Décembre

Transcription

Décembre
L’
EMILE
#79
Décembre 2014
www.lezola.com
ÉDITO
C-F Lemaître
Pour ce dernier numéro de l’année 2014, l’Emile amorce une
remontée du temps!
Retrouvons nous dans les années
1920-30, à la glorieuse époque
où Hollywood était considérée
comme une Babylone décadente
avec un nouveau dossier sur le
fameux code Hays qui régit pendant quelques décennies la production
cinématographique
américaine.
La contrainte, qu’elle soit financière, technique ou morale,
étant source de créativité vous
comprendrez, au fil de ce dossier, comment et pourquoi les
cinéastes de cette époque ont
réalisé des œuvres qui, aujourd’hui, sont devenus des classiques indémodables.
Autre voyage dans le temps,
avec Mr Turner, peintre visionnaire qui rejoint, avec le film de
Mike Leigh, Van Gogh, Bacon,
Vermeer... au panthéon des
peintres cinégéniques!
Alors bon voyage… et bonnes
fêtes!
SOMMAIRE #79
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Projecteur sur...
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Dossier: le code Hays
PROJECTEUR SUR : LA REINE DE SAINT JEAN...
Depuis le mois de septembre, une reine trône à Saint Jean. Hautaine, majestueuse et redoutable, elle règne sur son antre dans un murmure de chaînes et de grondements inquiétants... sortant d'une longue léthargie qui faillit lui être fatale, elle s'exprime en gestes lents
et posés, mais ne vous y trompez pas! Ses crocs gigantesques, sa mâchoire extensible et ses
griffes acérées n'attendent qu'un instant d’inattention pour vous transformer en incubateur... Elle, vous l'aurez reconnue, c'est la reine Alien. L'animatronic du film de James Cameron, Aliens : le retour, a élu domicile au musée de la miniature, rue Saint Jean.
La créature de 28 ans croupissait dans une arrière-cour des studios hollywoodiens lorsque
Dan Ohlman, le fondateur du musée et passionné de cinéma, l'a découverte. Acquise quasiment pour une bouchée de pain (au regard des 900 000 $ qu'elle a coûté au moment de sa
production!), elle a subi toutes sortes de traitements allant de l'injection de silicone au
«dégrippage» et au remplacement de ses articulations pour aujourd'hui.
Alien Queen est, à l'origine, issue de l'imagination torturée de l'artiste suisse H. R. Giger, qui
a transposé dans une version... maternelle la créature du premier opus de la saga.
Ce fut ensuite à l'artiste Stan Winston, spécialiste des créatures animatroniques multi récompensé aux Oscars qu'a échu, à l'époque, la lourde tâche de la construire et de l'animer.
Défi difficile que de rendre réaliste, crédible et organique une créature de plastique et de
boulons. Mais Stan Winston n'en était pas à son premier coup d'essai : souvenez-vous de la
créature arachno-humanoïde de The thing (John Carpenter, 1982). Il sera d’ailleurs récompensé, pour cette reine infernale, de l'oscar des meilleurs effets spéciaux.
Même si aujourd'hui Alien Queen est la pièce maîtresse de ce musée extraordinaire, elle ne
doit pas occulter toutes les autres merveilles exposées au public : décors grandeur nature,
maquettes de vaisseaux spatiaux, miniatures de villes dévastées, armes, costumes de
monstres, corps en morceaux et matte paintings, dévoilent un travail artistique et méticuleux indispensable à la magie d'un certain cinéma...
Loin de dévoiler des secrets de fabrication, ou de réduire des moments d'émerveillement à
de simples jeux de maquettes et de marionnettes, toutes les pièces exposées au musée nous
montrent que, même derrière le plus improbable des films de science fiction se cache une
armée de techniciens géniaux, d'artistes perfectionnistes auxquels le musée rend hommage
chaque jour.
Allez y, et retournez y, car, moyennant leur restauration, certaines pièces ne sont exposées
que temporairement.
L’ÉMILE ET VOUS
La Petite Rubrique
Dossier: le code Hays (suite)
Mr Turner
Mr Tuner (suite)
Une Beauté Vénéneuse
Le Mot d’Emile
QUI SOMMES NOUS ?
L’ÉQUIPE DE L’ÉMILE
Rédacteur en chef & mise en page:
Charles-Frédéric Lemaître
Rédaction : Jean-Guy Chaphard, Louis
Esparza, Ghislaine Guétat, Catherine
Lienart, Florence Poilevey
Relecture : Annette Alix, Dominique
Cossalter
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LA PETITE RUBRIQUE
En décembre, les films Jeune Public à l’honneur au Zola
La programmation Jeune Public du Zola
en cette fin d’année 2014 est très riche
avec trois films à découvrir en famille,
un magnifique dessin animé irlandais
inspiré des contes et légendes celtiques
et «Ciné-doudou», le rendez-vous des
tout-petits, à partir de 2 ans.
L’Histoire de l’ours Paddington
Dès le 3 décembre, Grizzly, le documentaire animalier de Disney vous fera découvrir une année de la vie d'une famille de grizzlys en Alaska et leur interaction avec la faune voisine : loups,
saumons, orques. Paysages grandioses
et plaisir des yeux assurés!
Tout a commencé à Noël 1956 à Londres. Michael
Bond, cameraman pour la BBC, écrivain à ses heures
A partir du 17 décembre, petits et grands prendront plaisir à retrouver le gaulois perdues, en rentrant chez lui, voit un petit ours en
préféré des français dans Astérix - Le domaine des Dieux.
peluche laissé seul dans un magasin. Il décide de
l’acheter et de l’offrir à sa femme. Ils le nomment
Paddington, comme la gare près de laquelle ils vivaient.
Le petit ours inspire Michael Bond. Il se met à écrire
l’histoire d’un ours élevé par sa Tante Lucy, au Pérou. Lorsque celle-ci doit entrer dans une maison de
retraite pour ours, il n'a plus personne pour s'occuper de lui. Il prend alors la mer, dans un canot de
sauvetage, et débarque à Londres. Dans la gare de
Londres, la famille Brown trouve l’ours avec une
étiquette indiquant «S’il vous plaît, prenez soin de
cet ours. Merci.». Les Brown décident de l'appeler
Paddington et l'adoptent. Il vit par la suite de nomPendant les vacances scolaires, c’est Paddington, ours star en Angleterre qui
breuses aventures.
envahira la salle du Zola. Surveillez la programmation de fin décembre, car des
surprises se préparent.
L’ours Paddington imaginé par Michael Bon raffole
Si vous avez des enfants de plus de 6 ans n’hésitez pas à leur faire découvrir Le
Chant de la mer. Après Brendan et le Secret de Kells, Tomm Moore nous offre
une nouvelle aventure initiatique inspirée des contes et légendes celtiques. Impossible de ne pas être ému par l’histoire de Ben et de sa sœur Maïna qui est
une fée de la mer. A l’affiche du Zola fin décembre
de la marmelade, porte un duffel-coat bleu
(manteau muni d'un capuchon) et un chapeau noir
ou rouge. Il lui arrive également de porter des
bottes de caoutchouc rouges. Il est curieux et avide
de découvertes.
Le premier album illustré est publié en 1958 en Angleterre, 22 autres volumes suivront. Les livres sont
traduits dans une quarantaine de langues et se sont
vendus à plus de 35 millions d'exemplaires en cinquante ans. Avant de faire l’objet d’un film en 2014,
l’ours Paddington a été la vedette de plusieurs séries télé.
Le tout premier ours Paddington en peluche est
conçu au Royaume-Uni par Shirley Clarkson. Elle en
réalise deux comme cadeaux de Noël pour ses enfants. Devant les louanges reçues, elle en fabrique
d’autres, jusqu'à fonder sa propre entreprise, Gabrielle Designs. En 1972, elle obtient une licence
N’oubliez pas, dimanche 14 décembre, Ciné-Doudou présenté par ZOZO, le dou- officielle pour les vendre au Royaume-Uni. A l’heure
dou du Zola. Cette séance est composée de deux courts métrages polaires suivi actuelle, l’ours Paddington est la peluche fétiche des
de Perdu? Retrouvé!, une histoire d’amitié entre un petit garçon et un pingouin.
petits anglais.
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DOSSIER:L’AUTO-CENSURE À HOLLYWOOD
LA NAISSANCE DU CODE HAYS
Etonnante histoire que celle du code Hays ! Ce code d’auto censure, instauré dans les années 30 pour normaliser et règlementer la production hollywoodienne, correspond à l‘âge d‘or du cinéma américain.
Comment la censure peut stimuler l’imagination des ci- Première ébauche d’un code
néastes
et
engendrer
des
chef
d’œuvres
?
Comment l’entrave à la liberté d‘expression et la création De peur de voir leurs recettes menacées, les grands studios
artistique peuvent cohabiter ?
réagissent. En 1922, ils décident de se regrouper et mettent
Nous vous proposons d'explorer ces paradoxes.
en place la MPPDA (The Motion Picture Producers and Distributors Associations), organisme chargé de moraliser les proLes origines du code Hays, ses principes sont au programme ductions hollywoodiennes.
de ce premier opus.
Les studios engagent William Hays, un presbytérien membre
du Parti Républicain, pour mener le lobbying contre les projets de censure locale. Il crée pour cela le Public Relation Comité (PRC) représentant plus de 60 organisations religieuses,
familiales et civiques. En 1921 est adoptée, une liste de
thèmes interdits. Jusqu’en 1927, d’autres listes toujours plus
complètes seront élaborées. La violence, le sexe l'ivresse et
la criminalité sont particulièrement visées.
Les films d’Hollywood censurés dans les années 20
L’avènement du parlant en 1929 appelle à la révision des
règles d’autocensure. Aussi, en 1930, deux catholiques, le
père Daniel Lord et Martin Quigley proposent à Hays une
première version du futur Code de Production plus connu
sous le nom de Code Hays. Adopté à l'unanimité par la
MPPDA, ce n'est qu’en 1934 qu’une liste de 28 000 recommandations est crée mais très peu suivie.
Pendant les années 20, période où règnent le puritanisme et
la prohibition, la production Hollywoodienne est montrée du
doigt par les associations de bonne morale américaine. Ces
dernières s’insurgent contre les nombreux films traitants de
l’adultère, du divorce, de la prostitution, de la consommation d'alcool (malgré la prohibition) ou de la drogue. De plus,
des scandales successifs comme l’accusation de viol et de
meurtre concernant l’acteur vedette « Fatty » entachent la
réputation de « l’usine à rêve ».
Des commissions de censure se créent dans la plus-part des
Etats. Chacune élabore ses propres critères. Le Kansas interdit les femmes qui fument, l’Ohio est très attentif aux questions sexuelles, Chicago aux affaires criminelles, les Etats du
Sud aux problèmes raciaux. Aussi, en fonction des Etats un
film peut être autorisé, interdit ou coupé.
Plus surprenant, chaque état n’effectue pas les mêmes
coupes dans un film.
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DOSSIER:L’AUTO-CENSURE À HOLLYWOOD
LA NAISSANCE DU CODE HAYS
narios avant chaque tournage. Enfin, une forte amende est
prévue en cas de distribution ou d’exploitation d’un film
n'ayant pas obtenu ce visa.
L’inefficacité du Code comme liste de recommandation.
Des films sulfureux comme Madame Satan (1930) de Cecil B.
DeMille prouvent que les réalisateurs font peu de cas de
Cette mesure touche l’ensemble de la production cinématocette chasse au péché. Cecil B. DeMille met en scène une
graphique américaine. A cette époque, les grands studios
« orgie », lors d’un grand bal costumé organisé dans un zepd’Hollywood détiennent 95% de la production et possèdent
pelin. Voir extrait vidéo sur Dailymotion oui oui !!!
la quasi-totalité des salles de cinéma.
Flairant le succès commercial, Irving Thalberg, l’un des rédacteurs du code Hays, n’hésite pas à produire La Divorcée.
Jerry découvre que son mari est infidèle et décide de se venger en couchant avec son meilleur ami. Le divorce prononcé,
elle mène une vie de plaisir et d'aventures, elle s'en lasse et
revient avec son mari. Le film remporte un gros succès public
et l'Oscar de la meilleure actrice. Le message est clair à Hollywood : avec ou sans Code, le sexe reste le sujet numéro un
au cinéma.
Début des années 30, de nombreux films de gangsters
comme The Public Enemy (1931), Scarface (1932) sortent sur
les écrans. Ils sont fortement critiqués car ils font du criminel
un héros.
Les grands principes du code Hays
Le code a pour objectif de réguler la production des films
afin que ceux-ci soient acceptés par l’ensemble des institutions et des états américains. Les producteurs veulent que
leur films soient vus par tous.
Le code s'articule autour des principes suivants : Aucun film
réduisant les valeurs morales du spectateur ne peut être
produit. La sympathie du public ne doit jamais être orientée
du côté du crime, des méfaits, du mal ou du péché. Seuls des
standards corrects de vie soumis aux exigences du drame et
du divertissement sont proposés. La Loi naturelle ou humaine n'est pas ridiculisée.
Des évêques catholiques inquiets de l’amoralité du cinéma,
fondent en 1934 « La Ligue de décence ». Avec plus de cinq
millions de signataires fin 1934, la Ligue est le plus grand
groupe de pression jamais réuni. Elle met en place un système de cotations des films et utilisent les sermons afin de
dissuader les paroissiens d’aller voir des films « amoraux ».
Au cours de l’année 1934, elle condamne treize films allant à
l’encontre des dogmes de l’Église catholique: adultère, divorce, violence, sexualité.
Ces principes interdisent toute sexualité implicite ou explicite, et les thèmes comme la drogue, la violence, le métissage ou l’homosexualité.
Hays et Breen ont pour ambition de faire du cinéma un art.
Aussi, dans le Code des exceptions narratives peuvent être
tolérées si l’intrigue le justifie. Chaque règle est évaluée par
les censeurs en fonction de sa situation dans le scénario.
C’est l’articulation entre moralité, respect de l’œuvre, et
désir de réalisation de profits que nous évoquerons dans le
prochain épisode. Nous évoquerons par exemple comment
Betty Boop et Tarzan sont relookés et les premiers détournements du Code lors de la réalisation de films devenus
célèbres.
En 1934, instauration d’un visa de censure
La production Hollywoodienne est de nouveau menacée.
Aussi les membres du MPPDA (représentants des majors)
réagissent très vite en constituant la Production Code Administration (PCA) dirigée par un catholique irlandais, Joseph I.
Breen. Autour de lui, 10 censeurs et 6 assistants sont nommés pour accorder un visa à tous les films conformes au
Code. Les membres du MPPDA doivent soumettre leurs scé-
G. Guétat et C. Lienart
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MR. TURNER
Un sacré bonhomme !
une expérience «scientifique».Il restera attaché en haut d’un mât
pour vivre l’émotion déclenchée par une tempête de
neige : «Winter Storm» est une vraie plongée au cœur de la tempête, notre regard complètement désorienté cherche une issue. Il
atteint ainsi le sublime, ce dépassement des sens, l’attente de la
sensation de vertige ou du frisson. Il nous désoriente certes, mais
toutes ses toiles sont construites avec la rigueur d’un architecte
urbaniste telle qu’il l’a apprise à la Royal Academy of Arts.
Pas moins de 20 000 œuvres, des esquisses faites à 14 ans, que son
père mettait déjà dévotement en vente dans son échoppe londonienne, au Téméraire.
Comment alors rendre compte dans un biopic de la sensibilité aiguë d’un peintre hors norme. Une «corne d’abondance» de pigments, lumières, vapeurs, bruines, embrasements, miasmes, flocons, gouttelettes, vents, halos ou contre-jours ?
Un peintre moderne, précurseur de l’impressionnisme voire de
l’abstraction lyrique. Un esprit vif et bouillonnant qui, à l’instar de
John Constable, son contemporain et adversaire, estimait que
«peindre n’est qu’un autre mode pour exprimer les sentiments »
mais, alors que le romantisme de Constable cherche à justifier ses
sentiments, JMW Turner laisse nos émotions se diluer dans l’explosion de couleurs d’un paysage incertain et néanmoins magnétique.
Avec « National Gallery » Il était déjà question de peintures et de
jeux de miroir avec le cinéma. A présent il est question de la fierté
nationale, J.M.W. Turner dont le nom est aussi celui d’un prix décerné chaque année. Bien évidemment, le Dernier voyage du Té- Rigueur, c’est aussi une qualité de Timothy Spall. Il s’est préparé
méraire tient lieu de porte-étendard de la Grande-Bretagne.
pendant plus de deux ans pour incarner un Turner aussi vrai que
possible. Il a appris à peindre et toutes les toiles du film peintes et
D’ailleurs le Téméraire est le seul chef d’œuvre que Mike Leigh a
laissées ‘in progress’ sont retouchées pendant les scènes par Timochoisi de rendre vivant. Les raisons financières et techniques sont
thy Spall lui-même. Ayant l’habitude du langage fleuri et de l’acfaciles à entrevoir. Il faut aussi imaginer que ce tableau représente
cent cockney T. Spall réussit à incarner son personnage. Mais pour
la croisée de la postérité avec la modernité. Le Téméraire, vaillant
rendre le caractère grognon et toutefois attachant de Turner, l’actrois-mâts, n’est plus alors qu’un rafiot mené à la destruction : Turteur fit un travail à la Actors’ Studio. Savoir grogner de telle façon
ner fera de lui un mythe fier et droit nimbé d’une lumière crépuspour signifier à sa gouvernante ou aux malpolis ce qu’il pense ,
culaire, la lune se levant à peine alors que le soleil couchant morretrousser les babines avec juste ce qu’il faut d’arrogance pour
dore la surface marine et éclaire le remorqueur à vapeur qui, lui,
montrer sa supériorité… Ni charmant ni élégant il est cependant
va droit vers le futur dans un bruit étourdissant.
accepté dans tous les milieux, chez les prostituées comme chez les
Pour Turner, le paysage est un personnage tour à tour tourmenté aristocrates. Timothy Spall fut plébiscité pour sa performance, son
ou ému et la lumière qui s’en dégage permet d’exprimer des émo- meilleur rôle à n’en pas douter.
tions. Pour être au cœur de l’émotion Turner n’hésite pas à mener
6
MR. TURNER (
Il faut rendre aussi hommage au directeur
de la photo Dick Pope qui s’est attaché à
rendre les lumières tamisées et indirectes
des intérieurs du 19ième siècle autant que
d’approcher de la vision du peintre face aux
paysages.
au peintre. Ils jouent avec sa vie (il s'est
tardivement rangé) mais ils respectent avec
une rigueur extrême le cadre de travail de
Turner : la joie d’être à l’académie et la relation taquine qu’il entretient avec ses pairs
et sa maison, et sa galerie de Queen Ann
Street où tout est reproduit fidèlement
Mike Leigh aime ces personnages ambigus
grâce aux recherches et appuis des histoqu’il faut travailler au corps pour les comriens de l’art.
prendre ou au moins s’en approcher. Lui et
son acteur fétiche rendent bien hommage
Avec ce film Mike Leigh ne porte plus un
regard intrigué sur les travers de la société,
il offre un service après- vente de très
grande qualité pour l’Angleterre… Mais bon,
ne boudons pas pour autant notre plaisir à
découvrir la vie et les grognements d’un
génie trop en avance sur un temps déjà bien
loin de nous et qui pourtant a façonné notre
façon de voir.
Florence Poilevey
CHRONIQUE
8.
Pour fêter la rentrée, Charles avait
organisé une soirée projection pour
les membres de l'association. Le
buffet avait été redoutable comme
d'habitude, et dès que la salle fut
plongée dans l’obscurité je me précipitai aux toilettes. Le bruit de la fusillade me guérit instantanément. En
sortant des WC je fus bousculé par
un homme cagoulé qui prenait la
fuite.
- Rattrape-le me cria Laurent, en
vain.
Le type avait arrosé la salle avec un
pistolet mitrailleur et c'était la consternation. Catherine pleurait son
chien criblé de balles tandis que
Pascale râlait envers les blessés qui
saignaient abondamment.
- On ne va pas se laisser impres- vertiges.
sionner comme cela.
- Éva est en danger.
- De toute façon, il y avait trop de
J'ai crié et même s' il bougonne, Mibénévoles dans l'assos, dit Michel
chel m'accompagne.
qui gardait un mauvais souvenir de
Morts de trouille nous avons foncé.
l'époque ou il était président.
Pour une fois, la porte d’Éva m'était
Une fois les blessés grossièrement
ouverte et ce n'était pas bon signe.
soignés et les cadavres glissés sous
Effectivement nous n’eûmes aucun
les sièges, la projection put remal à la trouver. Elle était ligotée sur
prendre. Près de moi, Charles qui
le sol de la cuisine.
s'était mangé une bastos en plein
poumon, chuintait doucement, mais - Appelle une ambulance, vite.
dans l'ensemble ce fut une belle soi- Je me précipitais sur Éva. Par bonrée. Sandrine nous enjoint de ne heur, elle respirait. Quand les branrien dire, elle avait toujours peur que cardiers l'emportèrent, elle gémit,
la mairie ne nous sucre la subven- mais ils nous rassurèrent.
tion. Et Laurent expliqua que les victimes n'ayant pas de famille, il ne En rentrant vers Villeurbanne, je denous serait pas trop difficile de taire mandai à Michel :
cet incident.
- Avant de perdre connaissance, elle
- On va se débarrasser des corps.
Enterrons les dans le jardin, nous
Nous comptions trois morts, mais ferons pousser des légumes, cela
Laurent décréta que la soirée devait sera toujours cela d’économisé pour
s'écouler comme si rien ne s'était les buffets. Ne cédons pas à la peur.
C'est ce que veulent ces salopards.
passé.
- Ne tachez pas les sièges!
n'a pas dit «Je t'aime»?
Michel ne quitta pas la route des
yeux :
- J'ai entendu « Aghhhhhhhhhhhh!!!»
- Ça ne veut pas dire je t'aime en
En attendant je fus soudain pris de Russe?
7
LA GRILLE D’ÉMILE
Solutions du numéro précédent :
1– FEMIS 2– ICARE 3– LRR 4– MASON 5– SE—US
A– FILMS B– ECRAN C– MARS D– IR -OU E– SEINS
LE MOT D’EMILE
J’ai rencontré récemment Donald Duck à un congrès des anciennes gloires d’Hollywood. Il a bien
vieilli, les plumes sont moins lisses, le nasillement moins strident mais il porte encore beau et m’a parlé
avec tendresse de l ’Oncle Picsou décédé il y a peu à un âge avancé, de ses neveux qu’il rencontre de
temps en temps. Curieusement, pas un mot sur Mickey et Minnie (mais je crois que les derniers tournages ne se sont pas bien passés). Il a bien sûr la nostalgie des temps glorieux ou il ne pouvait pas
faire un pas dans la rue sans être harcelé par les photographes (les paparazzis n’existaient pas encore
en ce temps-là) ou toutes les plus belles canes de la région se précipitaient sur lui ‘’dis Donald tu ne
veux pas me faire un oeuf?‘’. Il vit tranquillement dans une mare près de San Antonio, occupé à pécher du pain et des poissons. Il ne regrette pas, par contre le temps des censeurs surveillant le moindre
faux pas sur ses écrits ou sa diction qui lui rendaient la vie impossible. Pourquoi parle-je de ça ? Pas
pour faire partager une nostalgique mélancolie vieillissante mais pour rappeler que Noël approche et
que faire cadeau aux enfants de DVD de ces héros, c’est faire une double bonne action : aider ces
vieillards à survivre et donner aux enfants le goût immodéré des mangas américains.
Emile
LES INFOS PRATIQUES DU ZOLA
Tarifs : 6.70€ tarif normal / 5,70€ tarif réduit
(chômeurs, étudiants, - 18 ans, + 60 ans) / 4,70€ tarif enfant (-14 ans) / 3,70€ tarif étudiants Lyon 2
Ciné-Carte : 31,20€ 6 places / 47€ 10 places
Contact : [email protected] / 04 78 93 42 65
Une prévente est possible, une semaine à l’avance
pour les séances signalées par une étoile dans le
programme du Zola (hors période de festival).
Accès : Métro A station République, garages à vélos et nombreuses
Pour L’Émile : [email protected]
Sur Internet : www.lezola.com et facebook.com/lezola
Le Zola, 117 cours Émile Zola, 69100 Villeurbanne
(valable 1 an, non-nominatif)
stations Velo’V à proximité, parking (salle des Grattes-Ciel, entrée
rue Francis de Pressensé).
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