Polychromies secrètes : L`art gothique au musée

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Polychromies secrètes : L`art gothique au musée
Secondaire
Polychromies secrètes :
L’art gothique au musée des
Augustins
Nostre Dame de Grasse et la Crucifixion du Parlement de Toulouse sont deux oeuvres
exceptionnelles de la seconde moitié du XVe siècle toulousain.
Nostre Dame de Grasse est une sculpture polychrome réalisée dans les années 1460-1480 ;
elle aurait été destinée à orner la chapelle axiale, consacrée à la Vierge, de l’église du couvent
des Jacobins de Toulouse. Par la suite, l’œuvre aurait été déplacée dans le cloître des
Jacobins. Elle est entrée au musée à la fin du XVIIIe siècle ou au début du XIXe siècle
puisqu’elle est mentionnée pour la première fois dans le catalogue de 1805.
La Crucifixion du Parlement de Toulouse, habituellement désignée sous le terme de Retable du
Parlement de Toulouse, provient de la Grande Chambre du Parlement des Etats du Languedoc,
qui siégeait jadis dans le château Narbonnais, à l’emplacement actuel du palais de justice de la
ville. Il s’agit d’un des rares panneaux de bois peint dont l’origine toulousaine est ordinairement
admise. La datation 1460-1470 est la plus communément admise.
Créé par les humanistes de la Renaissance italienne, le terme de gothique désignait à l’origine
l’ensemble de la création médiévale et possédait un sens péjoratif. En effet, pour les Italiens du
XVIe siècle, ce terme désignait l'art des Goths c’est-à-dire des barbares. Pourtant, l’art français
prit naissance dans le domaine royal, le foyer capétien d’Île-de-France, au milieu du XIIe siècle.
A Toulouse, l’ère gothique débute symboliquement par la croisade contre les Albigeois qui
devait mettre fin à l’autonomie du puissant comté, balayant les fastes d’une cour éclairée par la
brillante culture des troubadours aux XIe et XIIe siècles. L'art gothique arrive à Toulouse au
XIIIe siècle seulement car le Midi restait très attaché à la tradition romane. Après une éclipse
d’un siècle, les sculpteurs méridionaux surent s’approprier les nouvelles formules gothiques et
développer un art de qualité marqué par la diversité et l’originalité.
Les collections de sculptures gothiques présentées dans les salles des XIVe et XVe siècles du
couvent des Augustins permettent de voir dans le même parcours des œuvres de l’époque
gothique et une architecture gothique. Le musée compte des œuvres de premier plan comme
les statues de la chapelle de Rieux ou Notre Dame de Grasse.
© Ville de Toulouse, musée des Augustins, service éducatif, (Anne-Laure Jover, Didier Michineau, 2006).
Secondaire
Présentation des collections
> La sacristie
Les tombeaux présentés dans la sacristie permettent d’étudier les différents types de sépultures
médiévales mais aussi les techniques de la sculpture. Les personnages sculptés offrent une
bonne illustration des catégories sociales, à l’exception des paysans bien sûr. Ils illustrent le
passage du monde roman, monastique et guerrier, au gothique urbain.
Un gisant est l’effigie funéraire en haut relief d’un personnage représenté couché sur une
tombe. La qualité du marbre de Gisant de Guillaume VI Durant, évêque de Mende a permis une
grande richesse du décor et fait de ce gisant un chef-d'œuvre de la gravure ciselée et désigne
un personnage très important proche de la cour du pape.
Anonyme, Gisant de Guillaume VI Durant,
évêque de Mende, XVe siècle.
Cliché : Daniel Martin
Anonyme, Vierge à l’Enfant dite
« du Comtat Venaissin », XIVe siècle
Cliché STC – Mairie de Toulouse
La Vierge à l’Enfant dite « du Comtat Venaissin » est un autre exemple de ces liens avec le
pouvoir religieux. L’image de la Vierge montre un mouvement, une perte de rigidité qui rappelle
les œuvres en ivoire. La traduction du sentiment et l’aspect plus rassurant des représentations
convenaient à la pratique intime et privée des chapelles qui vont se développer à l’âge
gothique.
> La Chapelle Notre Dame de Pitié
Notre-Dame-de-Pitié date vraisemblablement du début du XIVe siècle. Elle a sans doute été
“l’ecclesia antiqua”, le premier lieu de culte du couvent, avant la construction de “l’ecclesia
nova”, la grande église qui se fit, semble-t-il, par campagnes successives tout au long du XIVe
siècle .
Dans cette chapelle Notre-Dame-de-Pitié sont présentées des sculptures provenant d’une autre
chapelle toulousaine du XIVe siècle, malencontreusement détruite au début du XIXe siècle, la
chapelle Notre-Dame-de-Rieux appelée ainsi car l’évêque de Rieux , Jean Tissendier, l’avait fait
construire.
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© Ville de Toulouse, musée des Augustins, document realisé par le service éducatif, (A.-L. Jover, D. Michineau, 2006).
Secondaire
Les statues présentent toutes des caractères
communs : les drapés des vêtements sont
d’une virtuosité extraordinaire, la complexité
du traitement des barbes et des cheveux
sont d’une complexité peu réaliste, les
postures hanchées sont sinueuses à
l’extrême. Tous ces éléments produisent une
figuration assez peu réaliste, d’un grand effet
décoratif et quelque peu « maniériste ».
Toutes ces statues étaient peintes et
présentent des restes de polychromie.
Parmi les sculptures du maître de Rieux,
l’évêque fondateur a fait figurer deux fois son
Maître de Rieux,
L’évêque Jean
ère
Tissendier, 1 moitié
e
du XIV siècle.
Cliché : STC
Maître de Rieux,
Saint Louis de
ère
Toulouse, 1
moitié du XIVe
siècle.
Cliché : STC
image, en donateur et en gisant. Il s’agit de la
statue de Jean Tissendier en donateur,
agenouillé, et de son gisant. Cette double
image
de
l’évêque-mécène
peut-elle
permettre de poser le problème de la
renaissance du portrait disparu depuis la fin
de l’Antiquité ?
> La salle capitulaire
D’autres sculptures du musée, gothiques, annoncent les
changements qui s’opèrent à la fin du Moyen Âge comme
dans le Saint Michel terrassant le dragon. Bien qu’étant une
statue prévue pour être adossée, comme le montre son dos
plat, le Saint Michel amorce une rotation vers l’avant qui lui
permet de se développer en profondeur et de prendre
davantage possession des trois dimensions de l’espace. Les
courbes qui organisent cette scène évoquent l’idée de
mouvement.
Dans la sacristie sont présentées plusieurs pietà (du latin
PIETAS, qui signifie amour total et loyauté absolue). Sur le
panneau narratif de la Passion, la Vierge baise la main de son
fils. Une autre, de petit format montre la Vierge esquissant un
mouvement de recul. La Pietà de Candie, provenant de
l’ancienne église du même nom, (près de Toulouse) révèle une
Anonyme, Saint Michel
terrassant le dragon, fin du XVe
siècle. Cliché : STC
extrême fidélité à la nature. L’anatomie est rendue avec maîtrise et souplesse, notamment par
les muscles des épaules et le creux des aisselles. Dans la Pietà des Récollets, la Vierge est
intériorisée, toute à sa tristesse, les mains jointes, entourée par saint Jean à droite et tenant la
tête du Christ, Marie-Madeleine à gauche, avec son vase de parfum. Ces attitudes
profondément humaines et diverses sont très éloignées des représentations du Christ du
Jugement dernier de l’âge roman. Enfin Notre Dame de Grasse témoigne, elle aussi, de
l’extrême raffinement et de la sensibilité de l’art statuaire de cette fin de Moyen Âge.
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© Ville de Toulouse, musée des Augustins, document realisé par le service éducatif, (A.-L. Jover, D. Michineau, 2006).