Petite mythologie astronomique (2) : le Soleil

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Petite mythologie astronomique (2) : le Soleil
Petite mythologie astronomique (2) : le Soleil
Grâce à sa lumière et à sa chaleur, le Soleil fait pousser la végétation qui nourrit les
animaux et les hommes. Mais à l’aide de ses rayons, il peut tuer tout ce qu’il a créé,
provoquant sécheresse et famine. Dieu du Bien ou dieu du Mal ? Les civilisations s’accordent
en général pour le qualifier de « dieu bon ». Néanmoins, mieux vaut ne pas le mécontenter : il
nous priverait de jour et nous plongerait dans la nuit éternelle...
Le Soleil revêtait une importance toute particulière
dans les civilisations précolombiennes. Chez les Aztèques, le
dieu du Soleil et de la guerre est Huitzilopochtli, dont le nom
signifie « Colibri du Sud ». Il est le fils de Coatlicue, déesse
de la Terre. Cette dernière était déjà mère d’une très
nombreuse descendance, dont une fille nommée
Coyolxauhqui, associée à la Lune, et quatre cents fils, les
Ceutzon-Huitznahuas, associés aux étoiles. Un jour, alors
que Coatlicue était en prière, une boule de plumes tomba du
Le dieu Huitzilopochtli
ciel sur sa poitrine ; elle s’aperçut peu après qu’elle était
enceinte. Indignée par cette grossesse suspecte, Coyolxauhqui poussa ses frères à tuer leur
mère. Huitzilopochtli, qui n’était pas encore né, prévint cette dernière et la rassura. Alors
qu’ils s’apprêtaient à perpétrer leur crime, Coyolxauhqui et ses frères furent surpris par
Huitzilopochtli qui venait de naître tout armé. Le dieu décapita sa sœur, qui fut précipitée du
sommet d’une colline et démembrée ; cette légende symbolise la victoire du Soleil sur la Lune
qui disparaît chaque mois. Il massacra aussi ses quatre cents frères et devint le protecteur des
Aztèques.
Les religions précolombiennes
sont incroyablement complexes, entre
autres parce qu’elles se sont enrichies
progressivement de mythes hérités des
peuples conquis. Parmi les dieux
solaires, il faut encore cité Tonatiuh
(« celui qui éclaire ») et Tezlaplipoca
(« miroir fumant »). Un point commun
à ces divinités est qu’elles réclamaient
des sacrifices sanglants continuels
pour conserver leur vigueur. Ces
sacrifices avaient généralement lieu sur la dernière plate-forme de temples pyramidaux et
consistaient à arracher le cœur de la victime – souvent des prisonniers de guerre mais parfois
aussi de jeunes enfants – et à l’offrir encore palpitant au dieu Soleil.
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Chez les Mayas, Kinich Ahau (« face du Soleil ») règne sur la journée. Il est souvent
associé à Itzamna, dieu du ciel diurne, qui introduisit la civilisation dans le monde (il donna
aux Mayas l’écriture, le calendrier,...). Ce sont des dieux inaccessibles au petit peuple,
réservés aux castes supérieures.
Citons encore Inti chez les Incas et Wi chez les Indiens d’Amérique.
En Grèce, la légende rapporte qu’Hélios, fils du Titan Hypérion, a une chevelure d’or
et un visage rayonnant. Il habite dans un palais d’ivoire et a pour sœurs Eos (l’aurore) et
Séléné (la Lune). Le matin, les saisons ouvrent les portes de son palais et le char solaire
s’élance alors pour la journée. Chaque soir, Poséidon (Neptune chez les Romains) craint qu’il
ne s’abîme dans l’océan mais Hélios retient son attelage qui boit, se baigne et se repose dans
la mer. Comme il voit tout, il révéla à Héphaïstos (Vulcain) les infidélités de sa femme
Aphrodite (Vénus) avec Arès (Mars). Il apprit aussi à Déméter (Cérès) qu’Hadès (Pluton)
avait enlevé sa fille. Il épousa la nymphe Perséis avec qui il eut plusieurs enfants, dont la
magicienne Circé et Pasiphaé, l’épouse du roi crétois Minos.
Il aima aussi la nymphe
Clyméné. Un jour, leur fils
Phaéton voulut prouver à ses
compagnons que le Soleil était
bien son père. Bravant la chaleur
étouffante, il monta jusqu’au
palais solaire. Emu, Hélios jura
sur le Styx d’exaucer un de ses
vœux, quel qu’il soit. Phaéton
déclara vouloir conduire l’attelage
solaire. Hélios essaya de l’en
dissuader puis, voyant ses efforts
inutiles, lui confia son char. Les
chevaux
blancs
sentirent
immédiatement que la main ferme
de leur maître ne les dirigeait
plus : ils s’emballèrent. Ils
Phaéton tombe du char d’Hélios
enflammèrent les montagnes,
(assiette peinte de Faenza, XVIème siècle)
bousculèrent les étoiles et
embrasèrent les rivières. Zeus (Jupiter) décida alors d’arrêter le carnage : il foudroya Phaéton
et brisa le char. Ses demi-sœurs, les Héliades (dont la blonde Phoebé), le pleurèrent pendant
quatre mois sur les rives de l’Eridan. Les dieux, par pitié, les transformèrent ensuite en
peupliers blancs et leurs larmes en grains d’ambre. Plus tard, Hélios sera assimilé à Phébus ou
Apollon.
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Chez les Celtes, Lugh, Llew ou Lugos (« dieu au bras long ») représente le Soleil ;
beau jeune homme, il avait tous les talents. En Scandinavie, on adore la déesse Sol et les
Slaves vénèrent Pérun.
En Egypte, le Soleil est Amon-Rê (ou Râ) que Nout avale chaque soir pour lui
redonner vie le lendemain. Le dieu scarabée Khépri le pousse dans sa course journalière, à
l’image des véritables scarabées qui poussent derrière eux des boules de déjections, dans
lesquels ils pondent leurs œufs. Les Egyptiens firent de Khépri un de leurs dieux les plus
populaires. A Memphis, on adore aussi Nefertoum, fils de Ptah et de Sekhmet, souvent
assimilé à Horus ou Thot.
N’oublions pas l’éphémère Aton, le disque solaire, dont Aménophis IV instaura le
culte unique. Ce pharaon changea son nom en Akhenaton (« esprit d’Aton ») et fonda la ville
d’Akhet-Aton (« horizon d’Aton », actuellement Amarna). Malheureusement, le haut clergé
d’Amon n’apprécia pas la réforme amarnienne et complota contre lui. Après la mort
d’Akhenaton l’incompris, les prêtres d’Amon influencèrent son successeur – qui était peutêtre son fils, mais les égyptologues sont divisés sur ce point – Tout-Ankh-Aton (qui reprit
rapidement le nom de Tout-Ankh-Amon) : Akhenaton fut déclaré hérétique et son nom fut
rayé des annales royales. Sa ville fut maudite et abandonnée.
Les Phéniciens adoraient Baal (« le maître ») et les Perses Ahura-Mazda (ou Orzmud),
dont l’œil est le Soleil, ainsi que Mithra, médiateur entre les dieux et l’homme. L’Asie
Mineure préférait Apollon qui fait mûrir le blé, protège les moissons et les troupeaux. Dieu de
la musique et responsable des guérisons, Apollon pouvait se transformer en archer vengeur
grâce à ses « flèches », les rayons solaires.
Les Arabes préislamiques adoraient Dysarès, une divinité symbolisée par une pierre
noire (celle de la Casbah ?). A Babylone, le dieu Soleil est Shamash : son chariot voyage toute
la nuit de l’autre côté du monde pour arriver à l’Est le matin.
Laissez-moi pour terminer vous conter l’histoire de la déesse japonaise du Soleil,
Amaterasu-O-Mi-Kami (« grande et auguste déesse qui brille dans le ciel »). Née de l’œil
gauche du créateur Izanagi, qui lui confia le gouvernement des hautes plaines du ciel, elle est
la protectrice des hommes. Son frère Takehaya-Susanoo ne voulait pas du royaume des
océans et des tempêtes, dont Izanagi l’avait chargé ; il voulait rejoindre leur mère au royaume
des morts. C’est pourquoi Izanagi entra dans une grande fureur et l’exila. Un jour pourtant,
Susanoo veut saluer sa sœur : il escalade le ciel, sa sœur le reçoit, mais, ivre, il s’emporte et
détruit les rizières, et il souille le pavillon d’Amaterasu. Cette dernière lui reproche son
ivresse ; furieux, Susanoo précipite un cheval écorché dans le temple où la déesse tissait des
étoffes sacrées pour les kami (dieux) du ciel. Une des fileuses, le sexe transpercé par une
navette, en mourut. C’en est trop : Amaterasu se retire dans une caverne dont elle obstrue
l’entrée avec un rocher. Sur Terre règnent les ténèbres et la désolation. Alors huit cents
myriades de kami se réunissent, et le kami-devin, Omoigane (« la sagesse »), imagine une
astuce : il place un miroir sur un arbre qui fait face à la caverne et lâche des coqs pour qu’ils
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entonnent leur chant matinal. La déesse Ama No Uzume se met
à danser et à se dévêtir devant la grotte, provoquant l’hilarité
générale des dieux. Amaterasu, intriguée par ce vacarme,
demande ce qui se passe à Uzume. Celle-ci lui répond qu’une
nouvelle déesse, bien supérieure au Soleil, est née. Curieuse,
Amaterasu jette un coup d’œil dehors, et prend sa propre image
dans le miroir pour la nouvelle déesse. C’est trop tard !
Tajikara, le dieu de la Force, lui saisit le poignet et l’oblige à
sortir de sa cachette. La lumière revint sur Terre ; quant à
Susanoo, les kami l’obligèrent à se couper la barbe et à
s’arracher les ongles des pieds et des mains, et ils le bannirent
du ciel.
Amaterasu, la déesse japonaise
du Soleil.
Yaël Nazé
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