ASTROPHYSIQUE, COSMOS ET MAÇONNERIE Il était une fois, le

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ASTROPHYSIQUE, COSMOS ET MAÇONNERIE Il était une fois, le
ASTROPHYSIQUE, COSMOS ET MAÇONNERIE
Il était une fois, le Général de Gaulle, s'adressant à un interlocuteur, au sujet d'un
discours d'opposition qui lui avait particulièrement déplu, termina son monologue
par cette expression devenue célèbre : " Mon cher, il n'y a qu'une solution : mort
aux cons ! " Son interlocuteur lui répondit : " Vaste programme, mon Général. "
Lorsque notre V... M... m'a proposé de traiter le sujet : Astrophysique, cosmos et
maçonnerie, j'ai immédiatement pensé : " Vaste programme V... M... " Parler
d'astrophysique, et de son lien éventuel avec la Maçonnerie, me paraissait à priori,
insurmontable. Toutefois, le titre comportant un "pont" : le cosmos, je décidais de
relever le défi et d'essayer. Je parlerai donc : un peu d'astrophysique, ceci nous
mènera naturellement au cosmos puis, par le lien symbolique qui unit la Maçonnerie
au cosmos, je tenterai de vous faire ressentir mon idée : le lien entre la Maçonnerie
et l'astrophysique est de nature philosophique.
Astrophysique donc, vous avez dit astrophysique ? C'est quoi au juste ce truc ? Et
bien, certains physiciens ( les astrophysiciens bien sur ) disent que c'est la branche
noble de la physique. Ce n'est pas tout à fait mon avis (...). Il faut cependant
reconnaître qu'ils n'ont pas entièrement tort, ces gens là cherchent à comprendre
ceci: comment fonctionne l'univers et quelles sont les lois qui le gouvernent.
L'astrophysique serait donc, à première vue : l'étude des astres par les lois de la
physique. Lorsque l'on étudie les astres, on s'aperçoit que le mouvement et le
comportement de ceux-ci sont en accord avec deux grandes théories de la physique
moderne : la théorie de la relativité générale et la mécanique quantique. Fort bien !
Mais il y a un petit problème, ces deux théories sont absolument incompatibles : la
première (la relativité) est une théorie fondamentalement déterministe alors que la
seconde (méca. Q) est gouvernée par l'incertitude, on a alors recours aux méthodes
statistiques. Le grand Einstein, fondateur de la relativité et co-fondateur de la
mécanique quantique, n'aimait pas cette dernière. Il disait souvent : " cette théorie
ne me convient pas, Dieu ne joue pas aux dés ". Comment faire "coller" une théorie
déterministe à une théorie statistique ? Et bien, pour l'instant (1996), on ne sait
pas. Il faudra certainement élaborer une troisième théorie plus complète que la
somme des deux précédentes ; c'est là une des préoccupations majeures des
astrophysiciens.
Actuellement, une idée qui à l'air de faire son chemin est la suivante : l'univers qui
contient son espace-temps, n'aurait pas quatre dimensions mais, cinq ; les trois
premières, tout le monde les connaît, la quatrième c'est le temps (jusque là, rien de
nouveau) mais, la cinquième serait l'échelle. Oui, vous m'avez bien compris,
l'échelle à laquelle on regarde les phénomènes. Ce concept mène à la théorie de
l'espace-temps fractal (def.), la théorie mathématique utilisée est la théorie du
chaos. Les conséquences de cette nouvelle théorie : dans l'univers tel qu'on le voit,
rien n'existerait en tant que tel, ce que l'on appelle matière ne serait que le repli
de l'espace temps sur lui même, à une échelle donnée. La matière (vivante ou non)
ne serait visible qu'a notre échelle d'examen. Si l'on regarde au niveau de
l'infiniment petit, on ne voit rien de matériel, on ne voit que des interactions de
particules donc que des manifestations de l'énergie. Si l'on pouvait regarder
l'univers tout entier, on ne verrait rien non plus, on verrait autre chose. Troublant
n'est-ce pas ?
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En fait, me diront certains, les astrophysiciens cherchent à mettre l'univers, le
cosmos donc, en équations. Or, le cosmos ne se met pas en équations, me diront
les mêmes, il se regarde, il se contemple, il se vit, puisqu'il vit ! Ce n'est pas aussi
simple que cela. Il ne faut jamais oublier que les équations, les grandes théories ne
sont que des concepts mathématiques qui nous aident à comprendre les
phénomènes de la nature, à nous en faire une idée modélisable par notre cerveau
(ex : ondes EM). En fait, les astrophysiciens en étudiant, à la fois l'infiniment grand
et l'infiniment petit cherchent à réunir ce qui est épars, afin de mieux comprendre
le message profond de la nature ( ou du Grand Architecte de l'Univers ...)
Parler d'astrophysique sans parler du big-bang serait un peu dommage. Mais, parler
de la soupe primordiale, du refroidissement de l'univers, de la formation des
particules puis, de celle des étoiles, et de la suite, n'offre pas, dans notre contexte
un grand intérêt. Je préfère sur ce sujet vous donner lecture d'un texte écrit par un
de nos académiciens : Jean d'Ormesson (in « Presque rien sur presque tout »). Il
s'intitule :
" Dieu a passé le relais "
" Avant le tout, il n'y avait rien. Il est difficile d'imaginer le tout, avec ses plans
successifs et ses replis sans fin, ses escadrons de cuirassiers, ses champs de
coquelicots ; se figurer le rien est une tâche impossible. De la pure absence, il n'est
permis de rien dire. Quel repos ! quelles délices ! En chacun de nous, dans le silence
des profondeurs, flotte encore quelque chose de la nostalgie du néant. Avant que le
commencement se mette à commencer, le rien était tout. Il n'y avait pas d'espace.
Il n'y avait même pas de vide : tout vide exige un plein. Il n'y avait rien du tout et
moins que rien du tout. Il n'y avait pas de temps. Ce qui interdit - mais comment
faire autrement ? - d'employer le mot avant qui n'a de sens que dans le temps. Il
n'y avait pas d'êtres. Mais il y avait de l'Etre. Car l'Etre est ce qui est depuis
toujours et pour toujours. Il y avait un Etre infini et éternel qui se confondait avec le
tout.
De cet Etre hors du temps, hors de l'espace et du temps, les êtres dans le temps
n'ont le droit de rien dire. Pour aller vite et pour faire simple, on pourrait l'appeler
Dieu. Dans une éternité et un infini qui sont fermés à jamais aux êtres du temps,
Dieu est le nom le plus commode pour le néant et le tout. Le néant et le tout
dépassent de si loin qu'on ne peut rien dire. On ne parle pas de Dieu quant on est
emporté dans le temps. On peut parler à Dieu, on ne parle pas de Dieu On peut
l'adorer en silence et le supplier en vain. On ne peut rien dire de lui puisqu'il n'existe
pas et qu'il se confond avec le néant. N'existent que les êtres dans l'espace et le
temps. Dieu n'existe pas puisqu'il est éternel.
L'éternité toute seule, dans un néant qui était le tout, aurait pu durer, sinon pour
toujours, du moins à jamais. Il n'y a pas d'autre mystère que le mystère des
origines. Personne [...] ne peut savoir pourquoi le temps a surgi de l'éternité ni
pourquoi le néant s'est transformé en tout. [...]
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Ce qui fait la singularité extraordinaire du big-bang, c'est qu'il constitue le seul
événement de l'histoire à n'avoir pas de passé. Le passé pèse sur l'avenir de son
poids écrasant. L'absence de passé confère au big-bang la seule liberté qui ait
jamais existé dans le tout. Dieu, qui est tout puissant puisqu'il est éternel et infini,
n'exerce pas sa liberté d'action dans son éternité sans bornes qui se confond avec le
néant. Il ne l'exerce pas non plus dans notre tout qu'il a livré au temps et au
mécanisme implacable de la cause et de l'effet où il n'intervient pas. Il n'y a qu'une
occasion où sa liberté se déploie et se déchaîne : c'est juste avant le
commencement, dans ce no man's land métaphysique où le commencement va
commencer mais où il n'a pas encore commencé. Au premier centième du millième
de seconde du big-bang, il est déjà trop tard : le temps est déjà en route, le jeu de
la cause et de l'effet est déjà enclenché. Dieu a passé le relais, il s'est déjà retiré
dans l'ombre de son éternité : il a confié le tout aux mains de la nature, qui le
confiera plus tard, beaucoup plus tard, dans quinze milliard d'années, aux mains
d'un troisième larron, un nouveau venu arrogant qui succédera à la fois à la nature
et à Dieu et qu'on appellera l'homme. "
Nous y voilà. On est passé de l'astrophysique en général, au cosmos. On est passé
par la naissance du cosmos (la genèse) et, par voie de conséquence, on est arrivé à
Dieu ; question incontournable. On notera au passage que c'est un prêtre, l'abbé
Lemaitre, astronome à Louvain, qui fut le premier à tirer une conclusion logique des
travaux de Hubble en formulant, en 1927, l'hypothèse de l'atome primitif. Le pape
Pie XII lui-même en 1951, salua l'avènement de la théorie du big-bang dans un
discours à l'académie pontificale des sciences " On ne peut nier qu'un esprit éclairé
et enrichi par les connaissances scientifiques modernes [...] est conduit [...] à
remonter jusqu'à un esprit créateur. [...] Albert Einstein, le "pape" de la physique
moderne cite, en 1922 "Cette conviction profondément ressentie, d'une raison
supérieure qui se manifeste dans le monde de l'expérience constitue ma conception
de Dieu." Il déclare, un peu plus tard, dans un article publié en 1930 " Un
contemporain a dit à juste titre que les chercheurs sérieux sont, à notre époque en
général matérialiste, les seuls hommes profondément religieux. " Tout ceci prouve
une chose : que les astrophysiciens ne sont pas uniquement des physiciens mais
aussi des philosophes, certains ont une philosophie fortement colorée de
mysticisme. Certains encore, pensent comme Pierre Teillard de Chardin : que la vie
n'est pas le fruit du hasard, mais d'une "intuition cosmique.", ce sont les tenants de
la thèse anthropique (...). C'est là une des ambiguïtés de la discipline : rationalité de
la démarche scientifique, irrationalité des croyances. Il est en effet difficile de passer
la plus grande partie de sa vie à se poser la question : comment l'univers ? Sans se
poser l'autre question : pourquoi l'univers ?
Il est, par ailleurs troublant, d'effectuer des parallèles entre la genèse et le bigbang. " Que la lumière soit ! " Au début il n'y avait rien, après il y avait tout ;
l'espace, le temps, l'énergie donc : la lumière. " Et le verbe s'est fait chair " Et le
verbe (énergie pure) s'est fait chair (matière). L'énergie se concentre, se condense
et forme : la matière puis, la vie.
Cette attitude ne fait pas l'unanimité, on s'en doute. L'épistémologue Paul
Feyerabend écrit, dans un ouvrage très critique "Contre la méthode" : " La science
est beaucoup plus proche du mythe qu'une philosophie scientifique n'est prête à
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l'admettre ", elle est " la plus récente, la plus agressive et la plus dogmatique des
institutions religieuses. " Il est toutefois, on en conviendra, difficile de concevoir que
tout cela était contenu dans rien, puisqu'avant le début il n'y avait rien. Mais le
début n'avait pas d'avant puisqu'il n'y avait pas de temps. Enfin bref ! On ne va pas
recommencer ce petit jeu qui nous amène inexorablement à se faire des noeuds aux
synapses.
Et la Maçonnerie dans tout cela, que devient-elle ? Et bien la Maçonnerie puise une
grande partie de sa symbolique et de son fonctionnement, dans le cosmos. On y
retrouve la représentation des astres par exemple : soleil, lune, voûte étoilée. Les
étoiles donnent la lumière ; cette lumière que nous recherchons tous, nous donne
l'énergie nécessaire pour accomplir nos travaux. La L... est à l'image du cosmos elle
peut être la représentation d'un système planétaire ; la lumière dispensée par son
étoile - le V... M... - les autres corps gravitant autours - les FF... - chargés de céder
une partie de leur énergie propre à l'étoile afin que celle-ci la focalise et la leur
redistribue. Il est, par ailleurs intéressant, de noter que, dans un système
planétaire, si l'on retire un des corps qui gravitent autour d'une étoile, l'équilibre
gravitationnel du système tout entier est rompu alors, le nouveau système va
s'organiser autrement, les mouvements relatifs des composants du système vont
changer. Dans une L... lorsqu'un ou plusieurs FF... manquent, les travaux peuvent,
malgré tout, s'effectuer normalement. Cependant, ils sont très différents de ce qu'ils
auraient été si tous les FF... avaient été présents ; la L... s'est réorganisée afin de
trouver un nouvel équilibre.
Ceci nous amène tout naturellement à formuler le principe : " Ce qui est en bas
est comme ce qui est en haut " et " réciproquement ", comme dirait un de nos
grands philosophes contemporains (P. D.). Un exemple : si la masse de l'électron
était différente de ce quelle est, alors l'univers tout entier n'existerait pas sous la
forme que nous lui connaissons. Si nos LL... Maçonniques avaient une organisation,
une composition différente, alors la Maçonnerie tout entière serait différente dans sa
forme et dans son esprit. Nous réagissons à l'image du cosmos, à l'image des
grands principes de la nature.
Ce qui nous amène à formuler un autre grand principe qui nous est cher : " Tout
est dans l' UN " , tout est "concentré", contenu dans l'unité. Toutes les lois
physiques de la nature, toutes les formes possibles de la matière et de l'énergie
toutes les formes de vie, tous les principes philosophiques et religieux, sont
contenus dans l'univers, ils étaient, par voie de conséquence, contenus dans la
"singularité" primordiale. Notre travail, à nous Maçons est d'oeuvrer en harmonie
avec le cosmos, puisque nous en sommes une des composantes, afin de rassembler
ce qui a été éparpillé par erreur humaine, rassembler ce qui est épars. En ce
sens les astrophysiciens nous ressemblent, ils ont compris que tout était contenu
dans l'unité primordiale, ils cherchent à en décrypter le message, en essayant de
rassembler ce qui, en apparence, est épars (...).
Ce qui distingue la Maçonnerie de l'astrophysique, ce n'est pas tant, la philosophie,
que les moyens et la finalité. Pour un physicien, les moyens sont les méthodes
rationnelles de la recherche scientifique : l'expérience, l'observation et la synthèse
des résultats ; cette synthèse s'appelle aussi : interprétation des observations. Si
cette interprétation doit être en plein accord avec tout ce qui a déjà été fait dans le
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domaine, elle n'exclue pas, bien au contraire, une part d'originalité donc : une part
de réflexion, une part d'intuition, une part de philosophie personnelle. Pour le
Maçon, les méthodes sont basées sur la réflexion et la recherche sur soi-même, les
moyens, les outils, sont les traditions maçonniques et les symboles mis à sa
disposition. Dans le domaine scientifique, les connaissances sont exotériques,
parfois dogmatiques. En maçonnerie, il n'y a pas de dogme, pas d'enseignement,
pas de modèle, les connaissance sont ésotériques.
Mais, là où la différence est fondamentale, c'est dans la finalité. Les chercheurs,
dans la majorité des cas, ont pour seule finalité l'assouvissement d'une
caractéristique humaine et particulièrement développée dans le monde de la
recherche : la curiosité. Le Maçon, quant à lui, ne perd jamais de vue qu'il oeuvre
pour le bien et le perfectionnement de l'homme.
Tous les chercheurs devraient être Maçons.
Je n'aurais pas de grande conclusion, pas de grande envolée lyrique, je conclurais
simplement par une courte citation de notre pape de la physique moderne (Albert
Einstein).
" Ce qu'il y a de merveilleux dans l'univers, ce n'est pas que nous le
comprenions, mais qu'il soit compréhensible."
Michel Lemistre
R... L... N° 582
Les Amitiés Internationales
O... de Paris
G. L. D. F.
14/01/1996
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