Cazaux-Debat

Transcription

Cazaux-Debat
Monographie
de la commune de
Cazaux-Debat
canton de Bordères-Louron
département des Hautes-Pyrénées
Sans date
(probablement 1887)
Situation géographique ; limites ; étendue ; distance au chef-lieu de canton, de
l’arrondissement, du département
Cazaux-Debat, adossé aux pentes d’une colline, est situé sur la rive droite de la Neste et sert de trait
d’union aux deux chefs- lieu de canton, Arreau et Bordères.
Son territoire, d’une superficie de 148,0408 ha, est limité à l’Est par ceux de Bordères et Ihan, à
l’Ouest par ceux de Lançon et Arreau et au Nord par celui de Jézeaux.
La distance à Bordères chef-lieu de canton, est de 2 kilomètres ; à Bagnères chef lieu
d’arrondissement, de 49 kilomètres ; à Tarbes chef lieu du département, de 69 kilomètres.
Description physique du pays ; relief du sol ; montagnes ; nature des rochers qui les
constitue ; curiosités naturelles ; richesse du sol ; cours d’eau ; leur débits ; leur crues ;
gués, lacs ou canaux…
Placé à l’entrée de la vallée du Louron, Cazaux-Debat semble être la sentinelle vigilante sous le
patronage du géant de Clarabide qui s’élève en face et dont la cime contemple les deux versants,
français et espagnol.
La vue se perd dans le long couloir que forme la vallée. A droite et à gauche, des collines tantôt nues,
tantôt drapées de sombres forêts de sapins au sommet et de hêtres au flanc, contribuent à donner à
l’ensemble du paysage un aspect très sévère.
A l’Est du village, serpente le ruisseau de Galaïs. Les eaux tombent en petite cascade dans un ravin
d’une profondeur effrayante. On est impressionné de l’agilité et de la souplesse du pied montagnard
parcourant ces précipices vertigineux avec autant d’assurance que l’élégante parisienne les luxueux
salons de la capitale.
Les terres déclives et étagées sont silico-argileuses ; l’alluvion domine dans la partie basse de la vallée.
Le sol, quoique très accidenté, serait assez fertile, mais les pluies diluviennes le laissent parfois à nu,
emportant l’humus et la terre arable. Aussi, les cultivateurs devraient transformer en prairies
temporaires la majeure partie de leurs champs trop inclinés.
Indépendamment du granit, on remarque une énorme roche calcaire appelée la Pène.
La Neste, seul cours d’eau qui mérite d’être mentionné, descend des hauteurs de la Pez en Clarabide et
traverse toute la vallée dans la direction du Sud au Nord. Son débit d’un mètre cube par seconde
environ varie au printemps à la fonte des neiges. Paisible, inoffensive dans son cours naturel, cette
rivière devient même guéable à son étiage, mais grossie par les ruisseaux que des cataclysmes assez
fréquent transforment en torrent, elle devient furieuse et emportée. Les crues récentes de 1875 et 1886
rappellent encore les terribles désastres de ses débordements. On raconte qu’en 1609, elle inonda toute
la vallée.
L’industrie privée a creusé quelques canaux d’irrigation pour détourner un peu de son eau bienfaitrice
et fertilisante.
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Eaux potables ; sources thermales et autres ; leur débit ; leur propriété ; stations
thermales ; leur fréquentation
Le village est alimenté par deux petites fontaines insuffisantes aux besoins des habitants. Aussi, la
municipalité actuelle projette l’entreprise d’y amener au moyen de tuyaux, une autre source distante
de 600 mètres.
En amont de Cazaux-Debat et sur la rive gauche de la Neste surgit une source d’eau sulfureuse […]
contenant de la barégine. Le débit est d’environ un litre par minute ; bien captée elle donnerait
davantage. Cette station thermale fréquentée seulement par les gens du pays dure du mois de mai au
mois d’octobre. Il est regrettable que cet établissement particulier soit mal tenu, car ses eaux sont
curatives. On cite bon nombre de malades qui, après un séjour plus ou moins prolongé dans d’autres
stations renommées sont venus chercher la guérison dans ce lieu peu connu.
Altitude ; climat ; vents ; pluie ; température ; salubrité
L’altitude de Cazaux-Debat est de 800 mètres environ. Exposé au midi et à l’abri du vent du Nord, le
climat est assez doux en hiver et chaud en été. Les vents du Sud ou d’autan et de l’Ouest produisent
des changements subtils de température et amènent presque toujours la pluie.
Bien que salubres depuis quelque temps, on signale dans cette localité l’apparition de maladies
jusqu’alors ignorées et inconnues. Un savant docteur, bien regretté, né dans la commune et ému de
l’état sanitaire de ses compatriotes, a prétendu que l’abattage des forêts à haute futaie pouvait
contribuer à cette anomalie.
Chiffre de la population d’après le recensement de 1886. Ce chiffre tend-il à diminuer
ou à s’accroitre ? Pour quelles causes ?
D’après le recensement de 1886, la population ne s’élève qu’à 85 habitants. Pour des causes diverses,
elle tend à diminuer.
Quelques femmes mariées demeurent stériles, d’autres ont une tendance à limiter le nombre des
enfants. Ainsi, il est de règle qu’en fécondité, le chiffre deux ne doit pas être dépassé. Ensuite il faut
compter avec la décentralisation. Les parents pauvres, qu’ ont souffert de l’humilité de leur condition,
rêvent pour leur enfant un avenir plus distingué. Les professions manuelles sont discréditées. La
jeunesse quitte le village pour la ville en quête d’une vie plus commode et d’un travail plus lucratif.
L’agriculture se voit privée de puissants auxiliaires.
La création d’industries pastorales et agricoles procureraient le bien-être et rattacheraient au sol ces
bras vigoureux qui vont s’étioler dans les grands centres manufacturiers.
Division en sections, hameaux, quartiers ; population approximative de chaque groupe ;
nombre de feux ; organisation municipale ; fonctionnaires
L’agglomération de la commune comprend 20 feux ou 70 habitants. Un quartier désigné La Prade et
éloigné de 500 mètres environ, se compose de 5 feux ou 15 habitants.
La municipalité est représentée par un maire, un adjoint et dix conseillers. Il y a un instituteur public
laïque, un desservant, un garde champêtre et un cantonnier.
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Comment la commune est desservie pour les cultes, les finances, les postes…
Le service religieux est remplit par un curé-desservant résidant à Cazaux-Debat et obéissant aux ordres
de l’évêque de Tarbes.
Le receveur municipal du canton de Bordères, demeurant à Arreau, perçoit les contributions de la
commune.
Cazaux-Debat est desservi par le bureau des postes de Bordères.
Valeur du centime ; revenus ordinaires
La valeur du centime est de 0,68539. La commune n’a pas de revenus ordinaires. Des taxes
affouagères et de pacage fournissent les moyens pécuniaires pour établir le budget communal.
Dorénavant, elle bénéficie du produit des coupes de la forêt de Lherm, d’une contenance de 60 ha 88
ares, que la commune de Bordères a cédé à Cazaux-Debat en cantonnement des droits d’usages
confirmés par Don Roger d’Espagne en 1532.
Productions ; quantités ; cultures principales ; bois et forêts ; essences ; reboisement ;
produits des forêts ; régime forestier…
Les principales productions consistent en fourrages (foins et luzerne), blé, seigle, sarrasin, maïs,
haricots et pommes de terre. […]
D’après les statistiques agricoles, le produit moyen de chaque culture serait ainsi réparti : blé, 12
hectolitres par hectare ; seigle, 13 hectolitres : sarrasin, 15 hectolitres ; pommes de terre, 120
hectolitres.
La commune possède des bois et forêts d’essence sapin, hêtre et chêne. Le reboisement s’opère
naturellement. A cause de la dépréciation du bois de construction, les produits des forêts sont
insignifiants et absorbés par la surveillance d’une partie soumise au régime forestier.
Animaux ; troupeaux divers ; chasse et pêches
Les habitants s’attachent à élever du bétail à corne et à laine. De plus, chaque particulier engraisse un
porc ou deux pour sa propre consommation.
Le pays n’est pas giboyeux ; on chasse la caille, le lièvre, et quelques animaux de passage. Les
amateurs se livrent à la pêche à la truite.
Produits de toute nature, mines et carrières exploitées ou à exploiter, usines, moulins,
manufactures, etc.
Une carrière de marbre blanc attend l’arrivée d’un riche industriel pour lui ouvrir ses trésors. A titre
d’essai des échantillons ont été envoyés à M. Géruret à Bagnères. Ce marbre se laisse facilement polir.
L’exploitation de cette carrière donnerait une certaine aisance dans la commune.
Il y a à Cazaux-Debat une usine à scier le bois, deux moulins à farine et un métier à tisser.
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Voies de communication ; route ; pont ; époque de leur construction
Un chemin vicinal récemment construit et formant deux lacets, relie le village à la route thermale. Un
pont en bois, nouvellement restauré, est jeté sur la Neste et permet de traverser cette rivière.
Voies ferrées et autres moyens de transports ; moyens de communication avec les chefslieux du canton, de l’arrondissement et du département ; voitures publiques ;
diligences…
Pas de moyen de locomotion. Les chemins ruraux mal entretenus rendent l’exploitation difficile et
pénible. Des chars à deux et à quatre roues sont utilisés pour rentrer les récoltes des endroits faciles.
Différemment les hommes font les bêtes de sommes et chargent sur leurs épaules le bois, le foin et
autres matières.
On arrive à pied au chef-lieu du canton. Pour se rendre à Bagnères, chef lieu d’arrondissement, les
bons marcheurs franchissent le col d’Aspin. Sinon on prend à Arreau des diligences ou des voitures
publiques, et moyennent 2 F. par place on arrive à Lannemezan, station du chemin de fer la plus
rapprochée. De là on est transbordé sur Tarbes, Bagnères, Bordeaux, Toulouse ou Paris.
Commerce local ; foires et marchés
Il n’y a pas de commerce local ; les transactions s’effectuent dans les foires et marchés des environs :
Arreau, Sarrancolin.
Mesures locales encore en usage
Certaines mesures anciennes sont encore acceptées dans la localité.
Pour les longueurs, on emploie l’aune, 1m 20 ; l’empan, 0m22 ; le pouce, 0m025 ; la canne, 6m ;
Pour les surfaces, le journal, 21ares85 ; la caupenade 1are 82 ; la pugnère 0 are 15 ; la canne, 1m76
X1m76…
Pour les capacités : le muid, 150 litres ; la mesure, 25 litres ; le coupeau, 12 litres ½ ; Le boisseau, 6
litres 25 ; le pichet, 3 litres, la pugnère, 1 litre.
Pour les poids : la livre, ½ kilo ; l’once, 32 grammes ; le quintal ordinaire, 50 kilos.
Les tisserands emploient la bérgue, ou 12 empans.
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Etymologie probable du nom ; histoire municipale ; traditions et légendes ; biographie
sommaire des célébrités
Anciennement, Cazaux-Debat s’écrivait Cazaux-Jus, ce qui voulait dire Domaine Premier. Cazaux
Debat signifie encore Cazaux ou domaine en dessous par rapport à un autre Cazaux plus en amont
dans la vallée.
Cazaux Debat faisait partie du diocèse de Comminges et en était l’un des 22 archiprêtrés. L’abbé et les
religieux étaient autrefois seuls seigneurs en toute justice de Sarrancolin, Ardengost, Cazaux, etc.,
mais depuis « le paréage de 1297 le roi a la moitié de la justice dans toutes les terres que possédaient
l’abbaye de Simorre( ?). Quant à Sarrancolin et lieux en dépendant, le roi n’a acquis la moitié de la
justice que pour la réunion du domaine des 4 vallées à la couronne, dans le 15ème, 16ème et 17ème siècle,
avant lequel temps le comte d’Aure possédait cette moitié en paréage avec le monastère de Simorre.
Vers l’an 960, Guilhaume Auriol, comte d’Aure fit donation à l’abbé de Simorre du monastère de
Sarrancolin, de Labasteilles, Cazaux et autres églises et seigneuries. » La charte et du 3 des nones de
juillet, larre 10…..
Cazaux-Debat comme tout le pays de la vallée d’Aure a été sous la puissance du comte d’Aure. Le
dernier de ces comtes fut Louise du Lyon, fille de Gaston du Lyon. Par le concordat de 1512 avec
Charles VIII et Louis XII, cette vicomtesse jouit de tous les revenus et émoluments des terres des
4vallées. La domination, juridiction et souveraineté appartiendrait au roi, selon le vœu des habitants.
Depuis les rois de France ont possédé les 4 vallées comme seigneurie unie inséparablement à leur
couronne. Louis XI confirma les anciens privilèges de ce pays en 1475.
La légende rapporte que les miquelets s’étaient réfugiés sur un plateau appelé Pla déro croua. C’est un
espèce de camp retranché presque inaccessible, dominant Arreau et une partie de la vallée du Louron.
Des contes plus ou moins fantastiques de leur souvenir, répétés au coin du feu, ont été pendant
longtemps les croquemitaines des enfants du village. Quand une mère corrige un peu vertement son
fils, elle ne manquera pas de lui lancer cet épithète : « qu’ès u miqualet ».
Une famille descendant du conventionnel Féraud habite Cazaux-Debat. L’un de ses membres, Féraud
Baptiste, avocat, a vécu honorablement dans la direction des postes. Un savant docteur, Fontan Sernin,
a vu le jour dans notre village.
L’idiome est un patois amalgame de mots espagnols, celtes et romains.
Mœurs, cultes, costume, alimentation
Les habitants sont gais, causeurs, hospitaliers et sobres. Quoi que de mœurs simples, on devine chez
eux cet esprit de fierté et d’indépendance qui caractériserait le gaulois.
La religion catholique est seule pratiquée et observée. La fête de Saint Saturnin, patron de la paroisse,
se célèbre le 29 novembre.
Généralement, les hommes s’habillent de burel, drap fabriqué dans le pays. Aux grandes solennités ils
exhibent de leurs garde-robes des costumes confectionnés à la mode et en drap par nos meilleures
manufactures. Les jeunes filles ne se « couvrent plus d’un sac d’un côté en laine fine blanc rouge ou
noir. » La recherche dans leur parure ôte au charme de leur beauté. Le chapeau détrône la coiffure en
mouchoir qui ne manque pas d’une certaine grâce par la forme élégante que le beau sexe sait lui
donner sur la tête.
Le laitage « sucré qu’on partage le soir » est la base de l’alimentation. On mange également la bonne
garbure assaisonnée d’un morceau de viande de porc ou de brebis salée. Le vin n’est pas toujours
banni des repas. Le dimanche, beaucoup de paysans se payent le luxe d’une tasse de café.
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Monuments
L’église, en style ogival, remonte à l’époque des templiers. A droite de la porte on voit une pierre avec
ce monogramme
P
A
♥
S
Certaines restaurations ont fait disparaitre des peintures et d’autres monogrammes en relief à la clef de
voute et aux piédestaux des cintres.
Le chapiteau de la porte d’une maison (ancien presbytère) porte ces deux inscriptions
JHS WM 1546
Spes mea Deus est
Archives communales ; documents officiels destinés à établir l(histoire de la commune ;
ouvrages, monographie, auteurs
On ne trouve rien de précis dans les archives communales pour établir l’histoire de la commune. Il n’y
a qu’une transaction de Don Roger d’Espagne et le syndic et consul de Cazaux-Debat en 1532, et des
actes de concession entre les communes de Cazaux-Debat, Bareilles, Lançon, et Jézeaux, en 1711.
Historique de l’enseignement et des écoles dans la commune aux diverses époques.
Description de l’école
Avant 1833, des maitres sans diplôme enseignaient à lire et à écrire. Depuis, l’instruction a été donnée
par des instituteurs brevetés, et laiques.
La salle d’école occupe le premier étage d’une maison particulière louée. Elle est éclairée par deux
fenêtres, l’une à l’Est, l’autre au midi. Le local est assez convenable et le matériel presque suffisant.
La commune a l’intention de demander une subvention d’Etat pour construire une maison d’école.
Fréquentation ; nombre de conscrits illettrés de la dernière année ; des conjoints qui
n’ont pas pu signer
Quoiqu’il n’y ait pas eu de conscrit la dernière année, on constate que tous les jeunes gens savent lire,
écrire et calculer.
Les registres de l’état civil témoignent également de l’instruction des derniers conjoints, car ils ont su
apposer leur signature au bas de leurs actes de mariage.
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Institutions scolaires ; bibliothèque ; don origine, nombre de volumes,
des prêts…
Une bibliothèque populaire existe à Cazaux-Debat depuis 1883.
A l’initiative de l’instituteur actuel une souscription fut ouverte et la somme de 48 F. recueillie parmi
les habitants permit de doter la bibliothèque de 24 volumes. L’Etat et le département ont accordé 38
volumes. Depuis la création, le nombre de prêts s’élève à 81.
Caisse des écoles ; caisse d’épargne scolaire
Malgré les efforts de l’instituteur à démontrer les avantages des caisses des écoles et d’épargne
scolaire, cette création n’a pas pu s’implanter à Cazaux-Debat.
Traitement des maitres ; loyers ; sacrifices à demander à la commune pour réaliser les
améliorations nécessaires…
Le traitement de l’instituteur est de 1050 F. plus 30 de secrétariat de la mairie. La commune reçoit de
l’Etat une subvention de 60 F. pour le loyer de l’école.
La municipalité devrait se prononcer sur le choix du terrain affecté au local scolaire et créer des
ressources suffisantes pour mériter une subvention de l’Etat afin de construire une maison d’école. Cet
acte de bonne administration serait la consécration du vœu légitime de toute la population.
L’instituteur public à Cazaux-Debat
Signé Rey
Texte retranscrit par Paul Bouygard
N.B - Ce texte est la propriété des Archives départementales des Hautes Pyrénées.
Sa reproduction et sa vente sont interdites.
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