Loi Leonetti

Transcription

Loi Leonetti
La loi du 22 avril 2005 relative aux
droits des malades
et à la fin de vie - décrets du 7 février 2006
Louis PUYBASSET
Unité de NeuroAnesthésie-Réanimation
Département d’Anesthésie-Réanimation
Hôpital Pitié-Salpêtrière
La loi Leonetti : historique
La loi Leonetti : historique
Octobre 2003 : Affaire Humbert
Interpellation du président de l’Assemblée Nationale par
Gaëtan Gorce (PS) et Nadine Morano (UMP)
Mis en place d’une mission parlementaire dirigée par J
Leonetti
80 Auditions de la mission parlementaire d’octobre 2003 à
mai 2004
Rapport de la mission en juin 2004
1ère proposition de loi (initiative parlementaire)
La loi Leonetti : historique
Désignation de la commission spéciale, septembre 2004
Auditions de la commission spéciale
Rapport de la commission spéciale 18 novembre 2004
2ème proposition de loi
Vote à l’unanimité à l’AN le 30 novembre 2004
Auditions de la commission des affaires sociales du Sénat
janvier 2005
Vote conforme du Sénat le 12 avril 2005
Décrets d’application : février 2006
La loi Leonetti : originalité
⇒ Loi d’initiative parlementaire
⇒ La seule proposition de loi
votée à l’unanimité par
l’Assemblée Nationale dans
l’histoire de la 5ème république
La loi Leonetti
Les principes
La pratique
• La consécration de l’interdiction de l’acharnement
thérapeutique (art. 1)
• Le renforcement de l’information du patient (art. 2)
• Le renforcement du libre choix du malade conscient (art. 6)
• L’introduction de la notion de “double effet” dans la loi
• L’introduction de la “procédure collégiale” pour le malade
hors d’état d’exprimer sa volonté
• La dépénalisation de la limitation de traitements (article 1224 du code pénal) à la condition du respect de la procédure
• La consécration des soins palliatifs
– l’extension aux établissements médico-sociaux
– le renforcement institutionnel
La loi Leonetti
Les principes
La pratique
Facteur commun : Interdiction de
l’acharnement thérapeutique
« Les actes de prévention, d'investigation ou de
soins …… ne doivent pas être poursuivis par
une obstination déraisonnable »
« Lorsqu’ils apparaissent inutiles,
disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le
seul maintien artificiel de la vie, les actes de
soins peuvent être suspendus ou ne pas être
entrepris »
Facteur commun : l’introduction de la
notion de “double effet” dans la loi
« Si le médecin constate qu'il ne peut soulager la
souffrance d'une personne, en phase avancée ou
terminale d'une affection grave et incurable, quelle
qu'en soit la cause, qu'en lui appliquant un traitement
qui peut avoir pour effet secondaire d'abréger sa vie, il
doit en informer le malade, … la famille ou, à défaut,
un des proches.»
Le patient « en état
d’exprimer sa volonté »
Le cas du malade conscient (art. 3)
« Le médecin doit respecter la volonté de la personne
après l’avoir informée des conséquences de ses
choix. Si la volonté de la personne de refuser ou
d'interrompre tout traitement met sa vie en danger, le
médecin doit tout mettre en oeuvre pour la convaincre
d'accepter les soins indispensables. Il peut faire appel
à un autre membre du corps médical »
Autorisation de l’arrêt total de l’alimentation et de
l’hydratation artificielles (débats du 28 novembre 2004 à l’AN)
Article L1111-2 du CSP
« Toute personne a le droit d'être informée sur son
état de santé. Cette information porte sur les
différentes investigations, traitements ou actions
de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur
urgence éventuelle, leurs conséquences, les
risques fréquents ou graves normalement
prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les
autres solutions possibles et sur les conséquences
prévisibles en cas de refus.»
Article 35 du code de déontologie
médicale (article R.4127-35 du CSP)
« Le médecin doit à la personne qu'il examine, qu'il
soigne ou qu'il conseille une information loyale,
claire et appropriée sur son état, les investigations
et les soins qu'il lui propose. Tout au long de la
maladie, il tient compte de la personnalité du
patient dans ses explications et veille à leur
compréhension »
L’expérience de l’Oregon
N Engl J Med, 349, 24, 2003
Le patient « hors d’état
d’exprimer sa volonté »
L’expression de la volonté
du patient
Rechercher et consulter :
Les directives anticipées
La personne de confiance
La famille et les proches
Les directives anticipées (art. 7)
« Toute personne majeure peut rédiger des directives
anticipées
– pour le cas où elle serait un jour hors d’état d’exprimer sa
volonté.
– Ces directives anticipées indiquent les souhaits de la personne
relatifs à sa fin de vie
– concernant les conditions de la limitation ou l’arrêt de
traitement.
– Elles sont révocables à tout moment.
– A condition qu’elles aient été établies moins de trois ans avant
l’état d’inconscience de la personne,
– le médecin en tient compte pour toute décision d’investigation,
d’intervention ou de traitement la concernant. »
Les directives anticipées
La personne de confiance (art. 8)
« Lorsqu’une personne, en phase avancée ou
terminale d’une affection grave et incurable, quelle
qu’en soit la cause et hors d’état d’exprimer sa
volonté, a désigné une personne de confiance en
application de l’article L. 1111-6, l’avis de cette
dernière, sauf urgence ou impossibilité, prévaut sur
tout autre avis non médical, à l’exclusion des
directives anticipées, dans les décisions
d’investigation, d’intervention ou de traitement
prises par le médecin. »
Hiérarchisation
Directives anticipées
>
Personne de confiance
>
Famille - proches
La mise en œuvre de la
« procédure collégiale »
⇒ Le cas du patient en fin de vie
Art 9 : « Lorsqu'une personne, en phase avancée ou
terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit
la cause, est hors d'état d'exprimer sa volonté, le médecin
peut décider de limiter ou d'arrêter un traitement inutile,
disproportionné ou n'ayant d'autre objet que la seule
prolongation artificielle de la vie de cette personne, après
avoir respecté la procédure collégiale définie par le code de
déontologie médicale »
La mise en œuvre de la
« procédure collégiale »
⇒ Le cas du patient non en fin de vie
Art 5 : « Lorsque la personne est hors d'état
d'exprimer sa volonté, la limitation ou l'arrêt de
traitement susceptible de mettre sa vie en danger ne
peut être réalisé sans avoir respecté la procédure
collégiale définie par le code de déontologie
médicale »
La procédure collégiale
Exposé des motifs : la concertation
Toutes les personnes auditionnées se sont accordées
sur le besoin de prendre ces décisions médicales qui
renvoient leurs auteurs à leur propre mort, en
concertation avec la famille du malade ou ses proches
et l’équipe soignante.
Cette concertation présente trois avantages : elle
participe de l’élaboration de la relation de confiance
entre le malade et le médecin ; elle garantit le
maximum de transparence à la procédure ; enfin en
permettant l’écoute et le dialogue, elle favorise le
travail de deuil ultérieur.
La procédure collégiale
Exposé des motifs : la concertation
« Dans cette concertation, plusieurs éléments
peuvent être pris en considération :
le pronostic médical
la pénibilité du traitement pour le malade et
son entourage
l’appréciation de la volonté du malade »
La procédure collégiale
Exposé des motifs : la décision
La responsabilité du médecin en charge du patient
L’exclusivité de la décision médicale
Tous les professionnels de santé entendus par la mission
d’information ont insisté également pour que la décision finale
revienne au médecin.
Confier la décision à l’ensemble de l’équipe soignante
reviendrait à diluer cette décision.
Parce qu’elle est très lourde à prendre, la décision finale ne
saurait peser sur la famille ou sur le personnel paramédical.
Le décret « procédure collégiale »
« Art. R. 4127-37. −
II. – Dans les cas prévus aux articles L. 1111-4 et L. 1111-13, lorsque le
patient est hors d’état d’exprimer sa volonté, le médecin ne peut décider
de limiter ou d’arrêter les traitements dispensés sans avoir
préalablement mis en oeuvre une procédure collégiale dans les
conditions suivantes :
La décision est prise par le médecin en charge du patient, après
concertation avec l’équipe de soins si elle existe et sur l’avis motivé d’au
moins un médecin, appelé en qualité de consultant. Il ne doit exister
aucun lien de nature hiérarchique entre le médecin en charge du patient
et le consultant. L’avis motivé d’un deuxième consultant est demandé
par ces médecins si l’un d’eux l’estime utile.
Le décret « procédure collégiale »
« Art. R. 4127-37. −
La décision prend en compte les souhaits que le patient aurait
antérieurement exprimés, en particulier dans des directives anticipées,
s’il en a rédigé, l’avis de la personne de confiance qu’il aurait désignée
ainsi que celui de la famille ou, à défaut, celui d’un de ses proches.
Lorsque la décision concerne un mineur ou un majeur protégé, le
médecin recueille en outre, selon les cas, l’avis des titulaires de l’autorité
parentale ou du tuteur, hormis les situations où l’urgence rend
impossible cette consultation.
La décision est motivée. Les avis recueillis, la nature et le sens des
concertations qui ont eu lieu au sein de l’équipe de soins ainsi que les
motifs de la décision sont inscrits dans le dossier du patient.
Le décret « procédure collégiale »
1. Les prérequis
1. Rechercher et prendre en compte directives anticipées
2. Interroger la personne de confiance
3. Interroger la famille et les proches sur ce qu’aurait voulu le
patient
2. La Procédure collégiale en deux phases
1. La concertation avec
• La famille et les proches
• Le personnel soignant non médical en charge du patient
• L’équipe médicale
2. La décision :
• Obtenir l’avis concordant d’un moins un autre médecin
• Pas de lien hiérarchique entre médecin en charge du patient
et consultant
3. La tracabilité
Retranscription des différentes étapes sur le dossier médical
Le décret « procédure collégiale »
La dépenalisation exclusivement en cas de respect de
la procédure :
Article 122-4 du code pénal
« N'est pas pénalement responsable la personne qui
accomplit un acte prescrit ou autorisé par des
dispositions législatives ou réglementaires. »
Atouts de la « Voie Française »
Basée sur un consensus national :
fruit d’un « point de rencontre » politique
très sérieusement élaboré pendant 9 mois
Apporte des solutions concrètes pour le patient conscient (et
incapable de se suicider) et pour le patient inconscient ayant
une atteinte neurologique majeure sans espoir d’amélioration.
Donne la garanti du temps en excluant la brutalité.
Ne propose pas de solution uniciste.
Renforce la confiance et l’intimité de la relation médecinmalade-famille
Ne fait pas porter la responsabilité des choix sur les familles.
Fait le choix de l’accompagnent encore et toujours…
La fin de vie en pratique en réanimation NCH
Définir le pronostic médical : sortir de l’arbitraire
Obtenir un consensus médical et paramédical
Informer la famille, mais ne pas leur demander de prendre la
décision
Obtenir de façon systématique la présence des IDE/AS lors des
entretiens avec les familles : rôle de médiateur, facilitation de la
circulation de l’information, garantie du caractère concerté de la
décision
Apport majeur d’un psychologue/analyste lors des entretiens
Autorisation de visites sans limites dans le temps et dans le
nombre de proches présents : symbolique du passage des soins
curatifs aux soins palliatifs
Proposition systématique d’un recours au religieux
Les soins palliatifs : la consécration
(art. 4, 6 et 9)
« Le médecin sauvegarde la dignité du mourant et
assure la qualité de sa vie en dispensant les soins
visés à l’article L. 1110-10. »
L. 1110-10 : “Les soins palliatifs sont des soins actifs et
continus pratiqués par une équipe interdisciplinaire en
institution ou à domicile. Ils visent à soulager la douleur, à
apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de
la personne malade et à soutenir son entourage.”
Les soins palliatifs : l’extension aux
établissements médico-sociaux
Amendement de Mme Paulette Guinchard-Kunstler …
afin de favoriser la démarche palliative dans les
établissements médico-sociaux qui, assurant
l’hébergement des personnes âgées ou offrant des
soins de longue durée à des personnes âgées
dépendantes, dispensent des soins palliatifs.
Art. 13 « Le cas échéant, ce projet identifie les
services de l’établissement ou du service social ou
médico-social au sein desquels sont dispensés des
soins palliatifs …. »
Les soins palliatifs :
le renforcement institutionnel
Article 11 :
« Les contrats conclus avec les établissements publics de
santé et les établissements de santé privés à but non lucratif
identifient les services au sein desquels sont dispensés des
soins palliatifs et définissent, pour chacun d'entre eux, le
nombre de référents en soins palliatifs qu'il convient de former
ainsi que le nombre de lits qui doivent être identifiés comme
des lits de soins palliatifs »
Les soins palliatifs :
le renforcement institutionnel
Article 12 :
Le projet médical comprend un volet activité palliative
des services. Celui-ci identifie les services de
l'établissement au sein desquels sont dispensés des
soins palliatifs.
Les modalités d'application du présent article sont
définies par décret.
L’exclusion de l’urgence du
champ de la loi
Malade conscient : art 4. « Dans tous les cas, le
malade doit réitérer sa décision après un délai
raisonnable »
Malade hors d’état d’exprimer sa volonté : hors
champ de fait à cause de la durée de la
procédure
L’exclusion de l’urgence du
champ de la loi : confirmation de
l’option de l’article L1111-2
Article L1111-2
Toute personne a le droit d'être informée sur
son état de santé….. Seules l'urgence ou
l'impossibilité d'informer peuvent l'en
dispenser (le médecin).
L’exclusion de l’urgence du
champ de la loi
Que faire en urgence ?
1. Appliquer l’article 1: Ne pas entreprendre des actes
de soins inutiles, disproportionnés
2. Donc décision potentiellement solitaire
3. Mais qui n’exonère pas le médecin de son obligation
de motivation et de transparence