Interprété par Bruce Lee Les années 70
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Interprété par Bruce Lee Les années 70
100 icônes badass du cinéma Les années 70 • Gilles Da Costa • LEE Interprété par Bruce Lee • Le film: Opération dragon (Enter the Dragon, 1973). Réalisé par Robert Clouse • B ruce Lee, de son vrai nom Lee Jun-fan, exsude naturellement la “ badasserie ” par chaque pore de sa peau. Son regard perçant, son corps sec comme un coup de trique, sa gestuelle féline, ses cris aigus accompagnant chaque coup, toutes ses spécificités font de lui un combattant unique dont l’aura le porte d’emblée au-dessus de ses adversaires avant même qu’il se décide à utiliser son redoutable kung-fu. Ce performer légendaire au charisme inégalé a laissé une trace indélébile dans le cinéma d’action en seulement cinq films marquants. Imposant un personnage à la fois sérieux par son code moral et excentrique par ses mimiques, il symbolise encore aujourd’hui à l’échelle mondiale la noblesse et les valeurs humaines du kung-fu. Formé très jeune au théâtre par sa famille et au wing chun (un art martial traditionnel, originaire du Sud de la Chine, ndlr) par le légendaire maître Yip Kai-man dit IP Man (dont un énième biopic signé cette fois Wong Kar-wai, The Grandmaster, est sorti en France en avril 2013), ce businessman de génie sera le premier à exporter le film d’action asiatique dans le monde entier. Longtemps cantonné (sans mauvais jeu de mots) à de petits rôles secondaires, il connaîtra la gloire grâce à la série Le frelon vert (The Green Hornet, 1966) et à des films comme La fureur de vaincre (Jing wu men, 1972) et La fureur du dragon (The Way of the Dragon, 1972) mais c’est réellement grâce à Opération dragon qu’il deviendra une star de classe internationale après sa mort. Dans ce film de 1973 réalisé par Robert Clouse (également metteur en scène du Jeu de la mort, dernier film officiel de la filmo de Bruce Lee), il incarne un moine – avec cheveux – recruté par une agence de renseignements afin d’aller espionner le maléfique Han sur une île accueillant un tournoi d’arts martiaux. Dans une ambiance à la James Bond relevée par une excellente bande originale signée Lalo Schifrin, Lee (car c’est aussi le nom de son personnage, plus pratique à l’export) impose sa présence magnétique d’une scène à l’autre. Réduisant ses camarades de jeu Jim Kelly et John Saxon à l’état de personnages caricaturaux, il irradie l’écran de sa présence et le moindre de ses mouvements capte le regard. À la différence de ses précédents films, Bruce Lee parvient ici à distiller sa philosophie et sa vision du combat à travers de nombreuses répliques dont il est l’auteur. Il y démontre aussi sa capacité à se débarrasser d’un adversaire par la ruse sans utiliser la violence et n’hésite pas à inculquer quelques principes de vie inspirés, entre deux coups de lattes bien placés. Son style de combat est également plus épuré, plus fluide. Dans Opération dragon, comme dans la pratique de l’art martial dont Bruce Lee est l’inventeur – le jeet kune do (“ le poing qui intercepte ”) – l’esbroufe et les fioritures n’ont pas voix au chapitre. Tout est question d’efficacité et de simplicité. C’est en recherchant cette ligne claire que Bruce Lee atteint le sommet de la “ badassitude ”. Il n’annonce jamais sa puissance et ne cherche pas à asseoir sa domination sur l’autre. Il n’est pas le plus puissant, le plus grand, ni même le plus volubile et c’est justement son point fort. Lorsqu’un adversaire le sous-estime, la moitié du travail est fait. C’est ainsi qu’il se permettra, lors d’une scène de combat dantesque, de se débarrasser d’une quarantaine de sbires du vil Han (parmi lesquels figure celui qui deviendra quelques années plus tard une autre star du film d’action : le jeune Jackie Chan), en profitant par la même pour démontrer sa maîtrise bien connue du nunchaku. Dans Opération dragon, Lee contrôle totalement son image et impose un personnage qui lui ressemble enfin. Plutôt cérébral et d’une classe absolue, même lorsqu’il écrase la nuque d’un adversaire en sautant dessus à pieds joints, le regard habité d’une rage animale, il personnifie à lui seul la sagesse et la fougue des arts martiaux. Cette violence contenue par des préceptes bien intégrés et une maîtrise technique étourdissante n’ayant jamais pour but de nuire. Film testament à plus d’un titre, a contrario du très charcuté Jeu de la mort (Game of Death, 1978), Opération dragon illustre avec force les prouesses d’un athlète au sommet de son art. Le film le plus complet d’un pionnier qui n’a toujours pas trouvé, quarante ans après sa disparition, d’héritier digne de ce nom.¶ 57