Les petites vicissitudes d`une fontaine communale…

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Les petites vicissitudes d`une fontaine communale…
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Les vicissitudes d’une petite fontaine municipale…
De ce temps 1975, venait juste de se constituer
officiellement et pour l’utilité collective intercommunale, le Syndicat des Eaux du Sud
Valentinois, un regroupement de communes intéressant la distribution alimentaire de l’eau de
sources et de nappes phréatiques, par le relais de plusieurs réservoirs et points de captages dont les
principales installations situées sur le territoire de la commune de Beaumont-Lès-Valence
étaient : Le réservoir du Puits, les captages de la station des Faure et celui de haute importance
stratégique des Tromparents. C’était une époque pendant laquelle, les investissements
communaux primaires liés à l’exploitation de cette ressource indispensable et même vitale,
mobilisaient une part importante des financements inscrits aux budgets des communes adhérentes.
Autant de tranches annuelles de travaux programmés, subventionnés par l’état, par le département
et par des organismes publics parties prenantes pour la construction de ces réseaux primaires.
Lesquelles communes cédèrent automatiquement leur patrimoine concerné au Syndicat, en même
temps que la charge des emprunts qu’elles avaient contractés, c'est-à-dire impliquant le transfert de
l’obligation de rembourser les annuités d’emprunts restant à rembourser auprès des organismes
bancaires prêteurs. La société fermière du Syndicat intercommunal était alors la Compagnie
Générale des Eaux commençant à percer sous le sigle devenu depuis lors l’important groupe à
consonance mondiale : Véolia. Alors, la réglementation propres aux réseaux de distributions
d’eaux intercommunales commença à évoluer, jeter les bases de ses principes définitifs, de ses
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exigences
modernes,
de
ses
critères d’exploitation rationnelle et de la gestion
devenue de ce fait privatisée avant l’heure…Mais certes optimisée, tout en échappant
implicitement à l’administration directe des communes manquant alors globalement de réels
moyens matériels et humains pour exploiter de façon satisfaisante leurs propres réseaux, aux
risques évidents de rendre le coût du mètre cube consommée très élevé et discordant d’une
commune à l’autre.
Apparut ensuite, en cette année 1976, l’important
mais curieux principe de l’attribution aux communes en général constituant le syndicat et à l’égard
de Beaumont en particulier, d’installer des compteurs volumétriques à ses fontaines publiques. En
voilà une bien interrogative et piégeuse idée qui fit le tour de Landerneau. Ce qui fut
immédiatement considéré comme une aberration, un non-sens, voire une provocation, vis-à-vis de
bon nombre de conseillers municipaux eux-mêmes, pour une minorité toute de même, des
agriculteurs forcément au bon sens paysan sachant apporter à l’eau abondante et gratuite, toute sa
valeur prioritaire et fondamentale. Une disposition technique qui, force règlement adopté et
s’appliquant de plein droit sans restriction, fut réalisée et en particulier au lavoir communal, à la
piscine municipale, dans tous les bâtiments communaux et inévitablement à la petite fontaine
municipale de l’emblématique Tour médiévale, située face à la mairie, en plein cœur de paisible
village. Cette disposition fut immédiatement déplorée par les villageois, lesquels avec leur légitime
étonnement pensèrent, à juste raison, que allaient automatiquement advenir des restrictifs et
pénalisants quotas de consommations annuelles affectés à ce genre de fontaine publique, une
richesse de proximité populaire. Ce fut exactement le cas : Le conseil municipal de Beaumont fut
amené à entériner cette réglementation syndicale et à admettre corrélativement le principe selon
lequel tout dépassement de consommation entraînerait obligatoirement un paiement communal
comme pénalisant, solidarité entre les communes adhérentes obligea. Quoique le bon sens
populaire voyant d’un œil très critique le principe anormal de pénaliser lourdement une collectivité
qui avait financé, selon ses ressources financières, ses propres investissements en alimentation en
eau. C’était la révélation d’une sorte de souveraineté arbitrairement lésée par une décision non
discutable et intangible édictée de la part d’un syndicat formant une structure supra communale et
vis-à-vis de laquelle, la commune n’avait qu’un pouvoir de décision consultatif fort limité et aussi
à hauteur du faible nombre de ses délégués forcément peu nombreux.
Alors, la petite fontaine discrètement installée au
pied de la Tour, vit son débit jusqu’alors interrompu, son écoulement permanent, naturel et si
généreux, sa présence amie, devenir étroitement surveillés, régulés par un système automatique
évitant les déperditions considérées comme inutiles et non souhaitables : Une précaution, une
préconisation dont les fontainiers de la Compagnie, en liaison avec les employés communaux,
furent appelés à assurer le bon fonctionnement très restrictif, avec la stricte application des
nouvelles consignes économes, sourcilleuses, vétilleuses et parcimonieuses…De même qu’une
large information publique dans la revue communale circula durablement pour faire prendre
conscience au public que la ressource en eau n’était plus une valeur outrancièrement illimitée mais
au contraire devait faire l’objet d’une modération raisonnée profitable à tous. C’était l’émergence
d’une sorte de civisme et de respect de la chose collective, propriété de chacun comme de tous.
Cette fontaine discrète mais utile, située dans le champ de vision de l’édifice, ornait ce plus beau
fleuron architectural de la commune. Le village étant traditionnellement renommée pour son
emblématique tour médiévale, de surcroît enjolivée par son inséparable et historique point d’eau.
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Sa vive et joliette fontaine faisait alors partie intégrante d’un patrimoine que beaucoup
d’amateurs adoraient photographier. Le maire ayant alors opportunément sollicité le concours d’un
employé communal pour installer une petite vasque de fleurs en élévation en dessus de la fontaine,
une façon de l’embellir et d’en compléter tout le charme visuel par un apport floral de qualité, de
plus agrémenté par une splendide ferronnerie de scellement ouvragée par le forgeron du village.
Cette fontaine possédait joliment un bassin de
forme semi circulaire et comme arrondie dans son volume de rétention d’eau. Il était doté d’une
superbe margelle en forme de vague bourrelet, laquelle lui procurait une allure générale à la fois
douce et agréable, à petite hauteur des enfants et de tout usager appelé à se désaltérer…Pendant
qu’un fer double et parallèle servait de support aux contenants à remplir d’une eau arrivant en
totale abondance jour et nuit…Au robinet fuyant en permanence qu’il suffisait d’actionner avec la
pression de la main. Il s’agissait d’une présence parfaitement agréable et réconfortante avec le
concours de son fuyant permanent chantant et enchanteur, emportant une fraîcheur constante bien
appréciée à la belle saison. C’était un point d’eau continuel où les cyclotouristes et les promeneurs
venaient remplir quelques bidons ou bien se rafraîchir, le temps d’un moment de repos et de bienêtre partagés dans les groupes en goguette. De même, cette fontaine servait journellement au
proche réparateur de cycles, motocyclettes et appareils à roues pouvant être endommagées et
crevées par l’usage courant. Que ce fut André ou bien son fils Robert et à longueur d’années, de
générations et de vies, ces inlassables réparateurs de pneus en souffrance, immergeaient les
chambres à air dans l’eau pure et limpide de la claire fontaine tellement complice et même
connivente. Ils localisaient immédiatement les endroits des fuites récurrentes et inévitables dans
leurs désagréments momentanés. Elles étaient réparées au plus tôt avec les râpe, colle, rustine et
tous les accessoires indispensables. A chaque occasion, c’étaient des petites rédemptions, celles de
tous les moyens de locomotions passant par l’utilisation de cette très appréciée fontaine, sur
laquelle comptaient beaucoup leurs utilisateurs au travail ou bien en situation de loisirs.
De même, tant de fois l’an, Lucien, le bon
Lucien, ce valeureux villageois bien de chez nous et si sympathique, pompier volontaire, employé
communal qui fut alors l’ami des écoliers en même temps qu’une importante partie de l’image très
humaine de Beaumont en Valentinois…Dans sa familière solitude de célibataire en dimanche
après-midi, dans la durée de ces longues heures pendant lesquelles le village se montrant très
paisible et dormeur, installé dans sa tranquillité dominicale. Il adorait s’asseoir longuement sur la
margelle pour passer le temps, peut-être le subir comme figé dans sa posture méditative. Parce
qu’il appréciait particulièrement ce lieu de charme et de sérénité en joli village de caractère. Dans
ces longues heures non pas inactives, Lucien se montrait un peu le témoin, l’identité
beaumontoise, une partie de son âme, de sa fierté et de sa coloration humaine visible en
permanence par le passant, par le touriste, par le villageois…L’ami de feue notre fontaine…
Pourtant, le cours de l’existence collective,
villageoise, avec ses désagréables turpitudes, ses blessures irréparables liées au belliqueux trafic
des véhicules, incessant et dangereux, fit qu’à l’occasion d’une nuit à la fois destructrice,
alcoolisée et imprudente…Un conducteur certainement plus inconscient et malveillant que les
autres, avec son véhicule en folle provenance de la route septentrionale de Valence, heurta
violemment le bassin de la vulnérable petite fontaine. Il la détruisit totalement en la rendant en un
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instant tel un amas de décombres. Notre chère et précieuse fontaine dont l’édification se situa en
des temps immémoriaux fut irrémédiablement détruite et de façon totalement irréversible. Elle ne
fut pas reconstruite à l’identique comme il eut été nécessaire de l’entreprendre par respect du
patrimoine communal et de sa survie dans le temps, celui des générations successives à venir. Par
le jeu combiné et dévalorisant de l’intervention conjuguée des assurances de la commune et de
l’automobiliste défaillant, il advint que cette fragile fontaine fut abominablement remplacée par
une vague et inesthétique structure de couleur blanche sans valeur architecturale et même d’une
totale et incommensurable laideur, d’une inutilité absolue. Cette mauvaise fontaine de faux
remplacement ressemble toujours plus à un vulgaire lavabo qu’à une vasque de la beauté de celle
qui représentait un pan entier de la fierté architecturale des habitants de la commune, exprimant
alors des naturels et légitimes regrets.
Et puis, le temps passa…Au fil des mandatures
électives municipales correspondantes à tant de municipalités aux affaires…Le dédain et l’inintérêt
publics vis-à-vis de cette vive fontaine, placèrent ce qu’il en restait dans un état de vétusté et
d’abandon presque total. S’il vous arrivait d’observer avec attention cet endroit toujours très
visible et passant de la commune en sa croisée de chemins départementaux très circulés, il vous
viendrait tout naturellement à l’idée qu’il importerait de réhabiliter cette superbe, délicieuse mais
défunte fontaine. Elle se trouvait harmonieusement porteuse au plan historique de tant de
circonstances humaines, de considérations patrimoniales dont les fidèles mémoires des plus
anciens de la bourgade aiment à se souvenir avec reconnaissance, fierté mais en éprouvant une
naturelle et compréhensible nostalgie. C’était un pan entier de leur vécu en même temps que de
l’identité indivisible de notre Beaumont en Valentinois, celui que nous aimons…Lors de cette
haïssable et destructrice nuit tellement mémorable parce que définitivement blessante de la
richesse publique, elle s’évada sans murmure aux quatre coins de l’indifférence générale, en ayant
outrageusement subi…
Les vicissitudes d’une petite fontaine municipale…
Jean d’Orfeuille