Article pdf Orne Hebdo

Transcription

Article pdf Orne Hebdo
La région en parle
L’ORNE HEBDO
MARDI 26 JANVIER 2016
www.orne-hebdo.fr
4
A Alençon, l’avenir pourrait
passer par l’hydrogène
ÉNERGIE.
Un projet normand, financé par l’Union européenne, vise à développer les voitures et les stations à hydrogène. Une énergie
propre, produite localement et qui permettrait aux véhicules électriques de gagner en autonomie.
Et si l’avenir de la voiture
électrique passait par l’Orne ?
La Chambre de commerce et
d’industrie d’Alençon participe
à un projet de développement
des stations et des véhicules à
hydrogène en Normandie.
« C’est une tendance qui
est en train de monter, complémentaire des véhicules
électriques pour ce qui est
hors de l’urbain », présente
Jean-Yves Pottier, responsable
des infrastructures à la CCI.
« C’est un projet qui a vu le
jour au sein du conseil général de la Manche. L’idée de
base, c’est de valoriser les excédents d’électricité produite
par les éoliennes en les stockant sous forme d’hydrogène.
Une énergie qu’on peut alors
retransformer en électricité
par le biais d’une pile à combustible. »
Changement
de philosophie
mais pas d’habitudes
Expérimentés sous forme
de kit, ces piles à combustible
peuvent permettre d’accroître
l’autonomie des véhicules électriques. À condition de développer les voitures et les stations à
hydrogène. Séduite par le projet
manchois, la Région, aidée par
l’Union européenne, cherche à
développer l’hydrogène dans le
secteur.
Pendant un an, cette mission a été celle de Bruno Cairon
lorsqu’il était directeur exécutif
d’EHD2020, une association
regroupant des grands industriels, des start-up, des collectivités, des PME, et financée par
le conseil départemental de la
Manche.
« On est en train de créer
une filière avec un fonctionnement qui ne change pas
nos habitudes mais avec un
changement de philosophie
puisque ce sont des véhicules
propres qui ne rejettent que
de l’eau », souligne celui qui
est retourné travailler depuis le
1er janvier à DCNS, à Cherbourg.
« C’est la start-up Symbio
FuelCell qui assure le contact
auprès des collectivités pour
Une voiture à hydrogène, berline (en haut) ou utilitaire (en bas), se recharge à une station qui ressemble à une station-essence. En bas : la pile à combustible, qui
permet de retransformer l’hydrogène en électricité. À droite : Jean-Yves Pottier, de la CCI d’Alençon. C’est lui qui porte le projet pour l’Orne. Crédits : CD50/Air
Liquide/SymbioFCell
développer les véhicules et
les stations », poursuit Bruno
Cairon. « Parmi ces véhicules,
il y a la Renault Kangoo ZE
avec prolongateur d’autonomie qui est un utilitaire. » Les
collectivités peuvent aussi faire
le choix de berlines comme la
Hyundai ix35 ou la Toyota Mirai.
« Les kits à hydrogène permettent aux professionnels
et aux agents des collectivités de faire 350 km au lieu
de 120 km », illustre Jean-Yves
Pottier. « Et on fait le plein
en trois minutes à une borne
avec un pistolet. Comme avec
un carburant ordinaire. »
L’aire de la Dentelle
dans le viseur
« Le projet européen mise
sur des stations avec des
pressions de 350 bars, donc
plus orienté sur les véhicules
utilitaires », ajoute Bruno Cairon. « L’UE a décidé que le
bon maillage était celui des
Comment produire de l’hydrogène
dans l’Orne ?
Pour produire de l’hydrogène à l’échelle locale, il faut un électrocatalyseur « avec un
courant électrique qui, en passant dans
l’eau, cassera les molécules d’eau (H20), libérant l’oxygène dans l’air et l’hydrogène
qui sera stocké », indique Bruno Cairon.
« Un kilo d’hydrogène demande 16 litres
d’eau, restituée à un autre endroit, et
65 kWh. » Aujourd’hui, l’hydrogène coûte
10 € le kilo. « Sans les marges », précise
l’ancien directeur exécutif d’EHD2020. « Mais
ce coût devrait baisser d’ici dix ans à 7 ou
8 €, lorsque les stations seront plus nombreuses. »
Avec 1 kg d’hydrogène, on peut parcourir
100 km.
schémas routiers. Dans l’Orne,
l’A28 et l’A88 ont ce potentiel. » Notamment, des aires
d’autoroutes accessibles « de
l’intérieur et de l’extérieur,
comme l’aire de la Dentelle,
à Alençon, ou celle d’Argentan », note Jean-Yves Pottier.
Il s’agit alors de trouver des
voitures à plus ou moins 5 km de
ces stations. « En Allemagne,
ils ont mis en place des stations mais sans s’assurer s’il y
avait des voitures et ça a fait
un couac », poursuit Bruno Cairon. « L’UE a changé son fusil
d’épaule. Ils veulent bien financer 50 % des stations mais
il faut des voitures. »
Le projet normand compte 15
stations et court sur trois ans.
Pour un coût total de 8 millions
d’euros, dont 4 seront versés
par Bruxelles au conseil régional qui les redistribuera aux collectivités et aux entreprises qui
auront investi dans l’hydrogène.
« Quand tout sera en place,
vous pourrez aller de Cherbourg au Havre avec une station tous les 50 km », illustre
Bruno Cairon.
Un tel maillage est inédit en
France. Pour ce qui est des voitures, derrière Saint-Lô la pionnière, EHD2020 est en contact
avec plusieurs collectivités, de
Caen la Mer à Cherbourg-enCotentin. « Il est prévu des stations de 20 kg d’hydrogène
par jour. Dans un Kangoo, on
met 1,9 kg d’hydrogène. Il
faut donc de dix à quinze voitures par station sur les trois
ans. Ce projet est faisable. »
Il faut encore séduire
les entreprises
Dans l’Orne, fin novembre 2015, la CCI a invité
collectivités et entreprises à
une réunion de présentation.
« L’idée, c’est de trouver vingt
voitures à Alençon, ça peut
concerner la Ville, la CUA, les
pompiers et, de préférence,
quelques entreprises pour
accélérer la démocratisation
de l’hydrogène », rappelle
Jean-Yves Pottier. Aucune entreprise n’est venue. « Il faut
renouveler l’événement, démystifier l’hydrogène. On a
une carte à jouer pour faire
de la Normandie une région
de pointe et propre », martèle
Bruno Cairon. « On a besoin
des entreprises, on ne peut
pas demander aux collectivités d’investir en permanence.
Mais face au pétrole à 30 $
le baril, c’est dur de vendre
de l’hydrogène à 10 € le kilo,
même local. »
Car cette énergie exploitée dans l’Orne pourra être,
à terme, produite dans l’Orne
(lire ci-dessous). Un processus
qui permettrait au département
de « s’inscrire dans le cadre
de la transition écologique »,
conclut Jean-Yves Pottier. « C’est
de l’écologie concrète ».
Romain CHEVREUIL