livret souvenir 26 mai 2010.qxp
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SAINT-AMAND-MONTROND HONORE LES JUSTES PARMI LES NATIONS le mercredi 5 mai 2010 , e i v e n u “ on qu e sauve ” r e i t n e t Qu ic u o t s r e v i n sa uv e l’u Anges, ce 5 mai 2010. “ “ Aujourd’hui, il a plu sur Saint-Amand, c’était la fête des La consolation, c’est que l’on peut dire que ce sont les Anges qui ont pleuré sur ceux qui sont disparus ! Paul Schaffer Président du Comité Français pour Yad Vashem Mercredi 5 mai 2010 MOT DU MAIRE SOMMAIRE PROGRAMME DE LA CÉRÉMONIE 1 MESSAGE DE MADAME SIMONE VEIL 2 LES JUSTES DU DÉPARTEMENT DU CHER 4 15 DISCOURS 24 INAUGURATION DE L’ESPLANADE DES JUSTES PARMI LES NATIONS 44 VERNISSAGE DES EXPOSITIONS 46 Mercredi 5 mai 2010 TÉMOIGNAGES PROGRAMME DE LA CÉRÉMONIE ACCUEIL 16H30 Place de Juillet INAUGURATION DE L’ESPLANADE DES JUSTES PARMI LES NATIONS par Jean-Yves LANEURIE, Thierry VINÇON, Didier CERF, Shlomo MORGAN et Paul SCHAFFER DÉCOUVERTE DE LA STÈLE par Madame Pierrette JURVILLIER et Thierry VINÇON, Didier CERF, Shlomo MORGAN et Paul SCHAFFER DEPÔT DE GERBE devant la stèle 17H30 MESSAGE DE MADAME SIMONE VEIL, de l’Académie Française Présidente d’Honneur de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, lu par Paul SCHAFFER, Président du Comité Français pour Yad Vashem TÉMOIGNAGES de de de de Jean-Yves LANEURIE, adopté par Pierre-Aimé et Juliette LANEURIE, Justes Danièle WEILL, sauvée par Pierrette et Roger JURVILLIER, Justes parmi les Nations Nicole YANCEY, sauvée par Marie et Etienne BOISSERY, Justes parmi les Nations Monique AUDRY, sauvée par Marie PAILLARD, Juste parmi les Nations TÉMOIGNAGE DE PIERRETTE JURVILLIER, Juste parmi les Nations REMISE DE LA MÉDAILLE DE LA VILLE À MADAME PIERRETTE JURVILLIER Didier CERF Délégué régional du Comité Français pour Yad Vashem Maître Georges KIEJMAN, Avocat à la Cour, ancien Ministre Thierry VINÇON Maire de Saint-Amand-Montrond Shlomo MORGAN Ministre-Conseiller à l’information près l’Ambassade d’Israël en France Catherine DELMAS-COMOLLI Préfet du Cher, discours lu par Francis BLONDIEAU, Sous-Préfet de Saint-Amand-Montrond HYMNES NATIONAUX interprétés par l’Union Musicale de Saint-Amand-Montrond VERNISSAGE DES DEUX EXPOSITIONS - ESPACE AURORE “Ce ne sont pas des jeux d’enfants” “Désobéir pour sauver” Mercredi 5 mai 2010 DISCOURS 1 MESSAGE DE MADAME SIMONE VEIL Mercredi 5 mai 2010 DE L’ACADÉMIE FRANÇAISE PRÉSIDENTE D’HONNEUR DE LA FONDATION POUR LA MÉMOIRE DE LA SHOAH 2 MESSAGE DE MADAME SIMONE VEIL DE L’ACADEMIE FRANÇAISE Présidente d’Honneur de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah J'ai vivement regretté, Monsieur le Maire, de ne pouvoir être aujourd'hui parmi vous, comme vous m'y aviez conviée, ce dont je vous remercie. La mémoire de la Shoah, dont j'ai jusqu'à une date récente présidé la Fondation, me tient en effet particulièrement à coeur. La mémoire de la Shoah, c'est d'abord l'imprescriptibilité du crime spécifique que fut la destruction des Juifs d'Europe. C'est aussi le souvenir de tous ceux qui, dans cette période tragique, tantôt par conviction, tantôt par opportunisme, se sont accommodés du cours des choses, éventuellement en y prêtant la main. C'est enfin le recueil des innombrables actes de civisme, de courage, répertoriés ou non, grâce auxquels les trois-quarts des Juifs de France ont échappé à l'Holocauste. On a trop souvent méconnu cette vague des actes de solidarité, le plus souvent discrets, et j'ai le souvenir du temps, déjà lointain, où l'opprobre jeté sur l'ensemble de la population par un film comme "Le chagrin et la pitié" m'avait révoltée. Simone VEIL Mercredi 5 mai 2010 Voilà pourquoi j'ai salué comme il convenait l'hommage rendu, au nom de l'Etat d'Israël, par l'Institut Yad Vashem, aux actes de courage effectués par les Justes parmi les Nations. Voilà pourquoi, sans oublier les innombrables gestes de sauvetage effectués dans ces années noires et demeurés dans l'anonymat, par le jeu des circonstances ou par la volonté et la modestie de leurs auteurs, il convient de s'incliner, Monsieur le Maire, devant l'initiative prise par votre municipalité, à la mémoire des Justes du Cher, en gravant de manière indélébile, dans la stèle érigée sur cette Esplanade des Justes, le souvenir de cette page de lumière dans la nuit de la Shoah. “ “ Monsieur le Maire, Mesdames et Messieurs et, si vous me le permettez, Chers amis, 3 LES JUSTES PARMI LES NATIONS Mercredi 5 mai 2010 DU DÉPARTEMENT DU CHER 4 Eléments biographiques fournis par le Comité Français pour Yad Vashem MADAME PIERRETTE JURVILLIER Pierrette et Roger JURVILLIER Justes parmi les Nations ( Allier ) Au début de la Seconde Guerre mondiale, Roger JURVILLIER habitait avec sa mère à Echiat, petit hameau appartenant à la commune de Taxat Senat (Allier). Il y exploitait la ferme familiale. Au moment de l’invasion allemande, deux copains de régiment, Robert WOLF et Ernest LOEB, menacés du terrible sort réservé aux Juifs par les nazis, sollicitèrent son aide pour passer en zone libre. Roger JURVILLIER prépara aussitôt leur arrivée dans la région. Il retint deux logements : l’un à Gannat pour les parents de Robert WOLF et pour sa grand-mère, l’autre à Neuvial pour Robert WOLF, sa femme et ses deux bébés (Danielle 17 mois et Alain 5 mois). Roger JURVILLIER cacha tous les biens de la famille, y compris les meubles et la voiture, sous le foin dans sa grange. Quant à Ernest LOEB, il s’installa chez son ami Robert. En septembre 1943, les parents et la grand-mère de Robert, arrêtés à Gannat, furent déportés. Affolés, Robert et Colette cherchèrent à gagner un refuge plus isolé et plus sûr : Roger leur ouvrit grand sa porte. En avril 1944, Roger épouse Pierrette. Le 14 juillet 1944, les Allemands arrivent par surprise à Neuvial. Les habitants préviennent Ernest LOEB, qui rejoint la ferme des JURVILLIER à Echiat. Roger le conduit alors dans une cabane au milieu des vignes et chaque soir, en dépit des fatigues de la journée, rejoint son fidèle copain et lui apporte nourriture et réconfort jusqu’à la Libération, où tous recouvrent la liberté. Mercredi 5 mai 2010 Pierrette et Roger JURVILLIER ont reçu la Médaille des Justes en 1989. Roger JURVILLIER est décédé le 24 juin 1991. 5 Eléments biographiques fournis par le Comité Français pour Yad Vashem LES JUSTES DU DÉPARTEMENT DU CHER I - Juliette et Pierre-Aimé LANEURIE En 1943, dans un département particulièrement marqué par la violence, Pierre-Aimé LANEURIE vivait avec Juliette son épouse à Saint-AmandMontrond où il dirigeait une entreprise de matériels agricoles. Le couple, qui ne pouvait avoir d’enfant, avait décidé, malgré les difficultés et les privations du moment, d’avoir recours à l’adoption. Leurs convictions personnelles et leur grande générosité les incitèrent à sauver un enfant particulièrement en péril. Leur recherche les conduisit dans une maison de Montauban qui, depuis 1940, accueillait des enfants de disparus (prisonniers ou déportés). Leur choix se porta sur un enfant trouvé, de santé fragile, paraissant environ trois ans, très éveillé bien que parlant peu et dont on pouvait aisément deviner les origines du fait qu’il était circoncis. Ils réussirent, en pleine occupation, à l’adopter légalement et à le faire baptiser du prénom Jean-Yves. Juliette et Pierre-Aimé LANEURIE reçurent la Médaille des Justes en 1992. Mercredi 5 mai 2010 Pierre-Aimé LANEURIE est décédé le 19 juin 1971. Juliette LANEURIE est décédée le 24 octobre 1993. 6 Eléments biographiques fournis par le Comité Français pour Yad Vashem LES JUSTES DU DÉPARTEMENT DU CHER II - Marie et Etienne BOISSERY Annette et Pierrette BOISSERY, leurs filles Quand en mars 1944, ils recueillirent Anne et Nicole Gugenheim (âgées de 4 et 2 ans), les époux BOISSERY, Marie et Etienne, avaient déjà une soixantaine d’années. Ils habitaient une ferme du hameau de la Gossonnière, commune de Saint-Aignan-des-Noyers, qu’ils exploitaient malgré les difficultés de l’époque avec leurs deux filles Annette (30 ans) et Pierrette (24 ans). Depuis 1940, leur fils aîné Louis, était prisonnier en Allemagne. Dans une région qui n’était paisible qu’en apparence, Résistance et milice s’affrontaient et malgré les risques encourus beaucoup d’habitants n’hésitaient pas à cacher et à aider les nombreux Juifs qui s’y étaient réfugiés. Ce fut le cas de la famille BOISSERY, qui adopta provisoirement et bénévolement les deux petites Juives tourangelles, dont le père avait rejoint les FFL et dont la mère, cachée dans la région avec de nombreux membres de sa famille, échappa de peu, à quelques jours de la Libération, au sinistre massacre des puits de Guerry, dont furent victimes plusieurs de ses proches. Marie et Etienne BOISSERY et leurs deux filles reçurent la Médaille des Justes en 2000. Mercredi 5 mai 2010 Etienne BOISSERY décédé le 23 février 1964. Marie BOISSERY décédée le 24 mars 1974. Annette BOISSERY décédée le 7 juillet 2001. Pierrette BOISSERY décédée le 23 février 2006. 7 Eléments biographiques fournis par le Comité Français pour Yad Vashem LES JUSTES DU DÉPARTEMENT DU CHER III - Léontine et Isidore BOYAU En 1939, des écoles de Paris ayant été évacuées à la campagne, il avait été demandé aux habitants d’Yvoy-le-Pré de mettre des lits à la disposition des élèves : c’est ainsi qu’Anna et Eva ZAKS firent connaissance de Léontine et Isidore BOYAU. Dans le courant de l’hiver 1940, les deux petites filles Juives furent rapatriées à Paris. En 1941, leur père fut arrêté. Madame Zaks restait seule avec ses deux fillettes lorsque la plus jeune, Anna, âgée de douze ans, fut opérée de l’appendicite. Elle demanda à Monsieur et Madame BOYAU de la recevoir le temps de sa convalescence. L’enfant, accueillie à bras ouverts par ses amis, ne devait plus jamais revoir sa mère et sa soeur, victimes de la rafle du Vel d’Hiv. Elle vécut protégée et entourée, pour ne quitter Yvoy-le-Pré que lorsqu’une soeur de sa mère, seule survivante de la famille, la retrouva. Léontine et Isidore Boyau ont reçu la Médaille des Justes en 1996. Mercredi 5 mai 2010 Léontine BOYAU est décédée le 2 mars 1978. Isidore BOYAU est décédé le 30 mai 1978. 8 Eléments biographiques fournis par le Comité Français pour Yad Vashem LES JUSTES DU DÉPARTEMENT DU CHER IV - Henriette et Maurice FAGNOT En juillet 1942, Henriette FAGNOT s’apprêtait à quitter Draveil (Essonne) pour rejoindre Maurice, son mari, qui, fait prisonnier par les Allemands, s’était évadé et réfugié en zone sud, à Chaumont dans le Cher. Peu avant son départ, la mère d’Henriette avait recueilli la petite Monique ASHER, une enfant juive de cinq ans dont le père avait été déporté en 1941 et dont la mère, Dora ASHER, devait sans cesse changer de domicile pour échapper aux poursuites dont elle était l’objet. Pour mettre encore davantage Monique en sécurité, Henriette décida d’emmener l’enfant avec elle en zone libre, entourée de l’affection de ses bienfaiteurs devenus provisoirement ses parents adoptifs. Elle vécut jusqu’à la Libération, avant de retrouver sa mère à la fin des hostilités. Henriette et Maurice FAGNOT ont reçu la Médaille des Justes en 1998. Mercredi 5 mai 2010 Henriette FAGNOT est décédée le 7 juillet 1999. Maurice FAGNOT est décédé le 10 août 2003. 9 Eléments biographiques fournis par le Comité Français pour Yad Vashem LES JUSTES DU DÉPARTEMENT DU CHER V - Louise LABUSSIERE (Soeur Guillaume) Louise LABUSSIÈRE, en religion Soeur Guillaume, était en 1944, Mère Supérieure de l’Orphelinat de la Providence de Bourges, dépendant de la Congrégation des soeurs du Très Saint-Sacrement et de la Charité. Il semble aujourd’hui, bien que la religieuse ait toujours considéré qu’elle n’avait fait que son devoir de chrétienne et ne se soit jamais prévalue de son héroïsme, que plusieurs enfants juifs aient été cachés par sa communauté. Ce n’est qu’en 2008 que sa courageuse conduite fut connue grâce aux recherches faites pour retrouver ses traces par Madeleine HELMAN, une fillette juive que la répression nazie avait laissée seule au monde à l’âge de 14 ans. Confiée par l’OSE (Oeuvre de Secours aux Enfants) à l’orphelinat berruyer, par mesure de protection, l’identité de Madeleine n’apparut sur les registres de l’établissement que le jour de son départ sous le nom d’emprunt de Madeleine HUGUET, ce qui compliqua beaucoup son enquête. Mercredi 5 mai 2010 Louise LABUSSIÈRE a reçu la Médaille des Justes, à titre posthume, en 2008. Louise LABUSSIERE, Soeur Guillaume, est décédée en 1952. 10 Eléments biographiques fournis par le Comité Français pour Yad Vashem LES JUSTES DU DÉPARTEMENT DU CHER VI - Hermine LASNE, née DURAND En 1940 , Hermine LASNE avait déjà soixante-dix ans. Elle habitait Suryprès-Léré. C’était une femme simple, mère de neuf enfants et veuve depuis 1926. Pour gagner sa vie, elle gardait des enfants. Les HODORA, de modestes ouvriers parisiens, avaient pour habitude de passer leurs vacances dans ce village et c’est là qu’ils se rendirent, au moment de l’exode, avec leur fille Régine, née en 1936. L’armistice signé, ils retournèrent à Paris pour reprendre leur travail, confiant l’enfant à celle que l’on appelait dans le pays la “ Mé Lasne “. Le père de Régine, né à Constantinople, fut arrêté par les Allemands et déporté à Birkenau en 1942. Sa mère Alice POLIAKOV, née à Paris en 1908, dénoncée en novembre 1943 comme “ Juive ne portant pas l’étoile jaune “, fut arrêtée et déportée à son tour. Il n’y avait plus personne pour rendre visite à Régine et plus personne pour verser le montant de sa pension. La vieille dame, malgré la modestie de ses ressources et malgré les risques encourus dans une région où s’affrontaient miliciens et Résistants, décida de garder l’enfant. Mercredi 5 mai 2010 Hermine LASNE a reçu la Médaille des Justes, à titre posthume, en 2005. Hermine LASNE est décédée le 1er septembre 1963. 11 Eléments biographiques fournis par le Comité Français pour Yad Vashem LES JUSTES DU DÉPARTEMENT DU CHER VII - Suzanne MERCIER Au début de l’occupation, Suzanne MERCIER vivait avec sa fille dans une ferme isolée à Argent-sur-Sauldre, tandis que son mari, prisonnier de guerre, était en Allemagne. C’est ainsi que Régine HABER fit sa connaissance lorsqu’elle vint plusieurs fois, avec sa fille Dora, rendre visite à son mari, emprisonné non loin de là, à Cerdon, dans le camp GTE (Groupe de travailleurs étrangers) de la Matelotte d’où il fut déporté vers les camps de l’est pour ne jamais revenir. En janvier 1944, les deux femmes, traquées et désemparées, vinrent demander asile à Suzanne MERCIER, qui leur trouva un refuge dans une ferme voisine abandonnée. Elle cacha également deux autres femmes (dont Fanny APPEL) et leurs enfants dans une cabane située dans la forêt, où elle apportait à ses protégées des produits de la ferme qui leur permirent de survivre. Mercredi 5 mai 2010 Suzanne MERCIER a reçu la Médaille des Justes en 1989. 12 Eléments biographiques fournis par le Comité Français pour Yad Vashem LES JUSTES DU DÉPARTEMENT DU CHER VIII - Germaine VIGNE Sur la place de l’Eglise de Graçay, un matin de l’été 1943, Germaine VIGNE ouvre sa fenêtre. Elle voit les portes se refermer sur une femme affolée, qui cherche désespérément un refuge. Germaine VIGNE l’appelle, la femme répète une nouvelle fois son histoire : elle s’appelle Chana LANGMAN, elle est Juive, son mari est interné à Drancy, elle est réfugiée à Graçay avec ses enfants (Dora 9 ans, Raymond 7 ans et Lucien 1 an). Dénoncée par les parents d’un camarade de Raymond, elle vient d’échapper à la vigilance des gendarmes venus pour l’arrêter. Madame VIGNE ouvre sa porte à Madame LANGMAN, l’abrite quelques jours, part à la recherche des enfants, les trouve et les cache chez elle. Mais, elle ne parvient pas à éviter l’arrestation de leur mère. Chana LANGMAN, en route pour Auschwitz, parvient à sauter du train et retrouve ses enfants à la Libération. “ C’est au courage de certains que l’on mesure la lâcheté des autres “ écrira sa fille Dora le jour où fut attribuée à Germaine VIGNE la Médaille des Justes. Mercredi 5 mai 2010 Germaine VIGNE a reçu la Médaille des Justes en 2002. Germaine VIGNE est décédée en 1972. 13 Eléments biographiques fournis par le Comité Français pour Yad Vashem LES JUSTES DU DÉPARTEMENT DU CHER IX - Hélène ZEMMOUR A la fin de l’été 1943, Hélène ZEMMOUR (dont le mari était Juif) attendait son cinquième enfant. Elle vivait avec sa famille à Massoeuvre, commune de Saint-Florent-sur-Cher. Son époux avait rejoint un réseau de Résistance. Elle n’hésita pas un seul instant à ouvrir sa porte à Léa MANDELSWEIG et à ses deux petits enfants : Georges (12 ans) et Jeannine (6 ans) dont les parents, arrêtés en juillet 1942 à Paris, avaient été déportés à Auschwitz. Elle accueilli et entoura les deux orphelins (qui ne savaient pas encore que leurs parents étaient morts) comme s’ils étaient ses propres enfants, refusant de les envoyer à l’école par mesure de sécurité. Leur grand-mère, qui passait les journées auprès d’eux, était hébergée pour la nuit au café-épicerie du coin, tenu par Monsieur MARTIN, ancien maire de Massoeuvre. Dès qu’un danger se profilait, cet homme courageux emmenait Madame MANDELSWEIG se cacher dans les bois. Mercredi 5 mai 2010 Hélène ZEMMOUR est décédée le 11 novembre 2005. Hélène ZEMMOUR a reçu la Médaille des Justes à titre posthume en 2008. 14 Eléments biographiques fournis par le Comité Français pour Yad Vashem LA STÈLE, ÉRIGÉE LE 5 MAI 2010 SUR L’ESPLANADE DES JUSTES EN MÉMOIRE DE CEUX QUI ONT EU LA FORCE DE FAIRE PASSER LEUR COURAGE AVANT LEUR PEUR, RAYONNE DÉSORMAIS COMME LE SYMBOLE DE TOUS LES TÉMOIGNAGES DE CES VIES SAUVÉES. SAINT-AMAND-MONTROND HONORE LES JUSTES PARMI LES NATIONS VOUS, QUI EMPRUNTEZ CETTE ESPLANADE DES JUSTES, SOUVENEZ-VOUS QUE DES FEMMES ET DES HOMMES ONT RISQUÉ LEUR VIE POUR SAUVER DES FAMILLES JUIVES DURANT LA SECONDE GUERRE MONDIALE. CES JUSTES SONT DES EXEMPLES DE COURAGE ET D’HUMANITÉ POUR TOUTES LES GÉNÉRATIONS FUTURES. “QUICONQUE SAUVE UNE VIE, SAUVE L’UNIVERS TOUT ENTIER” STÈLE INAUGURÉE PAR THIERRY VINÇON, MAIRE DE SAINT-AMAND-MONTROND ET PIERRETTE JURVILLIER, JUSTE PARMI LES NATIONS LE 5 MAI 2010 15 TEMOIGNAGES Jean-Yves LANEURIE fils de Pierre-Aimé et Juliette LANEURIE, Justes parmi les Nations Danièle WEILL sauvée par Pierrette et Roger JURVILLIER, Justes parmi les Nations Nicole YANCEY sauvée par Marie et Etienne BOISSERY, Justes parmi les Nations Monique AUDRY sauvée par Marie PAILLARD, Juste parmi les Nations Mercredi 5 mai 2010 Pierrette JURVILLIER Juste parmi les Nations, lu par François WEILL 16 TÉMOIGNAGE DE JEAN-YVES LANEURIE Quelle parole désormais prononcer qui ne fût pas vaine ? Peut-être ceci : aujourd’hui, il ne s’agit pas de “célébration” ni de “héros”, il s’agit de “ Reconnaissance “ et de “ Justes “. Et ces deux mots : “ Reconnaissance et Justes ” valent bien qu’on s’y attarde. LA RECONNAISSANCE, c’est à la fois la prise de conscience de l’autre et la gratitude d’un bienfait reçu… Prendre conscience de l’autre, c’est exactement ce que les Justes de ce pays ont fait aux Juifs traqués et isolés, ils les ont reconnu comme étant des hommes…Cela paraît aujourd’hui la moindre des choses et c’était à l’époque un miracle d’humanité. Tout le monde pouvait être l’ennemi de tout le monde et les fascites et les collaborateurs s’étaient, comme toujours, trompés de combat : ils pensaient au confort de vivre courbés, et non pas à l’honneur de se tenir droit… C’était un temps où la République, que vous servez avec conscience Monsieur le Maire, n’était plus “ UNE “ et non plus “ INDIVISIBLE “, où certains des plus hauts serviteurs de l’Etat laissaient se ternir les couleurs du drapeau... C’était un temps où il n’y avait plus de Liberté, plus d’Egalité et où la Fraternité se faisait rare… Mais quand elle était exercée : Quelle force, quel exemple… Et cela relevait l’honneur de toute une Nation ! .../... Mercredi 5 mai 2010 “ Monsieur le Maire, vous avez dit, avec toute la solennité voulue, l’émotion qui est la vôtre d’être le premier magistrat d’une Ville qui honore aujourd’hui ceux de ses concitoyens qui sont Justes parmi les Nations, et, au nom de mes parents, Juliette et Pierre-Aimé LANEURIE, je vous en remercie de grand coeur. 17 TÉMOIGNAGE DE JEAN-YVES LANEURIE (suite) .../... Il y a eu, dans le Centre de notre France, des familles entières qui ont reçu protection mais il y eu aussi des enfants, tous seuls, comme moi. D’abord replié depuis Paris vers le Sud-Ouest et puis accueilli ici, à SaintAmand, j’ai connu la chaleur d’une vraie famille qui m’a tout donné, jusqu’à son nom, et cela avec la courageuse complicité de voisins, d’amis, de l’Archiprêtre DOUCET...Qui m’a baptisé parce que c’était plus sûr. Alors vous pensez bien : aujourd’hui me voilà à la fois, circoncis et baptisé, je suis vraiment paré de tous côtés vis à vis du Bon Dieu ! Merci donc à celles et ceux qui, aux côtés de mon Papa et de ma Maman, sont désormais “Justes parmi les Nations”. JUSTES, cela signifie qu’ils ont fait JUSTEMENT ce qui devait être fait et QUAND cela devait être fait. Cela signifie que, comme les bons artisans, ils ont bien fait leur métier d’Homme… Et Dieu que c’est difficile un métier d’Homme ! Il n’y a pas vraiment d’école ni d’Université pour ce métier-là. Nous sommes tous des autodidactes du métier d’Homme. Mes chers amis, tout ce nous pouvons transmettre à nos enfants, c’est la chaleur de la vie, le respect de l’autre et la valeur de l’exemple. Soyons donc tous reconnaissants à Saint-Amand et à sa Municipalité de transmettre l’exemple de ces Justes du Centre de la France, afin, comme dit le texte du Roi David que : “de génération en génération, l’on sache et que les enfants à naître le racontent à leurs enfants”... Mercredi 5 mai 2010 “ 18 TÉMOIGNAGE DE DANIÈLE WEILL - WOLF Une tradition juive millénaire qualifie de “ Juste “ tout être humain qui sauvegarde la vie et le bien être des faibles et des persécutés… Je sais que, souvent, mes parents se sont demandés comment un être humain pouvait se transformer en délateur, sans en éprouver du dégoût. Il existe mille façons de subir la terreur… Haïs, abandonnés et trahis par leur entourage, comment s’y sont-ils pris pour croire, qu’un jour, l’humanité se réveillerait ? C’est grâce au courage et à la générosité de Roger, d’abord, puis de toi, Pierrette, qu’ils ont puisé un début de réconfort et d’espoir. Vous les avez accueillis, avec mon frère et moi encore bébés, alors que traqués, toutes les portes s’étaient fermées. Comme un défi à la lâcheté, vous avez opposé le visage inaltérable du courage et de la dignité humaine. “ Ils vous ont chéri, Pierrette, Roger et toi, et j’espère, à ma façon,perpétuer la chaîne de cette affectueuse reconnaissance. Mercredi 5 mai 2010 “ Ne pouvant être avec vous lors de la cérémonie du 5 mai à Saint-AmandMontrond, je charge François d’être, auprès de toi, chère Pierrette, l’ambassadeur de mon amitié et de ma reconnaissance réitérées. 19 TÉMOIGNAGE DE NICOLE YANCEY Elle cachait des enfants Juifs venus de l’Europe de l’Est par les soins de la Croix Rouge Suisse et qui étaient acheminés par la suite vers les Etats Unis. Au lendemain de la guerre, elle s’est installée en Virginie, ayant suivi deux amies qui avaient épousé des militaires américains, et elle travaillait pour l’Armée du Salut. Quand je l’ai retrouvée, elle était dans une maison de retraite à Norfolk. En l’écoutant égréner ses souvenirs, j’ai brusquement superposé sur son visage ceux de Marie et Etienne BOISSERY, et de tous ceux que j’ai connus à la Gossonnière petite enfant. Très franchement, je n’avais que de vagues souvenirs de cette période, des sons et quelques images. J’adorais Marie et Etienne BOISSERY, que j’ai toujours considérés comme mes grands parents. Quand je me remémore mon enfance, ce sont d’abord leurs visages ainsi que ceux de leurs deux filles que je reconnais. Je savais que ma soeur et moi leur devions notre survie; je sentais leur amour pour nous deux, mais je ne savais rien de leur sacrifice et du danger qu’ils avaient couru pour nous. C’était un peu la conspiration du silence, personne ne parlait beaucoup de cette époque, nos parents n’abordaient que très rarement le sujet et très succintement. J’ai donc rencontré cette vieille dame, et j’ai suivi son récit avec grande émotion, ce fut véritablement une révélation. Durant mon séjour suivant en France, je suis allée avec ma mère rendre visite à Annette BOISSERY, munie d’un petit carnet. Je les ai suppliées de parler et j’ai pris des notes tout en les écoutant raconter cette période. .../... Mercredi 5 mai 2010 “ Il y a quelques années, j’ai été chargée par l’Ambassade de France à Washington et la Croix Rouge Française et Suisse de procéder à une enquête pour retrouver une Résistante Française qui avait opéré dans la région de Chambon-sur-Lignon. 20 TÉMOIGNAGE DE NICOLE YANCEY (suite) .../... Que de découvertes exceptionnelles ! Qui se sont approfondies grâce aux recherches de ma soeur Anne quand elle préparait le dossier de Yad Vashem. Je ne trouve pas les mots pour décrire ce sacrifice d’eux-mêmes pour sauver deux petites filles Juives qui leur étaient inconnues, alors que, déjà, ils hébergeaient un résistant blessé ! Sans compter tous les autres, mes oncles JUDA et Tiny TESCH, qui habitaient avec nous dans le domaine des Barres à Bessay-le-Fromental. Maman disait d’elle : “elle partait des journées entières à bicyclette et personne ne demandait où elle allait”. Cette vieille dame de Norfolk partait aussi à bicyclette, elle se disait “lingère” dans un home d’enfants, là où les petits Juifs étaient hébergés. Où les rencontrait-elle ? Comment les amenait-elle au Chambon ? Combien d’actions aussi extraordinaires qu’héroïques ont été ainsi accomplies ? Combien de vies comme les nôtres ont-elles été sauvées ? Cette journée de la Mémoire ne pourrait être complète si on ne nommait pas d’autres personnes, qui, en association avec Marie et Etienne BOISSERY ont non seulement sauvé nos vies, mais aussi celle de notre Mère. Mercredi 5 mai 2010 Elles ne doivent pas rester dans l’ombre; nous et assurément bien d’autres leur sont redevables de la vie. Ma soeur Anne et moi tenons à leur témoigner notre admiration et notre gratitude. .../... 21 TÉMOIGNAGE DE NICOLE YANCEY (suite) .../... Permettez-moi pour cela de lire un passage de l’une des lettres de notre Maman, écrite quand ce fut son tour de fuir : “Après une nuit tragique où nous avions eu la visite de la Milice, une vingtaine d’individus armés, qui nous ont pris nos pièces d’identité, ont giflé les hommes, volé ce qu’ils ont pu. Bien m’en a pris de m’en aller (des Barres) car le chef est revenu, a dit que l’on me cherchait, à cause de toi (notre Papa) qui avait été vu à SaintAmand-Montrond la veille dans la Résistance, (un mensonge car il était avec les Forces Françaises Libres en Afrique du Nord), et que si j’étais prise, je ne m’en tirerai pas. J’ai vécu cachée dans une ferme trois semaines (chez Monsieur et Madame SUDRE, à côté de Valigny), puis ayant appris l’arrestation de Georges et André (JUDA), je suis allée chez Madame SOULAT, qui m’a cachée dans l’un de leurs domaines (Les Allard à Augy-sur-Aubois), chez leur neveu (Aimé AVIGNON et sa femme Marie-Louise), où j’ai vécu 3 mois...” C’est aussi grâce à Madame SOULAT que Maman a rencontré Marie BOISSERY... Au nom de ma famille, Merci, Monsieur le Maire, de les faire vivre pour toujours dans les mémoires. Nous vous sommes extrêmement reconnaissants de cette journée que vous avez conçue, voule et si parfaitement organisée. Cette esplanade des Justes est à juste titre une distinction honorifique qui perpétuera de la façon la plus solennelle le souvenir du courage et du comportement généreux de ces hommes et de ces femmes qui ont “désobéi pour sauver”. Mercredi 5 mai 2010 “ 22 TÉMOIGNAGE DE MONIQUE BERCOVITZ-DEVILLARD, ÉPOUSE AUDRY Justes parmi les Nations, ils honorent l’être humain dans ce qu’il a de meilleur. Ces résistants sans armes que sont ces “ Justes “ (ainsi que le disait Robert MIZRAHI), aux années sombres de l’occupation nazie, ne se sont pas contentés de se taire quand il le fallait, mais ils ont pris des risques insensés, afin que ceux que le hasard avait placé sur leur chemin, ne soient pas confrontés à l’abîme du désespoir. Comment des êtres “ ordinaires “ de toutes croyances et de toutes origines, ont-ils fait des choses aussi “ extraordinaires “ ? Ils ont risqué leur vie au nom de simples principes humanitaires. Ils ont bravé le règne de la nuit et de la violence, simplement en entendant ce que leur dictait très fermement leur conscience. En ce qui me concerne, je dois la vie à l’une d’elle, qui vécut son extrême générosité de façon si normale, qu’il fallut du temps à la “ gamine “ que j’étais, pour comprendre la grandeur de sa protection et de l’amour dont j’avais besoin, et qu’elle ne manqua pas de me témoigner, années après années. Je suis reconnaissante aujourd’hui, à l’hommage qui, à Saint-AmandMontrond est rendu à toutes celles et à tous ceux, qui ont incarné avec dignité et discrétion, les valeurs qui fondent la Nation et la République. Les Sauveurs sont quelques milliers. Beaucoup restent inconnus. Les femmes et les hommes d’aujourd’hui doivent s’en souvenir. Nous devons donner aux “ Justes “ la place qui leur revient dans la mémoire collective des Français. Mercredi 5 mai 2010 “ “ Pierrette et Roger JURVILLIER, Juliette et Pierre-Aimé LANEURIE, Marie et Etienne BOISSERY, Annette et Pierrette BOISSERY, leurs filles, Léontine et Isidore BOYAU, Henriette et Maurice FAGNOT, Louise LABUSSIERE, Hermine LASNE, Germaine VIGNE, Suzanne MERCIER et Hélène ZEMMOUR : 23 TÉMOIGNAGE DE PIERRETTE JURVILLIER Lorsque la famille WOLF, à nouveau aux abois, ne sachant où aller, s’est présentée à la ferme, Roger d’abord, dès 1941, puis moi, à compter de 1943, nous avons décidé, tout simplement de mettre en pratique notre philosophie de vie. Nous n’avons rien fait d’extraordinaire : il nous a semblé normal d’accueillir un jeune couple et leurs bébés essayant d’échapper à la mort qui menaçait à nouveau la famille (les parents et la grand-mère de Robert WOLF avaient déjà été raflés et déportés). Comment penser et agir autrement ? Robert et Roger n’étaient pas des étrangers l’un pour l’autre et il était impensable, pour nous, d’abandonner cette famille dans la tourmente. Je savais, peut-être mieux que d’autres, ce que signifiait cette tourmente puisque, moi aussi, dénoncée, la discrétion était de rigueur. C’est cette discrétion, aussi, qu’Ernest LOEB a connue, en trouvant refuge chez nous. Avec des caches successives pour les uns, pour les autres, les ravitaillements à travers les vignes, nous avons pu aider, protéger, soutenir tous les proscrits qui se trouvaient sur notre route. Même si nous n’avons pas été les seuls, nous avons été peu nombreux à réagir avec l’humanité de nos convictions. “ Si vous trouvez que ce qui a été fait devait l’être, un combat n’est jamais terminé. A vous tous de continuer. Mercredi 5 mai 2010 “ Il n’est pas aisé de parler de soi… 24 LE 5 MAI 2010, THIERRY VINÇON, MAIRE DE SAINT-AMAND-MONTROND, REMETTAIT LA MÉDAILLE DE LA VILLE À PIERRETTE JURVILLIER, JUSTE PARMI LES NATIONS VIVANT DANS LE DÉPARTEMENT DU CHER. 25 DÉPÔT DE GERBE DEVANT LA STÈLE PAR LES AUTORITÉS INAUGURATION DE L’ESPLANADE DES JUSTES PARMI LES NATIONS 26 LA LUEUR DE L’ÉTOILE DES JUSTES VEILLE SUR L’ESPLANADE POUR TRANSMETTRE À L’ÉTERNITÉ LE MESSAGE À LA FOIS HUMBLE ET AMBITIEUX DE COURAGE ET D’HUMANITÉ 27 DISCOURS Didier CERF Délégué régional du Comité Français pour Yad Vashem Maître Georges KIEJMAN Avocat à la Cour, ancien Ministre Thierry VINÇON Maire de Saint-Amand-Montrond Shlomo MORGAN Ministre-Conseiller à l’information près l’Ambassade d’Israël en France Mercredi 5 mai 2010 Catherine DELMAS-COMOLLI Préfet du Cher lu par Francis BLONDIEAU, Sous-Préfet de Saint-Amand-Montrond 28 DISCOURS DIDIER CERF Délégué régional du Comité Français pour Yad Vashem Comme notre président Monsieur Nicolas SARKOZY l’a souligné « J’ai changé quand j’ai visité le mémorial de Yad Vashem ». L’organisation de la visite de ce nouveau musée souligne que nous sommes à la croisée des chemins : des options de visites différentes nous sont proposées avec symbolique. D’un côté, le musée d’art moderne, un peu plus loin on y visite aussi le fameux et très poignant mémorial des enfants, la salle des noms, la vallée des communautés disparues. La place du Ghetto de Varsovie. D’un autre côté, une synagogue, un auditorium, bien sur le jardin des Justes et la Crypte du souvenir. L’appui filmographique dans la présentation du musée souligne la force du cinéma dans la formation d’une mémoire historique et propose également un ensemble cinématographique unique sur le thème de la Shoah. En diversifiant ses activités, il est important de savoir que Yad Vashem est également devenu le Centre Mondial de l’étude et de l’enseignement de l’Holocauste, abritant un espace multimédia et une bibliothèque d’archives très fournie. Le Ministère de l’éducation nationale français a récemment marqué son intention d’établir une convention avec Yad Vashem, afin de permettre une meilleure coopération dans les domaines de la formation et de l’élaboration pédagogique de l’enseignement de la Shoah. L’idée du musée est de refléter l’humain, l’histoire humaine de la Shoah. Les bourreaux sont rejetés en marge et c’est volontaire, il faut avant tout parler des victimes et des survivants. Pour les quelque 400 personnes qui y travaillent, Yad Vashem est le sanctuaire de toutes les victimes de la Shoah, de ceux qui furent haïs par le fait même d’être nés. .../... Mercredi 5 mai 2010 “ L’institut Yad Vashem de Jérusalem a été créé en 1953 par la « Loi du souvenir du martyre et de l’héroïsme ». N’étant dans les premières années qu’un centre de recherche. Depuis cette époque, différents musées ont été constitués sur cette colline surplombant Jérusalem. Le dernier en date a été reconstruit et inauguré début 2005, avec déjà plus d’un million de visiteurs. Celui-ci, très interactif est conçu telle une immense brisure qui traverse le site sur près de 200 mètres. C’est la blessure du passé qui s’ouvre vers l’avenir. Le long corridor du musée semble s’enfoncer vers l’enfer de la Shoah alors que, grâce aux immenses baies vitrées, nous apercevons devant nous la lumière resplendissante de Jérusalem avec ses nouveaux quartiers et la volonté de reconstruction. 29 DISCOURS DIDIER CERF (suite) Délégué régional du Comité Français pour Yad Vashem .../... Sont réunis aussi dans les différents musées les images et souvenirs qui racontent la vie des Juifs d’Europe avant la guerre et pendant les persécutions. D’une cinquantaine d’objets au départ, il y en a plus de 22.000 aujourd’hui. Ce lieu rassemble les noms de ceux qui n’ont pas eu d’autres sépultures que les flammes et les fosses d’Auschwitz et d’innombrables autres lieux d’extermination. Rendre, en effet, son nom à chacun des six millions de morts, c’est redonner à chaque enfant, à chaque femme, à chaque homme son caractère unique et son identité. Il y a encore de nombreux noms à inscrire sur nos listes. Nous n’avons que la moitié des 6 millions de morts inscrits sur notre base de données internet. Par ailleurs, depuis 1963, Yad Vashem exprime également la reconnaissance du peuple Juif aux hommes et aux femmes non Juifs, de toutes origines et de toutes conditions qui, à travers l’Europe, de manière désintéressée et au péril de leur vie, ont sauvé des Juifs persécutés : ce sont les “ Justes “. A Paris, le Comité français pour Yad Vashem est une association de bénévoles dont le but est de favoriser l’enseignement et la transmission de l’histoire de la Shoah ainsi que de recueillir les témoignages pour faire reconnaître et honorer les Justes de France. -Depuis le 16 juillet de l’an 2000, la journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’état français est aussi journée d’hommage aux Justes de France (date commémorative de la rafle du Vel d’Hiv); -En février 2003, est paru la première édition du dictionnaire des Justes de France ; -En 2005, une journée internationale du souvenir de la Shoah a été instituée par l’ONU et adoptée par la conférence générale de l’UNESCO ; -En Juin 2006, il y eut l’inauguration dans le quartier du Marais à Paris du Mur des Justes de France près du Mémorial de la Shoah ; -Et le 18 janvier 2007, le Président CHIRAC et Mme VEIL introduisent les Justes de France dans le Panthéon des Grands Hommes de l’Histoire de France. Mais malheureusement, même si notre comité continue à instruire tous les dossiers qui lui sont confiés, les années passent inexorablement, et beaucoup de ces gens, qui mériteraient que leur nom soit inscrit à jamais dans l’allée des Justes à Jérusalem, resteront dans l’anonymat faute de témoignages. Si Monsieur le Conseiller et Monsieur le Sous-Préfet le permettent avant de céder la parole et de façon tout à fait exceptionnelle, je souhaiterais rajouter quelques mots personnels. Mercredi 5 mai 2010 Plus de 3158 ont déjà été honorés à ce jour en France et 23 226 dans le monde. 30 DISCOURS DIDIER CERF (suite) Délégué régional du Comité Français pour Yad Vashem .../... En effet, comme le commissaire de police Raymond PICHON, qui a beaucoup aidé son père, figure sur 1 des 20 panneaux avec tous les policiers et gendarmes Justes parmi les Nations de la très intéressante exposition que nous inaugurons aujourd’hui, je ne pouvais pas ne pas évoquer la mémoire de Roger CERF, mon père, qui nous a quitté il y a deux années déjà. Si il a été torturé à Lyon par Klaus BARBIE, il n’a pas eu la force de témoigner à son procès. Heureusement, il a pu s’échapper, et un cafetier voisin l’a soigné. Par contre, il a tenu à témoigner sa reconnaissance à la famille de Monsieur PICHON en montant le dossier et remettant lui-même la médaille des Justes à sa veuve et à son fils en tant que membre de notre comité. Le Commissaire PICHON lui a fourni pendant la guerre de nombreux faux papiers d’identité spécialement pour mon oncle René LEVY, et mon grand-père Alphonse. Quant à lui, mon père a eu une douzaine d’identités différentes durant la période de guerre. Une partie de la carrière de Raymond PICHON se déroula à Thionville jusque dans les années 60 auprès de notre famille. Une autre “lumière dans la nuit de la Shoah” comme le dira souvent Simone VEIL à propos des Justes fut pour mon père, l’abbé GLASBERG dont il nous parlait en évoquant ces années noires. Celui-ci fut d’un précieux secours pour aider à l’intendance des maisons d’enfants juifs sous l’égide des “amitiés chrétiennes” du cardinal GERLIER. Mercredi 5 mai 2010 “ 31 DISCOURS MAÎTRE GEORGES KIEJMAN Avocat à la Cour, Ancien Ministre “ Mesdames, Messieurs, J’ai considéré comme un honneur d’être présent parmi vous. Je ne pensais pas avoir à m’adresser à vous, mais ça me paraît être un devoir élémentaire. J’appartiens à une famille qui a payé un lourd tribut aux exigences de la barbarie, puisque mon père est mort à Auschwichtz et que l’une de mes sours n’en est revenue que par miracle, parmi les 2500 rescapés. Mais ceux qui m’ont précédé ont très justement souligné, que s’il y a eu un nombre si éprouvant de victimes, il y a aussi eu ceux qui ont pu être sauvés par la générosité quotidienne de ceux qui, parfois par leur bienveillance et pas simplement par des actes héroïques évidents, leur permettaient de vivre, leur permettaient de considérer que malgré la discrimination imposée par l’Etat de Vichy, par le système nazi, il restait des hommes et des femmes, parmi les hommes et les femmes. Et c’est au nom de cette humanité générale que je voudrais évoquer d’un mot tous ceux qui, enseignants modestes, ont contribué à maintenir les valeurs de la République en continuant à scolariser, à élever, à éduquer tous ces petits Juifs pourchassés. J’aurai donc une pensée personnelle pour Maurice RENON, modeste instituteur à Loye-surArnon, pour Louis GALAS, professeur et proviseur au collège de Saint-Amand-Montrond dont j’espère qu’un jour le nom rejoindra la liste déjà nombreuse des Justes. En lui permettant ainsi de ne pas être inscrite sur le catalogue des Juifs de la région de Saint-Amand-Montrond, ils sauvèrent, sans le savoir, deux vies. Deux vies qui, sinon, auraient pu trouver un terme dans les puits de Guerry. Et ce sont tous ces êtres, que effectivement on n’identifie pas encore, à qui nous devons la vie, mais à qui on doit aussi de penser qu’il n’y a pas seulement une Nation Française en train de rechercher une identité qui se forme tous les jours, qu’il y a tout simplement une communauté humaine. “ Et je peux dire que si je lui appartiens encore aujourd’hui, c’est parce que pour toujours je reste parmi vous un Saint-Amandois. Mercredi 5 mai 2010 Je voudrais avoir une pensée pour trois Justes que je n’ai pas réussi à identifier au cours de mon passage à la Chancellerie, en tant que Ministre de la Justice, et qui pourtant ont sauvé la vie de ma mère et la mienne en décidant contre toute vraisemblance, que les explications fournies par ma mère dans un français plus qu’approximatif, justifiaient bien qu’elle n’était pas juive et son fils pas davantage. 32 DISCOURS THIERRY VINÇON Maire de Saint-Amand-Montrond Ils s’appelaient Roger, Pierre-Aimé, Ernest, Lucien. Elles s’appelaient Juliette, Germaine, Chana, Dora. Le destin les a fait se rencontrer. Leurs regards se sont croisés, emplis de désespoir et de peur pour ceux qui fuyaient, de la douceur rassurante pour ceux qui comprenaient et ouvraient leur porte. Et c’est sur cette page noble de son histoire que Saint-Amand-Montrond s’apprête aujourd’hui à écrire, ici, une nouvelle page de son avenir. Elevé à Saint-Amand dans le camp n°2, successivement camp militaire et camp d’internement, j’ai dès le plus jeune âge, comme mon frère Serge, compris la portée de ces récits que me faisait mon père, jeune boulanger au Pont Pasquet, et ma mère, enfant abandonnée à l’Assistance publique. A mes 8 frères et soeurs, ils nous ont enseigné, comme mes instituteurs Messieurs KILL et LEVY-BRUANDET, l’amour de la patrie, l’amour de la France. Ayant l’honneur et la charge de Maire de notre belle ville, il m’est vite apparu nécessaire de lever les derniers voiles jetés sur une période complexe, mais riche de notre histoire. Merci Pierrette JURVILLIER de votre présence et de votre témoignage vivant. Aujourd’hui vient le temps de la reconnaissance, il vient aujourd’hui, car demain il sera trop tard. Ce n’est pas parce que certains disent qu’il est trop tard, qu’il ne faut pas le faire, qu’il ne faut RIEN faire. Saint-Amand-Montrond le mérite. Les Justes le méritent qu’ils soient morts ou toujours vivants, ici ou dans nos coeurs. Les jeunes doivent apprendre, car certains ne SAVENT pas. Cela justifie mon choix et mon combat. En honorant les Justes parmi les Nations, j’ai souhaité rappeler ce choix entre l’honneur et le déshonneur qu’ont fait de nombreux Français. « C’est au courage de certains que l’on mesure la lâcheté des autres », écrira Dora LANGMAN, en 2002, quand Germaine VIGNE fut déclarée Juste parmi les Nations. Je ne souhaite stigmatiser personne, ni juger, et encore moins refaire l’histoire. Mercredi 5 mai 2010 “ Mesdames et Messieurs les Justes parmi les Nations, Mesdames et Messieurs les autorités civiles, militaires et religieuses, Mesdames et Messieurs, Chers Enfants, .../... 33 DISCOURS THIERRY VINÇON (suite) Maire de Saint-Amand-Montrond .../... Mais en tant que Maire de Saint-Amand-Montrond, je me devais de dire aux SaintAmandois de ne pas oublier leur passé et de ne pas oublier le choix qu’avaient fait durant une période troublée et difficile, des Saint-Amandoise et des Saint-Amandois courageusement libres et justes. Face à l’oubli, volontaire ou ignorant, qui permet au Mal de faire son oeuvre de destruction du Bien, je veux rappeler aux Saint-Amandois qu’ils peuvent être fiers de leur passé glorieux pendant la guerre. En effet, Saint-Amand-Montrond a perdu beaucoup de ses fils et de ses filles. 133 militaires tués au combat en 1939-1940, 44 déportés dont 15 ne sont jamais revenus des camps, 16 maquisards tués en combat, 12 civils tués et 12 hommes fusillés le 8 juin 1944, 120 otages du 8 au 11 juin, 70 Juifs arrêtés les 21 et 22 juillet 1944, 36 martyrs juifs assassinés quelques jours plus tard dans les puits de Guerry. Mais alors, pourquoi ce silence, silence assourdissant qui a fait se taire tous ceux qui revenaient de l’enfer, recréé sur terre par d’autres hommes. Le silence des déportés s’est cristallisé par l’absence de mots pour décrire d’où ils venaient. “ Aucun mot ne peut exprimer ce que nous avions vécu ! ” m’ont-ils dit. L’imprononçable, l’ineffable devenaient leur quotidien après cette longue nuit d’horreurs. Comment expliquer ce silence, alors que la nuit s’estompait, alors que la lumière chassait les ténèbres de la Shoah. On retrouve ce silence persistant chez toutes celles et ceux qui n’ayant que leurs mains, un peu de pain et beaucoup de coeur, ont sauvé des familles entières, des enfants, des femmes et des hommes, des frères humains, qui, français ou étrangers en France, tous réfugiés, fuyaient des lois scélérates. Beaucoup de familles juives vivaient à Saint-Amand et dans les environs, cachées par d’autres familles identiques, mais seulement de confession différente. Elles s’étaient réfugiées à l’automne 1939, venant d’Alsace et de Lorraine et de la région parisienne. Mercredi 5 mai 2010 Cette nuit, décrite par Elie WIESEL, a transformé des êtres humains en ombres affamées qui, pendant de nombreuses années, n’ont pu décrire l’horreur vécue. .../... 34 DISCOURS THIERRY VINÇON (suite) Maire de Saint-Amand-Montrond .../... La guerre touchait à sa fin et leur vie cachée n’avait pas été mise en danger jusqu’à ce que la milice, et notamment son nouveau chef arrivé le 22 juin 1944, couvre de son ombre funeste notre ville courageuse. Quatre jours plus tard, la famille JUDA est arrêtée, puis livrée par la Milice à la Gestapo. Le 7 juillet, le cadavre de Félix MAY, Président de la Communauté Juive de Saint-Amand, est repêché du Canal du Berry. Dans la nuit du 21 au 22 juillet, 70 hommes et femmes sont arrêtés par la Milice et la Gestapo, à Saint-Amand et à Chateaumeillant, 36 sont affreusement massacrés à Savigny en Septaine. * Chère Pierrette, face à cette folie, voici près de soixante-dix ans, vous n’avez pas hésité à compromettre la sécurité de vos proches, à risquer la prison voire la déportation, ni à mettre en péril votre propre vie... ... pour des enfants, pour des femmes, pour des hommes que vous ne connaissiez même pas, mais des enfants, des femmes et des hommes pourchassés, traqués, en sursis de mort. Au moment où la barbarie et la folie destructrice régnaient dans les camps, vous, les Justes, vous avez hébergé ces familles, apporté la tendresse aux enfants et un réconfort aux adultes. Vous avez agi avec votre coeur, parce que les menaces qui pesaient sur eux vous étaient insupportables. Vous avez agi avec la force d’une exigence non écrite qui primait sur toutes les autres : sauver une vie. Mercredi 5 mai 2010 Vous n’avez pas cherché les honneurs. Vous n’en êtes que plus digne. Les Justes de France et du Cher pensaient avoir simplement traversé l’Histoire. En réalité, ils l’ont écrite ! Il était temps que nous leur exprimions notre reconnaissance. .../... 35 DISCOURS THIERRY VINÇON (suite) Maire de Saint-Amand-Montrond .../... En effet, beaucoup sont morts, sans juger utile de se prévaloir de ce qu’ils avaient fait pendant cette période douloureuse. D’autres ont même refusé d’être honorés, considérant qu’ils n’avaient fait que leur devoir de Français, de chrétiens, de citoyens, d’hommes et de femmes, envers ceux qui étaient pourchassés pour le seul crime d’être nés Juifs. Face au nazisme qui a cherché à rayer le Peuple juif de l’Histoire des hommes et à effacer toute trace de ses crimes, face à ceux qui, encore aujourd’hui, continuent de nier les faits historiques, Saint-Amand-Montrond, VOTRE ville, s’honore de graver de manière indélébile dans la pierre de son histoire, cette page de lumière dans la nuit de la Shoah. Cette esplanade et cette stèle dédiées à la mémoire des Justes parmi les Nations du département du Cher, de ces femmes et de ces hommes qui ont été l’honneur, le courage et la dignité de la France, seront non seulement un lieu de recueillement, mais aussi une source nouvelle d’exemple et d’espérance en la vie. Car aujourd’hui, alors que notre République est fortement contestée dans ses fondements de liberté, d’égalité et de fraternité par de nouvelles idéologies, il nous faut bien regarder, bien regarder pour bien comprendre, bien comprendre pour mieux comprendre. Il ne faut pas se taire. Il nous faut réaffirmer nos valeurs séculaires comme l’ont fait les Justes hier pour combattre les principales menaces contre l’homme et contre la vie que sont l’ignorance, l’hypocrisie, l’égoïsme et la “ nuit “, ce silence qui veut détruire l’être et gommer l’humanité. Il nous faut crier. Notre pays s’est construit sur mille peuples pour n’en former qu’un seul, qui se nourrit de ces valeurs et de cet idéal. La mémoire de ces peuples, de ce peuple, s’est creusée au fil de l’histoire et s’est construite patiemment sans rien en perdre. “ Un peuple qui oublie son histoire est condamné à la revivre “, disait Primo LÉVI. * Mercredi 5 mai 2010 Crier notre idéal de partage, de justice, de vérité et d’Amour. .../... 36 DISCOURS THIERRY VINÇON (suite) Maire de Saint-Amand-Montrond .../... Merci à vous Juliette et Pierre-Aimé LANEURIE, merci à vous Roger JURVILLIER, que nous n’oublierons jamais. Merci à vous Pierrette JURVILLIER, qui nous faite l’honneur de présider cette cérémonie et témoigner de l’actualité de votre message. Merci à vous Jean-Yves LANEURIE qui êtes revenu à Saint-Amand témoigner votre reconnaissance filiale et votre amour d’une République juste et indivisible. Merci enfin à vous Monique AUDRY pour votre aide précieuse afin d’offrir à Saint-AmandMontrond cette Esplanade à la mémoire des Justes, à ces Justes qui sont connus et à tous ces Justes qui resteront anonymes à jamais. “ * Mercredi 5 mai 2010 Votre présence aujourd’hui, notre présence, ICI, est la preuve que l’oubli et le déshonneur ne peuvent vaincre un peuple qui choisit de ne pas oublier. 37 DISCOURS SHLOMO MORGAN Ministre-Conseiller à l’Information près l’Ambassade d’Israël en France En janvier 2007, la France a rendu un vibrant hommage aux Justes parmi les Nations. Jacques CHIRAC, alors Président de la République, et Simone VEIL, Présidente de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah ont introduit les Justes de France au coeur du Panthéon. Ces héros ordinaires ont enfin été reconnus. Ces Justes, au plus fort de cette période sombre qu’a connu le France, ont eu le courage de braver l’autorité au péril de leur propre vie et celle de leur famille, en sauvant des Juifs. Ils l’ont fait avec toute leur âme, tout leur coeur. Certains y ont laissé leur vie. C’est vrai que les Justes considèrent ce qu’ils ont fait comme naturel, et qu’ils auraient pu même en faire davantage. Par leurs actes, les Justes n’ont pas seulement sauvé des innocents, ils ont sauvé la dignité humaine, et surtout l’honneur de la France. Dans le Talmud il est dit : “ Quiconque sauve une âme sauve l’univers tout entier “. Le peuple juif n’oublie pas. Ni les bourreaux et leurs collaborateurs, ni ces Justes, êtres exceptionnels, lumières des nations. Les Justes nous rappellent que le courage se trouve aussi chez des êtres ordinaires qui ont fait des actes extraordinaires. La Médaille des Justes parmi les Nations est la plus haute distinction de mon pays, il ne s'agit ni d'une récompense, ni d'une décoration mais simplement d'un témoignage de gratitude et de reconnaissance éternelles. C’est avec un très grand honneur et une immense émotion que je suis présent parmi vous à l’occasion de l’inauguration de “ l’Esplanade des Justes Parmi les Nations “. .../... Mercredi 5 mai 2010 “ Madame le Préfet, Monsieur le Maire, Monsieur le Président de Yad Vashem, Monsieur le Délégué régional de Yad Vashem, 38 DISCOURS SHLOMO MORGAN (suite) Ministre-Conseiller à l’Information près l’Ambassade d’Israël en France .../... Cette esplanade et cette stèle vont honorer les actes de Pierrette et Roger JURVILLIER, Juliette et Pierre-Aimé LANEURIE, Marie, Etienne, Annette et Pierrette BOISSERY, Léontine et Isidore BOYAU, Henriette et Maurice FAGNOT, Louise LABUSSIÈRE, Hermine LASNE, Suzanne MERCIER, Germaine VIGNE et Hélène ZEMMOUR. Ces hommes et ces femmes sont la fierté et l’honneur de la ville de Saint-Amand-Montrond et de la France. Cette initiative s’inscrit dans une démarche pédagogique et mémorielle renforcée par les deux expositions présentées ici. La première exposition “ Ce ne sont pas des Jeux d’enfants “ du Musée Yad Vashem, nous raconte l’histoire d’enfants rescapés, d’enfants ayant lutté pour rester en vie. Elle montre que c’est l’imaginaire et la créativité qui, pour cette jeune génération, ont constitué la principale force de résistance à la barbarie. Ce message s’adresse d’abord aux générations futures. La seconde intitulée “ Désobéir pour sauver “ de l’ONAC et du Comité français pour Yad Vashem rend hommage à 54 gendarmes et policiers “ Justes “ et à leurs collègues restés à ce jour anonymes, en mettant en lumière les valeurs humaines et citoyennes qui les ont animés. “ Mercredi 5 mai 2010 Je vous remercie et vous félicite pour cette formidable initiative qui honore des personnes ordinaires qui ont agit de manière extraordinaire. 39 DISCOURS CATHERINE DELMAS COMOLLI Préfet du Cher lu par Francis BLONDIEAU, Sous-Préfet de Saint-Amand-Montrond La nature humaine est ainsi faite qu’elle impose un effort permanent de mémoire pour vivre le présent et penser l’avenir sans oublier le passé. Monsieur le Maire, vous nous invitez aujourd’hui à un exercice salutaire de mémoire. Exercice salutaire pour Saint-Amand-Montrond et ses habitants, bien sûr, qui sont conviés, à travers cette cérémonie, à se tourner vers un passé douloureux d’oppression et de résistance. L’Esplanade des Justes est d’abord le fruit de “ leur “ histoire. Une histoire riche et complexe, souvent glorieuse mais aussi entachée de confusion à la suite de l’amalgame avec le personnage de Maurice Papon. Depuis trop longtemps, la ville de Saint-Amand-Montrond voyait en effet son nom accolé au nom de son maire qui fut condamné en 1998 pour des faits qui n’avaient rien à voir avec la ville elle-même. Cette complicité de crimes contre l’humanité reconnue par la justice a pesé lourd dans l’image de la cité de l’or. .../... Mercredi 5 mai 2010 “ Monsieur le député, Messieurs les ministres, Monsieur l’ambassadeur , Monsieur le maire de Saint-Amand-Montrond, Mon général, délégué militaire départemental, Monsieur le secrétaire général, représentant le procureur général près la cour d’appel de Bourges, Monsieur l’inspecteur général de la police nationale, représentant le directeur central de la sécurité publique, Mon Colonel, représentant le directeur général de la gendarmerie nationale, Monsieur le vice-président du conseil régional représentant le président du conseil régional du Centre Monsieur le vice-président du conseil général, représentant le président du conseil général du Cher Madame et messieurs les conseillers généraux, Mesdames et messieurs les maires, Messieurs les généraux et colonels Mesdames et messieurs les élus de Saint-Amand-Montrond, Monsieur le président du comité français pour Yad Vashem, Madame Pierrette JURVILLIER, Juste parmi les Nations, Mesdames et messieurs les descendants des Justes du Cher, Mesdames et messieurs les anciens combattants, Mesdames et messieurs, 40 DISCOURS CATHERINE DELMAS COMOLLI (suite) Préfet du Cher lu par Francis BLONDIEAU, Sous-Préfet de Saint-Amand-Montrond .../... Vous avez souhaité, monsieur le Maire, remettre de l’ordre dans cette mémoire collective et rétablir une vérité saint-amandoise. L’exercice auquel vous nous conviez est également salutaire pour nous tous, habitants du Cher, qui sommes invités au banquet du souvenir et à redire, à travers la célébration des Justes du Cher, notre compassion aux victimes innocentes de la barbarie nazie et notre attachement aux valeurs universelles des droits de l’Homme. La France du souvenir rayonne aujourd’hui dans le Cher. Le coeur du Cher bat aujourd’hui à Saint-Amand-Montrond. Le Cher dans la tourmente des années de guerre, fut le symbole d’une France coupée en deux, traversée par des atrocités entre français. Ce fut, aussi, la force de l’exemple, la foi en l’Homme, dans ce qu’il a de meilleur, de plus humain, de plus “Juste “. Un département coupé en deux Le Cher de cette époque, c’est un concentré de France. La ligne de démarcation partage le département comme il coupe la France entière en deux mondes parallèles, la zone nord occupée et la zone sud réputée libre. A l’image du reste de la France, c’est une véritable fracture politique, administrative, judiciaire et tout simplement humaine qui se met en place. Jusqu’en novembre 1942, date de son occupation par les allemands, la zone sud du Cher sera le refuge de nombreuses familles alsaciennes-lorraines et parisiennes, dont de nombreuses familles juives, qui fuient le joug allemand mais aussi celui du régime de Vichy. Car l’administration française a prêté son concours à la politique d’extermination des nazis. C’est une réalité désormais reconnue et assumée, dans le respect du souvenir des victimes. C’est une réalité qui en a côtoyé une autre, plus vertueuse, plus glorieuse, qui donne confiance en l’être humain. La France, le Cher, Saint-Amand-Montrond, n’ont pas été épargnés par cette complexité d’une histoire française qui mêle trahison, horreur et collaboration à la résistance, à l’humanité et à la liberté. .../... Mercredi 5 mai 2010 Dans ces conditions, les administrations départementales prolongent difficilement l’idée d’une souveraineté nationale préservée. La zone nord du Cher dépend ainsi de la préfecture d’Orléans. La zone sud quant à elle prend Saint-Amand-Montrond pour capitale et se voit rattachée à Châteauroux et Limoges. 41 DISCOURS CATHERINE DELMAS COMOLLI (suite) Préfet du Cher lu par Francis BLONDIEAU, Sous-Préfet de Saint-Amand-Montrond .../... La complexité franco-française “ Il est dans la vie d’une nation, des moments qui blessent la mémoire, et l’idée que l’on se fait de son pays “ : c’est par ces mots que le président Jacques CHIRAC a, le 16 juillet 1995, entamé son discours reconnaissant la responsabilité historique de l’Etat français dans la collaboration à l’occasion de la commémoration de la funeste rafle du Vel d’Hiv des 16 et 17 juillet 1942. Comment, en effet, oublier ces lois scélérates anti-juives qui sont allées au-devant même des attentes de l’occupant ? Comment, en effet, oublier ces 4 500 policiers et gendarmes qui ont prêté main forte aux occupants pour arrêter les 13 000 juifs de la rafle ignominieuse de l’été 1942 ? C’est dans ce contexte que Maurice Papon, secrétaire général de la préfecture de la Gironde, a organisé des convois de déportés vers la mort. Mais il y eut aussi ces policiers et gendarmes qui, au péril de leur vie, ont couru prévenir des familles avant la rafle pour mieux trouver ensuite leurs logements vides. C’est à ces héros ordinaires, qui n’ont pas hésité à braver les ordres ineptes d’une hiérarchie à la solde de l’occupant, qu’est consacrée l’exposition “ Désobéir pour sauver “ que nous découvrirons ensemble tout à l’heure. Au-delà des 54 policiers et gendarmes français officiellement déclarés “ Justes parmi les Nations “, combien ont oeuvré dans l’ombre pour porter sous l’uniforme les valeurs d’humanité ? Ce sont autant de femmes et d’hommes qui ont agi dans l’honneur et qui permettent à leurs successeurs de porter l’uniforme avec dignité. Dans le corps préfectoral aussi, le meilleur et le pire se sont côtoyés, à l’image de Jean MOULIN et de René BOUSQUET, l’un préfet d’Eure-et-Loir, et l’autre préfet de la Marne, ont choisi des parcours radicaux et radicalement opposés. On retrouve dans le saint-amandois cette complexité des trajectoires. En novembre 1940, le sous-préfet de Saint-Amand-Montrond GLAPEYRIE, est jugé peu sûr par le gouvernement de Vichy et remplacé par René DUTILLEUL-FRANCOEUR. .../... Mercredi 5 mai 2010 Je pense, pour ne reprendre que cet exemple local, au lieutenant DECHAVANNE, de la compagnie de gendarmerie de Saint-Amand-Montrond, membre du service renseignement de l’ORA, l’organisation de résistance de l’armée. 42 DISCOURS CATHERINE DELMAS COMOLLI (suite) Préfet du Cher lu par Francis BLONDIEAU, Sous-Préfet de Saint-Amand-Montrond .../... Zélé, ce dernier établira un fichier des - je cite - “ israélites étrangers de sexe masculin résidant dans la zone libre du département du Cher “. C’est à partir de ce fichier qu’il fera procéder à des rafles, notamment en février et août 1942. Que dire, encore, du milicien Joseph LECUSSAN qui, par ordre de mission du secrétaire d’Etat à l’intérieur Joseph DARNAND, chef de la Milice, s’autoproclame sous-préfet de Saint-Amand-Montrond ? Cet homme brutal, assassin des époux BASCH, ancien chef régional de la Milice à Lyon, sera à l’origine de la tragédie sanguinaire des Puits de Guerry, avec l’aide du milicien PAOLI. Mais son action criminelle, jugée et reconnue comme telle à la Libération, doit-elle effacer l’action courageuse de Pierre LECENE, sous-préfet de Saint-Amand-Montrond ? D’octobre 1943 à mai 1944, date à laquelle il est arrêté et déporté à Dachau, ce jeune fonctionnaire sera membre du réseau Combat et participera au noyautage de l’administration locale dans la perspective de la Libération. L’oeuvre criminelle de LECUSSAN doit-elle aussi faire oublier l’engagement de François VILLATTE, secrétaire principal de la sous-préfecture, qui prend la succession de LECENE avant l’arrivée de LECUSSAN ? La force de l’exemple et le choix de l’espoir. Oui, le passé de la France durant cette période a été trouble. Mais, “ le péril s’évanouit quand on ose le regarder “ nous enseigne avec sagesse Chateaubriand dans ses Mémoires d’outre-tombe. Une fois le péril évanoui, car nous avons su ici comme ailleurs regarder le péril en face, que reste-t-il ? Il reste ces femmes et ces hommes ordinaires qui ont eu le courage de se dresser contre la barbarie de l’oppression. Il reste mesdames LABUSSIERE, LASNE, MERCIER, VIGNE, ZEMMOUR. Il reste vous, Pierrette JURVILLIER, qui symbolisez par votre seule présence tant de courage, d’abnégation et d’humanité. Vous qui incarnez ces femmes et ces hommes qui ont choisi, au péril de leur vie, de garder les yeux ouverts dans la nuit nazie, de se dresser en silence contre l’indifférence, la lâcheté et l’obscurantisme. Mercredi 5 mai 2010 Il reste les époux LANEURIE, BOISSERY, BOYAU, FAGNOT. .../... 43 DISCOURS CATHERINE DELMAS COMOLLI (suite) Préfet du Cher lu par Francis BLONDIEAU, Sous-Préfet de Saint-Amand-Montrond .../... Les Justes n’ont écouté que leur coeur pour ouvrir la porte d’une ferme ou d’un simple cabanon au fond des bois à des enfants juifs échoués auprès d’eux par le ressac d’une histoire tourmentée. A travers la célébration des Justes, c’est un courage de tous les jours, une force de caractère ordinaire, une générosité spontanée, que l’institut Yad Vashem, et finalement l’Humanité toute entière derrière lui, reconnaît, défend et perpétue. A l’oppression, la barbarie et la folie meurtrière, les Justes ont opposé des valeurs universelles. Aujourd’hui, à Saint-Amand-Montrond, nous entrons ainsi en résonance avec les martyrs de Rilleux-la-Pape et d’Oradour-sur-Glane, avec les maquisards du massif des Glières, avec les français libres de l’île de Sein et de Londres, avec les combattants de la France libre dans le désert de Lybie. Vous l’avez dit, M. le Maire : “ le bien doit faire du bruit “. Le bien doit faire du bruit contre l’oubli. Le bien doit faire du bruit pour la mémoire. Le bien doit faire du bruit pour l’espoir. C’est en effet de notre responsabilité collective de faire, et nos enfants après nous, le choix de l’espoir. L’espoir laissé en héritage par tous ces “ combattants sans arme ” que sont les Justes. Il reste les témoignages irremplaçables, comme celui de Pierrette JURVILLIER ou de Simone VEIL, ou d’autres plus anonymes, la force de cette parole imprescriptible de ceux qui ont souffert. L’espoir, enfin, offert en cadeau aux générations futures. A nous d’honorer ces commémorations pour perpétuer la mémoire d’une histoire qui ne doit pas bégayer. Les associations veillent et se battent au quotidien pour que la flamme du souvenir et de la dignité humaine ne s’éteigne jamais. Qu’elles soient ici remerciées de leur action. “ Parce qu’un homme sans mémoire est un homme sans vie, un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir “. C’est par ces mots empruntés au héros de la Marne, le maréchal FOCH, qu’il me semble le plus juste de rendre l’ultime hommage à celles et ceux qui ont combattu, souffert et péri pour que nous soyons libres. Leur mémoire est, n’en doutons pas, notre avenir. Vive la République, Vive la France ! Mercredi 5 mai 2010 L’espoir, aussi, porté sur le front par tous les combattants de la liberté, les FFI, les FTP, le 1er régiment d’infanterie et tous les autres. A ces soldats, à ces résistants, ces maquisards qui ont libéré Saint-Amand-Montrond le 6 juin 1944, nous devons une France libre, en paix et fière de son histoire. 44 “ MESSAGE Mercredi 5 mai 2010 de Peter Amadeus SCHNEIDER Burgermeister de NOTTULN 45 MESSAGE Peter-Amadeus SCHNEIDER Maire de NOTTULN 30 avril 2010 Sehr geehrter Herr Bürgermeister, verehrter Herr Kollege, lieber Thierry, Zu meinem groBen bedauern muss ich des Zeremonie zur Inaugurierung der “Esplanade des Justes” fernbleiben. In meiner persönlichen Verbundenheit mit der Stadt Saint-AmandMontrond und in der warmherzigen Freundschaft zu Dir, lieber Thierry, empfinde ich das als schmerzhaft. Ich bitte herzlich um Verständnis, dass dienstliche Verplichtungen mich vom Besuch abhalten. Das Zeichen, welches in Saint-Amand-Montrond durch diese Verbindung zu Yad Vashem gesetzt wird, ist überaus beachtlich und reicht weit über die Stadt und die Region hinaus. Es ist ein überzeugender Beweis für einen ehrlichen und weitsichtigen Umgang mit der Geschichte. Und es ist gleichzeitig ein Symbol, das Kraft bringt in dem Bemühen, in der Zukunft der Menschen nie wieder einen Terror zuzulassen, wie er in der Mitte des vorigen Jahrhunderts von deutschem Boden aus gegangen ist. Dieser Impuls, der von Dir gesetzt wird, ist nicht nur für Frankreich wichtig. Er ist auch hilfreich für den Umgang der Deutschen mit der deutschen Vergangenheit und segensreich für die gemeinsame verantwortungsvolle Gestaltung der Zukunft. Nimm hierfür bitte meinen Dank und meine Hochachtung entgegen, die ich Dir im Namen der Bürgerinnen un Bürger von Nottuln über mitteln möchte. Ich freue mich sehr auf unsere Begegnung im Juli und sende herzliche GrüBe. A mon grand regret je ne pourrai pas assister à la Cérémonie de l’inauguration de l’”Esplanade des Justes”. Mon attachement personnel avec la ville de Saint-Amand et l’amitié chaleureuse qui nous lie, décuple le regret de nie pouvoir être avec vous à cette occasion. Ta bienveillante compréhension saura prendre en compte les obligations professionnelles qui empêchent ma visite. Le signe que la ville de Saint-Amand-Montrond a voulu donner, en lien avec Yad Vashem, est très important et rayonne bien au delà de la ville et de la région. C’est une action très convaincante et déterminante pour une transmission honnête et prévoyante de l’histoire. Et c’est en même temps un symbole qui donne de la force pour ne plus jamais laisser place à la terreur dans l’avenir des hommes, comme celle qui a eu son origine sur la terre allemande dans le milieu du siècle dernier. Cette impulsion, que tu as initiée, n’est pas seulement importante pour la France. Elle est aussi une aide pour les Allemands et leur faculté d’appréhender le passé, elle est également bénéfique dans le développement responsable de l’avenir. Reçois pour tout ceci mes remerciements et mon respect que je te transmets au nom des habitantes et des habitants de Nottuln. Je me réjouis de notre rencontre en juillet prochain et t’adresse mes chaleureuses salutations. Avec mon attachement personnel et en toute amitié. Peter-Amadeus Mercredi 5 mai 2010 Cher Monsieur le Maire, Cher Collègue, Cher Thierry, 46 MESSAGE Ursula BOLDT UBNER Maire adjoint de NOTTULN 5 mai 2010 Monsieur le Maire Thierry VINÇON, Monsieur Didier CERF, délégué du Comité Français de Yad Vashem, Monsieur le Ministre SHLOMO MORGAN, Mesdames, Messieurs, C’est pour moi un honneur extraordinaire de pouvoir participer à cette cérémonie. Je vous transmets les saluts des citoyennes et citoyens de la commune de NOTTULN, ainsi que ceux de notre Maire, Monsieur Peter Amadeus SCHNEIDER. Ce jour est une preuve des sentiments forts d’amitié entre les citoyennes et citoyens de Nottuln et leurs amis de Saint-Amand-Montrond. Le nom de Yad Vashem est lié aux victimes et aux héros de l’holocauste. Les dernières actions de guerre sur le sol européen remontent maintenant à plus d’un demisiècle, mais la mémoire ne doit jamais se taire, pour conserver la paix de toutes nos forces. Jamais les idées du nazisme ne doivent maîtriser la société. C’est une obligation indélébile, surtout pour le peuple allemand. Yad Vashem : le nom rappelle les victimes innombrables de l’holocauste. N’oublions jamais toutes les victimes innombrables de l’holocauste. N’oublions jamais toutes les victimes : elles étaient des millions ! Yad Vashem : le nom rappelle aussi les héros, ces gens qui ont souvent aidé au péril de leur vie. Chaque souvenir de la terreur qui est partie du sol allemand est un sentiment de honte. Et nous sommes reconnaissants que des mains amies nous furent tendues. Ces mains de l’amitié nous ont aidé et nous aident à maintenir le souvenir des victimes, et le souvenir des Justes qui sont honorés aujourd’hui avec “l’Esplanade des Justes”. Les citoyennes et citoyens Nottulnois sont reconnaissants à leurs amis Saint-Amandois de les faire participer à cette cérémonie. Tenons ensemble cette flamme de la mémoire et du souvenir vivante, afin que nos descendants puissent continuer de vivre dans la paix et dans l’amitié ! Je suis heureuse d’être parmi vous aujourd’hui. Merci Mercredi 5 mai 2010 On ne connaît pas tous les noms des Justes, parce que certains sont restés anonymes. Nous sommes reconnaissants à ceux qui ont dit “non” à la barbarie, mais qui ont dit “oui” pour en sauver d’autres. Pour nous, les représentants de Nottuln, ce jour est marqué de trois sentiments : Le sentiment de la honte, le sentiment de la commémoration et le sentiment de la gratitude. 47 INAUGURATION DE L’ESPLANADE DES JUSTES PARMI LES NATIONS DÉVOILEMENT DE LA PLAQUE “ ESPLANADE DES JUSTES PARMI LES NATIONS ” par Jean-Yves LANEURIE, Thierry VINÇON Didier CERF, Shlomo MORGAN et Paul SCHAFFER Mercredi 5 mai 2010 DECOUVERTE DE LA STÈLE par Pierrette JURVILLIER, Thierry VINÇON, Didier CERF, Shlomo MORGAN et Paul SCHAFFER 48 Mercredi 5 mai 2010 INAUGURATION 49 50 VERNISSAGE DES EXPOSITIONS “Ce ne sont pas des jeux d’enfants” Mercredi 5 mai 2010 “Désobéir pour sauver” 51 EXPOSITION PÉDAGOGIQUE “CE NE SONT PAS DES JEUX D’ENFANTS” Une exposition pédagogique transmise par le Musée de YAD VASHEM, composée de dix-sept panneaux illustrés de photos et de dessins authentiques. Sur les six millions de Juifs qui furent assassinés pendant la Shoah, un million et demi étaient des enfants. Cette exposition pédagogique nous fait pénétrer dans le monde de ces jeunes martyrs. Elle n’est pas centrée sur l’aspect historique ou sur la description de la violence infligée. Au contraire, elle raconte l’histoire de rescapés, celle d’enfants ayant lutté pour rester en vie. Elle montre que c’est l’imaginaire et la créativité qui, pour cette jeune génération, ont constitué la principale force de résistance à la barbarie. Mercredi 5 mai 2010 Ce message s’adresse d’abord aux générations futures, chargées de préserver la mémoire du passé pour forger un avenir meilleur. 52 EXPOSITION PÉDAGOGIQUE “Ce ne sont pas des jeux d’enfants” LES ENFANTS PENDANT LA SHOAH, CRÉATIVITÉ ET JEU Pendant la Shoah, ce sont environ six millions de Juifs qui ont été exterminés, dont un million et demi d’enfants. Seuls quelques milliers d’enfants ont pu survivre. La Shoah les a dépouillés de leur enfance certes, mais paradoxalement, ils sont tous restés des enfants, ceux qui ont péri, bien sûr, mais aussi ceux qui ont pu survivre. Malgré leur jeune âge, ils ont été amenés par les circonstances à prendre des responsabilités d’adulte. Certains devaient gagner leur vie pour subvenir aux besoins de la famille, mais pour tous, ils étaient là pour donner du courage et de l’espoir à leurs parents qui devaient continuer un combat désespéré pour simplement tenter de survivre, un jour après l’autre. Mercredi 5 mai 2010 Pourtant chaque fois qu’ils avaient l’occasion de se comporter comme des enfants de leur âge, ils jouaient, riaient, inventaient des jeux et exprimaient leurs peurs et leurs espoirs. 53 EXPOSITION PÉDAGOGIQUE “Ce ne sont pas des jeux d’enfants” Un rêve Lorsque je serai grand, quand j’aurai vingt ans, Je partirai à la découverte de ce monde enchanté Je prendrai place dans un oiseau à moteur Et je m’élèverai tout en haut dans le ciel. Je volerai, je naviguerai, je planerai Au dessus du monde lointain si beau Je suivrai le cours des rivières et passerai sur les océans Je m’élèverai dans les cieux où je m’épanouirai, Un nuage pour soeur et le vent pour frère. Pendant la Seconde Guerre mondiale (1939/1945) les nazis, avec l’aide de leurs complices, ont regroupé et enfermé les Juifs dans les quartiers réservés, des guettos, pour les séparer du reste de la population. Ils ne pouvaient sortir du guetto que sur autorisation spéciale. Ces ghettos étaient surpeuplés (les pièces étaient occupées par une quinzaine de personnes) et il y régnait des conditions de vie atroces où la famine, la saleté et le froid étaient des ennemis mortels. En deux ans, plus de 85 000 Juifs parmi les 450 000 qui y étaient entassés ont péri dans le plus grand des guettos, celui de Varsovie. Beaucoup d’enfants étaient mis à contribution pour se procurer à manger en acceptant n’importe quel travail et parfois en rapportant de la nourriture volée à l’extérieur du guetto. En même temps, les adultes déployaient des efforts surhumains pour continuer à éduquer les enfants et pour tenter d’organiser des activités pour les jeunes. Je m’extasierai en voyant l’Euphrate et le Nil Je verrai les pyramides et le Sphinx De l’Egypte ancienne où Isis était déesse Je volerai au dessus des chutes du Niagara Et m’enfoncerai dans les dunes de sable du Sahara. Je me laisserai dériver jusqu’aux falaises parsemées de nuages du Tibet, Et la terre mystérieuse des magiciens Et lorsque je sortirai De la vague de chaleur étouffante Je déambulerai dans les icebergs du Nord. Sur des ailes je survolerai la grande île aux kangourous Et les ruines de Pompéi Et la terre sainte de l’Ancien Testament Et la terre du grand Homère Je volerai lentement, lentement planant paresseusement. Et ainsi, entouré des merveilles de ce monde Je me lancerai vers les cieux où je m’épanouirai, Un nuage pour soeur et le vent pour frère. Extrait d’auto légende, recueil de poèmes d’un jeune homme du guetto de LODZ par Abraham KOPLOWICS. Des aquarelles peintes par Nelly TOLL dans le ghetto de LVOV, illustrent des histoires que sa mère lui racontait. Les dessins représentent des scènes de sa vie avant la guerre. Mercredi 5 mai 2010 LES GHETTOS 54 EXPOSITION PÉDAGOGIQUE “Ce ne sont pas des jeux d’enfants” DANS LES CAMPS Adieu Gerta, ma poupée ! Vers la fin de la guerre, les enfants furent transférés du camp de GURS vers CHÂTEAU FLEURI, une résidence dans le Sud de la France appartenant à l’organisation Cimade. Je te quitte le coeur lourd, je ne sais pas si je fais bien de te donner à une dame inconnue de Yad Vashem. Tu continueras désormais ta vie parmi des objets tristes qui ont appartenu à des personnes et des enfants que tu ne connaissais pas et tu vivras parmi leurs souvenirs... Peut-être pourras-tu raconter aux gens d’aujourd’hui et surtout aux enfants ce que tu as vu et où tu as été avec moi une histoire triste mais heureuse à la fois puisque j’ai survécu... Ma chère Gerta, tu seras le dernier témoin d’une enfance terrible. J’espère qu’aucun enfant, nulle part, n’aura à passer par ce genre d’expérience... Peut-être un jour irai-je te rendre visite. Mes parents et mes grands parents n’ont d’autre tombe que Yad Vashem. Mes enfants et mes petits enfants iront peut-être te voir et tu te sentiras moins seule làs-bas. Peut-être encore rencontreras-tu des jouets et des poupées qui sont passés par des endroits plus pénibles que toi mais qui auront aussi survécu. Ma chère poupée, tu es devenue aujourd’hui une partie intégrante de mon peuple, qui s’est relevé des cendres et du feu comme un phénix. Tu seras toujours en mon coeur. Pendant la Seconde Guerre mondiale, de nombreux nouveaux camps de transit ou de travail furent créés en Europe. Dans ces camps passèrent des centaines de milliers de prisonniers dont beaucoup périront. Les camps de travail regroupaient des détenus Juifs et non Juifs astreints à des travaux forcés. Les camps de transit, comme Westerbork et Drancy étaient des points où les Juifs étaient réunis avant leur déportation vers les camps d’extermination. Extrait d’une lettre d’adieu écrite par Eva MODVAL-HAIMOVITCH à sa poupée Gerta avant d’en faire don à Yad Vashem. La poupée Gerta a appartenu à Eva MODVAL DE STGYORGY, en Transsylvanie. Gerta a accompagné Eva aux camps de Tolonc et Kistarcsa en Hongrie, où elle a été emprisonnée avec sa mère pendant la guerre. La poupée était la meilleure amie d’Eva et le seul témoin des moments agréables que la famille a passés avant la guerre, comme des moments difficiles qui ont suivi. Eva a immigré en Palestine en 1945. Mercredi 5 mai 2010 Dès leur arrivée au pouvoir, les nazis établirent des camps de concentration pour y regrouper tous ceux qu’ils considéraient comme indésirables, y compris nombre de Juifs. 55 EXPOSITION PÉDAGOGIQUE “Ce ne sont pas des jeux d’enfants” LE BLOC 31-B11b Le bloc des enfants au camp des familles d’Auschwitz-Birkenau LES CAMPS D’EXTERMINATION Entre 1941 et 1942, les nazis construisent six camps d’extermination sur le sol polonais: Auschwitz-Birkenau, Belzec, Chelmno, Treblinka, Madjanek et Sobibor. Les camps avaient été conçus comme camps d’extermination. Plus de trois millions de Juifs y laisseront leur vie. Pendant plusieurs mois, de septembre 1943 à juin 1944, une expérience se déroulera dans le camp d’Auschwitz-Birkenau. Juste en face des fours crématoires, les nazis établirent un camp provisoire pour un millier de familles de Theresienstadt qui arrivèrent dans deux transports successifs. Les centaines d’enfants de ces familles étaient regroupées pendant la journée dans l’un des baraquements pour des activités organisées : ils y étudiaient, jouaient, chantaient. Le créateur et fondateur de ce concept était Freddy Hirsch, qui dirigeait les activités avec l’aide de jeunes animateurs. Mais ce fut de courte durée, les enfants, comme la plupart des membres de leur famille et presque tous les animateurs qui les avaient encadrés furent assassinés six mois après leur arrivée au camp. Mercredi 5 mai 2010 Freddy Hirsch (à l’extrême droite) regarde le spectacle d’un magicien sur un terrain de sport, à Prague en 1941. 56 EXPOSITION PÉDAGOGIQUE “Ce ne sont pas des jeux d’enfants” “Je suis née en 1938. Quand j’avais quatre ans je me suis retrouvée seule au monde. Mes parents sont morts dans la Shoah et m’ont placée chez des gens qui m’ont cachée. Je voudrais vraiment vous faire don de quelque chose qui m’a appartenu, et, certes ceux qui m’ont recueillie et cachée m’ont acheté des jouets qui avaient un parfum dont je me souviens encore aujourd’hui. Une fois, c’était Noël, ils m’ont offert la poupée dont je rêvais. Mais le soir même, j’ai passé ma colère sur elle, en la démembrant méthodiquement. Parfois, j’étais punie et je n’avais plus le droit de jouer avec des jouets. J’avais seulement la permission d’aller dans la cour. Je me souviens d’avoir trouvé un tas de sable et j’y jouais. Comme il était impossible de faire des pâtés avec du sable sec, j’ai fait pipi dans le sable pour pouvoir faire des formes. Voilà, ai-je alors pensé, personne ne peut me prendre cela. Et maintenant que me reste t-il à vous remettre en témoignage ? Rien.” Extrait d’une lettre d’Eva Farkash, Avril 1997 Après la guerre, des centaines de milliers de survivants, y compris des centaines d’orphelins émergent des ruines d’une Europe détruite et cherchent à reprendre une vie normale. Pour certains, rentrer chez eux paraissait être la solution, mais pour la plus grande partie, c’était impossible car leur famille avait complètement disparu. Les Alliés établirent des camps pour personnes déplacées en Allemagne, en Autriche et en Italie. Ce n’est que très progressivement que ces survivants recommencèrent à vivre. Certains se marièrent, et parfois même eurent des enfants. Pour les enfants dans ces camps, des orphelinats avec des écoles furent créés et un système de recherche mis sur pied pour tenter de localiser d’éventuels survivants de leur famille. Sur les 250 000 personnes qui furent regroupées dans ces camps pour personnes déplacées, 160 000 s’installeront par la suite en Israël. Photographie prise au port de Haïfa en été 1945. Lolek, huit ans, libéré du camp de Buchenwald aggripe le fusil que vient de lui offrir un officier américain Juif en guise de jouet, un vieux fusil dont le mécanisme de tir a été retiré. Lolek n’est autre que le Grand Rabbin Lau, quand il était enfant. Il est arrivé en Israël avec son frère aîné Naftali (Lavie). Mercredi 5 mai 2010 UNE NOUVELLE VIE Eva PROMMOR-FARKASH de Bratislava, Slovaquie, a perdu sa famille en 1943 et a été cachée par Emo et Nelly VANELI. Pendant son séjour chez eux, une petite fille Katka naquit dans la famille. Lorsque les Juifs de Slovaquie furent déportés et envoyés dans les camps d’extermination à l’automne 1944, la famille VANELI envoya Eva chez la mère d’Emo, Madame GEIER, avec laquelle elle est restée jusqu’à la fin de la guerre. Emo GEIER a reçu le titre de Juste parmi les Nations. 57 58 59 60 61 62 VILLE DE SAINT-AMAND-MONTROND OFFICE NATIONAL DES ANCIENS COMBATTANTS ET VICTIMES DE GUERRE COMITE FRANÇAIS POUR YAD VASHEM