Identité et spiritualité de Foi et Joie au service de la mission
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Identité et spiritualité de Foi et Joie au service de la mission
Identité et spiritualité de Foi et Joie au service de la mission Document du XLII Congrès international Ce n'est pas par hasard que le premier mot de notre nom est le mot Foi : Foi et Joie. Mais foi en premier, comme raison et source de notre joie. (José María Vélaz : “Le chemin parcouru et la tâche à venir”, 1980.) Notre mission est de découvrir le Christ dans tous les hommes, surtout dans ceux qui sont le plus humiliés, de contribuer à ce que l'image du Seigneur resplendisse dans chaque cœur où Il l'a placée. Savoir Le voir dans tout affamé, tout ignorant, tout marginal, puisqu'Il est caché en nous tous comme dans des sanctuaires vivants. (José María Vélaz : "Foi et Joie, Caractéristiques principales et Instruments d'action”, 1981). “Dans notre perspective chrétienne, nous entendons la spiritualité comme l'expérience de la force de Dieu travaillant au sein de la personne qu'Il récrée dans sa propre vocation de transparence à l'être et à l'action de Dieu en Jésus. Cette expérience éveille et développe chez des hommes et des femmes leur conscience de sujets : elle les rend aptes à la mission en communauté et dans l'histoire pour que cette dernière ne soit une histoire ni de douleur ni d'injustice, ni d'exclusion ni de violence, mais celle du salut dans la justice, dans l'amour et dans la paix”. (“Éducation et promotion sociale communautaire” XXXVIIe Congrès international, 2006). I. IDENTITÉ DE FOI ET JOIE 1. Foi et Joie se définit comme “un mouvement d'éducation populaire et de promotion sociale, né et impulsé par le vécu de la foi chrétienne face à l'injustice, et qui s'investit dans le processus historique des secteurs populaires pour la construction d'une société juste et fraternelle”. 2. Cette définition exprime l'identité, c'est-à-dire la raison d'être et la mission de Foi et Joie. L'identité aide à comprendre qui nous sommes, d'où nous venons, quelles sont nos racines, où nous allons, quels sont les projets de vie que nous partageons. Au cours de ce Congrès, si nous abordons le thème de l'Identité et de la Spiritualité, ce n'est pas parce que celles-ci nous semblent actuellement en crise, ni parce que nous avons perdu notre chemin, ou que notre élan utopique s'est envolé. Il n'en est rien. Nous le faisons, en tant que mouvement, au titre de l'exigence de notre propre identité qui nous demande la révision permanente, la perpétuelle remise en question, pour vivre notre engagement auprès des plus défavorisés avec davantage de cohérence et de fidélité. 3. L'identité de Foi et Joie naît d'une foi devenue vie et engagement pour l'humanisation. Ce n'est pas une foi théorique, intimiste, tournant le dos aux besoins des individus. C'est une foi pour la mission, pour le service, une foi qui affirme la présence de Dieu en Jésus et qui veut L'accompagner dans son effort afin d'établir le projet du Père pour l'humanité. Voilà pourquoi il n'est pas possible de définir Foi et Joie comme une institution, mais comme un mouvement de ceux qui, indignés par la marginalisation et l'exclusion des grandes majorités, optent pour les plus pauvres et les plus exclus, pour que ceux-ci deviennent les sujets d'une vie digne et les agents de transformation des structures injustes de notre société. 4. Le nom exprime la raison d'être, l'identité : plus qu'une déclaration, c'est une communion. C'est ce qui nous unit dans la diversité et nous tient engagés dans le même projet d'humanisation. Je suis Foi et Joie. Foi en un Dieu, Père-Mère de tous les êtres humains, qui nous invite à la construction d'un monde de justice et de fraternité. Foi en toutes et en tous, foi dans la dignité de la personne humaine “parce que tous les êtres humains ont la 1 même dignité” , parce que cette dignité est absolue pour chacune et chacun d'entre nous et parce qu'en tant qu'êtres humains, nous la possédons tous. Cette dignité ne dépend de personne ni de rien. Elle ne peut ni croître ni diminuer. Elle est toujours la même pour 2 toutes et pour tous . Foi dans le fait que nous sommes tous enfants de Dieu et que les plus pauvres, les plus démunis et les plus exclus sont les préférés de Dieu. Foi en l'éducation et la communication populaire comme moyen fondamental pour que chacun puisse réaliser sa mission et contribuer à la transformation sociale. Foi, source d'une joie profonde, jaillissant de l'intérieur, partageant la joie pascale, la joie du ressuscité qui inonde les cœurs de paix et d'enthousiasme et nous envoie vers la mission. 5. En conséquence, l'identité de Foi et Joie se manifeste par la spiritualité incarnée dont elle est issue, qui s'efforce de témoigner, dans tout son travail et dans sa manière de procéder, de la mission et des valeurs qu'elle proclame. La spiritualité qui mise sur le plus démuni, qui compatit à la douleur d'autrui et qui s'engage pour transformer la réalité. La spiritualité qui suppose une conversion continuelle - puisque nous reconnaissons que nous sommes une boue fragile et faible, mais une boue aiguisée par l'Esprit -, pour faire toujours davantage nôtres le projet et la manière de vivre de Jésus. 6. À Foi et Joie, l'identité exige la spiritualité et la spiritualité l'identité : ce sont finalement les deux faces de la même pièce de monnaie, à tel point que nous pourrions affirmer que l'identité de Foi et Joie est une identité spirituelle, ou bien que la spiritualité est la racine de notre identité. La construction continuelle de l'identité. 7. 1 ldentité vient du latin “identitas“ qui signifie “soi-même”, “le même”. L'identité nous permet de nous comprendre en tant qu'êtres humains uniques puisqu'elle manifeste nos traits 3 caractéristiques et nous différencie des autres . L'identité se construit peu à peu, elle s'exprime dans l'évolution historique et exige une “fidélité créatrice” pour répondre aux changements de la réalité et des contextes. L'identité est une tâche toujours inachevée nous exigeant continuellement, à chaque changement de contexte, d'époque et de lieu, de revenir à nous-mêmes et à nos traits caractéristiques pour affirmer ces derniers et continuer d'être la même personne, sans être la même que celle que nous avons été dans d'autres contextes, époques et lieux. Dans l'histoire de Foi et Joie, nous pouvons signaler trois grandes étapes : 1) l'étape de fondation, 2) la recherche collective de l'identité culminant par la promulgation de notre Charte, et 3) la conformation de la Fédération Internationale, étape au cours de laquelle, les thèmes des Congrès internationaux ainsi que la socialisation de réflexions, d'expériences et de propositions, contribuèrent par leurs apports à la recréation permanente de l'identité. C'est au cours de l'étape de fondation que nous pouvons trouver les racines de notre identité qui sera enrichie des multiples apports d'une lecture de la réalité toujours changeante. Jacques Maritain. Intervention lors de la réunion convoquée par les Nations Unies afin d'élaborer un code éthique pour tous les peuples de la terre après la deuxième guerre mondiale. Cité par Francisco de Roux dans la communication “Fondements de Foi et Joie”, présentée lors du XLII Congrès international “Identité et spiritualité au service de la mission”. Bogota, le 11 novembre 2011. p. 4. 2 Francisco de Roux. Fondements de Foi et Joie. Communication lors du XLII Congrès international “L'identité et la spiritualité au service de la mission”. Bogota, le 11 novembre 2011. p. 4. 3 Rosana Navarro. “Identité, spiritualité et dialogue interreligieux”. Communication présentée lors du XLII Congrès international de Foi et Joie. Bogota, novembre 2011, p. 3. Racines de l'identité et de la spiritualité de Foi et Joie. 8. “Ni la naissance ni l'accroissement de Foi et Joie ne peuvent s'attribuer à la confiance 4 facile dans des chéquiers bien approvisionnés.” , mais plutôt à la réponse naturelle d'une 5 vision apostolique, animée par la compassion chrétienne, ainsi qu'à une réalité marquée par la misère, l'injustice et l'exclusion. Son fondateur, le Père José María Vélaz, tira sa foi et son engagement de la spiritualité ignacienne et hérita de la fermeté et du sceau des grands jésuites missionnaires. Il était précisément entré à la Compagnie de Jésus dans l'idée de partir missionnaire en Chine afin d'y poursuivre l'action héroïque de FrançoisXavier. Ses supérieurs décidèrent de l'envoyer au Venezuela où il canaliserait son énergie apostolique dans Foi et Joie et continuerait ainsi l'œuvre des grands jésuites missionnaires des Réductions des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles. 9. Le P. José María Vélaz était à l'époque chargé de l'accompagnement spirituel des jeunes de l'Université Catholique de Caracas récemment fondée. Comme la majorité des étudiants provenaient de familles aisées, il voulut leur faire connaître une autre Caracas : la ville marginale où survivaient péniblement des centaines de milliers de frères. Il voulait que ces jeunes puissent, au contact avec la pauvreté, se forger une profonde spiritualité évangélique, qui les conduirait à engager leur foi et leur vie au service des plus démunis. Il lui semblait inconcevable d'affirmer avoir la foi en Jésus-Christ et de vivre le dos tourné aux graves besoins des frères les plus pauvres. La foi, si elle est vraie, implique un don de soi. On ne peut croire en Dieu sans s'engager dans un service d'humanisation. 10. Le Père Vélaz et les jeunes universitaires faisaient le catéchisme dans les quartiers marginalisés de l'ouest de Caracas, préparaient à la première communion et réalisaient un travail de type "assistancialiste" tel que la distribution de sacs de vêtements et de nourriture ou de quelques jouets à Noël. Ils rentraient de ces activités apostoliques très secoués et fermement convaincus qu'ils devraient contribuer de façon plus efficace à soulager une misère si atroce. Leur foi les poussait à l'engagement : ils ne pouvaient pas rester les bras croisés face à une réalité si radicalement opposée aux plans de Dieu. Les besoins étaient nombreux : logement, santé, alimentation, vêtements, hygiène…, mais ils comprirent vite — grâce à l'aide immense d'un membre de la communauté de base, Abraham Reyes — qu'il faudrait attaquer toutes ces carences à leur racine, entreprendre un vaste mouvement d'éducation qui sauverait les majorités de l'exclusion d'opportunités d'éducation, racine de la servitude la plus profonde. Il ne fallait pas leur offrir le poisson, mais leur apprendre à pêcher. Il ne suffisait pas de faire l'aumône, qui maintient le pauvre dans son indigence, mais plutôt bien le former pour que celui-ci soit capable de se forger son propre avenir. 11. Abraham Reyes était un ouvrier peu instruit, dont la religiosité populaire se limitait à une dévotion très simple à la Vierge Marie ; il possédait une immense capacité de compassion et de service, d'engagement authentique pour sa communauté. Il rendit possible la naissance de Foi et Joie en offrant généreusement sa maison pour que la première école puisse y fonctionner. “Si je la garde pour moi — Abraham essayait de convaincre le P. Vélaz qui ne pouvait croire à tant de générosité —, ce sera la maison de mes huit enfants. 6 Mais si nous faisons une école, ce sera la maison de tous les enfants du quartier” . Abraham donna non seulement sa maison, mais se donna aussi lui-même en évangélisant le P. Vélaz et les jeunes universitaires : “combien les pauvres et ceux qui 7 souffrent vraiment nous évangélisent ! ”. Abraham raconterait plus tard à quel point Foi et Joie lui permit d'approfondir et de grandir dans sa religiosité : 4 José María Vélaz. Valeurs de Foi et Joie. 1978, cit. in Federación Fe y Alegría. Paroles de Foi et Joie. Phrases inspiratrices du Père José María Vélaz. Caracas. 2005, p. 48. 5 Nous entendons le terme de compassion dans son sens le plus profond de “souffrir avec” l'autre. 6 Antoine Pérez Esclarín. Moi, José María Vélaz. Caracas, 2010. p. 120. 7 CELAM. Document d'Aparecida. Ve Conférence générale de l'Épiscopat latino-américain et des Caraïbes. Aparecida, le 13-31 mai 2007. Document final présenté au Saint-Père pour sa publication. Paragraphe 257. Disponible sur Internet : <http://www.uc.cl/facteo/centromanuellarrain/download/doc_de_aparecida.pdf consulté le 29 décembre 2011. 8 9 12. “Je n'ai pas seulement donné ma maison, mais je me suis donné aussi moi-même, je me suis livré sans réserve pour collaborer et assister au catéchisme. J'allais au cours de catéchisme le samedi et j'ai appris à prier, à connaître Dieu. Quand on a préparé une autre Première Communion pour les enfants, je me suis faufilé en douce, et c'est comme ça que j'ai pu la faire, à l'âge adulte, en infiltré… ; depuis, je me sens très heureux. Je crois que quand l'homme se donne lui-même, c'est beaucoup plus que de donner des millions, des choses matérielles. Ce cœur ne pourra plus jamais s'aigrir, ni même dans la peine et l'adversité. Ce cœur est rempli de Dieu. Ce qu'il manque aux hommes, c'est l'esprit du don de soi. On reçoit plus quand on donne, quand on donne sa vie que quand on ne pense qu'à s'installer… J'ai commencé ma véritable formation chrétienne au catéchisme de Foi et Joie. Après, j'ai continué de me former et j'ai commencé à aller aux retraites spirituelles. La foi est une recherche continuelle de Dieu, qui finit seulement quand on meurt. Je suis rentré à la Légion de Marie, on m'a invité au diaconat permanent et j'ai accepté (…) Je sens Foi et Joie comme une œuvre de la Vierge. Je lui ai offert la maison que j'avais faite et elle l'a acceptée. Je récite le chapelet, les quinze mystères, tous les jours, et à chaque fois je prie pour Foi et Joie. Je lui dis : “Vierge très sainte, réjouis-toi parce que c'est ton œuvre”. Et je la remercie tous les jours parce que j'ai pu apporter mon grain de sable. Il y a quelque temps, j'ai passé une sorte de contrat avec la Vierge, parce que je traite la Vierge comme ma mère. Je lui ai dit : “Alors, je vais travailler dur à la Légion de Marie et toi à Foi et Joie”. Naturellement, Foi et Joie en est sorti 8 gagnant” . 13. De nombreuses années plus tard, les évêques latino-américains à Aparecida, poursuivant la voie ouverte à Medellín et approfondie à Puebla, reconnaîtront la grande valeur de la religiosité populaire en tant qu'espace de rencontre avec Jésus-Christ, racine de la spiritualité qui animait Abraham. “Le Saint-Père a mis l'accent sur la “profonde et riche religiosité populaire, au travers de laquelle apparaît l'âme des peuples latino-américains”, et il l'a présentée comme le “trésor précieux de l'Église catholique en Amérique latine”. Et il a demandé de la promouvoir et de la protéger. Cette manière d'exprimer la foi (…) “reflète une soif de Dieu que seuls les pauvres et les humbles peuvent connaître”. La "religion du peuple latino-américain est l'expression de la foi catholique. C'est un catholicisme populaire”, profondément inculturé, qui englobe la dimension la plus 9 précieuse de la culture latino-américaine” . 14. La vocation apostolique du Père Vélaz, l'inquiétude des étudiants de vivre leur foi de manière plus authentique et profonde, ainsi que la religiosité populaire, mariale, simple et pratique d'Abraham et de son épouse Patricia, rendirent Foi et Joie possible et tracèrent le chemin de son identité et de sa spiritualité : spiritualité incarnée dans la culture du peuple, pour la mission, pour le service, consacrée à suivre Jésus dans la générosité et la joie. 15. La spiritualité de l'insertion, issue de la spiritualité incarnée, conduisit de nombreuses religieuses, durant les années héroïques des débuts, à tout miser pour Foi et Joie. Foi et Joie permit à plusieurs d'entre elles de se rapprocher des quartiers pauvres et de vivre leur choix chrétien de service aux plus démunis. Avec Foi et Joie, un nombre croissant de religieuses commencèrent à vivre la même vie que celle des pauvres, partagèrent leur sort, leurs besoins, leurs problèmes et leurs valeurs. Elles furent, elles aussi, évangélisées par ces derniers, puisqu'ils les ont rapprochées de la manière de vivre de Jésus. Sans aucun doute, l'on ne peut concevoir le miracle de Foi et Joie sans l'apport des religieuses qui ont déployé un esprit d'engagement et de service, permettant ainsi à Foi et Joie de prendre solidement racine dans les quartiers et dans les endroits les plus abandonnés. Les religieuses furent à l'avant-garde de l'église évangélisatrice de Medellín et Puebla, prophétique et clairement engagée pour les plus pauvres, leur promotion humaine et la transformation sociale. Elles furent la main de Dieu pour nourrir et bénir le Antoine Pérez Esclarín. Racines de Foi et Joie. Témoignages. Caracas, 1999, p. 10. CELAM. Op. cit. Paragraphe 258. pauvre, dire un mot affectueux et attentif aux plus humbles, adresser un sourire lumineux et proche dans la douleur, de présence bienfaisante au sein du peuple marginalisé. Les religieuses, avec leurs différents charismes individuels et congrégationnels, leur proximité des gens, leur tendresse et sensibilité féminine ont aussi contribué à configurer l'identité et la spiritualité de Foi et Joie. Le P. Vélaz a toujours été extrêmement vigilant au respect pour la grande diversité de "charismes" des congrégations religieuses réunies dans le Mouvement. Il reconnaissait et respectait la “diversité de spiritualités”, et il considérait même cette diversité comme une grande richesse de Foi et Joie. Il fut résolument soutenu par les religieuses et sut reconnaître l'énorme valeur de la femme consacrée. Durant toute sa vie, il les considéra comme l'un des remparts essentiels de Foi et Joie : 10 16. “Sans les Religieuses, Foi et Joie serait dix fois moins important qu'il ne l'est actuellement. 10 L'efficience de la ‘personne consacrée' est irremplaçable” . “Foi et Joie a récolté le succès, et celui-ci se base sur le sacrifice de nombreuses personnes totalement 11 consacrées” . “La consécration religieuse, dont le premier pas a été l'engagement de la vie tout entière, explique la majeure et la meilleure partie des réalisations pour l'éducation 12 populaire que nous ayons pu réaliser” . 17. Pour Foi et Joie, Jésus a aussi appelé de nombreux collaborateurs laïques, non seulement pour une grande entreprise éducative, mais aussi pour la découverte de la joie dans le service et l'engagement auprès des plus démunis. De nombreuses laïques et laïcs acceptèrent l'invitation de Foi et Joie, et ont tout donné pour se livrer avec enthousiasme à cette mission éducative et évangélisatrice, en s'engageant pour l'éducation populaire. Et cela, malgré le fait que, très souvent, leurs salaires étaient bien inférieurs à ceux de leurs collègues de l'éducation officielle et qu'au début, ils ne bénéficiaient d'aucun type de protection sociale. Aujourd'hui, Foi et Joie est essentiellement un mouvement laïque, où convergent différentes spiritualités partageant l'option pour les plus pauvres, pour la transformation sociale et pour la construction d'un monde plus humain, juste et fraternel. 18. Les racines de l'identité de Foi et Joie sont multiples : l'Évangile, l'esprit apostolique du Père Vélaz, la spiritualité populaire et la générosité sans limites d'Abraham Reyes et de son épouse Patricia (ainsi que celle d'autres “Abraham et Patricia” dans différents pays), 13 “l'expérience fondatrice” de la rencontre du Père Vélaz et d'Abraham dans les quartiers marginaux de Caracas, qui leur a permis de devenir les "témoins" d'une mission partagée, le volontariat des jeunes universitaires, la délicatesse féminine et généreuse des religieuses, l'engagement de nombreuses laïques et laïcs qui, dans tous les pays où s'est implanté Foi et Joie, ont trouvé la voie leur permettant de suivre Jésus et de développer leur vocation de service et d'engagement auprès des plus déshérités et marginalisés. 19. Née de la rencontre personnelle de nos fondateurs — ainsi que celle de nombreux membres du mouvement — avec Jésus-Christ, cette spiritualité devient “l'expérience fondatrice”. Elle va continuer d'éclairer l'exploration, le discernement et les options de Foi et Joie et s'achève par la promulgation consensuelle de la Charte (1984-85). Cette dernière définit Foi et Joie comme “un Mouvement d'Éducation populaire qui, né et poussé par l'expérience de la Foi chrétienne face à des situations d'injustice, s'engage dans le processus historique des secteurs populaires pour la construction d'une société 14 juste et fraternelle” . ‘Dire "des expériences fondatrices" signifie parler de ce type José María Vélaz. Paroles de Foi et Joie. Citations inspiratrices du Père José María Vélaz, Caracas, 2005, p.49. “Programme indicatif de matériel de dialogue et d'étude pour la Rencontre des directeurs nationaux de Foi et Joie en Équateur”, 1978. 11 José María Vélaz. Op. cit., p.47. “Foi et Joie après onze ans de travail”, 1966. 12 José María Vélaz. Op cit., p.48. “Foi et Joie, réseau de relations humaines”, s.d. 13 Ernesto Cavassa. “La spiritualité ignacienne illumine la spiritualité de Foi et Joie”. Communication présentée au XLII Congrès international de Foi et Joie. Bogota, novembre 2011. p. 5. 14 Fédération internationale Foi et Joie. Pensée de Foi et Joie. Documents des Congrès internationaux. “La Pédagogie de l'Éducation populaire à Foi et Joie”. XXXIIIe Congrès international (2002). Saint-Domingue, 2008, p. 11. particulier d'expériences générant une nouvelle manière de vivre, de sentir et de penser. Ce sont des expériences fondamentales, qui marquent non seulement la vie d'une personne, mais aussi celle d'un collectif”. L'expérience fondatrice est une expérience incarnée transformant ceux qui la connaissent en témoins qui devront la partager avec les 15 autres et la faire grandir . 15 20. Les Congrès ultérieurs reprendront les réflexions, les recherches, les expériences, les pratiques et la pensée collective de Foi et Joie en tant que Fédération internationale. Peu à peu, ils les clarifieront tout en actualisant et en signalant des pistes de concrétion et de recréation de l'identité. Cette dernière apparaît toujours liée à l'expérience d'une spiritualité revêtant différents caractères : une spiritualité incarnée dans la vie et dans l'histoire ; une spiritualité solidaire avec le plus pauvre, le plus exclu et marginalisé ; une spiritualité de l'amour pratique et efficace, qui trouve Dieu dans le frère, se donne à lui et le sert avec joie ; une spiritualité apostolique orientée vers la mission, qui lui permet de donner un sens à l'histoire et de la transformer ; une spiritualité prophétique, politique et libératrice, qui dénonce et combat toute espèce de domination, de discrimination, d'exploitation ou de violence et qui cherche la transformation sociale et la construction du Royaume ; une spiritualité engagée pour la défense de la vie, de toute vie, et particulièrement de celle du plus faible ; une spiritualité écologique qui considère la terre comme la mère universelle et foyer commun de tous les êtres ; une spiritualité mariale, féminine, maternelle, qui revendique la tendresse, la chaleur et la grande valeur de la femme dans l'Histoire du Salut ; une spiritualité inculturée et interculturelle, plurielle et respectueuse des autres cultures et des autres chemins pour trouver Dieu ; une spiritualité de la prière et du discernement, qui cherche toujours à faire la volonté de Dieu ; une spiritualité contemplative dans l'action, qui trouve Dieu en tout et dans toute la vie ; une spiritualité de fête et de célébration de la rencontre avec la communauté de foi et avec son Créateur ; une spiritualité de l'espérance et de la joie, qui surmonte les présages de mort qui l'entourent et croit au triomphe de la vie sur la mort et de l'amour sur le manque d'affection. Parmi les nombreux textes témoignant de ces caractéristiques de la spiritualité institutionnelle, nous allons seulement en sélectionner un qui reflète avec clarté et transparence la racine spirituelle de notre identité : 21. “Foi, c'est notre nom et foi, c'est le fondement de notre identité. Foi que nous avons reçue de la générosité de Dieu le Père, qui nous invite à suivre Jésus et à construire le Royaume. Foi qui nous apprend à voir nos frères avec les yeux de Dieu Lui-même et qui nous mobilise pour la miséricorde et le service (…). Foi qui nous exige de rester aux côtés de ceux qui se voient atteints dans leur condition humaine et qui manquent d'opportunités du fait d'un système excluant, oppresseur, inéquitable, pour les accompagner dans de nouveaux exodes vers la délivrance et la vie (…). Pour nous, la spiritualité est la réponse à la foi en un Dieu qui s'est révélé à nous en Jésus et qui nous invite à le suivre comme moyen d'atteindre la plénitude humaine. Jésus est venu nous apprendre comment être pleinement des hommes et des femmes (…). Suivre Jésus implique la poursuite de sa mission en s'opposant au pouvoir oppressif et en promouvant le pouvoir qui aide, qui fait grandir, le pouvoir de service (…) L'option pour les pauvres et les démunis, c'est à Foi et Joie le don de l'esprit de Jésus pour annoncer la Bonne Nouvelle et pour dénoncer les situations d'injustice. La solidarité n'est pas seulement compassion, mais aussi action. 16 C'est un service, une aide efficace” . 22. “Sans spiritualité, on ne peut pas comprendre l'histoire de Foi et Joie, on ne pourra pas 17 non plus comprendre son avenir” , affirme Benjamin González Buelta, se livrant à une Ernesto Cavassa. Op. cit., p. 7 et 11. Fédération internationale Foi et Joie. Op. cit. p. 225 et 233. 17 En 2002, Benjamin González Buelta a écrit l'une des brochures du Programme de Formation d'Éducateurs populaires de la Fédération internationale de Foi et de Joie “ Spiritualité : là où finit l'asphalte”. Nous pensons que cette brochure continue d'être une source très riche dont nous pouvons nourrir notre identité et notre spiritualité comme membres de Foi et Joie, cf. Benjamin González Buelta. Spiritualité : là où finit l'asphalte. Collection Programme internationale des Éducateurs populaires, N. 3. Caracas, 2002, p. 11. 16 fine description à la fois poétique et magistrale de la profonde spiritualité de Foi et Joie. Spiritualité fortement enracinée en Jésus, créatrice de communautés de service, de célébration et de prière, capable de dépasser la simple tolérance et le fondamentalisme afin de promouvoir “le respect religieux. Le respect tient compte des différences, les considère avec intérêt et les accueille pour entamer un dialogue avec elles. C'est d'un véritable dialogue que peut surgir la croissance pour tous. Aucune personne ne nous est étrangère, parce qu'au fond de chacune brûle le feu du même Esprit, du seul Dieu Père 18 créateur de tous” . 23. C'est non seulement à la lumière de ces idées et de ces expériences, mais aussi à celle de riches réflexions et de propositions recueillies au fil de l'histoire de Foi et Joie, que nous pourrions considérer comme traits majeurs de notre identité, entre autres : l'affirmation essentielle de la dignité inaliénable de toute personne ; l'indignation face à l'injustice et l'engagement pour la combattre ; l'extrémisme dans le service et le don de soi, l'option pour les pauvres et les démunis qui doit conduire Foi et Joie à être présent sur les nouvelles scènes d'exclusion et aux limites des frontières ; l'audace, l'optimisme et la créativité pour chercher des moyens toujours plus efficaces ; l'austérité et la simplicité dans notre manière d'être et d'agir ; l'option pour l'éducation et la communication populaires comme proposition éthique, politique et pédagogique pour la transformation ; l'expérience d'une foi incarnée et engagée dans la construction d'une nouvelle société ; la foi dans le peuple simple et pauvre ; le respect des charismes et des spiritualités différentes réfléchissant le Dieu de Miséricorde et d'Amour ; la révision continuelle de nos pratiques ; la formation permanente, le sens de la mobilisation par le dialogue et l’alliance avec des groupes et des institutions engagées pour la transformation sociale. II. SUIVRE JÉSUS AUJOURD'HUI 24. Si nous répétons que la spiritualité de Foi et Joie consiste à suivre Jésus, nous devons commencer par nous demander qui est réellement Jésus pour nous, ce que signifie suivre Jésus aujourd'hui, en plein XXIe siècle. Cela afin d'éviter qu'il ne nous arrive, comme aux 19 disciples d'Emmaüs , de ne pas le reconnaître alors qu'ils marchaient à ses côtés. Ils regrettaient le Jésus de leurs rêves et de leur imagination, le Jésus Messie Glorieux qu'ils s'étaient inventé, et non pas le Jésus réel, le Jésus vraiment vivant, c'est-à-dire celui qui avait vaincu la mort parce qu'il avait été capable d'assumer radicalement et avec une intégrité totale sa mission de fils et de frère. Nous courons nous aussi le risque de ne reconnaître ni de suivre le véritable Jésus, mais plutôt le Jésus d'une foi dont nous avons hérité et que nous avons assumée comme simple respect de certaines pratiques religieuses, une foi accommodante, qui ne suppose ni d'option personnelle ni de changement de vie radical. ll peut nous arriver aussi ce qui s'est produit pour Pierre à 20 Césarée de Philippe et qui se produit pour tous ceux qui, au lieu de suivre Jésus, veulent que Jésus les suive : au lieu de vivre sur le modèle de Jésus, tentent d'utiliser Jésus pour justifier leur manière de vivre. Un monde qui doit être transformé. 25. 18 Il est très important pour nous de lire la réalité des temps actuels à la lumière de l'Évangile et avec les yeux et le cœur de Dieu. Nous serons ainsi fidèles et efficaces à la suite du Jésus vivant, qui continue de marcher à nos côtés et nous convie à la profonde conversion du cœur, à un changement radical de valeurs et de vie, à poursuivre sa mission de construction d'un monde d'enfants de Dieu dans lequel nous vivons tous comme des frères. Ibidem, p. 19. Lucas 24,13 et ss. 20 Mathieu 16, 21-23 19 21 22 26. Si nous l'observons avec les yeux miséricordieux du Père, nous constatons que le monde s'oppose radicalement au projet de Dieu. Le 10 décembre 1948, alors que ce monde était encore secoué par l'horreur des camps d'extermination nazie et la barbarie de la deuxième guerre mondiale ayant laissé des villes entières en décombres et montré le pouvoir destructeur des armes nucléaires, une centaine de pays réunis à Paris ont signé la Déclaration universelle des droits de l'homme : “Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits’. Aujourd'hui, 63 ans après cette signature solennelle, l'on peut voir à quel point est piétinée la dignité de foules de personnes et combien continuent à régner l'injustice et l'inégalité : 20 % de la population mondiale accapare et consomme 80 % des ressources disponibles de la planète. L'Amérique latine, appartenant au continent le plus chrétien, est celui où il existe les plus grandes iniquités. C'est ce que les évêques avaient déjà dénoncé avec courage à Medellín et ce qu'ils ont entériné à Aparecida, en nous exhortant à vivre la foi comme un engagement de justice et de fraternité pour transformer cette réalité d'injustice et d'iniquité. 27. Actuellement, des masses de plus en plus nombreuses se voient nier non seulement toute possibilité de vivre dignement, mais tout simplement celle de vivre. Des populations pauvres, marginalisées et exclues sont perçues comme des “populations en trop”. N'ayant pas de travail, elles n'ont même plus le "privilège", d'être exploitées. Nous avons en effet découvert qu'il y a quelque chose de bien pire que le fait d'être exploité : c'est celui de ne 21 pas être exploitable” . Outre les nombreuses formes "légales" d'exploitation, c'est ainsi que s'accroissent tous les jours les économies souterraines de la mafia, la séquestration, la prostitution d'adultes et d'enfants, la pornographie, le trafic d'êtres humains, d'armes, de drogues, d'organes. Un million d'enfants entrent dans l'enfer de l'esclavage sexuel chaque année. Dans les vingt dernières années, nous sommes passés de 23 à plus de 400 millions d'enfants vivant du vol, de l'aumône, se prostituant dans les rues, obligés de mendier, recrutés de force comme soldats et contraints à combattre et à tuer. Les autres sont assassinés pour pourvoir le marché noir du trafic d'organes, ou bien sont exposés à la mort dans des mines ou des maquilas. 28. Nous acceptons sans mot dire qu'aux fins publicitaires d'une marque de chaussures, un sportif célèbre gagne en un mois plus que ce que gagneraient durant toute leur vie les milliers d'ouvriers qui les fabriquent dans le néo-esclavagisme des maquilas. 29. Nous voyons des millions de personnes vivre dans des logements insalubres, alors que près des aéroports des villes les plus importantes du monde, il existe des hôtels de luxe pour chiens, chats et mascottes des plus extravagantes, où les chambres peuvent atteindre le prix astronomique de 170 dollars la nuit. Alors qu'une vache européenne reçoit une subvention de trois dollars par jour, mille deux cents millions de personnes dans le monde doivent vivre avec moins d'un dollar par jour. 30. Selon l'ONU , un enfant meurt de faim toutes les trois secondes, mille deux cents toutes les heures. La faim tue quotidiennement autant que la bombe nucléaire d'Hiroshima. Si l'humanité se le proposait sérieusement, la faim pourrait être aujourd'hui facilement combattue. L'Organisation des Nations Unies pour l'Agriculture et l'Alimentation (FAO) affirme que l'agriculture moderne possède aujourd'hui la capacité de nourrir douze milliards de personnes, presque le double de la population mondiale actuelle. Cependant, toutes les campagnes et propositions visant au soulagement de la pauvreté et la misère dans le monde ont échoué lamentablement parce qu'il n'existe pas de volonté politique, parce que nous avons perdu toute sensibilité, toute compassion et toute miséricorde. D'après l'ONU, 1 % des sommes consacrées par les gouvernements à enrayer la récente crise bancaire suffirait à éradiquer la faim dans le monde aujourd'hui même. “L'ordre mondial n'est pas seulement un assassin, mais aussi une absurdité, car il tue sans 22 Viviam Forrester. L'horreur économique. Fayard. 1966. Antoine Pérez Esclarín. Éducation intégrale de qualité. San Pablo, Caracas, 2011, p. 83. nécessité : aujourd'hui la fatalité n'existe plus. De nos jours, un enfant qui meurt de faim 23 est un enfant assassiné ." 31. On s'habitue de plus en plus à considérer comme normal ce monde complètement anormal. On ne s'indigne pas de voir des mendiants aux feux rouges ou fouiller dans les ordures, des émigrants qui meurent avant d'avoir atteint la terre dont ils rêvaient, des enfants vivant et grandissant dans la rue, sans foyer, sans école, sans affection, sans lendemain. 32. Des populations entières meurent tenaillées par la faim, du sida, ou de toute autre maladie due à la misère : diarrhée, tuberculose, choléra, malaria, pneumonie, dengue… aujourd'hui facilement curables si l'humanité en décidait ainsi. En attendant, un quart des scientifiques du monde se consacrent à la recherche militaire et rares sont ceux qui s'occupent de trouver des remèdes contre des maladies comme le sida qui décime certains des plus pauvres pays d'Afrique. Une balle coûte aussi cher qu'un verre de lait, pourtant plus les balles abondent, plus le lait manque. 33. On ne fait rien pour empêcher que la dépense militaire mondiale atteigne plus d'un milliard de dollars par an, selon l'ONU. La dépense militaire augmente et la misère aussi. La fabrication d'armes est l'industrie la plus prospère à niveau mondial, suivie du trafic de stupéfiants, qui brasse par an environ 500 milliards de dollars. Le prix d'un tank moderne équivaut au budget annuel de l'Organisation des Nations Unies pour l'Agriculture et l'Alimentation. Avec la valeur d'un avion de chasse supersonique, 40 000 services de consultation de santé pourraient entrer en fonctionnement. L'entraînement d'un soldat de guerre coûte par an 64 fois plus cher que d'élever un enfant en âge scolaire. 34. On ne veut pas entendre la clameur de notre planète. Air, mers et rivières sont blessés à mort. La terre languit et se rebelle face à tant de violence et tant de mauvais traitement. 7.7 % de la population émet 50 % des gaz responsables du changement climatique. Le trou dans la couche d'ozone atteint déjà la grandeur de toute Europe. La moitié des bois humides ayant recouvert la terre autrefois ont disparu. Aujourd'hui, comme tous les autres jours de l'année, cinquante mille hectares de bois humide disparaîtront. On en dévaste tous les jours une surface équivalant à environ 600 stades de football. 35. Ces données, ainsi que toutes celles que nous pourrions ajouter, expriment de façon éloquente la déshumanisation de notre monde, donc la nécessité de le changer. À la misère épouvantable et brutale de milliards de personnes, il faudrait ajouter la nouvelle misère humaine et spirituelle des nantis. Devant vivre et mourir dans des conditions inhumaines, des milliards de personnes se déshumanisent ; les autres se déshumanisent du fait de leur insensibilité face à la misère et à la douleur d'autrui. Par action ou par omission, nous nous détruisons nous-mêmes. Nous faisons tous partie de ce qui s'est passé et de ce qui se passe. Nous sommes tous responsables. Appelés à être “levain dans la pâte” et “sel de la terre”. 36. 23 À Foi et Joie, nous ne nous résignons pas à accepter ce monde inhumain. Nous ne voulons permettre ni à l'indifférence ni à l'embourgeoisement de s'installer en nous. Nous souhaitons être attentifs à toute cette réalité qui nous indigne, et que notre profonde indignation soit le point de départ de la réaffirmation de notre engagement et du don quotidien de nos vies à la cause des marginalisés et des exclus. Dans notre espérance chrétienne, nous sommes convaincus qu'il est possible de vaincre la mort grâce à la vie. Même si la postmodernité relativise toutes les valeurs et nie tous les principes et absolus, nous affirmons “que oui il existe un absolu, un absolu que nous partageons tous, toutes les femmes et tous les hommes, et tous les peuples. Cet absolu est la dignité humaine. La dignité absolue qui se trouve en chacun de nous, tout simplement parce que nous sommes des êtres humains. Dignité absolue parce que la dignité ne peut pas croître. C'est toujours la même pour tout le monde. La dignité qui nous place tous dans les Discours de Jean Ziegler (ex-porte-parole de l'ONU pour le Droit à l'Alimentation) devant les Chefs d'État dans le cadre de la 5e séance du Conseil des Droits humains, réalisé à Genève du 11 juin au 18 juin 2007. mêmes conditions face aux lois. Cette dignité ne peut pas non plus diminuer. C'est pour cette raison que nous voulons vivre la dignité, célébrer la dignité, partager la dignité, protéger la dignité, accueillir les autres dans notre horizon de dignité partagée. C'est pour cela que nous éduquons : pour permettre à toutes et à tous de comprendre la profondeur de la dignité humaine, de pouvoir la vivre, de nous en approprier comme source de force constructive et de caractère, et de la partager. 37. La modernité a fait que le respect de la dignité soit subordonné à la civilisation des marchés capitalistes dans le cadre desquels la dignité est confondue avec d'une part, la liberté de consommer cherchant à satisfaire au maximum des besoins de bonheur, et d'autre part, la liberté de l'entrepreneur cherchant à satisfaire au maximum son ambition d'accumuler. L'iniquité prévaut et l'exclusion est renforcée. 38. De plus, en tant que disciples de Jésus, nous affirmons que notre dignité acquiert en Lui toute sa valeur ; une valeur absolue parce que chacun d'entre nous est aimé d'un amour incessant et incité à construire dans l'amour le bonheur des autres, sans crainte. Pour cela, l'expérience de Jésus, tout en affirmant la profondeur de la dignité humaine, libère celle-ci de tout égoïsme, de tout excès d'orgueil, de toute quête de reconnaissance ou de récompenses. Elle la situe dans le fait que nous sommes aimés sans condition et entraînés dans la dynamique de l'amour des autres sans rien attendre en retour, si ce n'est la joie que donne le don de soi aux autres. Elle la place aussi dans un amour qui 24 devient célébration de la dignité de tous" . 39. Pour la première fois dans l'histoire, le développement scientifique et technologique nous permet de créer des conditions permettant à chacun d'exprimer sa dignité. C'est pour cette raison qu'à Foi et Joie nous nous accrochons fortement à l'espoir engagé et continuons de travailler avec fermeté et illusion à la construction d'une nouvelle humanité se rapprochant du Royaume de Dieu. Nous croyons que Dieu est dans ce monde et dans notre histoire et qu'il agit en nous, nous invitant à l'action. C'est ainsi que nous assumons les grands principes de la modernité qui, sous l'impulsion de la raison et de la science, a été orientée vers la recherche de progrès et de bien-être pour tous. Mais nous lisons ces principes à partir des valeurs positives de la postmodernité : en unissant raison et cœur, individu et communauté, science et conscience, pain et fleurs, travail et fête, engagement pour l'avenir et expérience du présent, sacrifice et soin du corps, spiritualité et vie matérielle, méditation et engagement, foi et justice, affirmation de soi et respect d'autrui, grands récits et petites histoires, progrès et écologie, valoriser la vie comme un don, le mystère, les petites libérations quotidiennes, ce qui est féminin, différent, symbolique, esthétique. Il s'agit de récupérer le sens de fête sans renoncer à l'engagement, vivre maintenant sans renoncer à construire l'avenir, jouir de son corps sans le commercialiser ni le dégrader, chercher l'efficience sans renoncer à la gratuité, reconnaître les différences sans renoncer à l'égalité. Nous sommes différents par accident, mais tous essentiellement égaux parce que nous avons tous la même dignité humaine. III. SPIRITUALITÉ CHRÉTIENNE. Une spiritualité dualiste. 40. 24 25 Benjamin Gonzalez Buelta considère la spiritualité comme un “mot dangereux” . Il est très possible que "si on le recherche sur internet, il apparaisse lié aux 'esprits', auxquels l'on peut accéder à travers des rituels et des techniques pour obtenir des faveurs déterminées. Dans les rayonnages des librairies, il existe des livres de spiritualité chrétienne parmi d'autres livres traitant de guérisons, de techniques de développement personnel ainsi que des recueils d'ésotérisme de provenance parfois douteuse. José Francisco de Roux. “Fondements de Foi et Joie”. Communication présentée au XLII Congrès international de Foi et Joie. Bogotá, No 2011. p. 4 à 6. 25 Benjamin González Buelta. Op. cit. p. 11. María Castillo n'a pas tout à fait tort de dire que la spiritualité est un concept pauvre et 26 appauvri” . D'où le besoin urgent de clarifier la signification de la spiritualité chrétienne authentique. 41. Malheureusement, nombreux sont encore celles et ceux qui se trouvent coincés dans une conception dualiste opposant corps et âme, esprit et matière, spiritualité et vie quotidienne. Dans l'usage courant de la langue, le mot spirituel est employé pour définir ce qui est opposé à matériel, corporel, temporel. Un être spirituel apparaît donc comme quelqu'un qui cherche à s'évader de la réalité, à renoncer au plaisir et à la jouissance de la vie et du corps. Les personnes spirituelles sont perçues comme s'occupant de choses "divines", de la prière, d'activités religieuses, qui passent leur temps à l'église et au culte, qui se préoccupent fondamentalement du salut de leur âme, qui considèrent que les problèmes sont des châtiments de Dieu. Il en résulte que si l'on dit qu'une personne est très spirituelle, d'aucuns pensent à une personne qui participe aux activités religieuses, qui semble vivre dans l'au-delà, s'inquiétant peu de la vie quotidienne et des problèmes de ce monde. Dans cette conception lamentablement très répandue, la spiritualité n'a pas grand-chose à voir avec les activités quotidiennes telles que travailler, apprendre, gouverner, avoir une vie familiale, une sexualité, éduquer des enfants, faire de la politique, de la pédagogie, s'amuser, avoir des loisirs. Tout cela est considéré comme des choses "mondaines", qui n'ont que très peu ou rien à voir avec ce qui est spirituel. 42. Ces concepts d'esprit et de spiritualité comme des réalités s'opposant à des réalités matérielles, corporelles, quotidiennes, proviennent de la culture grecque que nous avons naturellement assimilée et qui a conditionné toute notre vision du spirituel et de notre pastorale. Pour suivre la bonne voie, il faut suivre le conseil de Lao Tse “ne trace pas de ligne entre ce qui est spirituel et ce qui ne l'est pas. Si tu sépares ta vie spirituelle de ta 27 vie ordinaire, tu ne seras pas sur le Sentier” . Une spiritualité chrétienne intégrée et intégratrice. 26 43. Pour la pensée biblique, l'esprit ne s'oppose pas à la matière, ni au corps, mais plutôt à la méchanceté (à la destruction) ; à la chair et la mort (à la fragilité de ce qui est destiné à mourir) ; à la loi (l'imposition, la peur, le châtiment). En hébreu, l'esprit, ruah, signifie vent, souffle, haleine. L'esprit est comme le vent : léger, puissant, irrésistible, imprévisible… C'est comme l'haleine de la respiration : celui qui respire est vivant ! L'esprit n'est pas une autre vie, mais le meilleur de la vie, ce qui donne de la vigueur, soutient et donne une impulsion à la vie. Dans ce contexte sémantique, esprit signifie vie, construction, force, action, liberté. “Tout être humain, indépendamment de sa culture, confession religieuse et condition sociale, du seul fait de son humanité, possède la sensibilité lui permettant d'identifier et de suivre ce qui fait partie de son essence en tant qu'envie, vigueur, courage, esprit, et qui l'invite et l'appelle à vivre. En d'autres termes, tout être humain possède une vie spirituelle, une spiritualité qui, du fait de sa condition de totalité, ne peut pas se séparer de sa corporalité. C'est une spiritualité qui le met en 28 relation avec le monde, avec les autres et qui lui propose l'ouverture à Dieu" . "Nous croyons que l'esprit humain de toutes les personnes est ouvert à la rencontre et au dialogue personnalisé avec Dieu… dans le christianisme cette expérience de transcendance est liée à la relation avec un Dieu révélé par Jésus de Nazareth comme 29 Père unique de nombreux frères" . 44. L'esprit n'est pas quelque chose qui se trouve en dehors de la matière, en dehors du corps, ou de la réalité, mais quelque chose qui est à l'intérieur, qui habite la matière, le corps, la réalité et leur donne vie. Il leur permet d'être ce qu'ils sont ; il les remplit de force, les meut, les pousse ; il les propulse vers la croissance et la créativité en une impétuosité Ernesto Cavassa. Op. cit., p. 3. Lao Tse. Tao Te King. VIe siècle av. J.-C. cité dans Rosana Navarro. Op. cit. p. 5. 28 Rosana Navarro. Op. cit. p. 5 et 6. 29 Benjamin González Buelta, cité dans Ernesto Cavassa. Op. cit. p. 4. 27 30 de liberté . Vivre en contact avec l'Esprit de Dieu “ne conduit pas à une spiritualité faisant abstraction des sens, tournée vers l'intérieur, à une inimitié du corps, écartée du monde, 31 mais à une nouvelle vitalité de l'amour de la vie” . Par conséquent, une spiritualité qui nous met en rapport avec l'Esprit de Dieu est une spiritualité au regard profond et contemplatif, capable de voir avec miséricorde les visages douloureux des frères. C'est une spiritualité aux mains d'accoucheuse de la vie, toujours tendues vers le démuni ; aux pieds solidaires, capables de “devenir le prochain” de celui qui a été frappé et blessé ; aux oreilles ouvertes, attentives aux cris de douleur et aux chants d'allégresse de notre monde ; à la bouche prophétique qui dénonce et annonce que le Royaume est déjà parmi nous, même si ce n'est pas dans sa plénitude, et qui permet de sentir et de goûter la présence de Dieu parmi nous ; aux entrailles de miséricorde fécondée par la vie ; au cœur passionné, battant à chaque respiration. Une spiritualité au corps sexué, qui devient rencontre non discriminatoire, qui devient peau dont les limites embrassent non seulement les petites frontières du moi, mais le monde entier et le cosmos qu'elle 32 reconnaît comme corps de Dieu . 45. Par conséquent, la spiritualité ne sert pas à fuir la réalité, mais à y plonger pour tenter de l'humaniser. La spiritualité ne nie pas la vie, mais lui donne un véritable sens à partir de sa relation à elle-même, aux autres, à la nature et à Dieu. Spiritualité est communion avec Dieu, avec les frères et avec la nature. La spiritualité est axée sur le Royaume de Dieu, elle se nourrit d'un Dieu qui ne cherche et ne veut qu'une humanité plus juste et plus heureuse. Elle a pour centre et tâche décisive de construire une vie plus humaine. Aspirer au ciel, c'est travailler sur terre. Être spirituel, c'est établir un lien entre le ciel et la terre. 46. La Pentecôte fut précisément cela, l'arrivée de l'Esprit se manifestant par la force et le feu, par le don des langues permettant à tous de se comprendre malgré les différences ; comme l'ouragan irrésistible, transformant les apôtres – tellement craintifs qu'ils s'étaient barricadés - en témoins vaillants, pleins d'ardeur et de créativité. Ils partirent proclamer avec courage et conviction Jésus Ressuscité, comme le grain de blé mort pour donner la 33 vie, "l'Homme qui venait de Dieu” . L'esprit les remplit de courage, convertit leur cœur apeuré, leur permit de vaincre la peur et la mort, les changea en communauté missionnaire, partie annoncer au monde entier Jésus Christ Ressuscité. 47. À Foi et Joie nous croyons, avec Teilhard de Chardin, que “c'est Dieu qui anime vraiment la recherche de tout ce qui soulage et de tout ce qui guérit. Plus nous combattons la souffrance, de tout notre cœur et de toutes nos forces, plus nous nous rallions au cœur et 34 à l'action de Dieu” . En conséquence, nous assumons une spiritualité au service d'une vie plus digne et plus heureuse pour tous, qui invite à la conversion et la transformation, qui invite à vivre en faisant le bien, en soignant la douleur et la peur, en construisant un monde plus humain et par conséquent plus divin. 48. 30 Cette conception de la spiritualité doit nous aider à aiguiser notre regard afin de découvrir la présence de Dieu parmi nous, de découvrir la riche spiritualité d'un grand nombre de personnes et de groupes de droits de l'homme, d'associations contre la discrimination, d'organisations paysannes et indigènes, d'organisations non gouvernementales, de groupes féministes ou écologiques et d'autres religions… Ceux-ci appartenant peut-être à une église ou une religion différente de la nôtre ne se résignent pas à accepter comme seul possible le monde dans lequel nous vivons et travaillent sans relâche, de façon de plus en plus articulée, pour un “autre monde possible”. Ils construisent la paix et Pedro Casaldáliga - José María Vigil. Spiritualité de la libération, Sal Terrae. Santander. 1992. T. Goffi. Problèmes et perspectives de spiritualité. Sígueme. Salamanque. 1986, p. 401. Voir Jürgen Moltman. Contemplation, mystique et martyre. Voir aussi J. Moltman, L'esprit de la vie. Sígueme. Salamanque. 1998 32 S. Mcfague. Modèles de Dieu. Théologie pour une ère écologique et nucléaire. Sal Terrae. Santander. 1991. p. 126 et suiv. 33 J. Moingt. L'homme qui venait de Dieu (deux tomes). Desclée de Brower. Bilbao. 1995. 34 Ismael Bárcenas, S.J. Spiritualité à des époques de violence et de peur. www.feadulta.com/z_pps_33_espiritualidad.pps <http : //www.feadulta.com/z_pps_33_espiritualidad.pps> 31 pérégrinent avec leurs frères et sœurs à la rencontre de Dieu. Ce pèlerinage commun, même s'il emprunte des chemins et des sentiers différents, devient une grande opportunité de dialogue respectueux et d'approche commune du Mystère de Dieu 35 qu'aucune religion ne peut totalement embrasser . IV. LA SPIRITUALITÉ DE FOI ET JOIE 49. Nous allons maintenant dresser une ébauche rapide des neuf caractéristiques principales de la spiritualité de Foi et Joie. Ces dernières sont intimement liées non seulement à la spiritualité chrétienne intégrée et intégratrice précédemment développée, mais aussi à l'histoire et à l'identité du Mouvement, dont les différentes racines ont été synthétisées dans la première partie de ce document. 1. Spiritualité incarnée dans la réalité du plus pauvre et du plus démuni. 50. La spiritualité de Foi et Joie est une spiritualité incarnée dans la réalité du pauvre et du démuni ; elle assume chaque action et chaque événement avec lui comme l'occasion d'une rencontre avec Dieu et de célébration de son amour. Il s'agit de devenir le 36 prochain de celui qui est abattu, faible, malade, méprisé, dont nous nous sentons éloignés. Aider à descendre de la croix ceux qui y sont crucifiés aujourd'hui du fait de l'injustice, l'oppression, la violence, la misère, la solitude et l'abandon. Ce sont les bienheureux, les préférés d'un Dieu qui est amour. Nous accomplissons ainsi notre 37 mission d'annoncer “la bonne nouvelle du Royaume aux pauvres” . 51. Cela implique de réaffirmer et de maintenir l'option de Foi et Joie pour les pauvres, en étendant ce concept à l'ensemble des individus et des groupes subissant tout type de discrimination ou d'exclusion, tels que les indigènes, les groupes d'afro-descendants, les émigrants, les sans-papiers, les femmes, les handicapés, les déplacés par la violence et les guerres, ceux qui sont marginalisés du fait de leur option sexuelle, les victimes de maladies nouvelles ou anciennes… Cela doit nous amener, à Foi et Joie, à continuellement vérifier si dans notre fonctionnement nous n'avons pas de mécanisme d'exclusion, visible ou non, si nous nous occupons vraiment des groupes les plus marginaux ou vulnérables, si nous offrons une aide particulière à ceux qui ont le plus de déficiences ou de difficultés, et si nous avons l'audace de vivre dans la disponibilité, toujours prêts à nous présenter là où l'exclusion est la plus grande et aux nouvelles frontières de la marginalisation et de l'exclusion. 2. Spiritualité de la libération. 35 52. La naissance de Foi et Joie rend bien compte de la signification et des caractéristiques de sa spiritualité, dont on ne peut ignorer la double racine : ignacienne et latino-américaine, profondément liées entre elles et possédant à leur tour deux caractéristiques fondamentales : la contemplation et l'engagement. 53. La spiritualité de la libération, l'une des caractéristiques de la spiritualité de Foi et Joie, conduit à la découverte de la dimension sociale de l'amour qui alimente l'existence et qui devient une manière de vivre la vie chrétienne. Cela consiste en une profonde solidarité avec les pauvres et les exclus et à accompagner ceux-ci dans la construction d'une société juste, fraternelle et solidaire. “Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de notre temps, surtout des pauvres et de tous ceux qui souffrent, sont à la fois joies et espoirs, tristesses et angoisses des disciples du Christ. Il n'y a rien Rosana Navarro. Op. cit., p. 12 et 13. Nous parlons du prochain non seulement dans le sens de quelqu'un de proche, mais qui se rapproche de l'autre. Pour Foi et Joie, l'un des sens d'être “mouvement “ est de ne pas se sentir "installé" et de toujours chercher à se rapprocher de celui qui se trouve dans les pires conditions de pauvreté, de marginalisation, d'exclusion. 37 CELAM. Op. cit. Paragraphe 29. 36 de vraiment humain qui ne trouve d'écho dans son cœur. La communauté chrétienne est composée d'hommes qui, réunis dans Christ, sont guidés par l'Esprit Saint tout au long de leur pérégrination vers le royaume du Père et qui ont reçu la bonne nouvelle du salut pour la communiquer à tous. C'est pour cela que L'Église se sent intimement et réellement 38 solidaire du genre humain et de son histoire. ” 54. “Dans la spiritualité de la libération, l'amour transcende la perspective individuelle et ponctuelle de la vie chrétienne, qui s'était maintenue durant tant de siècles. Dans la spiritualité de la libération, les œuvres de miséricorde possèdent une dimension sociale et communautaire qui émeut le cœur, redonne une signification à l'existence et oriente une manière d'être et de faire dans laquelle non pas un individu, mais une communauté, 39 un peuple entier peuvent faire l'expérience de l'amour libérateur de Dieu” . La spiritualité chrétienne repose sur la source de l'amour qui nous permet de voir les autres comme Dieu les voit, tout en voyant dans les autres le visage de Dieu. Le fait de s'émouvoir devant la souffrance et la douleur est le fruit d'une expérience spirituelle qui permet de "reconnaître" celui qui est parmi nous. 55. Tant que séviront l'oppression, l'injustice et la marginalisation, la spiritualité chrétienne aura un sens comme présence libératrice. L'expérience de Dieu sera vécue dans les rues, sur les visages, comme une authentique mystique aux yeux ouverts parce que “notre 40 méthodologie est notre spiritualité. Et notre spiritualité est notre mode de vie ”. 56. Dans leur travail, les membres du Mouvement Foi et Joie connaissent une expérience spirituelle qui les rallie à un engagement avec les plus pauvres. Cette expérience devient un référent et l'impulsion d'une spiritualité libératrice en milieu populaire. Elle devient aussi une expérience de "pèlerins" qui essaient de faire la volonté de Dieu en construisant un monde rempli de dignité humaine : le Royaume. De cette façon, l'expérience spirituelle 41 devient une expérience mystique parce que c'est “la pleine expérience de la vie” , la rencontre profonde avec la réalité. Dans la spiritualité libératrice, la mystique devient une expérience aux yeux ouverts et aux oreilles attentives à l'histoire du milieu dans lequel Dieu arrive, et qu'il nous invite à vivre pleinement. Celui qui se passionne pour la vie, pour le travail avec les pauvres en milieu marginal, est en réalité un mystique qui sait lire entre les lignes le message irrésistible du Dieu incarné. 3. Spiritualité apostolique et prophétique engagée pour la transformation sociale et la construction d'une nouvelle humanité : le Royaume. 38 57. Selon Jésus, Dieu - qui aime chacun d'entre nous sans condition - a un projet pour l'humanité : il veut une nouvelle société dans laquelle règnent la fraternité, la solidarité et l'égalité entre tous les êtres humains. Comme Mère-Père de nous tous, il ne veut que continuent à régner ni l'injustice, ni la violence, ni l'exploitation ; il ne veut pas qu'il y ait des enfants affamés, sans toit, sans éducation ni d'accès à la santé, maltraités du fait de leur race, de leur sexe, de leur condition sociale, ou parce qu'ils sont nés dans des pays ou des villages appauvris et pillés. 58. Dieu veut régner dans les cœurs et gouverner notre vie pour que nous agissions comme ses enfants à Lui et travaillions pour une nouvelle société respirant la fraternité. Dieu veut ce qu’a fait Jésus avec passion et ce qu'il demande de faire à ceux qui le suivent, qui sont des "pèlerins" marchant à la rencontre de Dieu et des frères, en construisant un monde plus humain, juste, fraternel et solidaire, donc plus divin. Dieu a besoin de nous : il nous revient, à nous êtres humains, de construire l'histoire selon le plan de Dieu voulant que nous vivions tous comme des frères solidaires. La Spiritualité de Foi et Joie est une Concile Vatican II. Gaudium et Spes. Prologue ; Rosana Navarro. Op. cit. p. 8. Camilo Maccise. Sens et projection de la Spiritualité de la Délivrance. Entrevue via Skype, 11 octobre 2011, Rosana Navarro. Op. cit. p. 9. 40 Gustavo Gutiérrez. Boire à son propre puits. Dans l'itinéraire spirituel d'un peuple. Lima. CEP, 1983, cit. in Rosana Navarro. Op. cit. p. 8. 41 Raimon Panikkar. De la Mystique : pleine expérience de la vie. Barcelone. Herder, 2008, cit. in Rosana Navarro. Op. cit. p. 10. 39 spiritualité apostolique orientée vers la mission, qui oriente l'histoire, qui transforme l'histoire et qui fait l'histoire. C'est une spiritualité prophétique et profondément politique dénonçant et combattant toute espèce de domination, de discrimination, d'exploitation ou de violence nuisant, empêchant la vie et causant mort ou destruction. Nous avons reçu des talents et des qualités que nous devons mettre au service du Royaume. Suivre Jésus n'est pas un privilège, c'est un engagement. Suivre Jésus suppose de faire nôtre sa façon de vivre : agir en tout comme Jésus a agi, regarder comme Jésus a regardé, écouter comme Jésus a écouté, être sa bouche pour bénir et encourager, ses mains pour aider et caresser les démunis, ses pieds pour venir en aide au blessé et au méprisé, son cœur pour aimer sans condition. En définitive, suivre Jésus signifie poursuivre sa mission jusqu'à ce que Dieu et son Amour règnent vraiment dans le monde. 59. Cette position doit nous inciter à travailler avec acharnement et enthousiasme afin de permettre à nos établissements et à nos programmes, ainsi qu'à notre entourage immédiat, d'être structurés comme des expressions et des graines du Royaume commençant déjà à germer parmi nous. 4. La spiritualité maternelle qui aime, célèbre et défend toute forme de vie. 60. Le Dieu de Jésus est un Dieu d'êtres vivants, qui aime la vie et veut que nous la possédions tous, nous ses enfants, et que celle-ci soit une vie abondante. Une spiritualité engagée pour la défense de tout type de vie. C'est donc aussi une spiritualité écologique, qui considère la terre comme une mère universelle, source de vie et foyer que nous partageons, appartenant à tous ceux qui y vivent maintenant et à ceux qui nous suivront après. La nature ne nous appartient pas, nous lui appartenons ; nous devons donc la protéger, en prendre soin, vouloir et travailler sans repos pour que les biens de la terre parviennent et permettent à tous une vie digne. Invoquer le Père qui est aux cieux, c'est travailler avec enthousiasme sur cette terre pour que nous puissions tous vivre comme des enfants et comme des frères une fraternité cosmique et universelle, et pour que nous unissions nos supplications et nos chants célébrant la vie et le Dieu de la vie. 61. “Aujourd'hui, une nouvelle étape commence pour l'humanité. Nous revenons à notre maison commune, la Terre : les peuples, les sociétés, les cultures et les religions. En échangeant des expériences et des valeurs, nous nous enrichissons tous et nous nous complétons mutuellement (…) Nous allons rire, pleurer et apprendre : apprendre tout particulièrement comment marier le Ciel et la Terre, c'est-à-dire comment combiner le quotidien avec l'inattendu, l'immanence opaque des journées avec la transcendance radiante de l'esprit, la vie en pleine liberté avec la mort symbolisant l'union à nos ancêtres, le bonheur discret de ce monde avec la grande promesse d'éternité. Et à la fin, nous aurons découvert mille raisons de vivre plus et mieux, tous ensemble, comme une grande 42 famille, dans le même Village commun, beau et généreux, la planète Terre” . 62. Cette spiritualité qui aime et célèbre la vie, la protège et travaille à ce que tout le monde puisse exprimer et célébrer sa dignité, est aussi une spiritualité mariale, féminine, maternelle. Elle revendique l'égalité de la femme et la construction de politiques et de pratiques d'égalité des sexes. En conséquence, elle combat les structures et la culture machiste et patriarcale, encore si répandues dans nos sociétés et dans l'Église ellemême. Cette affirmation doit nous conduire nous aussi à Foi et Joie à réviser nos structures de pouvoir, notre comportement et notre manière de procéder, pour dépasser les expressions de culture patriarcale que nous avons. 5. Spiritualité de l'amour pratique, de la réalisation d'œuvres. 63. 42 Jésus a fait l'expérience de Dieu comme Père et est ainsi devenu le frère de tous les hommes, même de ceux qui le détestaient. Il a osé nous proposer un Nouveau Léonard Boff. Casamento entre ou céu et à terra. Río de Janeiro. Salamandre. 2001. p. 9. 43 Commandement : “Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés” , c'est-à-dire d'un amour dévoué, désintéressé, constant, et même disposé à donner la vie pour que chacun vive sa vie dans la dignité d'enfant de Dieu. Et cet amour doit nous embrasser tous, même ceux qui ne sont pas nos amis et qui ne nous font pas le bien, puisque tout le monde a la même dignité et que nous savons - si nous sommes croyants - que nous sommes tous enfants du même Père et frères entre nous. 43 64. Jésus nous a appris à aimer, aider, guérir, inclure, consoler, nourrir, donner la vie. L'amour que Jésus a pratiqué est l'amour pratique, de la réalisation d'œuvres. C'est ce qui différencie ses disciples authentiques et devient “la véritable marque du chrétien” : “A ceci, tous vous reconnaîtront comme mes disciples : à l’amour que vous aurez les uns 44 pour les autres. ” En définitive, l'amour est un principe d'action, un don de soi pour changer et combattre tout ce qui nie ou empêche la vie humaine des autres. 65. L'amour devient service, en tant qu'expression de la liberté chrétienne authentique et moyen de vivre la plénitude humaine et d'atteindre le bonheur. Dans l'évaluation définitive du projet de nos vies, nous serons jugés sur les œuvres de notre amour pratique devenues service. Jésus s'identifie aux affamés, aux étrangers, aux prisonniers… Suivre Jésus implique, par conséquent, de faire nôtre son engagement pour le pauvre, le faible, le démuni, le malade, l'exclu pour des raisons raciales, sexuelles, politiques, économiques, sociales et religieuses. Chez le plus pauvre et le plus démuni, nous trouvons Jésus, et dans Jésus nous trouvons Dieu : “J'ai eu faim et vous m'avez donné à manger ; j'ai eu soif et vous m'avez donné à boire. J'étais un étranger et vous m'avez accueilli, nu et vous m'avez vêtu, malade et vous m'avez visité, prisonnier et vous êtes 45 venus me voir. " 66. Ce qui apparaît d'un radicalisme déconcertant dans le récit de Mathieu, c'est que le service au démuni est valorisé en tant que preuve de filiation et d'acceptation du Père, même si on le fait en ignorant ou même en repoussant Dieu. C'est-à-dire que Dieu préfère les agnostiques et les athées, travaillant pour un monde meilleur en servant leurs frères, à tous ceux qui se croient “chrétiens" ou religieux. Ces derniers ne s'inquiètent que de leur propre salut et de plaire à Dieu, mais oublient les autres. Ceux qui dans la parabole sont déclarés "bénis" ne le sont pas pour avoir fait le bien en son nom, pour des motifs 46 religieux ou de foi, mais tout simplement en raison de leur compassion et engagement pour ceux qui souffrent. Les "maudits" le sont à cause de leur manque de cœur, parce que, même s'ils peuvent se considérer comme très religieux et ont cru mettre leur vie au service de Dieu, ils n'ont rien fait pour les besoins des autres. La foi sans œuvres, sans amour serviable, ne sert à rien. Les pauvres, les exploités et les déshérités ne sont pas seulement les bienheureux, mais ceux qui nous sauvent nous les autres, ceux grâce à qui nous sommes bénis si nous mettons notre vie à leur service. 67. “L'essence de la vie spirituelle est formée de nos sentiments et de nos attitudes envers 47 les autres” . La spiritualité se traduit et se concrétise dans notre manière de procéder, nos attitudes, nos valeurs et nos modèles de conduite, dans notre vie même. “L'expérience spirituelle doit être vérifiée dans le quotidien, dans les situations les plus 48 simples et routinières et, pour cela même, plus significatives” . La spiritualité de Foi et Joie, comme le met en évidence ce cœur qui nous identifie et distingue partout, est en définitive une spiritualité de l'amour pratique et efficace : c'est de trouver Dieu dans le frère, surtout le plus déshérité et le plus démuni. Jean 13, 34-35 Ibidem. 45 Mathieu 25, 35-36 46 Nous reparlons de compassion, dans le sens profond de souffrir avec l'autre, d'assumer sa réalité et son histoire et avec lui d'essayer de la transformer. 47 Dalaï-Lama. Consulté sur http://www.cordobaciudad.com/dalailama/ le 29 décembre 2011. 48 Ernesto Cavassa. Op. cit. p. 10 44 6. Spiritualité de prière et de discernement. 49 68. Dans la prière continuelle et confiante, Jésus a appris à lire la réalité avec les yeux miséricordieux du Père et a fait l'expérience de la filiation d'une manière tout à fait particulière. Il était le Fils, l'Aîné de tous les frères. C'est pour cela qu'il a fait de sa vie un don permanent : parce que Dieu, qui est l'Amour, sait seulement se donner. Dans Jésus, nous pouvons trouver une synthèse parfaite entre contemplation et action, entre foi et vie, entre prière et engagement. Ce fut un homme de Dieu, mais aussi un homme parmi les autres, un homme pour les autres. 69. Dans la prière, Jésus nourrissait sa foi, sa fidélité et surtout son amour du Père, qui est aussi l'amour universel de tous les frères et de la nature. Si Dieu est Amour, on ne peut parvenir à Lui que par le cœur. L'amour cherche la fidélité, la permanence dans l'amour. C'est pour cela qu'il faut continuellement l'alimenter. La prière est la nourriture de l'amour, c'est une rencontre d'amitié avec Dieu. C'est pour cette raison qu'elle ne consiste pas à beaucoup penser, mais à beaucoup aimer. 70. Pour suivre radicalement Jésus et arriver jusqu'aux ultimes conséquences dans l'accomplissement de notre mission, pour vivre en donnant vie et en donnant la vie si c'en est le moment, nous devons être vigilants et beaucoup prier. Comme Jésus l'a plusieurs fois répété à ses amis au Jardin des Oliviers de Gethsémani : “Veillez et priez pour ne pas 49 succomber à la tentation ; l'esprit est vif, mais la chair est faible” . Jésus a prié, cela l'a rendu fort pour faire face à ceux qui venaient le prendre pour le conduire à la mort. Ses apôtres, qui s'endormirent au lieu de prier, fuirent et le renièrent même trois fois comme Pierre. 71. En conséquence, sans la prière il n'est pas possible de suivre correctement Jésus. Une prière qui transforme la vie, qui fructifie, qui se traduit par une disposition à changer, par la force de continuer, d'être proche des autres, de tous les autres. La contemplation doit nous porter vers l'action. Nous avons besoin de beaucoup prier pour être forts, pour vaincre la tentation de suivre des chemins différents de celui de Jésus, pour aller jusqu'au bout dans l'accomplissement de la volonté du Père et de notre mission. Prier pour savoir ce que Dieu nous demande, le Dieu Unique de tous, comment Il veut que nous vivions, pourquoi Il a besoin de nous. La prière doit consister à permettre à Jésus d'habiter en nous et que son projet, ses rêves et ses désirs, sa vie entière s'emparent de nos projets, nos rêves, nos désirs et de toute notre existence. Plus on vit une prière simple et humble, plus celle-ci nous conduit à aimer tous nos frères, sans aucune discrimination, et à exprimer cet amour pour la vie. Une prière qui ne pousse pas au service, qui ne s'exprime pas par un rapprochement des autres, est une prière stérile. 72. Dans la prière nous devons demander avant tout sagesse et force. Sagesse pour discerner les différents changements ou les esprits qui s'affrontent dans notre cœur puisque le mal se présente fréquemment sous l'apparence du bien. Et une force pour que nous restions fermes dans la décision prise. 73. Le discernement est une pédagogie de la décision pour chercher en tout la volonté de Dieu ; c'est l'une des voies de la véritable liberté, une méthode qui aide à distinguer le bon esprit, source des changements intérieurs qui proviennent de Dieu, du mauvais esprit qui milite contre Lui. Si ce que je discerne m'amène à agir avec justice, solidarité, pardon et amour, je me laisse porter par un esprit qui provient de Dieu. S'il me conduit à l'orgueil, la vanité, l'égoïsme, la rancune, je suis porté par l'esprit du mal. La prière et le discernement permettent aux croyants d'être des “pèlerins" qui, à partir de l'expérience de rencontre et de dialogue avec le Créateur, cherchent constamment à faire la volonté de Dieu. 74. D'où la nécessité d'analyser, individuellement et communautairement, quel esprit anime nos actions et nos vies, quels en sont les fruits. Est-ce la paix, la joie, la générosité, le Mathieu 26, 41 ; Marc 14, 38 ; Lucas 22, 40. service ? Ou bien l'envie, l'égoïsme, la violence, la soif de pouvoir ou de figuration ? L'Esprit de Jésus libère de toutes les chaînes internes (égoïsme, confort, peurs, désirs d'avoir ou de pouvoir…), nous rachète de l'esclavage et nous ouvre à l'horizon lumineux d'une vie remplie, pleine d'enfants et de frères. La prière doit nous conduire au discernement. Il nous faut beaucoup prier pour nous laisser guider par l'Esprit de Dieu, pour que Dieu oriente notre vie, pour discerner si nous sommes vraiment ce que Dieu nous demande d'être, si notre manière d'agir réfléchit les valeurs de l'Évangile, si notre manière de procéder est cohérente avec celle de Jésus. 7. La spiritualité vivant et célébrant la foi en communauté. 50 75. Foi et Joie est né comme une réponse communautaire à une réalité qu'il fallait transformer. Au cours de toute son évolution et de son histoire, le mouvement a affirmé et tenté de consolider sa dimension communautaire. Foi et Joie est une initiative de la communauté, pour la communauté et par la communauté. Il veut être une véritable communauté promouvant et recherchant l'organisation communautaire. Par conséquent, il est porteur d'une spiritualité vivant et célébrant la foi en communauté. 76. Suivre Jésus implique une marche collective -avec les pauvres et les méprisés, à leur rythme- qui crée une communauté et mène de l'esclavage à la liberté, une marche qui s'arrête ou fait un détour pour soigner le blessé, celui qui est sans forces, celui qui a perdu l'illusion ou l'espoir, celui qui est affaibli par la faim ou la douleur, le paralytique incapable de marcher. 77. En travaillant pour le Royaume de Dieu, il est inévitable que naisse la communauté chrétienne. L'Évangile crée une communauté et ce n'est qu'à partir de la communauté que l'on peut annoncer le Royaume de Dieu parmi nous. Malgré notre grave incohérence et nos limitations, nous sommes appelés à être la communauté que Jésus a voulue et à travailler pour former une communauté. La communauté de foi et d'engagement, profondément solidaire, œcuménique, qui s'unit et s'articule avec toutes les personnes et organisations travaillant pour humaniser nos sociétés. Communauté fraternelle, qui réfléchit les valeurs de cette nouvelle société à laquelle nous prétendons, qui montre par sa vie que le Royaume de Dieu est déjà parmi nous. Communauté dans laquelle prévalent les relations cordiales, proches, respectueuses entre tous, où le pouvoir est exercé comme un service et les dirigeants se distinguent en tant qu'experts en humanité, en tant que leaders accompagnant et promouvant la croissance des autres. Communauté dans laquelle prévaut un style simple, austère, amical, qui travaille pour dépasser les structures hiérarchiques, autoritaires, patriarcales. 78. En tant que communauté ecclésiale, Foi et Joie est en lien avec les propositions évangélisatrices des églises locales et veut témoigner et être signe d'une Église servante du monde. Une église prophétique vis-à-vis de la société, comme signe intelligible et crédible de justice, de réconciliation, de paix et d'amour, qui annonce et travaille pour la 50 Bonne Nouvelle et dénonce tout ce qui porte atteinte au Royaume . Une église clairement engagée pour les pauvres et discriminés, ainsi que pour la transformation des 51 structures d'oppression et d'injustice . Une église entendue comme assemblée du peuple de Dieu, avec des structures participatives et un traitement fraternel, où le magistère se transforme en ministère, où le plus grand devient petit. Une église pauvre et simple, samaritaine, servante, œcuménique, dialoguant avec tous, sans discriminations, ouverte, respectueuse et qui valorise d'autres églises et d'autres expériences de foi. Concile Vatican II. Lumen Gentium. Chapitre 1. Paragraphes 1 à 8 ; Gaudium et Spes. Première Partie. Chapitre IV, Paragraphes 40 à 45 51 II Conférence générale de l'Épiscopat Latino-américain. Medellín. Chapitre XIV. Paragraphes 2 à 11 8. Spiritualité du pluralisme religieux. 52 79. La spiritualité de Foi et Joie doit aller au-delà du simple respect et du dialogue œcuménique, interculturel et interreligieux. Cela pour rechercher et travailler à ce que les êtres humains puissent partager une vie commune authentique, quelle que soit leur religion ou bien qu'ils soient agnostiques ou athées. L'essentiel est que cette vie en communauté implique l'inclusion et l'intégration d'autrui à l'amour de Dieu. Cela suppose d'assumer une humilité confessionnelle, de laisser de côté les préjugés, de briser les barrières et de dépasser des pratiques ou des attitudes autosuffisantes et dogmatiques afin de commencer à reconnaître que nous n'avons pas la vérité absolue. Dieu est trop grand pour tenir en une seule religion. Si Dieu, à qui d'autres personnes et d'autres cultures parviennent par le biais d'autres religions, est un Dieu à visage humain et aux entrailles miséricordieuses, un Dieu d'amour, c'est dans ce cas le même Dieu que celui auquel nous voulons nous aussi arriver, même si nous lui donnons un nom différent. Dire “humilité" n'implique pas d'être complexé ou réservé ; au contraire, nous croyons que la spiritualité, toute spiritualité, doit être vécue d'une manière adulte, libre, coresponsable. Ce n'est qu'en vivant avec lucidité et courage sa propre spiritualité que l'on pourra dialoguer avec respect et cohabiter avec d'autres spiritualités. Nous ne défendons pas notre foi avec des croisades et des anathèmes, mais en vivant et en pratiquant les valeurs qui en découlent. Nous la vivons avec reconnaissance et voulons la partager parce que c'est ce qui donne un sens à tout ce que nous faisons et tout ce que nous sommes, en respectant et en valorisant d'autres fois et d'autres spiritualités, puisque nous sommes convaincus que, dans la mesure où nous partageons différentes spiritualités, la nôtre 52 s'enrichit . Le dialogue œcuménique authentique et interreligieux part du dialogue interpersonnel dans lequel on reconnaît la dignité de l'autre. Ce dialogue authentique est indispensable pour la véritable transformation sociale à laquelle nous aspirons : rapprocher le Royaume de Dieu de notre histoire, ici et maintenant. 80. À Foi et Joie, nous rejoignons le Dalaï-Lama lorsqu'il dit : “La meilleure religion est celle qui te rapproche le plus de Dieu, de l'infini. C'est celle qui te rend meilleur. Celle qui te rend plus compatissant, plus sensible, plus généreux, plus tendre, plus humanitaire, plus 53 responsable, plus éthique… " 81. Il nous reste un long chemin à parcourir afin de purifier notre spiritualité et de réparer tant de violences religieuses. On dit aujourd'hui que le monde ne sera pas en paix tant que les religions ne seront pas en paix entre elles. Les religions ne seront en paix que si elles dialoguent les unes avec les autres. Dans ce contexte, les propositions et les expériences de Foi et Joie doivent donner l'exemple d'un respect total de toutes les formes de religiosité y compris les religions non chrétiennes et même l'athéisme, si celles-ci recherchent l'humanisation des personnes et des cultures. Cela va supposer d'introduire la présence respectée et aimée de ce Dieu pluriel, plus grand, universel, ayant tous les noms, mais aucun en exclusivité ; et qui est toujours le Dieu d'Amour, d'Espérance, de Paix. Cette spiritualité du pluralisme religieux non seulement respecte, mais valorise 54 également les multiples chemins que l'humanité a trouvés pour embrasser son Créateur . Dieu est devenu plus grand, parce ce n'est plus “Mon Dieu”, mais le Dieu de toutes les personnes et, particulièrement, le Dieu des pauvres, celui qui entend le cri des opprimés et court les libérer. 82. C'est pour cela que l'option pour les pauvres n'apparaît pas comme l'une parmi tant d'autres caractéristiques possibles de la spiritualité de Foi et Joie : c'est une option essentielle, qui fait la différence et qui ne considère pas seulement la vérité et la pratique religieuse, mais l'accomplissement de notre mission. La mission de Foi et Joie n'est pas de convertir les gens au catholicisme, mais de permettre que les pauvres puissent Pedro Casaldáliga et José Marie Vigil. “Spiritualité et pluralisme religieux”. Concilium 1, 2007. Conversation avec Léonard Boff durant la pause d'une table ronde sur religion et paix entre les peuples. Sur : <http://calamb.wordpress.com/2011/03/01/cual-es-la-mejor-religion/ consulté le 13 octobre 2011. 54 Concile Vatican II. Nostra Aetate. Prologue. Paragraphes 1 à 5 53 comprendre que nous pouvons rapprocher le Royaume de Dieu de notre monde grâce à un travail conjoint, le leur et le nôtre, puisqu'ils sont eux aussi des protagonistes de l'histoire. 9. Spiritualité pascale de l'espérance et de la joie 55 83. Si l'identité de Foi et Joie nous exige la fidélité à un service efficace au plus pauvre et au plus démuni et si nous acceptons le fait que nous vivons dans un monde où les majorités se voient refuser l'accès à une vie digne et que la mort est omniprésente, suivre Jésus passe donc nécessairement par accepter aussi sa croix. Le fait d'entendre la foi comme un engagement pour aider à descendre de la croix tous ceux qui y sont crucifiés par la misère ou par mille types de discrimination et d'exclusion, et le fait d'entendre la foi comme le rejet de la pauvreté à partir de la solidarité avec les pauvres, tout cela implique d'être disposés à partager le sort des pauvres. Prendre parti pour les exclus suppose, parfois, de risquer de perdre l'appui des privilégiés et de commencer à faire l'objet de suspicions. Ce n'est pas que nous cherchions la croix. La croix arrive, tôt ou tard, du fait de suivre Jésus de façon cohérente, et peut même être un indicateur de la cohérence de notre travail avec le projet de Jésus, puisqu'Il nous propose un chemin en contre-courant, un chemin qui, pour les sages du monde, est folie, et scandale pour les gens à qui il convient que les choses restent comme elles sont. 84. Mais pour nous, la croix n'est pas le dernier mot. C'est le pas, la pâque, vers la vie pleine. Le Père a ressuscité Jésus en vainquant la mort et ses messagers. La vie de Jésus ne s'est pas terminée sur la croix du Vendredi saint, et notre vie ne finit pas non plus dans l'obscurité. La vie et la mort de Jésus sont des chemins vers une vie pleine. La vie de Jésus et la nôtre passent par le mal, l'obscurité, la mort…, mais ne font que passer, elles se dirigent vers la lumière, la plénitude, le succès. Pour cela, à Foi et Joie nous vivons la spiritualité de l'espérance, et face aux positions pessimistes et défaitistes niant la plénitude, nous affirmons le Royaume avec passion et donnons notre vie pour l'associer à notre histoire. Le désenchantement, la peur révèlent un manque de foi. La foi que Jésus a partagée avec nous s'est enracinée dans le paradoxe de la croix et l'échec n'existe pas. 55 “L'espérance est le centre de la foi chrétienne " et "l'espérance est le tissu dont est faite 56 notre âme ". Nous ne pouvons pas renoncer à notre vocation de constructeurs d'histoire. L'éducation populaire implique l'espérance militante que nous, êtres humains, pouvons réinventer le monde dans une direction éthique et esthétique différente de la direction 57 actuelle . Espérance critique, non pas naïve, qui a besoin de l'engagement courageux et du témoignage cohérent, pour devenir une histoire concrète. 85. La spiritualité de Foi et Joie est, par conséquent, une spiritualité pascale, joyeuse, à l'espérance et à la joie profonde. “La présence de Jésus ressuscité est toujours source de joie et de paix. La joie pascale n'est pas la joie naïve de l'inconscience, mais l'ultime fibre de la réalité à travers laquelle se transmettent un don et un sens ne se laissant pas éteindre par d'inévitables conflits historiques (…) La foi et la joie sont inséparables dans la spiritualité chrétienne. La joie n'arrive pas comme résultat final d'une comptabilité satisfaite d'elle-même où tout tombe juste, mais comme l'expression de la force transformatrice de l'Esprit de Dieu qui est en nous, qui crée le nouvel avenir avec nous, et tout particulièrement avec les plus jeunes générations, en se frayant un chemin au milieu 58 de tant de forces hostiles et menaçantes qui nous combattent ”. 86. Le Père Vélaz insistait beaucoup sur le fait que la foi devenue service est source de joie. Pour lui, donner sa vie au service des autres signifiait ressentir une grande joie, une Jürgen Moltman. Théologie de l'Espérance. Sígueme. Salamanque. 1965, cité dans A. Pérez Esclarín, Éducation intégrale de qualité. San Pablo Caracas. 2011. p. 94. 56 Gabriel Marcel. Prolegomènes pour une métaphysique de l'Espérance. Ed. nonva. Bs. Aires. p. 7. 57 Paulo Freire. Pédagogie de l'Espérance. Siglo XXIe, Madrid. p. 46 et suiv. 58 Benjamin González Buelta. Op. cit. p. 65 et suiv. lumière inextinguible et il était convaincu que “dans la mesure où nous améliorons notre consécration au Seigneur et à nos frères, des sources d'eau vivante et heureuse jailliront, pour ceux que le Père nous a confiés… Celui qui, pour vivre dans l'amour, sert ses frères 59 par amour, vit déjà le bonheur sur terre" . Il l'a bien compris, et c'est pour cela qu'il s'est efforcé de proposer la promesse de bonheur que Jésus nous fait dans ses Béatitudes. 87. Les Béatitudes constituent le noyau central de l'Évangile et apparaissent comme un excellent résumé de tout l'enseignement de Jésus. Elles expriment ce que signifie être Chrétien, indiquent le chemin à l'homme nouveau et à la femme nouvelle pour construire le Royaume. Elles substituent les préceptes de l'ancienne loi. Ce ne sont pas des commandements, ce sont plutôt des promesses de Dieu aux hommes et aux femmes qu'il aime et qui s'efforcent de suivre le chemin de Jésus. Elles ne s'imposent pas comme des préceptes obligatoires ; ce sont plutôt des énoncés, ressemblant à des cadeaux pour ceux qui s'efforcent vraiment de suivre Jésus. Les béatitudes sont aussi un portrait magnifique de Jésus car, avant de les annoncer, Il les a toutes vécues Lui-même. 88. Avec les Béatitudes, Jésus bouleverse profondément les valeurs et Il nous montre ce qui vaut vraiment la peine. Il nomme bienheureux, heureux, comblés, les pauvres, les doux, ceux qui ont un cœur pur, ceux qui cherchent la justice et sont disposés à souffrir pour l'obtenir. 89. Si la Joie a été adjointe à notre nom, c'est que celle-ci exprime notre identité et confirme l'authenticité de notre spiritualité, notre approche doit être festive et joyeuse, notre vie doit exprimer la joie et chasser tout ce qui jette une ombre de tristesse ou sème le trouble 60 dans l'âme. Il s'agit de nous constituer comme des communautés “rendant heureux ” qui engendrent le bonheur. Les éducateurs, les communicateurs et les promoteurs de Foi et Joie doivent être des personnes joyeuses, des audacieux, des optimistes, malgré les problèmes et les difficultés, qui viennent tous les jours le “cœur bien maquillé de joie” accomplir la tâche passionnante de poursuivre le projet de Jésus et de travailler à un “Autre monde possible”. L'esprit joyeux, cordial, positif devient l'expression et la démonstration de notre identité et de notre spiritualité. V. LIGNES D'ACTION 59 90. Pour impulser l'expérience de l'identité et de la spiritualité de Foi et Joie, les délégués du XLII Congrès “Identité et Spiritualité au service de la mission” se sont efforcés de mettre 61 au point une série de Lignes d'Action . Celles-ci permettent de concrétiser les principes et les orientations du Document du XLII Congrès, de façon à ce que l'identité - spiritualité que nous proclamons ne se limite pas à un cadre institutionnel référentiel, mais qu'il y ait des médiations qui lui donne vie, une vie transformée et transformatrice. 91. Tant l'identité que la spiritualité animant le Mouvement doivent être travaillées et vécues à tous les niveaux de l'organisation : depuis l'équipe du Bureau de la Fédération internationale jusqu'au personnel de soutien de nos établissements éducatifs, en passant par les équipes des bureaux nationaux et régionaux. À cet effet, les lignes d'action suivantes ont été proposées : José María Vélaz. “Pédagogie de la joie”. 1979 ; “Croissance de Foi et Joie”. 1981. Dans le texte original “felicitantes”, terme créé par la philosophe espagnole Adela Cortina. 61 “Nous entendons par ligne d'action les orientations de base, référentielles, qui permettent d'atteindre les horizons désirés. Une ligne d'action contient beaucoup d'actions concrètes et spécifiques qui contribuent à la réussite des résultats attendus. Dans ce sens, les lignes d'action deviennent des médiations permettant d'atteindre l'horizon.” Fédération internationale Foi et Joie. “Éducation populaire, Communauté et Développement”, XXXIe Congrès international, Lima 2000 ; Caracas, 2001, p. 132. 60 1. Fortifier et dynamiser le Programme fédératif d'Éducation aux valeurs humaines chrétiennes. 92. L'un des principaux consensus du collectif des délégués du XLII Congrès fut le suivant : l'on ne peut pas taire l'Esprit d'Évangile animant Foi et Joie. Il faut expliciter le sens de nos vies avec l'humilité de celui qui partage avec les autres ce qu'il a trouvé de plus précieux. L'explicitation de la Bonne Nouvelle doit être respectueuse des autres perspectives culturelles et religieuses. Elle doit être disposée à apprendre de celles-ci, en entrant dans un dialogue sincère et à partir de l'expérience des valeurs et du message que l'on communique. Pour cela, il a été proposé cinq stratégies pour la ligne d'action suivante : o Fortifier et dynamiser le Programme fédératif d'Éducation aux valeurs humaines chrétiennes et que celui-ci se charge d'encourager : La systématisation des expériences de construction et de consolidation de l'identité et de la spiritualité. La connaissance plus approfondie de la religiosité des secteurs populaires. La formulation de projets pastoraux contextualisés dans les Foi et Joie nationaux. Le développement de propositions d'éducation aux valeurs pour tous les niveaux et membres du Mouvement : enfants, jeunes, pères et mères de famille, membres de toute la communauté éducative, personnel des bureaux internationaux, nationaux et régionaux, éducateurs et éducatrices des différents services que nous offrons.. La recherche de voies de dialogue et de rapprochement avec la culture des jeunes, en réalisant des études de celle-ci, en mettant les jeunes en contact avec la réalité et en les accompagnant dans ce processus, en confiant pleinement dans leur potentiel. 2. Promouvoir des processus de formation pour connaître et pour aimer davantage Foi et Joie. 93. Le XLII Congrès a mis à l'agenda le thème de l'identité de Foi et Joie - comme nous l'avons déjà dit - non pas parce que celle-ci est en crise, mais parce que l'identité est renforcée dans la mesure où l'on y revient avec un nouveau regard et à partir de nouvelles expériences. L'identité n'est pas statique et ne peut non plus être réduite à une idéologie, aussi inspiratrice que celle-ci soit-elle. S'il n'existe pas de pratique qui nous rappelle que pratiquer constamment les principes et les valeurs est ce qui donne vie à notre Charte, si l'on ne revient pas souvent aux sources, on peut perdre ce qui donne un sens et une direction au travail quotidien. Il est important de toujours revenir au “pourquoi” de la tâche, la réexaminer à partir de nouvelles données du contexte et la reformuler encore et toujours pour qu'elle se transforme en "mémoire" institutionnelle. Tout cela fait que l'identité est reformulée de façon permanente avec une “fidélité créatrice” à la propre “expérience fondationnelle”. 94. Le XLII Congrès a confirmé que la spiritualité fait l'identité de FetJ, qu'elle “dynamise” le Mouvement vers la mission, lui donne vie, l'anime, et qu'elle se trouve dans le noyau de sa propre existence. Dans l'histoire fondationnelle, on a identifié diverses sources de l'identité et de la spiritualité institutionnelles. Cela pour dynamiser aussi bien cette riche histoire que le puits auquel s'abreuvent l'identité et la spiritualité institutionnelles. Il a été convenu d'impulser la ligne d'action suivante et trois stratégies : o Processus de formation permanente des membres du Mouvement pour connaître et pour aimer davantage Foi et Joie : Développement des processus d'induction des gens qui entrent à Foi et Joie incluant le contact avec la réalité de la pauvreté dans laquelle vivent les personnes que nous servons. Formation permanente des membres du Mouvement à la spiritualité ignacienne, en mettant à profit les Exercices spirituels comme l'une des expériences de formation. Formation permanente des membres du Mouvement aux caractéristiques de la spiritualité de Foi et Joie, en donnant son plein sens de mission au travail institutionnel. 3. Favoriser le significatives. dialogue interreligieux et systématiser ses expériences 95. Un autre thème important du XLII Congrès fut le dialogue œcuménique et interreligieux. La pluralité croissante d'expressions religieuses sur le continent est une donnée incontestable et un défi pour la pratique éducative. Sur ce point, le XLII Congrès est seulement parvenu à ouvrir le débat et à proposer quelques attitudes favorisant le dialogue. Les difficultés qui se présentent avec certains groupes à caractère sectaire et, souvent agressif, ne doit pas décourager le dialogue, mais doit nous aider à mieux préciser les buts de celui-ci : le respect de la dignité des personnes et la construction collective d'un monde de paix et d'équité. 96. Le dialogue interreligieux a été considéré par les délégués du congrès non pas comme une option possible, mais comme un impératif éthique d'ouverture et de respect envers les autres qui sont différents, puisque Dieu est trop grand pour que nous puissions penser qu'il n'existe qu'un chemin pour L'atteindre. Pour y contribuer, il a été proposé de développer la ligne d'action suivante avec trois stratégies : o Encourager le dialogue interreligieux significatives. Il a été proposé pour cela : et systématiser ses expériences La systématisation des expériences de dialogue interreligieux. Des processus de sensibilisation de la communauté scolaire et éducative au dialogue interreligieux. Fomenter des espaces d'expérience interreligieuse dans les communautés scolaires.