération entre l’économie, la science et la recherche. Avec plus de 60 universités et instituts supérieurs de technologie, la Rhénanie Westphalie a une capacité d'accueil de plus de 400.000 étudiants. Six des douze plus grandes universités d’Allemagne se trouvent dans cette région. Plus de 50.000 étrangers étudient dans des établissements d’enseignement supérieurs de Rhénanie du Nord-Westphalie. 20 I.2.3.2 L’Afrique subsaharienne en Rhénanie du Nord-Westphalie I.2.3.2.1 Importance subsaharienne numérique et composition de l’immigration africaine Parmi les rares travaux qui font état des africains subsahariens en Allemagne, il y a l’étude exploratoire de Sieveking, Fauser et Faist (2008) qui fait ressortir différents aspects intéressants en ce qui concerne les migrations noires africaines en Rhénanie Nord-Westphalie. D’après ces auteurs, l’immigration en Allemagne et en Rhénanie Nord-Westphalie des Africains d’origine subsaharienne est difficilement saisissable, compte tenu des difficultés à obtenir des chiffres fiables et du fait de la spécificité de cette migration qui, par définition, est une minorité d’installation hétéroclite, relativement récente par rapport à beaucoup d’autres communautés d’étrangers résidant en Allemagne. Même les rapports migratoires (Migrationsberichte) du gouvernement fédéral, qui n’existent d’ailleurs que depuis peu (2001), n’en font pas mention dans leurs publications annuelles. Selon les données statistiques obtenues dans différentes administrations : Administration des Etrangers (Ausländerbehörde), Service fédéral pour la Migration et les Réfugiés (Bundesamt für Migration und Flüchtlinge) et des bureaux de la Statistique (Statistisches Amt) du Land Rhénanie Westphalie mais aussi du Gourvernement fédéral, les africains, toutes origines ethnoculturelles confondues, constituent aujourd’hui 4,1% des étrangers et environ 0,3% de la population totale en Allemagne. Sur les 274.929 personnes d’origine africaine vivant actuellement en Allemagne, un tiers revient à la Rhénanie-du-Nord-Westphalie, soit 91.977 personnes (Bundesamt für Migration und Flüchtlinge, 2005). S’agissant de l’Afrique subsaharienne, 153.087 personnes vivent sur le territoire allemand en 2005 dont plus d’un quart en Rhénanie-du Nord-Westphalie, c'est-àdire 27% ou 41.376 personnes (Statistisches Bundesamt, 2005). D’après le Ministère de la famille, des femmes et de l’intégration de la Rhénanie-du-Nord-Westphalie, environ 5% des étrangers vivant en Rhénanie-du-Nord-Westphalie sont d’origine africaine (Ministerium für Generationen, Familie, Frauen und Integration des Landes Nordrhein-Westfalen, 2006). Selon les données de l’Administration fédérale des statistiques datées du 31.12.2005 (Statistiches Bundesamt, 2005), dix nationalités constituent le plus gros contingent d’immigrants africains d’origine subsaharienne en Rhénanie du Nord-Westphalie, de par leur importance en nombre : plus de 1000 personnes par pays. A eux seuls ces dix pays représentent plus de trois quarts des ressortissants africains subsahariens en Rhénanie Westphalie (voir Graphique). Il s’agit de : République démocratique du Congo, Ghana, Nigéria, Cameroun, Togo, Angola, Somalie, Kenya, Ethiopie et Côte d’Ivoire. 21 GRAPHIQUE Source : Graphique réalisé par nous-même sur base des données statistiques du Statistische Bundesamt (31.12.2005). 22 Comme nous l’avons déjà dit, les personnes originaires de l’Afrique subsaharienne sont présentes en Allemagne à la faveur des voies migratoires hétérogènes. En d’autres termes les motifs de la présence des ressortissants des pays de l’Afrique subsaharienne en Allemagne et en Rhénanie du Nord-Westphalie sont divers. D’une façon générale, il y a lieu de distinguer au moins trois types de migration : la migration estudiantine, la migration de réfugiés et demandeurs d’asile et le regroupement de familles. La migration de travail n’est pas officiellement autorisée en Allemagne, un arrêt du recrutement de main-d’œuvre étrangère étant en vigueur depuis 1973 (Münz, 1998). I.2.3.2.2 Migrations estudiantines des populations d’Afrique subsaharienne en Rhénanie du Nord-Westphalie Comme beaucoup d’autres pays européens, l’Allemagne avait ouvert ces frontières aux élites africaines issues des premières années des indépendances. Il s’agit alors d’un processus lent et progressif. Les décennies soixante et soixante-dix voient les premières installations en Rhénanie du Nord-Westphalie des populations issues de pays africains subsahariens. Les primo-arrivants d’Afrique subsaharienne étaient essentiellement des étudiants venus poursuivre leurs études ou une formation professionnelle, dans la perspective de décrocher une haute qualification ou un diplôme de niveau supérieur, afin d’accéder à une position socio-économique convenable dans le pays d’origine. D’après les données statistiques recuillies par Martina Nebel (1994, p. 588), environ 650 étudiants originaires d’Afrique subsaharienne (non naturalisés) sont inscrits dans les universités allemandes en 1986. Au recensement de la population estudiantine de 2006 (Sieveking, 2008), 62.533 étudiants étrangers sont inscrits dans les universités et instituts supérieurs de la Rhénanie du NordWestphalie, dont 6.474 viennent du continent africains, parmi lesquels 2.646 originaires d’Afrique subsaharienne (voir Tableau 1). Toutefois, cette présence africaine en Allemagne était au départ purement individuelle et revêtait un caractère temporaire. Comme le dit M. Nebel (op cit) la loi allemande relative à l’entrée et au séjour des étrangers ne permettait pas aux étudiants étrangers de stabiliser leur séjour ni de changer de statut à la fin de leurs études : « Die Aufenthaltsbewilligung (§ 27, AuslG) ist ein zweckgebundener und befristeter Aufenthaltstitel, der die Erlangung eines späteren Daueraufenthaltes ausschließt. »1 "L'autorisation de séjour (§27, Code d’entrée et de séjour des étrangers) est un titre de séjour lié au motif et limité dans le temps qui exclut l'acquisition d’un séjour permanent plus tard." Même si ces populations gardèrent majoritairement à l’esprit l’idée de retourner dans leur pays d’origine une fois leurs études ou formations achevées, l’instabilité sociopolitique et économique de nombreux pays africains les en dissuadera et renverra à plus tard la concrétisation d’un tel projet. C’est ainsi en général qu’une grande partie des étudiants africains s’installent définitivement dans le pays d’accueil, une fois leurs études terminées, ou même sans avoir fini leur cursus. Mais changer de statut apparaît quelque peu problématique dans la mesure où la loi allemande ne permet pas aux étudiants étrangers de s’installer définitivement sur le territoire allemand à la fin de leurs études. Par contre cette loi (qui subira des modifications plus tard) prévoyait la possibilité d’accorder aux titulaires d’un diplôme universitaire un permis de séjour limité à deux ans, au cas où un emploi en adéquation avec sa formation lui serait offert. ________________________________________ 1 Der Bundesminister des Innern, (Hg.), V II 2 – 125 312/22, Das neue Ausländerrecht der Bundesrepublik Deutschland, der Bundesminister des Innern, Bonn, 1992, S.16 23 Une autre possibilité de changer de statut pour les étudiants étrangers était le mariage avec un partenaire allemand ou avec un étranger en possession d’un titre de séjour en bonne et due forme. C’est ainsi que la plupart des étudiants d’Afrique subsaharienne, au départ en situation de mobilité, avec un statut de résident temporaire, devenaient plus tard des migrants permanents. Changer de statut devenait économiquement intéressant. Comme l’affirme Andrea Schmelz (2007), l’entrée dans la vie professionnelle et les possibilités pour les étudiants africains d’entamer une carrière en Allemagne ont été facilitées par la nouvelle loi sur l’immigration et la nationalité adoptée en 2004. L’obligation de donner la priorité aux travailleurs nationaux par rapport aux diplômés universitaires originaires de pays tiers lors de recrutements pour des postes à pourvoir a été supprimée en novembre 2007. Tableau 1 : Etudiants originaires d’Afrique subsaharienne inscrits dans des établissements d’enseignement supérieur en Rhénanie du Nord-Westphalie durant le semestre d’hiver 2005/2006. Pays Etudiants Cameroun 1.302 Nigéria 146 Togo 116 Mauritanie 105 Ghana 96 Kenya 94 République dém. Congo 85 Soudan 71 Côte d’Ivoire 70 Sénégal 59 Source : Tableau réalisé par nous-même sur base des données statistiques du Ministère de la Rhénanie du Nord-Westphalie pour l’innovation, la science, la recherche et la technologie (MIWFT, 2008). Parmi les groupes de migrants intellectuels d’Afrique subsaharienne représentés en Rhénanie Westphalie, le Cameroun occupe la première place avec plus de 50% des étudiants (Sieveking, 2008). Deux facteurs peuvent expliquer cette présence significative des étudiants camerounais en Rhénanie du Nord Westphalie : tout d’abord, comme le dit Andrea Schmelz dans son étude sur la diapora camerounaise (2007), l’immigration estudiantine joue un rôle majeur chez les camerounais, contrairement à d’autres groupes de migrants venant de l’Afrique subsaharienne. La politique migratoire de l’Allemagne ayant rendu facile l’obtention du visa d’études pour les migrants intellectuels du Cameroun. Deuxièmement, le nombre relativement élevé de migrants originaires du Cameroun par rapport à celui d’autres ressortissants de pays d’Afrique subsaharienne vivant en Allemagne. Les Camerounais sont devenus en nombre le troisième groupe en provenance d’Afrique subsaharienne, après les Ghanéens et les Nigérians. Par ailleurs le Cameroun reste en tête des pays francophones d’Afrique subsaharienne représentés en Allemagne. Toutefois, la population camerounaise 24 n’est pas constituée que des migrants d’études, on dénombre également des camerounais ayant un statut de réfugié ou demandeur d’asile, au même titre que beaucoup d’autres ressortissants d’Afrique subsaharienne. I.2.3.2.3 Migrants noirs africains : réfugiés, demandeurs d’asile Selon les articles premiers de la Convention de Genève de 1951 et du protocole de 1967 relatif au statut des réfugiés, un réfugié est une personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle ; ou qui si elle n’avait pas de nationalité se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner. Plusieurs personnes originaires de pays d’Afrique subsaharienne ont immigré en Allemagne comme réfugiés politiques ou demandeurs d’asile. Cet afflux massif des Aafricains vers les pays européens est la conséquence de la situation politique et socio-économique qui ne cesse de se dégrader dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne. En effet, les décennies soixante et soixante-dix constituent une période charnière d’édification et de consolidation des systèmes politiques des nouveaux Etats africains. Au cours de ces années, de nombreux pays font face à l’instabilité de leur situation sociale, politique et économique. L’euphorie suscitée par les indépendances a cédé la place à une série de problèmes et a donné lieu à de multiples mouvements de population. Un des problèmes majeurs hérités du passé colonial touche à la gestion de la multiplicité d’ethnies peuplant ces pays, qui fut à la base de certaines tensions et guerres tribales survenues avant, pendant et après la décolonisation (B.Kagné, 2000). Selon l’étude menée par Marianne Jacquet, Danièle Moore, Cécile Sabatier et Mambo Masinda (2008), trois grandes phases caractérisent l’histoire politique africaine des 40 dernières années : 1°) les guerres d’indépendances et les turbulences politiques qui ont suivi l’accession des pays à l’indépendance ; 2°) les régimes dictatoriaux ; et 3°) la vague de démocratisation qui a commencé sur le continent depuis les années 1990. La plupart des états africains ont acquis leurs indépendances au début des années 60, une décennie considérée comme une période historique marquant la moblilisation des peuples africains contre la colonisation. Partout en Afrique les pays se sont libérés l’un après l’autre du joug colonial. Dans certains pays comme la République démocratique du Congo, le Burundi, le Ghana et la Guinée-Conakry par exemple, l’accession à l’indépendance n’a pas entraîné de longs conflits. En revanche, de longues guerres d’indépendances ont ébranlé d’autres parties du continent comme le Zimbabwe, la Namibie, le Mozambique et l’Angola. La plupart des pays ont instauré, peu après leur accession à l’indépendance, des régimes politiques adoptant une démocratie libérale. Toutefois, une combinaison de facteurs complexes, incluant les jeux de manipulation étrangère (Amin, 1973), l’immaturité politique des élites africaines (Young, 1980), l’héritage colonial (frontières inadéquates, déplacements forcés de populations, etc.) (Mandani, 1996), la manipulation ethnique (Prunier, 1999), et un contexte géopolitique de guerre froide, a servi à justifier l’instauration de régimes dictatoriaux forts dont le but à tout le moins explicite était d’assurer la construction de nations homogènes 25 et d’éviter que les pays ne tombent sous l’influence idéologique de l’un ou l’autre bloc politique (Masinda, 2004). Pendant plus de trois décennies, un calme relatif s’est instauré dans certains pays comme la Tanzanie et la Zambie, alors que d’autres, comme le Nigéria, l’Ethiopie, la Somalie, la République démocratique du Congo, la Côte d’Ivoire et le Tchad, ont connu d’incessantes guerres civiles alimentées par des griefs basés sur l’exclusion politique, le désequilibre économique régional, le tracé des frontières et l’hégémonie d’un groupe ethnique sur d’autres. Au début des années 90, une vague démocratique s’est amorcée suite à une combinaison de facteurs internes aux Etats africains et de facteurs liés à la fin de la guerre froide. Sur le plan interne, la mauvaise gestion de la chose publique (Bayar, 1989) a brisé le contrat social entre l’Etat et la population, poussant ainsi les citoyens à trouver allégéances dans le repli identitaire ethnique, religieux ou régional. Sur le plan international, toute l’importance que détenait l’Afrique pendant la guerre froide s’est estompée au profit des seules considérations économiques, désormais prévalentes. Dans ce contexte de fragilité, privées du soutien financier et militaire des pays occidentaux, les élites politiques africaines ont dû céder à la pression populaire, exigeant davantage d’espace de liberté politique et de justice économique. Le passage difficile et mouvementé de régimes dictatoriaux à la démocratie s’est soldé par des guerres fratricides, dont les plus atroces sont celles qui ont déchiré les populations rwandaises, burundaises et congolaises à la fin des années 90 (Sada, 2003 ; Prunier, 1999). Ces conflits armés ont entraîné des mouvements forcés de populations, à l’intérieur du continent africain, ainsi que vers l’Europe et l’Amérique du Nord. On serait bien amené à se demander pourquoi malgré les barrières linguistiques, les ressortissants africains francophones subsahariens ont choisi l’Allemagne ? Cette question reviendra sans cesse lors de nos entretiens avec les personnes concernées. Pour la plupart, le passé colonial joue un rôle moins important dans le choix de l’Allemagne en tant que pays de destination, en comparaison de la France et de l’Angleterre. Les migrants d’études choisissent l’Allemagne pour « sa force économique, son niveau technique et son talent d’organisation ». Pour d’autres, l’Allemagne étant économiquement forte, le choix de ce pays permet une meilleure amélioration du niveau de vie. D’autres par contre disent avoir choisi l’Allemagne puisque n’ayant pas d’autre choix. D’un point de vue numérique, le nombre de demandeurs d’asile en provenance d’Afrique est de 67.408 en 1992 (Bundesamt für Migration und Flüchtlinge, 2005). On constate à la fin des années 90 une tendance générale à la baisse de la migration de réfugiés africains ; moins de 20.000 demandes d’asile par an. La majorité des demandeurs d’asile originaires d’Afrique subsaharienne en Allemagne provient du Nigéria, du Ghana, de la République démocratique du Congo, du Togo, de l’Angola, de Côte d’Ivoire, du Cameroun, de Somalie, du Kenya et de l’Ethiopie. Il est à noter que la plupart des demandes d’asile de ces populations font l’objet de refus de la part des autorités allemandes. Par exemple le taux de refus pour les ressortissants du Nigéria est de 88,8% en 2004 et de 85% en 2005 (Sieveking, op cit). De son côté, Schmelz (2007) constate que depuis l’an 2000, seulement 2 à 4 camerounais ont été reconnus réfugiés politiques par an. Plusieurs demandeurs d’asile africains vivent aujourd’hui en Allemagne en tant que « réfugiés tolérés », un bon nombre est inscrit au registre central des étrangers sans aucun titre de séjour, ce sont des réfugiés tolérés mais non reconnus. D’autres par ailleurs se trouvent depuis des années dans l’attente d’une décision qui 26 peut s’éterniser. Ce qui rend encore plus difficiles leurs conditions de vie et diminue également les chances d’intégration (Sieveking, 2008). Ceci nous mène à intégrer la question du droit d’asile en Allemagne dans le but d’une compréhension plus globale. I.2.3.2.3.1 Droit d’asile en Allemagne L’article 16 de la Constitution allemande (Grundgesetz) stipule : « Les personnes persécutées pour des raisons politiques ont droit à l’asile ». Jusqu’en 1993 ceci signifiait un droit personnel et individuel de se voir accorder l’asile si l’on était en mesure de prouver la persécution. Cette mesure a été introduite en raison du contexte historique de la seconde guerre mondiale et du fait que plusieurs hommes politiques allemands étaient en exil de 1933 à 1945 (Münz et Ulrich, 1998). La nette augmentation du nombre de demandeurs d’asile entre 1988 et 1992 et l’ampleur de l’immigration durant cette même période déclenchèrent des débats sur la nécessité d’amender la loi sur l’asile, en restreignant l’accès au statut. Le CDU (Union des démocrates chrétiens) et le CSU (Union des sociaux chrétiens) ainsi que d’autres partis conservateurs voulaient essentiellement limiter le nombre des entrées d’étrangers, y compris celui des demandeurs d’asile. On insistait sur le fait qu’une partie de ses demandeurs ne souffrait pas de persécution mais qu’ils venaient pour des raisons économiques. Le parti des sociaux démocrates (SPD) et une partie des libéraux démocrates (FDP) souhaitaient un ensemble de mesures définissant l’immigration légale, l’intégration sociale et la naturalisation. En 1993 ces débats aboutirent à une modification de la loi d’asile (Blahusch, 1994 ; Bade, 1994b). La réforme a tout d’abord concerné la « loi fondamentale ». La deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article 16 « les persécutés politiques jouissent de l’asile » a été remplacée par l’article 16a, dont le premier alinéa reprend sans modification la formulation précédente, conservant ainsi au droit d’asile son rang de droit fondamental individuel. Cependant, quatre alinéas y ont été ajoutés : ils excluent certaines catégories de demandeurs d’asile du champ d’application du premier alinéa et lui enlève donc son caractère universel. Le législateur a ensuite adopté une loi modifiant les dispositions relatives à la procédure d’asile. Cette loi, entrée en vigueur le 1er juillet 1993, remplace la loi précédente, qui avait été adoptée en 1982. La nouvelle loi définit un certain nombre de cas dans lesquels la demande d’asile est présumée « manifestement infondée », et donc examinée préalablement selon une procédure simplifiée et accélérée. La possibilité de demander le statut de réfugié a été limitée de deux façons. Premièrement, les demandeurs entrés en Allemagne via d’autres états de l’Union Européenne ou de n’importe quel autre pays « sûr » peuvent être contraints de retourner dans ces pays. Deuxièmement, une procédure de reconnaissance simplifiée a été introduite pour les demandeurs d’asile des pays dit « sans persécutions » ; dans la plupart des cas elle aboutit à un rejet de la demande et à une possible expulsion. Etant donné que l’Allemagne est entourée de pays « sûrs », signataires de la Convention de Genève, les demandeurs d’asile ne peuvent engager une procédure que s’ils accèdent au territoire allemand par bateau ou par avion, ou si le pays de transit ne peut être identifié. Bref, l’ensemble des modifications apportées à la loi de 1982 permettent, d’une part, de restreindre le champ d’application du droit d’asile et, d’autre part, d’écarter dans de nombreux cas la procédure normale d’examen des demandes, avec toutes les garanties juridictionnelles qu’elle comporte. La procédure actuelle pour accorder ou refuser le droit d’asile ne reconnaît les cas de persécutions individuelles ou des droits de l’homme que si elles sont clairement de nature politique et le fait des dirigeants des pays d’origine. Cela signifie aujourd’hui qu’une 27 « simple » menace de mort ou d’atteinte à la liberté du demandeur due à une guerre civile, à l’exercice de la terreur ou à des tortures, ne permet plus de justifier d’une demande d’asile (Münz, op cit). Mais de nombreux demandeurs à qui on n’a pas accordé le statut de réfugié politique sont tolérés et ne sont pas renvoyés dans leur pays d’origine comme le prévoit la Convention de Genève. Contrairement à une opinion répandue, cette convention n’oblige pas un Etat signataire à accorder l’asile à un réfugié, mais l’empêche seulement à l’expulser arbitrairement dans une région dans laquelle sa vie serait en danger. Par ailleurs, ce sont les pays d’accueil qui décident sur la forme et la durée de la procédure d’asile, des conditions de vie des demandeurs ainsi que de la « tolérance » ou de l’expulsion en cas de refus de la demande (Michaela Frost, 2005 ; Changement de paradigmes dans le débat politique allemand sur l’immigration). Dans la procédure d’une demande d’asile en Allemagne, il y a différentes décisions administratives qui engendrent des situations, des droits et des traitements différents. Le cas le plus favorable est la reconnaissance du réfugié au droit d’asile. Il en résulte un titre de séjour durable qui permet au réfugié de s’intégrer dans la société. L’époux ou l’épouse ainsi que leurs enfants mineurs seront également reconnus. C’est la reconnaissance en vertu de l’article 16a. Si une telle reconnaissance échoue, le réquérant peut bénéficier d’une protection ou interdiction d’expulsion et obtenir ainsi le « Duldung » (séjour toléré). Il ne s’agit pas d’un permis de séjour, mais seulement d’une suspension d’expulsion, c’est une situation d’attente. En 1994, selon des estimations du ministère de l’Intérieur, plus de 1,7 million de réfugiés et de demandeurs d’asile vivaient en Allemagne (Bericht 1995). Le groupe le plus important (650 000) était celui des réfugiés de facto, ceux à qui on n’avait pas accordé l’asile politique, mais dont le séjour était toléré pour des raisons politiques et humanitaires. Le second groupe (415 000) était composé de demandeurs dont le dossier était encore à l’étude. Il n’y avait en fait que 267 000 réfugiés (membres des familles compris) reconnus officiellement et autorisés à résider de façon permanente en Allemagne. I.2.3.2.4 Regroupement familial Le regroupement familial constitue l’une des filières légales permettant l’entrée des étrangers en Allemagne (Münz, op cit). La loi de 1990 sur l’entrée et le séjour des étrangers précise que le regroupement familial constitue un droit qui se fonde sur la protection constitutionnelle offerte au mariage et à la famille. L’article 6 de la loi fondamentale (Grundgesetz) énonce en effet : « Le mariage et la famille bénéficient de la protection particulière de l’ordre politique ». En règle générale, la reconnaissance du droit au regroupement familial se traduit par l’attribution d’un permis de séjour d’une durée limitée aux membres de la famille. De plus, ce permis est lié á la présence en Allemagne de la personne autour de laquelle s’effectue le regroupement. Les permis à durée limitée obtenus au titre du regroupement familial peuvent ensuite, le cas échéant, et sous réserve du respect de certaines conditions (durée minimale de séjour, maîtrise de la langue allemande, etc.), être transformés en permis à durée illimitée. Cependant, l’intensité du regroupement familial a souvent été retardée par les périodes de récessions ou pour des raisons de politique migratoire (Velling, 1993a). Les modifications apportées à la loi de 1990 ont multiplié les restrictions au regroupement familial. De façon générale, le regroupement familial en Allemagne est subordonné à quatre conditions1 : __________________________ 1 Conditions définies par le « Service des Affaires Européennes » (1998) 28 - - - La personne qui demande à en bénéficier pour entrer en Allemagne ne doit pas être passible d’expulsion. L’étranger autour duquel s’effectue le regroupement doit être titulaire soit d’un permis de séjour, d’une durée limitée ou non, soit d’un droit de séjour permanent, soit d’un titre de séjour exceptionnel (accordé pour des raisons humanitaires ou politiques), soit d’un titre de séjour particulier (attribué pour une durée limitée sans possibilité de prolongation et dans un but précis : stage, études…). Il doit disposer d’un logement suffisamment spacieux, c'est-à-dire correspondant aux normes des logements locatifs publics, les critères d’appréciation devant être les mêmes que ceux utilisés pour les Allemands. Cette condition n’a pas besoin d’être remplie dans le cas d’un étranger à qui le droit d’asile a été reconnu. Il doit pouvoir subvenir lui-même aux besoins de sa famille, par quelque moyen que ce soit (revenus professionnels ou autres ressources personnelles. Si l’étranger autour de qui s’effectue le regroupement détient un titre de séjour particulier, les prestations de l’aide sociale ne peuvent pas être prises en compte lors du calcul des ressources. Même si toutes ces conditions sont remplies, le regroupement familial peut être refusé si l’étranger à recours à l’aide sociale pour subvenir aux besoins d’autres étrangers membres de sa famille installés en Allemagne ou d’autres personnes vivant sous son toit, dans la mesure où l’entretien de ses personnes lui incombe. Les personnes concernées par le regroupement familial sont principalement le conjoint et les enfants. D’autres membres de la familiale peuvent également bénéficier de cette disposition. a) Le conjoint d’un étranger est en géneral admis à séjourner en Allemagne si lui-même remplit l’une des quatre conditions suivantes : - le droit d’asile lui a étét reconnu - il a un droit de séjour permanent - il n’a qu’un permis de séjour de durée limitée, mai le lien conjugal existait au moment de l’entrée en Allemagne et il a été mentionné lors de la demande du permis. - il a un permis de séjour d’une durée illimitée, est né en Allemagne ou y est arrivé enfant, y a séjourné de façon régulière pendant au moins huit ans, et est majeur. Par ailleurs, le conjoint peut se voir accorder un permis de séjour autonome si son époux décède ou si les époux ont réellement mené une vie conjugale commune pendant quatre ans. Cette condition de durée est revue à trois ans seulement lorsque les époux mettent fin à leur vie commune et que le fait de ne pas accorder au conjoint un permis de séjour autonome constituerait un grave préjudice pour lui. b) Les enfants mineurs et célibataires d’un bénéficiaire du droit d’asile ont droit à un permis de séjour. Dans les autres cas, pour que les enfants d’un étranger résidant en Allemagne aient droit à un permis de séjour, il faut que les conditions suivantes soient remplies : - que les deux parents (un seul en cas de décès) aient un permis de séjour - que les enfants aient moins de seize ans Lorsqu’ils atteignent l’âge de seize ans, les enfants ont droit à un permis de séjour autonome à condition de posséder un permis au titre du regroupement familial depuis huit ans. Pour les enfants arrivés en Allemagne trop tard pour pouvoir bénéficier de cette disposition, le permis autonome est attribué au moment de la majorité, mais seulement si certaines conditions sont remplies (présence depuis 8 ans en Allemagne, maîtrise de la langue, autonomie financière ou formation en cours). D’autres membres de la famille, en-dehors du conjoint et des enfants, 29 peuvent également bénéficier du regroupement familial à condition de remplir certains critères. S’agisssant des ressortissants africains subsahariens, un recensement exhaustif des bénéficiaires du regroupement familial n’est guère possible, faute de données suffisantes. Selon l’étude de Sieveking (2008), le nombre d’africains bénéficiaires du regroupement familial reste largement insignifiant par rapport aux autres groupes de migrants, notamment les Turcs. Les statistiques disponibles affichent globalement des chiffres inférieurs à mille personnes par an, pour la plupart des enfants, ayant reçu un visa d’entrée en Allemagne. En conséquence, ce chiffre regressera d’année en année de manière significative. Un total de moins de 2000 personnes ayant reçu un visa de regroupement familial a été enregistré en 2006. (Tableau 3). Tableau 2 : Visa de regroupement familial délivré aus ressortissants d’Afrique subsaharienne de 2002 à 2006 2002 2003 2004 2005 2006 épouse étrangère – mari étranger époux étranger – épouse étrangère 656 151 669 100 410 112 306 66 298 66 épouse étrangère – mari allemand époux étranger – épouse allemande 936 708 892 605 709 406 671 372 589 340 enfants moins de 18 ans Total 1056 3507 1002 3268 743 2380 681 2096 679 1972 Source : Auswärtiges Amt I.2.4 Population francophone africaine subsaharienne en Rhénanie du Nord-Westphalie On notera qu’une certaine histoire coloniale « rapproche » culturellement et linguistiquement les africains francophones de la France qui d’ailleurs reste de loin le premier pays de résidence des immigrants originaires de l’ensemble du continent africain en Union européenne, accueillant plus de 55% des Africains présents en Europe (N. Robin, 1997). Mais, le passé colonial joue un rôle moins important dans le choix de l’Allemagne en tant que pays de destination. Malgré les barrières linguistiques, beaucoup de migrants francophones d’Afrique subsaharienne viennent en Allemagne comme le dit Stefanie Lämmermann (2006) pour sa force économique, son niveau technique et son talent d’organisation. La population africaine francophone subsaharienne résidant en Rhénanie du Nord-Westphalie ressort de presque tous les pays de l’Afrique subsaharienne. Elle comprend plus d’une dizaine de nationalité ; 3 nationalités sont cependant plus représentatives. Les ressortissants de la République démocratique du Congo sont largement majoritaires. Ils représentent plus de 40% des ressortissants des pays francophones africains subsahariens depuis plus d’une décennie en Rhénanie du Nord-Westphalie. Sur l’ensemble de congolais vivant en Allemagne, plus de la moitié se trouve en Rhénanie Nord-Westphalie avec une forte concentration dans les villes de Cologne et d’Aix-la-Chapelle. Les autres nationalités sont inégalement reparties dans les régions et villes suivantes : La Ruhr (Essen, Bochum, Dortmund), Wuppertal, Düsseldorf, Krefeld, Mönchengladbach, Bonn, etc. 30 La présence massive des Congolais en Rhénanie du Nord-Westphalie est liée à la proximité de la Belgique qui a des rapports historiques évidents avec la République démocratique du Congo. La plupart des Congolais transitent par la Belgique et choisissent d’immigrer en Allemagne parce que, comme le disent certaines personnes interrogées, l’Allemagne offre des « meilleures conditions de vie ». D’autres par contre disent avoir choisi l’Allemagne puisque n’ayant pas d’autre choix. Beaucoup de demandeurs d’asile d’origine congolaise ont choisie l’Allemagne comme terre d’asile « pour échapper aux services de renseignement du régime dictatorial de Mobutu qui étaient très actifs en Belgique comme en France ». D’après Nadine Sieveking (op cit), le nombre surprenant des ressortissants de la République démocratique du Congo en Rhénanie du Nord-Westphalie témoigne des meilleures conditions offertes par cet Etat fédéré aux demandeurs d’asile. Cependant, fait remarquer Sieveking, beaucoup d’entre eux résidant depuis déjà quelques années en Rhénanie du Nord-Westphalie, se trouvent encore dans la procédure d’asile et n’ont toujours pas un titre de séjour, ce qui rend difficile leurs conditions de vie et diminue par là leurs chances d’intégration. I.3 Caractéristiques socio-démographiques et durée de séjour des immigrants africains subsahariens francophones. Cerner les caractérisques de la population noire africaine francophone en NRW, d’un point de vue numérique, s’avère d’emblée problématique en l’absence des statistiques exhaustives et fiables. Nous avons eu beaucoup de mal à trouver des informations au-près des autorités concernant spécifiquement la communauté francophone africaine subsaharienne. Dans la synthèse de leur travail intitulé « Gutachten zum entwicklungspolitischen Engagement der in Nordrhein-Westfalen lebenden MigrantInnen afrikanischer Herkunft »1, Nadine Sieveking, Margit Fauser et Thomas Faist (2008) déplorent l’absence des données exhaustives sur les migrants originaires de pays d’Afrique subsaharienne. Ils déclarent : « Pour une meilleure analyse du profil socio-démographique de la communauté des migrants d’origine africaine subsaharienne, les institutions fédérales devraient développer davantage d’autres sources d’information et les mettre à la disposition du public. Les données doivent être présentées de manière claire et détaillée par pays d’origine ». Pour acquérir une compréhension plus approfondie de ce sujet, nous estimons que d’autres recherches s’avèrent nécessaires. I.3.1 Composition D’une manière générale, la migration des africains d’origine subsaharienne en Rhénanie du Nord-Westphalie est composée en grande partie de demandeurs d’asile et d’étudiants. Etant donné la difficulté pour cette catégorie de migrants à obtenir un visa de travail, déclare Sieveking (2008), la plupart des Africains semblent devoir utiliser des canaux non appropriés comme la demande d’asile, l’immigration estudiantine ou les regroupements familiaux. La moyenne d’âge statistique pour l’ensemble des migrants africains en Allemagne est de 31,0 ans. Pour la plupart des communautés des migrants d’Afrique subsaharienne, la moyenne d’âge est de moins de 30 ans. Par exemple la moyenne d’âge des migrants camerounais est de 27,8 ans (Schmelz, op cit). Ceci est dû au fait que les africains qui viennent en Allemagne comme étudiants ou demandeurs d’asile sont pour la plupart des jeunes gens (Sieveking, 2008). La migration noire Africaine en Allemagne étant relativement récente. _____________________ 1 « Expertise sur l’engagement des migrants africains résidant en Rhénanie du NordWestphalie à la politique du développement ». Travail réalisé par ordre du Ministère de la famille, des femmes et de l’intégration de la Rhénanie-du-Nord-Westphalie. 31 Sieveking signale par ailleurs que la durée moyenne de séjour des africains subsahariens vivant en Allemagne s’élèvait à 9,9 ans en 2005. Les membres de cette communauté en Rhénanie du Nord-Westphalie sont presque dans leur totalité des migrants de la première génération, dont les enfants sont encore d’âge préscolaire et scolaire. Beaucoup de ces enfants sont nés en Allemagne (enfants issus de l’immigration) d’autres ont immigré par le biais du regroupement familial (jeunes immigrants). Les populations composant l’immigration noire africaine francophone en Rhénanie du NordWestphalie présentent des ressemblances et des différences dont l'analyse est utile pour apprécier les stratégies globales qu’ils mettent en œuvre pour s'insérer, mais aussi les entraves diverses à cette insertion. Les aires de provenance géographique, au demeurant très diverses, illutrent la difficulté des contextes, à la fois sur les plans linguistiques, culturels, économiques et sociopolitiques. D’autres indices font état d’une grande complexité tels que les parcours migratoires, des modes de structuration communautaire, des degré de scolarisation, et des statuts sociaux. Chacun de ces éléments d’identification est générateur d’aptitudes, d’attitudes, des attentes, des stratégies et des potentiels très différents (Dina Ionescu 2006). Chacun des sous-groupes originaires d’Afrique francophone subsaharienne vit nombre de problèmes existentiels spécifiques à son sous-ensemble, à côté des problèmes communs imposés à tous par l’exil. I.3.2 Statut, durée de séjour, naturalisation Sur le plan administratif, la population africaine subsaharienne relève de statuts des plus hétéroclites allant d’un titre de séjour à durée indeterminée au document relatif à l’expulsion ajournée. Selon l’office fédéral des statististiques, sur l’ensemble de 275.000 africains vivant en Allemagne, 32,6% possèdent un titre de séjour à durée indéterminée (unbefristet Aufenthaltserlaubnis) ou un permis de séjour allemand ou de l’Union européenne (Aufenthaltsgenehmigung der Bundesrepublik Deutschland oder der Europäischen Union), 10,3% possèdent une autorisation provisoire de séjour (Aufenthaltsgestattung) ou un document relatif à une mesure d’explusion ajournée (Duldung) et 10,4% n’ont aucun titre de séjour. Sieveking (op cit) ajoute par ailleurs que 20% des africains vivant en Allemagne sont confrontés aux problèmes de précarité de séjour, ce qui rend incertaine leur perspective de vivre ou de rester en Allemagne. Ceci dit, l’instabilité du droit de séjour des familles requérantes d’asile influence l’investissement scolaire de leurs enfants. S’agissant de la naturalisation1, les statistiques indiquent entre 4000 et 4800 le nombre d’africains, toutes nationalités confondues, qui sont naturalisés chaque année en Rhénanie du Nord-Westphalie et cela depuis l’an 2000. Les données pour les cinq dernières années montrent qu’environ 320 personnes originaires d’Afrique subsaharienne en Rhénanie NordWestphalie ont été naturalisées chaque année. Cela signifie à titre illustratif que 1.299 ressortissants du Ghana, 1.322 Nigerians et 1.544 ressortissants de la République démocratique du Congo ont été naturalisés entre 2000 et 2005 en Rhénanie du NordWestphalie. __________________ 1 En Allemagne, la naturalisation des immigrants et de leurs enfants reste encore une exception. Les étrangers peuvent prétendre à la naturalisation éventuelle après dix ans de résidence. Après quinze ans ils ont droit à la nationalité allemande s’ils renoncent à leur nationalité d’origine. Les enfants des immigrés ont droit à la nationalité allemande après huit ans de séjour et un minimum de six ans de scolarité en Allemagne. Ce doit ne peut être exercé qu’entre 16 et 23 ans. Les autres critères nécessaires étant la bonne conduite, le domicile fixe, et un revenu (excluant l’aide sociale et les allocations de chômage). L’accès à naturalisation a été facilité avec la modification en 1993 de la loi sur les étrangers. 32 I.3.3 Situation professionnelle Sur le plan professionnel, faute de données disponibles, nous ne pouvons pas déterminer le nombre exact, ni la structure par catégories professionnelles de cette population. Toutefois, nous pouvons dire à la suite de notre enquête que la plupart des migrants africains francophones subsahariens en Rhénanie du Nord-Westphalie exercent un emploi salarié assujetti à la sécurité sociale. Bien que le niveau d’études ou de qualification de cette population soit en général assez élevé, les membres de cette communauté ayant obtenu des diplômes en Allemagne ou ailleurs, finissent souvent par accepter des emplois subalternes pour survivre dignement. Très peu de Noirs africains ont la chance d’exercer un métier correspondant à leur niveau d’études, grâce à leurs connaissances linguistiques, notamment l’anglais et le français. Ils sont volontiers recrutés par des entreprises et autres organisations allemandes opérant à l’échelle internationale (Schmelz, 2007). Beaucoup de ressortissants d’Afrique subsaharienne ont d’énormes difficultés pour obtenir un emploi, quel que soit leur statut personnel ou leur niveau de formation. Même l’acquisition de la nationalité allemande n’immunise guère face à certains problèmes d’insertion sociale, scolaire et professionnelle (Rainer Münz 1998). Malgré une égalité officielle et une longue présence en Allemagne, avance Wolfgang Seifert (1996), on observe que la plupart des immigrés étrangers n’ont pas amélioré leur situation socio-professionnelle, ni en changeant d’employeurs ou de travail, ni en accédant à des emplois plus qualifiés à l’intérieur d’une même entreprise. Dans ces circonstances, l’auto-emploi est parfois la seule issue économique. Plusieurs migrants africains subsahariens se sont mis à leur propre compte. C’est surtout le secteur du commerce de détail qui draine la majorité de ces indépendants. La plupart de ces entrepreneurs se sont spécialisés dans les produits et services destinés à leurs communautés ethniques alors que d’autres font commerce avec leur pays d’origine (import-export). A bien des égards, les membres de la communauté noire africaine en Rhénanie du NordWestphalie développent des initiatives d’insertion économique et culturelle, notamment par la voie d’action associative. I.3.4 Formes d’organisation sociale Les réseaux de relations sociales, notamment les liens de famille, de parenté et d’amité qui se sont tissés pendant la période de socialisation de leurs pays d’origine, jouent un rôle central dans la vie des migrants africains subsahariens en Allemagne, particulièrement en Rhénanie du Nord-Westphalie. En Rhénanie du Nord-Westphalie, les africains francophones subsahariens ne se contentent pas de lieux de rencontre informels comme les cafés et autres, ils créent des initiatives particulières avec des compatriotes du même groupe ethnique ou des ressortissants d’autres pays. Les formes d’organisation sont essentiellement les associations (déclarées ou non déclarées) et les groupements fondés sur l’appartenance régionale et ethnique. Un de nos interlocuteurs a souligné que les africains avaient un « fort penchant pour les associations » et que bon nombre d’entre eux consacraient leur temps libre le dimanche à des réunions et activités associatives. Cette vie associative de la communauté africaine francophone en Rhénanie du NordWestphalie présente une grande diversité. Les clivages au sein de cette communauté apparaissent surtout dans le mode d’organisation des associations en fonction de l’origine de 33 leurs membres, c'est-à-dire par pays, par régions, groupes ethniques, dans leur orientation politique et leur proximité ou distance par rapport au gouvernement, ainsi que dans leurs orientations sociales ou professionnelles. Des cloisonnements sont observables entre étudiants et non-étudiants ou entre diplômés de l’enseignement supérieur et non-diplômés (Lämmermann, 2006) ainsi qu’entre personnes jouissant d’un statut de séjour sûr et personnes dépourvues d’un tel statut. Les principaux types d’organisations sont des associations d’étudiants, des associations professionnelles, des communautés religieuses, des associations axées sur le développement, des associations à caractère tribal ou ethnique ainsi que des associations à vocation générale ou multisectorielle. A cela s’ajoutent les initiatives privées animées par les africains qui réalisent leurs propres projets en Allemagne ou dans leurs pays d’origine, par leurs propres moyens ou avec l’aide de tiers. Dans le cadre de cette étude, nous avons recensé 29 organisations, avec des informations plus ou moins détaillées sur 6 associations et 2 initiatives privées. Des associations d’étudiants africains francophones existent entre temps dans presque toutes les universités comptant un nombre assez grand d’étudiants africains. Ces étudiants se regroupent par pays d’origine, mais en règle générale, les associations sont ouvertes également aux étudiants d’autres nationalités africaines. Leur objectif est de faciliter l’intégration de leurs membres dans les études et à l’université. Elles aident les étudiants et en particulier les nouveaux arrivants, à résoudre les questions pratiques du quotidien universitaire. Ces associations encouragent aussi l’organisation de manifestations culturelles, d’excursions, de fêtes, etc., qui agrémentent la vie estudiantine. Elles proposent, en outre, des offres thématiques ou d’orientation professionnelle, telles que conférences, séminaires, cours d’informatique, ateliers de préparation de candidatures et d’entretiens d’embauche (de recrutement), programmes d’encadrement pédagogique et cours de préparation aux ecamens par des diplômés et enseignants universitaires africains. Signalons que la plupart des associations d’étudiants africains francophones sont largement dominés par la présence des étudiants originaires du Cameroun qui du reste constituent la plus importante communauté d’étudiants noirs africains en Rhénanie du Nord-Westphalie. La structure de certaines associations d’étudiants, en l’occurrence l’association des étudiants camerounais, s’est élargie pour inclure également des membres déjà économiquement actifs. Le but principal de ces associations étant d’accompagner leurs membres sur la voie de l’achèvement réussi de leurs études. Il y a également, dans le cadre des associations d’étudiants, un grand nombre d’initiatives individuelles ou de sous-groupes informels oeuvrant à des fins de développement. L’engagement des associations d’étudiants en faveur du développement est soutenu par les communautés paroissiales locales, catholiques et protestantes, ainsi que par les structures de représentation des étudiants (AstA : Allgemeine Studierenden-Asschüsse) dans les universités. Souvent, les associations d’étudiants coopèrent avec les communes dans lesquelles elles sont implantées. La diversité des langues et dialectes, des cultures et des groupes ethniques au sein des communautés africaines a donné lieu aux associations fondées sur l’appartenance régionale, tribale ou ethnique. C’est le cas par exemple du « Grand Kasai », une association congolaise regroupant les personnes originaires du Kasai, région diamantifère sitüée au centre de la République démocratique du Congo. Nous pouvons citer également les associations de 34 « Bamiléké » de l’Ouest du Cameroun ainsi que les confreries « Tidjanes » ou « Mourides » du Sénégal. Ce sont des associations transnationales qui existent aussi en Angleterre, en France, aux Etats-Unis et au Canada, et qui visent à organiser les membres de même origine, disséminés à traver le monde. Certaines associations se sont regroupées au sein d’une fédération, c’est le cas des associations religieuses. Outre les associations professionnelles, créées par des africains hautement qualifiés, il y a des associations qui s’engagent dans les domaines du développement, de la formation, de l’information, etc. Bon nombre des associations africaines visent avant tout, dans leur travail pratique, à favoriser l’intégration sociale et la cohésion de leurs membres et à aider ceux-ci à organiser leur vie en Allemagne. Leur but est non seulement de cultiver des traditions culturelles par des rencontres festives et des activités conviviales, mais aussi de faciliter les échanges sur les thèmes politiques et sociaux concernant le pays d’origine et le pays d’accueil. Elles offrent maintenant aussi des activités spécialement conçues pour la deuxième génération, telles que des cours particuliers pour les écoliers, des cours de soutien pour des élèves en difficultés ou des ateliers de danse et de percussion pour les enfants. Beaucoup de groupes proposent des conseils et de l’assistance pour le règlement de formalités administratives ainsi qu’un soutien dans des circonstances particulières, telles que maladie, naissance, mortalité. Les associations de migrants d’autres communautés africaines concentrent leur attention sur les problèmes d’intégration et de sécurité sociale en Allemagne et s’intéressent seulement en second lieu à des activités dans le pays ou la région d’origine (Sieveking, 2008). Le financement des associations est assuré en premier lieu par les cotisations de leurs membres, par des dons, des contributions fournies par des sponsors, des communes et, dans certains cas, par des fondations de développement et d’autres bailleurs de fonds, tels que des ministères de Länder. Beaucoup d’associations ont cependant des difficultés à mobiliser leurs membres pour assister aux réunions régulières et à les motiver à payer leurs cotisations. Outre les associations, dont les membres sont tous des africains subsahariens francophones, il en existe d’autres qui comptent d’autres nationalités dans leurs rangs : Allemands et/ou ressortissants d’autres pays européens ou africains anglophones. Dans les associations qui ont des membres allemands, il s’agit de conjoints de membres africains ou d’Allemands actifs dans le domaine du développement. Certaines associations y voient un mécanisme d’intégration parce qu’elles considèrent que les membres allemands connaissent mieux le système (relations publiques, affaires juridiques et administratives) et veulent promouvoir un paysage associatif multiculturel en Allemagne. Dans le cadre de cette enquête, nous avons contacté les associations africaines pour comprendre la nature de leurs activités par rapport à la question de l’intégration des enfants et jeunes migrants africains dans le système scolaire allemand. La question centrale de cette étude est que la politique éducative en Allemagne ne favorise pas la réussite scolaire des enfants d’origine étrangère, en l’occurrence les jeunes migrants originaires d’Afrique francophone subsaharienne. Devant la diversité des politiques éducatives au niveau des Länder, nous avons opté pour une analyse du système éducatif allemand en général et en particulier de l’organisation scolaire en Rhénanie du Nord-Westphalie, pour mieux cerner la problématique de l’intégration scolaire des élèves originaires d’Afrique francophone subsaharienne. 35 DEUXIEME PARTIE LE SYSTEME EDUCATIF ALLEMAND, LA PARTICULARITE DU LAND DE RHENANIE NORD-WESTPHALIE, ET LE PROBLEME DE L'INTEGRATION DES ELEVES ORIGINAIRES D'AFRIQUE SUBSAHARIENNE 36 II.1 SYSTEME EDUCATIF ALLEMAND Dans les pays où la scolarisation des enfants est obligatoire, le système scolaire joue un rôle des plus importants : il transmet des valeurs, des normes sociales et culturelles, il forme la génération suivante et se doit pour cette raison d’avoir des visées en accord avec les visées nationales. Doudin pense que « les systèmes d’éducation nationaux tendent à renforcer ou garantir la cohésion nationale » (1998). Ainsi, l’école dans son but premier, vise une population très précise, qui est monolingue et monoculturelle. Même dans le cas de l’Allemagne, pays fédéral où le système éducatif est régi par chaque Land, l’école reste prévue pour une langue et une culture particulière, l’allemand. Cependant, avec le phénomène d’immigration, l’école - non seulement celle de l’Allemagne, mais celle de tous les pays qui connaissent une forte immigration – se doit d’ouvrir ses portes à des élèves d’origines diverses, qui souvent à leur arrivée ne parlent pas la langue du pays d’accueil, et de leur donner la meilleure chance de formation possible. Le problème qui se pose alors est de savoir comment intégrer des enfants de systèmes culturels aussi divers tout en leur offrant les meilleures chances de réussite. Pour répondre à cette exigence, il faudra tenir compte des facteurs qui participent à la fonction éducative, à savoir : la répartition des compétences entre les différents niveaux du système éducatif, des cursus scolaires et leur curriculum ainsi que la mise en œuvre des politiques éducatives. 37 II.1.1 COMPETENCES ET ADMINISTRATION EN MATIERE D’EDUCATION EN ALLEMAGNE1 II.1.1.1 Contexte général Depuis 1990, la République fédérale d’Allemagne se compose de seize Länder (Etats fédérés), dont cinq se sont constitués sur le territoire de l’ancienne République démocratique allemande en vertu de la loi sur les Länder de juillet 1990. Les Länder ont la qualité d’Etat, au même titre que l’ensemble de l’Etat fédéral. Chaque Land a sa propre constitution et son propre gouvernement. La partie essentielle de leur autonomie est selon l’organisation de la constitution du Grundgesetz (loi fondamentale), la compétence prépondérante pour l’éducation, la science et la culture. La Constitution de 1949 établit ce qu’on appelle la « souveraineté de la culture » (Kulturhoheit) des Länder. La « politique culturelle » représente dans ce cadre un concept large qui englobe tous les domaines et tous les niveaux de l’enseignement, de la science, des affaires culturelles et des sports. II.1.1.1.1 Principes de base et cadre juridique de l’enseignement Conformément à la loi fondamentale, la République fédérale d’Allemagne est une République et un Etat démocratique fédéral, constitutionnel et social. En ce qui concerne l’éducation, la loi fondamentale garantit notamment la liberté des arts, de la science, de la recherche et de l’enseignement, la liberté de culte, de conscience et de pratique d’une religion, la liberté du choix de l’activité professionnelle et du lieu d’étude ou de formation, l’égalité devant la loi et le droit naturel des parents de s’occuper de leurs enfants et de les élever. Selon la loi fondamentale, l’exercice de l’autorité publique et l’exécution des devoirs de l’état sont assurés par les Länder. La loi fondamentale stipule que les Länder ont le droit de légiférer dans toutes les matières, sauf celles pour lesquelles elle confère le pouvoir législatif à l’Etat fédéral. Les principes de base de l’enseignement sont définis par la constitution et les lois de chaque Land pour la création d’établissements préscolaires, pour l’enseignement primaire, secondaire et supérieur ainsi que pour l’éducation pour adultes et la formation continue. Il revient donc aux Länder, entre autres, d’organiser la structure de l’école, d’établir les programmes d’enseignement, de réglementer la formation des enseignants et les examens ainsi que de gérer administrativement le personnel enseignant. La loi fondamentale définit l’étendue des compétences de l’Etat fédéral dans le domaine de l’enseignement. Il s’agit essentiellement des domaines de l’enseignement, des sciences et de la recherche suivants : l’apprentissage et la formation continue professionnelle hors de l’école, la compétence pour les principes généraux de l’enseignement supérieur, des aides pour l’apprentissage (Ausbildungsföderung), des aides pour la recherche scientifique et le développement technologique comprenant la relève scientifique, des aides à l’enfance, la protection légale des étudiants par correspondance, l’autorisation d’exercer pour les juristes, les professions du domaine paramédical et médical, des mesures pour favoriser l’emploi, la recherche concernant le marché de l’emploi et des métiers. _______________________ 1 Source : EURYDICE, « Structures des systèmes d’éducation dans l’Union européenne », 1995. 38 L’Etat fédéral a également le droit de promulguer des lois-cadres concernant la fonction publique et l’emploi ainsi que la rémunération, les prestations sociales et les pensions des fonctionnaires (par exemple les enseignants et professeurs d’université). Les Länder concrétisent et exécutent ces dispositions par l’adoption de leur propre législation. Cependant, le système scolaire allemand présente une certaine unité. La structure de base commune est garantie par un accord passé entre les Länder en 1964 et amendé en 1971. Les ministres et/ou les sénateurs responsables de l’éducation et de la formation, de l’enseignement supérieur, de la recherche et des affaires culturelles au niveau des Länder collaborent au sein de la Conférence permanente des Ministre de l’Education et des Affaires culturelles des Länder en République fédérale d’Allemagne : la KMK (Ständige Konferenz der Kultusminister der Länder). Créé par une convention passée entre les Länder, cet organe s’occupe depuis 1949 des questions culturelles et éducatives de portée suprarégionale dans le but de définir et de défendre des positions communes dans des matières d’intérêt commun. Cette coopération a permis de développer de manière conjointe et comparable de nombreux volets de l’éducation et a contribué à l’harmonisation des structures. Plusieurs résolutions adoptées ont permis de définir, pour tous les Länder, le début et la durée de la scolarité obligatoire à temps plein, la durée des vacances scolaires, la désignation et l’organisation des différents types d’établissements, la possibilité de transfert entre les différents types d’écoles, le moment où commence l’apprentissage d’une langue étrangère et l’ordre dans lequel les langues sont enseignées, la reconnaissance des certificats de fin d’étude et des diplômes des enseignants et, enfin, la description du système de notation à utiliser dans les bulletins et aux examens pour l’obtention du diplôme d’enseignant. La formation professionnelle est du ressort de deux organismes différents, selon qu’il s’agit de la formation en entreprise ou de la formation scolaire. Le gouvernement fédéral est chargé de la formulation des réglementations régissant la formation (Ausbildungsordnung), tandis que ce sont les Länder qui énoncent les programmes-cadres. En règle générale, au niveau du Land, l’administration de l’enseignement est structurée selon un système à deux niveaux : les ministères de l’éducation et des Affaires culturelles des Etats fédérés (Länder) constituent le niveau supérieur et les offices scolaires (Schulämter) des autorités locales le niveau inférieur. Ces dernières ont sous leur responsabilité les écoles primaires, les établissements techniques et les écoles spécialisées, tandis que les autres écoles et établissements supérieurs relèvent généralement directement du ministère. II.1.1.1.2 STRUCTURE II.1.1.1.2.1 Education préscolaire L’éducation préscolaire est essentiellement du ressort des institutions d’aide à l’enfance et à la jeunesse. Dans la plupart des Länder, la compétence légale est confiée au ministère des Affaires sociales, bien que, dans certains Länder, elle soit une prérogative du ministère de l’Education et des Affaires culturelles. La responsabilité globale du fonctionnement de ces institutions repose sur les offices locaux pour la protection des jeunes (Jugendämter), la surveillance de l’Etat sur les jardins d’enfants publics ou privés est confiée aux offices fédéraux pour la protection des jeunes (Landesjugendämter). Seuls les Vorklassen (classes préscolaires destinées aux élèves de 5 ans qui n’ont pas atteint l’âge d’obligation scolaire) et les Schulkindergärten (jardins d’enfants scolaires ouverts aux enfants de 6 ans qui n’ont pas le niveau de maturité requis pour entrer à l’école primaire) sont supervisés par les autorités scolaires. 39 II. 1.1.1.2.2 Ecoles Conformément à la loi fondamentale et aux constitutions des Länder, l’ensemble du système scolaire est du ressort de l’Etat qui en assure la supervision. Les ministères de l’Education et des Affaires culturelles des Länder sont l’autorité suprême en ce qui concerne le contrôle et l’administration des établissements de l’enseignement général et professionnel ; cette supervision englobe notamment la planification et l’organisation de l’ensemble du système scolaire. L’autorité des Länder ne s’étend pas seulement à l’organisation de la structure de l’école, mais aussi au contenu des cours, aux objectifs pédagogiques énoncés dans les lois scolaires et concrétisés dans les programmes d’enseignement qui sont du ressort du ministre de l’Education et des Affaires culturelles de chaque Land. Les ministères compétents des Länder élaborent les programmes des matières enseignées dans les différents types d’établissements et dans les différents niveaux d’enseignement. En général, les programmes sont développés dans des commissions de planification des programmes, rassemblant des enseignants et d’autres spécialistes de l’éducation. La consultation des associations et des représentants de parents, d’élèves et d’enseignants est également assurée avant l’application du programme. Pour l’application des programmes des différentes matières dans les différents types d’écoles, les manuels correspondant à ces programmes sont utilisés en classe. Ils doivent être approuvés par les ministères de l’Education et des Affaires culturelles des Länder qui publient régulièrement la liste des livres scolaires agréés. En Allemagne, les établissements d’enseignement primaire constituent des entités administratives qui regroupent un grand nombre de classes, parfois réparties dans plusieurs écoles. Ils disposent par conséquent d’un personnel administratif conséquent généralement composé d’un directeur (der Rektor), d’un directeur adjoint et d’une secrétaire. Le directeur a une formation d’enseignant et assume des fonctions de chef d’établissement. Il exerce une autorité hiérarchique sur les enseignants et gère les ressources matérielles et humaines de l’établissement. Il a également en charge la dotation horaire globale de l’école. En règle générale, l’administration de l’enseignement est structurée selon un système à deux niveaux : les ministères de l’Education et des Affaires culturelles des Länder constituent le niveau supérieur et les offices scolaires (Schulämter) des autorités locales le niveau inférieur (Kreise, Städte et Gemeinden). Ainsi en règle générale, les écoles primaires (Grundschulen), les Hauptschulen et les écoles spéciales (Sonderschulen) sont supervisées par les offices scolaires (Schulämter) tandis que les autres écoles, y compris les écoles professionnelles, par les ministères de l’Education et des Affaires culturelles. Dans certains Länder, les offices scolaires, dans le cadre de ce système à deux niveaux, sont responsables de tous les types d’écoles. II. 1.1.1.2.3 Financement Les jardins d’enfants (Kindergärten) du secteur public (communal) sont financés par la commune, par le Land (en ce qui concerne la gestion du matériel et du personnel) ainsi que par les parents. Les Kindergärten du secteur privé (ceux gérés par les Eglises ou notamment ceux créés à l’initiative des parents) sont gérés par un financement semblable auquel viennent s’ajouter les fonds propres de l’autorité responsable (en moyenne 20%). La contribution des parents varie selon leur revenu. L’office local pour la protection des jeunes (Jugendamt) prend 40 ces contributions en charge pour les familles à faible revenu. Par conséquent, contrairement à l’enseignement primaire, secondaire et supérieur, l’éducation préscolaire n’est pas gratuite. Les écoles publiques, d’une manière générale, sont gérées par les autorités locales (communes, arrondissements, villes indépendantes), ce qui signifie que les communes sont chargées de leur construction, de leur organisation, de leur administration et contribuent à leur financement. A certaines exceptions près, la responsabilité des Länder se limite aux établissements dont la zone de recrutement et importances s’étendent au-delà du niveau local : c’est le cas d’écoles à orientation artistique ou sportive intensive, de certaines écoles techniques (Fachschulen), d’établissements de formation parallèle (Kollegs) et d’écoles spéciales placées sous l’autorité du Land. Le pouvoir organisateur est non seulement responsable de l’organisation de l’établissement d’enseignement et de la couverture de ses besoins matériels, mais aussi du personnel administratif (personnel non enseignant), tandis que les Länder sont généralement responsables du personnel enseignant. Toutes les écoles publiques sont fondamentalement gratuites. Le matériel scolaire utilisé, tel que les manuels scolaires, est en partie donné et en partie prêté. Une participation financière est demandée aux parents quand l’école distribue du matériel scolaire. La participation se calcule en fonction du salaire des parents. II. 1.1.1.2.4 Institutions privées A la différence de ce qui se passe en France ou bien encore aux USA par exemple, déclare Hermann Avenarius (2001)1, l’école est, en Allemagne, pour l’essentiel une école publique, une école d’Etat. Dans tous les domaines de l’enseignement, il y a des institutions privées, qui peuvent avoir des importances très différentes. Le droit à la création d’écoles privées est explicitement garanti par la loi fondamentale (Article 7, paragraphe 4) et en partie par des dispositions correspondantes dans les constitutions des Länder. Conformément à cela, l’autorisation de créer des écoles privées est accordée, si leur but éducatif, leur organisation ainsi que la formation académique de leur corps enseignant ne sont pas inférieur aux écoles publiques et si elles ne favorisent pas une certaine catégorie d’élèves, en fonction de la fortune des parents. Dans l’intérêt d’une offre multiple, dans l’éducation préscolaire, la priorité doit être accordée, selon la loi d’aide à l’enfance et à la jeunesse, aux établissements privés. C’est pourquoi, en 1994, environ 64% des jardins d’enfants, dans les Länder de l’ouest, ont été subventionnés par le secteur privé ; dans les Länder de l’est, par contre, le secteur privé n’a atteint que 16% jusqu’en 1994, pour des raisons historiques (Eurydice/Cedefop, 1995). _______________________ H. AVENARIUS, «Ecole et politique éducative face à des nouveaux défis en Allemagne», 2001, p.3 Deutsche Gesellschaft für Bildungsverwaltung (Association allemande d’administration de l’éducation). 1 41 Dans l’enseignement primaire, la création d’écoles privées n’est possible que sous des conditions restreintes (Article 7, paragraphe 5 de la loi fondamentale), dans le cas où l’administration scolaire y reconnaît un intérêt pédagogique spécial ou si elles doivent être créées en tant qu’écoles communautaires (Gemeinschaftschulen), religieuses (Bekenntnisschulen) ou idéologiques (Weltaschauungsschulen) et si aucune école publique de ce type n’existe dans la commune. Les écoles primaires du secteur privé sont donc rares. Dans l’enseignement secondaire, il existe deux types différents d’écoles privées : - les écoles de substitution (Ersatzschulen) doivent servir selon le but commun, comme remplacement pour les écoles publiques existantes ou fondamentales prévues dans le Land. La scolarité obligatoire peut être remplie dans ces écoles. - Les écoles complémentaires (Ergänzungsschulen) complètent l’offre de formation publique par des formations, surtout dans le domaine professionnel, qui généralement n’existent pas dans les établissements publics. Les directives légales les plus importantes sont des lois propres à l’école privée ainsi que des règlements d’aides financières sous forme de lois et de décrets des Länder. Les principes de base de l’enseignement dans les Länder sont garantis par une « convention de l’enseignement privé » (Vereinbarung über das Privatschulwesen) issue de la conférence des ministres de l’Education et des Affaires culturelles en 1951. II.1.2 CURSUS ET CURRICULA SCOLAIRES : DU JARDIN D’ENFANTS A L’ECOLE SECONDAIRE. II.1.2.1 Education préscolaire ou préélémentaire Dans le cadre de cette étude articulant la problématique de l’intégration des enfants et jeunes migrants francophones noirs africains dans le système scolaire allemand, l’éducation préélémentaire est un élément de compréhension clé, en ce qu’elle prépare l’enfant à sa scolarité, notamment du fait qu’elle participe à l’acquisition de la langue (orale et pose les bases de l’apprentissage de la langue écrite), facteur déterminant dans la situation de réussite ou d’échec scolaire. En Allemagne, l’éducation préscolaire englobe tous les établissements sous la tutelle des pouvoirs organisateurs publics et privés d’aide à l’enfant et à la jeunesse, qui accueillent les enfants âgés de 2 ou 3 ans jusqu’au moment de leur entrée à l’école primaire. Elle précède l’enseignement obligatoire et ne fait pas partie du système scolaire public. Le Kindergarten (jardin d’enfants) constitue la forme institutionnalisée la plus courante d’éducation préscolaire en Allemagne. Chaque enfant en âge d’aller au Kindergarten a le droit légitime d’y avoir une place. La fréquentation du jardin d’enfants est facultative. Elle se fait à mi-temps ou à tempscomplet, selon les établissements. En Rhénanie Nord-Westphalie, les Kindergärten ouvrent généralement leurs portes cinq matinées par semaine ; certains sont également ouverts l’aprèsmidi. Les enfants sont répartis dans des groupes d’âge hétérogènes entre 3 et 6 ans. En plus des Kindergärten, il existe d’autres sortes d’établissements de type préscolaire qui ont cependant une moindre importance du point de vue du nombre d’enfants qui y sont inscrits. Elles se répartissent comme suit : 42 - - Les enfants en âge d’obligation scolaire (6 ans), qui n’ont pas atteint la maturité requise pour fréquenter les cours de l’école primaire, peuvent s’inscrire dans un établissement préparatoire appelé, selon le Land, Schulkindergarten ou Vorklasse. Dans certains Länder, les enfants âgés de 5 ans (âge auquel l’école n’est pas encore obligatoire), dont les parents désirent mieux les préparer à l’école primaire (Grundschule), peuvent fréquenter une classe préparatoire appelée Vorklasse. La fréquentation de cet établissement est facultative. II.1.2.1.1 Objectifs et programmes Le jardin d’enfants allemand n’est pas une école. Il s’inscrit plutôt dans le concept de pédagogie sociale. Ce concept, né en Allemagne au 19e siècle, façonne l’identité du Kindergarten et comporte de forts objectifs sociaux et communautaires, comme nous pouvons le constater dans ces propos de Oberhuemer (2004)1 : « La philosophie d’éducation des jardins d’enfants n’a jamais prétendu préparer les enfants à l’école, ou se focaliser sur les compétences académiques. Cela a toujours été une conception plus large, empreinte d’une forte conviction dans l’importance des apprentissages sociaux ». Selon la loi de 1990 sur l’aide à l’enfance et à la jeunesse (Kinder- und Jugendhilfegesetz), les établissements préscolaires ont pour mission essentielle de favoriser l’épanouissement de la personnalité des enfants, afin qu’ils deviennent des êtres individuellement responsables et socialement compétents. La poursuite de cet objectif se réalise par un bon encadrement, par l’éducation et l’instruction. Les Kindergärten doivent ainsi soutenir et compléter l’éducation familiale. Ils aident les enfants à combler les retards de développement afin de donner à tous les meilleures chances de développement de formation. La fréquentation du Kindergarten doit viser à l’épanouissement des aptitudes physiques, intellectuelles, affectives et sociales des enfants par le jeu et d’autres activités adaptées à leur âge. Les enfants apprennent à vivre en société, à respecter un rythme journalier et à observer des règles d’hygiène de base. Les enfants usent largement de leur droit de choisir leurs activités. « L’approche de la langue écrite, des chiffres et des phénomènes naturels seront laissés à l’école (Grundschule) (Faust-Siehl, 2001)2. Les Kindergärten ont aussi pour mission de préparer les enfants à l’entrée à l’école primaire en les menant au niveau de développement approprié. Le corps pédagogique observe le développement des enfants et informe les parents des progrès et des problèmes de l’enfant au sein du groupe. _________________ Oberhuemer cité par C. Viriot-Goeldel, A. Robert (dir.) « Aider l’apprenti lecteur en difficulté à l’école primaire : une perspective comparée », Université de Lyon, 2007, p. 62 2 G. Faust-Siehl, « Konzept und Qualität im Kindergarten » Dans Faust-Siehl G. et SpekHadman A. (dir.), Schulanfang ohne Umwege. Mehr Flexibiblität im Bildungswesen. Beiträge zur Reform der Grundschule. Bd. 111 Der Grundschulverband, Frankfurt/M, 2001, cité par C. Viriot-Goeldel, op cit. p. 1 43 Cependant, il n’y a pas, au moment de cette étude, de programme officiel, ni même de contenu à aborder. A la place d’un programme, les occasions d’apprentissage qui seront saisies en situation (der Situationansatz) sont censées surgir de la vie en commun (Faust, 2003)1. Toutefois, le concept pédagogique de base est développé selon l’orientation idéologique, religieuse ou pédagogique fondamentale propre aux pouvoirs organisateurs du Kindergarten. S’agissant du personnel d’encadrement, les enfants ne sont pas pris en charge par des enseignants. Ils sont confiés, d’une part, à du personnel pédagogique spécialisé, surtout des éducateurs reconnus par l’Etat (Staatlich anerkannte Erzieher) et des socio-pédagogues reconnus par l’Etat (Staatlich anerkannte Sozialpädagogeen) et, d’autre part, à des auxiliaires, essentiellement des puéricultrices (Kinderpflegerinnen). Ces éducateurs de jeunes enfants sont formés pendant deux ans à la Fachschule für Sozialpädagogik (école technique dispensant une formation professionnelle spécialisée dans le secteur socio-pédagogique), assimilée à l’enseignement secondaire supérieur. Pour accéder à cette formation, ils doivent avoir obtenu le Realschulabschluss ou un diplôme équivalent et avoir suivi une formation professionnelle de deux ans minimum, ou avoir au moins deux années d’expérience professionnelle. Cette formation s’étend sur trois ou quatre ans d’études à temps plein à la Fachschule, plus une année pratique dans un établissement préscolaire sous la supervision de la Fachschule. II.1.2.2 Formation générale au primaire et au secondaire inférieur La loi fondamentale et les constitutions des Länder contiennent quelques règlements fondamentaux pour l’enseignement. Les directives légales spécifiques sont établies par les Länder dans les lois scolaires (Schulgesetze), les lois administratives scolaires (Schulverwaltungsgesetze), les lois sur l’enseignement obligatoire (Schulpflichtgesetzte) et les règlements scolaires (Schulordnungen) pour les écoles de formation générale et professionnelle. En Allemagne, l’enseignement est obligatoire pour tous les enfants à partir de l’âge de 6 ans. Il dure généralement 9 ans à temps plein (10 à Berlin, dans le Brandenburg, à Bremen et en Rhénanie du Nord-Westphalie). Les jeunes, qui après avoir accompli leur scolarité obligatoire ne fréquentent pas d’école de l’enseignement secondaire supérieur général et qui ne veulent pas non plus entrer dans le système de la formation professionnelle à temps plein, sont légalement tenus de prolonger leur scolarité dans une école professionnelle à temps partiel, qui dure trois ans. Cependant, la durée de la scolarité à temps partiel est fonction de la durée de la formation requise pour accéder à une profession réglementée. Pour les jeunes qui entrent en apprentissage ou qui poursuivent dans l’enseignement secondaire supérieur général, il y a dans certains Länder des réglementations au niveau de l’enseignement professionnel qui rallongent la durée de scolarité à temps plein. En outre, la plupart des Länder permettent aux élèves qui optent pour une 10e année facultative d’acquérir une qualification de l’enseignement secondaire permettant de poursuivre leurs études. __________________________________ 1 G. Faust, « PISA und die Grundschule. Interpretation der Befunde und mögliche Konsequenzen ». Politsche Studien, Hans Seidel Stiftung n° spécial 3/2003, Juli 2003, p.3655, cité par C. Viriot-Goeldel, ibidem. p.62. 44 II.1.2.2.1 LE PRIMAIRE L’enseignement primaire est dispensé dans les écoles primaires (Grundschulen) et s’étend de la première à la quatrième année (de la première à la sixième à Berlin et dans le Brandenburg). Dans le cadre de la scolarité obligatoire générale, la Grundschule est commune pour tous les enfants. Ils s’inscrivent normalement en première année à l’âge de 6 ans, pour entrer généralement dans l’enseignement secondaire à l’issue de leur quatrième année. La mission et les objectifs de la Grundschule sont déterminés par sa place dans le système éducatif : elle doit faire passer les élèves de l’approche ludique adoptée au niveau préscolaire à une forme d’apprentissage plus systématique, tout en veillant à adapter la matière à enseigner et les méthodes pédagogiques aux besoins et aux aptitudes des élèves. La Grundschule transmet aux élèves les connaissances de base en préparation à l’enseignement secondaire. Elle doit permettre aux élèves de recueillir et de structurer les impressions qu’ils reçoivent du monde ambiant. En même temps, les élèves doivent pouvoir développer leurs aptitudes psychomotrices et leur comportement social. II.1.2.2.1.1 Organisation de l’école primaire Les classes sont généralement organisées en groupes d’âge homogènes. Le nombre hebdomadaire d’heures de cours augmente progressivement, selon les Länder, d’environ 20 heures en première année jusqu’à 27 heures en 4e année. Chaque leçon dure en principe 45 minutes. En Rhénanie Westphalie, la semaine de l’écolier varie avec son âge ; elle est de 20 heures en 1ère classe, 22 heures en 2ème, 24 heures en 3ème et 4ème classe. L’emploi du temps est variable selon les classes, mais aussi selon les jours. Les cours sont dispensés cinq jours par semaine, du lundi au vendredi. Les cours peuvent débuter un jour à 8 heures et se terminer à 11heures, un autre jour de 8 heures à 12h15 voire à 13heures. Les heures de classe sont concentrées sur la matinée qui, en général est très longue. L’après-midi est consacré aux activités sportives et artistiques. A la Grundschule, un seul enseignant donne cours aux élèves pendant les deux premières années, mais le nombre d’enseignants augmente progressivement à partir de la troisième année de manière à préparer les élèves à l’école secondaire, où il y a presqu’autant d’enseignants que de matières enseignées. L’année scolaire débute le 1er août et se termine le 31 juillet de l’année suivante. La reprise et la fin réelle des cours varient en fonction des dates des vacances d’été. Il y a 75 jours ouvrables de congés scolaires par an, plus 10 jours fériés légaux ou religieux. II.1.2.2.1.2 Programme L’apprentissage de la lecture, de l’écriture et du calcul joue un rôle pivot à la Grundschule. L’enseignement est dispensé soit sous forme disciplinaire, soit sous forme interdisciplinaire. Les matières au programme sont, en général, les suivantes : l’allemand, les mathématiques, le Sachunterricht (initiation à des disciplines telles que les sciences humaines, l’histoire, la géographie, la biologie, la physique et la chimie, qui seront par la suite enseignées séparément), les arts, la musique, l’éducation physique et la religion. De plus en plus les élèves de l’école primaire ont la possibilité d’avoir un premier contact avec une langue étrangère dès la 3e année. Actuellement cet apprentissage essentiellement ludique met principalement l’accent sur l’expression orale et ne fait l’objet d’aucune évaluation. 45 II.1.2.2.1.3 Evaluation Dans les Grundschulen comme dans tous les types d’écoles et à tous les niveaux, les performances des élèves font l’objet d’une évaluation constante au moyen de tests écrits et de l’appréciation de leur participation en classe et de leurs travaux pratiques. Cette évaluation est résumée dans les bulletins semestriels (Halbjahreszeugnisse) et les bulletins de fin d’année (Jahreszeugnisse). Pour être acceptés dans la classe supérieure, les élèves doivent répondre à certaines exigences minimales dans les matières qui sont prises en compte pour la décision concernant la promotion. L’évaluation des aptitudes s’effectue selon un système de notation. La conférence permanente des Ministres de l’Education et des Affaires culturelles a convenu de définir comme suit les différentes notations : - - Sehr gut ou « 1 » : la note « très bien » désigne les performances se situant bien audelà du niveau requis. Gut ou « 2 »: la note « bien » désigne les performances qui correspondent parfaitement au niveau requis. Befriedigend ou « 3 »: la note « satisfaisant » désigne les performances qui correspondent globalement au niveau requis. Ausreichend ou « 4 » : la note « suffisant » désigne les performances qui, malgré certaines déficiences, correspondent globalement au niveau requis. Mangelhaft ou « 5 »: la note « insuffisant » désigne les performances qui ne correspondent pas au niveau requis, mais qui permettent de penser que l’élève possède néanmoins les connaissances de base nécessaires et qu’il pourrait combler ses lacunes dans un délai raisonnable. Ungenügend ou « 6 » : la note « très insuffisant » désigne les performances qui ne correspondent pas au niveau requis et qui permettent de penser que l’élève ne possède pas les connaissances de base nécessaires qui lui permettraient de combler ses lacunes dans un délai raisonnable. Au cours des deux premières années de la Grundschule, l’évaluation des élèves s’effectue sous la forme d’un rapport où sont inscrits en détail leurs progrès individuels, leurs points forts et leurs points faibles dans chaque matière. A partir de la fin de la deuxième année au plus tôt, leurs bulletins indiquent des notes qui permettent, entre autres, de comparer leurs performances à celles de la moyenne de leur classe, donc de faire une évaluation comparative. Néanmoins, on observe un peu partout une tendance à généraliser l’évaluation, adoptée sous forme de rapport au cours des deux premières années, tout au long du cycle primaire (aussi en 3e et en 4e année). A la fin de la première année, les élèves passent automatiquement en deuxième. Cependant, par la suite, ils peuvent être contraints de redoubler s’ils n’ont pas atteint le niveau requis. Le passage de l’école primaire aux différents types d’écoles d’enseignement secondaire inférieur, où les élèves resteront au moins jusqu’à la fin de leur scolarité obligatoire à temps plein (allgemeine Schulpflicht), généralement jusqu’à l’âge de 15 ans, est réglementé différemment selon les Länder. L’orientation future des élèves est généralement décidée en fonction de ce que recommande la Grundschule, après une information approfondie des parents. La décision finale revient soit aux parents, soit à l’établissement du secondaire inférieur, soit à l’autorité scolaire. 46 II.1.2.2.1.4 Enseignants Les enseignants du secteur public sont généralement des fonctionnaires de l’Etat - qualité acquise après une période probatoire de 18 à 24 mois -. Leur statut est défini dans le code de la fonction publique de leur Land, lequel s’appuie quant à lui sur la loi-cadre de la fonction publique (Beamtenrechtsrahmengesetz). Les recrutements des enseignants sont effectués par les Länder en fonction des besoins. Pour tous les enseignants, la formation est divisée en deux parties : 1. Des études dans un établissement d’enseignement supérieur ou universitaire. Ces études sont axées dès le départ sur les exigences de la profession d’enseignant et sur les certificats requis et comprennent des stages pratiques. 2. Un programme de formation de pratique pédagogique sous la forme d’une période probatoire qui comprend des cours dans des séminaires et l’expérience pratique dans des écoles d’application. Ces études, qui représentent la première phase de la formation, mènent au premier examen d’Etat (Erste Staatsprüfung/ Staatsexamen), dont la réussite donne accès à la période probatoire (Vorbereitungsdienst). En fonction des lois appliquées dans chaque Land, cet examen peut, dans certains cas, être remplacé par des examens donnant droit à l’obtention d’un diplôme académique (Diplomprüfung), notamment pour les personnes se destinant à l’enseignement de certaines disciplines dans une école professionnelle. La période probatoire fait office de formation pratique et représente la deuxième phase de la formation des enseignants. Selon les Länder et les types d’enseignement, sa durée est en règle générale de deux ans. Elle consiste en périodes de travail en stages (Hospitationen), en la pratique guidée et indépendante de l’enseignement dans des écoles d’application et en la participation à des séminaires généraux et spécifiques consacrés à l’analyse détaillée de l’expérience acquise dans la pratique. Cette période probatoire de formation mène au deuxième examen d’Etat pour les enseignants (Zweite Staatsprüfung), dont la réussite conditionne - mais ne garantit pas - l’engagement définitif en tant que professeur. Dans la formation d’enseignant, les questions d’éducation spéciale sont également prises en compte. S’agissant de la Grundschule, la formation des enseignants se fait, comme pour tous les professeurs, en deux parties. La première partie comprend sept semestres qui attribuent une place spéciale à la partie pratique à l’école et à la partie scientifique de l’éducation. Concrètement, les étudiants doivent étudier une matière à option ou de spécialisation et la didactique relative à l’école primaire. Comme alternative, les étudiants peuvent étudier une ou plusieurs matières si des éléments de didactique y sont intégrés. Les options et les spécialisations possibles sont fixées par les Länder. Tous les enseignants sont tenus de suivre une formation continue afin de se tenir au courant de l’évolution des sciences et d’avoir la possibilité d’obtenir des qualifications complémentaires. Les centres de formation continue pour enseignants, créés par les ministères de l’Education et des Affaires culturelles, proposent une gamme diversifiée de cours où sont abordés les problèmes spécifiques à chaque niveau d’enseignement et type d’établissement, ainsi que les questions de portée plus générale concernant tous les types d’écoles (y compris les aspects juridiques, l’administration scolaire, etc.). Signalons qu’au moment de cette enquête, le profil professionnel des enseignants allemands fait l’objet d’innovation, dans le cadre des réformes en cours, afin de préparer ces derniers à 47 faire face aux bouleversements de l’appareil scolaire et à mieux répondre aux nouvelles exigences en matière d’éducation. II.1.2.2.2 ENSEIGNEMENT SECONDAIRE II.1.2.2.2.1 Enseignement secondaire inférieur Les écoles d’enseignement secondaire inférieur général prennent appui sur l’enseignement primaire dispensé dans les Grundschulen. Dans la plupart des Länder, ces établissements sont la Hauptschule, la Realschule, le Gymnasium et la Gesamtschule. On trouve dans certains Länder de nouveaux types d’écoles combinant la filière de la Hauptschule et celle de la Realschule en une seule unité organisationnelle et pédagogique. Selon les Länder, on les appelle Mittelschule, Sekundarschule, Regelschule, Integrierte Haut- und Realschule, Verbundene Haut- und Realschule ou encore Regionale Schule. La structuration des différents types d’écoles et des différentes filières du secondaire inférieur se base sur le principe d’un enseignement général de base, d’une spécialisation individuelle et d’un soutien adapté aux aptitudes des élèves. Quelle que soit la façon dont l’école est organisée, les 5e et 6e années constituent une phase spéciale d’aide, d’observation et d’orientation préalable à l’orientation vers une des filières ou spécialisations. Dans certains Länder, cette phase d’orientation est organisée comme un cycle formant une entité indépendante des différents types d’établissements. A partir de la 7e année, les types d’écoles et les filières se différencient de plus en plus du point de vue de la nature des matières proposées, du niveau requis en fonction de l’orientation individuelle et du certificat de fin d’études que l’élève souhaite obtenir. Dans les classes les plus avancées, la filière choisie et l’acquisition d’aptitudes en vue de l’obtention du diplôme poursuivi prennent de plus en plus de poids dans l’orientation scolaire individuelle des élèves. Les élèves sont généralement regroupés dans des groupes d’âge homogènes. Dans certains types d’écoles offrant plus d’une filière et dans certaines matières, ils peuvent également être regroupés selon leurs aptitudes (surtout de la 7e à la 10e année). II.1.2.2.2.1.1 Etablissements offrant un seul type d’enseignement Les établissements offrant un seul type d’enseignement sont la Hauptschule, la Realschule et le Gymnasium. La Hauptschule donne aux élèves un enseignement général de base qui s’étend généralement de 5e à la 9e année. Dans les Länder où l’enseignement est obligatoire pendant 9 ans, les élèves ont la possibilité de suivre une 10e année facultative à la Hauptschule pour un obtenir un certificat plus élevé, par exemple le Erweiterter Haupschulabschluss et dans certaines conditions, le Mittlerer Schulabschluss pour les élèves particulièrement doués. La Realschule offre aux élèves un enseignement général d’une durée de six ans, sanctionné par le Realschulabschluss. Ce certificat de fin d’études de la Realschule donne accès à des cours de formation directement sanctionnés par une qualification professionnelle ou à des types d’écoles menant à l’obtention d’un diplôme d’accès à l’enseignement supérieur. Le Gymnasium offre aux élèves un enseignement général approfondi. Il s’étend généralement de 5e à la 13e année et débouche sur un diplôme équivalent au baccalauréat général : l’Abitur. Les élèves qui réussissent les examens de l’Abitur après la 13e année obtiennent la Allgemeine Hochschulreife, certificat général de fin d’études de l’enseignement secondaire supérieur donnant accès aux études supérieures. 48 A la fin de la 10e année du Gymnasium, les élèves qui ont réussi dans les matières importantes pour leur passage (note « suffisant » au minimum) obtiennent l’autorisation d’accéder à l’enseignement secondaire supérieur, appelé Gymnasiale Oberstufe. II.1.2.2.2.1.2 Etablissements offrant plusieurs types d’enseignement On trouve dans différents Länder des établissements offrant plusieurs types d’enseignement. A titre d’exemple, on citera la Gesamtschule en Rhénanie du Nord-Westphalie et la Mittelschule en Sachsen. La Gesamtschule regroupe sous un même toit les filières dispensées à la Hauptschule, à la Realschule et au Gymnasium, du point de vue organisationnel et pédagogique. Les élèves sont regroupés dans des classes en fonction du certificat de fin d’études qu’ils souhaitent obtenir : le Hauptschulabschluss, le Mittlerer Schulabschluss ou le droit d’accéder à la Gymnasiale Oberstufe. La Mittelschule en Sachsen est un type d’établissement d’enseignement secondaire inférieur distinct qui dispense des cours à orientation générale ou professionnelle et prépare à l’obtention d’une qualification professionnelle. Les matières enseignées sont les mêmes qu’à la Hauptschule et à la Realschule. De plus, il existe un système d’école différencié avec des écoles spécialisées (Sonderschulen) pour enfants ayant des problèmes d’apprentissage, pour enfants présentant un retard scolaire, les enfants présentant des troubles comportementaux, pour handicapés mentaux, physiques, les malvoyants, les malentendants, les sourds et les personnes ayant des handicaps de langue/prononciation. Ces écoles existent à tous les niveaux du système et elles proposent en principe les mêmes certificats de fin d’études qu’à l’école ordinaire. II.1.2.2.2.1.3 Organisation des écoles Les cours à l’école sont dispensés en général par classes d’âge homogène. Dans certaines matières et dans des écoles offrant plusieurs filières, les cours peuvent être donnés, surtout entre la 7e et la 10e, par niveaux. Dans tous les types d’écoles, l’horaire hebdomadaire des cours comprend 28 heures de matières obligatoires et de matières à option (à choisir parmi les matières obligatoires) en 5e et en 6e année et 30 heures de la 7e à la 10e année. L’année scolaire, la semaine scolaire et l’heure de cours ont la même durée que dans l’enseignement primaire. II.1.2.2.2.1.4 Evaluation et examens finals de l’enseignement secondaire inférieur L’évaluation se fait par un système de notation, une évaluation continue des connaissances sur l’année et des bulletins semestriels et de fin d’année. L’évaluation est organisée de la même manière que dans l’enseignement primaire. II.1.2.2.2.1.5 Enseignants La formation des enseignants du secondaire inférieur est organisée en deux phases, comme pour tous les autres (voir chap. II.1.2.2.1.4). La première phase comprend de 7 à 9 semestres d’études dans un établissement d’enseignement supérieur et porte sur au moins deux disciplines d’enseignement (Unterrichtsfächer), plus la pédagogie, la didactique spécialisée (Fachdidaktik) et un stage pratique de plusieurs semaines dans une école ; ces études doivent 49 également contenir un stage de didactique générale et un autre de didactique spécialisée (fachdidaktisches Praktikum) sous tutelle. II.1.2.2.2.1.6 Formation générale et professionnelle de l’enseignement secondaire supérieur Les jeunes de 16 à 19 ans ont le choix entre les types d’enseignement secondaire supérieur suivants : enseignement général, enseignement professionnel, enseignement général et professionnel conjoint. La plupart des élèves de l’enseignement secondaire supérieur suivent un enseignement à orientation professionnelle. La majorité de ceux-ci suit une formation en alternance (duale Berufsausbildung). On parle d’alternance parce que la formation est dispensée en parallèle dans deux lieux différents : dans une Berufsschule (école professionnelle) et en entreprise. La durée de la formation est de deux à trois ans et demi. Elle a pour objectif de dispenser un enseignement professionnel de base étendu et de transmettre, dans le cadre d’une formation structurée, les connaissances et les aptitudes techniques nécessaires à la pratique d’un métier qualifié. Les jeunes qui parviennent au terme de ces études obtiennent le droit d’exercer la profession réglementée à laquelle ils se sont formés et de porter le titre de travailleur qualifié (qualifizierte Fachkraft). La compétence pour la formation professionnelle se répartie entre l’Etat fédéral, les Länder et des chambres (Kammern) comme des organismes régionaux ou sectoriels de droit public dotés d’une administration autonome ainsi que des organismes de formation (entreprise, Berufsschule). Le Ministère de l’Education et de la Recherche (Bundesministerium für Bildung und Forschung) est responsable, entre autre, de l’amélioration et du développement de la formation professionnelle en alternance, d’une offre de places de formation suffisante pour tous les jeunes ainsi qu’une promotion spéciale accordée aux jeunes défavorisés. Les ministres de l’Education et des Affaires culturelles des 16 Länder sont responsables de la formation dans la Berufsschule. Ils se mettent d’accord à propos de cette formation au cours de la Conférence permanente des Ministres de l’Education et des Affaires culturelles. Au niveau régional, les chambres s’occupent des contrôles, des examens et des accréditations. La formation des enseignants de l’enseignement général, professant dans le secondaire supérieur ou dans un Gymnasium, est organisée en deux phases, comme pour tous les autres enseignants (voir chap. II.1.2.2.1.4). La première phase comprend généralement neuf semestres d’études (parfois douze dans les branches artistiques) portant sur au moins deux disciplines et la didactique qui s’y rapporte. Plusieurs stages sont intégrés dans ces études, l’un doit au moins être de plusieurs semaines, un autre doit être un stage de didactique générale et autre de didactique spécialisée sous tutelle. II.1.2.2.2.2 Organismes de conseil et d’assistance Il y a au niveau de l’école allemande, des organismes de conseil et d’assistance (Mitwirkungsgremien). L’organisation et la mission de ces organismes d’assistance pour l’enseignement primaire, secondaire et tertiaire sont précisément établies par les Länder dans les lois scolaires et les lois constitutionnelles scolaires (Schulverfassungsgesetze), dans des lois de participation scolaires (Schulmitbestimmungsgesetze), dans les lois des établissements de l’enseignement supérieur, dans les lois des académies professionnelles (Berufsakademien) ainsi que dans les décrets d’exécution et des règlements électoraux. 50 - - - - Les conférences d’enseignants (Lehrerkonferenzen) : font partie des organismes d’assistance dans les écoles et les enseignants tranchent sur les questions relatives aux cours et l’éducation. Elles peuvent aussi avoir la fonction de conseil de discipline dans des situations de conflit relatives à l’ordre et aller jusqu’à l’exclusion d’un élève de l’établissement. Dans la plupart des Länder, les représentants des parents d’élèves ainsi que les représentants des élèves ont le droit de participer et d’être consulté lors de ces conférences. Le conseil de l’école (Schulkonferenz) : il s’agit du conseil pour la coopération entre la direction de l’école et les enseignants, élèves et parents. L’assistance du conseil de l’école s’applique en règle générale aux domaines scolaires suivants : organisation de la vie scolaire et des cours, protection des élèves (par exemple par des mesures de prévention d’accidents) et manifestations scolaires. Les droits d’assistance du conseil de l’école ont dans chaque Land une importance différente. La délégation des élèves (Schülervertretung) : pour la défense de l’intérêt des élèves ; les élèves élisent suivant le principe de représentation un délégué pour leur classe d’âge (Schülervertreter). Les lois scolaires des Länder reconnaissent fondamentalement les droits d’assistance aux élèves et réglementent la composition et les missions de la délégation des élèves. Au niveau de de la ville et de l’arrondissement, les délégués des écoles s’organisent en conseils d’élèves de la ville ou de l’arrondissement ( Stadt- oder Kreisschülerräte), au niveau du Land, en conseil d’élèves du Land (Landesschülerrrat). Avant tout, la défense de leurs préoccupations communes vis-à-vis de l’école, la défense des missions culturelles, spécifiques, sociales, sportives dans l’enseignement et la participation aux autres organismes d’assistance font partie des droits de la délégation des élèves. Les parents : exercent leurs droits d’une part individuellement sur le principe du droit parental, d’autre part collectivement dans des organismes qui représentent les parents et enfin dans d’autres organismes d’assistance scolaire. Généralement, la participation des parents (Elternmitwirkung) à l’intérieur de l’école peut se faire à deux niveaux : au niveau inférieur, dans la classe de leur enfant (réunion des parents d’élève – Klassenelternversammlung, Klassenpflegschaft) et au niveau supérieur pour l’école en général (comité des parents d’élève, délégation des parents –Schulelternbeirat, Elternvertretung). Ensuite, il y a dans certains Länder le niveau régional (conseil des parents au niveau de la ville, de l’arrondissement et de la commune – Elternrat auf Stadt-, Kreis- und Gemeindeebene) et enfin le du Land (comité des parents au Land – Landeselternbeirat et aussi en partie les délégations parentales spécifiques au type d’école). Au niveau de l’Etat fédéral, les comités de parents de Land se sont associés au conseil de parents de l’Etat fédéral (Bundeselternrat) pour informer les parents des développements dans le domaine de la politique de l’enseignement et pour conseiller les parents au sujet des questions d’ordre scolaire. 51 II.1.3 LES POLITIQUES EDUCATIVES DANS LE SYSTEME EDUCATIF ALLEMAND II.1.3.1 Contexte notionnel Le mot politique désigne tantôt les buts que les détenteurs du pouvoir choisissent de poursuivre, tantôt la manière concertée, concrète selon laquelle des actions sont menées pour atteindre les buts choisis. Selon la définition de Girod (1981)1, la politique de l’éducation est un ensemble cohérent de décisions et de moyens par lesquels un pouvoir - et singulièrement un pouvoir gouvernemental - assure au cours d’une période donnée la compatibilité entre des choix éducationnels fondamentaux et les contraintes caractéristiques du champ social dans lequel ce choix s’insère. En d’autres termes, déclare pour sa part De Landsheere, la politique est, au sens premier, l’expression de jugements de valeur qui fondent l’éducation, lui donnent ses orientations majeures, prioritaires, à un moment donné. En cela, elle rejoint la philosophie. Au sens second, celui de la « mise en œuvre », on entend par politique la manière de traduire dans les faits les options fondamentales : adoptions d’un curriculum déterminé, prises de mesures sociales, économiques, administratives. La notion de politique éducative occupe donc une place centrale dans tout système d’enseignement en ce sens que ce sont les politiques éducatives qui définissent les conditions d’existence et de fonctionnement de celui-ci. Partant de cette approche notionnelle, il est donné de considérer que les politiques éducatives se présentent comme les vecteurs de la philosophie, de la vision du monde d’un peuple. « Définir les finalités de l’école implique des prises de position politiques et idéologiques » (A. Van Zanten, 2004). Autrement dit, la notion de politique éducative peut être assimilée à celle d’idéologie, c’est à dire un ensemble de croyances, de valeurs, de convictions et d’objectifs à atteindre que se fixe un groupe social. En effet, ce sont les politiques éducatives qui fixent les valeurs à transmettre aux apprenants. De même, c’est de ces politiques éducatives que découlent les conditions et les cadre de déroulement du processus enseignement/apprentissage, C’est pour tous ces paramètres qu’il est convenu de dire que les politiques éducatives sont au centre de l’action éducative dans tout système. Elles sont à la base du processus de conception du système et l’orientent tout au long de son effectuation. Même au sortir du système, ce sont elles qui, au travers des finalités qu’elles définissent, permettent d’apprécier le résultat en fin de formation. De tout temps, les politiques éducatives se fondent sur le modèle d’homme à former, réalité abstraite, subtile et toujours non observable de façon manifeste. Les politiques éducatives sont au fondement du système éducatif et influent de tout leur pouvoir sur la nature des institutions scolaires. En effet, le fonctionnement, l’organisation de la nature des institutions et structures participant de l’œuvre éducative d’une société sont définies par les politiques éducatives. Enfin l’orientation des enseignements et le contenu des programmes et manuels officiels d’enseignement émanent des politiques éducatives. ___________________ cité par V. De Landsheere, ibidem, p.23 1 52 Les politiques éducatives se matérialisent et se manifestent, dans les sociétés modernes, par des textes de loi et autres décisions administratives. Ces textes qui peuvent se présenter sous diverses formes ou formules (lois, décrets, arrêtés, résolutions, circulaires, etc.), posent et énoncent les buts ainsi que les objectifs poursuivis par l’entreprise éducative au sein du groupe social. C’est donc de cet ensemble de textes que se dégage ce qu’il convient d’appeler la philosophie éducative du groupe social. Celle-ci renseigne alors sur le modèle d’homme à former. C’est dans cette optique que s’inscrit le concept sur lequel repose le système éducatif allemand: la Bildung, notion qui associe l’acquisition du savoir au développement de soi. L’enfant doit grandir et se développer selon son propre rythme et ses talents individuels. Bildung exprime donc l’idée d’individualité, de développement de soi, d’émancipation. Emancipation ne signifie pas détachement des liens qui unissent l’individu à ses communautés d’appartenance sociale, régionale ou religieuse, c’est d’affranchissement de l’ignorance dont il s’agit ici, d’un approfondissement des connaissances dans un sens le plus large possible. La Bildung ne discrimine pas entre les connaissances et équivaut à un accomplissement de soi quelle que soit la spécialité, la branche ou l’activité. Ce concept est fréquemment associé au nom de Wilhem von Humboldt, pédagogue allemand du début du 19e siècle qui a initié un certain nombre de réformes en Prusse dans les Gymnasium et les universités, réformes qui donnent corps à cette idée. Humboldt entendait en effet élargir les programmes d’enseignement du Gymnasium, jusqu’alors centrés autour du latin, et développer en particulier les domaines du sport, de la musique et des arts, des langues et de l’histoire. D’autres pédagogues se sont inscrits dans cette mouvance comme Schleiermacher dont les conceptions pédagogiques sont basées sur le développement des dons et des capacités propres à chaque individu. On peut évoquer également le nom de Kerschensteiner qui a beaucoup œuvré pour les travaux manuels et la formation professionnelle. Ce qui est donc prôné à travers le concept de Bildung, c’est une reconnaissance de la diversité, une équivalence des différentes spécialités, pourvu qu’elles concourent à l’accomplissement de soi, que ce soit sur le mode du métier ou de la culture savante. Cette notion implique que les dispositions de chaque individu soient « développées harmonieusement et amenées à l’expression dans leur particularité, mais aussi dans leur totalité. L’important ici est que la particularité doit être conservée et qu’il n’y a pas de loi suprême pour tous » (Dumont, 1991). Ce principe permet de mieux comprendre l’organisation différenciée de l’enseignement secondaire allemand (voir chapitre II.1.2.2.2). L’exigence d’accomplissement de soi, de développement des dispositions particulières à chacun, manuelles ou davantage tournées vers l’abstraction, fait écho aux différentes filières qui composent le premier cycle de l’enseignement secondaire, mais également aux nombreuses options proposées aux élèves au sein de chaque établissement qui individualisent encore davantage les parcours. 53 II.1.3.2 Politique en matière d’éducation des enfants des migrants L’une des hypothèses principales de cette recherche mentionnait que la politique éducative en Allemagne ne favorise pas la réussite scolaire des enfants d’origine étrangère. Est-ce le cas ? Quels sont les buts majeurs assignés au système éducatif par les détenteurs du pouvoir ? Ces buts prennent-ils en compte les personnes d’origine étrangère ? L’école en Allemagne est identifiée comme un lieu d’intégration. Le gouvernement fédéral considère l’intégration des étrangers vivant dans ce pays comme l’une des priorités de son action, mettant l’accent sur l’apprentissage de la langue, la formation et l’intégration sur le marché du travail. L’école est donc considérée comme un véhicule pour la transmission de la culture de la société d’accueil, soit des valeurs communes qui aideront les élèves immigrants à mieux s’intégrer à leur nouveau contexte de vie. L’un des buts majeurs assignés au système éducatif allemand est l’égalité des chances. Celleci se traduit aussi bien en termes d’accès à l’emploi, d’offre de formation pour les migrants qu’en termes de résultat scolaires et, plus généralement, d’accès aux savoirs. Ce qui implique de veiller à ce que la situation personnelle et sociale ne soit pas un obstacle à la réalisation du potentiel éducatif. Pour favoriser cette égalité des chances, des dispositions appropriées rendent possibles l’accès de chacun, en fonction de ses aptitudes et de ses besoins particuliers, aux différents types ou niveaux de la formation scolaire. Comme le souligne Christoph Feighofen (2003) dans son étude « Gesetzliche Grundlagen zur Intergration von Kindern und Jugendlichen mit Migrationshintergrund »1, tous les efforts pour une intégration réussie des immigrants dans la société d’accueil ne peuvent atteindre leurs buts que si l’Etat crée des bases juridiques et légales correspondantes. En effet, les lois allemandes en matière d’éducation font référence à la Loi fondamentale du 23 mai 1949 (Grundgesetz) qui, dans son article 3 paragraphe 1 rappelle l’égalité de tous les hommes devant la loi. Cela inclut les personnes d’origine étrangère. Tous ont droit à une protection équitable contre les discriminations tel que prévu dans l’article 3 paragraphe 3 alinéa 1 qui stipule : « Nul ne peut être discriminé ni favorisé à cause de son sexe, de son rang, de sa race, de sa langue, de sa patrie et ses origines, de sa foi, des ses convictions politiques ou religieuses. » ________________ 1 « Bases légales en matière d’intégration des enfants et jeunes issus de l’immigration » 54 La loi scolaire en Rhénanie du Nord-Westphalie réaffirme le droit de toute personne à l’éducation tel qu’il est énoncé dans la Loi fondamentale. « Jeder junge Mensch hat ohne Rücksicht auf wirtschaftliche Lage und Herkunft und sein Geschlecht ein Recht auf schulische Bildung, Erziehung und individuelle Förderung. Dieses Recht wird nach Maßgabe dieses Gesetzes gewährleistet ».1 « Chaque enfant a, sans tenir compte de la situation économique, de son origine et de son sexe, droit à l’école, à l’éducation et à la promotion individuelle. Ce droit est garanti par les dispositions de la présente loi. » Le droit à l’éducation peut également être considéré comme implicite lorsque rien ne fait obstacle à l’inscription des enfants qui ne possèdent pas le statut de résident légal dans le pays. Comme partout en Allemagne, l’école est obligatoire en Rhénanie du Nord Westphalie « pour toute personne ayant son domicile légal ou un statut de résident à long terme, son lieu de travail ou d’études en Rhénanie du Nord-Westphalie. »2 A côté du droit à l’éducation pour les enfants des migrants, la législation scolaire en Rhénanie du Nord-Westphalie intègre les enfants des étrangers dans l’obligation scolaire. La loi (Schulgesetz NRW ) définit les conditions de l’enseignement obligatoire pour les enfants des étrangers et demandeurs d’asile. « Die Schulpflicht besteht für Kinder von Asylbewerberinnen und Asylbewerbern und alleinstehende Kinder und Jugendlichen, die einen Asylantrag gestellt haben, sobald sie einer Gemeinde zugewiesen sind und solange ihr Aufenthalt gestattet ist. Für ausreisepflichtige ausländische Kinder und Jugendlichen besteht die Schulpflicht bis zur Erfüllung ihrer Ausreisepflicht. Im Übrigen unterliegen Kinder von Ausländerinnen und Ausländern der Schulpflicht, wenn die Voraussetzungen des Absatzes 1 vorliegen. »3 « L’école est obligatoire pour les enfants de demandeurs d’asile et les jeunes ou mineurs non accompagnés requérants d’asile, qui après avoir introduit une demande ont été affectés à une commune et ont reçu un permis de séjour. Pour les enfants et jeunes étrangers ayant l’obligation de quitter le pays, l’école reste obligatoire jusqu’au moment de leur départ. Du reste, l’école n’est obligatoire pour les enfants des étrangers que si les conditions prévues au paragraphe 1 de la présente loi sont réunies. » __________________ 1 Schulgesetz NRW GV. NRW. S. 863, Erster Teil, §1, 1 2 « Schulpflichitig ist, wer in NRW seinen Wohnsitz oder seinen gewöhnlichen Aufenthalt oder seine Ausbildungs- oder Arbeitsstätte hat. », SchulG NRW S.863, 2.Teil, §1, 1 3 Schulgesetz NRW GV.NRW. S.863, 4.Teil, §34, 6 55 Par ailleurs, l’intégration scolaire des élèves immigrants fait l’objet des mesures prioritaires de la part des autorités allemandes. La Rhénanie du Nord-Westphalie applique des mesures de soutien visant, d’une part, à compenser les besoins linguistiques des élèves immigrants allophones et, d’autre part, à répondre aux besoins d’apprentissage des élèves migrants dans certains domaines du programme du niveau d’enseignement où ils sont inscrits. Au niveau de l’enseignement préélémentaire, des programmes de promotion de la langue allemande avant l’âge de l’obligation scolaire sont prévus pour les enfants des migrants nés ou arrivés en bas âge en Allemagne. Les établissements scolaires en Rhénanie du Nord-Westphalie offrent fréquemment des mesures d’assistance aux élèves migrants et à leurs parents pour l’inscription, l’adaptation au système éducatif et l’accès aux informations sur l’orientation d’études futures offertes. Ces mesures s’étendent de l’aide aux formalités administratives au bien-être psychologique de l’enfant dans son nouvel environnement. En toute autonomie, les écoles emploient des conseillers ou font appel aux services d’orientation du Jugendamt. En Rhénanie du Nord-Westphalie, les élèves immigrants ont accès aux services scolaires ainsi qu’à toute aide financière (exemption des frais d’inscription, allocations d’études, prise en charge des services scolaires, etc.) octroyée par les autorités éducatives sur la même base que les élèves nationaux. Cette règle s’applique à tous les élèves qui disposent du droit à l’éducation obligatoire. Le terme « services scolaires » comprend l’utilisation des infrastructures scolaires tels que la cantine et le matériel scolaire, les activités extrascolaires, les services de santé, les transports scolaires, etc. Toutefois, les enfants immigrants bénéficient rarement d’un traitement plus favorable en ce qui concerne l’accès gratuit ou à frais réduits aux services scolaires, de même qu’ils ne reçoivent aucune aide financière particulière du fait de leur statut d’immigré. Lorsqu’un traitement de faveur prévaut, il s’applique de préférence aux enfants demandeurs d’asile, dont le dossier fait l’objet d’un haut degré d’intervention administrative. II.1.3.3 Evaluation du système éducatif allemand: résultat de l’étude PISA. En effet, jusqu’il y a peu de temps les Allemands étaient fiers de leur niveau d’éducation. « L’Allemagne semblait vivre dans l’illusion d’une école sans problème majeur, à tel point qu’il n’existait pas de terme pour nommer l’échec scolaire » (C. Viriot-Goeldel, 2006). Mais en 2000, l’étude PISA (Programme International pour le Suivi des Acquis des élèves) effectuée à l’échelle mondiale par l’OCDE, comparant le niveau d’élèves de 15 ans dans 32 pays membres, a eu un effet de bombe dans le pays, lorsque les Allemands sont arrivés dans la seconde moitié du tableau. De tous les domaines de l’étude, l’Allemagne se trouve nettement en dessous de la moyenne de l’OCDE. L’élément le plus choquant, déclare Hans Konrad Koch (2003), est le mauvais résultat en matière de compréhension de textes lus puisque cette compétence est la base pour l’acquisition d’autres compétences (mathématiques, sciences naturelles). 23 % des élèves allemands sont au niveau 1 (niveau le plus bas) ou en dessous. Ce groupe risque l’exclusion professionnelle et sociale. Véritable onde de choc, PISA a mis au jour un tabou, jusqu’alors ignoré du grand public et des médias. Pour la première fois depuis longtemps, une grande partie de la société devient consciente des problèmes du système éducatif. Le pays semble à présent découvrir l’existence de l’échec au sein de son système scolaire. Dès lors, on parle de « Bildungskatastrophe » et de « Bildungsmisere » (Adam, 2002). Ces vocables qui signifient 56 respectivement « catastrophe de l’enseignement » et « misère de l’enseignement » dénotent la prise de conscience du rôle du système scolaire dans l’échec, lequel ne repose plus désormais sur le seul élève, comme le fait remarquer Franz Hamburger (2005) lorsqu’il dit : « les deux études Pisa menées en 2000 et 2001 sont unanimes lorsqu’elles révèlent l’échec scolaire des enfants des migrants. Cet échec frappant a tendance à rester stable […] Mais une certaine opinion publique semble mettre l’accent sur les insuffisances des enfants des migrants plutôt que sur les faiblesses du système scolaire allemand. » En effet, le système scolaire allemand a vu arriver en un temps resserré un grand nombre d’élèves migrants auquel il n’était vraiment pas préparé. Ce qui a eu pour conséquence, l’écart important de performances entre les migrants et les élèves autochtones. Cet écart est généralement déclaré comme étant le plus élevé de tous les pays de l’OCDE. D’après l’étude PISA, l’Allemagne est le pays où les enfants parlant à la maison une autre langue que la langue nationale réussissent le moins bien à l’école (OCDE, 2001, p. 314). Les résultats de PISA révèlent ainsi les difficultés de l’école allemande à intégrer massivement la population d’origine étrangère en hausse. Une population qui d’ailleurs est essentiellement concentrée dans les zones urbaines. Dans certaines villes allemandes, les enfants des parents étrangers constituent 30 % des écoliers du primaire.1 Bien entendu, les résultats PISA ne concernent pas seulement les élèves immigrants, ils dénoncent plutôt les faiblesses du système éducatif allemand dans son ensemble. Les carences mises en évidence par PISA étaient déjà connues et les experts n’en étaient pas pour autant surpris. Des enquêtes antérieures avaient déjà révélé les faiblesses du système d’enseignement allemand. Hans Konrad Koch (2003) relève six raisons permettant d’expliquer les médiocres résultats de l’étude PISA à savoir : - - - - Les enfants entrent trop tardivement dans le système éducatif. Le jardin d’enfants n’a pas de mission éducative. L’Allemagne investit davantage pour l’enseignement secondaire que pour l’enseignement primaire. Elle dépense beaucoup moins que d’autres pays comparables dans l’OCDE. Il n’y a pas assez de possibilité de promotion individuelle dans le système primaire. Le système scolaire allemand est très divisé ; au bout de quatre ans, on sépare les enfants dans trois genres d’écoles différents. Dans la troisième année de l’école primaire, les enfants se préparent déjà à cette division ; seules les deux premières années sont alors décisives et offrent des possibilités de promotion individuelle. L’école allemande est une école à mi-temps. Là encore il y a moins de possibilité de promotion individuelle. Il y a un manque de pédagogie en matière de promotion individuelle, ce qui est une conséquence de la séparation qui a lieu à l’âge de dix ans dans le but de créer des groupes homogènes, ce qui n’est d’ailleurs pas le cas. L’enseignement allemand souffre d’un manque de culture d’évaluation. L’Allemagne assure traditionnellement la qualité par la régulation et la formation, et pas du tout par l’évaluation. ______________ Source citée par C. Viriot Goeldel : Staatsangehörigkeit : « Deutschs ». Die Zeit, 18 juillet 2002 1 57 L’onde de choc provoqué par l’enquête PISA a permis au système éducatif allemand d’affronter les nouveaux défis. « Le choc des résultats PISA, déclare Hans Konrad Koch, représente une grande chance pour démarrer une nouvelle réforme. » Il y a émergence des nouvelles missions assignées à l’école allemande. Plusieurs réformes ont eu lieu, pour permettre à l’école de préparer de manière appropriée les jeunes à affronter les défis d’un monde en radicale mutation (H. Avernius, 2001). Dans cette optique, le Forum Bildung1 (Forum Education) présente un certain nombre de recommandations qui vont donner lieu à des multiples chantiers de politiques menant à des nouvelles formes de régulation du système éducatif. Le Forum a pour ainsi dire bien repéré le maillon faible du système éducatif allemand, en exigeant entre autres une définition claire de la mission d’éducation des écoles maternelles et garderies, aide aux enfants faibles dotés d’une expression orale limitée ou ne s’exprimant pas convenablement en allemand, réévaluation et amélioration de la formation initiale des enseignants, mise en place des écoles à temps plein à l’échelle fédérale, lutte contre l’exclusion et accroissement du niveau de compétence linguistique, plus d’autonomie et de responsabilité aux écoles avec en contrepartie des contrôles qualitatifs réguliers et l’augmentation du budget de l’éducation. Dès lors le gouvernement fédéral et les Länder se sont engagés dans une période importante dénommé « Agenda 2010 », de changement et de modernisation du système scolaire. Le projet de réforme initié en 2003 par le gouvernement fédéral sera adopté en 2006. D’autre part, la Conférence permanente des Ministres de l’éducation et des affaires culturelles des Länder (Kultusminister Konferenz) fixe en juin 2006 ce qu’il convient d’appeler « une stratégie globale de contrôle de l’éducation », ayant pour objectif de garantir un lien systématique entre les mesures actuelles et à venir pour l’observation du système éducatif. En d’autres termes, il s’agit de constater de façon systématique et scientifique les résultats des systèmes éducatifs en termes d’apprentissage, d’analyser les raisons pouvant être à l’origine des résultats potentiellement insatisfaisants et d’en déduire des mesures de réforme appropriées par le biais de la politique et de l’administration de l’éducation nationale. Toutefois, il ne s’agit pas seulement d’obtenir systématiquement des informations sur le système éducatif, mais également de déterminer les liens étroits qui existent entre ces informations et les mesures destinées à l’amélioration des cours et de la qualité de l’enseignement. Dans cette perspective, la Conférence préconise quatre points dont les concepts sont étroitement liés : analyse des performances scolaires au niveau international, contrôle centralisé du respect des normes éducatives par le biais d’un comparatif entre les Länder, travaux de comparaison destinés au contrôle des performances de chaque établissement scolaire à l’échelle des Länder et élaboration d’un rapport sur l’éducation rédigé conjointement par l’Etat et les Länder. S’agissant de l’analyse des performances, la priorité est donnée aux enquêtes qui portent sur des points soumis aux normes éducatives de la « Kultusminister Konferenz ». Actuellement les Länder participent aux enquêtes comparatives internationales PISA - réalisée tous les 3 ans-, PIRLS/IGLU - tous les 5 ans - et TIMSS Math/Sciences - tous les 4 ans -. ____________________ Forum Bildung : plate-forme de coordination instituée en 1999 par la Ministre fédérale de l’Education nationale. 1 58 Quant au Contrôle centralisé du respect des normes éducatives, il est assuré par l’Institut allemand dédié à l’amélioration de la qualité du système éducatif - IQB -. Tous les Länder se sont engagés à mettre en œuvre les normes déjà en vigueur à compter de la rentrée scolaire 2004/2005 ou 2005/2006. A partir de 2009, les normes éducatives établies par la « Kutusminister Konferenz » constitueront la base du comparatif entre les Länder. Afin de donner au contrôle centralisé des normes éducatives une validité à l’échelle internationale, les comparatifs seront réalisés en relation avec les enquêtes internationales de performance scolaire. En ce qui concerne les Travaux de comparaison destinés au contrôle des performances de chaque établissement scolaire, les Länder ont convenu de renforcer leurs efforts afin de promouvoir les procédures s’appliquant à l’échelle des Länder. Le quatrième point prévoit l’élaboration d’un rapport sur l’éducation rédigé tous les deux ans conjointement par la « Kultusminister Konferenz » et le Ministre fédéral de la formation et de la recherche. Celle-ci permettra de proposer à l’opinion publique une information permanente, reposant sur des données fiables et portant sur les conditions générales, les résultats et le rendement des procédures éducatives. La législation scolaire de plusieurs Länder a pris en compte ces nouvelles exigences. Des vastes réformes ont été ainsi entreprises en Rhénanie du Nord-Westphalie. Depuis 2005 l’offre d’écoles ouvertes toute la journée a été considérablement élargie, des postes d’enseignants supplémentaires ont été créés, mise en place de nouveaux programmes scolaires, de nouveaux manuels et des heures de soutien supplémentaires permettant de réduire le temps de scolarité jusqu’au baccalauréat à 12 ans, instauration des examens centraux de la 10e classe et du baccalauréat, etc. Par ailleurs, la Rhénanie du Nord-Westphalie est le premier Land de la République fédérale d’Allemagne à avoir introduit des tests de langue obligatoires pour tous les enfants de quatre ans. Les enfants ne maîtrisant pas suffisamment l’allemand reçoivent un soutien linguistique avant leur scolarisation. II.2 ORGANISATION SCOLAIRE EN RHENANIE DU NORDWESTPHALIE1 Quand bien même les compétences principales dans le secteur de l’éducation appartiennent aux Länder, l’organisation de l’enseignement en NRW ne diffère guère de l’ensemble du système éducatif allemand tel que défini dans le cadre des dispositions de l’Etat fédéral (voir chapitre II.3). En Rhénanie du Nord-Westphalie, l’école publique est gratuite. La scolarité obligatoire commence à l’âge de 6 ans et dure 4 ans. A l’issue du cycle primaire, d’après leurs résultats, les élèves, sauf ceux dirigés vers l’enseignement spécialisé, sont orientés vers trois types différents d’écoles secondaires (voir tableau 4) : la Hauptschule, la Realschule et le Gymnasium. On trouve également en Rhénanie Nord-Westphalie des Gesamtschulen (écoles polyvalentes) qui offrent aux élèves une plus vaste gamme de possibilités d’enseignement que le Gymnasium traditionnel. _______________________ 1 Source : Ministère de l’Education de la Rhénanie Nord-Westphalie (SchlG NRW. S. 863, dez. 2009). 59 La Gesamtschule en Rhénanie Nord-Westphalie propose un programme d’études ouvert à tous les élèves âgés de dix à dix-huit ans et leur donne beaucoup de liberté dans leurs choix de matières. Tous les enfants d’âge de fréquentation scolaire obligatoire sont regroupés en classes parallèles (des filières), selon leurs aptitudes. Les élèves peuvent aisément passer d’un type d’enseignement à l’autre. A la différence des Gymnasiums qui sont pour la plupart des écoles à temps partiel et qui donnent beaucoup de devoirs, les Gesamtschulen sont quasiment des écoles à temps plein (cf. Tableau 5). La Hauptschule est obligatoire de la 5e à la 9e année de scolarité, la 10e étant facultative. La Realschule qui fait le lien entre la Hauptschule et le Gymnasium va de la 5e à la 10e année de scolarité et mène au Mittlere Reife (brevet du secondaire). Quant au Gymnasium, il va de la 7e à la 13e année1, et s’achève avec le baccalauréat (Abitur). L’un des aspects importants du système scolaire de la Rhénanie du Nord-Westphalie, en l’occurrence l’organisation de l’enseignement secondaire supérieur, mérite d’être souligné dans la mesure où il permet une meilleure compréhension des données statistiques, notamment en ce qui concerne les résultats des élèves francophones africains subsahariens à la fin de l’école secondaire. II.2.1 Organisation de l’enseignement secondaire supérieur en Rhénanie du NordWestphalie L’enseignement scolaire supérieur appelé « Gymnasiale Oberstufe » s’étend de la 11e à la 13e année du Gymnasium et se divise généralement en deux phases : la phase d’introduction (Einführungsphase) d’une durée d’un an et d’une phase de qualification (Qualifikationsphase) de deux ans. Pour obtenir le droit d’accès à l’enseignement secondaire supérieur, il faut avoir terminé avec succès la 10e année du Gymnasium (parcours habituel) ou alors avoir atteint un niveau comparable dans un autre type d’établissement du secondaire inférieur. Après la phase d’introduction qui s’appuie sur les acquis de l’enseignement secondaire inférieur les élèves sont groupés par cours et non plus par classes dans la phase de qualification. Les élèves doivent choisir des cours de base (Grundkurse) et des cours avancés (Leistungskurse) qui contribuent à une formation propédeutique scientifique à différents niveaux. Les cours de base, 2 à 3 heures par semaines, assurent une formation de base et les cours avancés, au moins 5 heures par semaine, donnent une formation exemplaire approfondie. Alors qu’une formation fondamentale commune doit être assurée à tous les élèves grâce aux cours de base, les cours avancés doivent apporter une compréhension propédeutique scientifique approfondie et des connaissances enrichies. ______________________ 1 Le gouvernement de la Rhénanie Nord-Westphalie prévoit, dans le cadre de réformes éducatives, de réduire la durée de scolarité jusqu’au bac à 12 ans dès l’année scolaire 2013/2014. Ce système est déjà en expérimentation dans plusieurs établissements. 60 II.2.2 Programme Quoique les élèves doivent choisir un minimum défini de cours obligatoires, ils ont une grande liberté dans le choix de leurs matières parce qu’ils peuvent créer des domaines de spécialisation individuelle dans la vaste gamme de cours qui leur est offerte. Les matières sont regroupées en trois grands domaines : - langues, littérature et arts ; - sciences sociales ; - mathématiques, sciences naturelles et technologies. Chacun de ces trois groupes de matières doit être représenté dans le programme de tout élève tout au long de l’enseignement secondaire supérieur et à l’examen de l’Abitur. La religion et l’éducation physique viennent également s’ajouter aux matières obligatoires. L’allemand, une langue étrangère et les mathématiques doivent toujours faire partie de la phase de qualification (Qualifikationsphase) et les résultats doivent être pris en compte dans le certificat de la Allgemeine Hochschulreife1. Ces trois matières peuvent être substituées dans une certaine mesure par des cours comparables (Substitutionsregelung). Jusqu’à deux tiers des cours enseignés sont des cours de base (Grundkurse). Les élèves doivent choisir deux cours avancés (Leistungskurse), dont l’un doit être l’allemand, ou une langue étrangère, ou les mathématiques ou une matière scientifique. Si l’allemand est choisi comme premier cours avancé, les mathématiques ou une langue étrangère doivent être incluses dans les quatre matières à présenter à l’examen de l’Abitur. Comme deuxième cours avancé, les élèves peuvent parfois choisir également une des nouvelles matières prévues au programme de l’enseignement secondaire supérieur du Gymnasium (Gymnasiale Oberstufe), entre autres une langue étrangère ou une discipline professionnelle. L’enseignement secondaire supérieur du Gymnasiale Oberstufe, se termine par l’examen de l’Abitur, que les élèves doivent passer dans quatre matières. Il prévoit des épreuves écrites et, dans certains cas, orales dans les deux cours avancés et dans une troisième matière. Pour la quatrième matière, il suffit de présenter une épreuve orale. Les trois groupes de matières précités doivent être représentés à l’examen. L’allemand ou la langue étrangère est une matière d’examen obligatoire. En Rhénanie du Nord-Westphalie, les élèves qui passent avec succès l’examen de l’Abitur à l’issue de leur 13e année, reçoivent la Allgemeine Hochschulreife. Celle-ci peut être également obtenue après la 12e , dans la mesure où le volume horaire total contient au moins 265 heures pour le secondaire inférieur et la Gymnasiale Oberstufe. Dans ce certificat, les résultats de la phase de qualification sont également pris en compte, en plus des résultats de l’Abitur. _________________ 1 Il existe trois certificats différents donnant accès à l’enseignement supérieur : La Allgemeine Hochschulreife (baccalauréat) ; la Fachgebundene Hochschulreife (baccalauréat lié à une discipline) et la Fachhochschulreife (baccalauréat technique). 61 TABLEAU 4 : Organisation scolaire en Rhénanie du Nord-Westphalie (modèle simplifié). Age Filières Classe 19 Abitur 18 Abitur Abitur 13 12 17 11 16 10 15 Gesamtschule 9 14 Gymnasium 13 12 Realschule Hauptschule 8 7 6 11 5 Orientation 10 9 4 Grundschule 3 8 2 6 ou7 1 6 5 Kindergarten 4 3 D’une manière générale, les 5e et 6e années sont les classes d’orientation. Elles constituent une phase spéciale d’aide, d’observation et d’orientation préalable à l’orientation vers une des filières ou spécialisations. Durant ces deux années, les élèves ne sont pas obligés de doubler à cause de leurs notes à la fin de l’année. C’est le même principe qu’à l’école primaire. Les professeurs font une recommandation pour le lycée (Gymnasium), le collège à niveau moyen (Realschule), le collège à niveau inférieur (Hauptschule) ou l’école spécialisée (Sonderschule) pour enfants déficients ou inadaptés. La recommandation se fait par écrit. Elle est adressée aux parents au moins six semaines avant la fin de l’année scolaire. Une date de concertation est également proposée dans les mêmes délais. Toutefois, les parents ont le droit de s’opposer à la recommandation des enseignants s’ils en jugent nécessaire. Dans ce cas, le problème sera soumis au ministre de l’éducation qui tranchera après avoir fait passer des tests à l’enfant. 62 La plupart des écoles en Rhénanie Westphalie ne sont ouvertes que le matin, mais la politique éducative du Land soutient la création d’écoles à temps plein. Pour l’année scolaire 2007/2008 par exemple, on dénombre sur l’ensemble de 6688 écoles (tous types confondus), 767 établissements d’enseignement à temps plein (voir tableau 5). TABLEAU 5 : Nombre d’écoles fonctionnant à mi-temps et à temps plein. 20072008 Grundschule Ecoles à 3.368 mi-temps 20 Ecoles à temps plein Hauptschule Realschule Gymnas. Gesamtschule 718 557 630 218 TOTAL Tous types d’écoles confondus(*) 6.688 255 22 27 210 767 Source : Tableau réalisé par nous-même sur base des données statistiques du ministère de l’éducation de la Rhénanie Westphalie (MSW NRW Statistische Übersicht 366, Juli 2008). (*) Toutes les formes d’écoles ne sont pas reprises dans ce tableau. II.3 POPULATION SCOLAIRE AFRICAINE EN RHENANIE DU NORDWESTPHALIE Le « Ministerium für Schule und Weiterbildung des Landes Nordrhein-Westfalen » (Ministère de l’éducation de la Rhénanie Westphalie) nous a fourni des données statistiques sur les établissements scolaires et sur le nombre d’élèves étrangers1 inscrits à l’école primaire et dans les différents types d’établissements de l’enseignement secondaire existant en Rhénanie Westphalie en 2009 (voir Tableau 6). En effet, en 2009, on dénombre en Rhénanie du Nord-Westphalie 3.223 écoles primaires (Grundschulen) et 3.278 établissements de l’enseignement secondaire, tous types d’écoles confondus. S’agissant du nombre d’élèves étrangers, on enregistre 81.191 élèves étrangers soit 11,93% des élèves (toutes nationalités confondues) inscrits à l’école primaire ; 218.664 élèves étrangers soit 10,32% sont inscrits dans les différentes écoles de l’enseignement secondaire. ________________________ L’emploi juridique du terme « étranger » (Ausländer) correspond au concept de « migrant » habituellement utilisé au niveau international. 63 1 En ce qui concerne la population scolaire africaine, l’office régional de la statistique (Statistisches Landesamt) de la Rhénanie du Nord-Westphalie a fourni des données sur le nombre d’élèves africains, par pays, inscrits dans différents types d’écoles en 2009 ainsi que le nombre d’élèves africains ayant achevé leurs études à la fin de l’année scolaire 2008/2009. Dans l’ensemble, on estime à 5.121 soit 0,75% le nombre d’élèves africains (tous pays confondus) inscrits à l’école primaire (Grundschule). L’Afrique francophone subsaharienne compte 832 élèves soit 0,12% des élèves inscrits à la Grundschule en Rhénanie Westphalie. Au niveau du secondaire, 2.473 élèves africains, dont 369 (0,18%) francophones subsahariens, sont inscrits à la Hauptschule ; 1.398 élèves africains, dont 189 (0,06%) francophones subsahariens, sont à la Realschule ; 1.738 élèves africains, dont 213 (0,09%) francophones subsahariens, fréquentent la Gesamtschule ; 991 jeunes africains, dont 104 (0,02%) vont au Gymnasium ; 1.126 élèves africains, dont 241 (0,22%) francophones subsahariens, sont inscrits dans les écoles spécialisées (Sonderschulen) et 385 élèves africains, dont 67 (0,25%) francophones subsahariens suivent une formation professionnelle. TABLEAU 6 : Populations scolaires en Rhénanie du Nord-Westphalie : 2009/2010 Ecoles Grundschule (Primaire) Hauptschule Realschule Gymnasium Gesamtschule Sonderschule BerufsKolleg(*) Nombre d’écoles 3.323 671 559 630 221 704 56 201.525 316.411 596.672 234.958 108.021 27.344 44.569 32.616 27.320 36.930 20752 5691 2473 1398 991 1738 1126 385 369 189 104 213 241 67 Nombre 680.770 d’élèves (toutes nation. confondues) Elèves 81.191 étrangers Elèves africains 5121 Elèves 832 franco. afr. subs. Source : Tableau réalisé par nous-même sur base des données statistiques du Ministère de l’éducation de la Rhénanie Nord-Westphalie (MSW NRW, 2009) ______________________ (*)Le Berufskolleg ou Weiterbildungskolleg en Rhénanie Nord-Westphalie est une filière d’enseignement secondaire permettant d’obtenir une double qualification: la Hochschulreife (bac) et/ou une qualification professionnelle. 64 A la fin de l’année scolaire 2008/2009, 125 élèves africains, dont 12 francophones subsahariens, ont obtenu la Hochschulreife (baccalauréat général) tandis que 30 élèves africains, dont 2 francophones subsahariens, ont obtenu la Fachhochschulreife (baccalauréat technique) (voir Tableau 7). TABLEAU 7 : Elèves francophones africains subsahariens inscrits en Rhénanie du NordWestphalie ou ayant obtenu un certificat de fin d’études secondaires en 2008/2009. Pays Grund- Haupt- Realschule schule schule Gym- Gesamt Sonder Berufs Bac nasium schule Schule Kolleg techn. Benin 6 0 4 3 1 1 0 Burkina Faso Burundi 6 2 0 2 6 2 0 6 2 0 0 3 4 2 Cameroun 98 24 25 30 21 17 5 CongoBrazza CongoKinshas Côte d’Ivoire Gabon 297 132 78 25 84 125 26 121 69 19 10 23 40 8 20 16 7 3 8 1 5 1 2 4 0 1 0 0 Guinée 26 22 2 5 9 4 7 Mali 5 0 2 2 1 1 0 Niger 9 0 0 2 1 0 0 Ruanda 11 3 3 2 6 2 4 Sénégal 22 15 6 1 5 1 0 Tchad 1 3 0 0 0 0 0 Togo 155 72 36 17 39 30 5 Bac général Abitur 1 1 6 1 1 1 2 Rép. 43 6 3 1 4 13 2 1 Centrafr. Total 827 368 189 103 212 241 64 2 12 Source : tableau réalisé par nous-même d’après les données du Ministère de l’éducation et de l’Office régional de la statistique de la Rhénanie du Nord-Westphalie (Landesamt für Datenverarbeitung und Statistik NRW, Referat 313, 2009) 65 Sur un total approximatif (les données statistiques n’étant pas exhaustives) de 1.177 élèves francophones africains inscrits dans les différents types d’établissements de l’enseignement secondaire répertoriés dans ce tableau, 14 jeunes migrants soit 1,19% ont obtenu un certificat donnant accès à l’enseignement supérieur. Cette situation est, en dépit des vastes réformes entreprises ces dernières années, illustrative d’une problématique d’intégration scolaire des enfants et jeunes migrants d’Afrique francophone subsaharienne dans le système éducatif allemand. II.4 PROBLEMATIQUE DE L’INTEGRATION DES ENFANTS ET JEUNES MIGRANTS ORIGINAIRES D’AFRIQUE FRANCOPHONE SUBSAHARIENNE DANS LE SYSTEME SCOLAIRE ALLEMAND. Comme nous venons de le voir, le système éducatif allemand semble offrir une plus grande marge de manœuvre pour faciliter l’intégration scolaire des élèves d’origine migratoire. Cependant, malgré les efforts fournis en matière de politique éducative, la situation des jeunes francophones africains subsahariens est encore loin d’être parfaite, au vu justement des résultats scolaires. Comment alors expliquer un taux de réussite aussi faible ? Les données sur les résultats scolaires de 2009 traduisent, d’une certaine manière, le degré de performances, voire de difficultés des élèves migrants noirs africains francophones dans le système éducatif allemand. Pourquoi beaucoup d’élèves migrants francophones noirs africains en Rhénanie du Nord-Westphalie ne réussissent-ils pas à l’école ? Quelle est la situation de ces enfants au moment de l’entrée à l’école ? Quelle est la situation de l’école (législation en matière de scolarisation des enfants de migrants, structures d’accueil, dispositifs de soutien, formation interculturelle des enseignants et personnel d’encadrement)? Quels sont les critères permettant de décider si les enfants de migrants vivent une « bonne » ou une « mauvaise » intégration scolaire, autrement dit s’ils connaissent une situation de « réussite » ou d’« échec » scolaire ? L’ampleur de cet échec scolaire a-t-il les mêmes fondements que celui des enfants autochtones, en particulier ceux des milieux défavorisés ? Dans cette optique, le concept d’échec scolaire apparaît central et résume ainsi les interrogations portées sur les rapports entre les élèves migrants noirs africains francophones et le système éducatif allemand. Nous allons donc approfondir ce concept dans une analyse plus détaillée que nous faisons dans la troisième partie de ce travail. II.5 METHODOLOGIE II.5.1 Approche globale Cette recherche s’est fixée pour objectif de comprendre, par l’analyse et la description, le fonctionnement du système scolaire allemand, les déterminants organisationnels ainsi que les dynamiques d’apprentissage et de socialisation mises en place en Rhénanie du NordWestphalie à travers la problématique présentée ci-dessus. Elle vise également à analyser les 66 attitudes et représentations des parents africains ainsi que leurs stratégies dans la réussite scolaire de leurs enfants. Si nous prenons pour référence les élèves migrants africains estimés en mal d’intégration, de par leurs niveaux d’acquisitions voire de leurs résultats scolaires, cela peut donner lieu à deux approches : soit une approche quantitative interrogeant les acteurs de l’éducation sur les facteurs d’intégration scolaire des élèves africains estimés en difficulté d’adaptation par voie de questionnaire ; soit une approche qualitative, recueillant un discours ouvert des mêmes acteurs sur cette question. Nous avons fait le choix de l’approche qualitative, car elle nous a semblé satisfaire un ensemble de conditions épistémologiques fondamentales. En effet, la problématique de l’intégration des élèves africains dans le système scolaire allemand fait intervenir plusieurs éléments d’analyse liés à la fois au système et aux acteurs. De plus, il était impossible au début de cette enquête de connaître l’ensemble des facteurs susceptibles d’intervenir, si tant est qu’une connaissance exhaustive de ces facteurs soit possible. D’où l’impossibilité de faire appel à un questionnaire fermé. Le caractère exploratoire de notre recherche nécessitait donc une méthodologie suffisamment ouverte et flexible pour permettre à de nouvelles données, même totalement inattendues d’émerger. Dans cette recherche, l’analyse de contenu constituera notre technique principale du traitement qualitatif des données. « Tout ce qui est dit ou écrit est susceptible d’être soumis à une analyse de contenu » (P. Henry et S. Moscovici)1, cités par Laurence Bardin (2007). II.5.2 Populations enquêtées Cette étude exploratoire est réalisée sur une population représentative des parents d’élèves migrants originaires d’Afrique francophone subsaharienne en Rhénanie du Nord-Westphalie. Les parents africains constituent une des populations qui nous intéressent particulièrement dans le cadre de cette étude. En effet, ils sont au cœur de la problématique, car ce sont eux qui envoient les enfants à l’école allemande, mais ne semblent pas satisfaits de l’impact qu’exerce le système sur le développement et la réussite scolaire de leurs enfants. Une investigation auprès des parents était nécessaire pour justement comprendre ce que ceux-ci pensent et attendent de l’école allemande. Le corps enseignant a été choisi par rapport aux différentes formes d’écoles qui accueillent les élèves d’origine africaine. Nous avons également interrogé des élèves africains inscrits dans différents établissements de la région fédérale de Rhénanie Nord-Westphalie ainsi que ceux fréquentant les écoles francophones belges. L’échantillon comprend enfin des représentants de différents groupes associatifs africains. Nous avons contacté les associations pour comprendre la nature de leurs activités par rapport à la question de l’intégration scolaire. A l’époque de cette recherche (2008), nous avons rencontré vingt-deux parents africains d’origines et de nationalités différentes résidant dans les villes ci-après : Aachen, Cologne, Bonn, Essen, Dortmund, Düren, Düsseldorf, Erfstadt, Horem, Soligen et Wuppertal. Les parents sont de deux sexes. Ils ont au moins un enfant inscrit à l’école allemande ou scolarisé dans une école francophone belge. Nos interlocuteurs appartenaient soit à notre cercle de connaissances soit ils ont été contactés par l’entremise de tiers. Ils ont été également sélectionnés surtout en fonction de leur disponibilité à participer à l’enquête. Notre connaissance des milieux africains (étant nous-même migrant d’origine africaine) nous a permis d’établir de très bons rapports interpersonnels. 67 Au niveau du corps enseignant et des écoles, l’ensemble de l’échantillon est composé de six chefs d’établissements et de dix enseignants. Nous avons rencontré deux directrices et six enseignantes de l’école primaire. Au niveau de l’enseignement secondaire, nous nous sommes entretenus avec quatre chefs d’établissements et quatre enseignants. Les enseignants ont été sélectionnés dans les écoles de l’échantillon. Nous avons choisi deux écoles élémentaires dans les villes de Cologne et d’Aachen. L’une de ses écoles est une OGS (« Offene Ganztagschule »). Il s’agit d’une école primaire (Grundschule) accueillant des élèves à la journée dont plusieurs élèves d’origine africaine. Cette école bénéficie d’une certaine mixité visible au niveau des classes. 25% des élèves sont d’origine étrangère. Elle se trouve à Kerpen, une ville allemande d’au moins soixante mille habitants, située non loin de Cologne. Cette école fait partie des établissements qui expérimentent en Rhénanie Nord-Westphalie des dispositifs pilotes grâce auxquels les ministères explorent un moyen d’action pour lutter contre l’échec scolaire. Nous avons souhaité faire de l’observation dans cet établissement pour appréhender entre autres l’impact du dispositif d’enseignement de soutien mis en place. Les résultats de ces observations seront présentés dans la partie suivante. Au niveau de l’enseignement secondaire, nous avons rencontré le recteur d’un Gymnasium de la ville d’Aachen. Il s’agit de l’un des grands lycées de la ville où nous avons eu par le passé l’occasion d’animer un atelier d’apprentissage. Cette activité s’inscrivait dans le cadre d’un programme ministériel d’éducation culturelle. Ce lycée compte environ 800 élèves au moment de notre enquête. Deux élèves africains sont inscrits dans cet établissement, ils se trouvent en dernière classe d’orientation. Nous rappelons ici que les classes de 5e et 6e dans le système scolaire allemand constituent des classes d’orientation (voir tableau 4). Le deuxième établissement choisi est une Hauptschule (école secondaire à orientation professionnelle) de la ville d’Aachen. Cet établissement compte près de 500 élèves. 55% des élèves sont d’origine étrangère. Plus de 30 élèves originaires d’Afrique francophone subsaharienne fréquentent cette école. Notre échantillon comporte également une « Realschule » (590 élèves dont 11 africains) de la ville d’Essen, dans la Ruhr ainsi qu’une « Gesamtschule » (1200 élèves avec environ 25 élèves africains) située à Bonn. II.5.3 RECUEIL DES DONNEES Le recueil des données s’est effectué entre mars 2008 et juin 2009, en fonction des moyens impartis à cette recherche et de la disponibilité des participants. Trois modes d’investigation nous ont permis de recueillir les informations : les entretiens semi-directifs, l’observation directe et l’exploitation documentaire. II.5.3.1 Les entretiens Nous avons opté pour l’entretien en tant qu’option stratégique de collecte de données, car l’entretien, avons-nous pensé, offre davantage la possibilité de recueillir des éléments d’analyse plus profonds. Nos interviews informelles avec une tendance conversationnelle avaient pour but de favoriser les discours sur l’intégration scolaire des enfants et jeunes migrants africains dans le système scolaire allemand. C’est pourquoi, nous formulons des questions ouvertes qui permettent aux interviewés les variations dans leurs réponses. Puisque un certain nombre d’items définis a été abordé à travers plusieurs questions précises, nous préférons qualifier ces entretiens de « semi-directifs ». Nous avons élaboré trois guides d’entretien : un de destiné aux parents, un destiné aux enseignants et chefs d’établissements, le troisième guide était destiné aux élèves. 68 Les thématiques du guide d’entretien destiné aux parents s’organisent autour des grands axes suivants : la composition des familles, le statut migratoire, les langues en usage, le niveau d’instruction, les attitudes et pratiques éducatives, la situation professionnelle, la participation à la vie scolaire des enfants, les stratégies, la déclaration des besoins et des attentes. Le guide destiné aux enseignants comportait des items portant sur : la formation initiale et continue, les connaissances de la communauté noire africaine, la détection et l’évaluation de difficultés d’intégration des élèves africains, la pratique de l’enseignement de soutien, rapports avec les élèves africains, les relations avec les parents. Le guide d’entretien destiné aux directeurs d’écoles et chefs d’établissements portent sur : la description du contexte scolaire (programmes, enseignants, matériel pédagogique, etc), les compétences interculturelles, l’évaluation et la prise en compte des besoins des élèves africains, les dispositifs d’enseignement de soutien, les relations avec les parents. Le guide d’entretien destiné aux élèves articule les items portant sur : les attitudes, la langue, les filières scolaires, les difficultés d’adaptation scolaire, la situation familiale et les stratégies d’apprentissage. Toutes ces questions nous ont permis de dégager les profils de représentations des enseignants, des élèves africains et de leurs parents, en ce qui concerne l’intégration scolaire. Les entretiens avec les enseignants et les parents ont été menés de façon individuelle. Les entretiens avec les élèves africains ont été également menés en individuel, sauf une seule fois où nous avons eu l’occasion de nous entretenir avec un groupe de quatre jeunes fréquentant une école francophone belge. Les entretiens avec les parents se sont déroulés soit par téléphone, soit à leurs domiciles. Nous avons privilégié l’entretien en face à face, le contact direct nous a semblé important dans la mesure où il nous permettait de mieux observé nos interlocuteurs, mais aussi de les rassurer quant à la confidentialité de leurs réponses. Les entretiens avec les enseignants et chefs d’établissements ont été effectués sur leurs lieux de travail, évidemment sur rendez-vous et en-dehors du temps de cours de la classe. Les entretiens avec les enseignants et directeurs d’écoles se sont déroulés en allemand voir retranscription en annexe). Nous nous sommes entretenus avec les élèves en famille ou à l’école, en-dehors des heures de classe. Quelques extraits de nos entretiens figurent en annexe. II.5.3.1.1 Difficultés Au cours de cette enquête nous nous sommes heurté à quelques difficultés. Nous avons eu beaucoup de mal à obtenir un rendez-vous auprès des personnes ciblées et à faire comprendre à certains parents méfiants les finalités de notre démarche. Un certain nombre de personnes que nous devions interroger n’ont pas respecté leurs rendez-vous. Nous étions parfois obligé de solliciter un nouveau rendez-vous et surtout de faire preuve de beaucoup de patience. Mais malgré ces difficultés, les entretiens se sont déroulés dans un climat de confiance et de courtoisie. Faut-il par ailleurs signaler que le nombre restreint d’interviews ne permet certes pas une étude quantitative de la situation des migrants noirs africains francophones en Rhénanie du Nord-Westphalie, mais il permet de voir se dessiner les tendances dans leur perception de l’intégration scolaire des enfants et jeunes migrants africains dans le système éducatif allemand. 69 II.5.1.2 L’observation L’observation en méthode qualitative permet la collecte de données dans le contexte d’une scène naturelle. Nous avions envisagé de recourir à cette technique dans la perspective de comprendre le contexte qui entoure les difficultés d’adaptation scolaire des élèves africains ainsi que le fonctionnement des dispositifs de soutien mis en place dans différentes écoles. Cependant, nous n’avons pas privilégié l’observation directe comme mode de collecte de données pour une raison essentielle. Nous avons pensé que l’observation directe n’est pas une méthode exhaustive, si elle n’est pas répétée plusieurs fois, dans le temps et auprès de différents sujets. Or, nous n’avions pas la possibilité de revoir deux fois ou plus les mêmes acteurs, ni de pouvoir observer plusieurs situations dans différents établissements. En effet, compte tenu du temps et des moyens impartis à cette recherche, il ne nous a pas été possible d’observer les élèves africains en situations de classes ni l’ensemble des séances de tous les dispositifs de soutien dans tous les établissements de notre échantillon. Toutefois, nous avons eu l’occasion d’observer les séances de soutien linguistique et d’aide aux devoirs dans une école de l’échantillon. Cette observation nous a permis de repérer les contenus proposés aux élèves en difficulté, les démarches mises en œuvre et les outils utilisés dans le fonctionnement du dispositif. Les résultats de cette observation figurent dans la partie suivante. II.5.1.3 L’exploitation documentaire On ne saurait mener une étude sur le système éducatif sans se référer aux textes officiels. Nous avons pu recueillir d’importantes informations et données statistiques sur demande (par téléphone ou par mails) et au moyen d’entretiens avec des experts et représentants de différentes institutions publiques et organisations (Offices de la statistique, Service fédéral pour la Migration et les Réfugiés, Office des étrangers, Ministère de l’éducation, etc.). Nous avons également exploité la littérature traitant des diasporas africaines et du débat scientifique sur la migration et le développement. Une sélection de documents et études d’organisations internationales (OIM, OCDE…), des rapports annuels, des documents des associations africaines concernées ainsi que des sites Internet ont été intégrés dans l’analyse. 70 TROISIEME PARTIE ANALYSE DES DONNEES ET INTERPRETATION DES RESULTATS 71 III.1 PRESENTATION GLOBALE DES RESUTATS DES INVESTIGATIONS Comme nous l’avons déjà ci-haut, l’approche qualitative ne prétend pas à une représentativité statistique, mais entend être significative par l’exemplarité des situations analysées. Les différentes configurations des difficultés de l’intégration scolaire des élèves africains apparaissant dans les discours de nos interlocuteurs ont été examinées et comparées. L’unanimité se dégage sur certains points tandis que sur d’autres les perceptions sont différentes. Nous allons ici faire une présentation globale des résultats tout en partageant les configurations par catégorie ou par groupe d’interlocuteurs. III.1.1 Synthèse des entretiens avec les parents L’entretien avec les parents s’appuyait sur un guide comprenant au moins une vingtaine de questions ouvertes portant sur des thématiques bien déterminées. Les questions n’ont pas suivi un certain ordre précis, mais se sont attachées à rebondir dès que possible et de façon systématique sur les axes thématiques. Nous avons aussi fait le choix de terminer par une question ouverte laissant la possibilité à l’interviewé d’ajouter des éléments qui lui paraissent importants. Nous donnons ici à titre d’exemple quelques extraits d’entretiens avec cinq questions portant sur les langues en usage dans la famille, les attitudes et représentations, les relations avec l’école, les responsabilités et les stratégies. A) Langues en usage dans la famille. (Quelles sont les langues que vous utilisez en famille?) Extrait de l’entretien avec le couple KA. « C’est un peu compliqué […] nous utilisons plusieurs langues de communication dans notre famille […] le français c’est pour parler avec les enfants, entre nous les parents on utilise nos langues maternelles et d’autres langues africaines dont nous avons la maîtrise […] nos enfants entre eux aiment bien parler en allemand » Extrait de l’entretien avec Madame DI. « nous utilisons principalement le français pour communiquer avec nos trois enfants […] de fois on leur parle aussi en langues africaines, ils comprennent mais nous répondent en français […] bon l’essentiel est qu’ils comprennent ce qu’on leur dit, mon mari a sa langue maternelle moi j’ai la mienne, parfois nous communiquons entre nous dans l’une ou l’autre langue […] ça marche toujours […] mais le français est quand même important, surtout pour les enfants » Extrait de l’entretien avec le couple AL. Monsieur AL. « dans notre famille, en général nous parlons français, nous parlons aussi nos langues maternelles, ma femme et moi nous venons d’une même région et nous avons une même langue maternelle, nous aurions aimé que nos enfants apprennent notre langue maternelle […] mais à quoi leur servira-t-elle ? […] » Madame AL. « avec la langue c’est un problème, je préfère que nos enfants ne perdent pas le français, mais c’est difficile […] ils parlent déjà difficilement français avec nous, entre eux ils préfèrent parler en allemand, parfois ils nous répondent en allemand quand nous on leur parle en français […] » 72 Ces trois extraits sont illustratifs du conflit linguistique auquel sont confrontés les enfants et jeunes africains. Ceci montre clairement que les enfants et jeunes africains maîtrisent peu ou pas du tout leurs langues maternelles tant à l’oral qu’à l’écrit. Or, les compétences en première langue sont utiles dans l’acquisition de la deuxième langue. Ce qui expliquerait ainsi les difficultés qu’ont les enfants et jeunes africains à maîtriser l’allemand qui de surcroît est la langue d’enseignement. Par ailleurs, on entend dire que la langue porte la culture, or les enfants et jeunes africains ne connaissent pas, pour la plupart, leur langue maternelle. On peut donc dire qu’ils sont en conflit identitaire. B) Attitudes et représentations (Que signifie pour vous l’école ?) Extrait de l’entretien avec Monsieur PO « l’école pour moi c’est très important, c’est l’avenir du pays, c’est l’école qui prépare les jeunes à l’avenir, si un jeune n’a pas été à l’école il sera malheureux […] » Extrait de l’entretien avec Madame FA « L’école ? Je ne m’imagine pas éduquer mon enfant sans l’envoyer à l’école […] l’école c’est très important, un enfant normal doit aller à l’école et un parent normal doit instruire son enfant en l’envoyant à l’école, c’est pour le bien de l’enfant, pour son avenir […] » Extrait de l’entretien avec le couple MV Madame MV : « Mon mari est allé à l’école, moi je suis allée à l’école, je ne vois pas pourquoi nos enfants n’iraient pas à l’école […] l’école c’est très important pour nous, pour l’avenir de nos enfants, sans l’école qu’est-ce qu’ils deviendront ?[…] » Monsieur MV : « vous savez, l’école c’est bien, mais il faut achever sa scolarité, obtenir un diplôme, c’est le diplôme qui permet d’avoir un travail valorisant […] » Ces extraits révèlent chez les parents africains une attitude nettement positive vis-à-vis de l’école. Ceci est ainsi un signe d’encouragement et de soutien qui favorise chez l’enfant une adhésion aux normes de l’école. C) Relations avec l’école (Parlez-moi de vos relations avec l’école allemande). Extrait de l’entretien avec le couple BR Monsieur BR : « […] vous voulez dire avec les enseignants ? […] nous avons très peu de contact avec eux, notre fille est en 4ème primaire, dans quatre ans nous avons rencontré sa maîtresse qu’une seule fois […] » Madame BR : « nous recevons des lettres de l’école, une fois je suis allée là-bas, mais ce n’était pas facile de communiquer avec elles, aucune enseignante ne parle français, même la directrice […] peut-être elles le font exprès, bon, moi j’ai des problèmes en allemand, mon mari au moins se débrouille bien, mais il n’est pas toujours disponible […] » Extrait de l’entretien avec Monsieur MP « Dire qu’on a de bonnes relations avec l’école […] c’est pas facile, les enseignants allemands sont bizarres, ils ont des préjugés sur les africains, disons sur les noirs […] notre fils se trouve en huitième classe de la Hauptschule, l’école nous convoque au moins deux fois 73 par an, de fois j’y vais, de fois je n’y vais pas […] j’aime pas cette école, notre enfant n’a pas d’avenir là-bas, nous comptons d’ailleurs l’inscrire en Belgique […] » Extrait de l’entretien avec Madame BI « Nous avons de bonnes relations avec l’école de ma fille, elle est en 3e primaire, sa maîtresse l’aime bien, notre fils est en 6e au Gymnasium […] ils sont un peu plus sévères là-bas, mais nous avons quand même un bon contact avec le directeur […] oui, en général ça va » Sur cette question on note deux tendances. Il y a des parents qui estiment avoir un bon rapport à l’école. D’autres par contre, trouvent qu’il n’est pas opportun de parler de relation, car il y une sorte de barrière entre parents et enseignants. D) Les responsabilités (Pensez-vous que les parents sont responsables de l’échec scolaire de leurs enfants ?) Extrait de l’entretien avec Monsieur DA « dire que les parents sont responsables de l’échec scolaire de leurs enfants revient à dire que l’école fait bien son travail et pas les parents […] moi je pense que les responsabilités doivent être partagées, la question de l’échec scolaire est liée à beaucoup de facteurs […] même l’enfant est peut-être responsable de son échec […] oui les parents ont leur part de responsabilité, l’école aussi, surtout les enseignants […] » Extrait de l’entretien avec Monsieur et Madame TH Monsieur TH « oui, on peut dire que les parents ont une responsabilité dans l’échec scolaire de leur enfant puisqu’il revient aux parents de bien encadrer l’enfant, de l’accompagner dans son éducation scolaire, bien entendu ce ne sont pas les parents qui enseignent à l’école, là aussi il faut voir la responsabilité des enseignants, il y a des choses qui relèvent des compétences pédagogiques des enseignants […] » Madame TH « […] les parents ont un rôle important à jouer dans l’éducation de l’enfant et, c’est tant au niveau de la famille que de l’école, le seul problème pour nous les parents africain francophones ici en Allemagne, c’est la langue […] nous ne pouvons pas bien suivre nos enfants à cause de la langue, c’est ça le problème […] et même si on maîtrisait la langue, on ne serait pas capable de suivre l’enfant à tous les niveaux de sa scolarité […] » Extrait de l’entretien avec Monsieur SA « si nos enfants échouent c’est parce que l’école allemande ne fait pas d’efforts pour aider comme il faut nos enfants, ils ne s’en préoccupent pas, c’est clair […] l’école a le devoir de former un enfant mais aussi de veiller à ce qu’il réussisse […], pour une école discriminatoire comme l’école allemande, c’est normal que nos échouent, il n’y a pas à chercher la responsabilité des parents là-dedans […] » Les réponses obtenues à cette question traduisent clairement les perceptions des parents africains sur le rôle de différents acteurs de l’éducation. Pour eux, c’est à l’école que revient la responsabilité de l’échec scolaire des enfants. Les parents posent la question de la mission de l’école. Selon eux, c’est l’école qui devrait en premier lieu aider les élèves en difficultés et favoriser leur intégration. Toutefois, nos interlocuteurs reconnaissent quand même une certaine responsabilité des parents dans l’accompagnement scolaire de leurs enfants. 74 E) Les stratégies (Comment faites-vous pour aider votre/vos enfant(s) ?) Entretien avec Madame AS « […] moi je ne connais pas l’allemand, mon mari oui, mais il n’a pas beaucoup de temps, il est tout le temps accaparé par son travail et il ne peut pas aider tous nos trois enfants, bon, le petit est encore au Kindergarten, c’est surtout notre fille aînée qui va à la Realschule qui a besoin d’être suivie […] nous payons cent Euro chaque mois chez un professeur privé qui encadre les enfants pour les devoirs, beaucoup de parents africains envoient leurs enfants chez ce monsieur et ça marche […] » Entretien avec Madame CH « […] nos deux enfants sont à l’école primaire, jusqu’à présent tout va bien, nous les aidons comme nous pouvons, s’ils montent de classe nous prendrons les dispositions nécessaires pour qu’ils ne puissent avoir des problèmes à l’école, vous savez il faut savoir bien encadrer les enfants, c’est très important […] » Entretien avec Monsieur SE « il y a plusieurs façons d’aider son enfant […], nous on a constaté que notre fils aîné avait des problèmes à l’école allemande, après l’école primaire on l’avait injustement orienté vers la Hauptschule soi-disant à cause de la langue, mais nous on savait qu’il était assez intelligent pour être envoyé dans une telle école, sa place était au Gymnasium et non à la Hauptschule […] nous avons finalement décidé de l’inscrire à l’école belge, depuis lors notre garçon se sent mieux par rapport sa vie scolaire en Allemagne […] nous sommes sûrs qu’il obtiendra son bac et pourra poursuivre des études supérieures » Ces extraits témoignent de la volonté, de la motivation des parents africains à voir aboutir le projet scolaire de leurs enfants. Les parents de notre échantillon voient en l’école un moyen de promotion sociale pour leurs enfants. Ils n’hésitent donc pas à mettre tout en œuvre pour voir leurs enfants réussir. Ces parents semblent avoir une certaine capacité à développer des stratégies de réussite, quelle que soit leur classe sociale ou leur situation économique. III.1.2 Synthèse des entretiens avec les enseignants et les chefs d’établissements Notre recherche nécessite des informations détaillées sur les difficultés d’intégration scolaire des élèves africains et sur le contexte qui les entourent. Le guide d’entretien avec les acteurs scolaires comportait une quinzaine de questions principales auxquelles venaient s’ajouter selon l’évolution de l’entretien des questions secondaires qui permettaient d’avoir quelques précisions ou des informations supplémentaires. Nous donnons ici à titre d’exemple quelques extraits d’entretiens avec des questions portant sur les difficultés d’adaptation scolaire des élèves africains, le dispositif d’aide et les relations avec les parents. A) Difficultés d’adaptation scolaire 75 (Comment expliquez-vous les difficultés d’adaptation scolaire des élèves africains se trouvant dans votre établissement ?) Enseignant 1 (maîtresse d’école, Grundschule) « […] oui, la première difficulté que rencontrent la plupart des élèves étrangers à leur arrivée dans notre école c’est la langue, il y a bien entendu d’autres difficultés auxquelles ils sont confrontés mais c’est avant tout la langue […], durant les trois années que Naomi est dans ma classe, c’est l’unique élève africaine que j’ai dans ma classe, elle communique très peu, ses notes sont à la limite de la moyenne, quelques fois elle ne fait pas ses devoirs à domicile, ce qui montre qu’elle n’est pas bien suivi par ses parents […] » Enseignant 2 (professeur d’allemand et d’histoire, Realschule) « les élèves migrants africains ont beaucoup de difficultés en allemand […], ce n’est pas seulement les élèves d’origine africaine, les élèves d’autres nationalités aussi ont le même problème, ils ont beaucoup de difficultés surtout à l’écrit […] j’ai quatre élèves d’origine africaine dans mes classes de 5e et 6e, ils semblent bien motivés, mais leurs travaux écrits ne sont pas bons, ils doivent beaucoup travailler pour atteindre le niveau qu’il faut en allemand, s’ils continuent comme ça c’est mauvais pour leur future orientation […] » Enseignant 3 (prof de mathématiques et de géographie, Hauptschule) « J’ai deux élèves africains dans ma classe, ils sont souvent distraits et moins appliqués […], ils communiquent très peu avec d’autres élèves de la classe […] leur difficulté se situe surtout au niveau de la langue, ils ne maîtrisent pas bien l’allemand, ils sont lents et ont du mal à respecter certaines consignes de l’école […] vous savez, les élèves africains souffrent aussi d’un problème d’adaptation à l’environnement scolaire allemand » Les informations recueillies auprès des enseignants montrent que les élèves africains sont confrontés à des difficultés multiples qui affectent leur adaptation scolaire. Certaines difficultés sont d’après les enseignants liées à leurs situations familiales, et d’autres sont plus spécifiques au système scolaire. Outre le décalage culturel, considéré comme obstacle à l’intégration scolaire, les enseignants de notre échantillon mettent particulièrement l’accent sur les compétences linguistiques des élèves africains. Pour beaucoup d’enseignants, les difficultés d’adaptation scolaire des élèves africains ont à la source leur mauvaise maîtrise de la langue d’enseignement. B) Le dispositif d’aide (Pouvez-vous m’expliquer comment vous faites pour venir en aide aux élèves en difficulté, en particulier, les élèves d’origine africaine ne disposant pas de connaissances suffisantes en allemand ?) Enseignant 1 (Professeur d’allemand, Hauptschule) « oui, nous avons dans notre école un dispositif de soutien linguistique pour les élèves ayant des difficultés en allemand, notamment les élèves d’origine migratoire […] nous avons une classe spécialisée regroupant ces élèves en difficulté, ils ont par semaine trois séances d’une heure et demie de cours d’allemand durant les heures de classe normales, si les élèves sont nombreux, nous les répartissons en petits groupes et chaque groupe a un horaire bien déterminé […] » 76 Chef d’établissement (Gymnasium) « Nous n’avons pas un dispositif spécifique d’aide dans notre école, les élèves qui ont des difficultés sont directement aidés par les enseignants […] non, pas hors du temps scolaire, durant les heures de cours de la classe » Directrice d’une école primaire (Grundschule) « Non, nous n’avons pas un dispositif spécifique d’aide aux élèves en difficultés. D’abord notre capacité en termes de ressources humaines ne nous le permet pas, ensuite les moyens financiers qui nous sont octroyés ne nous permettent pas de mettre en place un tel dispositif, nos enseignantes apportent l’aide qu’il faut aux élèves en difficultés durant les heures de cours normales… » Ces extraits montrent qu’un tiers d’écoles en Rhénanie Nord-Westphalie ont un dispositif spécifique d’enseignement de soutien. Dans beaucoup d’établissements, l’aide apportée en classe par l’enseignant semble être la seule possible, alors que les difficultés, parfois grandissantes, des élèves auraient nécessité un dispositif d’aide plus structurée. Il apparaît clairement dans les propos de nos interlocuteurs que l’organisation du dispositif spécifique d’aide aux élèves en difficultés dépend d’une école à l’autre. L’autonomie accordée aux écoles en Rhénanie du Nord-Westphalie semble pour l’essentiel renforcer les décisions et les choix organisationnels des établissements quant à la mise en place de dispositifs d’enseignement de soutien. C) Relations école-parents (Quelles sont vos relations avec les parents d’élèves africains ?) Enseignant 1 (Professeur de mathématiques et de technologie, Hauptschule) « Je dirais … pas très bonnes, j’ai dans mes classes onze élèves d’origine africaine, je n’ai pas beaucoup de contact avec leurs parents, très peu viennent aux réunions semestrielles, mais la communication semble difficile, beaucoup de parents ne maîtrisent pas l’allemand […] c’est peut-être ça le problème … » Enseignant 2 (Professeur d’allemand et d’histoire, Gymnasium) « Je crois qu’on communique bien avec les parents, j’ai deux élèves africains dans ma classe, ce sont des élèves qui s’appliquent bien, leurs parents s’expriment couramment en allemand, d’ailleurs au mois de février, un des parents est venu faire un exposé à la demande de l’école sur le thème de l’eau dans les pays du Sahel, c’était pour les classes de 5e et de 6e […] oui, nous nous avons une bonne communication avec les parents » Chef d’établissement (Hauptschule) « Je ne dis pas que nous avons de très bonnes relations avec les parents […] beaucoup d’enseignants se plaignent de l’absence des parents africains aux activités scolaires de leurs enfants, pourtant il est nécessaire qu’ils s’impliquent […] vous savez, ici en Allemagne l’éducation c’est d’abord l’affaire des parents, l’école vient après […] nous attendons des parents africains qu’ils assument leurs responsabilités, qu’ils collaborent avec nous, avec les enseignants […] nous avons besoin de leur collaboration, ça permet de mieux comprendre les problèmes de leurs enfants » Les données recueillies lors de ces entretiens font état du peu de collaboration existant entre les parents et l’école. Deux tendances se dégagent sur cette question. Certains enseignants de notre échantillon se plaignent du rapport difficile entre eux et les parents africains. Ils 77 accusent ces derniers de ne pas s’impliquer dans la vie scolaire de leurs enfants. D’autres ont une vision plutôt très nuancée. Certaines écoles semblent avoir une bonne communication avec les parents africains. III.1.3 Synthèse des entretiens avec les élèves Les interviews que nous avons eues avec des élèves africains s’appuyaient sur un guide d’entretien comportant six principales questions, complétées par de nombreuses questions de relance qui sont formulées pour faire préciser le point abordé. A titre d’exemple, nous avons choisi trois questions portant sur les difficultés d’adaptation scolaire, la langue et les stratégies d’apprentissage. - Difficultés d’adaptation scolaire (Qu’est-ce qui fait que les élèves africains ont des difficultés pour s’intégrer dans le système scolaire allemand?) Elève 1 (fille, 13 ans, 8e classe, Hauptschule) « Je sais pas, moi j’ai eu quelques problèmes au début, quand je venais d’arriver à la Hauptschule, mais maintenant ça va […] oui, j’ai parfois quelques difficultés quand je ne comprends pas très bien quelque chose, parfois je comprends les questions, mais quand j’écris les profs ils mettent toujours des fautes […] oui il y a des profs qui expliquent bien et d’autres… ils sont bizarres » Elève 2 (garçon, 15 ans, 9e classe, Realschule) « Moi, je crois le problème c’est les enseignants, j’ai changé deux fois d’écoles, avant j’étais à la Realschule Hugo Junkers, ils m’ont envoyé à la Hauptschule après la 6e classe, la Hauptschule ce n’est pas bien, mes parents ont décidé de me changer d’école, quand nous avons changé de ville mes parents m’ont à nouveau inscrit à la Reaschule […] moi je crois ça dépend de l’école, parfois les enseignants ils aiment pas trop les étrangers » Elève 3 (fille, 14 ans, 9e classe, Realschule) « Les difficultés […] bon, parfois certains cours sont difficiles, il faut beaucoup travailler je crois, si on ne fait pas ses devoirs à domicile, bon ça dépend aussi de l’école, si l’école n’est pas bien on aura aussi des problèmes ça c’est sûr, en plus il faut bien comprendre l’allemand, il y a d’autres enfants qui ne sont pas très motivés, bon je sais pas… » De ces entretiens on retiendra que les jeunes africains ont bien conscience des difficultés qu’il y a dans le processus d’adaptation scolaire. A cet égard, les élèves interviewés épinglent les difficultés liées à la langue d’enseignement, à l’orientation scolaire et aux attitudes et pratiques des enseignants. Ils soulignent également leur propre responsabilité en termes d’attitude face au travail. - La langue (Il paraît que les élèves africains ne réussissent pas à l’école puisqu’ils ne maîtrisent pas l’allemand, qu’est-ce que tu en penses ?) Elève 1 (garçon, 15 ans, Hauptschule) « C’est fort possible, moi aussi on m’a dit que je ne pouvais pas aller au Gymnasium parce que je n’avais pas une bonne note en allemand […] mais je crois, c’est pas vrai, il y a 78 d’autres enfants allemands qui ont aussi des mauvaises notes en allemand, mais on les a laissé passer au Gymnasium » Elève 2 (fille, 14 ans, 9e classe, Realschule) « moi j’ai parfois des problèmes en allemand, surtout à l’écrit, je voulais aller au Gymnasium et ils ont dit que je n’avais pas le niveau qu’il faut pour aller au Gymnasium, mais je crois j’ai la chance d’avoir mon Abitur après la Realschule » Elève 3 (fille, 16 ans, 11e classe, Realschule) « Je pense que la connaissance de l’allemand est nécessaire, sinon c’est difficile de suivre les cours, les professeurs, ils parlent très vite, à l’examen aussi il faut être rapide, il faut savoir comprendre les questions pour bien y répondre […] oui, je pense que si on ne maîtrise pas bien l’allemand c’est difficile de réussir, ça c’est vrai, je connais un garçon quand on était à la Gundschule, ses parents avaient insisté pour qu’il aille au Gymnasium, la directrice avait fini par accepter, mais après deux ans, il a été renvoyé du Gymnasium à cause de mauvaises notes en allemand, pour le moment il est à la Realschule » Dans ces entretiens, les élèves africains sont unanimes sur la question de la langue qu’ils considèrent comme un facteur clé de la réussite scolaire. Quand bien même la plupart d’entre eux prétendre avoir une certaine maîtrise de l’allemand, du moins au niveau de la communication orale, leurs compétences à l’écrit restent encore insuffisantes. - Stratégies d’apprentissage (Quand tu as des difficultés à l’école, tu fais comment pour t’en sortir ?) Elève 1 (fille, 13 ans, 8e classe, Hauptschule) « quand j’ai des difficultés […] de fois, je demande aux profs si je n’ai pas bien compris quelque chose, mais c’est pas facile […] je n’ose pas souvent le faire, quelque fois ça peut paraître ridicule, j’essaie toujours de faire de mon mieux pour comprendre… » Elève 2 (fille, 13 ans, 8e classe, Realschule) « Si je ne comprends pas bien quelque chose, bon, je demande à mon prof de m’expliquer, parfois ils n’ont pas beaucoup de temps les profs […] non, dans notre école il n’y a pas un groupe d’encadrement spécial, chacun se débrouille, bon, pour les enfants allemands ils comprennent vite quand les profs expliquent quelque chose, c’est normal, c’est leur langue maternelle […] comme j’avais eu des mauvaises notes mes parents m’ont inscrite dans un groupe d’aide aux devoirs, j’y vais presque chaque jour après l’école […] oui c’est bon, ça va mieux maintenant » Elève 3 (garçon, 14 ans, 9e classe, Hauptschule) « dans notre école il y a un groupe d’éducateurs et des profs qui aident les élèves qui ont des difficultés, mais ça ne suffit pas, il y a beaucoup d’enfants […] moi j’aimerais passer en 10e B pour être réorienté à la Realschule et avoir la chance de faire mon Abitur, pour ça je dois beaucoup travailler […], mon pot aussi il veut faire son Abitur, on travaille ensemble à la maison, de fois il vient chez moi, de fois je vais lui, bon, ça marche, c’est question de volonté …» Les informations recueillies lors de ces d’entretiens laissent apparaître une certaine volonté des élèves africains à apprendre, mais aussi leur détermination à réussir, quelle que soit l’orientation scolaire. Les stratégies développées par nos interlocuteurs semblent être liées à 79 leur motivation, à leurs capacités d’investissement dans une logique d’autonomie et d’ascension sociale. Par ailleurs, ces entretiens révèlent la faiblesse des approches du système scolaire allemand en matière d’enseignement de soutien aux élèves en difficultés. III.1.4 Synthèse des résultats de l’observation Comme nous l’avons déjà dit plus haut, cette étude n’a pas privilégié l’observation directe comme mode de collecte de données. L’unique observation réalisée nous a permis de repérer les contenus proposés aux élèves en difficulté, les démarches mises en œuvre et les moyens utilisés dans le fonctionnement du dispositif d’enseignement de soutien. L’observation a été réalisée pendant cinq jours, du lundi 31 mars au vendredi 4 avril 2008, dans une école primaire située non loin de la ville de Cologne, à Kerpen. Il s’agit d’une OGS (« Offene Ganztagschule ») c'est-à-dire une école primaire (Grundschule) accueillant des élèves à la journée. L’école compte en tout 12 classes regroupant un peu plus de 300 élèves dont une trentaine d’élèves d’origine africaine subsaharienne. L’école compte 12 enseignants dont 10 femmes et deux hommes, une directrice et une secrétaire. Plus de la moitié du corps enseignant est composé des jeunes enseignantes en première, deuxième voire troisième année d’exercice. L’âge des enseignants se situe entre 26 et 57 ans. Ces informations trouvent leur source dans les entretiens sans que la question ait été posée. Nos observations ont été faites en deux temps : l’avant-midi pendant les heures de cours de classe et l’après-midi lors des séances d’aide aux devoirs. Nous avons choisi d’observer par exemple le cours d’allemand, de la première classe à la quatrième. D’un point de vue pédagogique, cette école privilégie l’approche intégrative. Au début de la semaine, les enseignantes et les élèves choisissent ensemble les sujets et thèmes des leçons de la semaine. Cherchant à savoir le pourquoi de cette pratique, la directrice de l’école me dira : « le but de ce système est de permettre à chaque enfant, quelle que soit son origine sociale, de participer en toute liberté à l’activité de la classe, de le faire sortir de ses réserves, de faciliter le développement de ses talents tout en travaillant aussi sur ses faiblesses… ». Nous avons par exemple observé le déroulement d’une leçon d’allemand sur la circulation routière. Les élèves de 1ère et 2ème années dessinaient différents panneaux de signalisation et écrivaient le nom ou la signification correspondant à chaque panneau, en lettres majuscules. Pendant ce temps, ceux de 3ème et 4ème années s’appliquaient à apprendre le code de la route et à construire des phrases, etc. A la fin de la semaine, les enseignantes et les élèves discutaient sur les activités réalisées au cours de la semaine. L’organisation de l’aide aux devoirs s’effectue l’après-midi sous la supervision des encadreurs venus de l’extérieur (« Betreuerinnen »), des parents d’élèves et des enseignants de l’école. L’encadrement se déroule du lundi au jeudi de 12 heures 30 à 15 heures. Les élèves sont répartis en 3 groupes : le premier groupe comprend les élèves « normaux », qui ne présentent aucune difficulté particulière. Le deuxième est composé des élèves moyens, ayant des compétences, mais qui ont besoin d’une certaine aide aux devoirs. Le troisième groupe accueille les élèves en difficultés, qui ont constamment besoin d’une assistance pour mieux faire leurs devoirs. Ces élèves sont encadrés directement par les enseignants, tandis que les deux autres groupes sont sous la supervision des parents ou des encadreurs externes (ces encadreurs ne sont pas des professionnels de l’éducation, il s’agit des bénévoles qui viennent offrir leur service à l’école). De ces observations nous avons fait le constat ci-après : 80 - - - - - Les enseignants ont une attitude positive par rapport à l’aide aux élèves en difficultés. « […] c’est notre devoir d’aider nos élèves, surtout ceux qui ont beaucoup de difficultés, quelle que soit leur origine sociale […] » nous dira l’une des enseignantes. Le dispositif d’aide aux devoirs mis en place dans cet établissement accuse des incohérences voire des déficiences dans son fonctionnement global. Les enseignantes semblent débordées par le nombre d’élèves qu’elles encadrent, ce qui remet en cause l’efficacité de leur action et l’impact du dispositif sur les bénéficiaires. Par exemple dans la composition des groupes, on trouvait dans le groupe 1 (groupe des élèves supposés n’ayant aucune difficulté particulière grave) des élèves qui avaient beaucoup de difficultés en écriture, en lecture et dans la compréhension de consignes. Ces élèves devraient normalement se trouvaient dans le groupe 3 et être encadrés par les enseignantes au lieu de les confier aux parents et encadreurs ayant des compétences très limitées en la matière. Le même problème a été constaté dans les autres groupes. Les déficits des élèves ne sont pas suffisamment perçus par les jeunes enseignantes, peu expérimentées. Certains élèves africains que nous avions observés en classes étaient placés lors des séances d’aide aux devoirs dans des groupes ne correspondant pas à leur niveau de difficultés. Attitudes des élèves africains : plus de la moitié des élèves observés semblaient motivés et participaient beaucoup aux activités de la classe. D’autres participaient moins, ils ne levaient presque jamais le doigt, ils avaient apparemment des difficultés à s’exprimer en allemand et à comprendre les consignes, ils étaient très lents et n’arrivaient toujours pas à terminer les exercices écrits. En plus, beaucoup de ces élèves n’avaient pas leur matériel de l’école en ordre. On pouvait bien percevoir chez ces élèves des signes de difficultés liées à la situation familiale. Absence totale de parents africains lors de séances d’aide aux devoirs, alors qu’environ trente élèves africains étaient inscrits dans cette école. Interrogée sur ce point, la directrice exprimera ses regrets en disant : « […] c’est bien dommage, nous aurions bien aimé que les parents africains viennent de temps en temps nous donner un coup de main lors des séances d’aide aux devoirs, nous avons besoin de l’aide de tous les parents […] vraiment nous avons un contact difficile avec les parents africains, vous savez, nous avons au minimum deux réunions de parents (Elterngespräch) par an, les parents africains ne viennent jamais à ces réunions […] dernièrement nous avons fait appel à une association africaine pour avoir quelqu’un pouvant faire la médiation entre nous et ces parents […] oui, avec le médiateur de l’association les choses semblent bien marcher, trois parents, donc trois mères de famille sont venues assister aux séances d’aide aux devoirs, nous espérons que d’autres parents viendront aussi car nous avons besoin de leur soutien […] vous savez l’aide que l’école apporte à ces enfants ne peut pas être efficace si elle n’est pas soutenue par les parents, tout au moins moralement […] » En définitive, nous pouvons dire que le dispositif de soutien mis en place dans cet établissement ne semble pas avoir l’impact souhaité. Sur les sept élèves africains d’origine subsaharienne se trouvant en 4ème année (dernière année du primaire), aucun seul n’a été orienté en Gymnasium. Abordée sur ce sujet, la directrice nous dira : « […] leur niveau de connaissances en allemand ne pouvait pas nous permettre de les orienter dans cette filière d’enseignement […] nous avons quand même envoyé deux filles à la Realschule… » Dan cette optique, l’hypothèse initiale « le système éducatif allemand comporte des inégalités d’accès aux savoirs et ne favorise pas l’épanouissement et la réussite scolaire des élèves 81 africains » semble vérifiée. Les informations recueillies montrent une certaine tendance à empêcher l’orientation des élèves africains dans des filières valorisantes. III.1.5 SYNTHESE GLOBALE DES RESULTATS DE L’ENQUETE Etudier l’organisation du système scolaire allemand et s’interroger sur les difficultés d’intégration scolaire des élèves migrants originaires d’Afrique francophone subsaharienne constitue notre intention de recherche. L’approche utilisée nous a permis de tester l’hypothèse de départ en la confrontant aux réalités mesurées essentiellement auprès des populations africaines francophones d’origine subsaharienne ainsi qu’auprès des acteurs scolaires en l’occurrence les enseignants et les directeurs d’écoles. L’une des principales interrogations qui nous préoccupaient au départ de cette recherche était de savoir quelle est la perception des parents africains ainsi que des enseignants allemands face à l’intégration scolaire des élèves africains. Quelle différence y a-t-il entre ces perceptions ? Les renseignements recueillis nous ont permis, d’une part, de comprendre les styles éducatifs des parents africains, leurs niveaux d’instruction, leurs attitudes vis-à-vis de l’école, leur responsabilité dans la réussite et/ou l’échec de leurs enfants ainsi que leurs stratégies de participation à la vie scolaire. D’autre part les informations récoltées à propos des acteurs scolaires donnent des indications sur la formation des enseignants, leurs compétences socioculturelles, leurs attitudes et pratiques pédagogiques ; sur les relations de l’école avec les parents des élèves d’origine étrangère en l’occurrence les parents africains et sur les dispositifs d’enseignement de soutien. Au terme de cette présentation des résultats, les informations obtenues nous suggèrent des interprétations possibles. Les parents africains ont en général une représentation négative de l’école allemande, compte tenu du développement et des résultats peu encourageants de leurs enfants. L’autre constat qui se dégage des mauvaises représentations des parents c’est leur capacité d’intégration sociale avec comme corollaire la maîtrise de la langue allemande. Pour beaucoup de parents africains, la société allemande n’offre pas des conditions favorables qui puissent susciter la motivation à l’intégration des populations étrangères. « […] on nous parle d’intégration , de la langue etc. qu’ils commencent d’abord par intégrer des enseignants africains dans leurs écoles […] au moins cela aura le mérite de favoriser l’éducation interculturelle » 82 Les résultats de nos investigations montrent le caractère mitigé des relations entre l’école et les parents africains. Alors que les enseignants se plaignent du manque de motivation et de l’incapacité des parents à s’impliquer dans la vie scolaire de leurs enfants, ces derniers accusent à leur tour les enseignants d’indifférence et de manque d’intérêt à leur endroit. Toutefois, de notre échantillon d’enseignants se dégage nettement une tendance à collaborer avec les parents dans le but d’en faire des partenaires de l’école comme en témoignent les propos de cet enseignant : « […] si l’on prend contact avec les parents, ce n’est pas seulement pour les informer, mais c’est pour également tenter de les impliquer davantage dans la scolarité de leur enfant […] il y a des choses que les parents doivent savoir sur les difficultés de leur enfant, mais il y a aussi des chose qu’ils doivent faire pour l’aider à réussir sa scolarité […] » Les résultats révèlent également l’inadéquation dans l’application des dispositifs de soutien mis en place dans certaines écoles, notamment en matière de soutien linguistique. Cette inadéquation est dénoncée par les parents comme on peut le voir dans les propos de l’un de nos interlocuteurs ci-après : « […] il ne faut pas attendre d’enfants déjà peu communicatifs qu’ils s’expriment dans un groupe comprenant 8 à 12 élèves, comme c’est souvent le cas dans beaucoup d’écoles. Il faudrait au moins que le soutien s’effectue en partie en petits groupes, et prévoir un soutien personnalisé dans des cas particuliers […] » Les informations recueillies montrent que les familles africaines dont les deux parents ont un niveau d’instruction élevé n’ont pas ou peu de problèmes pour aider leurs enfants à obtenir de bons résultats à l’école. L’enquête met aussi en relief le cas des enfants dont les parents n’ont pas un niveau élevé d’instruction et qui arrivent tout de même à s’en sortir. Les enfants issus de ces familles constituent donc ce que nous avons appelé les cas de « réussite contre toute attente ». Chez les jeunes africains, l’étude révèle que la cause des difficultés d’adaptation scolaire se trouve, à la fois, dans l’éducation familiale, dans les représentations et dans l’absence de motivation. Certains jeunes africains veulent apprendre, d’autres résistent activement ou passivement, n’investissant pas dans le travail scolaire, on constate chez ces derniers une certaine insouciance voire l’absence de projet. Dans cette optique, on serait porté à croire que ces « manques » seraient dus à l’explication biologique du patrimoine génétique qui semble renforcer une sorte de fatalisme, minimisant ainsi, comme le dit P. Perrenoud (2005), les responsabilités du système éducatif et de la société. Un effort certain semble avoir été accompli en direction des élèves éprouvant des difficultés dans l’apprentissage de la langue d’enseignement. Mais cette situation découle pour l’essentiel de choix organisationnels effectués au niveau des établissements. Si la plupart des écoles de notre échantillon ont un dispositif de soutien linguistique voire de l’aide aux élèves en difficultés, l’enquête révèle qu’il y a beaucoup d’établissements où l’enseignement de soutien aux élèves en difficultés est inexistant. Nous prendrons à titre d’exemple le témoignage de cet élève africain de 8e classe de la Realschule à qui nous avons posé la question de savoir s’il bénéficie d’un soutien linguistique dans son école : « Il n’y a aucun dispositif d’aide dans mon école, j’ai des problèmes dans mes travaux écrits parce que j’arrive pas à exprimer mes idées comme il faut […] je pense autrement mais j’écris 83 autrement […] les profs de mon école ils ne sont pas bien, quand on leur demande quelque chose ils disent tout le temps qu’ils n’ont pas le temps […] ». Un autre cas illustratif de cette situation est celui de Ket., une élève de 4e classe de la Grundschule c'est-à-dire la dernière classe du cycle primaire. Cette élève a reçu son bulletin du premier semestre avec la mention « Mangelhaft » (insuffisant) ou note « 5 ». Cette note désigne les performances qui ne correspondent pas au niveau requis, mais qui permettent de penser que l’élève possède néanmoins les connaissances de base nécessaires et qu’il pourrait combler ses lacunes dans un délai raisonnable. Durant le deuxième semestre, nous avons eu l’occasion de nous entretenir avec la maîtresse de cette classe, notamment en ce qui concerne l’aide aux élèves en difficulté. Elle nous fera comprendre que l’aide aux élèves en difficultés se faisait directement en classe et qu’il n’y avait pas de dispositif de soutien particulier endehors des heures normales de cours. Nous nous sommes promis de revenir à la fin de l’année scolaire pour nous enquérir de la situation de l’élève Ket. A la fin de l’année scolaire, l’élève reçoit la même note avec une mention d’orientation vers la Hauptschule. Ce cas de figure montre que dans la plupart des écoles, l’aide apportée en classe par l’enseignant reste la seule possible, alors que des difficultés, au demeurant grandissantes, auraient nécessité une aide individuelle et spécifique plus intensive. Notre recherche a mis en lumière les déficiences du système éducatif à assurer les conditions nécessaires à toute aide par la mise en place de dispositifs dans les établissements scolaires. Ce qui apparaît ainsi comme une déficience dans les approches du système scolaire allemand, notamment en ce qui concerne la place accordée à la prévention et à l’intervention précoce ainsi qu’à la prise en compte du handicap socioculturel et des difficultés d’intégration des populations dites à risque. Néanmoins, cette situation semble être corrigée sous l’impulsion des nombreuses réformes engagées, en Rhénanie Nord-Westphalie et dans toute l’Allemagne, depuis la parution du rapport PISA de 2001. 84 TABLEAU 8: III. 1.6 Tableau récapitulatif des difficultés d‘intégration scolaire Système éducatif Parents -décisions -attribution de moyens -mise en place de règles de fonctionnement -formation des enseignants -contrôle - attitudes et représentations - engagement dans la vie scolaire - niveau d’instruction -pratiques éducatives - langue - collaboration avec l’école - situation socioculturelle - situation professionnelle - milieu socio-économique - stratégies Intégration scolaire (difficultés) Enseignant Elève -attitudes et représentations -compétences pédagogiques -détection, évaluation et prise en compte de difficultés de l’élève -aide -gestion du dispositif de soutien -compétences interculturelles -rapports avec les élèves -relations avec les parents -attitudes et représentations -situation familiale -compétences linguistiques -motivation -stratégies d’apprentissage Les difficultés d’intégration scolaire ont à leur base des facteurs qui sont en relation avec le système éducatif, l’école, les parents et l’élève. 85 III.2 L’INTEGRATION DES ENFANTS ET JEUNES MIGRANTS D’AFRIQUE FRANCOPHONE SUBSAHARIENNE A LA LUMIERE D’UNE ENQUETE. LA QUESTION DE L’ECHEC SCOLAIRE. Nous avons posé comme hypothèse de départ que le système éducatif allemand ne favorise pas la réussite scolaire des enfants d’origine étrangère, en l’occurrence les élèves migrants originaires d’Afrique francophone subsaharienne. Nous allons aborder la question centrale de notre recherche en nous basant sur les écrits des auteurs et en tenant également compte de certains éléments de réponses recueillies lors de notre enquête. Toutefois, il nous paraît nécessaire d’évoquer d’abord la notion d’ «échec scolaire », pour mieux cerner les critères permettant de définir la situation scolaire des populations qui nous intéressent à savoir les enfants et jeunes migrants d’Afrique francophones subsaharienne. III.2.1 L’échec scolaire L’expression d’« échec scolaire » apparaît (en France) pour la première fois en 1945 sous la plume de Naville (cité par Caroline Viriot-Goeldel, 2006). Naville définit la fonction sociale de sélection qu’assume le système scolaire dans son ensemble et relativise la notion de « retard scolaire » qui elle serait née entre autre avec les travaux de Binet et sa société savante(SLEPE)1 au début du XXème siècle. La même année, Heuyer2 l’emploie également dans des travaux de pédopsychiatrie qui sont à l’inverse orientés par une perspective psychopédagogique de « redressement moral ». Pourtant, ce n’est pas uniquement à partir de ces années que les élèves ont commencé à « échouer ». Par exemple, dans les années trente, la moitié des enfants de milieux populaires n’obtenaient pas de certificat d’études. La différence est qu’à ce moment-là, ces élèves ne sont nullement considérés comme déviants ou sources de problèmes : « tout se passe comme si une école pourtant officiellement chargée de donner à tous les enfants un bagage minimum - le niveau du certificat d’études - s’était longtemps assez facilement résignée à ne le donner qu’à une fraction des enfants d’ouvriers et de paysans : du moment qu’ils étaient à peu près alphabétisés, il n’y avait pas de scandale à les voir entrer ainsi au travail » (V. IsambertJamati, 1996, p. 30). En 1949, Roger Gal3 traite dans les Cahiers pédagogiques d’« inégalité sociale devant l’école ». Selon Best (1997), c’est l’étude de P. Bourdieu et J.-C. Passeron (Les héritiers, les étudiants et la culture, 1964) qui donne forme à la notion d’échec scolaire. Il s’agit en effet d’une analyse sociologique qui dénonce l’inégalité de traitement culturel de fait, mais rendue invisible par l’idéologie méritocratique, des enfants issus des catégories les moins favorisées. Au même moment, le débat est lancé sur les « dons », dénonçant la thèse d’une détermination des aptitudes par les seuls facteurs génétiques. ___________ SLEPE : Société Libre pour l’étude Psychologique de l’Enfant. Cité dans C. Viriot-Goeldel, op cit., p. 91 2 cité par C. Viriot-Goeldel, op cit., p.91 3 cité par S. Christin « Intégration scolaire des enfants migrants », Université de Lausanne, 2000, p. 7 1 86 Le terme d’« échec scolaire » devient un sujet de préoccupation dans les années soixante où l’on voit se succéder des réformes qui aboutiront à une « véritable explosion scolaire », ellemême accompagnée d’une « explosion de la notion d’échec scolaire » (Isambert-Jamati, 1985, p.161). Dans les années soixante, on a mis en évidence que les élèves redoublant une ou deux classes et maîtrisant avec peine le français écrit étaient principalement les enfants des classes sociales économiquement et culturellement les plus défavorisées, corrélation qui a été de nombreuses fois mises en avant. Pourtant, dès 1970, les sociologues et les pédagogues ont insisté sur le fait qu’une corrélation statistique n’est pas une explication causale de l’échec scolaire et à ne plus imputer ce phénomène à la seule école, ou à des « manques de dons » individuels. C’est à partir de 1975 que sera principalement traitée la problématique de l’échec scolaire, notamment par les tenants des sciences de l’éducation (Perrenoud, Charlot, etc.) qui étudient le fonctionnement même de l’école et par les tenants de la sociologie de l’éducation qui tentent d’établir une ethnologie de l’école en procédant à des analyses des situations où se présentent l’échec scolaire (Best, 1997). Par ailleurs, les pédagogues ont mis en avant la distance qui existe entre culture familiale et culture scolaire pour les milieux ouvriers, et une déficience de l’institution scolaire ; ce qui nous amène à considérer l’échec scolaire comme un « effet de système ». Cependant, déclare Best (1997), affirmer que la seule reproduction des classes sociales se joue à l’école, qu’un enfant y entre, y fait des études et en sort semblable à ce qu’il était, « fils de » ou « fille de », c’est faire fi des nombreux élèves qui réussissent tout en ayant la même origine sociale que ceux qui échouent. C’est aussi faire penser que l’école ne joue aucun rôle positif, qu’elle est neutre en quelque sorte. En étant conscients que cette corrélation importante entre catégorie socioprofessionnelle et réussite/échec scolaire existe, mais sans pour autant adopter la théorie de la reproduction, des auteurs se sont intéressés à l’établissement scolaire, à la classe en tentant d’établir un lien entre l’échec ou la réussite d’un élève et la façon dont il se mobilise dans sa scolarité, changeant ainsi le niveau d’analyse. On peut citer, par exemple, E. Bautier, B. Charlot et J.-Y Rochex qui se sont intéressés à la mobilisation des élèves dans leur travail scolaire. Ils préconisent d’aborder la question de l’échec scolaire dans la recherche selon deux buts : tout d’abord, il faut « expliquer les médiations entre rapports sociaux et trajectoires scolaires, appartenance sociale et histoire singulière », et ensuite, il convient de « travailler la question sociale de l’échec scolaire sur son versant subjectif », ce qui implique que l’on ne projette pas sur l’enfant « des caractéristiques établies par analyse d’une catégorie socioprofessionnelle, d’une classe sociale, d’une groupe, etc., ou par référence au « milieu », à l’« environnement ». […]. L’individu n’est ni la simple incarnation d’un groupe social, ni la résultante des « influences » de l’environnement, il est singulier » (1992, p.19). Avant de définir plus concrètement ce que nous entendons par situation d’« échec scolaire », nous allons évoquer certains points qui rendent cette définition délicate. Pour commencer, il convient de rappeler que la notion d’ « échec scolaire » dépend d’un certain nombre de critères ; tout d’abord du contexte tant historique que socioculturel. En effet, « le sens et les conséquences de l’échec et de la réussite varient historiquement, en fonction du degré d’exigence scolaire atteint globalement par une formation sociale, de l’état du marché de l’emploi, qui exige de nouvelles ou de plus grandes qualifications, etc. » (Lahire, 1996, p. 23). 87 De plus, chaque famille a sa propre définition du terme « échouer ». Ce qui est considéré comme réussite exceptionnelle par une famille d’ouvriers ne sera peut-être que le minimum à atteindre voire une déception pour des parents par exemple cadres supérieurs. « La notion d’échec se pose aussi très différemment pour un enfant de polytechnicien ou un enfant de travailleur immigré par exemple. Pour le premier, le succès au bac n’a que peu de signification, il peut même être considéré en « échec » s’il arrête là sa scolarité. Pour le second, c’est une réussite parfois très grande. De plus, ce qui est vécu comme un échec par les parents ne l’est pas forcément pour l’enfant » (Rault, 1987, p. 10-11). Cette notion est définie différemment selon les pays. L’« échec scolaire » peut être admis ou masqué par l’institution, il peut apparaître tôt ou tard dans la scolarité, sa prise en charge peut être attribuée à l’école ou à la famille, etc. « Chaque pays a son approche de l’échec en fonction de sa tradition éducative, des ses exigences de programmes et de contenus, de ses modes d’évaluation » (Vaniscotte, 1996, p.45). Tous les pays d’Europe sont touchés par ce phénomène, mais ils le gèrent et l’évaluent de façon différente. Ainsi, dans les pays ayant une école unique (Royaume-Uni, Suède, Danemark), on a tendance à valoriser l’enfant dans son épanouissement personnel ; le terme d’échec n’est pas employé, on parle d’« under achieving » pour désigner « l’enfant qui ne parvient pas à réaliser son potentiel individuel » ; l’échec est défini par rapport à l’élève. Ensuite, d’autres pays définissent l’échec comme un écart par rapport à une norme institutionnelle (France, Italie, Portugal, Grèce, Luxembourg, Allemagne) ; ces pays ont recours à des examens et des évaluations et on considère que le fait de quitter l’école sans avoir obtenu de diplôme est un échec scolaire. Et, enfin, il y a les pays qui définissent l’échec par rapport à la société ; c’est le cas de l’Espagne et de la Belgique ; « c’est parce que le système scolaire ne répond pas à la demande sociale et aux besoins des entreprises que les élèves ne sont pas motivés. L’enfant est en rupture avec le système scolaire parce que les méthodes pédagogiques ne sont pas adaptées et que l’école est incapable de s’adapter et d’intégrer les changements de la société » (Vaniscotte, 1996, p. 46). On a également parfois tendance à considérer l’échec à tous les niveaux d’enseignement de la même manière, alors qu’il n’est pas pareil d’échouer à l’université ou de sortir de l’école obligatoire sans avoir de certificat de fin d’études (Best, 1997). De part le fait que la notion d’échec scolaire n’a pas de définition précise et unanime, elle peut recouvrir des réalités très diverses. Selon Chauveau et Rogovas-Chauveau (1996), six types de problèmes différents sont confondus sous la même dénomination « échec scolaire » : - Les difficultés d’adaptation à la structure scolaire. L’accent est mis sur les « perturbations » comportementales et relationnelles de certains élèves. - Les difficultés d’apprentissage. L’accent est mis sur les « problèmes cognitifs » et le « manque » de compétences. Dans ce cas, on insistera par exemple sur les insuccès dans les savoirs de base (lire, écrire, calculer). - Les procédures d’élimination ou de relégation. L’accent est mis sur les « orientations négatives » : redoublement, placement dans une structure ou une filière « défavorisée ». - Les difficultés de passage d’un cycle à l’autre. L’accent est mis sur le non-accès au lycée ou à l’enseignement supérieur. - L’insuffisance ou l’absence de certification scolaire. L’accent est mis sur l’évaluation ou la sanction des études (examens, diplômes). 88 - Les difficultés d’insertion professionnelle (et sociale). L’accent est mis sur la sortie de système scolaire et l’entrée dans le monde du travail. Le fait d’utiliser le terme générique d’« échec scolaire » crée un amalgame au niveau de ces différents phénomènes et, par conséquent empêche de comprendre les évolutions de chacun d’eux et masque les solutions qui pourraient exister dans un domaine précis. Dès lors, on préfère dans l’administration scolaire parler d’enfant « en difficultés » plutôt qu’en « échec ». Cependant, « la notion d’échec scolaire est maintenue pour désigner un phénomène social, avant d’être scolaire. C’est un phénomène « socioscolaire » pourrait-on dire, de grande ampleur, et d’ordre systémique. Le système dans son ensemble et le soussystème de l’orientation scolaire sont mis en cause par la réalité de l’échec scolaire » (Best, 1997, p. 16). Ces quelques précautions étant soulignées, nous allons définir ce que nous entendons par situation d’« échec » ou plutôt de difficultés scolaires. Allemann-Ghionda et Lusso-Cesari (1986) ont décrit ce qu’est une situation de réussite scolaire. Selon elles, on peut parler de réussite scolaire lorsque les points suivants sont réalisés : 1. L’enfant entre à l’école sans subir de retard (p.ex. prolongement de l’école maternelle si l’enfant n’est pas jugé assez mûr) 2. L’enfant est « à l’heure scolairement », n’a subi ni redoublement ni ralentissement 3. Lors d’orientation en plusieurs filières, l’élève est admis à fréquenter les filières les plus « nobles » 4. « la carrière se développe de façon cohérente avec les aptitudes de l’élève et elle est portée à terme » Selon ces mêmes auteurs, plusieurs facteurs influencent ces conditions : a. les qualités de l’enfant b. le milieu familial c. l’école : « une école stimulante et qui fonctionne bien saura plus facilement combler d’éventuelles lacunes et/ou mettre en valeurs des facultés latentes » Pour les enfants de migrants, trois conditions supplémentaires doivent être remplies pour permettre le succès ; l’enfant doit pouvoir : d. parler et écrire une langue différente de sa langue maternelle e. comprendre un système de normes de comportement passablement différent de celui de sa famille ou de son pays de provenance f. ne pas se laisser démotiver par l’atmosphère de séjour provisoire qui souvent domine en famille Ainsi, l’enfant d’immigré doit « investir plus d’énergie parce qu’il trouve devant lui plus d’obstacles sur le chemin du succès scolaire ». Quels sont donc les obstacles que rencontrent les enfants et jeunes migrants francophones noirs africains dans leur intégration scolaire en Allemagne, plus particulièrement en Rhénanie du Nord-Westphalie ? 89 III.2.2 Situation des enfants au moment de l’entrée à l’école Les membres de la communauté africaine francophone subsaharienne sont en majorité des migrants de la première génération. La plupart des enfants et jeunes sont nés en Allemagne. D’autres ont immigré avec leurs parents ou les ont rejoints par le biais du regroupement familial. Toutefois, les difficultés scolaires sont fortes aussi bien pour les uns que pour les autres. Pour mieux comprendre la situation de ces enfants au moment de l’entrée à l’école, il faudra d’abord analyser les facteurs endogènes à leurs familles à savoir le niveau d’instruction des parents, la langue parlée en famille, la culture d’origine, l’attitude envers l’école, la maîtrise de la deuxième langue, la motivation et attentes des élèves et des familles, le milieu socioéconomique. III.2.2.1 Niveau d’instruction des parents Les migrants francophones africains subsahariens en Rhénanie du Nord-Westphalie sont pour la plupart jeunes et ont un niveau d’instruction relativement élevé. Une grande partie de ces migrants, en majorité des sujets masculins, possède un diplôme de fin d’études secondaires. Au départ, l’immigration pour la plupart des hommes africains subsahariens, s’inscrivait dans la perspective de décrocher un diplôme de niveau supérieur, afin d’accéder à une position socio-économique convenable dans le pays d’origine. Car, en dépit de l’ascension politique à caractère arbitraire et souvent ethnique, la possession d’un diplôme en Afrique, notamment de niveau universitaire, garantissait encore, il n’y a pas si longtemps, une position socioéconomique prestigieuse (G. Mianda, 1998). A cause de l’instabilité politique persistante et de la détérioration constante des conditions matérielles d’existence dans leurs pays d’origine, les étudiants africains subsahariens sont contraints à demeurer dans le pays d’accueil comme immigrants. Ils se retrouvent alors, à plus d’un égard, dans la même situation que l’immigrant classique ; celui venu en Occident pour « vendre sa force de travail » (Lavigne, 1987, p. 2942), en espérant améliorer sa vie. Cette situation est mise en lumière dans les propos de l’un de nos interlocuteurs, monsieur NG. NG : « Après l’accession de mon pays à l’indépendance, beaucoup de mes compatriotes sont venus faire des études en Europe, en revenant au pays ils ont occupé des meilleurs postes et ils étaient bien […] bon, moi au départ, j’étais venu pour faire des études en Belgique, mais j’ai connu beaucoup de difficultés, matérielles et financières, le gouvernement de mon pays ne nous versait plus la bourse, il fallait se débrouiller pour survivre […] c’est ainsi que j’ai choisi d’immigrer en Allemagne au lieu de rester dans la galère où je me trouvais en Belgique […] bien sûr je m’étais dit que si ma situation s’améliore je pourrai poursuivre mes études en Allemagne, malheureusement […] bon, maintenant c’est trop tard, le plus important pour moi à présent c’est l’avenir de mes enfants, j’aimerais qu’ils fassent de bonnes études […] ». Si beaucoup de parents d’élèves migrants francophones africains subsahariens dessinent un profil d’instruction élevé, d’autre par contre accusent d’énormes carences en matière de scolarisation et de formation de base. Cette dernière catégorie est majoritaire dans certains groupes ethniques de la migration noire africaine en Allemagne. D’ailleurs, au cours de l’enquête, nous nous somme heurté à la difficulté de communiquer avec ces parents qui ont, le plus souvent, refusé de nous rencontrer ni de se prêter à nos questions. 90 Toutefois, la différence de niveau d’instruction des parents, bien qu’étant un facteur important dans la question de réussite scolaire, ne semble par pour autant mettre les enfants et jeunes migrants africains à l’abri des difficultés auxquelles ils sont confrontés à l’école allemande. L’une de ces difficultés est le problème de la langue qui se pose presque de la même manière pour tous les enfants des migrants francophones africains subsahariens. Comme le disent Allemann-Ghionda et Lusso-Cesari (1986), « l’importance déterminante de la langue peut être un facteur de plus grande difficulté pour les enfants dont la langue maternelle n’est pas la langue locale ». III.2.2.2 Le problème de la Langue III.2.2.2.1 Langue parlée en famille D’un point de vue linguistique, la langue parlée en famille fixe les bases nécessaires à l’acquisition de la langue seconde voire d’autres langues. Plusieurs auteurs s’accordent pour affirmer qu’il est nécessaire d’assurer de bonnes bases dans la langue maternelle, étant donné que « plus seraient faibles le niveau de développement de la langue propre au début de la scolarité et les possibilités d’apprentissage dans le milieu familial, plus la maîtrise de la langue seconde serait difficile » (Nonnon, 1991, p. 341). Cummins (1979) postule l’hypothèse de l’interdépendance ; il imagine un lien entre la langue maternelle et la langue seconde comme une sorte de dépendance. L’enfant construit dans sa langue maternelle une compétence linguistique, qui lui servira de base pour l’apprentissage de la langue seconde. Ainsi, le niveau atteint dans langue d’accueil est dépendant de celui atteint dans la langue maternelle et ne peut en principe pas le dépasser. Quelle est donc la situation de la première langue chez les jeunes migrants francophones noirs africains ? D’abord, l’idée de la communauté francophone noire africaine risque de suggérer une homogénéité culturelle chez les migrants d’Afrique subsaharienne, alors qu’en réalité cette population présente de multiples différences au niveau de la culture, des modes de structuration communautaire, des degrés de scolarisation et des statuts sociaux. La distinction géographique - au demeurant très approximative - entre l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale permet de définir les orientations idéologiques des individus et des familles, notamment en ce qui concerne le choix de la langue à transmettre aux enfants. D’après notre enquête, beaucoup de familles originaires d’Afrique de l’Ouest, en particulier celles appartenant au groupe Sahel (Sénégal, Mali, Burkina Faso, Niger, Tchad, etc.), favorisent la transmission des langues ancestrales aux enfants, tandis que les familles issues d’Afrique centrale insistent plutôt sur l’apprentissage du français. Du reste, le français est la langue officielle et administrative des pays dits africains francophones subsahariens. Dans certains cas, le français est la seule langue commune au sein des familles de migrants. Par ailleurs, peu nombreux sont les enfants et jeunes migrants africains parlant français qui puissent également l’écrire et le lire. Presque tous les parents que nous avons interrogés lors de notre enquête affirment éduquer leurs enfants en français. Cette tendance est très forte surtout chez les parents qui ont été scolarisés en français et qui ont un niveau d’instruction élevé. D’autres parents ayant une scolarité moins élevées éduquent eux aussi leurs enfants « en français ». Ces parents ont bien sûr été instruits en français, mais dans des conditions minimales, au point qu’ils ne sont pas en mesure de parler couramment le français ni de le transmettre comme il faut à leurs enfants. Questionnés sur le choix du 91 français comme langue d’éducation de leurs enfants, ces parents déclarent que c’est parce qu’ils sont francophones comme en témoigne JP. JP : « Le français c’est notre langue […] il faut que mes enfants apprennent le français dès le bas-âge, c’est la langue officielle de notre pays, sinon si les enfants ne comprennent pas cette langue comment ils vont parler avec les autres membres de la famille au pays ? Nous sommes des francophones […] » Au plus profond d’eux-mêmes ces parents s’identifient à cette langue dont ils ont toujours voulu avoir la maîtrise et se sont toujours par conséquent considérés comme francophones. Etre francophone est donc pour beaucoup de parents d’élèves africains scolarisés en Rhénanie du Nord-Westphalie, une identité qu’il faut préserver. On le voit avec notre interlocuteur AM lorsqu’il dit : AM : « Evidemment d’abord c’est notre identité, le français, quoiqu’il ne soit pas notre langue maternelle […] c’est comme si elle l’était, parce que à la maison nous ne parlons que français avec les enfants[…] moi qui suis né dans un milieu différent, j’ai appris le français à l’école, mais eux ils n’ont que ça comme langue maternelle, ma langue maternelle, notre langue maternelle, ils ne la connaissent pas, d’ailleurs il n’y a aucune nécessité absolue qu’ils l’apprennent, à quoi leur servira-t-elle ?[...] Ils sont plutôt francophones, rien que pour ça ils doivent conserver le français, sans compter que cette langue peut leur ouvrir une porte voir même plusieurs portes un jour, lorsque les enfants possèdent le français ils vont communiquer avec tous ceux qui parlent cette langue, les membres de famille, les amis, bref tous les francophones […] » Cette affirmation de l’identité francophone devient même une préoccupation comme en témoigne GA. dont la fille fréquente l’école belge : GA : « Pour moi c’est très important d’avoir mon enfant dans une école francophone […] c’est très important […] le français c’est la langue que je maîtrise le mieux, je peux mieux aider ma fille dans ses travaux de l’école, mais en allemand c’est pas facile […] bien sûr, ma fille peut apprendre l’allemand puisque c’est la langue du pays dans lequel nous vivons, mais le français reste très important […] » Dès lors pour les parents interviewés, l’inscription de leurs enfants dans une école francophone s’insère dans une stratégie à la fois de transmission de l’identité francophone, considérée comme capital social, et d’investissement dans l’éducation de leurs enfants. Cependant, la préoccupation des parents en ce qui concerne l’identité francophone n’a pas la même valeur aux yeux de leurs enfants. En effet, le rapport au français des jeunes migrants francophones africains vivant en Allemagne est assez complexe. Ils se trouvent généralement partagés entre l’enjeu socio-économique et le désir identitaire de leurs parents. En d’autres termes les jeunes africains sont pour le moins préoccupés par l’intégration à leur environnement social immédiat que par la langue à laquelle s’identifient leurs parents. La preuve, lorsque nous avons eu des entretiens avec les jeunes fréquentant les écoles belges, la plupart nous ont affirmé qu’ils sont là puisque leurs parents le voulaient. Par conséquent, beaucoup ne savent pas ce qu’ils vont faire à la fin de leur scolarité en français ou en contexte francophone. Nous prenons à titre d’exemple les propos de TA. 92 TA : « […] moi j’ai pas tellement aimé quand mes parents m’ont inscrit à l’Athenée royal de W., j’étais bien en Allemagne, je vois mon avenir en Allemagne et pas en Belgique, d’ailleurs je ne sais pas comment ça va se passer à la fin de mes études secondaires, moi je compte bien étudier en Allemagne […] » Cette opinion de TA porte à croire que les jeunes migrants africains scolarisés dans des écoles francophones belges courent le risque de ne pas maîtriser le monde linguistique et culturel de leur pays d’accueil en l’occurrence l’Allemagne, ce qui risque également de compromettre leur avenir socio-professionnel. Ce sujet a été abordé lors de notre entretien avec une directrice d’Athénée qui partage la même opinion quant à l’avenir des enfants noirs africains scolarisés dans des écoles belges. La directrice : « […] je n’ai rien contre le fait que les enfants africains résidant en Allemagne viennent dans nos écoles […] seulement je me demande si les parents ont fait le choix qu’il faut pour l’avenir de leurs enfants, les exigences socioculturelles de notre système éducatif ne sont pas les mêmes qu’en Allemagne, surtout pour les élèves qui sont en professionnel […] qu’est-ce qu’ils vont faire s’ils rentrent en Allemagne ? […] » Du reste, interrogés sur la langue parlée en famille, beaucoup d’élèves migrants francophones noirs africains disent communiquer avec leurs parents en français, d’autres disent utiliser le français et l’allemand ; le français pour communiquer avec leurs parents et l’allemand pour communiquer entre frères et sœurs ou avec d’autres jeunes. Certains jeunes à l’instar de CR. disent parler plusieurs langues en famille : CR : « […] mes parents communiquent entre eux en langues africaines, parfois ils me parlent en langue africaine , j’entends mais je ne sais pas leur répondre dans cette langue, alors s’ils me demandent quelque chose en langue africaine, je leur réponds en français, aussi parfois en allemand, quelques fois ça fait confusion[…] mais on se comprend quand même […] » Les propos de CR témoignent d’une certaine tension identitaire des jeunes migrants francophones noirs africains, tension qui résulte notamment des rapports complexes qu’ils ont avec le français et autres langues parlées en famille. Ces jeunes semblent confrontés voire poussés à un métissage linguistique, que formalisent des phénomènes d’hybridation et d’alternances de langues. Métissage qui se fait, dans le même temps, indicateur d’appartenance socio-ethnique. En effet, les formes métissées sont caractérisées par un ensemble de facteurs situationnels : l’attitude face aux langues et face au parler bilingue, les relations à l’intérieur de la famille, et les relations avec la société environnante. Ces faits linguistiques constituent ainsi l’existence des traces d’une identité plurilingue qui s’accompagne des pratiques pluriculturelles. Cette interpénétration de visions opposées aboutit à la formation d’une mentalité et d’une sensibilité qui ne peuvent plus être ni celles d’un français ni celles d’un africain ni encore moins celles d’un allemand. C’est à la construction de cette sensibilité nouvelle, à ce processus de fusion et de transformation que participent leurs pratiques de métissage. III.2.2.2.2 Niveau de connaissances en allemand au moment de l’entrée à l’école. Comme pour de nombreux enfants issus de l’immigration, les connaissances en allemand des jeunes migrants francophones africains subsahariens au moment de l’entrée à l’école ne sont pas suffisantes pour leur permettre de tirer profit de l’enseignement primaire. Des enquêtes sur le niveau de la langue (W. Knapp, 2006, p.6) des jeunes migrants montrent que leurs connaissances en allemand sont souvent nettement inférieures à celles des enfants de langue 93 maternelle allemande. L’opinion est largement répandue aussi que nombre de ces enfants ne connaissent pas suffisamment l’allemand, au seuil du primaire, pour réussir à l’école. Les statistiques indiquent souvent que 70 à plus de 90 % des enfants issus de l’immigration ont des résultats inférieurs à la moyenne ou sont considérés comme « à risque » (Senatsverwaltung für Schule, Jugend und Sport Berlin, 2001 ; Penner 2005). Ces valeurs s’appliquent à divers aspects de la langue tels que le vocabulaire, la morphologie, la syntaxe et la pragmatique. En outre, les compétences auditives et la conscience phonologique de ces enfants sont très déficientes (Penner, 2005 ; Grimm et al 2004). On pourrait penser a priori que les écoles maternelles stimulent le développement du langage de multiples façons et soutiennent ainsi fortement l’acquisition de la deuxième langue. Mais cela ne semble pas toujours être le cas. Penner (2005) observe que l’apprentissage de la deuxième langue stagne la dernière année de la maternelle. On peut supposer qu’à l’école maternelle les enfants issus de l’immigration, en l’occurrence les enfants de familles francophones africaines d’origine subsaharienne, ne participent que de façon limitée à la communication. En abordant cette question lors de notre enquête avec madame Hof., éducatrice et responsable de Kindergarten, celle-ci nous laissera entendre que « les enfants africains connaissent trop peu d’allemand pour comprendre par exemple une histoire racontée dans cette langue et être capables d’en parler… même si des mesures de soutien linguistique sont prises, ils prennent moins souvent la parole que les autres ». Ils ne peuvent donc pas profiter de l’environnement linguistique. Ce qui expliquerait la stagnation du développement de la deuxième langue à la maternelle. Mais pour pouvoir communiquer, il faut déjà avoir des connaissances de la langue, or les enfants migrants noirs africains n’en ont pas suffisamment pour pouvoir participer activement à la communication en classe. Wolfgang Klein (1992, p.28) parle du paradoxe devant lequel se trouvent les apprenants d’une deuxième langue : « Pour pouvoir communiquer, ils doivent apprendre la langue et pour apprendre la langue, ils doivent pouvoir communiquer ». Pour améliorer les compétences en langue des enfants appartenant à des minorités linguistiques, pense Klein (1992), il faudrait leur donner beaucoup plus d’occasions de communiquer et adapter la langue utilisée avec eux à leur niveau de langue. La participation active à la communication en classe contribue à favoriser divers aspects de la compétence linguistique. L’emploi fréquent d’un vocabulaire appris et de structures linguistiques provoque un effet d’entraînement et aide les enfants à avoir confiance en eux lorsqu’ils s’expriment. S’agissant des compétences en deuxième langue au moment de l’entrée à l’école, Werner Knapp (2006) répartit les enfants issus de l’immigration en trois groupes : - Ceux du premier groupe maîtrisent l’allemand deuxième langue aussi bien que les locuteurs natifs ou du moins suffisamment pour rattraper les locuteurs natifs pendant la scolarité et obtenir de bons résultats ou du moins des résultats se situant dans la moyenne. Les rares enfants africains qu’on trouve dans cette catégorie sont surtout ceux issus des familles mixtes, en l’occurrence des familles dont l’un des parents est d’origine allemande. - Ceux du deuxième groupe maîtrisent si mal l’allemand qu’ils comprennent à peine les leçons. L’auteur souligne qu’il ne faut s’attendre guère à une amélioration de la compétence en deuxième langue pendant la scolarité. L’argument souvent avancé selon lequel l’enseignement primaire fait quasi automatiquement office de cours de langue ne tient pas, car l’écart entre le niveau de communication de l’enseignant et le 94 niveau de compétence linguistique de l’apprenant de la deuxième langue est trop grand. Il en résulte que les enfants issus de l’immigration ne peuvent participer activement à la classe, ce qui entraîne souvent un désintérêt de leur part et des problèmes de discipline. En outre, les difficultés en deuxième langue s’accentuent pendant la scolarité, en raison de la part croissante des devoirs écrits, de la complexité de la langue écrite, du fait que la langue d’enseignement est fondée sur la langue écrite et que les concepts abstraits sont de plus en plus nombreux. Font partie du troisième groupe les enfants ayant des « difficultés de langage cachées ». Selon l’auteur, ces enfants sont, à première vue, capables de s’exprimer couramment lorsqu’ils parlent, mais appliquent des stratégies de camouflage et d’évitement (qui consistent à prononcer de façon approximative, à avoir un débit rapide, à escamoter les terminaisons, à éviter les constructions complexes, à employer des mots passe-partout comme le verbe « faire ») pour dissimuler leurs difficultés en deuxième langue. Avec la part croissante des travaux écrits – notamment la troisième année d’école – les difficultés deviennent nettement visibles. A côté du vocabulaire, c’est surtout dans le domaine de la morphosyntaxe que se situent les difficultés pour ceux qui apprennent l’allemand en deuxième langue. Il en résulte que les élèves n’établissent pas les relations importantes entre les mots de la phrase et ne peuvent par conséquent ni saisir ni produire des phrases complexes. Cela se répercute sur la compétence textuelle, de sorte que les élèves ont des difficultés particulières aussi bien à comprendre qu’à rédiger un texte. Il est évident que les enfants et les jeunes concernés, en l’occurrence les enfants et jeunes migrants francophones africains subsahariens, comprennent ensuite très mal ou ne comprennent pas du tout les conversations plus complexes en classe ainsi que les exercices et les textes des manuels. Interrogé, lors de notre enquête, sur les compétences linguistiques des élèves migrants, un enseignant du secondaire nous dira : « […] de plus, il n’est pas forcément aisé pour un enseignant d’évaluer un élève migrant sans tenir compte de ses difficultés de langue, difficultés qui finalement se répercutent dans toutes les branches scolaires, le fait de mal interpréter une donnée dans une branche scientifique par exemple, même s’il s’agit d’un problème de compréhension linguistique, désavantagera l’élève dans la branche en question […] ». Par ailleurs, cherchant à savoir de quelles manières les enseignants procèdent-ils pour soutenir les élèves migrants ne maîtrisant pas l’allemand, un autre enseignant nous confie : « Vous savez […] les enfants apprennent principalement une langue au contact des autres enfants et non des enseignants. Il suffirait qu’une proportion suffisante d’enfants maîtrisant bien leur langue maternelle soit présente et […] ça va tout seul […] bon, en tant qu’enseignant il est de notre devoir […] c’est d’ailleurs pour ça que nous sommes là, de former les enfants dans toutes les matières requises à leurs niveaux, y compris bien sûr la langue […] » On peut supposer que les enfants maîtrisent mieux la première langue que la deuxième. Pour ce qui est de la langue parlée tous les jours à la maison, on peut partir du principe qu’ils en ont en général une maîtrise correspondant à leur âge (Hepsöyler et Liebe-Harkort 1991 ; Karasu 1995 ; Jeuk 2003). 95 Il importe donc de savoir si les enfants migrants francophones africains subsahariens maîtrisent suffisamment leur langue maternelle au moment de l’entrée à l’école. En effet, comme nous l’avons dit plus haut, la plupart des enfants de parents migrants francophones du groupe « Afrique centrale »1 affirment avoir le français comme langue maternelle. Or, plusieurs autres langues africaines sont utilisées à la maison et le français reste souvent confiné aux frontières de l’école. Evidemment, la maîtrise du français chez les enfants et jeunes migrants francophones africains subsahariens vivant en Allemagne est très déficiente. Beaucoup ne savent ni lire ni écrire le français (sauf ceux qui ont eu la chance de fréquenter ou d’avoir fréquenté des institutions scolaires en français). La situation de ces enfants est encore plus difficile lorsqu’à côté du français, une ou plusieurs langues africaines sont utilisées en famille. Certains parents africains vont jusqu’à utiliser « l’allemand » pour communiquer avec leurs enfants comme en témoigne la remarque d’une assistante sociale allemande (Frau Br.) que nous avons rencontrée lors de notre enquête. Br. : « Vielfach seien afrikanische Eltern irritiert, wenn es um den Erwerb der afrikanischen Muttersprache für ihr Kind in Deutschland geht und glauben sie täten ihren Kindern etwas Gutes, wenn sie mit ihnen in Deutsch radebrechten... Neue wissenchaftliche Erkenntnisse rieten jedoch Eltern erst einmal ihren Kindern eine Sprache als Muttersprache richtig beizubringen, denn dann sei der Erwerb der nächsten Sprache von größerem Erfolg gekennzeichnet mit der Folge, daß auch höhere Schulabschlüsse möglich seien.» « Très souvent des parents africains vivant ici en Allemagne se trompent lorsqu’il s’agit d’apprendre à leur enfant la langue maternelle africaine. Ils pensent que ce serait une bonne chose pour leur enfant s’ils « baragouinaient » l’allemand avec lui… Pourtant, les nouvelles théories scientifiques conseillent aux parents d’enseigner d’abord et avant tout correctement une langue choisie comme langue maternelle à leurs enfants. Ce qui permet ensuite d’avoir de bons résultats dans l’apprentissage d’autres langues et donc aussi de meilleurs résultats scolaires. » Nous pouvons donc dire que la majorité des enfants migrants africains francophones subsahariens connaissent des perturbations dans l’apprentissage de la première langue. Ce qui expliquerait ainsi leur difficulté à maîtriser l’allemand et, cela reste à démontrer, leurs mauvais résultats scolaires. D’une manière générale, l’enfant développe dans sa langue maternelle à la fois des aptitudes à communiquer et des aptitudes « linguistiques cognitivo-scolaires ». Si ces dernières ont été apprises dans la langue maternelle, l’enfant saura les élargir à la langue seconde. Dans son « hypothèse de l’interdépendance », Cummins (1979, p. 233) suppose que le niveau de compétence qu’un enfant bilingue atteint en deuxième langue dépend en partie du type de compétence acquis en première langue au moment où il commence à être exposé de façon intensive à la deuxième langue. Ces aptitudes linguistiques sont d’ailleurs nécessaires à la réussite scolaire. Cependant, on peut se demander si, alors qu’elles n’auraient pas été développées dans la langue maternelle, il serait possible de les acquérir dans la langue seconde. ____________ 1 voir notre distinction géographique de l’Afrique francophone subsaharienne (III.2.2.2) 96 Cummins expose une théorie (« théorie du seuil ») qui peut nous aider à répondre à cette question. Il distingue deux seuils dans l’apprentissage d’une langue : - Le premier seuil, le plus bas, désigne le point de développement de l’enfant bilingue où le fait d’apprendre une langue n’est plus une entrave au développement de la langue maternelle. - Le second seuil, le plus haut, désigne le moment du développement de l’enfant bilingue dans lequel les progrès dans la langue maternelle produisent des progrès dans la langue seconde et ont des répercussions positives sur les « aptitudes linguistiques cognitivo-scolaires » (Müller, 1995). En fait, selon Müller, le fait d’avoir déjà acquis les « aptitudes linguistiques cognitivoscolaires » dans la langue maternelle avant la migration rend plus facile ce même développement dans la langue d’accueil ; les élèves qui ont quitté leur pays d’origine alors que leur langue d’origine ne leur permettait que la communication « en contexte » ont généralement plus de difficultés à l’école que ceux qui, bien qu’arrivés plus tard, ont déjà développé ces aptitudes scolaires. Ce niveau minimum est difficile à définir ; on peut dire de façon large qu’il s’agit de la lecture, de l’écriture et du fait de « pouvoir communiquer en dehors d’un contexte concret ». D’un point de vue linguistique, les compétences en première langue des enfants et jeunes issus de l’immigration sont très utiles dans le cadre de l’apprentissage bilingue. La comparaison contrastive de langues différentes est un moyen efficace de se faire une idée de la correction linguistique et devrait absolument être pratiquée (Knapp, 2006). De nombreuses règles de la langue allemande ne deviennent vraiment claires que lorsqu’on les compare avec les règles applicables dans d’autres langues. On peut comparer la construction des phrases, l’existence et le nombre d’articles, les modèles de déclinaison et de conjugaison, afin d’élargir et d’approfondir ses connaissances grammaticales. Là aussi intervient la situation des enfants et des jeunes issus de l’immigration avec leur connaissance de la première langue. La comparaison permet de découvrir de façon inductive la parenté de langues différentes. Les conventions linguistiques deviennent particulièrement évidentes lorsque l’on compare plusieurs langues. Les élèves apprennent à employer le niveau de la langue approprié dans la communication (par exemple les formes de politesse dans diverses situations et langues) par la comparaison avec d’autres langues. Ils prennent conscience des variétés de langue et acquièrent ainsi une capacité d’expression différenciée (Oomen-Welke, 1999). Il y a certes beaucoup de raisons de promouvoir la première langue, déclare Knapp (2006), mais il ne faudrait pas supposer qu’il y a automatiquement un lien avec l’acquisition de la deuxième. Il arrive que les choses se passent différemment dans la réalité. Par exemple, beaucoup d’enfants et de jeunes apprennent parfaitement la deuxième langue, alors qu’ils maîtrisent insuffisamment la première. Inversement, de bonnes compétences dans la première langue n’entraînent pas automatiquement la réussite de l’acquisition de la deuxième. Nous pensons, par ailleurs, que si la promotion de la première langue est un élément important d’un concept général de promotion des langues, au moins aussi important est la promotion ciblée de la deuxième langue, qui est la langue de communication du pays dans lequel vivent les enfants et jeunes migrants concernés, et qui est déterminante pour les possibilités de trouver un emploi et de participer à la vie de la société. Lahire (1995) souligne cependant le fait qu’il n’y a aucun rapport de causalité simple entre « langue » et « difficultés scolaires ». Autrement dit, tout locuteur non-germanophone, en 97 l’occurrence les élèves francophones africains d’origine subsaharienne, n’est pas voué à l’ « échec ». Il existe d’autres facteurs voire une interaction de plusieurs facteurs qu’il faut prendre en compte dans la problématique de l’intégration scolaire des enfants et jeunes migrants francophones africains subsahariens en Rhénanie du Nord-Westphalie: la culture d’origine, l’attitude envers l’école, le milieu socio-économique, la motivation, la situation de l’école, les stratégies, etc. III.2.2.3 La culture d’origine D’abord, qu’entend-on par « culture » ? Selon l’Encyclopaedia Universalis1, une culture est marquée par une série de modèles, d’images-guides, de représentations auxquelles se réfèrent les membres d’une société dans leur comportement, leur travail, leurs rites et leurs relations sociales. D’après P. Perrenoud (2005), chaque communauté ethnique, linguistique ou religieuse élabore sa propre culture, faite de savoirs, de valeurs, de goûts, de pratiques. La diversité des genres, des conditions et des modes de vie, des statuts, des pratiques produit aussi des cultures, sans qu’il existe toujours une communauté bien définie. La rencontre entre des cultures différentes engendre souvent des conflits, des discriminations, des dominations, des exclusions. Certains auteurs mettent en avant la culture d’origine pour expliquer les éventuelles difficultés scolaires que rencontrent les enfants et jeunes issus de l’immigration. En effet, l’une des difficultés principales de ces enfants viendrait de ce que leurs parents les élèvent, en règle générale, selon les traditions de leur pays d’origine, tandis qu’ils sont confrontés, dès leur entrée à l’école au plus tard, à la manière de penser et aux comportements des populations dans le pays d’accueil. Il pourrait en résulter de graves conflits, l’adolescent ne parvenant en définitive à s’identifier ni avec la culture du pays d’origine, ni avec celle du pays d’immigration. La conséquence en serait souvent un sentiment de perte de leur individualité ainsi que des difficultés scolaires et des troubles du comportement (Cassée, Gurny & Hauser, 1981). Lahire (1995) parle même d’un double conflit : quand l’enfant entre à l’école, il est un être socialisé par sa famille. Il apporte donc à l’école un certain nombre de comportements et de représentations qui peuvent engendrer des malentendus ; c’est là le premier conflit. Ensuite, l’enfant, par les nouvelles formes de relations qu’il rencontre à l’école, intériorise de « nouveaux schèmes culturels », lesquels sont rapportés à la maison. Ceux-ci risquent de placer l’enfant en « porte-à faux » par rapport à son milieu d’origine : c’est le deuxième conflit. Pour les spécialistes en psychologie interculturelle, déclare A. Manço (2006), l’identification à la communauté primaire (dont l’expression la plus fondamentale est le couple mère-enfant) constitue une base pour le développement de la personnalité et de la sensibilité de l’être, sans pour autant nier l’influence sur ce développement d’autres facteurs. Ainsi, les enfants nés d’immigrés et éduqués de façon cohérente avec les valeurs de leur famille connaissent, semble-t-il, une réussite scolaire supérieure aux autres. _________________ 1 Voir le mot « culture », dans Encyclopaedia Universalis, Corpus 5, Paris, 1988, p. 876 98 Par ailleurs, les travaux en psychologie de la délinquance montrent que les comportements déviants sont nettement moins courants parmi les jeunes qui ont pu garder une relation dense avec leur famille, qui ont une perception positive des valeurs de leur culture d’origine et qui en manifestent une certaine connaissance. Il faut rapprocher ces observations des recherches sociolinguistes qui avaient montré l’importance d’une maîtrise approfondie de la langue maternelle pour aborder l’apprentissage d’autres langues. Ces travaux menés dans des contextes plurilinguistiques inégalitaires insistèrent également sur les effets positifs d’une rencontre « aménagée » des langues tant pour l’apprentissage lui-même que pour le développement harmonieux de la personnalité des apprenants. Presque tous les parents francophones africains que nous avons interviewés semblent unanimes à l’idée du conflit culturel qui est pour plusieurs répondants un obstacle important à l’intégration scolaire des enfants et jeunes francophones africains subsahariens, comme en témoignent les extraits suivants : Mr. Mu : « […] oui c’est clair, il y a un décalage culturel entre la famille et l’école, nos enfants mènent un combat de survie contre tous les problèmes liés aux différences culturelles […] c’est clair, nous avons d’autres pratiques éducatives en famille qui ne sont pas compatibles avec la culture allemande en général et même avec la culture de l’école [...] » Mme Zo : « nous nous éduquons nos enfants à la discipline et au respect des adultes, à l’école on parle de liberté, on laisse les enfants faire ce qu’ils veulent, parfois à l’école on pousse les enfants à faire des choses qui ne correspondent pas à leur âge…depuis que ma fille aînée est à l’école secondaire, elle a beaucoup changé, elle ne veut plus rien entendre de ce qu’on lui dit à la maison […] l’école autorise les filles à faire certaines choses qu’elles ne devraient pas faire […] tout ça au nom de la liberté […] » On peut clairement déceler dans les propos de ces parents le caractère autoritaire du style éducatif de la majorité de familles africaines qui pensent comme TS qu’il faut une certaine autorité dans l’éducation d’un enfant. TS : « [ …] si on laisse trop de liberté à l’enfant il ne connaîtra pas de limites, cela risque de compromettre sa vie, son avenir […]vous savez, quand les enfants sont petits on a encore un certain contrôle sur eux, ils suivent la ligne tracée par la famille [ …] à un moment donné ce n’est plus possible, ils font ce qu’ils veulent et on ne peut plus les suivre […] ici en Allemagne, quand tu oses lever la main sur ton enfant c’est le Jugendamt qui intervient et menace de te ravir ton enfant , soi-disant pour maltraitance […] ça aussi c’est un problème, on a plus le droit d’éduquer nos enfants comme on veut, et puis quand ces enfants-là font de bêtises ou quand ils échouent à l’école, c’est sur les parents que ça retombe […] » Interrogés sur le style éducatif familial, beaucoup de jeunes africains affirment que leurs parents sont trop autoritaires. Tr. dit : « […] mes parents me crient dessus tout le temps […] ils s’énervent beaucoup, même quand je n’ai pas envie de faire quelque chose ils m’obligent à le faire […] comme par exemple ils m’obligent d’aller chaque dimanche avec eux à leur église où ils restent parfois toute une journée […] et puis je n’ai pas le droit de sortir avec mes potes pour jouer ou faire quelque chose […] mes parents sont trop autoritaires, à l’école c’est pas comme ça, les gens sont gentils » 99 Un dossier spécial « Pratiques éducatives familiales et scolarisation » de la Revue française de pédagogie, paru en 2005, a été consacré aux manières dont les parents éduquent leur enfant au domicile et à leurs répercussions à l’école (Bergonnier-Dupuy, 2005). La question posée est de savoir qu’est-ce qui, en fonction de l’âge de l’enfant, dans la socialisation et l’éducation familiales, de façon directe ou indirecte, favorise la réussite et l’intégration scolaire ou, au contraire, est susceptible d’entraîner des problèmes d’adaptation ? Les résultats de recherches provenant des différents champs sont relativement cohérents entre eux et mettent en avant les avantages d’une éducation familiale basée sur l’autonomisation et l’épanouissement de l’enfant. La combinaison de la disponibilité affective et de l’encouragement à l’autonomie a toujours un effet favorable sur les comportements de l’enfant et sur ses résultats scolaires. Mais tous les parents africains n’approuvent pas le style d’éducation autoritaire, ils pensent comme AD que cela a un impact néfaste sur la relation parent-enfant, ainsi que sur les performances scolaires de l’enfant. AD : « le comportement autoritaire des parents africains limite la communication avec leurs enfants, moi-même j’ai connu cette éducation avec mes parents, avec tout ce qu’il y a comme conséquences, la peur, une certaine carence affective, l’anxiété, perte de confiance en soi, des difficultés à l’école […] non, je ne voudrais à aucun prix élever mes enfants de cette façon là […] mes enfants à moi, je les aime et je les éduque de manière libérale […] je crois que la qualité d’une bonne éducation dépend du niveau d’instruction des parents, beaucoup de parents africains ne tiennent pas compte des besoins de leurs enfants […] normalement l’école a sa culture et les parents africains doivent faire beaucoup d’efforts pour répondre aux exigences de la culture de l’école […] » En effet, comme le dit Thiébaut (1987), la norme de l’école est celle de la culture dominante, point de passage obligé pour accéder aux statuts socio-économiques convoités. La différence culturelle n’est pas reconnue par l’école qui s’adresse à l’enfant « normal ». Inversement, les enfants qui nous occupent ne se reconnaissent pas dans le système de valeurs et le fonctionnement de cette école. Ceci nous amène à considérer l’école comme un système de codes particulièrement développé que les élèves se doivent d’adopter, ce qui est plus difficile entre autres pour des enfants venant d’autres cultures. Ces enfants s’aperçoivent que leur culture est éloignée de celle de l’école, ce qui risque de les amener soit à prendre de la distance par rapport à leur famille, par souci d’intégration, soit à refuser le système scolaire et ses conventions. Cette dernière solution est, on peut s’en douter, compromettante pour l’apprentissage scolaire. Par ailleurs, nous avons recueilli l’avis d’un autre parent africain qui lui pense que les jeunes africains ont tort de renier leur appartenance culturelle au profit de la culture du pays d’accueil. BO : « quand bien-même nos enfants adoptent la culture allemande, ils finissent toujours par être déçus […] ils vont très vite déchanter, très souvent ils sont marginalisés et défavorisés » Evidemment, on constate qu’à un moment donné, et le plus souvent à l’adolescence, les jeunes africains vont devoir affronter le décalage culturel et ressentir les effets de la différence, avec comme conséquence le sentiment d’injustice ou d’exclusion. Par ailleurs, il a entre autre été observé que le message de l’école renvoie principalement l’enfant migrant à sa différence, rejetant ainsi son histoire personnelle et son vécu culturel hors de l’espace scolaire, 100 ce qui peut l’amener à « intérioriser » un sentiment d’échec s’il se sent trop dévalorisé ou le pousser à adopter une posture de renfermement et de critique de l’école. Sur ce point AN, une enseignante allemande intervenant lors d’un séminaire sur « Afrikanische Fach Tagung »1 (journée africaine sur l’éducation) déclare : AN : « Ihre Enttäuschung zeichnet sich durch Gewalt oder Schulversagen aus. Sie sind dann orientierungslos und es mangelt ihnen an Motivation und Konzentrationsfähigkeit. Dies hat zur Folge, dass sie die Schule abbrechen und entweder arbeitslos bleiben oder ungelernte Arbeiten ausüben. » « Leur déception se traduit par la violence ou l’échec scolaire. Ces jeunes sont donc démotivés et manquent de repères. Ce qui a pour conséquence l’abandon de l’école. Ils deviennent soit chômeurs soit obligés d’exercer des métiers non qualifiés ». Il est certes vrai qu’il y a un décalage culturel entre la famille et l’école. Mais, plus que l’origine culturelle, la situation particulière de chaque enfant africain a un effet sur sa propre intégration scolaire. En d’autres termes, l’éducation de base reçue en famille, incluant les attitudes et pratiques parentales, détermine positivement ou négativement l’intégration scolaire de chaque enfant. III.2.2.4 Attitudes et représentations La majeure partie des auteurs définissent « l’attitude » en tant que disposition ou tendance à réagir positivement ou négativement à l’exposition à une réalité (opinions d’autrui, objets, situations, personnes, contextes environnementaux et sociaux, etc.). En général, les attitudes sont considérées comme des structures intégrant les opinions et les croyances des individus et construites à partir de l’intégration subjective de leurs expériences ou de l’effet de leurs conduites (Triandis, 1971). Quant aux représentations, elles constituent les différentes images (préconçues) qu’on peut avoir face à une réalité. Les représentations influencent fortement le rapport que nous entretenons avec les objets, les situations, les personnes, les contextes sociaux, etc. Par exemple, une représentation négative d’une langue peut considérablement freiner son apprentissage. Les difficultés scolaires d’un enfant sont parfois dues non à un manque de capacités, mais aux représentations que l’enfant se fait de l’école. Dans cette optique, nous pouvons dire que la représentation qu’un enfant migrant a de l’école et de la culture du pays d’accueil peut également faciliter ou limiter sa réussite scolaire. Aussi les représentations parentales (positives) peuvent être synonymes de soutien, d’encouragements qui favorisent chez l’élève une adhésion aux normes de l’école. Selon Zéroulou (1988), l’un des facteurs qui influencent la réussite scolaire est avant tout le rapport à l’école de la famille. Les valeurs positives des parents envers l’éducation et leur intérêt pour l’école sont intégrées par les enfants et participent à leur motivation, même si la force de cette influence décroît avec l’âge et le niveau scolaire. __________________ 1 Afrikanische Fach Tagung : Schul-und Bildungssituation von Jugendlichen mit afrikanischem Hintergrund in Deutschland (Situation scolaire des jeunes migrants africains en Allemagne), 27 mai 2006, Düsseldorf 101 Il y a des parents migrants qui voient en l’école un moyen de promotion sociale pour leurs enfants, ils lui accordent donc toute confiance et acceptent tout ce qui est entrepris pour la scolarité de leurs enfants, l’emprunt de certaines normes et valeurs culturelles du pays d’accueil est également bien toléré. Ainsi, la réussite de certains de ces enfants s’explique assez aisément, par la capacité des parents à aider leurs enfants à combler le décalage entre leur habitus individuel, familial, social et les dispositions qu’exige le travail scolaire. Les enfants ont intériorisé l’importance de l’école, et le « besoin de faire mieux que les autres ». A ce titre, l’école est vue pour ces familles comme le seul moyen de les aider à comprendre leur société d’accueil. C’est en fait l’attitude mobilisatrice des parents vis-à-vis de l’école essentiellement qui permet la réussite scolaire des enfants. Par contre, d’autres parents sont plus méfiants vis-à-vis de l’école, ils pensent que leurs enfants y sont victimes de discrimination, et considèrent que l’école joue un rôle dans la « reproduction des différentes catégories sociales ». D’autre part, certains parents qui ont connu l’école, mais qui y ont vécu des expériences douloureuses, transmettent à leurs enfants leur rapport douloureux à l’école (Lahire, 1996). Ce qui va à l’encontre de la pensée commune selon laquelle la réussite scolaire de l’enfant serait en importante corrélation avec le niveau de scolarité atteint par les parents. La majeure partie des familles africaines a une attitude positive vis-à-vis de l’école. Ces familles considèrent les études comme un investissement dans la mesure où les diplômes acquis permettront aux enfants de se constituer un capital économique. Selon A. Feyfant (2008), les parents immigrés espèrent que leurs enfants accèderont à un statut professionnel supérieur au leur. Cette aspiration est mise en lumière dans les propos des parents ci-après : Monsieur DI : « […] oui l’école est nécessaire, vraiment nécessaire […] j’ai réussi à être ce que je suis grâce à l’école et j’aimerais que mes enfants fassent mieux que moi […] vous savez dans mon pays quand on n’a pas été à l’école, on n’a pas de chance [...] pour éviter de finir balayeur de rues comme disait mon père il faut aller à l’école, pour moi l’école c’est l’avenir, disons une scolarité achevée, puisqu’on peut aller à l’école et ne pas la terminer, je ferai tout pour que mes enfants réussissent l’école et fassent de meilleures études ». Quand bien-même ils sont obligés de revoir leurs aspirations à la baisse en fonction des performances de leurs enfants ou des conditions de scolarisation. Monsieur OS : « le diplôme c’est très important, même si le chômage n’épargne pas les diplômés il faut quand même l’avoir […] je sais que la situation n’est pas facile dans ce pays où on essaie de décourager nos enfants […] c’est parfois très frustrant, je connais le cas d’une famille qui nous est proche, quand ils étaient en Afrique, leur fille, une brillante élève était scolarisée dans une école privée, un lycée de haut niveau, quand la fille est arrivée ici, on lui a refusé l’accès au Gymnasium en disant que c’était très difficile pour elle […] qu’elle n’allait pas s’en sortir […] ils ont préféré l’orientée vers la Hauptschule soi-disant que c’était la meilleure filière pour elle […] cette situation a beaucoup affecté l’enfant … ainsi que sa famille… » Pour certaines familles, l’enseignement professionnel devient la seule voie de relégation observable en amont du système scolaire allemand, compromettant ainsi la volonté de nombreuses familles africaines de propulser leurs enfants vers des études supérieures. Par ailleurs, nous nous sommes intéressés lors de nos entretiens au fonctionnement des familles, d’après la combinaison de plusieurs facteurs concernant la scolarité de leur(s) 102 enfants. Nous avons cherché à comprendre notamment le rapport que la famille entretient avec l’écrit (livres, journaux, des pratiques telles que la tenue d’agenda, préparation des listes à commissions, etc.), la morale familiale (règles de bonnes conduites, contrôle exercé sur les enfants, etc.), et surtout le rapport de la famille à l’école, en considérant que ces facteurs pouvaient influencer le rapport que leur(s) enfant(s) aurai(en)t avec l’école et donc ses / leurs résultats scolaires. Il y a des différences importantes au sein des familles africaines. Le rapport à l’écrit est quasi inexistant. Nous avons même pu constater l’absence d’une culture d’apprentissage ou culture scolaire pour reprendre les termes de P. Perrenoud (2005)1 chez plusieurs parents. Dans beaucoup de ménages africains, les femmes accusent un très faible niveau de scolarité voire une carence totale d’instruction par rapport aux hommes. Or, connaissant le rôle combien important de la femme en matière d’éducation des enfants, on peut bien s’interroger sur la qualité de leurs pratiques éducatives ainsi que les retombées éventuelles de celles-ci sur le développement cognitif de leurs enfants. Laosa (1982)2 affirme que les valeurs socioéducatives, incluant les attitudes et pratiques éducatives maternelles, constituent les variables qui exercent une influence prépondérante sur le développement des enfants d’âge préscolaire. De leur côté Hess et Shipman (1968)3 ont également prouvé que les pratiques éducatives des mères étaient beaucoup plus influentes que leur classe sociale sur le développement cognitif de leurs enfants. Ainsi, nous pouvons dire qu’il y a un rapport entre l’échec scolaire d’un certain nombre d’élèves africains et le niveau d’instruction de leurs parents notamment de leurs mères. Monsieur Ma, d’origine africaine francophone subsaharienne, a été appelé comme interprète dans une école primaire se trouvant à proximité d’un quartier où habitent de nombreuses familles de demandeurs d’asile et qui accueille plus d’une dizaine d’enfants noirs africains. Monsieur Ma. joue également le rôle de médiateur entre les familles africaines et l’école. A cet égard, il a fait le constat ci- après : ___________________________ 1 D’après P. Perrenoud, il existe des inégalités de développement intellectuel qui rendent fort inégal l’accès à tout apprentissage, quel qu’en soit le contenu [...]. La culture scolaire est très proche de la culture familiale de certains élèves, « ceux qui sont issus des classes moyennes et supérieures ». Elle est au contraire très éloignée de la « culture des classes populaires ». L’auteur pense qu’on peut difficilement l’éviter ; quel que soit le curriculum de l’éducation de base, il sera toujours familier aux parents instruits qu’aux autres, du simple fait de leur longue scolarisation. Dans cette optique, Plaisance (1974, p. 68, cité par Best, 1997) déclare « L’école, dans son rôle social, reçoit tous les enfants, quelle que soit leur condition sociale, leur origine ethnique, nationale, linguistique, religieuse, quel que soit le niveau économique de leurs familles. Cependant dans son fonctionnement actuel, l’école propose des normes dont s’accommodent fort bien les enfants des milieux sociaux aisés et qui mettent en difficulté les enfants qui par leur appartenance sociale ne participent pas d’emblée aux préoccupations, aux exigences, au langage scolaires. » 2 Laosa cité dans B. Terrisse at al. «L’évaluation des facteurs de risque et de protection chez les enfants de maternelle et du premier cycle de l’enseignement primaire : L’échelle des compétences éducatives parentales ». Revue internationale de l’éducation familiale. Recherche et interventions, 4(2), 103-127. Québec, 2000, p. 16 3 Cité par B. Terrisse, ibidem, p. 16 103 Ma : « […] ce travail m’a permis d’observer pendant un certain temps le comportement de ces mères africaines […] la plupart de ces femmes ne savent pas exactement à quelle heure leurs enfants vont à l’école… j’ai vu des enfants mal habillés en classe, ils m’ont expliqué que c’est eux-mêmes qui se cherchent les habits le matin avant d’aller à l’école puisque leurs mamans dorment encore […] des mamans qui passent leur temps à regarder des cassettesvidéo de musique ou de théâtre de leur pays d’origine et qu’elles échangent très souvent entre elles […] quand l’enfant revient de l’école, la maman ne cherche même pas à lui demander ce qu’il a fait à l’école, elle lui donne juste à manger et continue à regarder la télé ou s’en va papoter avec ses amies […] parfois l’enfant n’a même pas l’occasion de regarder la télé pour y découvrir certaines choses dont il a entendu parler à l’école […] une autre passion de ces femmes c’est d’aller entre guillemets à l’église, sorte de groupe de prière africain où elles passent des heures entières à chanter et à danser et à écouter d’étranges histoires que leur racontent leur chef spirituel, elles y emmènent également leurs enfants, de force bien sûr, […] l’école a du mal à communiquer avec ces parents […] c’est pourquoi ils ont cherché un médiateur ». De leur côté, les jeunes africains sont en fait des élèves motivés. En parallèle ou en amont, leurs attitudes rejoignent celles de leurs parents. La plupart espèrent atteindre le niveau universitaire, quel que soit leur contexte économique et social, comme nous pouvons le voir dans les propos des jeunes interviewés lors de notre enquête. Elève (garçon) Ce. : « […] l’école c’est très important pour moi, ici en Allemagne c’est le diplôme qui compte, sans diplôme, sans certificat c’est le ramassage des poubelles qui t’attend […] et moi je n’aimerais pas faire ce genre de travail […] si j’ai mon diplôme, je pourrai créer ma propre entreprise, comme ça je ne dépends de personne » Elève (fille) Ja. : « [...] non, mes parents n’ont pas fait l’université, mais cela ne m’empêche pas d’étudier, ma mère me dit souvent : pour te faire respecter, tu dois étudier et avoir un métier valorisant […] bon […] par métier valorisant j’entends un métier bien quoi, moi personnellement j’aimerais étudier l’économie, ça me permettra de travailler dans des grandes entreprises, même dans une banque ». Elève (garçon) Tr. : « on ne doit pas se faire d’illusions […] c’est pas facile pour les africains de faire des études ici en Allemagne […] déjà pour y arriver c’est tout un problème […] ils ne te laissent pas faire le bac […] j’aimerais devenir architecte […] mais ils m’ont envoyé à la Hauptschule […] si j’obtiens le certificat de la 10e B, je pourrai faire le Fachabitur (bac technique), cela me permettra de faire des études supérieures, sinon […] je ne sais pas » Le préambule du rapport de l’OCDE (2006)1 affirme que les élèves migrants sont des apprenants motivés et ont une attitude positive envers l’école. Leurs espoirs d’un cursus universitaire sont plus forts que chez les élèves autochtones. Les auteurs de l’étude OCDE, tout en mentionnant un risque de désillusion ultérieure, préfèrent y voir un signe supplémentaire de motivation et d’une attitude positive par rapport aux apprentissages. Toutefois, souligne le rapport, les performances des élèves migrants sont souvent moindres que leurs pairs autochtones dans des domaines clés tels que les mathématiques, la lecture, les sciences mais aussi sur des compétences générales de résolution de problèmes. Ce qui les mettrait en difficultés sur le marché de l’emploi. ___________________ 1 cité par A. Feyfant, op cit. p. 10 104 D’autres parents africains sont méfiants vis à vis des enseignants et de l’école. Surtout ceux n’ayant pas un grand niveau d’instruction. Ils ont une certaine appréhension de l’école et pensent que si leurs enfants ne réussissent pas c’est parce qu’ils sont discriminés à cause de leur couleur de peau, comme on peut le voir dans les propos de cette mère de famille, madame Pe. Pe : « […] nous on aime pas entrer en contact avec ces enseignants, ils ne nous aiment pas, ils n’aiment pas nos enfants, c’est des racistes […] les allemands pensent que nous sommes bêtes, d’ailleurs l’année prochaine, mes deux enfants iront à l’école belge […] à l’école belge c’est bien, ils encadrent bien les enfants et puis les enseignants sont gentils […] » III.2.3 Quelle est la situation de l’école allemande ? Nous avons fait mention dans notre recherche de l’accusation majeure formulée à l’égard du système scolaire allemand, à savoir son manque d’intérêt pour les populations d’origine étrangère. En est-il justement le cas ? Quelle la situation de l’école en Rhénanie du NordWestphalie ? Comment articuler les attitudes et représentations des enseignants avec les demandes sociales portées par les élèves migrants francophones noirs africains et leurs parents dans l’espace scolaire? A la différence de ce qui se passe en France ou bien encore aux USA par exemple, l’école est, en Allemagne, pour l’essentiel une école publique, une école d’Etat (H. Avenarius, 2001). Les Allemands ont développé leur système éducatif afin qu’il soit le plus équitable possible. Il n’y a pas d’écoles élitistes comme les Grandes Ecoles françaises ou les College britanniques (bien que des tentatives de créer des écoles de ce genre aient été faites). En Allemagne, quelles que soient ses origines ethnique, nationale, linguistique, religieuse, quel que soit son genre, quel que soit le niveau économique de sa famille, stipule la loi scolaire1, tout enfant a le droit d’accéder à l’éducation, dans des conditions égales. On serait tenté de croire que peu d’attention est portée sur les migrants africains en Allemagne, et pourtant l’institution scolaire allemande peine à comprendre comment les élèves africains et leurs parents construisent leur identité, leur appartenance et donnent du sens à leurs expériences éducationnelles. L’implication de la famille dans le processus d’intégration scolaire fait aussi partie des préoccupations du gouvernement et de l’Etat fédéral allemand qui considère que la famille peut, suivant les circonstances, accélérer ou freiner le processus d’intégration. L’analyse de contenu montre que le système scolaire en Rhénanie Westphalie offre une plus grande marge de manœuvre pour la mise en place de nouvelles idées. Il y a une plus grande ouverture des écoles depuis la mise en place de nouvelles politiques éducatives. En tenant compte des circonstances de notre recherche, nous avons rencontré quatre chefs d’établissements et cinq enseignants du secondaire ; au niveau de l’enseignement primaire, nous nous sommes entretenus avec deux directrices et trois professeurs d’écoles. Le choix de nos interlocuteurs s’est fait en fonction de la présence des élèves d’origine africaine au sein de leurs établissements. _____________________ 1 Schulgesetz NRW GV. NRW. S. 863, Erster Teil, §1, 1 105 Lors de nos entretiens, nous avons mis l’accent sur la présence des élèves africains dans l’établissement, les structures d’accueil, la connaissance de la population noire africaine, la formation culturelle des enseignants, les relations avec les élèves, les relations avec les parents, les performances des élèves ainsi que sur les dispositifs de soutien ou de prise en compte des besoins. A cet égard, nous retiendrons les propos recueillis auprès des trois chefs d’établissements, en l’occurrence le Recteur du Gymnasium, le Directeur de la Hauptschule et la Directrice d’une Grundschule. Recteur du Gymnasium : « il y a très peu d’élèves d’origine étrangère dans notre établissement […] nous avions deux élèves de couleurs, je veux dire deux élèves noirs africains l’année dernière dans notre école, une fille et un garçon, ils étaient en sixième année, vous savez chez nous les classes de 5e et 6e constituent une phase spéciale d’aide, d’observation et d’orientation […] le garçon a eu à la fin de la 6e année des résultats ne lui permettant pas de continuer en Gymnasium, il a été orienté vers la Realschule, la fille est en 7e maintenant, ces résultats sont bons […] bien sûr, les parents ont été mis au courant, déjà l’élève s’était révélé faible en 5e, il aurait dû quitter cette filière à la fin de la 5e […] mais sur insistance de ses parents, nous lui avons accordé une chance, malheureusement il ne s’est pas beaucoup amélioré et on ne pouvait pas le laisser comme ça passer en 7e […] non l’école n’interdit l’accès à personne, tout dépend de l’élève et de ses capacités […] bien sûr, nous avons des plages de soutien dans les horaires d’école habituels et non hors du temps de cours de la classe […] sur le plan social, nous n’avons rien constaté d’anormal, ce sont des élèves polis, bien éduqués apparemment » Les caractéristiques des écoles allemandes expliquent non seulement une part considérable de différences des compétences parmi les élèves, mais elles déterminent également la qualité des rapports entre l’école et les parents. Par exemple les parents des élèves fréquentant le Gymnasium non pas les mêmes considérations de l’école que les parents dont les enfants se trouvent à la Hauptschule. Directeur de la Hauptschule : « […] 75 % des nos élèves ont une origine migratoire, nous avons 17 élèves africains dans notre établissement […] la multiculturalité n’est pas le terme qu’il faut pour décrire cette hétérogénéité, c’est plutôt l’interculturalité, car il y a l’influence des cultures les unes sur les autres, aussi des conflits culturels, mais nous arrivons à bien gérer la situation grâce aux compétences professionnelles et culturelles de nos enseignants […] 20 % de nos enseignants ont une origine étrangère, […] oui je connais la culture africaine, j’ai été au Congo ex-Zaire et au Kenya […] oui la plupart de nos élèves ont d’énormes difficultés en allemand, surtout à l’écrit […] notre école est une école à temps plein, les élèves bénéficient d’un soutien renforcé en langue pendant les heures habituelles et hors du temps de cours normaux, notre approche d’enseignement de soutien permet aux enseignants d’utiliser la langue maternelle des élèves pour leur expliquer des notions qu’ils ne comprennent pas bien en allemand, c’est le cas par exemple des élèves turcs, russes, polonais et autres, nous avons également un professeur d’origine congolaise, le docteur W.K. qui enseigne la chimie, les élèves africains qui ont des problèmes viennent le voir et il leur explique des choses en français […] les parents africains se plaignent beaucoup, ils sont inquiets sur l’avenir de leurs enfants, ils pensent que la Hauptschule est une école qui ne permet pas à leurs enfants de faire des études supérieures, ce qui n’est pas vrai, tout dépend des capacités de l’enfant, si les résultats de l’enfant à l’issue de la 10e classe sont excellents, il sera automatiquement orienté vers une filière lui permettant de passer le bac et d’entreprendre des études supérieures […] tout dépend de l’élève […] le seul problème que nous avons dans cette école, c’est le problème de discipline, vous comprenez, nous avons à gérer plusieurs cultures en présence, c’est pas facile ». 106 Directrice de la Grundschule : « nous avons 12 classes au total, chaque classe compte environ 25 élèves […] nous avons vingt enfants africains dans cette école, sept […] attendez […] sept enfant sont en 1ère année, cinq sont en 2ème , cinq en 3ème et trois enfants sont en dernière classe, presque tous ces enfants accusent d’énormes difficultés en allemand et ils ont du mal à comprendre les choses […] nous faisons de notre mieux pour les aider […] notre école est en train d’expérimenter l’approche intégrative, c’est à dire, les élèves de différents niveaux sont répartis en plusieurs groupes, chaque groupe reçoit l’enseignement prévu à son programme, essentiellement en allemand et en maths, les matières telles que religion, sport et natation ne figurent pas au programme […] nous essayons par cette approche de mettre tous les enfants à niveau, sans distinction […] mais […] nous avons beaucoup de problèmes avec les élèves africains, leur rendement n’est pas très satisfaisant, surtout pour les élèves se trouvant en 4ème année, il va se poser un problème d’orientation à la fin de l’année […] là aussi c’est un problème, nous aurions bien besoin de la collaboration de parents, notre programme offre la possibilité aux parents d’assister ou même de donner un coup de mains aux activités didactiques de soutien organisées l’après-midi par l’école, en-dehors des heures normales de classe, mais manifestement ces parents ne cherchent pas à connaître la situation scolaire de leurs enfants, la plupart ne répondent jamais à nos invitations […] on comprend bien qu’ils ont des problèmes de langue, mais ils devraient tout de même faire un effort pour se rapprocher de l’environnement scolaire de leurs enfants ». Au regard de ces différents propos, on peut soutenir qu’il y a une certaine volonté de la part de l’école allemande à favoriser l’intégration scolaire des enfants et jeunes élèves migrants africains. Toutefois, le discours des enseignants lors des entretiens tendent à justifier le manque d’intérêt des parents d’élèves africains vis-à-vis de l’école. A l’analyse, les arguments des enseignants sont catégoriquement rejetés par les parents qui, on va le voir, ont une autre lecture de la relation parents-école. Ils parlent de manque de confiance de l’école à l’endroit des parents et d’une remise en question de leurs compétences éducatives. Cela nous semble être lié à la problématique de la langue qui, d’une certaine manière, constitue un obstacle à l’esprit d’échange entre l’école et les parents. III.2.4 Rôle des parents dans la réussite scolaire Au vu des recherches analysées, l’implication des parents à l’éducation a un effet significatif sur le comportement et la réussite des enfants. « L’idée que l’implication des familles est nécessaire pour que les enfants réussissent à l’école paraît aller de soi aujourd’hui. Elle n’aurait pas été admise dans les années 30 où, quelles que soient les difficultés de l’enfant, le rôle de l’école était d’apporter les connaissances de base à tous les enfants de la République » (Durning, 2006). Ainsi que le rappelle Paul Durning, la contribution des parents à la part scolaire de l’éducation fait désormais partie des idées consensuelles. Ceci dit, l’engagement des parents est fortement corrélé à l’origine sociale des parents. En clair, la participation croît avec la position sociale. Parmi les signes d’engagement ou d’implication des parents, on peut, à titre d’exemples, citer : - Un suivi efficace à la maison des enfants en âge préscolaire, en termes de sécurité, de stimulation intellectuelle et de prise de confiance en soi - L’entretien d’un modèle familial d’aspirations à l’éducation et de valeurs citoyennes (visites de musées, fréquentation de bibliothèques, théâtre, etc.) - Des rendez-vous avec les enseignants pour comprendre les règles de l’école ainsi que les procédures, les programmes, les devoirs et les évaluations 107 - Des participations aux manifestations de l’école Des coups de mains à l’école et aides diverses (encadrement de sorties, surveillance à l’étude, etc.) La participation au management et à la gestion de l’école. D’après les dires de certains chefs d’établissements et des enseignants, les parents d’élèves migrants africains se doivent d’exprimer leur capacité à s’intégrer et se montrer responsables vis-à-vis de leurs enfants et de leur réussite scolaire en apprenant eux-mêmes la langue. Cet argument a été contesté à plusieurs reprises au cours de notre enquête. Beaucoup de parents africains semblent bien motivés, mais se plaignent de l’indifférence de l’école, comme en témoigne les propos du couple KA. : Monsieur KA. : « Je ne suis pas de cet avis […] nous les parents nous sommes bien motivés, mais nous sommes limités dans notre marge de manœuvre, c’est du côté de l’école qu’il faut aller voir, les parents ne sont pas nécessairement obligés de connaître l’allemand pour que leurs enfants réussissent à l’école […] quel est alors le rôle de l’école et des enseignants ? Nous les parents nous pouvons aider les enfants sur des choses que nous connaissons, le reste c’est du devoir de l’école, le rôle de l’école c’est d’apporter les connaissances de base à tous les enfants, quelles que soient leurs difficultés, en plus l’école devrait quand même s’intéresser aux parents des élèves […]» Madame KA. : « […] oui, les connaissances de langue sont peut-être nécessaires quand les enfants sont petits, mais elles ne suffisent pas pour aider les enfants quand ils vont à l’école secondaire […] nous on a appris les choses en français, mais eux, ils font ça d’une autre manière en allemand, et puis le système allemand est compliqué, on ne sait même pas comment ça fonctionne[…] ». Nous avons également recueilli les propos de So., une des rares élèves francophones noirs africains se trouvant en dernière année du Gymnasium. Elle affirme que c’est une chance qu’elle soit là où elle est aujourd’hui, mais déplore cependant l’indifférence de l’école à l’égard des parents africains ; elle déplore également la passivité des parents africains qui ne font pas d’efforts pour aller au contact de l’école. So : « […] effectivement, j’ai pu bénéficier d’un grand soutien de la part des enseignants et je considère cette expérience positive comme le fait du hasard […] comme une chance quoi, beaucoup de parents africains ne cherchent pas de contact avec les enseignants, disons avec l’école, simplement parce qu’ils ne comprennent pas comment fonctionne le système scolaire, je regrette qu’il n’y ait pas d’institution ou un service approprié pour informer les parents sur cette question […] les quelques parents qui ont quand même compris comment fonctionne le système scolaire sont souvent découragés par l’attitude des enseignants qui sous-estiment leur niveau de compétence comme ils sous-estiment celui des enfants, d’ailleurs ils ne prennent pas en considération l’opinion des parents, c’est pourquoi les parents aussi sont découragés et ne cherchent plus de contact […] il faut que ça change » Madame Prof. Ap., d’origine africaine est docteur en sciences sociales, elle est chargée de cours à l’université d’Essen et a la même lecture de la situation que So., quant à l’attitude des enseignants allemands vis-à-vis des parents africains. Elle nous raconte sa propre expérience. Prof. Ap. : « […] beaucoup d’enseignants allemands ont tendance à sous-estimer les compétences des parents africains et de leurs enfants, je ne trouve pas ça bien […] mon fils était âgé de 6 ans quand je l’ai inscrit à la Grundschule, mais l’institutrice exigea que mon 108 enfant soit envoyé en classe préparatoire qu’on appelle Vorschuleklasse, elle a prétendu que mon fils, comme la plupart des enfants africains, n’avait pas le niveau requis pour être inscrit dans cette école primaire […] j’étais très étonnée et je me suis alors opposée énergiquement à cette décision […] ayant pris connaissance de mon niveau d’études, l’institutrice est revenue très vite sur sa décision et l’affaire était close[…] ce genre de comportement est préjudiciable à l’avenir social de nos enfants […] » Comme on peut bien le voir, l’enfant est le principal bénéficiaire du climat de confiance entre l’école et la famille. Même si la réussite scolaire n’est pas toujours garantie au final, la coopération parents-enseignants permet pour le moins plus de prévention et un meilleur équilibre pour l’enfant. Beaucoup de parents africains aimeraient bien aller au contact de l’école, mais le faible niveau de connaissances en allemand les empêche d’avoir une communication régulière avec les enseignants. Aussi l’attitude de certains enseignants vis-àvis des parents crée un sentiment de frustration et de découragement chez ces derniers. Ils se replient sur eux-mêmes et, leurs enfants se retrouvent ainsi abandonnés à la décision, parfois abusive, des enseignants, quant à leurs performances et à leur orientation scolaire. Selon Perier (2005), les familles ne partagent pas le même langage normé de relations et gardent une distance incomprise par les enseignants. Cette distanciation s’explique par diverses attitudes allant d’une totale confiance en l’école à une attitude de retrait défensif ou de repli identitaire en passant par une attitude critique. Dans cette optique, on accepterait alors l’idée de « l’inégalité des chances de réussite selon les origines sociales et culturelles » ( A. Girard, 1967, cité par Best, 1997) et on en viendrait à parler de handicap socioculturel ; le milieux populaires seraient « handicapés » par manque de culture, et, ce handicap se transmettant à leurs enfants, l’échec scolaire deviendrait irrémédiable. Les recherches analysées dont celle de Perier (2005) font apparaître quatre types de parents : 1. Les indifférents, qui jugent que les affaires scolaires de leurs enfants relèvent de la responsabilité de l’école et qu’ils n’ont pas à s’y impliquer ou ne le peuvent pas puisque n’en ayant pas les compétences ni le loisir. 2. Les parents motivés mais impuissants, qui se contentent de répéter superficiellement les conseils de l’enseignant auprès des enfants sans aller vraiment au-delà, le monde scolaire leur restant le plus souvent trop étranger (catégorie souvent constituée de parents d’origine rurale ou ayant fait peu d’études). 3. Les familles qui « ne savent pas comment faire ». elles essayent plusieurs fois de mettre en application les conseils des enseignants et répètent leurs efforts, mais reconnaissent manquer de guides et d’étapes pratiques pour traduire l’invite générale. 4. Les parents « familier de l’éducation », souvent de niveau socioculturel élevé, qui ajustent les conseils en actions pratiques adaptées à leur situation, mais n’hésitent pas non plus à « tirer » dans les suggestions voire à se révéler assez critiques quant aux diagnostics ou aux injonctions prononcées par les enseignants. Pour sa part Agnès van Zanten (2001) pense que « si l’absence des parents est le plus souvent interprétée par les enseignants comme un signe de désintérêt à l’égard de la scolarité des enfants et, par conséquent, à l’égard aussi de leur propre travail, elle est aussi parfois perçue comme un signe de confiance notamment quand elle est le fait de familles d’origine étrangère, handicapées par leur non-maîtrise de la langue […] mais assumant correctement leurs responsabilités parentales et faisant preuve d’une bonne volonté vis-à-vis de l’école ». 109 Néanmoins, comme le dit A. van Zantem (op. cit. p. 167), les enseignants sont conscients que les conflits avec les parents se nouent dans la pratique essentiellement autour de situations d’échec. Dans l’impossibilité de départager clairement les responsabilités de la maison et de l’école, les individus en face à face dans l’interaction, qu’il s’agisse des enseignants ou des parents, ont tendance à se sentir accusés ou à culpabiliser autour des difficultés scolaires grave des enfants. D’une manière générale, la participation des familles à l’éducation scolaire, comme on peut le constater, ne va pas de soi. Pour qu’il y ait implication des parents dans les apprentissages, il est nécessaire qu’il y ait motivation. Dans leur étude sur la motivation des parents à participer au suivi scolaire de leur enfant, Deslandes et Bertrand (2004) avancent : « Les parents décident de participer au suivi scolaire de leur enfant s’ils ont le sentiment d’avoir cette compétence ». En d’autres termes, la participation parentale ne peut se faire que s’il y a invitation à participer de la part des enseignants, puis compréhension du rôle parental. Il apparaît clairement que l’équipe éducative a un rôle moteur dans tout processus coopératif avec les parents. Elle se doit d’initier cette coopération, de s’investir au-delà du temps normalement dû et surtout de jouer un rôle social vis-à-vis des familles en retrait. Si, de notre point de vue, l’objectif consiste à influencer directement les résultats scolaires et les apprentissages, l’école et les enseignants devraient intervenir en priorité sur les sentiments de compétence parentale. Les parents sont motivés à participer s’ils croient que leurs interventions feront une différence quant à la réussite et aux apprentissages de l’enfant. Ce qui suppose aussi qu’on leur explique les programmes et les démarches d’apprentissage, parfois très différentes de celles qu’ils ont connues comme élèves. En outre, les enseignants ne doivent pas seulement donner de l’information, mais penser à des activités qui permettront aux parents d’échanger avec les enseignants et avec d’autres parents, et de vivre des expériences positives. En d’autres termes, ils devront « éduquer » les parents, c'est-à-dire les aider à mieux actualiser leur potentiel, à développer leurs compétences éducatives, notamment leurs attitudes et leurs pratiques, à structurer l’environnement éducatif familial, donc à contribuer à améliorer leur sentiment de compétence et l’exercice de leurs responsabilités éducatives. La notion de compétence évoquée ici n’a rien à voir avec l’image d’incapacité qu’on pourrait être tenté de projeter sur les parents. Plusieurs auteurs dont P. Perrenoud (2005) parlent de compétence comme étant la capacité d’action efficace face à une famille de situations, qu’on arrive à maîtriser parce qu’on dispose à la fois des connaissances nécessaires et de la capacité de les mobiliser à bon escient, en temps opportun, pour identifier et résoudre de vrais problèmes. Cependant, on considère qu’il y a toujours des connaissances « sous » une compétence, mais elles ne suffisent pas. Une compétence est quelque chose que l’on sait faire. Mais ce n’est pas un simple savoir-faire, un « savoir-y-faire », une habileté. C’est une capacité stratégique, indispensable dans les situations complexes. La compétence ne se réduit jamais à des connaissances procédurales codifiées et apprises comme des règles, même si elle s’en sert lorsque c’est pertinent. Juger de la pertinence de la règle fait partie de la compétence. Dans cette optique, on serait tenté d’identifier un certain nombre de compétences dont les parents doivent faire preuve dans le cadre de leurs interactions avec leurs enfants, à savoir les 110 habiletés de communication verbale et non-verbale, la capacité d’empathie, la capacité d’écoute, les habilités de résolution de problème, savoir mettre de limites, encourager, gérer le conflit, amener à l’autonomie, montrer ses sentiments etc. A cet égard, la démarche d’éducation parentale vise à stimuler les compétences éducatives des parents, à les amener à prendre conscience qu’il existe des pratiques éducatives plus ou moins favorables au développement des leurs enfants. Abordant la question de compétence parentale, J.-M. Miron (2004) pense qu’il y a une sorte de « maltraitance » des institutions et de la société envers les familles en ce sens que celles-ci vont juger incompétents des parents sans prendre en compte les conflits d’intérêts ou de valeurs entre le mieux être des enfants et les enjeux politiques ou économiques. D’autre part, au-delà de jugements de valeurs souvent abrupts, les enseignants peuvent usurper cette compétence en décidant, au nom de l’école, d’un projet pour l’élève. Le problème est aigu dans le cas des familles issues de l’immigration, en l’occurrence les familles d’immigrants francophones africains subsahariens qui connaissent mal le système éducatif du pays d’accueil. Des études et enquêtes montrent que tous les parents, quelles que soient leurs origines ethniques ou socioculturelles, souhaitent que leurs enfants réussissent et accordent de la valeur à l’éducation. Par contre, les parents sont très peu informés quant au fonctionnement de l’école et aux parcours scolaires de leurs enfants, l’information aux parents est rarement traduite en langues étrangères et les parents perçoivent à travers leurs enfants une faible attente des enseignants à leur égard (Crozier, 2004). Certains parents africains reconnaissent cependant que la responsabilité de l’échec scolaire ne doit toujours pas être attribuée aux parents ni à l’école, la capacité de l’enfant est aussi mise en cause. A en croire les parents interviewés, il y a des jeunes africains qui affichent un certain manque d’intérêt pour l’école, ils ne s’investissent pas dans le travail scolaire, quels que soient les moyens mis à leur disposition. Ces « manques » sont attribués au patrimoine génétique ou au milieu socioculturel (P. Perrenoud, 2005). Ainsi, des sociologues ont montré la correspondance structurale entre, par exemple, réussite scolaire et origine sociale et culturelle. Les notions principales permettant d’interpréter cette corrélation furent celle de la reproduction sociale et de l’héritage culturel. Celles-ci concurrencent la théorie du « handicap socioculturel » apparue dans la foulée des travaux antérieurs normatifs. L’hypothèse a été testée selon laquelle l’influence de l’éducation familiale sur les performances scolaires ne serait non seulement pas indépendante du milieu socioculturel, mais qu’en outre les mêmes styles d’éducation familiale n’auraient pas les mêmes effets ou la même importance selon qu’ils caractérisent l’éducation familiale dans les milieux populaires ou non populaires (Tazouti, Flieller & Vrignaud, 2005). Il se pourrait que les performances scolaires des enfants de milieux populaires soient d’abord dépendantes de l’influence spécifique de l’école alors que celles des enfants de milieux favorisés seraient plus influencées par leur éducation familiale. III.2.5 Milieu socio-économique De nombreuses études dont celle de Doudin (1998) ont mis en relation la réussite scolaire de l’enfant et la couche sociale à laquelle appartient la famille ; plus le niveau socio-économique de la famille est bas, plus l’enfant aura de « risques » de rencontrer des difficultés à l’école. 111 Il est certain que toutes les familles africaines qui nous intéressent ne rencontrent pas les mêmes problèmes, ni avec la même intensité, là où elles se trouvent. Les contextes socioéconomiques sont également très divers et dépendent en grande partie de la situation professionnelle des parents qui elle est largement tributaire du marché de l’emploi dans les régions où les familles sont implantées. Au vu de ce que l’on connaît des populations migrantes, l’emprise du conditionnement social semble dominer le processus d’intégration scolaire. Ainsi on constate que l’origine migratoire et la catégorie socio-économique correllent ensemble avec le taux d’échec scolaire. La plupart des familles migrantes africaines affichent un niveau socio-économique relativement « bas ». D’après notre enquête, beaucoup de pères d’élèves exercent un métier ne correspondant en général pas à leur niveau d’études ou de qualification. Comme nous l’avons dit plus haut (Chap. 3.3), la plupart des parents africains acceptent, faute de mieux, des emplois subalternes, pour « vivre dignement ». Deux mères d’élèves sur trois sont sans emploi, ménagères ou actives inoccupées. Interrogés sur leur niveau de vie, beaucoup de parents affirment qu’ils sont relativement satisfaits de leurs conditions de vie, du point de vue social (logement, santé, transport, etc.), mais se plaignent, par contre, du manque des moyens financiers pour pouvoir répondre aux besoins grandissants de leurs enfants, comme en témoigne les propos de cette mère de famille, madame CH.. CH : «bon […] dire qu’on est satisfait […] oui, au niveau du logement on peut dire, nous n’avons pas de problème […] nous habitons un appartement dans un immeuble moderne, notre petit garçon a sa propre chambre, nos deux filles partagent une grande chambre, tout va bien […] nous sommes la seule famille noire dans cet immeuble, les autres c’est des allemands de souche, il y a aussi une famille russe […] mon mari travaille, mais il ne gagne pas beaucoup, nos enfants veulent avoir certaines choses, mais nos moyens sont limités, d’ailleurs nous recevons une allocation sociale pour le loyer, sans cela on ne s’en sortirait pas […] ». Contrairement à d’autres groupes de migrants qui ont tendance à vivre en « concentration communautaire », les migrants africains vivent de manière très dispersée. On ne rencontre pas de grosses concentrations locales de noirs africains en Allemagne. Ce qui évite les effets supposés négatifs de la concentration sociogéographique des étrangers sur les processus d’intégration souvent évoqués par la presse, les décideurs et les intervenants sociaux. Ce que l’on entend par « concentration communautaire » désigne la tendance des migrants d’une même origine à constituer un groupe, certes parfois minoritaire mais néanmoins important ou surreprésenté en un lieu et en tout cas porteur d’une vie culturelle spécifique, intense, coïncidant, le cas échéant, avec des phénomènes de ségrégation. La constitution, d’espaces culturellement marqués par les migrants découle de la rencontre de deux autres facteurs structurels : la place particulière et désavantagée des familles immigrées sur le marché du logement et le départ progressif d’un grand nombre d’habitants de souche vers la périphérie des villes (A.Manço, 2006). Il paraît que les jeunes d’origine étrangère installés dans des contextes communautaires « concentrés » vivent une scolarité moins réussie que d’autres, habitant des espaces peu marqués par une présence étrangère homogène. D’un point de vue évaluatif, il apparaît que les jeunes ayant bénéficiés de tel ou tel type d’éducation familiale ne développent pas les mêmes compétences sociales. Quelle que soit l’origine socioculturelle de la famille, un style éducatif « cohésif » semble permettre aux jeunes de développer un certain nombre de compétences et de stratégies afin de jouir d’un 112 degré d’intégration psychologique et sociale satisfaisant. Cette conception de l’éducation familiale réserve aux parents un rôle de supervision et de mobilisation ; elle favorise le dialogue parents-enfants et l’ouverture sur le monde. Pareille conception privilégie une discipline familiale claire et souple, aux exceptions motivées. Enfin, il nous faut préciser que tous les élèves migrants noirs africains ne connaissent pas nécessairement l’échec scolaire, quel que soit le milieu social auquel ils appartiennent. Nous avons recueilli le témoignage d’un père (monsieur MK.) qui nous raconte le cas de son fils aujourd’hui âgé de 23 ans. MK : « Je suis arrivé comme réfugié politique ici en Allemagne […] ma famille m’a rejoint plus tard […] quand mon fils est arrivé ici, il avait douze ans, il ne parlait pas un seul mot d’allemand, comme nous n’avions pas encore un titre de séjour définitif, nous étions logés dans un centre d’hébergement provisoire où nous partagions à cinq deux chambres minuscules, nous avons passé six ans dans ce centre […] je n’avais pas le droit de travailler, mais mes enfants avaient bien le droit et même l’obligation d’aller à l’école […] mon fils fut inscrit à la Hauptschule, dans une classe inférieure à cause de la langue […] je vous dis franchement nous n’avions pas une vie facile, j’avais peur que nos conditions de vie n’influencent négativement la scolarité de mes enfants […] mais mon fils a réussi contre toute attente à passer son bac et à faire les études d’architecture […] ». Un autre parent, monsieur DM, universitaire, nous a fait part du parcours scolaire de sa fille et s’insurge en même temps contre les autres parents africains qui semblent désespérés et renoncent à se « battre » pour l’avenir de leurs enfants. DM : « […] je n’arrive pas à comprendre certains parents […] au lieu de se plaindre comme ils le font tout le temps sur l’école allemande, ils feraient mieux de se battre pour l’avenir de leurs enfants […] le plus important à mon avis c’est d’aider l’enfant, l’encourager à réussir […] ma fille a été orientée après la Grundschule (école primaire) vers la Sonderschule (école pour enfants en difficultés) […] ce n’était pas facile, mais nous avions accepté la situation, sans toutefois nous décourager […] aujourd’hui ma fille fait des études de médecine à l’université de Mayence près de Francfort […] » III.2.6 Stratégies des parents D’après « Le nouveau Petit Robert »1, le terme stratégie signifie « ensemble d’actions coordonnées, de manœuvres en vue d’une victoire ». La stratégie appliquée à l’éducation familiale serait l’ensemble des méthodes, des modèles de référence, des rôles, des attitudes, des techniques, des relations mises en œuvre pour atteindre l’objectif de socialisation et d’autonomie des enfants. D’une manière générale, les stratégies éducatives sont étroitement liées aux styles éducatifs et au milieu socioculturel. Pour beaucoup de familles, éduquer un enfant c’est lui transmettre des valeurs, c’est constituer un capital qu’il convient de faire fructifier. Les enfants sont donc assignés à prolonger, à reproduire le modèle familial voire à réussir l’ascension sociale de la famille. Ainsi, l’investissement de l’enfant par son milieu immédiat n’est pas qu’un processus affectif, il s’agit aussi d’un projet socio-économique, porteur des aspirations du milieu familial et culturel. ___________ 1 « Le Nouveau Petit Robert de la langue française, 2009 » 113 En effet, le projet parental véhicule les valeurs, les normes, les habitus de la classe d’appartenance. Il tend ainsi à se traduire par la mise en place de stratégies de particularisation ou de normalisation sociales, ancrées dans les conditions de vie et les modèles de réussite propres à chaque groupe culturel. Le projet scolaire par exemple permet d’illustrer l’articulation complexe autour du rapport au savoir des intentions sociétales, parentales et individuelles. Selon notre enquête, le projet de scolarité des enfants fait souvent partie des stratégies d’ascension sociale pour beaucoup de familles africaines. C’est ainsi que ces familles développent des stratégies de réussite tous azimuts, quelle que soit leur classe sociale ou leur situation économique. Ce qui est caractéristique chez les migrants africains subsahariens, c’est leur capacité dans le dépassement des pressions socio-économiques déterministes par l’effet de l’action individuelle ou groupale. Il y a par exemple des familles qui déménagent pour être à proximité d’un environnement scolaire favorable à la réussite de leurs enfants. D’autres vont jusqu’à se priver de la satisfaction de certains besoins matériels pour pouvoir aider leur enfant à réussir. Un mécanisme spécifique de « solidarité communautaire » facilite la communication entre différents groupes ethniques et permet aux familles d’entrer en possession d’informations indispensables dans la construction de leurs stratégies d’ascension sociale. Interrogé sur ce sujet un père de famille nous dit : « […] nous avons déménagé de Dortmund pour Aachen puisque nous voulions habiter à proximité de la Belgique, pour permettre à nos enfants d’aller à l’école belge, surtout pour les tout petits, nous avons fait une mauvaise expérience avec notre fils aîné […] l’école allemande freine beaucoup le développement scolaire des enfants africains, nous on ne veut pas que nos enfants aient du retard ou qu’ils soient perturbés dans leur scolarité […] ici en Allemagne les enfants africains finissent très souvent dans des Berufsschule (écoles professionnelles), moi je veux que mes enfants aillent à l’université, ceux de mes amis qui ont leurs enfants à l’école belge ne se plaignent pas, les enfants évoluent bien là-bas […] ». Un autre parent nous dira : « […] nous, on nous a conseillé d’inscrire notre fille à Laurensberg, dans une Gesamtschule, il paraît que c’est une école bien, là-bas les enfants peuvent choisir le français comme deuxième langue […], notre fille vient de terminer l’école primaire, nous l’avons inscrite dans cette école […] j’espère qu’elle n’aura pas de problèmes […] ». Il est important de souligner que les cas de réussite scolaire « contre toute attente » des élèves africains montrent le rôle important joué dans cette réussite par des attitudes parentales. Ces rares cas de réussite sont ainsi expliqués par l’exploitation de niches socio-économiques spécifiques telles que l’insertion dans des réseaux de solidarité familiale, communautaire, associative, religieuse, etc.. A titre d’exemple, un père de famille dont la fille venait de décrocher son bac nous affirme « avoir vidé toutes ses économies » pour payer les services d’un professeur privé chargé d’encadrer sa fille : « j’avais compris que ma fille était douée […] comme ma femme et moi nous ne pouvions pas l’aider dans ses travaux à domicile, j’ai dû vider toutes mes économies pour payer un professeur privé qui nous a été recommandé par notre association et […] cela a bien marché et le résultat est là, ma fille a son bac […] mais je dois avouer que ce n’était pas facile, c’est une 114 chance , il y a beaucoup d’autres enfants africains qui n’y arrivent pas malgré l’investissement de leurs familles » D’un point de vue classique, la capacité à différer les satisfactions, l’endurance face à la frustration, l’importance accordée à l’éducation scolaire, la motivation pour le progrès, l’esprit d’entreprise, la valeur attribuée au travail, et la confiance en soi apparaissent comme étant les facteurs psychosociologiques susceptibles d’intervenir dans les possibilités de mobilité ascensionnelle. Ces familles africaines mettent notamment en œuvre un suivi intéressé de la scolarité de leurs enfants, même si elles ne peuvent pas toujours apporter un réel soutien scolaire. Elles sont également porteuses de projets de mobilité sociale. Enfin, on compte souvent dans l’entourage immédiat des enfants ayant réussi contre toute probabilité, des proches, notamment des « adultes de référence » ou « tuteurs de résilience » bénéficiant d’un niveau de qualification ou de stabilité professionnelle plus ample que de coutume dans le milieu considéré. D’après S. Petit (2005), certaines explications de la réussite scolaire et professionnelle font également référence au sens attribué par la famille au travail et au savoir (ressources symboliques, attitudes pragmatiques et motivation à la réussite, repositionnement par rapport au pays d’accueil). Par ailleurs, le flux d’investissement adulte-enfant qui vient d’être énoncé, rencontre un second mouvement dans le sens inverse enfant-adulte : c’est le cas de l’identification aux parents des jeunes issus de l’immigration. Ce double processus identificatoire s’inscrit en fait dans l’histoire familiale qui lui imprime une impulsion pouvant conditionner la trajectoire future du jeune. Toutefois, le projet parental est souvent traversé par de nombreuses contradictions, en ce sens que les parents peuvent développer des logiques opposés, les unes poussant à la normalisation, les autres à la particularisation. Leur projet est alors l’expression de craintes et de désirs contradictoires : crainte que l’enfant devienne comme eux, crainte qu’il soit quelqu’un d’autre. Cet investissement contradictoire impose à l’enfant une double contrainte : celle de réaliser le vœu des parents et celle d’échapper à l’image de l’enfant idéal. Cette situation est donc susceptible d’engendrer chez l’adolescent culpabilité et conflit identitaire. Ces sentiments peuvent, le cas échéant, occasionner des comportements spécifiques dans des contextes sociaux profondément marqués par la multiculturalité. La délinquance acquisitive, la toxicodépendance et le décrochage scolaire apparaissent de fait comme caractéristiques d’une jeunesse déliée de son milieu d’origine et à la recherche d’une assimilation rapide à la société d’accueil. 115 CONCLUSION L’une des questions fondamentales au départ de cette réflexion à savoir « le système éducatif allemand est-il un outil capable de produire de l’intégration sociale ou agit-il comme un vecteur d’exclusion socio-économique et culturelle ? » a conduit à l’hypothèse selon laquelle la politique éducative en Allemagne ne favorise pas la réussite scolaire des enfants d’origine étrangère. Notre objectif au départ de cette étude était de pénétrer, par une analyse systémique, au cœur du système éducatif allemand pour voir comment les jeunes migrants africains d’origine subsaharienne peuvent y être intégrer, dans la perspective d’accéder aux filières de réussite sociale et professionnelle. En Allemagne, l’organisation scolaire est avant tout l’affaire de Länder. Chaque land organise son système éducatif. C’est dans cette optique que nous avons pu analyser l’organisation scolaire en Rhénanie du Nord-Westphalie ainsi que les politiques en matière d’intégration scolaire des élèves d’origine migratoire. L’enquête montre que le système scolaire de la Rhénanie Westphalie offre des conditions favorables à l’intégration scolaire des élèves d’origine étrangère. En cette matière, la Rhénanie Westphalie semble jouer un rôle pionnier au niveau national. C’est le premier état fédéré à avoir réglé par voie législative le recensement du niveau linguistique de tous les enfants deux ans avant la scolarisation. Ce qui fait la particularité de ce land, c’est sa politique en matière d’aide aux élèves en difficultés. Le gouvernement du land a rendu obligatoire le soutien linguistique pour tous les enfants avant leur scolarisation et l’a développé du point de vue qualitatif (MGFFI, 2010). L’apprentissage précoce de la langue allemande est considéré comme la clé de réussite et d’intégration scolaire. Des programmes de promotion de la langue allemande avant l’âge de l’obligation scolaire sont prévus, au niveau de l’enseignement préélémentaire, pour les enfants des migrants nés ou arrivés en bas âge en Allemagne. Les dispositifs d’accueil la journée entière se développent continuellement dans les écoles, permettant les prestations d’aide aux élèves en difficulté dont les élèves originaires d’Afrique francophone subsaharienne. La Rhénanie du Nord-Westphalie applique des mesures de soutien visant, d’une part, à compenser les besoins linguistiques des élèves migrants et, d’autre part, à répondre à leurs besoins d’apprentissage dans certains domaines du programme du niveau d’enseignement où ils sont inscrits. Toutefois, l’enquête révèle les limites du système scolaire en Rhénanie Westphalie, notamment en ce qui concerne la détection des difficultés et l’application des mesures de soutien. Malgré l’émergence des dynamiques locales constatée spécifiquement au niveau des écoles, l’enquête révèle une certaine inadéquation entre les besoins réels des élèves africains et le soutien qui leur est offert. Comme nous avons pu le voir lors de nos observations, il y a bien une insuffisance de la capacité à écrire en allemand chez beaucoup d’élèves africains, mais le dispositif d’aide mis en place n’est pas susceptible de constituer une véritable remédiation. Conformément à l’hypothèse centrale, il apparaît clairement que des choix organisationnels inappropriés aux niveaux des écoles ne favorisent pas l’évolution des élèves africains. Nous pensons que les résultats obtenus correspondent pour ainsi dire, aux termes de l’hypothèse émise au départ de cette étude. Cependant, l’analyse a permis de dégager un constat à même de nuancer notre postulat de départ ; le système scolaire allemand offre, d’une manière générale, des conditions favorables à l’intégration des élèves d’origine étrangère. La problématique de l’intégration scolaire des enfants et jeunes migrants francophones noirs africains doit être placée dans une dynamique de compréhension d’un ensemble de facteurs 116 combinés dont il faut tenir compte pour mieux cerner les difficultés rencontrées par ces élèves dans leur processus de scolarisation. L’enquête nous a permis d’identifier 4 types de facteurs qui sont en effet considérés comme étant à la base des difficultés d’intégration scolaire des élèves africains : les facteurs liés au système éducatif, à l’enseignant, aux parents et à l’élève. Les facteurs liés au système éducatif montrent les déficiences dans l’attribution de moyens et la mise en place de règles de fonctionnement. Le système éducatif joue un rôle décisif dans la mise en place de dispositifs d’aide dans les écoles. C’est lui qui institue les conditions nécessaires à l’aide des élèves en difficultés. Cependant, plusieurs établissements de notre échantillon se plaignent du manque de moyens leur permettant de mettre en place des dispositifs spécifiques d’aide aux élèves en difficultés. Se contentant seulement d’une aide limitée, apportée en classe par les enseignants. Si par ailleurs on considère que le système éducatif assure les conditions nécessaires à toute aide par la mise en place de dispositifs dans les établissements scolaires, il importe de savoir que c’est l’enseignant qui facilite l’accès d’un élève à cette aide. C’est donc lui qui en estime la nécessité. L’enseignant apparaît comme un élément clé de la mise en place d’aide pour un élève en difficulté. Il connaît parfaitement les circuits du système ainsi que la démarche à suivre lorsqu’il est confronté à un élève en difficulté. Les résultats de notre étude montrent que certains enseignants de notre échantillon ont du mal à assumer ce rôle. On arrive à penser que les mauvais résultats des élèves africains sont dus au manque d’évaluation de leurs difficultés et d’une prise en compte réelle de leurs besoins par les enseignants. En outre l’analyse fait apparaît la responsabilité des directeurs d’écoles dans la prise en compte des difficultés et besoins des élèves africains. En effet, en Rhénanie du NordWestphalie comme partout en Allemagne, les chefs d’établissements tiennent un rôle prépondérant dans les écoles. C’est eux qui décident de l’organisation de l’aide et de la mise en place de dispositifs de soutien. Chaque année les chefs d’établissement allemands déclarent leurs effectifs annuels au Schulamt (office de l’éducation). Dans ces déclarations d’effectifs annuels figurent entre autres le nombre d’élèves en difficultés d’adaptation ou d’apprentissage. C’est sur base des besoins déclarés des élèves en difficultés que les instances déterminent l’attribution des moyens pour la mise en place de dispositifs d’aide. Les résultats d’entretiens ont montré que le Schulamt attribuait aux écoles jusqu’il y a peu un volume horaires destinés aux cours de soutien. Avec les dernières réformes en Rhénanie Nord-Westphalie, les écoles obtiennent une dotation horaire globale qu’il leur appartient de gérer, sous la direction du chef d’établissement. L’autonomie accordée aux écoles en Rhénanie Nord-Westphalie vient renforcer la position des chefs d’établissements. Elle permet aux écoles de gérer le nombre d’heures consacrées à l’aide aux élèves en difficultés, en fonction de leurs choix organisationnels. L’enquête a donc souligné le rôle prépondérant du chef d’établissement dans l’impulsion de projets visant à soutenir les élèves en difficultés, en l’occurrence les élèves africains en difficultés d’adaptation scolaire. On a pu voir les effets des choix organisationnels de certains chefs d’établissements de notre échantillon. Si les meilleurs choix peuvent favoriser les performances scolaires de certains élèves africains, le manque de dispositif d’enseignement de soutien dans la plupart des écoles allemandes ne peut que confirmer notre postulat de départ. Une population étrangère qui ne maîtrise pas la langue d’enseignement devrait bénéficier d’un soutien linguistique sans lequel toute intégration scolaire ne serait pas possible. 117 Du côté des parents, leur responsabilité est souvent évoquée dans les entretiens de cette étude, dans le but justement de mieux comprendre les difficultés d’intégration scolaire de leurs enfants. En Allemagne le rôle des parents est déterminant non seulement dans l’aide aux devoirs, mais également dans la participation à la vie scolaire de l’enfant. La responsabilité des parents dans l’éducation des enfants apparaît comme un trait culturel dans un pays dont la constitution mentionne que « l’éducation des enfants est le droit naturel des parents, et un devoir qui leur revient en premier lieu ». L’Etat n’intervient qu’en cas de défaillance avérée des parents. Si l’enseignant et la direction de l’école ont l’obligation d’informer les parents des difficultés de leur enfant et des aides qui peuvent lui être apportées à l’école, les parents à leur tour constituent une source d’information pour les enseignants sur les causes de difficultés de l’élève, à savoir les causes liées au contexte familial. Les textes officiels en Rhénanie du Nord-Westphalie insistent sur la nécessité d’une communication entre l’école et les parents, sur la base d’une information réciproque. Cependant, les résultats de notre enquête témoignent d’un manque de communication ou de contact difficile entre l’école et les parents d’élèves africains. Toutefois, une tendance à collaborer avec les parents, dans le but d’en faire de partenaires de l’école, se dégage très nettement du côté des enseignants de notre échantillon. Par contre, du côté des parents africains, la barrière linguistique semble pour beaucoup freiner l’élan de communication avec l’école. Si le système éducatif, l’école et les parents sont mis en cause dans la problématique de l’intégration scolaire, l’élève également est épinglé sur sa motivation et ses attitudes, quand bien même l’opinion à ce sujet semble bien loin de le considérer comme « l’acteur principal de sa réussite ». Les difficultés spécifiques essentiellement d’ordre linguistique sont a priori considérées comme étant la cause principale dans l’échec scolaire des élèves migrants noirs africains. A cet égard, il a été montré l’influence de la langue maternelle dans l’apprentissage d’une seconde langue. Or, la plupart des jeunes francophones noirs africains accusent d’énormes insuffisances dans la maîtrise de leurs langues maternelles et se trouvent très souvent en conflit d’identité. Les différences socioculturelles semblent avoir une influence considérable sur leur niveau du développement et leurs acquisitions scolaires. D’une manière générale, le système éducatif allemand semble offrir une plus grande marge de manœuvre pour la mise en application de nouvelles idées, dans le but justement de permettre aux enfants et jeunes migrants de réussir leur intégration scolaire et leur socialisation. Toutefois, nous avons pu constater, à la suite de cette enquête, que les mesures d’aide mises à disposition depuis les réformes de 2006 n’offrent pas de résultats spectaculaires. Les données statistiques sur les résultats scolaires de 2008/2009 des élèves africains d’origine subsaharienne en Rhénanie du Nord-Westphalie témoignent quelque part d’une certaine faiblesse des dispositifs de soutien. Evidemment, nous ne pouvons pas déterminer de manière exhaustive les effets de ces réformes sur les résultats globaux des élèves. Nous n’avons pas trouvé des données sur l’évaluation des dispositifs de soutien. Pourtant, l’évaluation de l’aide s’avère être un élément important au regard de son amélioration. Il faut dire que les notions de pilotage des systèmes éducatif et de standards éducatifs sont de toute façon très récentes en Allemagne. 118 Les propos recueillis auprès des chefs d’établissements, des enseignants, des parents voire des élèves, nous ont permis de dire qu’il reste encore beaucoup à faire, notamment dans le domaine de l’aide et encadrement des élèves en difficulté. La compétence interculturelle occupe une place bien trop limitée et il existe peu d’approches pédagogiques relatives à ce thème. L’hétérogénéité de la société devrait par conséquent être mieux représentée dans les écoles, à savoir dans les livres scolaires ainsi qu’au niveau du corps enseignant qui est excessivement homogène. Du reste, les données recueillies font ressortir une opposition très nette entre les attentes des parents africains et les réalités au niveau de l’école allemande. Il conviendrait de réfléchir plus concrètement à cerner la source de difficultés des élèves migrants originaires d’Afrique francophone subsaharienne. Est-ce que l’origine du problème se trouve uniquement dans le fonctionnement de l’école, ou est-ce que l’enseignant, les parents et l’élève y jouent chacun un rôle ? Il nous semble que la réussite scolaire d’un enfant s’explique par un réseau assez important de faits, dans lesquels entrent les attitudes des parents, de l’enseignant et de l’élève lui-même, vis-à-vis de l’école, de son enseignement et du but de celui-ci. Il est difficile cependant de décrire une situation type qui assurerait forcément la réussite à tous les enfants, déjà parce que la situation de chaque enfant est unique, mais aussi parce que certains facteurs qui pourraient agir positivement sur la scolarité d’un enfant ne joueraient pas forcément en faveur d’un autre. Il conviendrait également que l’enseignant collabore autant que possible avec les parents et tienne compte de la position de l’enfant concernant son devenir scolaire. Ainsi que le disent Allemann-Ghionda et LussoCesari (1986), une école stimulante et qui fonctionne bien saura plus facilement combler d’éventuelles lacunes et/ou mettre en valeurs des facultés latentes. Malgré les possibilités d’aide offertes par l’école allemande, la situation des élèves africains reste encore difficile. L’enquête a montré que beaucoup de parents africains ont du mal à participer à la vie scolaire de leurs enfants, non seulement à cause de la langue, mais aussi par manque d’intérêt et de motivation. La précarité de leurs conditions de vie, notamment les problèmes de séjour ou de chômage, constitue aussi un handicap pour un meilleur suivi de la scolarité de leurs enfants. Au terme de ce travail, nous n’avons pas la prétention d’avoir abordé tous les sujets ni articulé comme il faut toutes les questions portant sur la problématique de l’intégration scolaire des enfants et jeunes africains originaires d’Afrique francophone subsaharienne dans le système éducatif allemand. Les données à notre disposition et mobilisables dans le temps imparti à la réalisation de cette étude ne nous ont pas permis de faire des analyses plus approfondies. Les résultats que nous avons obtenus par l’intermédiaire d’entretiens ne peuvent donner qu’un éclairage. Nous aurions aimé faire une analyse plus poussée des mesures de soutien ainsi que l’évaluation de leurs effets. Nous aurions aimé également faire des observations sur une longue durée dans des classes, des observations qui auraient pu modifier nos éléments de compréhension en complétant les propos recueillis. Cette étude n’a pas pris en compte les stratégies des élèves, leur analyse nous paraît importante, dans la mesure où leur compréhension peut faire évoluer les pratiques pour que ces élèves puissent mieux apprendre. Nous éprouvons enfin la nécessité de mener une recherche approfondie et d’y inclure une perspective comparative en élargissant la problématique au niveau d’autres pays européens notamment. 119 BIBLIOGRAPHIE • ALLEMANN-GHIONDA C., & LUSSO-CESARI V., 1986. Les échecs scolaires des enfants des travailleurs immigrés en Suisse : causes, mesures en cours d’application, perspectives. Aarau, Centre suisse de coordination pour la recherche en matière d’éducation. • APEDJINOU D., 2002. Spezifika der Lebenslagen, Erwartungen und Erfahrungen weiblicher afrikanischer Flüchtlinge in Deutschland. In Ursula Neumann et al. (Hg.): Wie offen ist der Bildungsmarkt? Rechtliche und symbolische Ausgrenzungen junger afrikanischer Flüchtlinge im Bildungs-, Ausbildungs- und Beschäftigungssystem. 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LES ITEMS DES GUIDES D’ENTRERTIENS A) Guide d’entretien destiné aux parents - Pouvez-vous vous présenter svp ? De combien de personnes est composée votre famille ? Vous avez quel niveau d’études ? Et votre partenaire ? Où avez-vous fait vos études ? Quelle est votre profession ? Quelle est la profession de votre partenaire ? Etes-vous satisfait du métier que vous faites en ce moment ? Pourquoi ? Quel est votre statut migratoire ? Vous avez quelle nationalité ? Quel est votre pays d’origine ? Pourquoi avoir choisi l’Allemagne ? Quelle(s) est/ sont la (les) langue(s) en usage dans votre famille ? Quel est votre niveau de connaissance en allemand ? Pourquoi ne parlez-vous pas couramment l’allemand ? Comment faites-vous pour apprendre l’allemand ? Quel âge a (ont) votre (vos) enfant(s) ? En quelle classe se trouve(nt) votre (vos) enfants ? Dans quel type d’école se trouve(nt) votre/vos enfant(s) ? Savez-vous pourquoi votre enfant a été orienté dans cette filière ? Pouvez-vous m’expliquer comment votre enfant est arrivé dans cette école ? Aviez-vous la possibilité de changer d’établissements ? Si oui pourquoi ne l’avoir pas fait ? Que signifie pour vous l’école ? Pourquoi avoir inscrit votre/vos enfant(s) à l’école francophone belge ? Pourquoi le choix de la scolarisation de votre/vos enfant(s) en français alors que vous vivez en Allemagne, votre pays d’adoption ? Qu’attendez-vous de l’école francophone belge ? Que signifie pour vous être francophone ? Pensez-vous que le diplôme est absolument nécessaire pour réussir sa vie ? Etes-vous satisfait du travail de votre/vos enfant(s) à l’école ? Est-ce que la situation scolaire de votre/vos enfant(s) vous préoccupe ? Avez-vous l’intention de faire quelque chose pour ça ? Comment faites-vous pour aider votre/vos enfant(s) ? Pensez-vous que cela marche bien ? Envisagez-vous d’autres solutions pour y arriver ? Lesquelles ? Que signifie pour vous l’engagement ou l’implication des parents à l’éducation des enfants ? 129 - Pouvez-vous me dire comment vous vous impliquez dans l’éducation scolaire de votre/vos enfant(s) ? Comment sont vos relations avec les enseignants, avec l’école ? On dit que si les enfants des migrants échouent à l’école c’est parce que leurs parents ne connaissent pas l’allemand, qu’ils ne sont pas intégrés. Etes-vous de cet avis ? Selon vous, quelles peuvent être les causes des difficultés d’adaptation scolaire des élèves africains ? Avez-vous connaissance de l’organisation du système scolaire en Rhénanie NordWestphalie ? Comment trouvez-vous le système éducatif allemand dans l’ensemble ? Qu’est-ce que vous reprochez à l’école allemande ? Pouvez-vous prouver que le système éducatif allemand est discriminatoire ? Comment sont vos relations avec votre/vos enfant(s) ? Avez-vous une communication facile avec votre/vos enfant(s) ? Quel est votre style éducatif ? Approuvez-vous la manière dont votre/vos enfant(s) vous parle(nt) de l’école ? Pourquoi, malgré les barrières linguistiques, avez-vous choisi d’immigrer en Allemagne ? Pensez-vous que les parents sont responsables de l’échec scolaire de leurs enfants ? Qu’est-ce qui vous montre que les allemands sont racistes ? Que faire pour que les enfants noirs africains francophones puissent mieux réussir leur intégration scolaire ? Qu’est-ce qui vous empêche de vous occuper comme il faut de votre/vos enfant(s) ? Que fait/font votre/vos enfant(s) en-dehors de l’école ? Quels sont vos loisirs ? Est-ce que vous aimez lire ? Quel est le titre du dernier livre que vous avez lu ? Votre/vos enfant(s) aime (nt) lire ? Etes-vous satisfaite des vos conditions de vie ? Votre appartement a combien de chambres ? Votre/vos enfant(s) a-t-il (ont-ils) de la place pour faire ses/leurs travaux de l’école ? Etes-vous membre d’une association ? Vous êtes de quelle confession religieuse ? Racontez-moi une des vos journées de la semaine ? Comment gérez-vous le stress quotidien? Comptez-vous rentrer un jour dans votre pays d’origine? Avez-vous quelque chose à ajouter ? B) Guide d’entretien destiné aux enseignants - Depuis combien d’années exercez-vous le métier d’enseignant ? Vous enseignez depuis longtemps dans cet établissement ? Avez-vous connaissance du pays d’origine des élèves africains dans votre classe ? Avez-vous une certaine connaissance culturelle de cette communauté ? Comment trouvez-vous les connaissances en allemand des élèves africains se trouvant dans votre classe ? Comment sont vos rapports avec ces élèves ? Comment sont vos relations avec les parents de ces élèves ? Est-il facile pour vous d’apprécier les travaux de ces élèves sans tenir compte de leur difficultés en allemand ? Comment jugez-vous globalement ces élèves africains, en termes de rendement ? 130 - Comment fonctionne le dispositif d’enseignement de soutien ? Avez-vous des problèmes particuliers avec ce groupe d’élèves ? Comment pouvez-vous expliquer les difficultés d’intégration scolaire des élèves africains? Le dispositif d’aide prévoit-il un soutien individualisé ? Quelle est la taille des groupes ? Selon vous y a-t-il une amélioration de la part des élèves qui bénéficient du dispositif d’aide ? Comment pouvez-vous évaluer ce dispositif d’aide? Quels sont selon vous les points forts et les points faibles ? Avez-vous d’autres éléments d’information à ajouter ? C) Guide d’entretien destiné aux chefs d’établissement - - Combien d’élèves noirs africains y a-t-il dans votre établissement ? C’est la première fois que vous accueillez des élèves noirs africains dans votre école ? Avez-vous un dispositif d’accueil particulier pour les élèves étrangers Avez-vous une certaine connaissance culturelle de cette communauté ? Parlez-moi de l’organisation de l’enseignement dans votre école ? Quel est le nombre hebdomadaire d’heures de cours de la 1ère à la 4e année ? Selon vous quelles sont les causes des difficultés d’intégration scolaire des élèves africains ? Pouvez-vous m’expliquer comment vous faites pour venir en aide aux élèves en difficulté, en particulier, les élèves étrangers ne disposant pas de connaissances suffisantes en allemand ? Avez-vous des plages de soutien dans les horaires d’école habituels ou hors du temps de cours de la classe ? Y a-t-il au sein de votre corps professoral, des enseignants d’origine migratoire ? Qu’est-ce qui a changé dans votre établissement depuis l’arrivée de ces élèves ? Comment sont vos rapports avec les parents de ces élèves ? Avez-vous des problèmes particuliers avec ce groupe d’élèves ? J’aimerais que vous me parliez des élèves africains résidant en Allemagne et qui fréquentent cette école (leur nombre, leurs nationalités). Savez-vous pourquoi ils ont choisi l’école belge ? Pouvez-vous me parler des modalités d’inscription ? Comment estimez-vous le coût de l’aide aux élèves en difficultés ? D’où proviennent les moyens financiers ? Avez-vous quelque chose à ajouter ? D) Guide d’entretien destiné aux élèves - J’aimerais que tu me dises ce qu’est pour toi l’école. Qu’est-ce qu’on peut encore dire sur l’école ? Est-ce que tu aimes l’école ? Maintenant, j’aimerais que tu me parles de ta maîtresse. Et maintenant, j’aimerais que tu me parles de ton travail à l’école. Tu t’es senti(e) comment quand tu es arrivé(e) pour la première fois à l’école allemande ? Parle-moi de tes premières impressions en classe allemande. 131 - Quelle filière d’enseignement aimerais-tu suivre après l’école primaire ? Vous parlez quelle langue à la maison ? En-dehors du français quelle(s) autre(s) parlez-vous en famille ? Sais-tu lire et écrire ta langue maternelle ? Depuis quand tu as appris l’allemand ? Pense-tu que tes connaissances en allemand sont suffisantes pour réussir à l’école ? Il paraît que les élèves africains ne réussissent pas à l’école puisqu’ils ne maîtrisent pas l’allemand ?` Qu’est-ce qui fait que les élèves africains ont des difficultés pour s’intégrer dans le système scolaire allemad? Comment fais-tu pour réussir en classe ? Bénéficiez-vous d’un encadrement pédagogique particulier à l’école ? Comment sont les enseignants à l’école allemande ? Avez-vous des problèmes particuliers qui vous empêchent de bien travailler à l’école ? Comment vos parents vous éduquent-ils ? Sont-ils autoritaires ou vous éduquentils d’une manière libérale ? Aimeriez-vous faire ce que vos parents vous disent ? Vos parents vous aident-ils dans les travaux de l’école ? Pourquoi ? Pourquoi vous fréquentez l’école belge ? Pensez-vous que l’école belge est mieux que l’école allemande ? Pourquoi ? Que comptez-vous faire après avoir fini l’école secondaire en Belgique ? Quels sont vos loisirs ? Vous aimez lire ? Quel est le titre du dernier livre que vous avez lu? Qu’est-ce qui t’inquiète le plus en ce moment ? Quels sont tes projets d’avenir ? 132 II. QUELQUES EXTRAITS D’ENTRETIENS A) Parents - - - - - - - - - De combien de personnes est composée votre famille ? « nous avons trois enfants, deux filles et un garçon » Vous avez quel niveau d’études ? « après le bac j’ai débuté les études de droit que malheureusement je n’ai pu achever… quand j’ai quitté le pays je pensais pouvoir poursuivre mes études ici en Europe, mais… les choses se sont passées autrement » Et votre partenaire ? « ma femme a le niveau bac plus deux comme on dit… » Où avez-vous fait vos études ? « nous avons fait nos études au pays » Quelle est votre profession ? « je n’ai pas de métier fixe … la société d’intérim m’envoie dans différentes entreprises … pour l’instant je travaille dans usine de produits alimentaires… » Quelle est la profession de votre partenaire ? « ma femme ne travaille pas » Etes-vous satisfait du métier que vous faites en ce moment ? « bof… on n’a pas le choix, je n’avais jamais rêvé de faire ce que je fais en ce moment… mais bon c’est la vie qu’est-ce que vous voulez … en plus les salaires sont misérables… » Quel est votre statut migratoire ? « je suis arrivé dans ce pays comme réfugié politique, ma femme m’a rejoint plus tard » Vous avez quelle nationalité ? « je suis naturalisé allemand, ma femme aussi ainsi que mes enfants » Quel est votre pays d’origine ? « nous venons du (…) » Pourquoi avoir choisi l’Allemagne ? « à vrai dire je n’avais jamais penser vivre un jour en Allemagne, c’est un pur hasard…, quand j’ai quitté mon pays, je suis descendu d’abord en Belgique… c’est suite à des circonstances que je me suis retrouvé ici en Allemagne… » Quelle(s) est/ sont la (les) langue(s) en usage dans votre famille ? « … nous parlons je crois… trois langues… le français et deux autres langues africaines, mais très souvent nous utilisons le français pour communiquer avec nos enfants, entre ma femme et moi nous utilisons fréquemment les langues africaines… » Quel est votre niveau de connaissance en allemand ? « … je parle un peu, bon disons que j’ai le niveau qu’il faut pour parler quoi… et même lire, le problème c’est écrire… là c’est pas évident du tout… » Donc vous parlez couramment l’allemand ? « … bon, mais pas très bien, l’allemand n’est pas une langue facile… » Comment avez-vous appris l’allemand ? « D’abord quand je suis arrivé, trois mois après j’ai commencé à suivre un cours d’allemand qui était organisé pour les demandeurs d’asile… ensuite j’ai dû suivre pendant plusieurs mois des cours d’allemand à la Volkshoschule… » Quel âge ont vos enfants ? 133 - - - - - - - - « Ma fille ainée a 13 ans, la petite a 10 ans et notre fils a trois ans » En quelles classes se trouvent vos enfants ? « Notre fille aînée est en 2e année secondaire, l’autre est en 4e primaire, le petit va ici à la Kindergarten, il vient d’ailleurs de commencer » Dans quel type d’école se trouvent vos deux filles ? « Toutes nos deux filles sont à l’école belge, à Welkenraedt... » C’est vous qui avez choisi cette école ? « Oui » Pourquoi avoir choisi l’école francophone belge alors que vous habitez en Allemagne ? « Vous savez … c’était la seule solution que nous avions… nous étions très déçus par l’école allemande… après l’école primaire notre fille a été orientée dans une Hauptschule, en Allemagne la Hauptschule c’est une école des enfants moins intelligents on va dire… notre fille est très intelligente, nous avons discuté pour qu’ils acceptent de la changer dans une autre filière, ils ont refusé… alors pour ne pas donner du retard à notre fille, nous avons préféré l’inscrire à l’école belge … c’est un ami à nous qui nous l’avait conseillée… il a aussi sa fille là-bas à l’école belge…nous avons également inscrit la petite là-bas en primaire pour éviter qu’elle ne connaisse la même situation que sa sœur, notre fils dès qu’il a fini la Kindergarten il ira aussi en Belgique… » Ne pouviez-vous pas faire quelque chose pour garder vos enfants à l’école allemande ? « Non malheureusement, quand ils prennent la décision comme ça c’est difficile, on ne peut pas inscrire l’enfant dans une autre filière que celle décidée par l’école Grundschule… bon on peut juste changer d’établissement, mais toujours dans la même filière » Que signifie pour vous l’école ? « l’école pour moi… l’école signifie beaucoup de choses, l’école c’est l’avenir de la société, et l’avenir de la société ce sont les enfants… l’école est très importante pour l’homme, c’est l’école qui donne l’instruction et permet à l’individu de s’émanciper… » Qu’attendez-vous de l’école francophone belge ? « vous savez, chaque parent est toujours satisfait quand son enfant a une bonne scolarisation … ce que j’attends de l’école belge c’est que mes enfants évoluent bien dans leur scolarisation, qu’ils aient leurs diplômes, ça leur permettra de faire des études supérieures… » Pensez-vous que le diplôme est absolument nécessaire pour réussir sa vie ? « en principe oui…surtout pour les jeunes, sans diplôme qu’est-ce qu’ils vont faire ? même si on a hérité de la fortune de ses grands parents c’est toujours nécessaire d’avoir quand même un diplôme quelque part, c’est valorisant » Etes-vous satisfait du travail de vos enfants à l’école ? « oui, entièrement satisfait, jusqu’ici elles évoluent très bien, Dieu merci… » Comment faites-vous pour aider vos enfants s’ils ont des problèmes à l’école ? « Si l’une de mes filles a des difficultés, elle nous en parle, par exemple si elle a un devoir où elle a un peu de difficultés, nous l’aidons … mais ça arrive rarement, elles n’ont presque pas de problèmes mes filles » Que signifie pour vous l’engagement ou l’implication des parents à l’éducation des enfants ? « Les parents doivent s’occuper de l’éducation de leurs enfants aussi bien à la maison qu’à l’école, je veux dire à l’école on collabore avec les enseignants et la direction… comme ça on sait au moins suivre comment l’enfant se comporte à l’école… » 134 - - - - - - - - - Pouvez-vous me dire comment vous vous impliquez dans l’éducation scolaire de vos enfant(s) ? « c’est comme je venais de le dire, il faut collaborer avec l’école, il faut s’impliquer … nous quand il y a quelque chose à l’école et on nous invite, on y va… il y a toujours des réunions de parents ou des activités culturelles, on participe toujours, il y a aussi des échanges d’informations avec l’école… » Comment sont vos relations avec les enseignants, avec l’école ? « Nous n’avons pas de problèmes particuliers avec l’école belge … les enseignants sont très gentils et sympas, ils ne sont pas comme les allemands, c’est très différent » On dit que si les enfants des migrants échouent à l’école c’est parce que leurs parents ne connaissent pas l’allemand, qu’ils ne sont pas intégrés. Etes-vous de cet avis ? « vous savez, au départ les allemands sont des gens bizarres… le problème de la langue est un faux problème, ils disent toujours ça que les enfants des étrangers échouent à l’école puissent qu’ils ne connaissent pas l’allemand, mais leurs enfants ont aussi des problèmes en allemand, pourquoi eux ils réussissent ?... moi je pense que les allemands n’aiment pas que les étrangers fassent de bonnes études dans leur pays, surtout nous les noirs africains, ils pensent qu’on est pas assez intelligents… ils parlent d’intégration, qu’est-ce que eux-mêmes ils font pour susciter la motivation des étranger à s’intégrer ? Non, c’est un faux problème… » Selon vous, quelles peuvent être les causes des difficultés d’adaptation scolaire des élèves africains ? « A mon avis les causes se trouvent à l’école allemande … leur système n’est pas bon, s’ils changent de système ça ira » Avez-vous connaissance de l’organisation du système scolaire en Rhénanie NordWestphalie ? « un peu oui … je crois c’est la même chose dans toute l’Allemagne » Comment trouvez-vous le système éducatif allemand dans son ensemble ? « c’est assez compliqué, nous nous avons connu le système d’enseignement français, chez nous on oriente pas les enfants dans des filières à partir de l’école primaire et surtout seulement après quatre ans d’école… c’est pas normal, le système éducatif allemand n’est pas un bon système » Qu’est-ce que vous reprochez à l’école allemande ? « l’école allemande est une école discriminatoire, surtout vis-à-vis des étrangers… je crois c’est la mentalité des enseignants qui n’est pas bonne, ils ont beaucoup d’a priori vis-à-vis des élèves étrangers, en particulier les africains et c’est pas bien, ils doivent changer de mentalité… » Pouvez-vous prouver que le système éducatif allemand est discriminatoire ? « oui, il y a d’abord le cas de ma fille, ils ont voulu la freiner, la décourager même… en envoyant ma fille à la Hauptschule c’était pour lui montrer qu’elle n’était pas intelligente, qu’elle ne pouvait pas aller loin dans les études… Ensuite il y a le cas d’une famille qui nous est proche, quand ils étaient en Afrique, leur fille, une brillante élève était scolarisée dans une école privée, un lycée de haut niveau, quand la fille est arrivée ici, on lui a refusé l’accès au Gymnasium en disant que c’était très difficile pour elle, qu’elle n’allait pas s’en sortir… ils ont préféré l’orientée vers la Hauptschule soi-disant que c’était la meilleure filière pour elle… cette situation a beaucoup affecté l’enfant ainsi que sa famille… tout ceci montre que l’école allemande ne peut pas donner la chance à tous les enfants » Comment sont vos relations avec vos enfants? « j’ai des très bonnes relations avec mes enfants » Avez-vous une communication facile avec vos enfants? « oui, mes enfants sont bien éduqués » 135 - - - - - - - - - Quel est votre style éducatif ? « Nous éduquons nos enfants avec beaucoup d’amour, on est parfois durs quand il faut l’être, mais en principe on a aucun problème d’éducation avec nos enfants » Approuvez-vous la manière dont vos enfants vous parlent de l’école ? « ça dépend, quand elles étaient à l’école allemande, elles se plaignaient beaucoup, mais depuis qu’elles sont à l’école belge, elles semblent bien épanouies, elles lisent beaucoup et parlent en bien de leur école... aussi longtemps qu’elles se sentent bien à l’école je ne vois pas ce que je peux dire d’autre » Pourquoi, malgré les barrières linguistiques, avez-vous choisi d’immigrer en Allemagne ? « … vous savez, parfois on n’a pas le choix dans la vie… très souvent on me pose cette question surtout par les allemands, ils pensent que ça aurait été plus facile pour moi d’être en France qu’en Allemagne… mais quand les conditions existentielles vous poussent au bout, vous n’avez pas à choisir entre pays francophones et autres… vous comprenez ce que je veux dire ?… l’essentiel de s’en sortir quel que soit l’endroit où l’on se trouve » Pensez-vous que les parents sont responsables de l’échec scolaire de leurs enfants ? « vous savez la responsabilité de l’échec scolaire des enfants revient en premier lieu à l’école, c’est sa mission, c’est elle qui doit instruire, former les enfants, c’est l’école qui doit les aider à développer leurs compétences… si nos enfants échouent c’est parce que l’école allemande ne fait pas d’efforts pour les aider comme il faut, ils ne s’en préoccupent pas, c’est clair ils sont racistes … » Qu’est-ce qui vous montre que les allemands sont racistes ? « mais leur comportement, leurs attitudes vis-à-vis de nos enfants… certains enseignants utilisent parfois des exemples de nature à dénigrer d’autres races… par exemple les parents d’une fille se trouvant en 9e classe de Realschule sont venus se plaindre dans notre association du comportement cynique et raciste de l’un de ses professeurs qui aime à chaque fois faire des blagues sur des gâteaux qu’on appelle en allemand Neger-Kuss … c’est des trucs de mauvais goût » Que faire pour que les enfants noirs africains francophones puissent mieux réussir leur intégration scolaire ? « d’abord les parents africains doivent suivre de près la situation scolaire de leurs enfants, si les enseignants constatent que les parents ne s’intéressent pas à la vie scolaire de leur enfant, ils ne font plus d’efforts pour l’aider comme il faut… les parents peuvent aussi envoyer leurs enfants dans des groupes privés d’aide aux devoirs, bon ça demande des moyens, mais il y a aussi des groupes associatifs qui organisent ce genre d’aide pour rien ou pour peu d’argent… il faut aussi dénoncer certains comportements négatifs des enseignants voir même de certaines écoles qui découragent nos enfants, c’est ce que moi je peux dire » Que font vos enfants en-dehors de l’école ? « ma fille aîné aime jouer au basket, elle est inscrite dans une association, normalement elle devrait y aller trois fois par semaine, mais à cause de ses horaires de classe, elle y va seulement une ou deux fois, sa sœur ne fait pas de sport, quelque fois elle va à la piscine, le reste du temps elles regardent la télé ou lisent des livres » Vos enfants aiment lire ? « ah oui, avant elles ne lisaient pas, mais depuis qu’elles sont à l’école belge, elles lisent beaucoup, elles ont toujours un livre de la bibliothèque de leur école ou de la bibliothèque communale » Quels sont vos loisirs ? « moi à cause de mes horaires de travail, je n’ai presque pas de loisirs… quelque fois le week-end je rencontre des amis ou je regarde la télé… » 136 - - - - - - - - Est-ce que vous aimez lire ? « oui j’aime lire… je lisais beaucoup avant, maintenant je ne lis presque pas, je crois c’est surtout du au fait qu’on ne trouve pas facilement de livres en français sur place, il faut toujours aller du côté de la Belgique… » Etes-vous satisfaite des vos conditions de vie ? « de ce côté-là il n’y a pas à se plaindre, nous avons un bel appartement… ça va » Votre appartement a combien de chambres ? « nous avons trois chambres à coucher, un salon, une cuisine, une salle de bain et deux toilettes » Vos enfants ont-ils de la place pour faire leurs travaux de l’école ? « tout à fait, les filles partagent une grande chambre où elles ont chacune sa table de travail… le petit a sa chambre à lui tout seul, bon de ce côté-là il n’y a pas de soucis… » Etes-vous membre d’une association ? « oui, je suis membre d’une association d’entraide sociale qui réuni quelques ressortissants de ma région natale, je suis également membre de l’association de ressortissants africains » Vous êtes de quelle confession religieuse ? « je suis chrétien… catholique » Racontez-moi une des vos journées de la semaine ? « oui, voilà… quand je fais par exemple l’équipe du matin, je me lève à 5 heures, je pars de la maison entre 5H30 et 5H45, de chez moi à l’usine c’est 7 minutes en voiture, le travail débute à 6H00, je termine à 14H30, dès que j’arrive à la maison, je mange quelque chose et je dors au moins une heure, quelque fois je ne dors pas si j’ai des choses à faire, le soir je cause un peu avec les enfants, on mange, je passe quelques coups de fil, je regarde un peu la télé puis je vais au lit vers 22H00… » Comment gérez-vous le stress quotidien? « hum… tout ce que je fais c’est garder le plus possible mon calme, d’avoir toujours le sourire, aussi j’essaie d’éviter des situations conflictuels ou de nature à générer des situations stressantes tant au niveau du travail qu’à la maison, le plus important c’est dormir pour avoir un certain équilibre dans la tête » Comptez-vous rentrer un jour dans votre pays d’origine? « rentrer pour des vacances oui, ou peut-être pour quelque projet, mais pas pour toujours, ça ne sera pas possible, sauf si des circonstances gravissimes nous y obligent, sinon… ma vie est ici, avec ma femme et mes enfants » Avez-vous quelque chose à ajouter ? « ben… je pense qu’on a tout dit.. voilà » Je vous remercie pour cet entretien B) Enseignant - Depuis combien d’années exercez-vous le métier d’enseignant ? « je suis enseignante depuis 23 ans » Vous enseignez depuis longtemps dans cet établissement ? « ça fait dix-neuf ans que j’enseigne dans cette école » Qu’est-ce qu’il faut pour être enseignant à la Grundschule ? « bon… il faut avoir fait au moins trois ans d’études supérieures ou universitaires et réussir l’examen d’Etat qui donne accès au métier d’enseignant… il y a également 137 - - - - - - - - - - - beaucoup d’autres conditions qu’il faut remplir pour être enseignante à l’école allemande… c’est pas si simple » Avez-vous connaissance du pays d’origine des élèves africains se trouvant dans votre classe ? « j’ai dans ma classe trois élèves africains, deux filles et un garçon, les deux filles sont d’origine congolaise et le garçon vient du Ghana » Avez-vous une certaine connaissance culturelle de cette communauté ? « oui, un peu… personnellement je n’ai jamais été en Afrique, mais j’ai des amis qui ont déjà été au Ghana et au Kenya » Comment trouvez-vous les connaissances en allemand des élèves africains dans votre classe ? « ce sont des élèves je dirai moyens… sur le plan de l’oral ça va, bien que leur vocabulaire n’est pas encore très enrichi, ils communiquent sans trop de difficultés… mais ils ont surtout des problèmes à l’écrit, ils commettent beaucoup de fautes d’orthographe et de syntaxe, ils ont du mal à exprimer convenablement leurs idées et à comprendre des textes… » Comment sont vos rapports avec ces élèves ? « très bons… j’ai des élèves africains dans ma classe depuis trois ans c'est-à-dire ici en Allemagne, à l’école primaire les élèves sont confiés à une enseignante pour quatre ans, elle les prend en charge de la 1ère année à la 4eme et depuis que j’ai ces élèves je n’ai aucun problème particulier avec eux, ils sont gentils et respectueux…» Comment sont vos relations avec les parents de ces élèves ? « … je n’ai pas tellement de contacts avec les parents de ces élèves, ils viennent aux réunions des parents et semblent bien respecter les consignes, mais on ne discute pas beaucoup... oui ils ont le problème de la langue… bon jusqu’à présent il n’y a rien de particulier à signaler » Est-il facile pour vous d’apprécier les travaux de ces élèves sans tenir compte de leur difficultés en allemand ? « certainement pas, nous essayons toujours de tenir compte de leur niveau de connaissances en allemand… vous savez, il n’y a pas que les élèves étrangers qui ont des problèmes de langue, beaucoup d’élèves allemands ont eux aussi des difficultés en allemand… nous en tenons compte bien sûr, mais ça ne leur donne aucun avantage par rapport aux exigences… ils ont besoin de s’améliorer pour leur future orientation scolaire, dans une année ils vont en filières et là chaque élève sera orienté en fonction de ses capacités… » Comment jugez-vous globalement ces élèves africains, en termes de rendement ? « ce sont des élèves motivés, malgré leurs difficultés en allemand ils participent comme tous les autres élèves aux activités de la classe » Avez-vous un dispositif d’aide aux élèves en difficultés ? « bon… comme tel nous n’avons pas un dispositif d’aide spécifique, nous aidons tous les élèves en difficultés quand c’est nécessaire…oui nous avons des plages de soutien dans nos horaires habituels de classe, cela nous permet de nous concentrer sur des cas individuels… » Pouvez-vous me dire concrètement ce que vous faites lors de vos séances de soutien ? « oui… généralement je donne un travail à la classe, puis je m’occupe tour à tour des élèves ayant des difficultés avérées » Comment faites-vous pour savoir que ces élèves ont des difficultés ? « c’est très simple en tant qu’enseignante je dois le savoir… chaque enseignant sait facilement détecter les difficultés chez ses élèves et moi pareil » Ce processus vous permet-il de constater une amélioration de la part des élèves en difficultés? 138 - - « ça dépend, il y en a certains qui s’améliorent rapidement, et ça on peut le constater soit dans leurs travaux soit dans la participation aux activités de la classe… chez d’autres l’amélioration se fait lentement mais de manière progressive » Comment pouvez-vous expliquer les difficultés d’intégration scolaire des élèves africains? « vous savez il y a plusieurs facteurs qui peuvent donner une explication à la difficulté d’intégration scolaire des élèves africains, je ne peux pas les énumérer tous mais il faut dire qu’il y a à la base le problème de la langue, quand on n’a pas une maîtrise suffisante de langue il est difficile de réussir à l’école c’est clair… il y a aussi le manque d’informations, parfois ces élèves ne savent pas comment s’y prendre pour mieux évoluer dans le milieu scolaire… il y a également des problèmes d’ordre social et culturel qui ne permettent pas une meilleure intégration scolaire, si déjà les parents ont des problèmes de séjour ou autre ils ne peuvent bien encadrer leurs enfants, il faut voir aussi la motivation des uns et des autres, on ne doit pas non plus ignorer l’insuffisance des moyens d’encadrement mis à la disposition des écoles par l’autorité compétente… c’est assez complexe tout ça… » Nous sommes arrivés à la fin de notre entretien. Auriez-vous peut-être quelque chose d’autre à ajouter ? « Non » Je vous remercie de m’avoir accordé cet entretien. C) Chef d’établissement - - - - - Vous êtes responsable de cet établissement depuis combien d’années ? « Je suis directeur de cette école depuis 13 ans » Pouvez-vous me dire combien d’élèves noirs africains ou d’origine africaine vous avez dans votre établissement ? « bien sûr… nous avons exactement 17 élèves africains cette année dans notre école » C’est la première fois que vous accueillez des élèves noirs africains dans cette école ? « Non… quand je suis arrivé il y avait environ deux ou trois élèves d’origine africaine dans cette école… ces dernières années le nombre d’élèves africains n’a cessé d’augmenté… » Avez-vous une certaine connaissance culturelle de la communauté noire africaine ? « oui je connais la culture africaine, j’ai été au Congo ex-Zaire et au Kenya, j’ai aussi des amis africains » Avez-vous un dispositif d’accueil particulier pour les élèves étrangers ? « ben… nous n’avons pas de dispositif d’accueil particulier comme tel… mais pour les élèves immigrants par exemple les « Spätaussiedler » c'est-à-dire ceux qui viennent de l’ex-Union soviétique ou autres immigrants ayant peu ou pas de connaissances en allemand nous avons un dispositif spécial d’encadrement linguistique destiné à les aider à acquérir rapidement les connaissances nécessaires pour pouvoir suivre les cours en classes régulières… Ces élèves sont pris en charge de manière intensive… c'est-à-dire à raison d’une séance de trois heures par jour en classe de langue… » Parlez-moi de l’organisation de l’enseignement dans votre école ? « comme vous le savez notre école est une Hauptschule… nous avons des classes qui vont de la 5ème à la 10ème année, les élèves peuvent quitter l’école dès la neuvième classe, ceux qui terminent la dixième peuvent soit continuer à la Realschule s’ils désirent passer le bac, ou s’orienter vers le Berufskolleg en vue d’acquérir une qualification professionnelle… du reste notre établissement est une école à temps plein, les cours sont dispensés cinq jours par semaine, du lundi au vendredi, ils vont 139 - - - - - - de 8 heures à 13 heures, l’après-midi est en général consacré aux devoirs, activités artistiques ou sportives… » Pouvez-vous m’expliquer comment vous faites pour venir en aide aux élèves en difficulté, en particulier les élèves étrangers ne disposant pas de connaissances suffisantes en allemand ? « bien sûr... la plupart de nos élèves ont des difficultés d’apprentissage, les élèves d’origine étrangère ont d’énormes difficultés en allemand, surtout à l’écrit… comme je vous l’ai déjà dit notre école est une école à temps plein, les élèves étrangers bénéficient d’un soutien renforcé en langue pendant les heures habituelles et hors du temps de cours normaux… nous avons reçu du ministère une dotation horaire dans le cadre de l’aide aux élèves en difficulté, nous sommes en train d’expérimenter une approche d’enseignement de soutien permettant aux enseignants d’utiliser la langue maternelle des élèves pour leur expliquer des notions qu’ils ne comprennent pas bien en allemand ou dans d’autres matières, c’est le cas par exemple des élèves turcs, russes et polonais… les élèves africains sont également aidés selon qu’ils parlent français ou anglais… » Y a-t-il au sein de votre corps professoral, des enseignants d’origine migratoire ? « oui… notre école fait partie en Rhénanie Nord Westphalie des écoles pilotes grâce auxquelles l’Etat cherche à favoriser la multiculturalité… 20 % de nos enseignants ont une origine étrangère, nous avons des enseignants turcs, russes, polonais et un enseignant africain, le docteur Ku., il est d’origine congolaise, il enseigne la chimie et les mathématiques… » Selon vous quelles sont les causes des difficultés d’intégration scolaire des élèves africains ? « bon… je dirai que les causes sont multiples, elles se trouvent à la fois du côté des élèves et du côté de l’école… oui la difficulté principale des élèves se situe au niveau de la langue, il y a aussi l’incapacité des parents à assurer un meilleur suivi de leurs enfants, beaucoup de parents africains ne font pas d’effort pour collaborer avec l’école, pour comprendre comment les choses fonctionnent… bien entendu l’école aussi a sa part de responsabilité, si le cadre scolaire n’offre pas de meilleures conditions en terme par exemple d’encadrement il est difficile pour les élèves étrangers de s’y intégrer… » Comment définissez-vous votre rôle par rapport à la question de l’intégration scolaire des élèves d’origine étrangère ? « nous avons en tant que directeur la mission de veiller à ce que tous les élèves qui nous sont confiés bénéficient équitablement d’un bon encadrement pour pouvoir réussir leur scolarité, c’est à nous qu’incombe la responsabilité de décider sur les mesures et les dispositions à prendre pour assurer l’intégration des élèves étrangers ou d’origine étrangère dans notre école… » Comment sont vos rapports avec les parents des élèves africains? « pas mal… nous essayons de les motiver à collaborer avec nous… bon ils ont beaucoup de difficultés à communiquer à cause bien sûr de la langue, mais beaucoup de parents africains font des gros efforts, ils sont soucieux de l’avenir de leurs enfants, la plupart disent que la Hauptschule n’est pas une bonne école… que leurs enfants n’ont pas la chance de faire des études supérieures… ce qui n’est pas vrai… tout dépend des capacités de l’élève, notre école offre la possibilité d’accéder aux filières menant vers les études supérieures.. » Avez-vous des problèmes particuliers avec ce groupe d’élèves ? « pas vraiment… le seul problème que nous avons dans cette école c’est le problème de discipline, vous comprenez, nous avons à gérer plusieurs cultures en présence, c’est pas facile » 140 - - Nous arrivons à la fin de cet entretien. Avez-vous quelque chose à ajouter ? « bon… j’ai confiance en notre système scolaire, malgré certaines faiblesses qu’on lui reproche… le gouvernement de notre land s’est résolument engagé à lutter contre l’échec scolaire, des moyens matériels et humains sont déployés pour renforcer l’aide aux élèves en difficulté… ce qui est demandé aux élèves quelle que soit leur origine sociale c’est de prendre les choses au sérieux et de faire preuve de motivation, c’est tout » Encore autre chose ? « non, non » Je vous remercie monsieur de m’avoir accordé cet entretien. D) Elève - - - - - Tu vas où à l’école ? « à Burtscheid » C’est quoi comme école ? « c’est une Realschule » Tu es en quelle année ? « je suis en neuvième classe » Quel âge as-tu ? « quinze ans » Comment es-tu arrivé dans cette école ? « avant on habitait à Dilinburg, c’est là que j’étais à l’école primaire, quand j’ai terminé la Grundschule, ils m’ont orienté vers la Realschule… après la sixième classe on m’a réorienté vers la Hauptschule, mais la Hauptschule c’est pas bien… mes parents ont décidé de me changer d’école, mais là à Dilinburg c’était pas possible, ils refusaient, alors nous avons changé de ville et mes parents m’ont à nouveau inscrit à la Realschule… » Qui a choisi cette école, c’est toi ou tes parents ? « non, c’est pas moi, ce sont mes parents qui ont trouvé cette école quand nous sommes arrivés ici » Est-ce que tu aimes cette école ? « ben…oui, c’est pas une Hauptschule, c’est bien… au Realschule il y a l’Abitur… » Est-ce que l’Abitur c’est très important pour toi ? « oui, il faut avoir l’Abitur sinon… on ne peut pas faire des études supérieures… » Tu aimerais faire des études supérieures ? « oui » Pourquoi ? « ben… j’aimerais devenir professeur de mathématiques » C’est la raison pour laquelle tu veux faire des études supérieures ? « ah oui…pour être professeur il faut avoir étudié, il faut avoir un diplôme d’études supérieures, sinon c’est pas possible et puis j’aimerais aussi faire des études commerciales…» Qu’est-ce qu’il faut faire pour aller à l’université ? « il faut avoir d’abord l’Abitur et quand on a l’Abitur c’est facile on peut aller à l’université… on peut faire des études supérieures quoi… » Es-tu sûr d’avoir l’Abitur ? « oui… je l’espère » Il semble que les élèves africains ont beaucoup de difficultés à l’école allemande et qu’ils n’ont pas la chance d’avoir l’Abitur ni de faire des études supérieures ? 141 - - - - - - - - - - - « ça c’est vrai mais c’est parce que dans certaines écoles les enseignants ne sont pas bien, ils sont racistes… quand j’étais à Dilinburg j’avais beaucoup de problèmes à l’école, les enseignants n’étaient pas bien, mais ici c’est différent… » Qu’est-ce qui est différent ici ? « ici les professeurs sont gentils, si tu ne comprends pas quelque chose ils t’expliquent, ils prennent leur temps et puis il y a des encadreurs qui aident les élèves aux devoirs… c’est bien » Y a-t-il d’autres élèves africains dans cette école ? « pas beaucoup, nous sommes trois dans cette école, moi je suis seul dans ma classe et puis il y a deux filles en septième… » Comment fais-tu pour réussir en classe ? « je fais des efforts pour comprendre les choses, je fais mes devoirs à domicile, je fais ce qu’on me demande de faire quoi… » Il paraît que les élèves africains ne réussissent pas à l’école puisqu’ils ne maîtrisent pas l’allemand, qu’est-ce que tu en penses ? « oui… peut-être, mais c’est quand même pas tous les élèves africains qui ne maîtrisent pas l’allemand… moi aussi on me disait ça avant… il y a aussi des élèves allemands qui ont des problèmes en allemand, leur langue maternelle… moi je crois pas que les élèves africains échouent à cause de ça… si on est pas bien dans une école ça ne marche pas, c’est pas facile de réussir » Pense-tu que tes connaissances en allemand sont suffisantes pour réussir à l’école ? « oui bien sûr, sinon ils ne m’auraient pas accepté à la Realschule, beaucoup de mes amis ont été orientés vers la Hauptschule… bon j’ai parfois des difficultés pour comprendre certains textes mais…c’est normal je crois » Où as-tu appris l’allemand ? « j’ai commencé à apprendre l’allemand à la Kindergarten, mais c’était pas bien làbas, il y avait beaucoup d’enfants turcs… » Quelle est la langue que vous parlez à la maison ? « chez moi à la maison ... ben… on parle trois langues » Lesquelles ? « français et deux langues africaines » Tu maîtrises les trois langues ? « seulement le français, les deux autres langues africaines je comprends un peu mais je ne sais pas parler, j’entends quand mes parlent ils parlent, parfois ils me disent des choses en langues africaines et moi je réponds en français… » Est-ce que tu sais lire et écrire le français ? « ben…lire oui mais écrire j’ai un peu de difficultés » Tes parents ont quel niveau d’études ? « mon père a fait des études de droit, ma mère a fait des études pour devenir enseignante… oui des études pédagogiques » Qu’est-ce qu’ils font comme travail tes parents ? « ma mère ne travaille pas, mon père change de temps en temps ses activités professionnelles, pour le moment il travaille à l’aéroport de Cologne » As-tu des frères et sœurs ? « oui, j’ai deux petites sœurs » Comment vos parents vous éduquent-ils ? Sont-ils autoritaires ou vous éduquent-ils d’une manière libérale ? « je dirai d’une manière libérale… ma mère est un peu dure, elle s’énerve quand mes petites sœurs font de bêtises, mon père est compréhensif, il s’énerve aussi quelque fois mais pas beaucoup… de toute façon je n’ai pas de problème avec mes parents » Vos parents vous aident-ils dans les travaux de l’école ? 142 - - « avant mon père il m’aidait quand j’avais des difficultés, maintenant ça va, je travaille tout seul, quand mon père n’est pas là ma mère elle aide mes sœurs dans leurs devoirs… » Quels sont tes loisirs ? « je n’ai pas beaucoup de loisirs, j’écoute de la musique à mes heures perdues ou bien je regarde la télé, parfois je joue au basket avec des copains c’est tout » Quels sont tes projets d’avenir ? « avoir mon Abitur et faire des études supérieures » Nous arrivons à la fin de notre entretien, as-tu quelque chose à ajouter ? « non » Je te remercie pour cet entretien 143