l`ouragan nuit du 15 au 16 octobre 1987

Transcription

l`ouragan nuit du 15 au 16 octobre 1987
En matière de météorologie, l’ouragan
des 15 et 16 octobre 1987, restera un
évènement majeur. Le tracé isobarique
de la situation des 15 et 16/10/1987, le
relevé des rafales maximales enregistrées, montrent à l’évidence la violence
d’un tel phénomène.
La qualité des modèles de prévisions
numériques, le suivi et surtout l’anticipation du phénomène dès le lundi 12
octobre 1987 ont permis d’éviter le pire
à savoir des pertes humaines en nombre,
les vents maximums ont eu lieu la nuit
du 15 au 16/10/1987 entre 23 h 30 et 2 h
30 évitant de surprendre les habitants.
La couverture médiatique, de la presse
écrite locale et régionale, ainsi que les
relais officiels des bulletins de pré-alerte
et d’alerte aux services préfectoraux ont
bien fonctionné dans l’ensemble.
Les réflexions sur l’évènement à posteriori ont sans doute contribuer à la mise
en place de messages d’alerte que diffuse aujourd’hui les médias télévisés.
Nous noterons que les moyens de communications tout azimut d’aujourd’hui
sont sans commune mesure avec ceux de
1987. Si l’ampleur de l’événement météorologique majeur que constitue un
ouragan, dépasse bien évidemment le
stricte cadre local brestois il nous semblait indispensable d’en consacrer quelques lignes dans l’historique de la météorologie de Brest-Guipavas.
L’OURAGAN
NUIT DU 15 AU 16
OCTOBRE 1987
C’est un évènement exceptionnel
qui a frappé la Bretagne et le Basse Normandie dans la nuit du 15 au 16 Octobre
1987 et qui a marqué à jamais l’esprit
des habitants de ces régions en servant
de repère dans la mémoire collective.
Dés le lundi 12 octobre nous surveillons une petite dépression tropicale,
résidu du cyclone FLOYD, qui circulait
lentement vers les Açores.
Le mardi 13 octobre, nos collègues
anglais diffusaient une carte prévue à
échéance de 48 heures très pessimiste
avec un creusement spectaculaire de
cette dépression qu’ils situaient en Manche le vendredi. Cette prévision correspondait à notre analyse car les cartes
prévues à 500 hPa montraient q ’une
descente froide venait à la rencontre de
l’air tropical véhiculé par la dépression.
La conséquence de ce conflit de masse
d’air serait un creusement important
dans les parages des Açores.
Dans la soirée, une pré-alerte avait
été envoyée vers les préfectures, aux
services de sécurité et à la presse mentionnant notre inquiétude au sujet de l’évolution de la situation générale
vers « un fort coup de vent » prévisible en après-midi du jeudi 15 octobre. A partir de ce moment et contre l’avis du service de prévision générale nous persistions dans notre analyse car les documents prévisionnels d’altitude demeuraient très pessimistes. Nous suivions l’évolution de la situation et le pointage des observations de
navires sur la norvégienne devenait une préoccupation de tous les instants.
Le mercredi matin le TELEGRAMME signalait : « attention un coup de vent important se produira dans
l’après-midi de jeudi ».
Le jeudi matin une intense réflexion était engagée dans toute l’équipe de service autour du prévisionniste H.
Madec qui aura la lourde charge de rédiger les bulletins d’alerte. A la suite de notre pré-alerte les autorités
avaient déjà pris les mesures de sécurité adéquates.
Au réseau de 12 utc les observations pointées sur la Portugal et le proche Atlantique ne laissaient plus de
place au doute quant à l’éminence de l’aggravation très importante sur l’ouest du pays en soirée. C’est dans cet
état d’esprit qu’était rédigé le dernier bulletin de prévision avec mention de rafales de vent pouvant atteindre ou
dépasser les 150 Km/H. Ce niveau de force de vent en rafales était assez exceptionnel dans nos régions. H. Madec avait du mal à franchir ce seuil dans le texte car on pouvait déjà imaginer les conséquences de tels vents. Il
faut se rappeler également que le service était en grève à partir de la relève de nuit et donc tout le personnel
présent avait fait le maximum pour assurer sa mission de sécurité relatif au service public que représente la météorologie. Heureusement que nous avions commis une petite erreur sur l’heure d’arrivée de l’ouragan et ce
léger retard a sauvé certainement des vies humaines car les habitants étaient chez eux. Le Morbihan et le Finistère furent touchés durement entre 22 et 23 heures, alors que le coefficient de marée était de 29 (ironie du sort
c’est le n° du département).
Vers 22 heures le vent était quasiment nul et la température de l’ordre de 19°. Brutalement les bourrasques
dévastatrices étaient arrivées et la dépression génératrice se situait entre Ouessant et Brest avec une valeur de
947 hPa valeur la plus basse jamais enregistrée en France métropolitaine. Les coupelles des anémomètres des
sémaphores allaient s’envoler les unes après les autres entre 23H et 01 heures sous l’impact de violentes rafales
de vent dépassant les 190 Km/H. Vers 4 heures les vents commençaient à faiblir car la dépression s’était déplacée en Manche et ses conséquences affectaient désormais le Basse-Normandie.
Durant cette nuit d’apocalypse les installations de l’opération « Front 87 » avaient souffert .Le Fokker de la
Postale avait été malmené car après une tentative de décollage, le retour au parking fût des plus laborieux et
dangereux. Le vol PARIS-BREST de 21H35 qui avait décollé d’Orly malgré notre alerte, fût rapidement dérouté vers Nantes d’où les passagers furent reconduis, en pleine tourmente, vers Brest par bus après un trajet de
quelques 6 heures. Certains passagers doivent encore s’en souvenir !!!
Au lever du jour les habitants hagards constataient progressivement l’ampleur de la catastrophe :
Toitures arrachées, arbres déchiquetés ou abattus, exploitations agricoles et les cultures ravagées, les ports de plaisances détruits, les routes impraticables, les distributions électriques interrompues, les lignes téléphoniques
hors d’usage, les panneaux routiers envolés, les cabines téléphoniques explosées. En bref un spectacle de désolation.
La demi-douzaine de victimes à déplorer ont été la conséquences d’imprudences individuelles après le passage de l’ouragan.
Aujourd’hui encore nous pouvons nous poser la question de savoir pourquoi le plan ORSEC n’avait pas été déclenché après cette catastrophe qui n’a pas eu de retentissement médiatique national.
Devant un tel phénomène météorologique nous gardons surtout un sentiment d’humilité voire d’impuissance
face aux déchaînements de violence de Dame Nature, mais nous conservons la fierté d’avoir accompli notre
mission de service public.

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