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Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales Université de LILLE II BILLET Grégory D.E.A Droit Privé Année 2000 LE BAIL COMMERCIAL PENDANT LA PERIODE D’OBSERVATION - Sous la direction de Monsieur le Professeur TAISNE - 1 INTRODUCTION PARTIE I : LA CONTINUATION DU BAIL : LE REGIME COMMUN DES CONTRATS EN COURS P 14 CHAPITRE I : LA PRESERVATION DU BAIL LORS DE L’OUVERTURE DE LA PROCEDURE P15 I- L’ELIMINATION DES ENTRAVES AU MAINTIEN DU BAIL P 15 A) LA NEUTRALISATION DES STIPULATIONS DU CONTRAT P16 B) L’ALTERATION DES PREROGATIVES CONTRACTUELLES P18 II-LA CONTINUATION DE PLEIN DROIT DU BAIL EN COURS P 21 A) LA NOTION DE CONTRAT DE BAIL EN COURS P 21 B) LES EFFETS ATTACHES AU BAIL EN COURS P 24 2 CHAPITRE II : LA POURSUITE DU BAIL EN COURS : L’OPTION P 28 I- L’EXERCICE DE L’OPTION : UN REGIME ENCADRE A) LA RESPONSABILISATION DU TITULAIRE DE L’OPTION P 29 P 29 B)LES MANIFESTATIONS DE VOLONTE ATTACHEES A L’OPTION P 32 II- LES SOLUTIONS DE L’OPTION : VIE OU MORT DU CONTRAT P 36 A)L’EXECUTION DU CONTRAT CONTINUE P 37 B)LA RESILIATION DU CONTRAT NON CONTINUE P 40 3 PARTIE II : LA RESILIATION DU CONTRAT : LE REGIME D’EXCEPTION DU BAIL P 45 CHAPITRE I : LA RESILIATION POUR CAUSES ANTERIEURES AU JUGEMENT D’OUVERTURE P 46 I- LA PARALYSIE DES ACTIONS POUR DEFAUT DE PAIEMENT D’UNE SOMME D’ARGENT A) L’INCIDENCE DE LA PROCEDURE SUR LE JEU P 47 P 47 DES CLAUSES RESOLUTOIRES B) LA CLAUSE ACQUISE : LA DECISION PASSEE P 51 EN FORCE DE CHOSE JUGEE 4 II- LES PREROGATIVES DU BAILLEUR NON-ATTEINTES PAR L’OUVERTURE DE LA PROCEDURE P 54 A) L’ACTION EN RESILIATION POUR INEXECUTION D’UNE OBLIGATION DE FAIRE P 55 B)L’ACTION EN DECLARATION DE VALIDITE DE CONGE AVEC REFUS DE RENOUVELLEMENT P 58 CHAPITRE II : LA RESILIATION POUR CAUSES POSTERIEURES AU JUGEMENT D’OUVERTURE P 62 I – l’ALTERATION DE LA FACULTE DE RESILIATION POUR DEFAUT DE PAIEMENT P 63 A) LE CHAMP D’APPLICATION DE L’ARTICLE 38 B) LA MISE EN ŒUVRE DE L’ARTICLE 38 P 63 P 67 5 II- LA NEGATION DE CAUSES SPECIFIQUES DE RESILIATION P 71 A) LE DEFAUT D’EXPLOITATION DES LIEUX LOUES P 72 B) LE DEFAUT DE GARNISSEMENT DES LIEUX LOUES P 73 6 INTRODUCTION « Il est institué une procédure de redressement judiciaire destinée à permettre la sauvegarde de l’entreprise, le maintien de l’activité et de l’emploi et l’apurement du passif ». Dès l’article 1er de la loi du 25 janvier 1985, l’objectif de la réforme est clairement exprimé : la priorité est donnée au sauvetage de l’entreprise en difficulté. Rechercher la sauvegarde du potentiel industriel de l’entreprise et des emplois qui s’y rattachent sans pour autant négliger le règlement des créanciers, telle peut être résumée la philosophie de la loi. La prééminence de l’entreprise ainsi consacrée, l’alinéa 2 donne les moyens de parvenir au redressement de celle-ci. En effet, une période d’observation1 est instituée, destinée à procéder à un diagnostic de l’entreprise en dressant son bilan économique et social. A l’issue de ce temps d’analyse et de réflexion, le tribunal peut arrêter un plan de redressement qui tendra, soit à la continuation de l’entreprise après restructuration, soit à sa cession à un tiers. L’affirmation claire de la primauté de l’entreprise se traduit donc par une organisation de la procédure autour de celle-ci. Par ailleurs, à tout moment, au cours de la période d’observation, le tribunal peut décider de liquider l’entreprise si aucune mesure de redressement n’est envisageable ou en cas d’échec d’un plan de continuation ou de cession. En outre, la loi du 10 juin 1994, afin d’éviter l’acharnement thérapeutique sur des unités vouées à la disparition, a ajouté un alinéa 3 à l’article 1 selon lequel la liquidation judiciaire peut être prononcée sans ouverture d’une période d’observation « lorsque l’entreprise a cessé toute activité ou lorsque le redressement est manifestement impossible. » 1 La durée de celle ci dans le régime général est de 6 mois maximum , renouvelable une fois. Une prolongation exceptionnelle de 8 mois peut être demandée par le procureur. 7 Malgré cette disposition, destinée, en outre, à rétablir les droits des créanciers, l’architecture générale de la loi n’est pas modifiée et les buts à atteindre n’ont pas changé. La survie de l’entreprise reste au cœur des préoccupations et constitue l’épicentre de la procédure. Cet objectif se trouve renforcé dans une période où les disparitions d’emplois constituent un fléau qu’il convient d’endiguer. Dès lors, la période d’observation, innovation remarquable et remarquée de la loi de 1985, constitue le point d’orgue de l’économie générale d’un texte qui se fixe comme objectif premier la survie de l’entreprise. Cette phase de « répit et de réflexion constructive »2 va permettre de faire constituer par l’administrateur un dossier véritable, orienté vers l’étude des chances de redémarrage et de survie de l’entreprise. Il s’agit donc d’une phase préparatoire et conservatoire où aucune décision irréversible ne doit être prise mais qui reste, néanmoins, animée d’une véritable dynamique. Elle va permettre, en effet, de dresser le constat de la gestion passée en déterminant le passif de l’entreprise, mais également de préparer l’avenir et la reconstruction par le biais du plan de redressement. Mais ces possibilités de redressement ne peuvent s’envisager que si l’entreprise continue à vivre durant cette phase observatoire, dès lors convient-il de poursuivre l’exploitation pendant la période d’observation. Ainsi, l’article 35 de la loi de 1985 énonce que « l’activité de l’entreprise est poursuivie pendant la période d’observation ». En effet, une rupture dans l’activité, s’agissant d’une entreprise fragilisée étant déjà en état de cessation des paiements, serait un obstacle insurmontable à toute mesure de sauvetage. Une telle interruption risquerait d’entraîner une disparition de la clientèle, généralement sensible à la permanence du fonds de commerce et, serait mal supportée par les salariés contraints alors à un chômage temporaire. Dès lors, non seulement l’exploitation doit continuer, mais elle doit continuer dans des conditions aussi proches que possible de celles qui existaient avant le jugement d’ouverture. 2 CHAPUT (Y), redressement et liquidation judiciaires des entreprises, coll. Dr. fondamental, 2e ed., 1990. 8 La loi du 25 janvier 1985 a donc consacré des techniques guidées par le souci de préserver les moyens d’action nécessaires à la poursuite de l’exploitation ; elle assure, dés lors, la protection de l’environnement contractuel de l’entreprise. En effet, La poursuite de l’activité au cours de la période d’observation ne s’avère possible que si l’on assure à l’entreprise le maintien de son réseau de relations contractuelles. La valeur d’une entreprise dépend, en effet, largement de son réseau de commercialisation. Comment l’entreprise pourrait-elle se redresser si ses partenaires cessaient de travailler avec elle dès l’ouverture de la procédure ? Dés lors, quelle que soit la solution de la procédure introduite contre le débiteur, elle ne saurait d'un seul coup mettre fin à tous les contrats qui sont la vie d’une entreprise. Le contrat c’est le sang de l’entreprise ; l’anéantissement de tous les liens contractuels du seul fait de la survenance de la procédure équivaudrait à un constat de décès de celleci. Comment continuer l’exploitation si du jour au lendemain, l’entreprise se trouvait privée de nombreux contrats tels que ceux d’abonnements, de fournitures ou encore du bail des immeubles affectés à l’activité de l’entreprise ? En effet, comment l’entreprise pourrait-elle continuer son activité, si elle se trouvait expulsée des locaux nécessaires à l’exploitation, à la production des produits ou à leur vente ? Dès lors, sans maintien éventuel de ces contrats, il est inutile d’envisager la survie de l’entreprise. Ainsi, l’article 37 de la loi du 25 janvier 1985 consacre-t-il le principe de la continuation des contrats en cours au jour du jugement d’ouverture, en ce qu’il permet à l’administrateur ou au débiteur, assisté du juge-commissaire3, d’exiger la poursuite des liens contractuels en fournissant la prestation promise à l’autre partie. L’idée d’un possible maintien des contrats en cours au jour du jugement d’ouverture n’est pas totalement nouvelle : 3 Dans le régime simplifié : lorsque l’entreprise emploie au plus 50 salariés et réalise un chiffre d’affaires annuel inférieur à 20 millions. 9 - L’article 38 de la loi du 13 juillet 1967 avait déjà organisé une procédure assurant la poursuite des relations contractuelles mais dans la mesure où celle-ci était favorable aux intérêts de la masse, des créanciers, - Avant sa consécration législative, la poursuite de l’activité contractuelle dans le cadre de la faillite avait été affirmée par la cour de cassation dans un arrêt du 5 août 1812 : « A défaut de clause spéciale, les contrats en cours n’étaient pas résolus de plein droit par la faillite : celle-ci proclamée ce n’est que dans la mesure où le cocontractant ne reçoit pas du syndic de garanties suffisantes d’une exécution intégrale à l’échéance qu’il peut obtenir une résolution judiciaire. » Le contrat apparaît donc comme le support indispensable à la poursuite de l’activité : « dans l’ordre économique le contrat est ainsi lié à l’entreprise : l’exécution des contrats en commande l’activité et souvent la structure. Il est un élément de richesse et un élément de valeur pour l’exploitation »4. On assiste donc à une patrimonialisation de la relation contractuelle ; les contrats étant considérés comme des biens de l’entreprise qu’il faut préserver pour sauvegarder l’unité économique. Le contrat n’est pas qu’un lien pur et lisse d’obligation, tressé d’engagement mutuel simple . Il cesse d’être perçu exclusivement comme le centre d’engagement personnel ; il constitue aussi et surtout une valeur économique. En 1985, le législateur, consacrant la jurisprudence antérieure, a conféré au sort du contrat pris comme moyen de l’entreprise une sorte d’autonomie par rapport aux liens qui ont présidés à sa formation. Cette vision utilitariste du contrat s’explique par l’histoire et permet de comprendre le mécanisme mis en place à l’article 37 de la loi du 25 janvier 1985. La philosophie du droit de la faillite a été marquée par deux grandes périodes : - Dans un premier temps, de la Haute Antiquité jusqu’à l’ordonnance de COLBERT en 1673, la faillite etait caractérisée par un souci de sécurité des transactions passant par la satisfaction individuelle des créanciers et, par l’élimination du circuit des affaires du débiteur commerçant. Dès lors, dans une telle perspective de 10 désintéressement des créanciers, il n’existait pas de droit de la faillite en tant qu’institution traitant du sort des débiteurs commerçants. - Progressivement, une moins grande rigueur va se manifester à l’égard des débiteurs et le traitement des difficultés des commerçants va devenir une nécessité d’ordre économique et politique. Plusieurs facteurs ont concouru à cette évolution au rang desquels on peut citer le passage d’une économie de boutiquiers à celle privilégiant les grandes unités de production, l’importance prise par les entreprises au niveau de l’impact de leur défaillance sur l’équilibre économique du pays, et la nécessité d’éviter, dans certains secteurs, les faillites en chaîne. Des mesures en faveur des entreprises ont donc vu le jour et, très vite, le maintien des contrats s’est avéré nécessaire pour parvenir au redressement de l’entreprise. De simple lien juridique, il va devenir un bien susceptible d’être utilisé dans le cadre d’un effort de redressement. Le contrat est dès lors appelé à devenir un véritable élément du patrimoine de l’entreprise. Cette philosophie économique du contrat, mise en avant par le droit des entreprises en difficulté, se révèle avec une intensité particulière à propos du bail des locaux dans lesquels l’exploitation est assurée. En effet, le contrat de bail est vital pour permettre le maintien de l’activité. La jouissance des lieux se révélant être d’une nécessité première pour la poursuite de l’activité. Ce contrat pourra être un bail rural, un bail professionnel, mais le plus souvent, il s’agira d’un bail commercial, du bail d’un immeuble dans lequel le locataire exploite un fonds commercial ou artisanal dont il est propriétaire. Les baux commerciaux sont régis par le décret du 30 septembre 1953, texte d’ordre public qui s’applique impérativement aux baux entrant dans son champ d’application, 4 DURAND (P), préface à la tendance à la stabilité du rapport contractuel, L.G.D.J 1960. 11 malgré l’existence de clauses contraires. Etant impératif, le statut des baux commerciaux régit en principe toutes les conventions de louage portant sur un local où est exploité un fonds de commerce ; ce qui explique la fréquence de tels baux. La valeur que représente le bail commercial pour l’entreprise est indéniable. En effet, dans la plupart des entreprises, le bail commercial est l’élément prépondérant du fonds de commerce. Dans les commerces de détail, le bail est souvent l’élément principal qui détermine l’attachement de la clientèle à l’exploitation. En outre, Le bail peut être cédé avec le fonds de commerce nonobstant toute clause contraire. Ce droit de céder le bail commercial est un élément indissociable du régime juridique du fonds de commerce : la cession du bail est le support indispensable de la cession du fonds. Par ailleurs, afin d’éviter au locataire commerçant le risque de perdre son fonds de commerce s’il venait à être expulsé de son local, le statut des baux commerciaux a conféré au preneur un droit au renouvellement de son bail. Le locataire a donc, à l’expiration du bail, le droit d’en obtenir le renouvellement, sauf pour le bailleur à payer une indemnité d’éviction ou de justifier d’un droit de reprise prévu par le décret. Dès lors, le décret du 30 septembre 1953 confère au preneur ce que la pratique qualifie de « propriété commerciale ». Cette valeur économique du bail commercial est accentuée par la survenance d’une procédure collective : - Durant la période d’observation, le bail commercial constitue un des piliers de la poursuite de l’activité en ce qu’il assure, en quelque sorte, la pérennité géographique de l’entreprise. L’entreprise doit, comme on l’a dit, pouvoir disposer des locaux afin de poursuivre son activité. - En cas de liquidation judiciaire, alors que la poursuite de l’activité est exceptionnelle et assez rarement accordée, certains contrats au rang desquels figure le bail commercial conservent toute leur utilité. En effet, il peut permettre 12 d’envisager une cession de l’unité de production ou, à défaut, la valeur patrimoniale que représente le droit au bail va pouvoir être négociée. Le bail commercial n’est donc pas un contrat comme les autres. Les liens, plus qu’étroits, qu’il entretient avec le fonds de commerce font de lui l’auxiliaire nécessaire à la poursuite de l’activité. Sa rupture entraînant, généralement, la disparition du fonds de commerce et donc de l’activité. Sa spécificité a été intégrée par le statut des baux commerciaux qui déroge au droit commun du louage des articles 1752 et suivants du code civil. En effet, le statut limite la faculté du bailleur de rompre le contrat de bail et réglemente strictement l’exercice de la clause résolutoire, qui est de style dans les baux commerciaux. La réglementation de droit commun du bail commercial n’est donc pas très favorable au bailleur abritant un fonds de commerce, Le décret s’insérant dans une perspective de protection du locataire commerçant en favorisant le maintien de la relation contractuelle. A l’évidence, cette protection s’impose d’autant plus lorsque l’entreprise est en difficulté, en état de cessation des paiements5; mais de quelle manière la loi du 25 janvier 1985 allait-elle assurer la protection du contrat de bail ? Doit-il suivre le même sort que tous les contrats en cours ou, au contraire, sa spécificité nécessite-t-elle une réglementation particulière au sein de ses contrats ? Sous l’égide de la loi du 13 juillet 1967, le contrat de bail faisait l’objet d’une rubrique particulière. En effet, la section 4 de la loi était exclusivement réservée au rapport entre le bailleur et le locataire. L’article 50 faisait application du principe général selon lequel le syndic disposait d’un droit d’option entre le maintien ou la résiliation du bail des immeubles affectés à l’activité professionnelle du débiteur, et donc du bail commercial. Aussi, ce droit d’option devait s’exercer en fonction de l’intérêt de la masse. De plus, les possibilités de résiliation offertes au bailleur restaient largement ouvertes et revenaient, en réalité, à conférer à ce dernier la maîtrise du sort du contrat de bail. 13 La loi du 25 janvier 1985 n’organise plus de section spéciale sur les rapports entre le bailleur et le locataire. Ceci par souci, certainement, de mettre tous les créanciers contractuels à la même enseigne ; l’égalité des créanciers étant « l’âme des procédures collectives ». Dès lors, il faut en déduire que la situation du contrat de bail, pendant la période d’observation, est la même que celle des autres contrats en cours de l’entreprise en difficulté. L’ouverture de la procédure n’entraîne donc pas la cessation des liens contractuels et le principe est celui de la continuation du contrat de bail selon les modalités de l’article 37 de la loi du 25 janvier 1985. Le sort du bail est donc entre les mains de l’administrateur qui va pouvoir en exiger l’exécution en fournissant la prestation promise au bailleur et ce, malgré le défaut d’exécution du débiteur antérieurement au jugement d’ouverture. Le contrat de bail s’inscrit donc dans le cadre général de l’article 37 et le bailleur, en sa qualité de créancier, va être assujetti aux mêmes règles que tous les créanciers antérieurs et, bénéficiera des mêmes avantages à raison de la postériorité de sa créance au jugement (PARTIE I). Néanmoins, bien que le contrat de bail soit soumis à la règle de l’article 37, la situation juridique du bailleur, en sa qualité de cocontractant, va être aggravée par rapport au régime général afin de favoriser le redressement de l’entreprise. Cette aggravation touche le droit de résiliation du bailleur ainsi que son privilège, le premier étant limité et le second réduit. En effet, l’article 38 vise expressément le bail commercial, lorsqu’ évoquant les restrictions au droit de résiliation postérieure au jugement d’ouverture, il emploie le terme « bail des immeubles affectés à l’activité de l’entreprise ». Par ailleurs, l’application du mécanisme de la clause résolutoire a suscitée quelques difficultés. En effet, le jeu de la clause résolutoire s’étalant dans le temps, il se peut que l’ouverture de la procédure survienne au cours du processus d’acquisition de la clause. Et, là encore, les solutions jurisprudentielles témoignent du souci de maintenir la relation contractuelle en restreignant la faculté de résiliation du bailleur. On constate donc une tendance à la stabilité pour permettre au locataire de se maintenir dans les lieux, le bail commercial étant l’élément prépondérant du fonds de commerce (PARTIE II) 5 L’entreprise ne peut plus faire au passif exigible avec son actif disponible. 14 PARTIE I : LA CONTINUATION DU BAIL : LE REGIME COMMUN DES CONTRATS EN COURS La poursuite de l’activité contractuelle pendant la période d’observation révèle une atteinte caractérisée au droit commun contractuel. En effet, l’objectif assigné à la période d’observation s’accommode mal avec les règles traditionnelles qui régissent les contrats. La finalité de la procédure n’est, en effet, pas propice au libre cours des relations, mécanismes ou situations contractuelles. Le contrat ne s’envisage donc plus comme un simple lien entre deux parties, mais il se voit assigner un objectif transcendant les intérêts des parties : le sauvetage de l’entreprise. Dès lors, de grandes libertés vont être prises avec les principes gouvernant le droit des obligations afin de parvenir aux objectifs fixés. Certains ont parlé de « faillite du droit »6, d’ « œil du cyclone »7 des procédures collectives frappant la théorie des obligations contractuelles. Et le bail commercial, en tant que contrat en cours et, soumis à l’article 37, n’échappe pas à la tempête. Les atteintes se manifestent lors de l’exercice de l’option où son titulaire sera promulgué en maître du contrat et pourra imposer le maintien de la relation contractuelle (chapitre II). Mais, dès l’ouverture de la procédure, la préservation du contrat s’avère nécessaire et ce jusqu’à l’exercice de l’option. Cette protection du contrat de bail est, là encore, caractérisée par un dispositif affranchi des principes classiques du droit des obligations (chapitre I). 6 TERRE (F), R.J.P. com., 1991, p.1, Conférence donnée au tribunal de commerce de paris par l’association droit et commerce le 23 octobre 1989. 7 MARTIN (D), la sécurité contractuelle à l’épreuve du redressement judiciaire, J.C.P 1986, ed. N, I, p.180. 15 CHAPITRE I : LA PRESERVATION DU BAIL LORS DE L’OUVERTURE DE LA PROCEDURE L’option constitue le moment fort de la vie du contrat postérieurement à l’ouverture de la procédure. Mais, cette option ne peut à l’évidence intervenir dès le jugement ouvrant la procédure. Elle ne sera exercée qu’après que son titulaire aura pris connaissance de la situation de l’entreprise, des fonds disponibles et de la nécessité du contrat. Afin d’assurer l’effectivité de l’option, il est donc apparu nécessaire d’éliminer tout ce qui pourrait entraver la poursuite du contrat jusqu’à l’option. En effet, le contrat doit être maintenu, au moins provisoirement, jusqu’à l’option afin de permettre le libre exercice de celle-ci. Le législateur a donc mis en place divers mécanismes ayant pour but d’éviter la cessation ou l’anéantissement de l’engagement contractuel lors de l’ouverture de la procédure (I). Ces dispositions tendent toutes à assurer une continuation de plein droit du contrat de bail pourvu que celui-ci soit en cours au jour du jugement d’ouverture (II). I – L’ELIMINATION DES ENTRAVES AU MAINTIEN DU BAIL Pendant cette phase d’attente pré optionnelle, la constante est celle de l’inefficacité contractuelle. Ainsi, que ce soit la liberté contractuelle ou la force obligatoire des conventions, toutes deux vont être atténuées par l’ouverture de la procédure. Les stipulations conventionnelles, librement consenties, vont être neutralisées (A) et, les droits et actions du bailleur, qui forment les compléments sécuritaires du contrat, altérés par l’ouverture de la procédure (B). 16 A ) LA NEUTRALISATION DES STIPULATIONS DU CONTRAT La survie du contrat est voulue et organisée par le législateur. Dès lors, la résiliation du bail pour cause d’ouverture d’une procédure collective, notamment par l’effet d’une clause, ne serait guère opportune. Ainsi, le législateur en 1985, prolongeant les solutions jurisprudentielles dégagées sous la loi de 1967, a prohibé toute clause de déchéance, de résiliation du seul fait de l’ouverture de la procédure. Ce principe s’applique aussi bien au redressement judiciaire qu’à la liquidation judiciaire : - L’article 37 alinéa 5 dispose que « nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution du contrat ne peut résulter du seul fait de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ». - L’article 153-3, applicable à la liquidation judiciaire ouverte sans période d’observation ou prononcée au cours de celle ci, vise quant à lui expressément le contrat de bail : « la liquidation judiciaire n’entraîne pas de plein droit la résiliation du bail des immeubles affectés à l’activité de l’entreprise ». Dès lors, si le jugement de liquidation judiciaire n’entraîne pas la disparition du bail, a fortiori, le redressement ne saurait avoir des répercussions plus fâcheuses sur la poursuite de la convention. Mais, bien avant que le droit des procédures collectives ne s’intéresse à l’entreprise et, dès la création d’un statut des baux commerciaux, une telle solution avait déjà été consacrée. En effet, le décret du 30 septembre 1953 contient un article 36 aux termes duquel : « la faillite et la liquidation judiciaire n’entraînent pas de plein droit la résiliation du bail des immeubles affectés à l’industrie, au commerce ou à l’artisanat du débiteur… Toute stipulation contraire est réputée non écrite. » 17 Ces différents textes assurent donc une protection efficace du contrat de bail en prohibant toute résiliation automatique du bail du seul fait de l’ouverture de la procédure bien qu’il s’agisse d’un contrat ou la considération de la personne du cocontractant et, notamment, de sa solvabilité, est essentielle. La prévoyance du bailleur étant inopérante puisque les clauses résolutoires pour cause d’une ouverture de procédure collective sont réputées non écrites. Cette protection a été accentuée par la cour de cassation qui ne s’est pas arrêtée à une interprétation littérale de l’article 37 alinéa 5. En effet, elle considère plus généralement que toute cause de résolution ou toute clause résolutoire qui ne serait pas strictement indépendante de l’ouverture du redressement judiciaire doit être écartée ou tenue en échec. Ainsi dans un arrêt « garage BERTA »8 du 2 mars 1993, elle reconnaît la prohibition de la clause résolutoire fondée sur l’état de cessation des paiements du débiteur dès lors que « la constatation d’un tel état par le tribunal le conduit nécessairement à ouvrir la procédure de redressement judiciaire ». Cet arrêt revêt une grande importance pratique. En effet, après que la loi du 25 janvier 1985 ait, par son article 37 alinéa 5, prohibé toute déchéance à raison de l’ouverture d’une procédure de redressement, sont apparues dans de nombreux contrats des clauses de résiliation de plein droit à raison de l’état de cessation des paiements, afin de contourner la prohibition. Désormais, la cour de cassation considère que la rédaction de l’article 37 alinéa 5 exclut la validité de telles clauses et restreint donc la portée de celles-ci, mais dans quelles limites ? Il ne s’agit en aucun cas de faire application de la période suspecte au jeu ces clauses résolutoires et de dénuer de validité celles fondées sur l’insolvabilité du débiteur, la détérioration de sa situation financière, et encore moins des clauses résolutoires en cas de cessation par le débiteur de ses paiements au titre d’un contrat. Ce serait à l’évidence aller trop loin : les clauses résolutoires ont, en effet, pour vocation première de sanctionner l’inexécution et, dans la majorité des cas, un défaut de paiement. La cour de cassation veut simplement éviter que les cocontractants ne se prévalent, lorsque le 18 tribunal est saisi, d’une clause résolutoire fondée sur l’état de cessation des paiements pour rompre le contrat et frauder ainsi à l’article 37 alinéa 5. Néanmoins, leur validité ne préjuge pas de leur efficacité, cette dernière devra être appréciée au regard de l’article 47 qui suspend toute poursuite individuelle après le jugement d’ouverture, pour causes antérieures à celui ci. Le bailleur ne peut donc arguer de l’ouverture de la procédure pour se délier de la relation contractuelle et ce quelles que soient les clauses du contrat. En outre, exceptionnellement au cours de la période d’observation, la conclusion d’un contrat de location-gérance pourra être autorisée dans les conditions posées à l’article 42. Là encore, cette disposition porte atteinte aux droits du bailleur qui devra subir l’inefficacité des stipulations du bail interdisant la location-gérance. La poursuite du contrat de bail sera ainsi imposée en dépit du changement du mode d’exploitation du fonds de commerce. Le bailleur voit donc sa prévoyance rendue inopérante. Il devra subir la continuation du bail au mépris des clauses du contrat. Le dispositif mis en place à l’article 37 alinéa 5 s’accompagne de dispositions éparses altérant les attributs que le bailleur tient de la relation contractuelle. B ) L’ALTERATION DES PREROGATIVES CONTRACTUELLES Un ensemble de prérogatives, que la loi ou la volonté des parties attache à la qualité de créanciers conférée par la convention, entre dans les attributs contractuels. Ces prérogatives tendent à la défense des intérêts du cocontractant et contreviennent, dès lors, à l’objectif de maintien de la relation contractuelle. Dès lors, le bailleur, en tant que 8 cass.com. , 2 mars 1993, D. 1993, jurisp., p.426, note M.Pedamon 19 créancier et cocontractant comme les autres, est concerné par un certain nombre de dispositions intéressant les créanciers et cocontractants en général. Que ce soit l’absence de déchéance du terme, l’arrêt des poursuites individuelles et du cours des intérêts, l’interdiction des paiements antérieurs, la paralysie de l’exception d’inexécution, toutes ces dispositions touchent le bailleur comme les autres partenaires de l’entreprise. Le bailleur se voit donc imposer de remplir ses obligations après l’ouverture de la procédure malgré l’inexécution par le débiteur d’engagements antérieurs au jugement d’ouverture. Ces derniers n’ouvrant droit au profit du bailleur qu’à déclaration au passif. Le bailleur sera donc astreint comme les autres créanciers antérieurs à la déclaration de créances relatives aux échéances antérieures au jugement d’ouverture ; déclaration devant intervenir dans un délai de deux mois à compter de la publication du jugement d’ouverture au B.O.D.A.C.C. Par ailleurs, aux termes de l’article 66 alinéa 3 du décret du 27 septembre 1985, les titulaires de baux ayant fait l’objet de publicité seront avertis par le représentant des créanciers, par lettre recommandée avec accusé de réception, d’avoir à déclarer leurs créances. L’extinction de la créance étant la sanction encourue, à moins que dans les délais requis le bailleur ne puisse ultérieurement obtenir un relevé de forclusion à charge pour lui d’établir des motifs sérieux à l’origine de cette absence de diligence. En outre, cette déclaration de créance s’avérera indispensable lorsque le bailleur entendra se prévaloir de la compensation. En effet, malgré le principe de l’interdiction des paiements des créances antérieures au jugement d’ouverture, la jurisprudence a admis que la compensation puisse s’opérer : - Lorsque les conditions de la compensation légale sont réunies avant le jugement d’ouverture, - Même postérieurement au jugement d’ouverture si les dettes et les créances réciproques dont on invoque la compensation sont unies par un lien de connexité. Il faudra donc deux obligations résultant de l’exécution d’un même contrat ou ayant une cause économique commune. Dès lors, le bailleur pourra, par exemple, opposer 20 la compensation entre des loyers et des charges qui lui sont dus et des créances de réparations dont il serait débiteur à l'égard du locataire. De même, les créances réciproques de loyer et de restitution du dépôt de garantie étant considérées comme connexes, le bailleur pourra imputer sa dette en restitution du dépôt de garantie dû en raison de la résiliation du bail après le jugement d’ouverture sur sa créance de loyer, fut-elle antérieure au jugement d’ouverture, dès lors que cette créance a été régulièrement déclarée au passif de la procédure. La manifestation la plus brutale et la plus générale des restrictions des droits du bailleur réside dans la paralysie de son action en règlement des loyers ainsi que de son action en résolution du contrat de bail pour défaut de paiement desdits loyers. En effet, l’article 47 dispose que : « le jugement d’ouverture suspend ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance a son origine antérieurement audit jugement et tendant, - à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent, - à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent ». L’article 47 ajoute que sont pareillement arrêtées ou interdites « toutes voies d’exécution de la part du créancier tant sur les meubles que sur les immeubles ». Néanmoins, et on le reverra plus précisément dans la partie II, l’article 47 ne vise que les actions en paiement ou en résolution pour défaut de paiement d’une somme d’argent. Dès lors sont recevables les actions ayant un autre fondement que le défaut de paiement d’une somme d’argent et notamment résultant de l’inexécution d’une obligation de faire. En outre, il existe un principe selon lequel on ne revient pas sur le passé et sur les situations qui ont complètement produit leurs effets avant le jugement d’ouverture. Le maintien des situations acquises emporte que, dès lors que la résiliation du contrat de bail est définitive au jour du jugement d’ouverture, elle ne peut être remise en cause. De plus, la cour de cassation dans un arrêt du 21 février 1990 a affirmé que l’expulsion ne constituait pas une voie d’exécution sur les meubles et les immeubles. Dès lors, l’expulsion du preneur n’étant pas constitutive d’une voie d’exécution sur les 21 biens de l’entreprise, elle peut être réclamée après le jugement d’ouverture lorsque la résiliation du contrat de bail est définitive au jour dudit jugement. Les sanctions contractuelles classiques sont donc altérées dès l’ouverture de la procédure ; la mise en œuvre défectueuse d’une convention ne pouvant à elle seule déterminer sa disparition dès lors qu’elle est encore susceptible de jouer un rôle bénéfique à l’égard de la procédure. Le dispositif mis en place par le législateur ayant pour but d’assurer la continuation de plein droit du contrat de bail, la condition sine qua non étant que celui-ci soit en cours au jour du jugement d’ouverture. II – LA CONTINUATION DE PLEIN DROIT DU BAIL EN COURS La notion de contrat en cours se trouve au cœur du droit des contrats et des procédures collectives, puisque seuls les contrats en cours peuvent faire l’objet d’une continuation forcée au sens de l’article 37 de la loi de 1985. Cette notion revêt donc une importance considérable (A) au vu des effets qui s’y rattachent (B). A ) LA NOTION DE CONTRAT DE BAIL EN COURS L’expression « contrat en cours » constitue une des nombreuses énigmes de la matière, cette notion ne faisant l’objet d’aucune définition. En effet, malgré l’importance de la notion, l’article 37, qui contient les dispositions générales relatives au contrat en cours, ne comporte pas la moindre définition du contrat en cours. Les critères de cette notion clé ont donc dû être affinés par la jurisprudence et la doctrine : il s’agit d’un contrat conclu antérieurement à l’ouverture de la procédure, qui est encore en cours d’existence et susceptible d’exécution postérieure à la charge du cocontractant. 22 Selon une distinction traditionnelle, deux critères cumulatifs sont donc requis : le contrat doit être en cours d’existence et il doit être également en cours d’exécution : - Pour être un contrat en cours, le bail commercial doit donc être né à la vie juridique antérieurement au jugement d’ouverture et ne pas avoir pris fin à cette date. Les contrats définitivement rompus avant la survenance de la procédure ne peuvent en effet être poursuivis par l’administrateur. Ainsi, lorsque la résiliation du bail sera définitive au jour du jugement d’ouverture, c’est-à-dire prononcée ou constatée par une décision passée en force de chose jugée, le bail ne sera plus en cours et l’administrateur ne pourra donc en exiger l’exécution. Le maintien du contrat s’apprécie donc au regard de l’article 47 qui, comme nous l’avons vu précédemment, arrête les poursuites en cours et ne permet pas de remettre en cause les situations qui ont intégralement produit leurs effets avant le jugement d’ouverture. De la même manière, un contrat en cours de formation ne peut pas être poursuivi sur le fondement de l’article 37. Mais quant peut-on considérer que le contrat n’est plus en cours de formation et constitue un véritable engagement contractuel ? Dans un arrêt du 6 février 19969, la chambre commerciale a eu à connaître d’une promesse de bail. En l’espèce, il s’agissait de savoir si un protocole d’accord conclu avant la mise en liquidation judiciaire d’une entreprise et par lequel elle s’était engagée à consentir à une société un bail précaire, puis à l’expiration de celui-ci, un bail commercial de neuf ans, constituait un contrat en cours au sens de l’article 37 alinéa 1er de la loi de 1985. Il était prévu , en outre, l’adjonction ultérieure de clauses usuelles. La haute juridiction, approuvant la cour d’appel d’avoir considéré qu’il s’agissait d’un contrat en cours, relève que tous les éléments nécessaires à la validité d’un bail conformément à l’article 1709 du code civil étaient réunis dès la date du protocole, que le contrat devait seulement recevoir sa formulation définitive par l’adjonction de clauses usuelles ; pour en conclure que le bail était ainsi en cours d’exécution au sens de l’article 37 de la loi de 1985 au jour où l’entreprise promettante a été mise en liquidation. La cour de cassation 23 rappelle donc que les baux commerciaux, bien que régis par un texte spécial, n’en demeurent pas moins soumis aux dispositions de l’article 1709 du code civil pour ce qui est de la définition même du contrat de bail. Elle relève que la promesse de bail vaut bail dès lors que les éléments essentiels du bail (loyers, durée et chose louée) y sont énoncés. Or le protocole en cause comportait bien ces éléments, les parties n’ayant renvoyé à une date ultérieure que la formalisation du contrat dans un acte distinct. - Le bail commercial, pour être qualifié de contrat en cours, doit aussi être en cours d’exécution au jour du jugement d’ouverture. L’exécution du contrat ne doit donc pas être terminée à la date du jugement d’ouverture. En effet, lorsque les prestations principales attendues ont été fournies avant le jugement d’ouverture, le contrat n’est plus en cours même s’il n’a pas produit tous ses effets. Pour le bail, aucune discussion n’est possible pour savoir s’il entre par nature dans la catégorie des contrats en cours. En effet, sa qualification de contrat à exécutions successives en fait l’exemple même du contrat en cours, ceux ci constituant le domaine d’élection privilégié de la notion de contrat en cours. La qualification de contrat en cours avait été discutée à propos des contrats conclus intuitu personae, mais la cour de cassation a refusé d’opérer une distinction fondée sur la nature ou les caractères des contrats. Elle affirma avec autorité le 8 décembre 198710, dans une affaire relative au compte courant, que : « l’administrateur d’un redressement judiciaire a la faculté d’exiger l’exécution des contrats en cours lors du prononcé de ce redressement judiciaire sans qu’il puisse être fait de distinction selon que les contrats ont été ou non conclus en considération de la personne ». La notion de contrat en cours doit, enfin, être analysée au vu du renouvellement du bail ou, plus précisément, du refus de renouvellement du bail par le propriétaire. En effet, le décret de 1953 prévoit que le bailleur peut invoquer l’inexécution du contrat comme motif grave et légitime contre le locataire. Dans ce cas, l’inexécution du locataire ne peut justifier le non-renouvellement que si elle s’est poursuivie ou 9 Cass.com., 6 février 1996 , Rev. Proc. Coll. 1996, n° 2, p. 210. Cass.com., 8décembre 1987, D. 1988 , 52. 10 24 renouvelée plus d’un mois après la mise en demeure d’avoir à la faire cesser. Si le bail arrive à expiration avant l’ouverture de la procédure et que le propriétaire a manifesté son intention de ne pas renouveler le bail, des difficultés d’articulation entre le droit des procédures collectives et le décret peuvent apparaître. En effet, la procédure collective peut être ouverte alors que le délai d’un mois après la mise en demeure est en cours. Dès lors, une distinction doit être opérée : - si la mise en demeure a été reçue avant l’ouverture de la procédure mais que le délai pour régulariser n'est pas expiré, le contrat de bail est alors en cours. Dès lors, il semble que la demande de continuation bloque la procédure de non-renouvellement sans que le paiement des loyers puisse être exigé, l’article 33 interdisant le paiement de cette créance antérieure. - si le délai est au contraire expiré, le contrat de bail n’est plus en cours et la cour de cassation dans un arrêt du 14 mai 199711, reprenant une solution dégagée dans une décision en date du 3 juin 199212, a estimé que l’action en validité de congé avec refus de renouvellement du bail ne peut être suspendue par l’ouverture du redressement judiciaire. Ainsi, lorsque le contrat de bail revêtira les deux critères dégagés précédemment, il sera en cours au jour du jugement d’ouverture et pourra être soumis à l’option de l’administrateur. B ) LES EFFETS ATTACHES AU BAIL EN COURS La qualification de contrat en cours entraîne l’application de tout le mécanisme de continuation des conventions après l’ouverture de la procédure collective, prévue 11 12 Cass. civ. , 14 mai 1997, RJDA 1997, n°954. Cass. com. , 3 juin 1992 Bull . civ. III , n°182. 25 principalement par l’article 37 de la loi de 1985. Le bail en cours sera donc soumis à l’option de l’administrateur, lequel dans l’exercice de celle-ci décidera du sort à donner à la convention. Le bailleur peut adresser au titulaire de l’option une mise en demeure d’avoir à opter qui, si elle est restée plus d’un mois sans réponse, entraînera la résiliation du contrat. Si l’option entre la continuation du contrat et la renonciation appartient, en principe, à l’administrateur encore faut-il qu’il exprime d’une manière quelconque sa décision. Aussi, l’article 37 laisse-t-il en suspend la question du sort du contrat en cas de silence absolu de l’administrateur, lequel n’a pris aucune décision formelle, n’a pas été mis en demeure d’opter et n’a même pas accompli un acte valant décision implicite de poursuite ou de renonciation. Dans une telle hypothèse, la jurisprudence a, à plusieurs reprises, considéré que le contrat se poursuit de plein droit pendant la période d’observation sans qu’une décision formelle de l’administrateur ne soit requise. Ce principe découle des termes mêmes de l’article 37 et, un arrêt de la cour d’appel de Versailles du 28 novembre 199613 a développé une argumentation précise des dispositions justifiant ledit principe. Celles-ci sont au nombre de trois : - l’article 37 alinéa 5 interdit, nonobstant toute clause ou toute disposition contraire, la résiliation de plein droit du contrat du seul fait de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire. Dès lors, la cour en déduit que le principe est donc celui de la poursuite de plein droit après l’ouverture : si les contrats ne sont pas résiliés, c’est qu’ils se poursuivent. Cette solution s’avère de plus indispensable puisqu’il est matériellement impossible pour l’administrateur de se prononcer instantanément sur les nombreux contrats en cours de l’entreprise. - l’article 37 alinéa 2 impose, quant à lui, au cocontractant de remplir ses obligations après l’ouverture de la procédure malgré l’inexécution par le débiteur d’engagements antérieurs. Cette disposition confirme par-là le maintien de plein droit du contrat en cours : le cocontractant doit en principe continuer à exécuter sans pouvoir opposer l’exception d’inexécution pour des faits antérieurs. Si cela ne lui 26 convient pas, il peut toujours mettre en demeure l’administrateur, en espérant que cela aboutira à la résiliation du contrat. - enfin, la cour relève que, bien que l’administrateur ait seul la faculté d’exiger l’exécution des contrats en cours, l’article 37 alinéa 1er ne signifie pas pour autant qu’une décision de l’administrateur soit nécessaire à la continuation du contrat ; celle-ci se poursuivant de plein droit au vu des alinéas 2 et 5 de l’article 37. Néanmoins, en contrepartie de cette poursuite de plein droit, les loyers naissant de cette jouissance postérieure peuvent-ils bénéficier de l’article 40 ? est on en présence de créances nées régulièrement après le jugement d’ouverture ? La cour de cassation a considéré que les prestations dues au cocontractant jusqu’à la décision de l’administrateur devaient bénéficier de la priorité de paiement posée à l’article 40 de la loi du 25 janvier 1985. En effet, dans un arrêt du 27 octobre 199814, la cour affirme que : « la créance pour loyers due postérieurement au jugement d’ouverture de la procédure est née régulièrement et entre dans les prévisions de l’article 40 de la loi du 25 janvier 1985, nonobstant l’absence de poursuite d’activité et de délivrance à l’administrateur d’une mise en demeure dans les termes de l’article 37 de la loi du 25 janvier 1985 dès lors que l’administrateur n’a pas pris parti contre l’exécution du bail… » Dès lors, si l’administrateur ne se prononce pas et si le bailleur ne notifie pas postérieurement au jugement d’ouverture une mise en demeure lui demandant s’il entend ou non poursuivre le bail, ce dernier se poursuit de plein droit et en l’absence de règlement des loyers, la créance du bailleur entre dans les prévisions de l’article 40. Cette dernière solution doit être approuvée dans la mesure où d’une part, la notification d’une mise en demeure à l’administrateur dans les termes de l’article 37 ne constitue qu’une simple faculté pour le bailleur et non une obligation et, d’autre part, il apparaît que le bailleur ne doit pas supporter les conséquences financières de l’absence de 13 14 C.A VERSAILLES, 28 novembre 1996, D. 1997, p. 508, note F. Pérochon. Cass.com., 27 octobre 1998 , loyers et copr. 1999, comm. n° 127. 27 diligence de l’administrateur lorsque celui-ci n’exerce pas son droit d’option qui lui est reconnu. Dans l’attente de la décision de l’administrateur, les contrats en cours subsistent donc de plein droit et le contrat devra recevoir application de part et d’autre et chaque partie devra fournir les prestations convenues lors de la conclusion du contrat. Mais en cas d’inexécution du contrat poursuivi de plein droit, quels sont les moyens d’action du bailleur, l’article 37 alinéa 2 et 3 ne visant que l’hypothèse du contrat dont la continuation a été exigée et le défaut de paiement ? En cas d’inexécution le cocontractant du débiteur pourra utiliser tout l’arsenal des moyens de pression et de sanction du droit commun. La cour d’appel de Versailles, dans un arrêt du 19 février 1998, a considéré, par un raisonnement a fortiori, qu’il serait illogique que le contrat puisse être résilié lorsque l’administrateur ne respecte pas, alors qu’il a opté pour la continuation, les conditions fixées ; et que cette résiliation ne puisse intervenir pour non-respect des obligations contractuelles lorsqu’il n’a pas exercé son option. Néanmoins, le bailleur devra se soumettre aux dispositions de l’article 38 restreignant son droit de résiliation postérieur au jugement d’ouverture. Cette phase d’attente est donc caractérisée par des mécanismes tendant à préserver le contrat jusqu’à l’option de l’administrateur. En effet, l’intérêt d’une telle faculté d’option ne peut se concevoir que dans la mesure où les contrats, et pour ce qui nous intéresse le contrat de bail, ne soient pas anéantis avant la manifestation de volonté que constitue l’exercice de l’option. La période pré optionnelle est donc marquée par l’effritement du modèle contractuel, qui ne fera que s’aggraver au stade ultérieur de la procédure collective. L'intuitu personae recule, la force obligatoire des accords de volonté est manifestement réduite puisque certaines stipulations contractuelles sont réputées non écrites ou paralysées dans une large mesure. Le bailleur, élément stratégique de l’activité de l’entreprise défaillante, fera particulièrement les frais de cet écrêtement des prérogatives contractuelles classiques. Le contrat préservé sera placé entre les mains de l’administrateur, ce dernier décidera du sort à adjoindre à la convention. 28 CHAPITRE II : LA POURSUITE DU BAIL EN COURS : L’OPTION L’option constitue le point central du mécanisme de poursuite des contrats. Elle confère à son titulaire la maîtrise du sort du contrat sur lequel elle s’exerce. L’article 37 alinéa 1er, visant l’option dans le régime général, est explicite : « l’administrateur a seul la faculté d’exiger l’exécution ». Droit de vie ou de mort sur le contrat, « impérium » conféré à son titulaire, les qualificatifs ne manquent pas pour dépeindre cette prérogative exorbitante de droit commun attachée à l’option. Le droit commun repose sur le consensualisme et la force obligatoire des conventions librement et régulièrement formées. Le contrat est la loi des parties et les parties sont maîtresses du contrat. Le droit des procédures collectives, quant à lui, consacre une vision différente : c’est le titulaire de l’option qui devient le pivot du nouveau système de valeur qui scelle le sort du contrat en cours lors d’une procédure. Il renonce au contrat et celui-ci est résilié, il en exige l’exécution et le co-contractant doit s’y soumettre. Le droit d’option a suscité un contentieux abondant au lendemain de la loi du 25 Janvier 1985. Cette dernière, en effet, encadrait faiblement l’exercice du droit d’option et, en même temps qu’elle laissait planer certaines zones d’ombre sur le sort du contrat, elle était source d’incertitude pour le cocontractant du débiteur. Dès lors, compte tenu de l’importance que revêt l’option pour la poursuite de l’activité, la jurisprudence a progressivement défini les contours du régime de l’option. La réforme opérée le 10 juin 1994 a apporté sa contribution à cet édifice juridique en entourant l’exercice du droit d’option d’un luxe de précaution, rétablissant ainsi l’équilibre entre les parties. Désormais, l’exercice de l’option bénéficie d’un régime strictement encadré (I) et les conséquences résultant du choix effectué par le titulaire de l’option ont été précisées (II) 29 I – L’EXERCICE DE L’OPTION : UN REGIME ENCADRE. La réforme opérée par la loi du 10 juin 1994 a été guidée par le souci de protéger le cocontractant du débiteur et de tarir à la source le passif postérieur au jugement. La loi du 25 janvier 1985 était décriée, en effet, comme sacrifiant les entreprises créancières. Dès lors, il est apparu nécessaire d’imposer certaines précautions, contraintes au titulaire de l’option dans l’exercice de celle-ci afin de le responsabiliser (A). Les manifestations de volonté des parties lors de l’exercice de l’option doivent, en outre, respecter certains délais et revêtir certaines formes (B). A – LA RESPONSABILISATION DU TITULAIRE DE L’OPTION Lors de l’exercice de l’option, son titulaire se voit assigner des obligations de vigilance tenant à la situation de l’entreprise et notamment aux fonds disponibles. Avant d’envisager les contraintes pesant sur l’exercice de l’option, il faut au préalable définir les personnes titulaires de ce droit d’option. En effet, le titulaire du droit d’opter pour la continuation des contrats en cours n’est pas la même personne eu égard à la situation de l’entreprise, c’est-à-dire suivant qu’elle fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire ordinaire ou simplifiée,ou d’une procédure de liquidation judiciaire immédiate ou intervenant sur conversion du redressement judiciaire. Dès lors, des distinctions sont à opérer entre les personnes titulaires du droit d’opter en fonction de la nature de la procédure dont l’entreprise fait l’objet : - dans le régime général, l’article 37 dispose que l’administrateur a seul la faculté d’exiger l’exécution des contrats en cours. Il s’agit d’un pouvoir exclusif conféré à l’administrateur indépendamment de la mission que lui a confiée le tribunal : surveillance, assistance, administration totale. La faculté d’opter apparaît comme 30 « un pouvoir légal, attaché aux fonctions de l’administrateur en sa qualité d’organe de la procédure, auquel le tribunal ne peut lui-même porter atteinte »15. Néanmoins, si ce pouvoir est absolu, il n’est pas sans contrôle. Parce que cette décision présente un risque d’arbitraire, le co-contractant peut exercer un recours conformément à l’article 25 du décret du 27 décembre 1985. Au demeurant, si ce pouvoir est solitaire, l’administrateur conserve la possibilité de saisir le juge-commissaire si une difficulté se présente afin de solliciter son avis. Néanmoins, le juge ne saurait lui enjoindre d’exercer l’option dans un sens déterminé ni se substituer à lui pour l’exercer. - dans le régime simplifié, l’article 141 énonce que lorsqu’un administrateur n’est pas nommé, le débiteur exerce les fonctions dévolues à celui-ci par l’article 37 s’il y est autorisé par le juge-commissaire. Dès lors, lorsque le tribunal décide de ne pas nommer d’administrateur, l’option appartient au débiteur sous réserve que ce dernier ait sollicité et obtenu l’autorisation du juge-commissaire. Néanmoins, la cour de cassation dans un arrêt du 9 janvier 199616 a décidé que « dans la procédure simplifiée, en l’absence d’administrateur, l’autorisation du juge-commissaire n’est requise, par l’article 141 de la loi , que pour l’exercice par le débiteur de la faculté d’exiger l’exécution des contrats en cours et non pour renoncer à leurs poursuites ». Dès lors, si le débiteur a tout pouvoir pour renoncer au contrat, il doit en revanche demander l’autorisation du juge-commissaire pour la continuation. Cette distinction est regrettable puisque la continuation et la renonciation au contrat sont deux décisions aussi importantes l’une que l’autre. - en cas de liquidation judiciaire, qu’il y ait eu conversion ou bien que la liquidation ait été prononcée immédiatement, l’option appartient en principe au liquidateur. Si, par dérogation à l’article 36, l’administrateur est resté en fonction après la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire, c’est à celui-ci qu’appartient la faculté d’exiger le maintien des contrats en cours. 15 16 Dérrida, Godè, Sortais, redressement et liquidation judiciaires des entreprises, dalloz, 3e ed. , 1991. Cass.com., 9 janvier 1996, D.1996 , IR , p.50. 31 Que ce soit l’administrateur, le débiteur assisté du juge-commissaire, le liquidateur ; le titulaire doit opter c’est-à-dire choisir, retenir une solution plutôt qu’une autre en fonction d’un certain nombre de déterminismes, lesquels sont-ils ? La décision de poursuite du contrat, conditionnée par l’utilité de celui-ci à la sauvegarde de l’entreprise, fait l’objet d’une protection du cocontractant énoncée à l’article 37 : « Au vu des documents prévisionnels dont il dispose l’administrateur s’assure au moment où il demande l’exécution qu’il disposera des fonds nécessaires à cet effet. S’il s’agit d’un contrat à exécution ou paiement échelonné dans le temps, l’administrateur y met fin s’il lui apparaît qu’il ne disposera pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du terme suivant ». La loi du 10 juin 1994 apporte ici une nouveauté essentielle à l’exercice du droit d’option en ce qu’elle exige que la continuation du contrat soit justifiée par un financement suffisant. La nouvelle obligation de l’administrateur a pour finalité de contraindre celui-ci à n’exiger la poursuite que des contrats indispensables au maintien de l’activité de l’entreprise et à la seule condition que celle-ci soit en mesure d’y faire face financièrement. Dès lors, l’administrateur se voit assigner un devoir de vigilance sur la continuation eu égard aux contraintes économiques de l’entreprise. La loi impose donc une condition de solvabilité pour décider de la continuation du contrat et cette condition doit être remplie non seulement lors de l’exercice de l’option initiale, mais aussi lors de la réitération de l’option qui s’effectuera au moment du paiement des échéances des « contrats à exécution ou paiement échelonné ». L’administrateur doit donc s’assurer, au moment où il demande l’exécution du contrat, et à chaque échéance, qu’il aura les fonds nécessaires pour remplir ses obligations. Toutes ces précautions ayant pour but d’éviter, comme auparavant , que l’administrateur n’use trop facilement de sa faculté d’option et n’alourdisse ainsi inopportunément le passif de la procédure. Il doit donc s’assurer à tout moment que l’exécution du contrat de bail reste possible et que le partenaire ne subisse aucun impayé. Cette décision de l’administrateur doit être guidée, pour reprendre les termes de l’article 37 alinéa 1er, par les documents prévisionnels. L’administrateur doit donc être vigilant et faire une analyse de la situation, sans pour autant se transformer en véritable 32 devin. En effet, l’administrateur pourra engager sa responsabilité lorsqu’il aura exercé son option à la légère, c’est-à-dire lorsque la prestation promise ne pouvait prévisiblement pas être assurée. Pour autant il est admis que l’administrateur n’a pas à consentir une garantie de bonne fin, parce qu’il n’est pas « un devin et n’a pas à consulter astrologue ou extralucide »17. L’obligation de l’administrateur n’est donc que de moyen. Néanmoins la responsabilité de celui-ci risque d’être assez fréquemment engagée puisque les fautes susceptibles d’être commises sont nombreuses : - il peut avoir à continuer l’exécution d’un contrat qui n’était pas indispensable à l’entreprise, ce qui est peu vraisemblable pour le bail, et en ne s’assurant pas de pouvoir le financer, dès son option initiale ou lors d’échéances ultérieures. - à l’inverse, il risque d’être considéré comme fautif en provoquant la résiliation d’un contrat nécessaire à l’activité du débiteur, dont les échéances pouvaient être honorées, simplement parce qu’il a omis de répondre en temps utile à la mise en demeure. L’exercice de l’option est donc source de responsabilités pour l’administrateur. Des contraintes économiques pèsent donc sur le droit de l’option, auxquelles s’ajoutent des contraintes juridiques relatives à la forme et au délai attaché à l’option. B – LES MANIFESTATIONS DE VOLONTE ATTACHEES A L’OPTION En principe, l’administrateur n’a pas de délais impératifs pour se prononcer sur la poursuite des contrats en cours : il a une liberté total d’opter. Si rien ne se passe, le 17 SOINNE (B), Rev. Proc. Coll.1991, p.444, n°12, spéc., p. 445. 33 contrat se poursuit de plein droit et les loyers afférents à une occupation postérieure bénéficient de l’article 40, comme nous l’avons vu précédemment. Néanmoins, afin d’éviter que le cocontractant ne reste trop longtemps dans l’incertitude, l’article 37 reconnaît à celui-ci le droit de mettre en demeure l'administrateur de prendre position sur la continuation du contrat en cours. Ce légitime besoin de rapidité ne signifie pas pour autant l’affranchissement de toute exigence formelle de sa part et ce même si, en matière commerciale, il eut été envisageable de décider qu’aucun formalisme particulier n’était nécessaire. Il résulte de la jurisprudence que cette sommation doit être une invitation claire et formelle de prendre parti et non pas un simple courrier dans lequel le cocontractant annonce qu’il ne tient pas à poursuivre la relation contractuelle. La lettre doit être rédigée en des termes dénués d’ambiguïté, la mention de l’article 37 semblant constituer le minimum. La mise en demeure adressée à l’administrateur fait courir un délai d’un mois, à compter de la réception de celle-ci par son destinataire, aux termes duquel l’administrateur doit choisir. Néanmoins, avant l’expiration de ce délai, le jugecommissaire peut impartir à l’administrateur un délai plus court ou une prolongation, qui ne peut excéder deux mois, pour prendre parti. Au total, l’administrateur pourra donc obtenir trois mois maximum pour prendre parti. Pendant cette période découlant de la mise en demeure et s’étalant jusqu’à la décision de l’administrateur, les loyers postérieurs au jugement d’ouverture devront être payés à leur échéance par le preneur qui restera en possession des lieux. Si les loyers ne sont pas payés, il semble qu’on puisse appliquer l’article 38 dans la mesure où il serait particulièrement choquant que la période d’observation se déroule aux seuls frais du bailleur. A partir de l’expiration du délai pour prendre parti plusieurs attitudes sont possibles : - l’administrateur peut rester silencieux. Dans ce cas, l’article 37, dans sa rédaction antérieure à la loi de 1994, disposait que : « la renonciation à la continuation du contrat est présumée après une mise en demeure adressée à l’administrateur restée plus d’un mois sans réponse (le cas échéant prorogée par le juge-commissaire) ». La 34 jurisprudence avait décidé qu’il s’agissait d’une présomption irréfragable dans un arrêt de principe en date du 11 décembre 199018. La cour de cassation avait considéré que le bail ne prenait pas fin et n’était donc pas résilié unilatéralement par l’administrateur par l’effet de la renonciation. Il fallait donc que le bailleur sollicite judiciairement la résiliation et l’éviction de l’occupant Désormais, la loi du 10 juin 1994 prévoit que dans une telle hypothèse « le contrat est résilié de plein droit » et le juge-commissaire a compétence pour constater la résiliation ainsi que sa date. Sous l’empire des anciennes dispositions de l’article 37 impliquant à défaut de réponse de l’administrateur une présomption irréfragable et non la résolution de plein droit, il a été jugé que même si le bail est en cours à la date d’ouverture de la procédure collective, le fait qu’il arrive quelques mois plus tard à son terme avec acceptation du renouvellement par le bailleur, ce qui impliquait la fixation du nouveau loyer du bail renouvelé, était une circonstance exclusive de l’application des dispositions de l’article 37 si bien que le défaut de réponse de l’administrateur ne pouvait être sanctionné.19 - l’administrateur peut aussi prendre position par le biais d’une décision expresse aux termes de laquelle il décide de continuer ou de renoncer au contrat. Dans le premier cas, le contrat continuera et l’administrateur devra payer les loyers au bailleur c’està-dire lui fournir la prestation promise. Dans le second cas, c’est-à-dire en cas de renonciation expresse au contrat, la loi n’envisage pas le sort du contrat. Sur cette question les interprétations doctrinales divergent : • Certains20 considèrent que si le contrat est résilié de plein droit dans le silence de l’administrateur, la même solution doit a fortiori être consacrée en cas de décision expresse de ne pas continuer le contrat. La restriction du texte à la non réponse de l’administrateur étant certainement une « coquille rédactionnelle ». 18 Cass.com. , 11 décembre 1990, loyers et copr. 1991,comm. n° 75. Cass.com., 17 février 1998, AJDI 1998, p.1064. 20 MONEGER (J), baux commerciaux et réforme du droit des entreprises en difficulté, J.C.P 1995,ed. E, I, 438. 19 35 • D’autres21 au contraire considèrent qu’une interprétation littérale du texte impose le rejet de la résiliation de plein droit. Le texte étant un texte d’exception, il ne prévoit la sanction de la résiliation de plein droit qu’en cas de silence ; dès lors, lorsqu’il renonce expressément à la poursuite du contrat c’est le droit commun qui doit s’appliquer et donc il faut attendre une initiative judiciaire du cocontractant. Il convient de noter qu’une réponse ministérielle en date du 27 avril 1995 s’oriente vers la première thèse puisqu’elle rappelle que « la résiliation de plein droit trouve a fortiori à s’appliquer, sous réserve de l’appréciation souveraine des cours et tribunaux, lorsque l’administrateur, mis en demeure par le cocontractant, a expressément manifesté sa volonté de ne pas poursuivre le contrat… Il serait en effet peu cohérent de soumettre, dans une telle hypothèse, le cocontractant à l’obligation de saisir le tribunal alors qu’il en est dispensé en cas de silence de l’administrateur ». Néanmoins, entre ces deux extrêmes, l’option peut-elle résider en une manifestation tacite de volonté ? L’option pourra-t-elle constituer en un comportement non équivoque telle que par exemple l’accomplissement de certaines prestations relatives au contrat ? Les décisions de jurisprudence divergent à ce sujet. En effet, dans un arrêt du 20 février 199622, la cour de cassation a affirmé que l’administrateur ne pouvait se prévaloir de la continuation tacite du contrat quand bien même en aurait-il exécuter les obligations, en l’espèce le paiement des loyers. En effet, la cour de cassation énonce que l’offre de payer les loyers ne pouvait constituer une réponse implicite positive à la mise en demeure d’opter adressée au débiteur. Néanmoins, dans un autre arrêt en date du 11 février 199723, la cour de cassation affirme que le paiement des loyers effectué sans réserve par l’administrateur constitue une option tacite de continuation. Une telle solution a été critiquée en ce qu’elle introduit une réelle incertitude quant à l’exercice du droit d’option, droit constituant la pierre angulaire du processus de redressement. Outre 21 22 HAEHL (J.P), l’option de l’administrateur, petites affiches, n° spécial, 8 juillet 1996, p.7. Cass.com., 20 février 1996, D.1996, IR, 90. 36 cette incertitude, la cour de cassation livre une solution qui est en conflit avec le texte par ailleurs clair, de la loi de 1994. En dernier lieu, il convient de préciser que lorsqu’une contestation intéresse l’exercice du droit d’option de l’administrateur, la compétence exclusive est attribuée au juge-commissaire sur le fondement de sa mission générale de veiller au déroulement rapide de la procédure et à la protection des intérêts en présence. Bien que la loi du 10 juin 1994 ait apporté des précisions sur les modalités d’exercice de l’option de l’administrateur, il n’en demeure pas moins que certaines zones d’incertitude subsistent relativement à la manifestation tacite de l’option et quant à la renonciation expresse de l’administrateur au contrat. Lorsque l’administrateur aura surmonté les embûches résultant des contraintes d’ordre économique et juridique le contrat sera alors soit poursuivi soit rompu. II – LES SOLUTIONS DE L’OPTION : VIE OU MORT DU CONTRAT Selon l’attitude qu’il adoptera, l’administrateur continuera le contrat ou y renoncera. Dans l’un et l’autre cas, il faut envisager les conséquences en résultant sur le contrat. Lorsque l’administrateur opte pour la continuation, comment va s’organiser la relation entre les parties ? Quel va être le régime du bail continué ? Il apparaît que le régime du bail continué marque un retour en force du contrat (A). A l’inverse, quelle va être la situation du bail en cas de renonciation à sa poursuite ? La loi du 10 juin 1994 a, dans 23 Cass.com., 11 février 1997, Dr et patrimoine 1997, Juillet/ aout, p.86, n° 1728 , obs. M.H. Monsérié. 37 certaines hypothèses, consacré une résiliation de plein droit du contrat dont il conviendra d’examiner les effets (B). A ) L’EXECUTION DU CONTRAT CONTINUE Lorsque l’administrateur opte pour la continuation du contrat, le cocontractant est tenu par le contrat, alors même que les causes antérieures au jugement d’ouverture justifieraient une rupture du contrat : « il y a là un exemple de contrat forcé d’origine judiciaire portant… sur la personne même de l’une des parties, la liberté contractuelle essuie un nouvel échec »24. Toutefois, si le législateur a porté incontestablement atteinte au principe de la liberté contractuelle qui implique à la fois la liberté de s’engager et la liberté de choisir son cocontractant et au principe de la force obligatoire des conventions puisque l’administrateur peut exiger l’exécution d’un contrat en dépit des inexécutions antérieures dues au débiteur, il n’a pas pour autant poussé son avantage plus loin, préservant se faisant l’équilibre entre les dispositions contractuelles et les besoins du redressement. En effet, l’idée qui prévaut lorsque le contrat est continué est celle d’un rétablissement du droit commun et d’une cessation des contraintes du redressement judiciaire pesant sur les créanciers antérieurs. Ainsi, aussi bien dans le respect du contrat que dans son exécution, le législateur a fait en sorte que le cocontractant soit traité comme s’il était face à une entreprise in bonis. La continuation impose, d’abord, le respect du contrat : le contrat s’exécute aux conditions et termes fixés par la convention et l’administrateur est tenu de l’exécuter en fournissant la prestation promise au bailleur. L’exécution du contrat doit donc être totale et un jugement du tribunal de grande instance de LAON du 9 mars 198825 est explicite : 24 25 Derrida, Godé et Sortais, op cit. , p.340 , n° 463. T.G.I LAON, 9 mars 1988, D.1990, somm. 11, obs. F. Derrida. 38 « aucune disposition de la loi du 25 janvier 1985 n’autorise l’administrateur à s’immiscer dans les relations des parties et à modifier les termes de leur convention, et le principe de la force obligatoire des contrats retrouve son plein effet dès lors que l’administrateur a opté pour la continuation du contrat ». Le contrat se poursuit donc aux clauses et conditions du bail en cours et, selon les modalités particulières de l’article 37. La continuation étant à options successives, l’administrateur devra, comme nous l’avons vu précédemment, s’assurer qu’il a les fonds disponibles pour payer les échéances suivantes, sous peine d’engager sa responsabilité. Et le texte de poursuivre que l’administrateur y met fin s’il lui apparaît qu’il ne disposera pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du terme suivant. Dès lors l’administrateur se voit reconnaître un véritable droit de résiliation prévisionnelle, unilatérale, lui permettant d’anticiper sur la défaillance effective du preneur mais dont l’article 37 alinéa 2 n’indique pas les modalités d’exercice effective. La résiliation de plein droit paraît exclue puisque le texte ne la précise pas et ce serait permettre à « tout intéressé » de se substituer à l’administrateur dans son pouvoir d’appréciation. Néanmoins, si ce dernier n’a pas mis fin au contrat volontairement, celui ci risque de se trouver résilié de plein droit par application de l’alinéa 3. En outre, afin de garantir le cocontractant que le contrat sera effectivement exécuté, la loi du 10 juin 1994 a prévu que lorsque la prestation porte sur le paiement d’une somme d’argent celui-ci doit se faire au comptant sauf pour l’administrateur à obtenir l’acceptation, par le co-contractant des délais de paiement. Le paiement comptant doit s’entendre pour le bailleur comme le paiement à la plus proche échéance convenue au contrat de bail. En principe, lorsque l’administrateur a opté pour la continuation du contrat et que celuici malgré tout n’est pas exécuté, il doit subir le sort de droit commun : dommages et intérêts, résiliation du contrat… Néanmoins deux particularités doivent être mentionnées relativement au défaut de paiement d’une somme d’argent : 39 - L’article 37 alinéa 3 prévoit expressément qu’en cas de défaut de paiement comptant et d’accord du cocontractant pour poursuivre une relation contractuelle, le contrat est résilié de plein droit et le parquet, l’administrateur, le représentant des créanciers ou un contrôleur peut saisir le tribunal aux fins de mettre fin à la période d’observation. L’activité contractuelle est donc intimement liée à la période d’observation puisque lorsque l’administrateur ne pourra pas honorer une échéance, il pourra être mis fin à la période d’observation. - La résiliation de plein droit pour défaut de paiement comptant semble devoir être combinée avec l’article 38 qui dispose qu’ « à compter du jugement d’ouverture le bailleur peut demander la résiliation judiciaire ou la résiliation de plein droit du bail des immeubles affectés à l’activité de l’entreprise pour défaut de paiement des loyers et des charges afférents à une occupation postérieure audit jugement. Cette action ne peut être introduite moins de deux mois après le jugement d’ouverture ». Dès lors ne doit-on pas considérer que cet article déroge à l’article 37 alinéa 3 et que dans tous les cas le bailleur est soumis à un crédit forcé pendant deux ans, son action en résiliation ne pouvant être intentée avant ce délai, même si le paiement ne s’est pas fait comptant. Enfin, la continuation du contrat en cours a pour conséquence de placer le cocontractant dans une double situation au regard de sa créance. Pour les créances antérieures au jugement d’ouverture, il doit procéder à une déclaration au passif alors que ces créances postérieures bénéficient du privilège de procédure de l’article 40. Le premier principe de l’article 40 est que les créances nées régulièrement après le jugement d’ouverture sont payées à échéance. Cette disposition fait double emploi avec l’article 37 pour les créances de sommes d’argent. Les créances postérieures du bailleur pourront donc se situer dans l’article 40, au troisième rang lorsque le bailleur aura accepté un paiement différé des créances de loyer autorisées par le juge-commissaire 40 ou, au cinquième rang en dehors de délais de paiement octroyés volontairement par le bailleur. Ce droit d’être payé à échéance est indissociable du droit d’exercer des poursuites individuelles. Dès lors, les créanciers postérieurs impayés pourront exercer leur droit de poursuites individuelles et mettre en œuvre les voies d’exécution sur les biens du débiteur, cela que le non-paiement ait lieu pendant la période d’observation ou pendant la liquidation judiciaire. A cet égard, une décision importante du conseil d’état du 9 avril 200026 vient de décider que les dispositions de l’article 173 du décret du 27 décembre 1985 prévoyant l’insaisissabilité des sommes déposées par un liquidateur à la caisse des dépôts et consignations sont illégales. Dès lors, les créanciers de l’article 40 semblent pouvoir, dans l’attente d’une intervention législative, saisir de telles sommes. Le contrat poursuivi apparaît donc précaire et sa résiliation reste largement ouverte au vu des obligations pesant sur l’administrateur. Mais quel sera le sort des pénalités et indemnités ? En l’état du texte de l’article 40 de la loi du 25 janvier 1985 avant la réforme, les indemnités dues par l’administrateur du fait de la résiliation anticipée d’un contrat qui avait été dûment poursuivi bénéficiaient des dispositions de ce texte. Désormais, l’article 40 alinéa 3-3 prévoit qu’ « en cas de résiliation d’un contrat régulièrement poursuivi, les indemnités et pénalités sont exclues du bénéfice de la présente disposition ». L’interprétation de ce texte donne lieu à une controverse : - Certains27 auteurs ont fait remarquer que l’expression « présente disposition » devait être interprétée dans un sens large à savoir une exclusion pure et simple de l’article 40. - D’autres28 appliquant strictement le texte considèrent qu’elles ne sont exclues que du seul bénéfice de l’article 40-3. 26 C.E, 9 avril 2000, J.C.P 2000, ed. E, comm., p. 884. DERRIDA , SORTAIS, la réforme du droit des entreprises en difficulté, D. 1994, chron. 270, n°44. 28 CAMPANA (M.J), la résiliation de plein droit des contrats, petites affiches, n° spécial, 8 juillet 1996. 27 41 Les travaux parlementaires, quant à eux, révèlent que ce type d’indemnités de par leur nature n’appelle pas qu’elles bénéficient d’une priorité de paiement. De plus, il y aurait un paradoxe à admettre que le cocontractant dont le contrat s’est poursuivi mais qui refuserait de recevoir des paiements différés pourrait se prévaloir de l’article 40 en ce qui concerne les indemnités qui pourraient lui être dues, alors que celui qui aurait accepté des délais de paiement ne le pourrait pas Le régime du bail continué est donc strictement encadré quant à son exécution. En effet, l’administrateur doit être vigilant et le bail se caractérise par sa précarité du fait des nombreuses possibilités de résiliation du contrat poursuivi. Celle-ci pourra aussi être prononcée directement en cas de renonciation au contrat. B) LA RESILIATION DU CONTRAT NON CONTINUE Lorsque la personne titulaire de l’option renonce à la continuation du contrat que ce soit en restant silencieux pendant plus d’un mois après la mise en demeure d’opter ou, semble-t-il, en optant expressément pour la renonciation, le contrat est résilié de plein droit. L’expression « de plein droit » signifie que la résiliation du contrat surviendra sans recours à une procédure particulière, ni mise en jeu d’une clause afférente à ladite résiliation. Néanmoins, l’article 61-1 du décret du 27 décembre 1985 dispose que le juge-commissaire constate, sur la demande de tout intéressé, la résiliation de plein droit du contrat dans les cas prévus aux premier et troisième alinéas de l’article 37 et à l’article 38 de la loi du 25 janvier 1985, ainsi que sa date de résiliation. Dès lors, des difficultés de répartition de compétence peuvent apparaître entre le juge-commissaire et le juge des référés. Une distinction s’avère nécessaire relativement au domaine de la contestation suivant que celle-ci porte ou non sur l’exercice du droit d’option. Sous l’empire des anciennes dispositions de la loi du 25 janvier 1985 la cour de cassation dans un arrêt du 26 mai 199829 a jugé que l’instance tendant à voir constater la résiliation du bail ne relève pas de la compétence du juge-commissaire dès lors que se trouve en cause non l’exercice de l’option qui lui est réservée mais ses conséquences. 42 Sous l’empire des nouvelles dispositions , et notamment de l’article 61-1 du décret, la cour d’appel de PARIS dans un arrêt du 28 juin 199630 a estimé que le nouveau texte donne compétence au juge-commissaire aux fins de constater, pour les seuls besoins de la procédure, la résiliation des contrats, sans faire échec aux dispositions du code de procédure civile donnant compétence générale au président du tribunal de grande instance statuant en référé pour allouer au bailleur une provision et ordonner l’expulsion du preneur. Dans le même sens, un arrêt de la cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE du 6 mai 199731 a considéré que l’article 61-1 ne confère exclusivement au jugecommissaire que le pouvoir de constater la résiliation de plein droit des contrats dans les cas prévus aux premier et troisième alinéas de l’article 37 et de l’article 38 de la loi du 25 janvier 1985 à l’exclusion de toute autre mesure notamment celle prévue à l’article 25 alinéa 2 du décret du 30 septembre 1953 ou celle ordonnant l’expulsion du locataire. Lorsque ce n’est pas l’exercice de l’option de l’administrateur qui est en cause, mais ses conséquences, il n’y a donc pas lieu à faire exception à la compétence de droit commun. Il ne fait aucun doute que le juge-commissaire doit se borner à constater la résiliation du bail commercial et qu’à défaut de restitution des locaux, seul le juge des référés a compétence pour ordonner l’expulsion, ainsi que pour allouer des dommages et intérêts ou fixer une indemnité d’occupation. De plus , les dispositions de l’article 14 de la loi du 17 mars 1909 qui donne obligation au propriétaire de notifier la demande de résiliation du bail aux inscrits sont d’application générale et doivent être respectées lorsque le bailleur, après renonciation du mandataire de justice à la poursuite du contrat de bail, demande la résiliation de celui ci pour permettre aux créanciers nantis de faire valoir leurs droits32. Néanmoins, cette solution a été rendue sous l’empire de l’ancienne loi et , désormais, la sanction prévue étant la résiliation de plein droit , il n’est pas certain que cette solution se maintienne. On peut donc s’interroger sur les conditions dans lesquelles le bailleur pourrait désormais se trouver astreint à dénoncer la requête qui saisit le juge commissaire dans 29 Cass.com., 26 mai 1998, loyers et copr. 1998, comm. n° 303, obs. P.H Brault. C.A PARIS, 28 juin 1996, Gaz. Pal. 1997, I, somm. p.141. 31 C.A AIX EN PROVENCE, 6 mai 1997, loyers et copr. 1997,comm. n° 286. 32 Cass . com. , 13 octobre 1998, D. aff. 1998, p. 1846. 30 43 les termes de l’article 61-1 du décret et sur la nécessité impérative pour le juge commissaire de ne se prononcer qu’a l’expiration du délai d’un mois requis à cet effet. L’article 37 alinéa 5 de la loi du 25 janvier 1985 envisage quant à elle les conséquences financières de la renonciation au contrat : « si l’administrateur n’use pas de la faculté de poursuivre le contrat, l’inexécution peut donner lieu à des dommages et intérêts dont le montant sera déclaré au passif au profit de l’autre partie. Celle-ci peut néanmoins différer la restitution des sommes versées en excédent par le débiteur en exécution du contrat jusqu’à ce qu’il ait été statué sur les dommages et intérêts ». Le législateur, soucieux de rétablir l’équilibre rompu par la décision de l’administrateur (ou du débiteur), offre au cocontractant une possibilité d’indemnisation. Les fondements de cette indemnisation ont donné lieu à un débat doctrinal. Pour un certain nombre d’auteurs, l’indemnisation est accordée en réparation de la rupture fautive. Pour d’autres au contraire le fait générateur de cette indemnisation est l’inexécution liée à l’exercice de l’option. Cette seconde thèse semble s’imposer pour deux raisons : - d’une part, les dispositions relatives à cette indemnisation sont insérées dans l’article 37, lequel est consacré essentiellement à l’option, - d’autre part, l’octroi de l’indemnité revêt un caractère facultatif qui ne saurait en aucun cas coïncider avec une rupture traditionnelle pour faute. En effet , l’indemnisation revêt un caractère facultatif. En l’absence de critère proposé par le législateur, il convient de se référer au principe de droit commun applicable en matière de responsabilité. L’octroi d’une réparation implique en droit commun une faute, un préjudice et un lien de causalité, la tâche du juge sera ici allégée puisque le fait générateur (exercice de l’option) sera clairement établi sans qu’il soit besoin de faire appel à la notion de faute. La recherche du lien de causalité ne donnera pas non plus lieu à hésitations. Dès lors, seuls les principes de droit commun relatifs aux dommages trouvent ici à s’appliquer. Il faudra en effet que le préjudice présente un degré suffisant de certitude, encore que la perte d’une chance, pourvue qu’elle soit 44 suffisamment plausible, puisse être invoquée. Quant à l’évaluation de l’indemnisation le juge pourra fixer le montant soit en usant de son pouvoir souverain d’appréciation soit en se référant à d’éventuelles dispositions contractuelles. En effet, il a été décidé qu’ « aucun texte et spécialement l’article 37 alinéa 4 de la loi du 25 janvier 1985, ne dispose que la clause déterminant le montant de l’indemnité destinée à réparer le préjudice causé au bailleur au cas de résiliation de la convention serait réputée non écrite après le prononcé du jugement du redressement judiciaire du locataire et qu’une telle clause, dont les parties peuvent librement convenir de la signature du contrat, sous réserve du pouvoir reconnu au juge par l’article 1152 alinéa 2 du code civil, n’est pas contraire à la règle de l’égalité des créanciers »33 et dont peut s’appliquer. Le droit commun s’applique donc pleinement en ce qui concerne la clause pénale. Ces indemnités devront être déclarées au passif de la procédure conformément à la rédaction du texte. A cet égard, l’article 66 du décret du 27 décembre 1985 dispose que les cocontractants mentionnés aux articles 37 et 38 de la loi du 25 janvier 1985 bénéficient d’un délai supplémentaire d’un mois à compter de la date de la résiliation de plein droit ou de la notification de la date de la décision prononçant la résiliation pour déclarer au passif la créance éventuelle résultant de ladite résiliation. Il en est de même des créanciers d’indemnités et pénalités mentionnées au troisièmement de l’article 40 de la loi du 25 janvier 1985 en cas de résiliation d’un contrat régulièrement poursuivi. L’ouverture d’une procédure collective à l’encontre du preneur perturbera donc le déroulement des relations contractuelles et amoindrira l’efficacité des clauses du contrat ou des textes qui lui sont applicables. En effet, la période pré optionnelle est marquée par un affaiblissement conséquent des droits du bailleur en tant que créancier ou cocontractant de l’entreprise en difficulté. Néanmoins, la réforme de 1994 a rétabli les droits des créanciers et fait peser sur l’administrateur des obligations de plus en plus lourdes. En effet, celui-ci se voit assigner un devoir de vigilance et de prudence eu égard à la continuation des contrats. 33 Cass. com., 10 décembre 1991, RJDA 03 / 1992, p. 215, n° 288. 45 Le régime de la continuation du contrat de bail, s’alignant sur l’article 37, ne présente pas de spécificité quant au principe gouvernant l’exécution des contrats. Néanmoins la situation du bailleur se trouve gravement affaiblie lorsque l’on envisage sa faculté de résiliation que celle-ci soit antérieure au jugement d’ouverture ou postérieure à celui-ci. 46 PARTIE II : LA RESILIATION DU CONTRAT : LE REGIME D’EXCEPTION DU BAIL Le principe général de continuation des contrats en cours se trouve assorti de dispositifs particuliers caractérisés par une aggravation des règles de continuation. En effet, bien que le contrat de bail soit soumis au principe général de l’article 37, la situation juridique du bailleur, cocontractant de l’entreprise en difficulté, est affaiblie par rapport aux règles générales afin de favoriser le redressement de l’entreprise. Aussi, a pu-t-on dire que le bailleur était le « paria des faillites »34 tant le régime de la résiliation du bail et des conséquences de celle-ci se trouve altéré par la survenance du redressement ou de la liquidation judiciaire. Le droit de résiliation du bailleur est très limité afin d’assurer la permanence du contrat et la pérennité de l’entreprise. La loi de 1985 consacre divers articles au bail d’immeubles affectés à l’activité de l’entreprise dont la plupart diminuent les prérogatives du bailleur en cas de procédure applicable au locataire : l’article 38 qui régit son droit de résilier pour une cause postérieure au jugement d’ouverture, l’article 39 qui définit l’étendue et l’exercice de son privilège, l’article 153-3 relatif à la liquidation judiciaire qui limite la résiliation en pareille hypothèse. Néanmoins, comme nous l’avons vu précédemment, bien d’autres textes le concernent indirectement tel que l’article 47 prévoyant la suspension des poursuites individuelles. Le bailleur est atteint de plein fouet par cette disposition et son droit de résiliation pour cause antérieure au jugement d’ouverture a été strictement limité par la jurisprudence , usant de l’étalement dans le temps du mécanisme de la clause résolutoire. Dès lors, la liberté de résilier le bail est fortement limitée que ce soit antérieurement au jugement d’ouverture (chapitre I) ou postérieurement à celui-ci (chapitre II). 34 C. SAINT ALARY HOUIN, la résiliation du bail commercial, petites affiches, numéro spécial 8 juillet 1996,n° 82. 47 CHAPITRE I : LA RESILIATION POUR CAUSES ANTERIEURES AU JUGEMENT D’OUVERTURE L’ouverture d’une procédure collective à l’encontre d’une entreprise est lourde de conséquences pour les créanciers. L’article 47 de la loi du 25 janvier 1985 pose, en effet, un principe essentiel « fondé sur la volonté législative de soumettre l’ensemble des créanciers aux même règles » et destiné à favoriser le redressement de l’entreprise : la suspension des actions en justice des créanciers dont la créance est antérieure au jugement d’ouverture. Sont ainsi suspendues les actions tendant à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent ainsi que les actions en résiliation d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent. Dès lors, le bailleur ne pourra agir en paiement des loyers contre le débiteur et ne pourra continuer une action tendant à constater ou prononcer la résiliation du bail après le jugement d’ouverture. En outre, il convient de définir l’étendue du gel des droits des créanciers, et donc du bailleur : quel est le champ d’application de l’article 47 ? Cet article est un des piliers, avec l’article 37, de la période d’observation. Avant 1985, les actions en résolution des contrats, même fondées sur un défaut de paiement d’une somme d’argent n’étaient pas suspendues. Une telle possibilité s’est révélée être extrêmement dangereuse car, en autorisant la résolution de tous les contrats synallagmatiques, elle permettait au créancier de reprendre tous les éléments d’actif. Désormais, avec l’objectif de maintien de l’activité, la loi de 1985 a fait de l’article 47 un texte indispensable à la poursuite de l’exploitation. Dès lors, il eut été envisageable de lui donner un champ d’application le plus large possible. Néanmoins, bien que ce texte suspende l’ensemble des actions fondées sur le défaut de paiement d’une somme d’argent (I), il n’en demeure pas moins, qu’en dépit de ces restrictions au droit des créanciers, l’ouverture d’une procédures collective à l’encontre du preneur ne prive pas le bailleur de toutes ses prérogatives (II). 48 I – LA PARALYSIE DES ACTIONS POUR DEFAUT DE PAIEMENT D’UNE SOMME D’ARGENT La résiliation du contrat de bail se fera le plus souvent par le biais d’une clause résolutoire fondée sur le défaut de paiement des loyers. Or, le mécanisme de celle-ci est strictement réglementé par le décret du 30 septembre 1953 et se caractérise par son étalement dans le temps. Dès lors, l’articulation du jeu de la clause résolutoire avec les procédures collectives s’avère souvent délicate (A). Néanmoins, il est un principe selon lequel les situations acquises ne sont pas remises en cause par l’ouverture de la procédure. Dès lors, il conviendra de déterminer quand la clause résolutoire peut être considérée comme acquise (B). A – L’INCIDENCE DE LA PROCEDURE SUR LE JEU DES CLAUSES RESOLUTOIRES Les bailleurs, conscients des restrictions attachées à l’ouverture d’une procédure collective, ont essayé par divers moyens de mettre fin à la relation contractuelle. Dans un premier temps, ils ont essayé de se libérer du contrat conclu en s’appuyant sur l’articulation des articles 38 et 47. En effet, l’article 38, dans sa rédaction initiale, interdisait au bailleur d’introduire ou de poursuivre une action en résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers antérieurs alors que l’article 47 arrête l’action tendant à la résolution du contrat. De cette différence de rédaction, ne pouvait-on pas déduire que l’article 38 déroge à l’article 47 et ne paralyse que l’action en résiliation du contrat fondée sur l’article 1184 du code civil et non sa résolution par suite du jeu d’une clause résolutoire ? Certaines juridictions du fond l’ont admis. Néanmoins cette position n’est pas défendable dans la mesure où l’article 38 n’est qu’une application de l’article 47 49 auquel il demeure soumis. Et la cour de cassation par un arrêt du 12 février 199135 a affirmé d’ailleurs la généralité du texte. Dès lors , il faut considérer qu’il vise les actions en résiliation judiciaire comme celles fondées sur une clause résolutoire , dans la mesure du moins où elles ne sont pas acquises avant le jugement d’ouverture. Cette solution est d’ailleurs incontestable depuis que la loi du 10 juin 1994 a modifié l’article 38 qui ne concerne plus que la résiliation du bail pour non-paiement de créances postérieures au jugement d’ouverture. Dès lors, le contentieux s’est dirigé vers la notion de situation acquise. En effet, il a toujours été admis que l’article 47 ne remet pas en cause les situations qui ont complètement développé leurs effets avant le jugement d’ouverture. A cet égard il faut donc savoir quand une clause résolutoire est acquise. Il faut ici combiner le décret du 30 septembre 1953 et le droit des procédures collectives. En effet, la clause résolutoire est visée par l’article 25 du décret du 30 septembre 1953 lequel prévoit que : « toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. Les juges, saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1244 du code civil, peuvent en accordant des délais suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision ayant acquis l’autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge ». Certains auteurs ont estimé que le seul fait que la résiliation soit contractuellement acquise suffisait, puisque l’article 47 n’interdit que le prononcé de la résiliation, mais non sa simple constatation. Ainsi, dès lors que le principe de cette résiliation est contractuellement acquis, il importe peu que la décision judiciaire la consacrant intervienne postérieurement au jugement d’ouverture. Une telle interprétation doctrinale repose sur deux arguments : - tout d’abord sur la lettre de l’article 25 du décret de 1953. En effet ce décret prévoit que la résiliation intervient à l’issue du délai de mise en demeure, l’office du juge 35 Cass. com., 12 février 1991, J.C.P 1991, ed. G, IV, p. 141. 50 résidant en une décision strictement déclarative constatant la réalisation de la clause résolutoire sans qu’un quelconque pouvoir d’appréciation puisse s’exercer à cette occasion. D’ailleurs, l’article 117 de la loi du 25 janvier 1985 relatif à la revendication du vendeur de meubles vient également apporter son soutien à cette thèse. En effet il prévoit que le droit de revendication peut être exercé dès lors que la vente « a été résolue antérieurement au jugement ouvrant le redressement judiciaire soit par décision de justice soit par le jeu d’une condition résolutoire acquise ». - Puis, la haute juridiction, sur le fondement de l’article 52 alinéa 5 de la loi du 13 juillet 1967 a affirmé que cette disposition n’imposait de délai au bailleur que lorsque ce dernier entendait former une demande en résiliation du bail et non lorsqu’il entendait simplement faire constater ladite résiliation. De plus, sous l’empire de la loi de 1985, les juges du fond ont parfois estimé que l’article 38 ne faisait pas échec à une assignation en référé postérieure au jugement de redressement, dès lors qu’il s’agit de constater une résiliation acquise antérieurement au jugement. Il a été ainsi jugé que, dans le cadre de l’article 25 alinéa 1er du décret du 30 septembre 1953 un commandement demeuré infructueux pendant un délai de trois mois suffisait pour que la résiliation soit efficace, bien qu’elle n’ait pas encore été judiciairement constatée. La doctrine majoritaire condamne l’analyse précédente dans la mesure où elle conduit à vider de sa signification le droit d’option, lequel ne pourrait recevoir application que dans la mesure où le créancier l’autoriserait, en s’abstenant de délivrer un commandement visant la clause résolutoire. La jurisprudence a affirmé solennellement dans un arrêt du 12 juin 199036 que la résiliation doit être constatée par une décision passée en force de chose jugée. Depuis cette date, cette solution est constante en jurisprudence. En effet, il est de jurisprudence constante, sous le régime de la loi du 25 janvier 1985, que les actions en constatation de la résiliation du bail, pour défaut de paiement de loyers échus antérieurement à la date d’ouverture d’une procédure collective à l’encontre du preneur, se trouvent paralysées par cette ouverture ,dès lors 51 qu’elles n’ont pas donné lieu à une décision passée en force de chose jugée à cette date. En optant pour une telle solution, la haute juridiction retarde le moment où la résiliation est considérée comme acquise et améliore ainsi la protection du preneur et donc du contrat de bail. La force de chose jugée s’applique à des décisions qui ne sont susceptibles d’aucun recours ou qui ne sont plus susceptibles d’un tel recours. Il convient de noter à cet égard que la décision de la cour de cassation prend quelques libertés avec la lettre même de l’article 25 du décret de 1953 lequel évoque une décision ayant acquis l’autorité de chose jugée. Cette notion d’autorité de chose jugée est liée à une décision juridictionnelle relative à une contestation qu’elle tranche et qui empêche, sauf exercice d’une voie de recours, que la même contestation soit rejugée. Dès lors, en se référant à la force de chose jugée, la jurisprudence a tranché dans le sens d’une plus grande protection du contrat de bail. Les conséquences de cette position de principe sont très importantes : chaque fois qu’une décision de résiliation passée en force de chose jugée ne sera pas intervenue avant l’ouverture du redressement judiciaire du locataire, alors même qu’une clause de résolution de plein droit sera acquise en vertu du contrat, le bail demeurera un contrat en cours, soumis à l’option de l’administrateur ou, dans la procédure simplifiée, à celle du débiteur autorisé par le juge-commissaire. La jurisprudence a été amenée à préciser la portée de l’article 47 selon l’état des poursuites engagées par le créancier : - lorsque le commandement a été notifié antérieurement au jugement d’ouverture aucun doute n’est permis si, à cette date, le délai d’un mois n’est pas expiré : les poursuites ne peuvent être engagées sur le fondement de la clause résolutoire et le bailleur ne peut que procéder à la déclaration de créance requise par la loi. - il en est de même si le délai d’un mois expiré antérieurement à la date du jugement d’ouverture car cette échéance contractuelle n’entraîne le bénéfice d’aucun droit acquis au profit du bailleur, soit en l’absence d’initiative judiciaire de ce dernier, soit même si une procédure a été introduite en l’absence de décision passée en force de chose jugée déclarant définitivement acquis au bailleur le bénéfice de la clause résolutoire. 36 Cass.com., 12 juin 1990 , D. 1990, p. 455, note F. Derrida. 52 - A l’inverse, si un commandement de déguerpir à été délivré antérieurement au jugement d’ouverture en raison de l’acquisition définitive du bénéfice de la clause résolutoire, le juge de l’exécution ne peut accueillir favorablement une demande de sursis à exécution de l’expulsion que le bailleur peut valablement poursuivre37. Le principe ainsi affirmé, il convient de voir comment celui-ci va s’appliquer, notamment en raison des possibilités qu’offrent l’article 25 du décret du 30 septembre 1953 de saisir le juge des référés afin d’obtenir de lui des délais de grâce conformément à l’article 1244 du code civil. B – LA CLAUSE ACQUISE : LA DECISION PASSEE EN FORCE DE CHOSE JUGEE Les situations pratiques se révèlent être extrêmement vastes et la cour de cassation a eu l’occasion d’appliquer le principe dégagé le 12 juin 1990 dans ses diverses situations. En matière de baux commerciaux ou artisanaux, l’article 25 du décret a soulevé d’innombrables contestations : ce texte permet au juge des référés, en accordant des délais, de suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision ayant acquis l’autorité de chose jugée. Dès lors, de ces termes mêmes, il apparaît que le preneur peut éviter la résiliation en demandant des délais, même après l’expiration du délai imparti au texte ; il faut, mais il suffit, qu’il les respecte. En conséquence, lorsque le jugement de redressement judiciaire a été rendu, alors qu’aucune décision passée en force de chose jugée ( « autorité de chose jugée » d’après le texte) n’a constaté ou prononcé la résiliation du bail, soit que le débiteur n’a pas encore demandé des délais, soit que, les ayant demandés, obtenus et respectés, il n’a pas 37 Cass. 2e civ., 10 décembre 1998, AJDI 1999, p.794, note C.H Gallet. 53 encore réglé en tout ou en partie les sommes dues au bailleur, la résiliation n’est pas acquise ; le bail est donc encore un contrat en cours soumis aux dispositions des articles 37 et 38 de la loi. Dans l’arrêt du 12 juin 1990, la cour de cassation a décidé que, dès lors qu’à la date du jugement de redressement judiciaire la décision se prononçant sur la demande de délai du débiteur n’était pas encore passée en force de chose jugée, l’action tendant à la constatation de la résiliation du bail ne pouvait plus être poursuivie. Néanmoins, lorsque cette décision a été rendue et régulièrement signifiée au débiteur avant le jugement, et si elle n’est pas frappée d’appel dans le délai par l’administrateur ou que ceux ci sont expirés, elle passe en force de chose jugée à l’expiration du délai d’appel car le jugement n’entraîne pas interruption ou suspension des délais de voie de recours ; elle pourrait dès lors donner lieu à exécution. Dans un arrêt du 24 octobre 199538 la chambre commerciale a rappelé qu’avait « force de chose jugée le jugement qui n’est susceptible d’aucun recours suspensif d’exécution ; que le jugement susceptible d’un tel recours acquiert la même force à l’expiration du délai de recours si celui-ci n’a pas été exercé dans les délais » et que cette règle s’appliquait « à l’ordonnance de référé, peut important l’absence au principal d’autorité de la chose jugée de cette ordonnance ». Dans un arrêt du 8 décembre 199939, la cour de cassation a considéré que lorsque le locataire, qui a reçu un commandement visant la clause résolutoire, a sollicité la suspension de la clause et obtenu des délais de paiement, mais ne les a pas observés dans une période antérieure au jugement d’ouverture, il faut considérer que la clause a définitivement joué dès la première inobservation de l’échéancier fixé par le tribunal, la première défaillance. La résiliation doit dans cette hypothèse être considérée comme définitivement acquise et le jugement d’ouverture ne saurait amener à reconsidérer ce qu’il faut bien appeler un « droit acquis ». La solution serait évidemment différente si le jugement d’ouverture se situait dans la période de suspension des effets de la clause, le débiteur réglant régulièrement ses engagements. 38 39 Cass.com., 24 octobre 1995, Bull.civ. IV, n° 254. Cass.com., 8 décembre 1999, dr. et patrimoine 2000, n° 82, p.119, note P.Chauvel. 54 Dans un arrêt du 4 novembre 199840, la troisième chambre civile a donné la méthode à suivre en cas d’ordonnance de référé suspendant les effets de la clause résolutoire. En effet, la cour de cassation considère que lorsque antérieurement à l’ouverture du redressement judiciaire du preneur celui-ci a fait l’objet d’un commandement de payer les loyers arriérés et obtenu du juge du premier degré une ordonnance lui accordant des délais ainsi que la suspension des effets de la clause résolutoire stipulée au bail, il convient de rechercher si les conditions posées par l’ordonnance rendue ont été respectées par ledit preneur. Dès lors de deux choses l’une : - au cas où ces conditions ont été respectées les effets de la clause sont restés suspendus jusqu’à la date du jugement d’ouverture et l’article 47 de la loi du 25 janvier 1985 fait obstacle à la constatation de la résiliation du bail. Aucune décision de résiliation revêtue de la force de chose jugée avant ce jugement n’est, en effet, intervenue et la jurisprudence de la cour de cassation est formelle : l’action est interrompue et ne peut plus être poursuivie. En outre, les effets du commandement délivré antérieurement à l’ouverture de la procédure collective se trouvent suspendus. - En revanche, dans le cas où le locataire n’a pas exécuté les obligations mises à sa charge par l’ordonnance suspendant les effets de la clause résolutoire, cette clause est acquise et a produit ses effets, sans que le juge n’ait pu accorder de nouveaux délais ni apprécié la gravité du manquement du preneur à ses obligations. Les effets de cette clause sont ainsi réputés acquis antérieurement à la date du jugement d’ouverture, et les dispositions de l’article 47 ne peuvent faire obstacle à la constatation de la résiliation du bail dès avant la procédure collective. Dès lors la jurisprudence est constante sur la question de l’ordonnance de référé. D’une part l’ordonnance de référé, ainsi que, le cas échéant, l’arrêt de la cour qui statue sur appel de cette décision, n’ont pas l’autorité de la chose jugée au principal, en vertu de l’article 488 du nouveau code de procédure civile. Néanmoins l’ordonnance de référé 40 Cass.com., 4 novembre 1998, Petites Affiches, 9 décembre 1999, p. 19, note C.H Gallet. 55 acquiert force de chose jugée dans les conditions de l’article 500 du nouveau code de procédure civile, nonobstant cette absence au principal d’autorité de chose jugée. D’autre part, si l’ordonnance définitive produit ses entiers effets sans que la clause résolutoire puisse être, à nouveau, suspendue par l’octroi de nouveaux délais, le nonrespect par le preneur, des délais qui lui avaient été accordés antérieurement à la date d’ouverture du redressement judiciaire, est de nature à permettre au bailleur de se prévaloir de l’acquisition de la clause résolutoire, à moins que l’ordonnance ayant accordé ces délais ait omis de spécifier qu’à défaut de respecter les échéances fixées, le bénéfice de la clause serait acquis au bailleur. La chambre commerciale dans un arrêt du 30 mars 199941 a rappelé que lorsque le bail a été résilié avant l’ouverture de la procédure collective, l’obligation de libérer les lieux n’est pas née de l’inexécution du contrat de bail mais d’une occupation sans droit ni titre et, dès lors le liquidateur peut être condamné sous astreinte à quitter les lieux. La cour de cassation a donc retardé le moment où le contrat de bail pourra être considéré comme résilié en vertu d’une clause résolutoire. Néanmoins elle a précisé l’application de ce mécanisme en cas d’ordonnance de référé. L’article 47 suspend les actions tendant au paiement d’une somme d’argent mais laisse place à d’autres actions du bailleur non fondées sur le paiement d’une somme d’argent. II – LES PREROGATIVES DU BAILLEUR NON-ATTEINTES PAR l’OUVERTURE DE LA PROCEDURE L’ouverture d’une procédure collective à l’encontre du preneur ne prive pas le bailleur de toutes ses prérogatives et une jurisprudence de la cour de cassation s’est forgée 41 Cass.com., 30 mars 1999, Loyers et copr. 1999, comm. n° 240. 56 relativement aux actions que le bailleur de locaux commerciaux est susceptible de poursuivre ou d’engager après le jugement d’ouverture. Il apparaît notamment, que l’action en résolution sur un autre fondement que le défaut de paiement d’une somme d’argent puisse prospérer malgré l’ouverture de la procédure (A) ainsi, que l’action en déclaration de validité du congé avec refus de renouvellement (B). A) L’ACTION EN RESILIATION POUR INEXECUTION D’UNE OBLIGATION DE FAIRE En vertu des dispositions de l’article 47, le jugement d’ouverture suspend ou interdit toute action en justice des créanciers dont la créance a son origine antérieurement audit jugement, et tendant, soit à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent, soit à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent. Dès lors, l’article 47 semble déterminer l’application du principe de la suspension des poursuites individuelles en fonction de l’objet de l’obligation inexécutée par le débiteur. Ce texte ne vise que les actions relatives au défaut de paiement d’une somme d’argent. A contrario, dès lors que la cause de résiliation n’est pas fondée sur le défaut de paiement d’une somme d’argent, il semble que l’action en résolution puisse prospérer malgré l’ouverture de la procédure. En outre, l’article 49 de la loi de 1985 conforte une telle analyse puisqu’il dispose que « les actions en justice et les voies d’exécution autres que celles visées à l’article 47 sont poursuivies au cours de la période d’observation à l’encontre du débiteur, après mise en cause de l’administrateur et du représentant des créanciers ou après une reprise d’instance à leur initiative ». Dès lors, sous les conditions prévues à cet article, l’article 47 ne suspend ni interdit une action en résolution fondée sur une obligation de faire ou de ne pas faire. 57 Aussi, si une telle action semble envisageable malgré l’article 47, il faut faire état de l’article 37. Celui-ci dispose, en effet, que l’administrateur a seul la faculté d’exiger l’exécution des contrats en cours, le cocontractant doit remplir ses obligations malgré le défaut d’exécution par le débiteur d’engagements antérieurs. Dès lors, l’article 37 ne différencie pas selon le type d’engagement, on pourrait alors en conclure que la continuation d’un contrat interdit d’en demander la résiliation et cela, quel que sera la nature de l’obligation inexécutée. Cette interprétation a donné lieu à des divergences doctrinales : - certains auteurs rejettent une telle analyse en faisant observer que l’article 38, texte propre au bail, « soumet à un régime restrictif uniquement les demandes de résiliation fondées sur un défaut de paiement des loyers » tandis « qu’il laisse prospérer les demandes de résiliation antérieures au jugement fondées sur d’autres manquements »42. En outre, on peut ajouter que l’article 37 est conçu pour favoriser la poursuite de l’activité d’un débiteur impécunieux dont l’entreprise peut être redressée. Cette perspective justifie qu’on « passe l’éponge » sur les incidents de paiement antérieurs au jugement d’ouverture, qui sont dus aux difficultés que l’on prétend précisément résorber. Elle ne justifie pas « le grand pardon » de toutes les offenses passées. - à l’inverse, d’autres auteurs arguent qu’il paraît hasardeux de lire entre les lignes de l’article 38 pour en tirer la faculté de poursuivre après jugement la résiliation d’un bail pour des manquements antérieurs non pécuniaires. En outre, une telle solution compromettrait l’objectif de maintien de l’activité que poursuit l’article 37, en autorisant la continuation des contrats en cours ; en perdant le bail, l’entreprise perd un élément essentiel, indispensable à la poursuite de l’activité. La cour de cassation a, quant à elle, tranché en faveur de la première thèse. Elle a, à plusieurs reprises, affirmé que : « dès lors que la résiliation était demandée pour inexécution d’obligation de faire et non de payer une somme d’argent, le cours de l’instance ne pouvait être arrêté ni par l’ouverture du redressement judiciaire ni par 58 l’exercice de la faculté ouverte à l’administrateur par l’article 37 de la loi du 25 janvier 1985 »43. Et la cour de cassation a fait application de ce principe dans plusieurs espèces. Ainsi, dans un arrêt du 26 octobre 199944, la cour, après avoir rappelé le principe, a admis que le bailleur puisse continuer son action en résiliation du bail en raison de nuisances sonores imputables à l’activité du preneur. Il a aussi été jugé que n’était pas visée par l’article 47, l’action en résolution consécutive à l’inexécution d’une obligation de ne pas faire ou encore la mise en œuvre d’une clause résolutoire d’un bail commercial en raison du non respect de l’obligation du preneur d’utiliser les lieux pour l’exercice de son commerce et de les tenir constamment garnis, ou de la destination contractuelle. Aussi, dans un arrêt du 6 janvier 199845, la cour de cassation a décidé que le bailleur, qui a introduit une action en résiliation du bail pour violation des clauses du bail concernant la destination des lieux loués et la distribution des locaux, peut valablement, après le jugement d’ouverture de la procédure collective du preneur et l’exercice de l’option par l’administrateur, poursuivre cette dernière après avoir mis en cause l’administrateur et le représentant des créanciers, dès lors que la résiliation du bail est fondée sur une cause autre que le défaut de paiement d’une somme d’argent. Dès lors, de deux choses l’une : - soit l’action tend à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent et elle est de toute façon suspendue en vertu de l’article 47 de la loi du 25 janvier 1985, - soit l’action tend à la résolution du contrat pour inexécution d’une obligation autre que le paiement d’une somme d’argent et elle n’est alors ni touchée par le principe de la suspension des poursuites individuelles, ni arrêtée par la continuation du contrat en cours. 42 Derrida, Godé et Sortais, op. cit., note 1694. Cass.com., 28 mai 1996, J.C.P 1996, ed. E, I, 584, n° 13. 44 Cass.com., 26 octobre 1999, Loyers et copr. 1999, comm. n° 295. 45 Cass.com., 6 janvier 1998, Loyers et copr. 1998, comm. n° 162. 43 59 Cette analyse consacrée au titre de l’action en résiliation pour inexécution d’une obligation de faire ne s’étend pas à l’action en paiement. En effet, pour cette dernière, la cour de cassation a une vision large de l’action tendant au paiement d’une somme d’argent. Et, elle a tendance à considérer que de nombreuses actions tendent directement ou indirectement au paiement d’une somme d’argent. La cour de cassation considère que les obligations de faire sont des obligations potentielles de payer une somme d’argent. Ainsi la cour de cassation a notamment décidé, dans un arrêt de la chambre commerciale du 6 juin 199546, que l’action exercée contre une société soumise à une procédure collective « en vue de l’obliger à exécuter son engagement de souscrire un cautionnement tend, sous couvert de l’exécution d’une obligation de faire à obtenir d’elle la souscription d’un engagement de payer une somme d’argent » ; elle se trouve donc soumise à la règle de la suspension des poursuites. Une telle analyse de la cour de cassation se fonde sur l’article 1142 du code civil : inexécution d’une obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts c’est-à-dire une somme d’argent, l’action tendant à l’exécution d’une telle obligation est donc arrêtée par l’article 47 de la loi du 25 janvier 1985. Au-delà des actions en paiement, la cour de cassation a donc admis la validité d’une action en résolution pour inexécution d’une obligation de faire. Elle a adopté la même position en ce qui concerne les actions relatives au renouvellement du bail. B) L’ACTION EN DECLARATION DE VALIDITE DE CONGE AVEC REFUS DE RENOUVELLEMENT 46 Cass.com., 6 juin 1995, RTD com. 1996, p.336, obs. A. Martin-Serf. 60 Le statut des baux commerciaux présente la particularité de conférer au preneur la propriété commerciale. Afin d’éviter de faire courir au locataire le risque de perdre son fonds de commerce s’il venait à être expulsé de son local, celui-ci a droit, à l’expiration du bail, au renouvellement de ce dernier. Néanmoins, le bailleur conserve la possibilité de refuser le renouvellement à condition de payer une indemnité d’éviction au preneur égale à la valeur de son fonds de commerce. Dès lors, le bailleur agira le plus souvent sur le fondement de l’article 9-1 du décret lui permettant de refuser le renouvellement du bail sans verser d’indemnité d’éviction s’il justifie d’un motif grave et légitime à l’encontre du preneur sortant. Ce motif grave et légitime sera le plus souvent caractérisé par la violation des obligations contractuelles, tels des sous-locations interdites, des travaux ou changements de destination des lieux, mais surtout le non-paiement ou le paiement irrégulier des loyers. En outre, l’article 9-1 prévoit que, s’il s’agit de l’inexécution d’une obligation ou de la cessation d’exploitation du fonds, le manquement commis par le preneur ne pourra être invoqué que s’il s’est poursuivi ou renouvelé plus d’un mois après une mise en demeure émanant du bailleur d’avoir à faire cesser ce manquement. Dès lors, plusieurs similitudes apparaissent entre la résiliation du bail et le refus de renouvellement. La plupart des causes de renouvellement sans indemnité pour violation d'obligations contractuelles sont aussi des causes de résiliation du bail. Ainsi le nonpaiement des loyers pourra être un motif de non-renouvellement comme de résiliation du bail. Dès lors, l’action en déclaration de validité de congé ne devrait-elle pas être paralysée par l’ouverture de la procédure ? En outre, le congé avec refus de renouvellement du bail aura les mêmes résultats pratiques que la résiliation judiciaire ou par application d’une clause résolutoire. Ainsi, permettre au bailleur de refuser le renouvellement pour motif grave et légitime résultant du défaut de paiement des loyers antérieurs au jugement d’ouverture consisterait à ouvrir une brèche sérieuse dans le dispositif légal écartant la résiliation des contrats en cours ; le bailleur disposant ainsi d’un moyen d’évincer le locataire défaillant et de rompre la relation contractuelle. 61 Néanmoins, une telle analyse a été rejetée par la cour de cassation qui a considéré dans un arrêt du 14 mai 199747 que ni les dispositions de l’article 47 de la loi de 1985 ni celles de l’article 38, ne font obstacle à la recevabilité de l’action en déclaration de validité de congé avec refus de renouvellement fondé sur les dispositions de l’article 9-1 du décret. La cour de cassation admet donc la validité d’un refus de renouvellement d’un bail pour motif grave et légitime en raison du défaut de paiement de loyers antérieurs au jugement d’ouverture. Plusieurs remarques s’imposent : - dans cet arrêt, la cour de cassation rappelle que le refus de renouvellement est une autre technique que celle de la résiliation. Le non-renouvellement du bail en cours à la date d’une ouverture de procédure collective n’a pas pour objet de mettre fin par anticipation à ce contrat, mais seulement de faire obstacle à la naissance d’un nouveau bail le lendemain de la date d’expiration de celui-là. La résiliation c’est donc la rupture du contrat en cours d’exécution avant son terme ; c’est une sanction a posteriori ; le refus de renouvellement est une mesure a priori destinée à priver de son droit le locataire qui ne mérite pas la faveur consistant à renouveler ce contrat, c’est une sorte de déchéance. - même si le recours au juge est nécessaire dans les deux hypothèses, le refus de renouvellement est soumis à la procédure de l’article 9-1. Il faudra donc qu’il y ait eu une mise en demeure adressée au preneur, antérieurement au jugement d’ouverture, d’avoir à faire cesser l’infraction reprochée qui ne pourra être invoquée que si elle s’est poursuivie ou renouvelée plus d’un mois après. - la cour de cassation avait déjà décidé dans un arrêt du 3 juin 199248 que la suspension des poursuites prévues par l’article 47 n’est pas applicable à l’action en déclaration de validité de congé avec refus de renouvellement pour retard dans les paiements. Néanmoins, l’infraction reprochée au preneur devra être suffisamment 47 48 Cass. 3e civ., 14 mai 1997,RJDA 1997, n°954. Cass. 3e civ., 3 juin 1992, Bull. civ. III, n°182. 62 grave pour justifier cette mesure. La cour de cassation dans son arrêt du 14 mai 1997 rappelle que les juges de fonds exerceront leur pouvoir souverain d’appréciation sur les motifs invoqués. Ainsi, bien que le bailleur invoque un défaut de paiement de créances antérieures, il peut agir pour faire reconnaître la validité du congé avec refus de renouveler délivré pour ce motif tandis que les mêmes faits ne l’autorisent pas à demander au juge la résiliation du bail. En outre, les deux actions peuvent être introduites et poursuivies indépendamment l’une de l’autre. De cette manière, le bailleur qui entend se débarrasser d’un preneur encombrant et ne respectant pas ses obligations contractuelles peut user simultanément des deux actions pour tenter d’obtenir la libération des lieux loués par ledit preneur et ainsi recouvrer la jouissance des locaux. Si le bailleur subit de plein fouet la règle de l’interdiction des poursuites, il peut donc néanmoins exercer quelques rares actions ne tombant pas sous le coup de l’application de la règle. Tel est le cas aussi de l’action tendant à la fixation du loyer du bail renouvelé. Il convient enfin d’envisager, les possibilités de résiliation du contrat de bail pour causes postérieures au jugement d’ouverture. 63 CHAPITRE II : LA RESILIATION POUR CAUSE POSTERIEURE AU JUGEMENT D’OUVERTURE Alors que les possibilités de résiliation du contrat de bail pour cause antérieure au jugement d’ouverture s’insèrent dans le cadre général de l’article 47, le bail commercial fait l’objet de dispositions spécifiques relatives à la faculté de résiliation du bailleur postérieurement au jugement d’ouverture. En effet, le bail commercial est expressément visé par l’article 38 quand celui-ci dispose qu’ « à compter du jugement d’ouverture le bailleur peut demander la résiliation judiciaire du bail ou la résiliation de plein droit du bail des immeubles affectés à l’activité de l’entreprise pour défaut de paiement des loyers et des charges afférents à l’occupation postérieure audit jugement. Cette action ne peut être introduite moins de deux mois à compter du jugement d’ouverture ». En principe, après le jugement d’ouverture, le bailleur recouvre sa faculté de résiliation pour des causes nouvelles se produisant après l’ouverture de la procédure. En effet, le bail continué étant soumis aux règles du droit commun, le bailleur peut agir en résiliation du bail en cas d’inexécution par le locataire de ses obligations, postérieurement au jugement. Cette faculté peut être exercée sur le fondement d’une clause résolutoire ou de l’article 1184 du code civil. Dès lors, l’article 38 restreint cette possibilité de résiliation pour cause postérieure au jugement d’ouverture dans la mesure où le bailleur se fonde sur le défaut de paiement des loyers ou des charges (I). En outre, cette altération à la liberté de résilier s’accompagne d’une paralysie totale du droit de résilier pour certaines causes spécifiques : le défaut d’exploitation et de garnissement des lieux loués (II). 64 I – L’ALTERATION DE LA FACULTE DE RESILIATION POUR DEFAUT DE PAIEMENT L’article 38, qui institue un régime particulier pour le bail des immeubles affectés à l’activité de l’entreprise, a fait couler beaucoup d’encre. En effet, que ce soit dans sa rédaction initiale ou dans celle issue de la loi du 10 juin 1994, des controverses ont toujours sévi à propos de ce texte. L’article 38 institue un régime dérogatoire non seulement aux dispositions qui gouvernent le bail, mais aussi à celles applicables aux procédures collectives. Dès lors, des difficultés d’application entre ces différents textes sont apparues, la mise en œuvre de l’article 38 s’avère donc délicate (B). En outre, le champ d’application même du texte a été sujet à discussion, en raison des différentes interprétations auxquelles se prêtent les dispositions de l’article 38 (A). A ) LE CHAMP D’APPLICATION DE L’ARTICLE 38 Dans sa rédaction d’origine, l’article 38 prévoyait que le bailleur ne pouvait introduire ou poursuivre une action en résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers que s’il s’agissait de loyers échus depuis plus de trois mois après le jugement d’ouverture du redressement judiciaire. Dès lors, de part cette rédaction ambiguë, des controverses doctrinales ont fait rage. Celles-ci étaient de deux ordres : - l’application de ce texte avait tout d’abord suscité une controverse dans le mesure où l’article 38 visait à la fois l’introduction ou la poursuite de l’action. Dès lors, certains considéraient qu’il suffisait effectivement d’une simple lecture de l’article 38 pour constater que la loi autorise le bailleur non seulement à introduire mais également à poursuivre l’action en résiliation. Or, il est clair que si le bailleur peut poursuivre de telles actions, il ne peut s’agir que des actions qui étaient pendantes à 65 la date du jugement d’ouverture, actions pendantes qui ne pouvaient nécessairement viser que des causes de résiliation antérieures au jugement d’ouverture. Dès lors, pour le bail commercial il était possible, pour cette doctrine, de poursuivre une action en résiliation pour cause antérieure au jugement d’ouverture. La cour de cassation dans un arrêt du 3 novembre 199249 a estimé que ce texte ne pouvait s’appliquer qu’aux seuls loyers échus postérieurement à l’ouverture de la procédure collective à l’exclusion des loyers antérieurs à cette procédure, le non-paiement de ceux-ci n’ouvrant droit au profit des créanciers qu’à déclaration au passif. Il était donc clair, depuis cet arrêt, que le non-paiement des loyers antérieurs n’ouvrait droit au profit des créanciers qu’à déclaration au passif. - Une seconde controverse est apparue quant à la notion de loyers échus visés par l’article 38. En effet, dans plusieurs décisions, la cour de cassation s’était référée à la notion de loyers échus, elle mettait donc en lumière le fait que seule était prise en compte la date d’échéance, indépendamment de la considération de la période d’occupation. Dès lors, dans l’hypothèse d’un loyer à échéances payables d’avance, objet d’impayés antérieurs au jugement d’ouverture et ayant donné lieu à une occupation postérieure au jugement d’ouverture, le bailleur ne pouvait que déclarer sa créance au passif et non pas exiger la résiliation. A l’inverse si on était en présence d’une occupation à la fois antérieure et postérieure au jugement d’ouverture, l’action en résiliation pouvait être introduite pour la portion de loyers échus postérieurement. Une partie de la doctrine avait donc mis en avant cette situation particulièrement contraignante pour le bailleur et, considérait qu’il aurait été préférable pour le bailleur que ne soit prise en compte que la durée d’occupation. Avant même que la réforme ne s’opère par la loi du 10 juin 1994, la cour de cassation dans un arrêt du 14 juin 199450 a suivi cette opinion doctrinale en censurant un arrêt de la cour d’appel qui subordonnait la résolution du bail d’une part à la constatation d’un loyer arrivé à échéance et, d’autre part à l’écoulement d’un délai de trois mois. Malgré cette position parfaitement conforme à l’ancienne 49 50 Cass. com., 3 novembre 1992, JCP 1993, ed. G, II, p.352. Cass. com., 14 juin 1994, D. 1994, IR, 206. 66 rédaction de l’article 38, la cour de cassation avait donc déjà préféré se référer à la notion d’occupation postérieure au jugement d’ouverture. Désormais, l’article 38 nouveau de la loi de 1985 dispose qu’à compter du jugement d’ouverture le bailleur peut demander la résiliation judiciaire ou la résiliation de plein droit du bail des immeubles affectés à l’activité de l’entreprise pour défaut de paiement des loyers et des charges afférent à une occupation postérieure audit jugement. Cette action ne pouvant être introduite moins de deux mois après le jugement d’ouverture. Dès lors, la nouvelle rédaction du texte prend en compte non plus l’échéance des loyers mais la période d’occupation. Le bailleur est donc en droit d’agir dans le délai de deux mois à compter du jugement, dès lors que le loyer ou les charges se rapportant à la période de jouissance locative postérieure au jugement n’ont pas été payés, quelque soit la date d’exigibilité des créances. Il en résulte que la période de deux mois constitue un simple délai d’attente. Le bailleur peut agir en résiliation pour le loyer impayé afférent à une période d’occupation postérieure au jugement d’ouverture, même si le loyer était payable d’avance à une date antérieure au jugement d’ouverture ce qui peut être le cas lorsque les échéances sont trimestrielles. Plusieurs remarques s’imposent : - d’une part, s’agissant d’une occupation postérieure au jugement d’ouverture, les sommes dues sont des créances relevant de l’article 40 et, ne doivent donc pas être déclarées à la procédure. Par contre, a contrario le non-paiement des créances liées à une occupation antérieure ne justifie pas la résiliation. - d’autre part, l’article 38 ne vise que le non paiement des loyers et des charges. Dès lors, sous cette réserve, rien ne paraît faire obstacle à ce que postérieurement au jugement d’ouverture, le bailleur puisse se prévaloir d’infractions commises, autres que celles visées par l’article 38 , soit dans le cadre de l’action de droit commun en résiliation du bail soit sur le fondement de la clause résolutoire sans avoir à respecter le délai d’attente de deux mois. Ainsi le bail pourra être rompu pour inexécution de travaux promis ou à raison d’une faute quelconque commise par le locataire tel le défaut d’entretien des lieux loués. 67 Néanmoins, cette nouvelle rédaction de l’article 38 n’a pas mis fin à toutes controverses. En effet, une controverse est née quant à la rédaction de l’adjectif afférent contenu dans le texte de la loi. Et plus précisément sur la rédaction au pluriel ou au singulier de cet article. Dans le texte de la loi, l’adjectif afférent apparaît au singulier. Néanmoins, au cours des travaux préparatoires le terme était fréquemment utilisé au pluriel. Si c’est le défaut de paiement qui est afférent à l’occupation postérieure, la résiliation ne peut être demandée que pour le non-paiement de dettes exigibles après le jugement . A l’inverse, admettre une rédaction au pluriel de l’adjectif afférent signifierait que le bailleur serait fondé à exiger la résiliation du bail pour des loyers et charges relatifs à une occupation postérieure et ce, indifféremment de la date d’exigibilité desdits loyers et charges. Par conséquent, le non-paiement d’un loyer payable d’avance ouvre droit à la résiliation même s’il était exigible avant le jugement d’ouverture dès lors qu’il est relatif à une occupation postérieure.. La doctrine dominante s’est ralliée à cette thèse. Néanmoins certains auteurs estiment que cette version plurielle de l’adjectif afférent imposerait de considérer que l’article 38 instituerait une dérogation à de nombreuses dispositions de la loi du 10 juin 1995 et notamment à l’article 33 qui interdit de payer des créances antérieures ou même à l’article 47 qui arrête une action en résiliation pour défaut de paiement de telles créances. A cet argument on peut objecter que même si le loyer est payable d’avance, dès lors qu’il est relatif à une occupation postérieure au jugement, c’est une créance postérieure. Les articles 33 et 47 ne sont nullement méconnus. Le paiement n’étant qu’une modalité d’exécution de l’obligation. Celle-ci née de la jouissance et dès lors l’adjectif afférent doit être considéré comme se rapportant à des loyers et charges relatifs à une occupation postérieure à l’ouverture de la procédure, même s’ils sont payables d’avance. Le champ d’application de l’article 38 est donc largement sujet à controverse même malgré la réécriture de l’article par la loi du 10 juin 1994. Ces difficultés d’application de l’article 38 se prolongent quant à la mise en œuvre de la faculté ouverture au bailleur de résilier le bail postérieurement au jugement d’ouverture. 68 B ) LA MISE EN ŒUVRE DE L’ARTICLE 38 La mise en œuvre de l’article 38 suscite des difficultés eu égard aux termes employés. En effet, aux termes de l’article 38 : « à compter du jugement d’ouverture, le bailleur peut demander la résiliation judiciaire ou la résiliation de plein droit… » Dès lors, ce texte paraît évoquer alternativement : - l’exercice par le bailleur d’une action en résiliation de bail fondée sur les dispositions de l’article 1184 du code civil. Il est à noter que ce litige est désormais la compétence d’attribution du tribunal de grande instance pour les baux assujettis au décret du 30 septembre 1953. En effet depuis la loi du 28 décembre 1998 « sont exclus de la compétence du tribunal d’instance toutes les contestations en matière de baux à loyers d’immeubles ou de locaux à usage commercial, industriel ou artisanal régis par le décret du 30 septembre 1953 ». - et d’autre part la résiliation de plein droit. L’ambiguïté est ici manifeste dans la mesure où ce terme est parfois utilisé pour dénommer la sanction contractuelle découlant de la clause résolutoire du fait que selon la jurisprudence traditionnelle, la juridiction saisie ne peut que constater les effets de la clause résolutoire sans se prononcer sur la gravité de l'infraction alléguée. Néanmoins, dans des conditions totalement étrangères à l’application de la clause résolutoire, l’article 37 prévoit lui aussi la résiliation de plein droit, soit après notification d’une mise en demeure à l’initiative du bailleur, soit en tout état de cause à l’initiative de l’administrateur ou à défaut de paiement dans les conditions prévues par l’alinéa 3 de l’article 37. Dès lors faut-il en conclure que sous couvert de la résiliation de plein droit coexistent désormais deux possibilités offertes au bailleur : • la résiliation de plein droit encourue selon l’article 38 susceptible d’être sanctionnée par le juge-commissaire dans les termes de l’article 61-1 du décret du 27 décembre 1985. Ce texte se réfère en effet expressément à l’article 38 et dispose que le juge- 69 commissaire peut être saisi par tout intéressé. Dès lors le bailleur peut entrer dans cette catégorie de personne susceptible de saisir le juge-commissaire. • et d’autre part la mise en jeu de la clause résolutoire impliquant la saisine de la juridiction compétente pour constater son acquisition ou statuer sur une éventuelle demande de suspension assortie de délais à l’initiative du débiteur et de l’administrateur dans les termes de l’article 25 du décret du 30 septembre 1953. L’enjeu est d’importance dans la mesure où le juge-commissaire ne peut que constater à la demande de tout intéressé la résiliation de plein droit du contrat et ne peut en aucun cas accorder des délais de grâce conformément à l’article 1244 du code civil. Dès lors doit-on considérer que la réforme des procédures collectives menace le statut protecteur des baux commerciaux et notamment l’article 25 du décret de 1953 ? La résiliation de plein droit prévue par l’article 38 est-elle donc exclusive de la mise en œuvre de la clause résolutoire et des conséquences que ceci implique sur le fondement de l’article 25 du décret, texte d’ordre public ? Faut-il donc que le bailleur adresse une mise en demeure et que celle-ci demeure infructueuse pendant un mois pour que la résiliation produise ses effets ? La question a trait donc à l’autonomie de l’article 38 par rapport à l’article 25 du décret du 30 septembre 1953. Deux visions sont ici possibles : - à l’appui d’une indépendance entre les deux articles, on peut arguer que l’article 38 est un texte spécial qui déroge au texte général. En outre, l’article 61-1 du décret, comme nous l’avons vu précédemment, énonce que le juge-commissaire constate sur la demande de tout intéressé la résiliation de plein droit des contrats dans les cas prévus à l’article 37 alinéas 1 et 3 et à l’article 38 de la loi du 25 janvier 1985. Cette résiliation de plein droit semble donc soumise au même régime que la résiliation automatique résultant de la décision de l’administrateur de ne pas continuer le contrat. 70 - à l’inverse on peut se fonder sur le fait que la résiliation, lorsqu’elle est permise, doit se réaliser selon les règles du droit commun. En cas d’inexécution, les règles ordinaires reprennent leur empire et le droit commun doit s’appliquer. Quant à l’article 61-1 du décret on peut considérer qu’il a pour seul objet de donner compétence au juge-commissaire pour constater que la clause résolutoire est acquise à la suite de l’observation de la procédure prévue à l’article 25 du décret de 1953. L’opinion générale semble s’orienter vers le respect de l’article 25 dans la mesure où sa négation conduirait à menacer gravement les chances de redressement de l’entreprise. En outre, cela contrarierait à la fois l’esprit de la loi du 25 janvier 1985 et celui du décret du 30 septembre 1953 qui est d’accorder des délais de grâce au locataire. Par ailleurs, le bail, dès lors qu’il est poursuivi, doit être exécuté aux conditions initiales. Cela implique que la clause résolutoire joue dans les conditions prévues à l’origine qui sont celles du décret du 30 septembre 1953. De plus, il résulte des débats préparatoires que la résiliation du bail devait intervenir « sans préjudice de l’application de l’article 25 du décret sur les baux commerciaux ou de l’article 1244 du code civil qui permet en tout état de cause d’accorder des délais ». En l’état actuel de la jurisprudence, on peut faire état d’un jugement du tribunal de commerce de PARIS en date du 9 avril 199951. Dans cette espèce le bailleur avait tenté d’obtenir du juge-commissaire la constatation de la résiliation de plein du bail en invoquant les dispositions de l'article 38. Le jugecommissaire a déclaré irrecevable la demande en l’absence de commandement de payer notifié préalablement sur le fondement de la clause résolutoire. Dès lors le bailleur a formé opposition à l’encontre de cette décision. Le tribunal de commerce a considéré que l’opposition est mal fondée, la loi du 25 janvier 1985 et les textes subséquents n’apportant aucune novation en ce qui concerne les modalités de résiliation d’un bail commercial, elles-mêmes fixées par l’article 25 du décret du 30 septembre 1953 qui précise que la résiliation de plein droit d’un bail commercial ne produit effet qu’un mois après délivrance d’un commandement de payer demeuré infructueux. Cette décision paraît donc s’orienter vers l’inapplication de la résiliation de plein droit selon la procédure prévue par les articles 38 de la loi et 61-1 du décret, lorsque le bail 71 commercial est assujetti aux dispositions du décret du 30 septembre 1953 et que le débiteur peut donc légitimement prétendre au bénéfice de l’article 25 du décret. Un autre problème est apparu quant à l’articulation de l’article 37 alinéa 3 et l’article 38. En effet, comme nous l’avons vu précédemment, l’article 38 soumet l’action en résiliation postérieure au jugement d’ouverture pour défaut de paiement des loyers à un délai de deux mois, délai d’attente. Par ailleurs, l’article 37 alinéa 3 permet la résiliation de plein droit du contrat à défaut de paiement comptant. Dès lors, l’application de ces deux articles peut en pratique aboutir à l’exclusion de l’article 38 chaque fois que l’échéance de loyer intervient moins de deux mois après le jugement d’ouverture, c’està-dire à une date à laquelle le bailleur est privé de son action en résiliation de l’article 38. Dès lors, doit-on considérer que le bailleur, dont les droits sont restreints par le système spécifique au bail de l’article 38, bénéficie-t-il néanmoins de la résiliation de l’article 37 alinéa 3 ? Là encore la doctrine est divisée. En effet, une partie considère que ce cumul des régimes de résiliation est possible, un auteur estimant même que le bailleur pourrait obtenir la résiliation du bail si le paiement de l’échéance de loyer paraissait seulement improbable. A l’inverse, une autre partie de la doctrine soutient l’opinion inverse et considère l’article 38 comme une disposition autonome interdisant au bailleur de se prévaloir du régime simplifié de résiliation. Le bailleur n’est pas, pour cette doctrine, visé par l’article 61-1 du décret, texte de procédure qui ne saurait commander le champ d’application d’une loi ; le bailleur, qui a consenti un bail commercial, est soumis au régime exclusif de l’article 38 qui lui impose le respect du décret du 30 septembre 1953. Une telle interprétation permet d’éviter l’exclusion de l’article 38 et permet l’application du statut protecteur des baux commerciaux à une période où l’entreprise en a plus que besoin. En faveur de cette thèse, un jugement du tribunal de commerce de PARIS en date du 18 juin 199652 déboute des bailleurs de leur recours contre une ordonnance du juge-commissaire qui rejetait leur requête en demande de résiliation d’un bail commercial, sur le fondement de l’article 37 alinéa 3 de la loi du 25 janvier 1985 au motif que « la création d’un nouveau cas de résiliation de 51 T.com. PARIS, 9 avril 1999, loyers et copr. 1999, comm. n°242. 72 plein droit au bénéfice du bailleur conduirait à écarter l’application à un cas de résiliation pour faute, de l’article 25 du décret de 1953 sur les baux commerciaux qui relève de l’ordre public de protection… Si telle avait été l’intention du législateur, il l’aurait clairement manifesté dans une disposition nette ou, à tout le moins, cette intention aurait été affirmée à l’occasion des débats et travaux préparatoires… Il est fondé de considérer que le législateur n’a pas voulu bouleverser l’état du droit antérieur en créant un nouveau cas de résiliation de plein droit. » La résiliation postérieure au jugement d’ouverture pour défaut de paiement de loyers s’avère donc extrêmement délicate pour le bailleur. En effet, celui-ci semble devoir respecter le décret du 30 septembre 1953. En outre, dans un arrêt du 16 mars 199953, la cour de cassation a considéré que les juges du fond pouvaient, en vertu de leur appréciation souveraine, considérer que le défaut de paiement de loyers échus postérieurement au jugement d’ouverture ne constituait pas un manquement suffisamment grave pour justifier la résiliation. Dans cette espèce, le bailleur avait respecté les délais imposés par l’article 38 de la loi de 1985 ainsi que l’article 25 du décret du 30 septembre 1953. En outre, l’article 38 rend inefficace deux autres causes de résiliation du contrat de bail. II – LA NEGATION DE CAUSE SPECIFIQUE DE RESILIATION DU BAIL Les obligations pesant sur le preneur sont diverses et, leur manquement peut justifier une résiliation du contrat de bail sur le fondement de l’article 1184 ou sur le fondement d’une clause résolutoire. Néanmoins, l’article 38 paralyse la résiliation fondée sur le défaut d’exploitation du fonds de commerce (A). En outre, l’article 39 alinéa 4, 52 T.com. PARIS, 18 JUIN 1996, Rev. Proc. Coll. 1997, p. 131, in « le bail commercial n’est pas un contrat comme les autres », F. Auque. 53 Cass.com., 16 mars 1999, petites affiches, 3 février 2000, n° 24, p.16, note C.H. Gallet. 73 réduisant considérablement le privilège du bailleur, porte en lui-même une atteinte indirecte au droit de résiliation du bailleur (B). A – LE DEFAUT D’EXPLOITATION DES LIEUX LOUES Par exception au principe de la liberté de résilier en raison d’inexécution postérieure au jugement, l’article 38, alinéa 2, interdit au bailleur de se prévaloir, pour résilier le contrat, du défaut d’exploitation d’un ou plusieurs immeubles de l’entreprise au cours de la période d’observation. En effet, l’alinéa 2 dispose que « nonobstant toute clause contraire, le défaut d’exploitation pendant la période d’observation… n’entraîne pas la résiliation du bail ». Le texte prend donc soin de préciser « nonobstant toute clause contraire » : il faut donc supposer que le bailleur ne peut donc se prévaloir d’une infraction éventuelle à la clause faisant obligation au preneur d’exploiter en permanence les lieux loués. Le bailleur ne pourra donc utilement invoquer ni la demande en résiliation judiciaire fondée sur l’article 1184 du code civil ni celle fondée sur l’application d’une clause résolutoire puisque celle-ci est privée d’effet par l’article 38 alinéa 2. Le bailleur peut-il, néanmoins, invoquer l’article 9-1 et refuser le renouvellement du bail pour défaut d’exploitation du fonds de commerce ? Il résulte de l’article 4 du décret du 30 septembre 1953 relatif au droit au renouvellement du bail, ainsi que de l’article 91 du même décret relatif au refus dudit renouvellement, que le bailleur peut poursuivre la résiliation du bail, dans la mesure où le preneur ne peut invoquer « d’une raison sérieuse et légitime » expliquant cette cessation d’exploitation. La jurisprudence est venue préciser que si la résiliation était encourue en cas de défaut d’exploitation, encore faut-il que cette exploitation du fonds de commerce ait fait l’objet d’une stipulation contractuelle. Dès lors, l’article 38 alinéa 1 privant d’effet toute stipulation contractuelle, on ne voit pas sur quel fondement le propriétaire pourrait notifier une mise en demeure même dans les termes de l’article 9-1 du décret. Il s’avère donc que 74 même en dépit du silence observé par le texte dans le cadre de la procédure du refus de renouvellement découlant de l’article 9-1 du décret du 30 septembre 1953, le bailleur ne pourra, semble-t-il, pas invoquer celui-ci utilement. On se trouverait donc dans le cadre d’une cessation éventuelle d’exploitation pour motif légitime tel que visé par l’article 4 qui précise les conditions du droit au renouvellement du preneur. En outre, interrogé sur l’incidence que pouvait avoir un défaut d’exploitation antérieur à la période d’observation, la jurisprudence en a conclu que le bailleur ne pouvait s’en prévaloir. Bien que cette lecture coïncide tout à fait avec la lettre même de l’article 38 alinéa 2, certaines objections peuvent être faites. Tout d’abord il convient de rappeler que le contrat poursuivi l’est aux conditions définies par les parties. En outre, comment un défaut d’exploitation pourrait-il ne pas constituer un motif suffisant pour exiger la résiliation du bail et être tout à la fois considéré comme un motif légitime exonératoire du droit à renouvellement ? De plus, l’action en déclaration de validité de congé avec refus de renouvellement, fondée sur le défaut de paiement du loyer, pouvant se poursuivre malgré l’ouverture de la procédure, il eut été envisageable d’admettre une telle action postérieurement au jugement d’ouverture et ce fondé sur le défaut d’exploitation des lieux loués. L’ouverture d’une procédure collective atteint aussi le privilège du bailleur, celui-ci étant fortement restreint par l’article 39 alinéa 4. B ) LE DEFAUT DE GARNISSEMENT DES LOCAUX En droit commun, selon l’article 1752 du code civil, pèse sur le preneur une obligation de garnir suffisamment de meubles les lieux loués sous peine d’être expulsé. Cette obligation garantit l’efficacité de l’assiette du privilège du bailleur prévue par l’article 2102-1 du code civil. La loi du 25 janvier 1985 apporte un tempérament à cette règle tout en assurant triplement la protection du bailleur. 75 En effet, l’article 2101-1 confère au bailleur un privilège sur les meubles qui garnissent les lieux loués pour garantir le règlement de tous les loyers échus, et de tous les loyers à échoir si le bail est authentique ou sous seing privé mais avec date certaine. A défaut d’une telle forme, ne sont garantis que les loyers à échoir pour une année à partir de l’expiration de l’année courante. Lorsque le locataire est soumis à une procédure collective, le privilège du bailleur est doublement restreint quant aux créances garanties et quant à leur assiette : - les créances garanties par le privilège sont limitées, pour les loyers antérieurs aux deux dernières années de loyers précédent le jugement d’ouverture. Quant aux loyers à échoir, l’article 39 distingue selon que le bail est ou non résilié. Si le bail est résilié, le bailleur dispose d’un privilège destiné à garantir, pour l’année courante, toutes les sommes qui lui sont dues en exécution du contrat de bail ou au titre de dommages et intérêts destinés à réparer le préjudice qu’il subit par la suite de la résiliation du contrat. Si le bail se poursuit, le bailleur ne peut plus exiger le paiement des loyers à échoir si les sûretés qui lui avaient été consenties dans le bail sont maintenues ou dès lors que les sûretés qui lui ont été fournies après le jugement d’ouverture sont suffisantes. Le rang du privilège n’est pas modifié par la procédure : le bailleur passe après le super privilège des salaires et les privilèges fiscaux et avant les privilèges généraux. - l’assiette du privilège peut aussi être réduite si l’administrateur use de la faculté que lui reconnaître l’article 39 alinéa 4 de vendre avec l’autorisation du jugecommissaire les meubles soumis à un dépérissement prochain, à dépréciation imminente ou dispendieux à conserver ou dont la réalisation ne met pas en cause, soit l’existence du fonds, soit le maintien de garantie suffisante pour le bailleur. Dès lors, la législation instaure un contrôle judiciaire impératif à la vente des meubles, par le biais de l’autorisation du juge-commissaire, qui faute d’être respecté entraînera la nullité de ce contrat. D’autre part, la réalisation des meubles ne peut intervenir que dans des circonstances exceptionnelles caractérisant une urgence ou une entrave au 76 redressement de l’entreprise. Enfin, les droits du bailleur sont également protégés par la limite prévue par le texte relatif à l’existence du fonds ou au maintien de garantie du propriétaire. Cependant la mention du caractère simplement suffisant et non équivalent des garanties restreint la protection légale. En effet, cela signifie que la vente peut intervenir même lorsqu’elle entraîne une baisse des garanties, celles-ci restant néanmoins jugées comme suffisantes par le juge La loi de 1985 porte donc atteinte de manière importante au droit de résiliation du bailleur, ce dernier ne pouvant se prévaloir de manquement à des obligations essentielles du bail, la première de toute étant le paiement de loyers. Plus que jamais la notion de propriété commerciale s’avère donc exacte. L’existence d’un bail commercial démontre que le droit de propriété n’est pas aussi absolu que veut bien l’affirmer le code civil, le preneur bénéficiant d’un traitement extrêmement favorable induit par les dispositions spéciales de la loi de 1985. Et pourtant, le régime du bail n’est pas luimême très favorable au bailleur d’un immeuble abritant un fonds de commerce. Le décret du 30 septembre 1953 restreignant aussi considérablement le droit de résilier par rapport au droit commun du louage résultant des articles 1752 et suivants du code civil. Dès lors, plus que tout autre contrat, le bail commercial soumis à une procédure collective abdique son rang de convention soumis au principe de la force obligatoire, pour se muer en un instrument de redressement obéissant à des déterminismes propres. Néanmoins, la violation des obligations du preneur ne fait pas toujours l’objet d’une absolution par la loi de 1985, le bailleur peut toujours invoquer des manquements tels que le défaut d’entretien des locaux …. 77 BIBLIOGRAPHIE • OUVRAGES ET MANUELS GENERAUX - COLLART-DUTILLEUL (F), DELEBECQUE (P), contrats civils et commerciaux, Dalloz, 4ème éd., 1998. - DEKEUWER-DEFOSSEZ (F), Droit Commercial : activités commerciales, commerçants, fonds de commerce, concurrence, consommation, Montchrestien, 6ème éd., 1999. - DERRIDA (F), GODE (P), SORTAIS (J.P.), Redressement et liquidation des entreprises, Dalloz, 3ème éd., 1991. - - GUYON (Y), Droit des Affaires, t. 2, Economica, 6ème éd., 1999. 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