BERLAGE HENDRIK PETRUS (1856-1934)

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BERLAGE HENDRIK PETRUS (1856-1934)
BERLAGE HENDRIK PETRUS (1856-1934)
Article écrit par Robert L. DELEVOY
L'architecture dense, opaque, sentimentale, structurellement ornée du Néerlandais Berlage indique l'une des
voies de recherche que l'architecture occidentale expérimente à la charnière de deux siècles pour tenter de
répondre aux requêtes de l'évolution sociale, aux appels de la technologie.
Projet pour l'entrée du Gemeentemuseum
Projet pour l'entrée du Gemeentemuseum de La Haye (Pays-Bas). Architecte : Hendrik Petrus
Berlage.(The Bridgeman Art Library/ Getty)
Berlage fait, en quelque sorte, le pont entre Richardson et Wright, aux États-Unis, et Pompe et Bodson en
Belgique : il associe la tradition artisanale au maniement de produits industriels, la rigueur (de la
composition) au sentiment (de la forme, de la substance, de la spatialité) pour donner sa pleine et entière
valeur au geste architectural, compris comme une structure de communication (sémiotique) chargée de
transmettre à l'homme-récepteur un régime plus ou moins étendu d'informations par l'intermédiaire d'un
code où se reconnaît le langage particulier de l'architecte. Ce langage est fondé sur l'emploi précis,
méticuleux d'un matériau régional, traditionnel, la brique, accessoirement associé à la pierre de taille et
traité au naturel (sans revêtement), et sur celui de divers éléments : le mur portant (traité comme surface
catégorique) ; la fenêtre étroite (couplée ou en triade) ; le pilier quadrangulaire en granit ; l'arc en plein
cintre fortement détendu (référence romane) ; la tourelle d'angle et le pan coupé (modèles empruntés à
Viollet-le-Duc) ; la console en triangle (référence romane) ; la tour-beffroi latérale (référence médiévale) ; le
traitement de la charpente en fer et de son vitrage, l'articulation du pan s'opérant généralement en fonction
d'un espace central, hall ou patio (Bourse d'Amsterdam, 1897-1903 ; villa Henny, La Haye, 1898 ; Musée
municipal, La Haye, 1933-1935), la poursuite d'équilibres neufs demeurant liée à la perception d'archaïsmes,
l'ensemble de ces facteurs visant toujours à obtenir un maximum de cohérence, de sobriété, d'authenticité
(« l'architecture traditionnelle, dit Berlage, est l'architecture du mensonge ») à partir de volumes pensés de
telle sorte qu'ils soient générateurs d'espaces pleins, denses, sensuels et sensualisés. « Nous devons revenir
à ce qui est authentique », affirme Berlage, « l'architecture doit être repensée dans ses fondements. L'art de
la construction reste celui d'assembler des éléments divers en un tout harmonieux pour enclore un espace.
Cette vérité fondamentale a été oubliée. » Cette architecture-volume, architecture cellulaire, génératrice
d'espaces fortement contenus par d'épaisses membranes aurait été, selon un confrère et compatriote de
Berlage, Michel de Klerk, trop étroitement liée à des vues utilitaires et trop asservie aux matériaux pour
exercer une influence culturelle. Il n'en demeure pas moins évident que ce n'est pas par hasard qu'elle a
stimulé, vers l'année 1912, Mies van der Rohe, l'un des grands représentants du futur style international. Ce
n'est pas davantage le hasard qui a conduit l'œuvre de Berlage à être tenue comme un système exemplaire
« modélisant » par les néo-plasticiens du Stijl, et Berlage lui-même à être considéré, dès 1900, comme le
chef de file de la rénovation architecturale hollandaise. On ne s'étonnera pas qu'il ait été appelé, en 1927, à
assister à la fondation des C.I.A.M. et, moins encore, qu'il ait refusé d'adhérer aux positions radicalement
fonctionnalistes et rationalistes de ce mouvement : car l'architecture organique de Berlage ne devait jamais
renoncer à incorporer à la modernité des modèles empruntés au passé médiéval ou renaissant. C'est à cette
attitude fondamentale qu'il faut attribuer sa manière de traiter l'édifice comme un monument, sa manière
d'orchestrer les volumes pour faire d'un bâtiment public ou privé un objet remarquable dans le paysage
urbain. Dans cette perspective, la Bourse d'Amsterdam, son œuvre maîtresse, conçue et construite avec la
vigueur, la concentration plastique et l'économie mécanique d'un temple roman, est aussi symbolique que la
Maison du peuple construite à Bruxelles à la même époque par Horta.
Robert L. DELEVOY

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