Intégrale de la saison 2

Transcription

Intégrale de la saison 2
Episode 1
Partie 1
Julie avait pris Ana dans ses bras. L'enfant gardait les yeux dans le vague. Aucun son ne
sortait de sa bouche. La jeune mère ne voulait pas la brusquer. Le traumatisme était trop profond.
Elle pouvait presque le toucher.
Sang.
Julie balaya la pièce du regard. Il n'y avait que peu de désordre finalement. En dehors du
corps sans vie et de la tache rougeâtre sur la moquette. C'était un désordre localisé. Ce qui accentuait
l'impression de chaos de la scène en elle-même.
Ce sang.
Ana se mit à trembler. Julie la serra un peu plus fort. Cette activité corporelle la rassura.
C'était le signe du retour à la vie. Du retour à la conscience de sa fille. Les spasmes cessèrent aussi
brusquement qu'ils étaient apparus. Les pupilles de l'enfant se dilatèrent à l'extrême à nouveau.
Tout ce sang.
La marque pourpre sur le sol avait cessé sa progression. Elle était stable. Régulière. Le
couteau se trouvait à une dizaine de centimètres de la main de Gabriel. Sans doute avait-il rebondi
lorsqu'Ana l'avait lâché. Cela donnait pourtant l'impression que l'homme allongé par terre essayait de
l'atteindre. Dans un dernier effort de survie. Mais il n'y avait pas réussi. Tout ce sang perdu avait
stoppé sa progression.
On aura beau dire mais la discussion d'une coupe de champagne reste tout de même assez
limitée. Tristan en était à ce niveau de ses réflexions depuis que Silène l'avait « abandonné ». Son
verre était vide depuis un certain temps et celui laissé par sa compagne n'allait pas tarder à se
retrouver dans le même état.
Tristan n'avait pas envie de rester au Domaine à attendre que Silène daigne se rappeler de son
existence. Il n'avait pas non plus envie de rentrer chez lui pour se morfondre sur son existence atroce.
Le style Calimero n'était pas sa tasse de thé. Le « Surcouf » était la solution. Ce bar que lui avait fait
dernièrement découvrir l'un de ses collègues occasionnels. Seul bar où il se voyait arriver seul sans
se poser trop de questions. Ni qu'on lui en pose sur sa présence solitaire.
Il finit le verre d'un trait. Il prit ses affaires au vestiaire et partit. Il laissa tout de même un
SMS à sa compagne pour qu'elle ne s'inquiète pas et aussi pour lui faire comprendre que son abandon
n'était pas forcément bien vécu.
Il y avait une douzaine de personnes maximum. Les aristocrates désabusés y côtoyaient les
fétichistes blasés qui y côtoyaient les gothiques paumés qui y côtoyaient les adulescents révoltés. Un
melting pot de nuit parisienne relativement classique dans le non conformisme.
La lumière tamisée due à l'heure tardive lui donna le sentiment d'anonymat dont Tristan avait
besoin pour se rassurer. Il trouva un tabouret tout aussi abandonné. Un « signe » se dit-il. Il sourit.
Son ironie était bien toujours présente. Il s'assit. Hochement de tête pour présenter ses respects au
maitre des lieux. Ce dernier lui rendit la politesse tout en continuant de discuter avec une cliente.
Sans avoir à le demander, un verre de vin rouge se matérialisa devant Tristan. De l'avantage
de prendre des habitudes selon les endroits. La bonne âme qui l'avait servi prit le chemin inverse
pour retourner à sa conversation passionnée avec la jeune femme. Tristan but une gorgée. Puis une
seconde. A la troisième, il posa sa veste enfin à l'aise.
Partie 2
Etant encore légèrement embrumé, Antoine n'était pas certain de ce qu'il avait entendu. Avaitelle vraiment dit qu'elle finirait par avoir Tristan ? Il hésitait. S'il s'était trompé et qu'il l'accusait
injustement, Nolwenn le prendrait mal. Mais il devait savoir.
-
Qu'est-ce que tu disais ? Osa-t-il timidement.
Prise sur le fait, Nolwenn sursauta.
- Ah ! Tu m'as fait peur, tu es réveillé ? Demanda-t-elle pour changer immédiatement de sujet
et s'aménager du temps.
- Oui, j'avoue que je me suis fait prendre par surprise. Le sommeil a été plus fort que moi. Mais
tu disais quoi ?
- C'est vrai que tu es fatigué en ce moment. Tu travailles trop mon amour.
Elle n'avait pas encore trouvé de parade valable. Qu'avait-elle dit exactement ? « Je finirai par
t'avoir Tristan » ? Oui, c'était quelque chose comme ça. Son cerveau était passé en surmultiplié. Mais
rien de plausible ne lui venait. Il allait falloir la jouer fine.
- Je sais, répondit-il, tu n'arrêtes pas de me le dire ces derniers temps. Mais tu ne m'as pas
répondu. Alors, qu'est-ce que tu disais à propos de Tristan ?
- Hein ? Ah oui... Euh... Je disais qu'il finirait par m'avoir à force. Je commence à fatiguer et il
va vraiment finir par me mettre en colère. J'en ai marre qu'il dise à Silène que je suis
amoureuse de lui. Je n'y peux rien s'il se fait des films. Et Silène est vraiment mon amie. Je
n'ai pas envie qu'il gâche tout. C'est toi que j'aime et personne d'autre.
Elle planta ses yeux dans ceux de son compagnon. Son regard était incertain. Puis il se
transforma en quelque chose de plus doux. Elle l'avait convaincu. Malgré le flagrant délit. L'art du
mensonge se dit-elle.
Cela semblait tellement évident. Tellement naturel. L'esclandre de Marc était loin dorénavant.
Yamina assumait pleinement sa décision. Elle était en complet accord physique et spirituel avec
Ralph. Son ex-amant maintenant compagnon. Ils s'étaient réfugiés dans une chambre des coins
câlins. La seule pièce qui fermait à clef. Ils auraient pu aller à l'appartement de Ralph mais ils
préféraient attendre. Ils voulaient être sûrs de na pas risquer de croiser Marc.
Leurs gestes étaient lents, doux, attentionnés. Comme s'ils se redécouvraient. Comme s'ils ne
s'étaient jamais rencontrés. Il y avait quelque chose d'innocent. Presque pur. En total décalage avec le
lieu.
Ralph prenait son temps. L'acte d'amour était mieux respecté ainsi selon lui. Ce n'était pas un
acte bestial ni mécanique. C'était fusionnel. Et enfin débarrassé de toute culpabilité. Ils n'avaient plus
besoin d'être cachés. Ils n'avaient plus besoin de faire semblant. Ils pouvaient être eux-mêmes en
permanence.
La respiration de Yamina s'accéléra. Signe qu'elle n'allait plus tenir encore très longtemps.
Ralph tenait à l'accompagner jusqu'au bout. Il voulait qu'ils arrivent à l'extase au même instant. Il
modifia sensiblement sa position. Il savait exactement comment accélérer sa montée pour se
retrouver dans la même phase que sa, maintenant, compagne. Il accéléra ses mouvements.
Légèrement. Mais en continu. Il ne faudrait plus beaucoup de temps.
Ralph avait parfaitement géré l'acte dans sa globalité. Ses soupirs et ceux de Yamina
s'intensifièrent puis se calmèrent à la même seconde. Ils s'embrassèrent.
Yamina se mit en chien de fusil. Ralph colla son torse contre son dos. La position qu'elle
préférait pour les câlins amoureux. Elle prit le bras masculin et le serra contre sa poitrine.
- Je t'aime, soupira-t-elle.
- Je t'aime aussi mon amour. Si tu savais comme je t'aime.
Partie 3
Les tremblements de l'enfant s'atténuaient. Ana reprenait ses esprits peu à peu. Julie se
détacha légèrement sentant que sa fille allait parler.
- J'ai eu tellement peur maman, murmura Ana. Papa avait l'air complètement fou. Il ne
comprenait rien à ce que je lui disais.
Les derniers mots finirent dans un sanglot. Julie prit à nouveau sa fille dans ses bras. Celle-ci
la repoussa doucement. Elle avait besoin de raconter ce qu'il s'était passé. Même si elle devait le faire
en plusieurs étapes. Elle inspira une bonne fois.
- Il voulait savoir où t'étais. Je lui ai dit que je savais pas, que t'étais sortie avec Adrien. Il t'a
traitée de pute, maman. Il a dit que t'étais encore sortie pour te faire troncher dans un club à
partouse. Il était super en colère. Il m'a secouée dans tous les sens en criant tout ça. Je lui ai
mis un coup de pied dans le tibia et il m'a lâchée. J'ai couru dans la cuisine et j'ai pris un
couteau. Il a défoncé la porte alors je l'ai frappé avec. Et j'ai encore couru jusqu'à ma
chambre. Il m’a suivie. Il avait l'air complètement fou. J'avais tellement peur. Il s'est pris le
pied dans le tapis alors je l'ai encore poignardé. Et encore. Jusqu'à ce qu'il ne bouge plus.
Les larmes d'Ana explosèrent. Elles ne pourraient pas s'arrêter. Pas rapidement en tout cas.
Julie resta stoïque en serrant sa fille. Elle ne devait pas craquer à son tour. La pauvre enfant se ditelle. Elle n'avait pas mérité ça. Elle n'avait pas mérité un père pareil. Elle n'avait pas mérité un tel
traumatisme.
Même non accompagné, Tristan se sentait moins seul au Surcouf. La population environnante
le distrayait. Bob, le barman, parlait toujours avec la même cliente. La discussion semblait animée. Il
n'en percevait que quelques bribes mais il comprenait qu'ils parlaient du dernier film d'un réalisateur
américain connu.
Tristan avait été le voir au cinéma la semaine précédente. Il y était allé en solitaire comme à
son habitude. Selon lui, une œuvre cinématographique ne peut s'apprécier pleinement qu'en étant
seul. Au moins, il n'y avait aucun risque d'être dérangé par son voisin lui demandant toutes les cinq
minutes de lui expliquer ce qu'il s'était déroulé dans la scène précédente. Il n'avait pas été emballé
par ce qu'il avait visionné. C'était un bon film mais le réalisateur en avait fait des biens meilleurs.
C'était justement le débat en cours entre les deux autres protagonistes du bar.
- Ecoute Aurore, disait Bob, c'est peut-être pas son meilleur film mais c'est l'un de ses
meilleurs.
Tristan se dit qu'Aurore était un joli prénom. Que ça donnait envie d'en savoir plus. Ou en
tout cas de la regarder plus. Oui, il la trouvait jolie. Une beauté assez discrète mais avec des
expressions corporelles touchantes.
- Bob, tu as beau être un merveilleux barman et tomber juste à chaque fois que tu me choisis un
verre de vin, je ne peux pas te laisser dire ça. Certes, techniquement c'est parfait mais il n'y a
aucune originalité.
Tristan se trouvait « en phase » avec la demoiselle. Il se haït instantanément pour avoir
associé une expression purement professionnelle à cette inconnue. Qui semblait de plus en plus
mériter à être connue.
Partie 4
Antoine se sentait dans le même état que lorsqu'il dormait trop. Les paupières lourdes, le
cerveau embué et la gorge sèche. Sa sieste n'avait pas eu le temps d'être réparatrice. C'était sans
doute pour cela qu'il avait mal compris ce qu'avait dit Nolwenn. Les agissements de Tristan
manquaient de cohérence. Pourquoi s'acharnait-il à vouloir que Nolwenn soit amoureuse de lui ?
Silène était très bien. Il n'avait pas besoin de chercher plus loin.
- Je plains Silène, reprit Antoine. C'est quand même triste que son mec essaie tout le temps de
chercher ailleurs.
- Je suis bien d'accord, acquiesça Nolwenn en toute mauvaise foi.
- Tu sais, ça correspond bien à ce que je te disais. C'est un imposteur dans le monde échangiste.
Lui ce qu'il veut c'est que les femmes l'aiment. C'est un vampire des sentiments.
Elle était bien trouvée cette réplique se dit Nolwenn. Cela la rassura. Son compagnon la
croyait.
-
Je me demande si on ne devrait pas en parler à Silène, reprit-il.
Temps d'arrêt de Nolwenn. Non, ce n'était pas une bonne idée. Le risque de dévoiler sa
supercherie au grand jour était trop important. Elle devait l'en dissuader.
- Non, cria presque Nolwenn. Surtout pas.
- Pourquoi ?
- Leur couple ne va pas super bien ces derniers temps. J'ai peur que ça en rajoute une couche
pour peut-être pas grand chose. Et Silène a tendance à être jalouse. Donc la moindre allusion
pourrait leur être fatale.
- Qu'est-ce qu'on va faire alors ?
« On va trouver un moyen de tout désamorcer » pensa Silène, de moins en moins confortable
dans ses mensonges. La parade lui vint cependant assez rapidement. Elle sourit avec l'expression la
plus coquine qu'elle pouvait.
- Eh bien, on va prendre un petit remontant pour arrêter de penser à tout ça. On va profiter de
ton réveil inespéré parce que je suis très loin d'être fatiguée.
Elle fit glisser son peignoir, dévoilant son corps entièrement libre. Antoine se surprit à sentir
une partie de lui se réveiller complètement.
Ils se décidèrent enfin à quitter la pièce. Yamina s'agrippait au corps de Ralph. Elle ne
pouvait plus le lâcher. Chaque centimètre carré de sa peau demandait le contact de l'homme qu'elle
aimait. Elle n'avait jamais ressenti quelque chose de semblable auparavant. Y compris avec Marc.
Elle avait des difficultés à concevoir qu'elle soit restée aussi longtemps avec lui. Car oui, elle n'était
plus avec lui. Son esprit l'avait quitté de même que son corps.
Ils allèrent au bar pour prendre un dernier verre. Chrystelle s'y trouvait. Pas complètement
seule. Pas complètement accompagnée. Elle discutait distraitement avec un couple de trentenaires.
Des parisiens tout ce qu'il y avait de plus banal. Elle sourit en apercevant Yamina et Ralph se diriger
vers elle.
- Ah quand même, commença Chrystelle. J'ai cru que vous ne sortiriez jamais.
Yamina se blottit encore plus fort contre Ralph.
- Eh oui, répondit Yamina, c'est toujours comme ça au début des jeunes couples.
- Et pourtant, reprit Chrystelle, ce n'est pas comme s'il ne passait rien entre vous deux depuis
un bon moment maintenant. C'est donc fini avec Marc ?
Yamina lança un regard interrogateur a Ralph. Il lui répondit avec un large sourire et un
hochement de tête. Ses yeux revinrent se poser sur Chrystelle.
- Oui, c'est complètement fini.
- Et qu'est-ce que tu vas faire ? Enfin je veux dire, comment tu vas faire ?
- Je ne sais pas exactement. Tout ce que je sais c'est que je ne veux pas retourner chez moi.
- Et si tu vivais chez moi ?
Ralph attendait depuis la séparation pour poser cette question. Et il ne savait pas ce que
Yamina allait répondre. Il avait du mal à l’accepter, mais la réponse de la femme qu'il aimait lui
faisait peur d'avance.
Partie 5
Adrien souriait en pensant à toutes les réprimandes qu'avait dues faire Julie. Elle était très
exigeante quant au niveau de discipline qu'elle attendait de sa fille. Un héritage culturel se disait-il.
En provenance directe d'une éducation religieuse trop stricte. Et pourtant elle ne l'avait pas bien
vécue selon ses dires. Il l'avait entendue plusieurs fois s'en plaindre. Elle avait subi des châtiments
corporels qui expliquaient son approche au corps. Son approche au sexe. Elle lui avait parlé d'une
sœur en particulier. Une sœur qui était rentrée dans les ordres pour de mauvaises raisons. Par peur
des hommes. Mais surtout par envie des femmes. Du moins c'était ce qu'interprétait Julie. C'était
pour cela selon elle que les punitions infligées par la représentante de Dieu était trop souvent
humiliantes sexuellement parlant.
Julie n'avait jamais pu rentrer dans les détails. Adrien avait préféré attendre qu'elle en ressente
le besoin un jour.
Il arriva chez Julie. Quelque chose n'était pas normal. La chambre d'Ana était toujours
allumée. Il frappa à la porte et attendit deux minutes. Aucun bruit dans la maison. Il tourna la
poignée et entra. Il monta les escaliers.
- Ça va Julie ? Demanda-t-il.
- Viens, répondit-elle. On est dans la chambre d'Ana.
Il arriva à l'entrée de la pièce. Son cerveau interpréta la scène. Il comprit rapidement ce qu'il
s'était passé. Ana avait tué son père. Julie le regardait les yeux embués.
- Il faut qu'on trouve une solution, dit la jeune femme entre deux sanglots. Ana ne doit pas
subir les conséquences de cette nuit.
Adrien fronça les sourcils. Il était surpris par les connexions neurologiques de son cerveau. A
croire qu'il avait été prêt toute sa vie pour cette situation. Il savait exactement quoi faire.
Quel que fut le travailleur qu'il observait, Tristan était fasciné quand celui-ci faisait
particulièrement bien son travail. Pour le métier de barman, la qualité principale selon lui était d'être
capable de soutenir une conversation avec un client tout en gardant un œil attentif à tout ce qu'il se
passait autour. Ce qui découlait d'un agacement extrême quand il devait attendre pour commander.
Ou quand il avait l'impression de mendier un verre.
Bob faisait partie de la catégorie des professionnels. Tristan était dans le bar depuis une
bonne demi-heure et le responsable du lieu avait réussi à soutenir la conversation d'Aurore tout en
servant trois autres clients qui même s'ils n'étaient pas nombreux étaient assoiffés.
C'était cette faculté à avoir conscience de l'ensemble de la surface dont il avait la charge qui
fit que le barman introduisit Tristan dans la conversation.
- Et toi ? Demanda Bob. Tu l'as vu ce film.
Tristan, pris par surprise, finit difficilement sa gorgée avant de répondre.
- Oui, réussit-il à dire, je l'ai vu la semaine dernière.
Aurore se tourna vers lui. Son sourire semblait sur la défensive. Comme si elle avait peur que
ce nouvel interlocuteur ne soit pas de son avis.
- Et je suis désolé Bob, reprit Tristan, mais je me dois de m'associer à mademoiselle dans son
jugement de qualité.
Il avait forcé le trait pour marquer toute l'ironie qu'il pouvait. La jeune femme sembla
apprécier car son visage se détendit.
- Merci beaucoup jeune homme pour cette remarque, dit la jeune femme. Et selon toi, quel
serait son meilleur film ?
- Le classement dépend des jours et de mon humeur. Mais dans tous les cas ce serait plutôt l'un
de ses trois ou quatre premiers.
Elle sourit visiblement satisfaite de la réponse. Elle regarda machinalement sa montre et fit
une grimace. Sans doute étonnée de l'heure tardive.
- Vous allez peut-être me prendre pour une rustre mais je vais devoir rentrer chez moi.
- Avant de te transformer en citrouille ? Rigola Bob.
- Non, reprit-elle, ce serait plutôt la voiture que je n'ai pas, moi je me transforme en truie
violette.
Et en plus elle a de la répartie, pensa Tristan.
- Jeune homme, dit-elle à son intention, c'est toujours un plaisir de rencontrer un cinéphile
averti. J'espère te revoir bientôt en ces lieux.
- Ce sera avec un plaisir non feint mademoiselle.
Elle sortit du bar en lançant un baiser vers Bob. Tristan la regarda passer la porte. Il sourit.
Cela faisait longtemps qu'une femme ne l'avait pas émoustiller par son intellect plutôt que par son
corps. La soirée se finissait étonnamment bien.
Partie 6
Antoine savait que l'ultra-forme de Nolwenn n'était pas naturelle. Elle avait dû consommer
encore plus de cocaïne que d'habitude.
- Dis donc toi, commença Antoine, t'aurais pas pris un remontant en cachette ?
Nolwenn sourit. Non, elle n'avait rien consommé en cachette. Ses envies avaient deux sources
de stimulation. La première était en effet la drogue. La seconde était de faire oublier très rapidement
à son compagnon la phrase qu'il avait cru mal comprendre. Il ne fallait pas qu'il reste la moindre
suspicion dans l'esprit d'Antoine. Il ne devait surtout pas savoir ce qu'elle ressentait pour Tristan. Et
ce qu'elle voulait de lui. Après réflexion, elle se dit qu'il valait mieux que sa réponse ne soit pas
claire et qu'elle laisse une impression d'incertitude quant aux raisons de son excitation.
- Mais bien sur que non mon chéri, répondit-elle malicieusement. Tu sais bien que je n'oserais
jamais.
Pour parfaire son mensonge-vérité, elle éclata d'un rire forcé. Antoine fit de même. Il était
dorénavant persuadé qu'elle avait repris un excitant quelconque. La consommation de sa compagne
devenait inquiétante. Tout du moins elle l'inquiétait lui. Il ne se passait plus aucune soirée sans
qu'elle soit dans un état second. Mais elle était heureuse. Elle était beaucoup moins absente quand ils
discutaient. Il ne ressentait plus la désagréable impression qu'elle lui cachait des choses. Qu'elle avait
une vie en dehors de lui.
Bon, se dit Antoine, autant laisser tomber pour ce soir, il verrait le lendemain s'il parlerait de
ses inquiétudes à Nolwenn. D'ici là, il profiterait de sa bonne humeur et verrait le lendemain. Et si ce
n'était pas le lendemain, ce serait le surlendemain ou plus tard. La situation n'était ni désespérée ni
grave. Elle pourrait se débrouiller rapidement. Sans doute.
La demande était attendue. Yamina s'y était plus ou moins préparée. Pas depuis sa rupture
« officielle » avec Marc, mais depuis plusieurs mois déjà. Elle avait tellement fantasmé sur la
possibilité d'une vie avec Ralph. Elle avait tellement visualisé cette scène. Elle avait tellement répété
les phrases qu'elle allait dire. Qu'elle voulait dire. Qu'elle devait dire. Qu'elle ne savait plus quoi
répondre ni penser. La réalité était loin de ses rêves.
Il fallait qu'elle se donne du temps. Elle se voyait très bien vivre avec Ralph, mais elle ne
pouvait plus croire en son imaginaire. Elle espérait qu'il comprendrait.
- Je t'aime Ralph, répondit-elle enfin. Je t'aime comme je n'ai jamais aimé personne avant. Et
c'est pour cela que je vais refuser de vivre avec toi tout de suite. J'ai besoin d'abord de me
retrouver seule. De vivre seule. J'ai vécu tellement d'années avec Marc. Je ne peux pas
emménager avec quelqu'un d'autre maintenant. Même avec toi alors que tu sais à quel point je
t'aime.
Ralph connaissait la puissance des sentiments de Yamina. Il connaissait aussi la sienne. Il
savait qu'il ne ressentirait plus jamais une telle intensité. Il l'attendait depuis longtemps maintenant.
La vie parfaite était enfin à portée de sa main. Et pourtant il sentait qu'elle lui échappait encore. Qu'il
devrait patienter. Encore un peu. Il prit sur lui pour montrer le moins possible l'anéantissement qu'il
ressentait.
- Je suis désolée mon amour, reprit Yamina. Je sais que tu ne t'attendais pas à ça. J'espère que
tu ne m'en veux pas trop. Tu me comprends hein ?
- Oui je te comprends, mentit Ralph. Je suis capable d'attendre que tu sois prête. Mais ce soir tu
n'as pas le choix. Tu ne peux pas rentrer chez toi. Donc tu vas rentrer avec moi chez moi.
Yamina sourit. Heureuse d'avoir rencontré l'homme de sa vie. Le seul homme capable de la
comprendre et d'accepter ce qu'elle ressentait. Elle l'aimait. Et elle allait passer la nuit avec lui. A
défaut de la vie.
Episode 2
Partie 1
Julie regardait Adrien. Il était grave. Extrêmement sérieux. Et sûr de lui. Elle ne l'avait vu
ainsi que très rarement. A chaque fois, c'était en rapport avec son travail. Elle savait qu'il était très
professionnel. A la limite de la psychorigidité. Un manager tel qu'elle le fantasmait à son propre
travail.
- Qu'est-ce que tu veux dire Adrien ? Demanda-t-elle. Qu'est-ce que tu vas faire ?
- Je ne pensais pas que mon boulot servirait à ça un jour, répondit-il. Mais c'est ce qu'il y a de
plus simple et de plus évident.
- Mais de quoi tu parles bon sang ?
Julie perdait patience comme toujours quand les gens tournaient autour du pot. Il lui arrivait
souvent de les couper pour qu'ils répondent par oui ou par non à ses questions au lieu de faire des
phrases qu'elle trouvait alambiquées. Elle considérait que c'était ce qui la rendait efficace. Ses
collaborateurs considéraient que c'était là une preuve de son faible quotient émotionnel.
- Comme tu le sais, je suis architecte sur un nouveau chantier, reprit Adrien. Autant dire que
c'est le bordel et que même s'il est surveillé la nuit, il est facilement accessible.
- Et donc, ajouta Julie impatiente.
- Et donc, je sais comment y aller sans me faire voir par le gardien. Il y a une ouverture dans le
grillage côté nord. Malgré sa taille, je pense que je devrais pouvoir faire passer le corps de
Gabriel. Je dois pouvoir le mettre dans une chape de béton et nous en débarrasser pour de
bon.
Ce n'était plus un simple accident se dit Julie. Il s'agissait maintenant d'association de
malfaiteurs. Elle comprit soudain pourquoi dans les séries télévisées et dans les films les
protagonistes ne se rendaient jamais à la police. Parce que ce n'était pas aussi simple. Parce qu'il
fallait toujours trouver une solution définitive.
Silène ne le trouvait pas particulièrement à son goût physiquement. Il n'était pas mal mais rien
de transcendant. Elle sentait que l'homme qu'elle avait alpagué au bar pour se venger de Tristan,
faisait tout ce qu'il pouvait pour s'appliquer dans sa tâche. Il ne s'en sortait pas si mal que ça
finalement.
La fin était proche. Elle le sentait. A force de cumuler les partenaires, elle avait constaté qu'il
était très facile de les cataloguer. Tout du moins quand ils étaient sur le point de jouir. Il y avait ceux
qui accéléraient quand le but était proche. Il y avait ceux qui gardaient le même rythme mais dont le
corps se tendait. Et il y avait ceux qui au contraire ralentissaient pour que leur partenaire féminin
puisse aussi atteindre l'orgasme. Le but ultime.
Il faisait partie de cette dernière catégorie. Il était attentionné. Et cela lui permettait de gagner
des points dans l'estime de Silène.
Comme prévu, il ne réussit à tenir que deux minutes et trente secondes de plus. Un exploit. Il
essaya vaguement de continuer le mouvement mais le cœur n'y était plus. Silène mit fin à sa torture
en le retenant par les épaules.
- Ce n'est pas la peine d'insister, commença-t-elle, tu n'y arriveras pas. Mais c'était sympa
quand même.
Elle lui fit un sourire charmeur, persuadée qu'il l'amadouerait. Et ce fut le cas. Il sourit à son
tour.
- Oui, c'était très sympa, répondit-il. Et maintenant on peut se présenter. Moi c'est Fabrice. Et
toi ?
- Silène. Enchantée Fabrice.
- Enchanté Silène. Mais dis-moi, c'était ton copain tout à l'heure au bar ?
- Oui. Pourquoi ?
-
Il n'y a pas un problème entre vous. J'ai eu l'impression que tu partais avec moi pour te venger
ou quelque chose du genre.
Non, pas du tout, mentit Silène. Tout va bien. On est très libres, on fait ce qu'on veut quand
on veut. Et d'ailleurs, c'est pour ça qu'il n'a rien dit quand on est parti ensemble.
Partie 2
Nolwenn, toujours pimpante, continuait à caresser Antoine. Il était sur les genoux. Il avait
beau savoir que la « forme » de sa compagne n'était pas naturelle, cela n'expliquait pas tout. Il avait
renoncé à compter le nombre de fois où il avait joui. De même le nombre de fois où elle avait joui.
Elle était infatigable. Une machine. Une machine à baiser.
Antoine était allongé sur le lit de leur chambre. Les bras en croix. Nolwenn reposait contre
son torse. Elle le caressait négligemment. Comme il ne bougeait plus du tout, elle releva la tête pour
planter ses yeux dans les siens. A la recherche d'un semblant de vie. Elle fit la moue. Elle se releva et
s'assit en lui tournant le dos.
- Bon, ça ne peut plus durer mon chéri, dit-elle froidement.
- Qu'est-ce qu'il y a ? Ça va pas ? S'inquiéta Antoine.
Elle pivota sa tête lentement pour dévoiler un large sourire. Son regard était à la limite de
l'obscène. Antoine comprit. Il déglutit difficilement. Elle en voulait encore. Elle ne s'arrêterait donc
jamais.
- Ça ira très bien dans quelques instants mon chéri. Je vais te préparer un remontant.
Elle se dirigea précipitamment vers le salon. Il l'entendait de loin bougeant les objets. Faisant
tomber les CD. Grognant. S'énervant. Puis un cri de victoire.
- Ah ah ! Fit-elle. Je savais bien qu'il m'en restait quelque part.
Elle revint dans la chambre. Antoine n'avait pas changé de position. Il en était incapable. Elle
s'assit en tailleur à côté de lui. Elle disposa un boîtier de CD à plat. Elle ouvrit le sachet et commença
à préparer les lignes.
Antoine soupira. Il n'aspirait qu'au sommeil. Qu'à une trêve. Mais ce n'était pas pour tout de
suite.
Nolwenn lui tendit le « kit de survie ».
- Non, geint Antoine. Laisse-moi. Il faut que je dorme.
- Allez, insista Nolwenn, tu dormiras après.
- Non, je te dis, ça va me gâcher mon dimanche.
- Mais non, ça sera tout le contraire. Tu verras.
Elle reprit ses caresses en étant plus douce et plus insistante à la fois. Observant les réactions
corporelles de son compagnon. Ça fonctionnait. Il reprenait vie. Tout du moins en partie. Et c'était
justement la partie qui l'intéressait.
Antoine devait s'y faire. Ce que femme voulait, femme l'obtenait. Il prit le boîtier résigné. Il
renifla consciencieusement les trois lignes. Nolwenn sourit.
Yamina et Ralph partirent enfin du Domaine. Elle redoutait toujours un face à face avec
Marc. L'esclandre était passé depuis plusieurs heures. Il y avait peu de chance qu'il soit resté dehors à
l'attendre.
Bien qu'elle se soit raisonnée, Yamina eut une douleur au ventre lorsqu'ils passèrent la sortie.
Comme une crampe. Témoignage de sa réelle appréhension. Elle avança lentement dans la nuit. Elle
regarda dans toutes les directions pour s'assurer que Marc n'était plus là.
- Ne t'inquiète pas, la rassura Ralph, je suis là. Il ne peut rien t'arriver.
Elle eut pourtant un sursaut involontaire quand il posa la main sur son épaule. Elle voulait
qu'ils partent. Vite.
Ralph appela un taxi qui tournait au coin d'une rue. Il ouvrit la porte et laissa passer Yamina.
Galant jusqu'au bout pensa-t-elle. L'une des facettes qui l'avait séduite. Et qui tranchait
formidablement avec tout ce qu'elle avait pu vivre précédemment.
En arrivant chez Ralph. Elle se fit la remarque que c'était la première fois qu'elle venait chez
lui. Auparavant, ils se voyaient toujours dans des endroits neutres. Des bars. Des brasseries. Des
hôtels. Des clubs. Mais jamais chez lui ou ce qui était autrefois chez elle.
Il prit une clef et la tourna dans la serrure. Elle allait enfin pénétrer dans son antre.
Le premier constat de Yamina fut que l'appartement était très dépouillé. Il y avait peu de
meubles. Et ceux qui existaient étaient presque tous plaqués contre les murs. Le salon semblait
encore plus spacieux. Le lieu respirait le calme. A la limite du feng shui.
- J'aime beaucoup chez toi, dit Yamina. Ca te ressemble beaucoup.
- C'est-à-dire ?
- Eh bien... C'est grand... C'est calme... Et on s'y sent bien.
- Merci pour tous ces compliments. Même si je ne sais pas trop comment prendre ta dernière
remarque.
Sa phrase se termina par un large sourire. Yamina se blottit dans ses bras. Ils restèrent ainsi
plusieurs minutes. Profitant de la situation. Espérant qu'elle s’éternise.
Partie 3
Julie essaya d'avaler la boule qu'elle avait dans la gorge. Elle faillit s'étrangler. La tension
était trop forte. La proposition d'Adrien ne la rassurait pas. L'idée qu'il puisse circuler en pleine nuit
avec un macchabée dans le coffre n'aidait pas. Mais elle ne voyait pas d'autre solution. Elle allait
devoir s'y faire et surtout patienter pendant un temps indéterminé.
Adrien déposa un baiser rapide et décidé sur les lèvres de sa partenaire. Le terme était encore
plus approprié dorénavant. Il déplaça le bureau d'Ana pour prendre le tapis qui se trouvait dessous. Il
n'eut pas trop de peine à l'enrouler autour du corps de Gabriel. A croire qu'il avait fait ça toute sa vie.
A croire que ses nuits adolescentes passées à lire des polars l'avaient préparé à la situation.
Gabriel était puissant mais sec. Il ne devait pas peser plus de soixante-quinze kilos. Adrien
l'enfourna dans le coffre de sa voiture. Il se reprit à trois fois pour le fermer. Il se haït d'avoir acheté
une voiture citadine avec si peu de place.
Julie était restée à l'intérieur avec Ana. La jeune fille était de nouveau dans un état
catatonique. Sa mère l'enserrait dans ses bras. Elle regarda par la fenêtre et vit les phares de la voiture
de son amant s'allumer. Le jeu d'ombre en pleine nuit donnait un côté surnaturel à la scène. Les
lumières se déplacèrent au bruit du moteur. Adrien emmenait avec lui les traces de la tragédie.
- Tout va bien se passer ma chérie, chuchota Julie pour rassurer sa fille et surtout pour se
rassurer elle-même. Tout va bien se passer.
-
Bon, reprit Silène, j'aurais presque soif. On va au bar ?
Euh oui, s'étonna Fabrice, mais c'est moi qui t'invite.
Il était tard. Les coins câlins étaient bondés. Par contre, la piste de danse ne comptait plus
beaucoup de participants. Le bar se défendait encore correctement. Il n'y avait plus aucun siège de
libre mais ils trouvèrent de la place à un angle du zinc.
Fabrice fit signe au serveur qui accourut presque. Silène dissimula un rire.
- Stéphane, dit Fabrice, tu nous mets deux coupes de Champagne s'il-te-plait ?
Il n'eut pas besoin de donner de prénom pour que le barman retrouve sa fiche.
- Pourquoi tu riais ? Demanda Fabrice. J'ai dit quelque chose de drôle ?
- Non, ce n'est pas ça. Notre voisin essaie de commander depuis qu'on est sorti des coins câlins
alors que toi tu arrives et tu as ta commande tout de suite. On dirait que tu es connu ici, dit
Silène. Ça fait longtemps que tu viens ?
- Pas tant que ça. Je viens régulièrement depuis un an à peu près.
-
Et tu viens tout seul ? S'étonna Silène.
Oui, la plupart du temps.
Mais pourquoi ils te laissent rentrer si tu es tout seul ? On est censé venir accompagné ici.
Fabrice fit une moue gênée. Comme s'il avait quelque chose à se reprocher pensa Silène.
- Je suis barman.
- Et alors ?
- Eh bien on est collègues. On fait partie du monde de la nuit. Ça crée des liens.
- Des liens qui font que tu fais partie des privilégiés, renchérit Silène.
Elle fit mine de réfléchir. Pour ajouter de la tension se dit-elle. Qu'elle lui montre son
désaccord. Mais elle ne parvint pas à garder son sérieux.
- Je suis contente de t'avoir rencontré finalement, le taquina Silène. J'espère qu'ils me
reconnaîtront maintenant. Comme ça je n'aurais plus à mendier pour avoir un verre.
Elle finit sa phrase sur un éclat de rire. Fabrice la regardait en souriant. Content lui aussi de
l'avoir rencontrée.
Partie 4
Déjà deux fois de suite et toujours rien. Le corps de Nolwenn n'arrivait pas à se mettre en
condition. Pourtant Antoine avait senti les deux fois qu'elle montait. Qu'elle était proche. Mais non. Il
avait échoué. Sa compagne. La femme dont il maitrisait les besoins par-dessus tout. Il ne réussissait
pas à la faire jouir. Et lui, malgré le nombre de fois où cela avait été le cas les six ou huit dernières
heures, ne pouvait pas se retenir suffisamment. C'était vexant.
Antoine était à bout de fatigue. Nolwenn était frustrée et elle le lui faisait comprendre.
- Allez mon chéri, reprit-elle doucement, on va y arriver.
Soupirs d'Antoine.
- Pas tout de suite, répondit-il. J'ai besoin de me remettre. J'en peux plus là.
Soupirs de Nolwenn.
- OK, reprit-elle. Je te laisse le temps de me fumer une cigarette.
Elle sortit du lit en tenue d'Eve. Malgré la fatigue, Antoine sentit un spasme qu'il connaissait
bien. Sa compagne lui faisait encore beaucoup d'effet. Sa silhouette nue l'avait toujours stimulé. Elle
n'avait pas un corps parfait, mais elle réveillait les appétits sexuels de tous. Il n'avait jamais réussi à
mettre le doigt sur les raisons mais il le constatait souvent. Si ce n'était tout le temps.
Nolwenn revint avec un cendrier et un paquet neuf. Elle retourna sous la couette et l'ouvrit.
Elle jeta négligemment le morceau de plastique par terre et alluma une cigarette. Elle ne disait rien.
Elle était sur le dos, les yeux à fixer le plafond. Elle expulsait lentement la fumée de sa bouche. Elle
s'appliquait à faire durer la « pause » de son chéri le plus longtemps possible. Pour lui permettre de
récupérer le plus possible. Elle n'avait pas encore joui. C'était inacceptable.
Antoine observait le bout incandescent. Il suivait son rapprochement du filtre. Il estimait le
temps qu'il restait avant que Nolwenn écrase sa cigarette. Deux minutes. Non. Une minute trente
plutôt. Puis une minute. Trente secondes. Terminée. Le mégot rejoignit ses camarades.
Nolwenn se retourna vers Antoine. Elle lui sourit.
- On y retourne ?
Antoine crut qu'il allait mourir.
Le côté inconnu sans doute. Cela devait être ça. Le fait de ne pas maitriser l'endroit. De ne
pas encore avoir ses marques. C'était sûrement la raison du malaise de Yamina. Parce qu'elle était
vraiment mal à l'aise. Quelque chose la dérangeait. Mais elle n'arrivait pas à mettre le doigt dessus.
Cela passerait.
Ralph se rendait compte de la raideur du corps de Yamina. Lui non plus ne se l'expliquait pas.
Malgré cela, il était heureux de l'avoir enfin chez lui. Il était heureux que l'amour de sa vie soit dans
ses bras. Il était heureux d'être enfin officiellement en couple avec elle. Mais il n'acceptait toujours
pas qu'elle ne veuille pas vivre chez lui. Il allait devoir faire preuve de patience. Encore.
Yamina ne se détendait toujours pas. Elle repoussa légèrement les bras de Ralph qui
l'entouraient.
- Je suis désolée, commença-t-elle. Je ne sais pas ce que j'ai. Je ne me sens pas super à l'aise.
- Oui, j'ai remarqué, sourit Ralph rassurant. C'est sans doute parce que tu ne t'es pas encore
habituée au lieu.
- Peut-être... Sûrement... J'imagine que c'est ça. On peut se mettre sur ton canapé ? Pour
discuter un peu.
Ralph, légèrement surpris, acquiesça de la tête.
Yamina laissa Ralph s'installer le premier. Elle se plaça à une cinquantaine de centimètres de
lui. Une distance de sécurité nécessaire et acceptable. Sa respiration devint moins difficile. Elle se
détendait.
- Je suis désolée, reprit-elle gênée, je ne sais pas ce que j'avais. Je crois qu'il y a eu trop de
choses d'un coup ce soir.
- Tu veux dire cette nuit.
- Oui, sourit-elle, cette nuit.
- Est-ce que ça va mieux ?
Yamina prit quelques secondes pour réfléchir. Pour prendre conscience de toutes les
sensations que lui remontaient les différentes parties de son corps. Oui. Elle se sentait mieux. De
mieux en mieux. Et le regard de l'être aimé l'y aidait. Un besoin connu surgissait au fond d'elle. Un
besoin de contact. De son contact à lui. De ses bras. De ses mains. De tout son corps. En quelques
secondes, cela devint urgent. Elle se retint comme elle put pour ne pas être trop brusque. Pour ne pas
se jeter sur lui comme un animal mort de faim. Elle y arriva. Au début tout du moins. Puis la passion
prit la place de la raison. Elle se laissa aller à cette impulsion. Tout comme Ralph.
Partie 5
Adrien se sentait seul dans sa voiture. Il ne l'était pourtant pas. Mais le corps sans vie qui se
trouvait dans le coffre ne le rassurait pas. Bien au contraire. C'était le fardeau dont il devait se
débarrasser. Sa mission était connue. Elle était en apparence simple. Il l'avait pensée et réfléchie.
Mais elle lui demandait une forte concentration. Elle lui imposait une rigueur extrême. Et c'était ce
qui l'inquiétait. Il n'était pas vraiment de nature rigoureuse. Il allait devoir se faire violence.
A l'approche du chantier, son cœur s'accéléra. L'aube était encore loin mais il n'était pas plus
rassuré pour autant. L'obscurité serait son alliée. Il l'avait planifié ainsi.
La guérite du gardien. Plusieurs matins, Adrien l'avait surpris assoupi. Il lui en avait fait la
remarque mais rien n'y faisait. Il espérait que c'était un matin comme un autre.
Adrien vérifia par la fenêtre. Le gardien dormait profondément. Il retourna chercher son
encombrant paquet.
Adrien suait à force de traîner le cadavre de Gabriel. Pas à cause de l'effort, mais à cause du
bruit de frottement contre le sol. Tant pis. Il fallait avancer. Il devait avancer.
Il arriva proche de la chape de béton. Le trou n'était pas rempli. Le corps pourrait y trouver sa
place. Adrien le déposa. Il vérifia qu'aucune activité ne provenait de la guérite. Il actionna la
machine. Le vacarme était assourdissant. Il espérait que le gardien était toujours endormi. Il crut
entendre un bruit. Il arrêta la machine. Il écouta. Attentif. Rien. Sans doute les nerfs. Il l'actionna à
nouveau. Il regarda Gabriel disparaître sous le béton.
Elle pesait le pour et le contre. Soit elle considérait que Tristan était suffisamment puni et
dans ce cas elle rentrait chez eux. Soit non, et dans ce cas elle se devait pour l'ensemble de la gente
féminine de continuer la soirée. Silène hésitait. Mais la perspective d'agir pour le bien de l'humanité
allait l'emporter. Elle le savait. Sa responsabilité en tant que femme opprimée prévalait sur toute
autre considération.
- Je vais te faire une faveur, reprit-elle après cette phase introspective, je vais te laisser me
ramener chez toi.
Fabrice ouvrit de grands yeux. Il éclata de rire surpris par autant d'assurance. Il la regarda à
nouveau. Cherchant la moindre trace d'ironie. Il soupira, rassuré. Il en décela la marque.
- Mademoiselle, répondit-il, que me vaut cet honneur ?
- Monsieur, ironisa-t-elle, ce sont vos privilèges durement acquis qui vous récompensent.
Ils éclatèrent de rire en même temps. Fabrice était conquis. Cette femme le touchait. Quelque
chose naissait. Mais son instinct lui disait de faire attention. De ne pas s'attacher. Il n'en sortirait pas
indemne.
Une fois dans la rue, il la prit par la main. Fabrice entraîna Silène jusqu'à sa voiture.
Le trajet fut court. De l'intérêt d'avoir une voiture à Paris. Mais uniquement la nuit.
Silène fut déçue par son appartement. C'était un minuscule deux pièces. Et le pire était qu'il
n'avait pas de baignoire. Vraiment décevant.
- Je peux utiliser ta douche, dit-elle soudainement.
- Euh...
Silène n'attendit pas la réponse. Elle se dirigea vers la salle d'eau en semant ses vêtements au
fur et à mesure du trajet. Elle se retourna pour planter ses yeux dans ceux de Fabrice. Elle arqua un
sourire en coin.
- Je préfère être propre quand je dors chez un inconnu.
Partie 6
La pause avait été courte. Trop courte. Antoine n'était plus à l'agonie. Il était dans la phase
suivante. Suicidaire. Les besoins de Nolwenn allaient le tuer.
Il se concentra pour penser à autre chose. Soudain un espoir. Elle réagissait enfin. Son corps
donnait les signes extérieurs d'arrivée à destination. Et pour le lui confirmer, les râles commencèrent.
- Antoine... Antoine... Murmurait Nolwenn.
Cela la remotiva. Antoine en avait besoin. Son ego en avait besoin. Il s'appliqua à nouveau. Il
écoutait ce corps féminin qui lui parlait. Il allait dans son sens. Il le connaissait. Il reconnaissait les
demandes d'attention. Il agissait là où il devait agir. La récompense approchait. Les spasmes en
témoignaient.
- Oh c'est bon, criait maintenant Nolwenn.
Un dernier effort, se disait Antoine. Un dernier effort et il pourrait dormir. Enfin.
Le corps de Nolwenn se tordait dans tous les sens. Ses tremblements montaient de ses jambes
jusqu'à ses bras. Soudain, tous ses muscles se tendirent. Elle ne respirait plus. Elle implosa.
- Aaaaahhhhh, hurla Nolwenn.
Elle retomba sur le lit. Épuisée. Antoine fit de même. Extenué.
- Je t'aime, murmura Nolwenn. Je t’aime… Trist… Antoine...
Elle s'était reprise au dernier moment. Avait-il entendu ? Avait-il compris ? Elle n'osa pas le
regarder. C'est lui qui se releva pour placer son visage au-dessus du sien. Il la regardait dans les
yeux. Son expression était neutre. Impossible de savoir ce qu'il pensait. Impossible d'interpréter. Puis
il sourit.
- Je t'aime aussi mon amour, répondit Antoine avant de déposer un baiser sur ses lèvres.
Nolwenn se détendit. Il n'avait pas entendu. Il n'avait pas compris. Son secret était toujours
bien gardé.
Ralph était rassuré. Les soupirs haletant de Yamina étaient significatifs. Elle était détendue.
Ralph l'avait presque vécu comme un combat. Il l'avait gagné in extremis.
Ils étaient allongés sur le tapis du salon. Ralph sur le dos. Yamina sur le côté. Collée contre
lui. Elle caressait négligemment le ventre de son homme. Celui qu'elle aimait. Marc revint
furtivement à son esprit. Plus les minutes passaient plus cela lui semblait loin. Elle se souvenait du
quotidien insupportable. Rarement contrebalancé de moments agréables. De moments lui donnant
des raisons de continuer cette relation stérile. Elle sortit de ses pensées et regarda le corps masculin
reposant près d'elle. Ralph avait les yeux fermés. Il était calme. Yamina se demanda comment allait
se passer la vie au jour le jour avec lui. Elle gardait à l'esprit qu'elle aurait son propre appartement.
Mais elle savait qu'elle allait vivre chez lui dans un premier temps. Elle était inquiète. Non, pas si
inquiète que ça finalement. Son instinct lui disait que cette vie de couple serait simple. Sur un plan
d'égalité. Elle se sentit rassurée. Puis soudainement amoureuse. Elle regarda de nouveau ce visage
paisible. Elle sourit. Elle se leva et lui prit la main.
- Viens, dit-elle.
Ralph se mit debout. Elle n'attendit pas de réponse. Elle l'emmena dans la chambre. Elle
voulait être sous la couette.
Ils firent l'amour plus doucement que jamais. L'intensité en fut décuplée.
Ralph retomba sur le lit. En sueur. Heureux. Ses yeux rencontrèrent ceux de cette femme tant
désirée. Enfin sienne. L'évidence de la situation le frappa.
- Bienvenue chez toi, finit-il par dire.
Episode 3
Partie 1
Une semaine s’était écoulée. Déjà. Le temps passait vite finalement. Julie se forçait tous les
jours à oublier ce qui était arrivé à Gabriel. Objectif impossible à atteindre. Mais elle persévérait. Les
cris qui provenaient chaque nuit ou presque de la chambrer d’Ana ne l’aidaient pas. Cela alourdissait
quotidiennement l’angoisse qu’elle ressentait. L’appréhension d’être prise. D’être retrouvée. D’être
reconnue comme coupable. La sonnerie de l’entrée la fit sursauter. La vie devait trouver amusant de
la ramener sur terre de façon aussi efficace.
Julie se dirigea vers la porte. Elle apercevait à travers les vitres translucides les silhouettes de
deux hommes. Son ventre réagit violemment à l’information que son cerveau venait d’envoyer à
l’ensemble de son corps. La police. Sans aucun doute c’était la police. Elles avaient été retrouvées.
Identifiées. Sans doute par Nora la petite amie de Gabriel. De feu Gabriel. Elle inspira une grande
goulée d’air puis l’expira le plus lentement possible. Un exercice respiratoire qu’elle avait appris
d’une amie, censé la calmer instantanément ou presque. Le résultat n’était malheureusement pas là.
- Bonjour, dit Julie, c’est à quel sujet ?
- Bonjour, c’est la police, répondit l’homme le plus âgé des deux. On peut entrer ?
- Oui, bien sûr.
Ils passèrent devant Julie l’un après l’autre. Le plus jeune suivait celui qui devait être son
chef. Les deux hommes faisaient tout leur possible pour afficher une mine sérieuse et peu
engageante.
- Vous pouvez me dire les raisons de votre visite ? Demanda Julie s’efforçant d’être la plus
neutre possible.
- C’est au sujet de votre ex-mari Gabriel. Sa copine dit qu’il a disparu et on vérifie ses
différentes relations. Quand l’avez-vous vu pour la dernière fois ?
Julie réfléchit et vite. Elle ne l’avait finalement pas revu depuis l’esclandre au Domaine où il
avait frappé Adrien. Mais il l’avait appelé et lui avait envoyé plusieurs fois des SMS entretemps. Le
mieux était de dire la vérité finalement.
- La dernière fois que je l’ai vu c’était dans un club échangiste où il a frappé mon compagnon.
Je suppose que Nora vous a déjà raconté cet épisode.
Les deux représentants de l’ordre acquiescèrent de la tête.
- Et depuis il n’a fait que me menacer par téléphone et par SMS pour récupérer la garde de ma
fille. Mais je suppose que ça aussi vous le savez.
Ils acquiescèrent de nouveau.
- Et quand avez-vous eu des nouvelles pour la dernière fois ? Demanda le chef.
- Je ne sais plus, il y a une ou deux semaines. Il a disparu depuis quand ?
- On ne peut pas vous le dire ça madame. Merci en tout cas pour vos réponses et bonne fin de
journée.
Ils partirent aussi rapidement qu’ils étaient venus.
Julie soupira une fois la porte fermée. L’épreuve était passée et elle s’en était bien tirée
trouvait-elle. Il fallait attendre la suite.
Silène n’était pas réveillée depuis longtemps bien que ce fut la fin de matinée. Elle regardait
le texto qu’elle avait envoyé la veille à Tristan pour lui demander si elle pouvait dormir chez Fabrice.
Il avait seulement répondu d’un « OK » qui signifiait qu’elle pouvait faire ce qu’elle voulait mais
qu’elle devait faire attention à elle et à lui.
Elle entra dans leur appartement. Elle fit ce qu’elle put pour être la plus discrète possible.
Mais cela ne faisait pas partie de ses facultés naturelles. Elle se cogna dans à peu près tous les
meubles qui dépassaient entre la porte d’entrée et la salle de bain. Mais elle réussit cependant à ne
rien faire tomber. Elle se déshabilla, fit couler de l’eau très chaude et se réfugia sous la douche. Elle
se sentait sale malgré tout. Cette saleté n’était pas réelle. C’était l’impression d’avoir fait quelque
chose de contraire à ses valeurs. Elle réfléchissait. Elle ne voyait pas ce qui la culpabilisait. Elle avait
passé la nuit avec un amant mais elle avait prévenu son compagnon avant. Donc rien de
répréhensible là-dedans. Alors pourquoi cette impression ?
Elle s’assit dans la baignoire et la boucha. L’eau montait lentement le long de ses jambes.
Elle gardait la tête sous le pommeau de douche. Elle se savonna entièrement le corps. Elle prit son
gel de douche intime et commença à nettoyer son sexe. La sensibilité qu’elle ressentit lui fit
comprendre ce qui n’allait pas. Ce n’était aucunement de la culpabilité vis-à-vis de son compagnon,
c’était vis-à-vis d’elle. Vis-à-vis des femmes en général. Elle avait passé la nuit avec un homme qui
n’avait pas réussi à la satisfaire. Il s’ensuivait par conséquent une frustration qu’elle ne connaissait
qu’avec ceux qui n’étaient pas son Tristan. Elle sourit. Elle savait ce qu’il lui fallait. Et elle savait qui
allait le lui donner.
Partie 2
Antoine l’avait en tête depuis quelques temps déjà. Il n’avait pas encore franchi le pas. Ce
n’était pas une question de honte mais plutôt une question de disponibilité. Ou plutôt d’intimité car il
ne pouvait pas le faire quand Nolwenn était avec lui. Ce midi était l’occasion parfaite. Sa compagne
était partie déjeuner avec des collègues. Il jouissait de l’appartement dans son ensemble.
Il alluma l’ordinateur. Il écrivit le lien dans son navigateur internet sans aucune faute. Il avait
profité d’une solitude précédente pour faire les recherches dont il avait besoin. Il avait pu comparer
les différents sites qui l’intéressaient et savoir lequel lui conviendrait le mieux.
La page web afficha un formulaire à remplir pour tout nouvel arrivant. Il entra son
pseudonyme et son type de recherche. Le champ « annonce » lui posa problème. Il n’avait pas
réfléchi à ce qu’il inscrirait. Il se leva et alluma une cigarette. Il fit les cent pas dans son salon en
jetant des coups d’œil à l’écran. Une fois le mégot écrasé, il reprit place devant le clavier. Il hésita
puis il se dit que c’était la meilleure formule pour l’instant. Il écrivit « Par curiosité pour le
moment ». Il valida son formulaire.
Il n’eut pas le temps de faire une quelconque recherche qu’une nouvelle fenêtre clignota pour
lui demander de chatter en direct. « TTBM82 » venait de l’interpeler.
Yamina avait appelé Marc. La conversation avait été courte mais avait duré suffisamment
longtemps pour qu’il puisse faire quelques remarques cinglantes. Se sentant malgré tout coupable,
elle l’avait laissé dire. Sans réagir. Il fallait qu’elle récupère ses affaires. Elle lui avait dit qu’elle
passerait à l’heure du déjeuner. Elle lui demandait de ne pas être présent. Que ça ne servait à rien
qu’ils se croisent. Il l’insulta pour lui faire comprendre qu’il la haïssait mais qu’il ne serait pas à
l’appartement non pas pour lui faciliter les choses mais parce qu’elle le dégoutait. Elle considéra
qu’elle ne pouvait espérer mieux.
- Je préfère venir avec toi, dit Ralph une fois le téléphone raccroché. Je n’ai aucune confiance
en Marc.
Yamina lui sourit et vint lui déposer un baiser sur la joue.
- Ne t’inquiète pas, dit-elle, je suis certaine qu’il ne viendra pas.
- Pas moi, insista-t-il.
- OK, viens avec moi alors si ça peut te rassurer. Par contre, tu ne rentreras pas dans notre
appartement. Je préfère qu’il reste lié à ma vie précédente et pas à celle que j’aurai
dorénavant.
Ils prirent la voiture de Ralph. Il avait réussi à convaincre Yamina que ce serait beaucoup
plus pratique d’utiliser son véhicule pour déménager ses affaires plutôt que les transports en
commun.
Il réussit à se garer juste devant l’entrée de l’immeuble. Une place libre à Paris en pleine
journée était un réel signe de chance. Ralph ne parvint pas à ne pas penser qu’il devrait jouer au loto.
Ce genre de réflexion clichée lui remontait un sentiment de honte qu’il n’arrivait que difficilement à
chasser.
- Bon, je pense que j’en ai pour trente minutes, dit Yamina. On est d’accord, tu m’attends ici et
tu n’essaies pas de me rejoindre.
- OK, on est d’accord. Prends ton temps, mais s’il y a le moindre problème tu m’appelles.
OK ?
- OK.
Il la regarda descendre de voiture puis traverser la rue. Il soupira tellement il la trouva belle.
Ce qu’elle dégageait avait énormément changé depuis sa séparation. Le fait de ne plus être en couple
avec Marc semblait l’avoir libérée.
Elle s’arrêta devant l’immeuble et composa le code d’entrée. Elle poussa la lourde porte et
s’engouffra dans le couloir. Ralph attendit de ne plus la voir pour consulter sa montre et calculer
l’heure à partir de laquelle il devrait s’inquiéter.
Partie 3
- Qui c’était maman ?
Julie sursauta à nouveau. Deuxième fois en moins d’une heure qu’elle se faisait surprendre.
Elle était à fleur de peau. La situation devenait de plus en plus insupportable. Elle fit de son mieux
pour arborer une mine enjouée pour rassurer sa fille.
- Ce n’était rien ma chérie. Ils voulaient vendre des calendriers.
- Des calendriers en cette saison ?
- Oui, moi aussi ça m’a surpris.
- Et en plus des calendriers de la police.
Aïe, elle avait entendu la conversation. Julie ne pouvait plus faire semblant.
- Oui ma chérie, excuse-moi. Je ne voulais pas que tu t’inquiètes.
- Ils recherchent papa c’est ça ? C’est Nora qui leur a dit qu’il avait disparu ?
- Oui, c’est bien ça. Mais pour le moment ils n’ont pas l’air de croire qu’il lui est arrivé quoi
que ce soit. Tu sais, ça ne fait qu’une semaine que… que ça s’est passé.
- Que je l’ai tué tu veux dire, cingla Ana. Que je l’ai poignardé et qu’il est mort dans ma
chambre parce qu’il voulait te faire du mal.
Les sanglots éclatèrent. Ana était à bout. Son corps et son esprit de petite fille ne pouvaient
pas assumer ce qu’il s’était passé. Julie revit la scène sanguinolente qu’elle avait découverte en
rentrant dans la chambre de sa fille. Ana qui était prostrée sur son lit avec le cadavre de son père à
ses pieds. Elle alla la prendre dans ses bras pour la calmer.
- Là, ça va aller ma chérie. Tout va bien se passer.
Ana la repoussa soudainement. Son visage exprimait la colère au travers du voile de ses
larmes.
- Non ! Ce n’est pas vrai ! Rien ne va bien se passer. Ils vont découvrir que j’ai tué mon père.
Ils vont découvrir que vous l’avez caché. On va tous aller en prison !
- Mais non, dit Julie le plus doucement qu’elle pouvait, ils ne vont rien découvrir.
- Si ! Et le mieux c’est que j’aille me dénoncer, comme ça il n’y a que moi qui irai en prison et
pas vous.
- Non ! Hurla soudain Julie. Tu n’iras pas te dénoncer. Ton père t’a suffisamment fait de mal
comme ça. Il n’est pas question qu’il gâche ta vie même après sa mort !
Silène se faufila dans le lit conjugal. Tristan ronflait. Elle ne supportait pas ses ronflements
quand ils dormaient ensemble. Elle avait pris l’habitude de le retourner dès que le premier
vrombissement survenait. Mais là, elle ne voulait pas dormir. Elle voulait au contraire qu’il se
réveille et qu’il soit le plus en forme possible. Elle enleva doucement le caleçon de son homme. Elle
caressa délicatement le sexe tout aussi endormi que son propriétaire. Comme celui-ci ne revenait pas
à la vie, elle commença à le laper. Puis elle l’entoura de ses lèvres. La raideur naissait.
Tristan grogna. Il était toujours en plein sommeil. Silène sourit et continua son va et vient
buccal. Elle accéléra.
- Qu’est-ce que tu fais ? Demanda Tristan d’une voix ensommeillée. Il est quelle heure ?
- On s’en fout mon chéri, il faut que tu te réveilles. J’ai envie de toi.
- Euh… tu peux me laisser un peu de temps. Genre que je prenne un café et après on voit ?
- Non mon amour, il va falloir que tu sois fort. Fabrice n’est pas un super amant. Et donc, je
suis complètement frustrée et tu sais comment je suis quand je suis frustrée.
Oh que oui il le savait. Et l’idée de supporter sa compagne frustrée ne le réjouissait guère.
Elle allait être tout bonnement imbuvable s’il ne faisait pas ce qu’elle voulait. Il la regarda s’acharner
sur son membre pour qu’il reste en érection. Il prit sur lui pour ne pas soupirer. Tout autre homme
serait heureux d’être réveillé de cette façon. Mais pas lui. Son sommeil était sacré. Et Silène le savait.
Donc, si elle n’avait pas pris cela en compte c’était qu’elle avait un réel besoin. Il n’y couperait pas.
- OK viens, embrasse-moi.
Silène releva la tête et vit le sourire de cet homme qu’elle aimait plus que tout. Elle fit glisser
la langue le long de ce ventre masculin pour remonter jusqu’à ses lèvres. Elle l’embrassa avec
gourmandise sentant dans sa main la raideur masculine à son maximum.
Partie 4
La fenêtre continuait à clignoter. L’icône de la souris d’Antoine était posée sur le bouton
accepter. Il n’avait pas encore cliqué. Son index se contracta puis se relâcha. Une nouvelle fenêtre
apparue. Il pouvait y lire « Bonjour, qu’est-ce qui t’amène ici ? ». Il prit encore quelques secondes de
réflexion. Il répondit « La curiosité principalement… ». La réponse de TTBM82 fut immédiate « De
quoi es-tu curieux ? De comment ça se passe entre hommes ? ». Antoine écrivit « Oui.. ». Le
dialogue s’installait.
- J’en conclus que tu n’es pas très au fait des relations avec un homme. As-tu au moins eu des
relations avec des femmes ?
- Oui, je vis d’ailleurs avec une femme.
- Et tu constates que tu as des attirances pour les hommes…
- Oui, en gros c’est ça.
- Très bien, on va y aller doucement alors. Et pour commencer, mon prénom est Alexandre.
Non, tu n’es pas obligé de me donner le tien pour le moment. On verra plus tard.
Antoine ne pouvait pas lui cacher son prénom. Il préférait être sur un pied d’égalité.
- Moi c’est Antoine, finit-il par écrire. Autant qu’on sache les mêmes choses chacun de notre
côté.
- OK. Enchanté Antoine.
- Enchanté Alexandre.
- T’es tout seul chez toi ?
- Oui. Je suis tout seul abandonné.
- Je vais m’occuper de te réconforter alors. Pour aller doucement, je te propose qu’on se
rencontre dans un endroit publique histoire que tu ne sois pas terrorisé.
- Je ne suis pas terrorisé pour le moment. Et OK pour qu’on se rencontre autour d’un café.
Yamina eut un pincement au cœur en passant la porte de son ancien appartement. Rien
n’avait changé. En dehors de l’amoncellement de poussière et de crasse. Evidemment, ce n’était pas
Marc qui aurait fait le ménage. Elle entendit du bruit dans la cuisine. Ralph avait raison. Marc
l’attendait.
Elle se dirigea lentement vers la cuisine. Elle appréhendait la rencontre et la discussion qui
allait s’ensuivre. Elle jeta un œil et le vit assit sur une chaise. Il se tenait la tête entre les mains. Il
pleurait.
- Reviens Yamina, larmoya-t-il. Je t’en prie reviens.
Elle ne s’attendait pas à le voir dans cette position de détresse. Pas à ce point en tout cas. Elle
faillit le prendre dans ses bras pour le consoler. Puis elle se souvint. Elle se souvint de ses coups. Elle
se souvint de son alcoolisme. Et elle se souvint de la scène au Domaine. De la façon dont il traita
Chrystelle. Des insultes qu’il lança. Non. Elle ne pouvait pas revenir. Il était trop tard. Il aurait dû se
remettre en question avant. Bien avant.
- Non Marc, je ne reviendrai pas. C’est trop tard.
- Mais non, ce n’est pas trop tard, dit-il en la regardant droit dans les yeux. Je sais que j’ai
déconné. Je sais que j’ai fait des erreurs. Mais je peux changer. Tu sais que je peux changer.
- Oui, c’est possible que tu changes mais je n’y crois plus trop. Et désolé de te le dire comme
ça mais j’aime un autre homme.
Le visage de Marc se ferma d’un coup. Les larmes commencèrent à sécher. La tristesse
laissait la place à la colère. A la jalousie.
- Tu parles du grand baraqué ? C’est bien Ralph qu’il s’appelle c’est ça ? Et t’es amoureuse de
lui ? Si c’est le cas, tu as bien changé, ajouta-t-il dans l’espoir de la blesser.
- Oui, c’est le cas et si tu considères que j’ai changé parce qu’il n’a rien à voir avec toi, eh bien
oui j’ai changé. Je ne veux plus laisser qui que ce soit m’humilier. Je ne veux plus être la
femme de quelqu’un. Je veux être une femme à part entière. Et non, je ne reviendrai pas vers
toi. Même si tu avais changé plus tôt, ça n’aurait finalement rien changé. Tu es trop loin de ce
que je veux à présent. De ce dont j’ai besoin. Tu m’as perdue depuis longtemps.
Elle n’attendit pas la réaction de Marc. Elle tourna les talons et rangea rapidement ses
affaires. Cinq minutes plus tard, elle était dans la rue avec ses deux sacs et sa valise.
Partie 5
Julie crut entendre une voiture se garer devant chez elle. En allant à la fenêtre, elle constata
que c’était Adrien. Ana en profita pour partir en courant dans sa chambre.
Adrien n’eut pas le temps de sonner à la porte que Julie lui ouvrit. Elle se colla à lui cherchant
l’étreinte réconfortante. Il la serra aussi fort qu’il put.
- Comment ça va ? Demanda Adrien maintenant Julie dans ses bras.
- Pas terrible, répondit-elle. Ana veut aller se dénoncer à la police.
- Oh non, non. Surtout pas. Pas après ce qu’on a fait.
- Il ne faut pas lui en vouloir, elle ne se rend pas compte.
- Elle ne se rend pas compte de quoi ? De ce qu’on risque ?
- Non, elle ne s’en rend pas compte. Elle est persuadée que si elle va se dénoncer elle sera la
seule à assumer les conséquences.
- Alors qu’en vérité non. Ca ne sera pas le cas. Si elle parle, on risque tous la prison. Ce ne sera
même pas un risque d’ailleurs, ce sera plutôt un aller direct.
Julie trouva Adrien particulièrement dur. Particulièrement irritable. La situation y était
vraisemblablement pour beaucoup mais cela la surprit. Elle le regarda et s’aperçut que son visage
reprenait l’expression sereine habituelle. Cette expression qui la rassurait dans toutes les situations. Il
redevenait lui-même.
- Ecoute, reprit Adrien très calmement, je comprends ce qu’elle ressent. Je comprends ce
qu’elle pense. Sans doute qu’à sa place si j’avais son âge et si je me trouvais dans la même
posture je réagirais comme elle. Mais il faut qu’on arrive à la convaincre de ne surtout pas le
faire. Si elle parle, elle nous envoie en prison.
Ana avait entendu toute la conversation. Elle avait fait semblant d’aller dans sa chambre pour
savoir ce que les adultes allaient se dire. Elle se demandait si Adrien pensait réellement ce qu’il
disait. Si sa peur était justifiée ou non.
Silène avait pris sa position fétiche. Celle qui était la plus efficace pour elle. Après la nuit de
frustration qu’elle avait passée, elle ne voulait prendre aucun risque avec son chéri. Il fallait qu’elle
prenne son pied coute que coute.
Tristan était rassuré. Silène était sur lui de façon à ressentir pleinement les effets de la
pénétration alors que pour lui ils étaient amoindris. Il craignait lui aussi que la frustration de sa
compagne continue avec lui. Il n’était pas assez réveillé pour le supporter et surtout l’assumer
derrière.
Silène s’affaissa d’un coup. Tremblotante de tout son corps. Tristan était rassuré. La journée
devrait finalement bien se passer. Silène le regarda avec des yeux embués. Elle l’embrassa
amoureusement. Elle fit avec sa langue le chemin inverse qu’elle avait réalisé précédemment. Elle
descendit le long de son ventre pour atterrir sur le sexe encore dur de son homme. Elle l’entoura à
nouveau de ses lèvres et des ses doigts. Elle savait comment accélérer les choses. Elle voulait le
remercier du plaisir qu’il lui avait donné. Ou plutôt qu’elle l’avait obligé à lui donner.
La conclusion fut rapide. Elle déposa un baiser furtif sur le sexe masculin encore sensible.
Puis elle colla son flanc contre celui de l’homme qu’elle aimait.
- Tu sais que je t’aime comme je n’ai jamais aimé avant ? Demanda Silène sans vraiment
attendre de réponse.
- Oui je sais, et c’est pareil pour moi, lui répondit Tristan.
- Et ce qui est génial c’est la liberté de notre relation. Tu te rends compte de tout ce qu’on peut
faire alors que les autres couples se l’interdisent ?
Oui, Tristan se rendait compte. Il se rendait compte de tout ce qu’il autorisait sa compagne de
faire. Mais se rendait-elle compte que lui n’en profitait pas ou très peu ?
Partie 6
- Et tu as un endroit de préférence pour le café ? Continuait Alexandre.
- Oui, il y a un café pas très loin de chez moi que j’aime bien. Je te donne l’adresse.
- T’es dispo quand ?
Heureusement qu’il devait aller doucement se dit Antoine. Il se demandait à quoi pouvait bien
ressembler la drague des homosexuels morts de faim. Ca ne devait pas être très joli à voir.
- Vendredi prochain si c’est OK pour toi.
- OK pour moi.
- Mon chéri ?
- Merde ma copine vient de rentrer, écrivit Antoine en panique. A vendredi !
Antoine se déconnecta une seconde avant que Nolwenn ne surgisse dans la pièce. Elle
semblait soucieuse. A croire que le déjeuner ne s’était pas aussi bien passé que prévu.
- Ca n’a pas l’air d’aller mon amour, essaya Antoine. Qu’est-ce qu’il se passe ?
- Oh rien, c’est tous des vieux cons pas drôles.
- Raconte.
- Rien je te dis. On était au resto et puis j’ai emballé une autre cliente dans les toilettes.
- Et alors ?
- Et alors une collègue m’a surprise et n’a pas pu s’empêcher de le dire aux autres. Je te laisse
imaginer la série de regards désobligeants auxquels j’ai dû faire face. Il y en a un qui m’a dit
à l’oreille que ce n’était pas très fin de ma part mais que comme il était sympa il ne te dirait
rien.
- S’il-te-plait, dis-moi que tu ne l’as pas envoyé se faire voir…
-
Mais non, ne t’inquiète pas, je n’ai rien dit. J’ai bien compris qu’il ne fallait pas que j’en
rajoute. Mais bon, au moins j’ai son téléphone.
Tu parles de la cliente ?
Evidemment. Et toi, ta journée s’est bien passée ? Rien de neuf ?
Non, rien de neuf…
Ralph vit Yamina sortir de l’immeuble et accourut pour l’aider. Elle le remercia des yeux et
l’embrassa du plus fort qu’elle put. Elle l’aimait. Elle l’aimait pour être tout le contraire de ce
qu’était Marc.
- Il était là hein ? Demanda Ralph.
- Oui, il était là, répondit Yamina.
- Comment ça s’est passé ?
- Il a pleuré, et après il s’est mis en colère.
- Je vais aller lui dire deux mots dans ce cas.
Yamina lui retint le bras pour l’empêcher de monter.
- Non, laisse tomber. Je lui ai parlé. Il ne nous embêtera pas.
- T’es sure de toi ? Il ne m’a jamais paru particulièrement fiable, surtout quand il dit qu’il ne
t’embêtera pas.
- Je pense qu’on peut le croire. Je pense d’ailleurs qu’il a peur de toi.
- Qu’est-ce qui te fait dire ça ?
- Il t’appelle le « grand baraqué ».
Ralph ne put s’empêcher d’éclater de rire.
- Ah bon, reprit-il, et tu crois qu’un grand garçon comme lui peut être impressionné par un
« grand baraqué » ? C’est à mourir de rire.
- Ne te moque pas de lui s’il-te-plait. C’est pas drôle pour lui en ce moment. Je sais que je ne
devrais pas mais il m’inquiète un peu.
- En effet, tu ne devrais pas, mais c’est ton côté maternel qui parle. Et ce côté a toujours été
très présent avec lui. Et même trop présent à mon goût.
- Bon, arrête maintenant et aide moi à mettre tout ça dans ta voiture. Autant que ça serve que tu
sois grand et baraqué.
Ralph se retourna, prit Yamina dans ses bras, la souleva du sol sans effort et l’embrassa.
- Ca peut aussi servir à ça d’être grand et baraqué.
Episode 4
Partie 1
« Un verre, j'ai besoin d'un verre », c’était l'état d'esprit de Tristan en ce vendredi soir. La
semaine ne s'était pas écoulée sans encombre. Le stress faisait partie intégrante de son travail donc il
l'acceptait.
Silène avait pris le train le matin même pour passer le week-end chez sa mère. Tristan se
retrouvait en mode célibataire ce que d'habitude il appréciait. Cela lui permettait généralement de
faire les choses qu'il procrastinait le reste du temps. Mais ce soir il avait besoin d'autre chose. Il
voulait être entouré de personnes extérieures à sa vie professionnelle. En accompagnant le tout de
breuvages alcoolisés. Le Surcouf était la solution. Le bar dans lequel il pouvait se retrouver seul sans
avoir l'impression d'avoir un problème de boisson.
La faune habituelle était présente. Tristan s'installa au bar. Il hocha la tête en direction du
barman pour le saluer. Ce dernier s'approcha.
- Bonsoir jeune homme, commença Bob, qu'est-ce que je peux faire pour toi ?
- Pour commencer je vais avoir besoin d'une bière, répondit Tristan. Tu peux me mettre un
demi ?
- Mais bien sur cher maître.
Tristan sourit. Bob avait pris l'habitude de l'appeler ainsi sans trop savoir pourquoi. Un signe
de respect totalement décalé qui allait très bien avec l'endroit.
Le verre arriva. Tristan prit une première gorgée pour se désaltérer suivie immédiatement
d'une seconde pour le mettre en mode week-end. Le stress diminuait.
Il sentit un mouvement dans son espace vital. Une femme. Elle s'assit à côté de lui et posa son
verre de vin devant elle. Tristan se tourna vers elle. C'était Aurore. La soirée commençait bien.
Antoine avait choisi ce café pour deux raisons. La première était que pour affronter l'inconnu
il préférait un endroit connu dans lequel il était cependant anonyme. La deuxième était qu'il voulait
pouvoir y aller à pied de façon à maîtriser le trajet. En d'autres termes, pour ne pas avoir à faire face
à un quelconque impondérable. Cette maîtrise de la distance lui permettait d'être dans le lieu à l'heure
qu'il désirait. C'était-à-dire avec quinze minutes d'avance.
Antoine était tendu. Il appréhendait la rencontre avec l'homme d’internet. Il n'était pas certain
d'arriver à assumer ses récentes envies. C'était pour cela qu'il était arrivé en avance. Il voulait laisser
la responsabilité de « fuite » à Alexandre. Si ce dernier n'aimait pas ce qu'il voyait en arrivant, il
pouvait tourner les talons sans même se signaler.
- Vous prendrez quoi ?
Antoine eut un sursaut involontaire. Il n'avait pas vu arriver le serveur. Qu'allait-il prendre ?
Un café ? Non, il était suffisamment tendu comme ça. Un whisky pour le détendre ? Non, ça faisait
trop alcoolique. Un verre de vin ? Oui, c'était le bon compromis.
- Un ballon de rouge s'il-vous-plait.
Deux minutes plus tard, le verre était sur la table. Il prit une première gorgée. Le vin n'était
pas grandiose mais il passait. Une deuxième gorgée, son palais réceptionnait mieux le goût âpre. A la
quatrième, ses tremblements se calmèrent. Alexandre pouvait arriver, il était prêt.
Partie 2
Elle n'arrivait pas à mettre la main dessus. Nolwenn se sentait mélancolique sans trop savoir
pourquoi. Son cerveau ne faisait pas le lien entre un quelconque événement récent et son état d'esprit.
Le déjeuner qu'elle avait pris dernièrement avec ses collègues n'avait pas été catastrophique. Il n'avait
pas été festif non plus mais en même temps ce n'était pas le but. Elle s'était pourtant sentie observée
et remise en question durant tout le repas, sans trop savoir pourquoi ni par qui. Il en était résulté un
début de perte de confiance en elle. Ce n'était pas quelque chose dont elle avait l'habitude. Elle avait
voulu en parler à Antoine quand elle était rentrée chez eux mais elle avait abandonné l'idée. Il était
bizarre. Moins empathique que d'habitude. Comme s'il lui cachait des choses.
Elle devait réagir. Elle avait besoin de se changer la tête. Chrystelle ! Chrystelle lui
redonnerait de l'énergie.
Nolwenn dégaina son téléphone. Elle regarda la liste des derniers appels. Cinq jours. Cela
faisait déjà cinq jours qu'elle ne lui avait pas parlé. Elle cliqua sur le bouton.
- Salut c'est Nolwenn, ça va toi ?
- Oui ça va. J'entends que toi ce n’est pas le cas. Tu me racontes ?
- Je sais pas trop. Je n'ai pas la super forme.
- C'est ton mec ?
- Il y a de ça. Il est distant ces derniers temps et je ne le vis pas très bien.
- Attends deux secondes, je suis avec Ralph et Yamina. Je vais leur demander si ça ne les
dérange pas que tu nous rejoignes.
Nolwenn perçut des bruits de conversation étouffée.
- Ok, reprit Chrystelle. Viens nous rejoindre chez Ralph. A tout de suite ma Belle.
- A tout de suite.
Elles raccrochèrent. Voilà, c'était ce qu'il lui manquait. Juste la perspective d'être aimée par
quelqu'un. Nolwenn se sentait subitement mieux. Elle effaça le sourire qui naissait sur ses lèvres.
Même si elle était rassurée, elle avait besoin d'être cajolée. Pour cela, elle devait garder son air triste.
Oui, c'était plus sûr.
Numéro inconnu. Sans doute un fournisseur se dit Julie. Elle préféra ne pas répondre pour
pouvoir terminer sa tâche en cours. Son répondeur ne manqua pas de la rappeler. Elle décrocha.
- Allo oui bonjour, dit une voix masculine, je suis le proviseur du collège d'Ana. Pouvez-vous
me rappeler à son sujet ?
Julie fronça les sourcils. C'était bien la première fois qu'un proviseur lui téléphonait. Elle
composa le numéro et attendit.
- Allo, dit la voix masculine qui lui avait laissé un message.
- Oui bonjour, je suis la mère d'Ana, vous m'avez demandé de vous rappeler.
- Oui, en effet, c'est bien entendu au sujet de votre fille. Elle a encore eu des problèmes avec
ses camarades.
- Comment ça encore ? Et quels problèmes ?
- Elle s'est battue avec des garçons comme la semaine dernière. Vous avez signé le mot dans
son carnet de correspondance.
Non, ça ne lui éveillait aucun souvenir. Donc, sa fille signait pour elle maintenant. Elle s'était
toujours dit plus jeune qu'elle se créerait une signature inimitable pour éviter ce genre de chose. Et
comme toute signature inimitable, la chaire de sa chaire avait évidemment réussi à l'imiter.
- Oui c'est vrai, mentit Julie, je me souviens. Et pourquoi s'est-elle battue cette fois ?
- Je ne saurais vous dire, mais ce n'est pas pour cet incident en particulier que je vous appelait,
c'est pour un problème plus global. Ana qui était connue pour être sage et bonne élève,
n'arrête pas d'avoir des problèmes de discipline en classe avec l'ensemble de ses professeurs
et ses notes sont devenues catastrophiques. Y aurait-il un problème chez vous ?
Non, dernièrement elle n'a fait que tuer son père donc rien de traumatisant, ironisa Julie
intérieurement.
- Non, mentit-elle à nouveau, je vais lui en parler ce soir. Merci d'avoir appelé.
Toujours remercier quelqu'un qui vous met dans l'embarras. C'était une règle professionnelle
parfaitement adaptée à la situation actuelle. Cela permettait de faire comprendre à l'interlocuteur que
le problème remonté était bien pris en compte.
Julie décida d'en parler à Adrien. Il fallait le mettre au courant et décider d'un plan d'action. Il
ne fallait surtout pas qu'Ana éveilla la moindre attention autour d'elle. Surtout maintenant que la
police faisait partie intégrante de la situation.
Partie 3
Tristan et Aurore enchainaient les verres. Il s'étonnait de constater à quel point il arrivait à
maintenir une conversation avec elle. Ils n'étaient pas d'accord sur tous les sujets mais ce n'était pas
important. Ils avaient les mêmes références. C'était l'une des choses qu'il regrettait de ne pas partager
avec Silène.
- Bon, commença Aurore, parlons peu mais parlons bien, as-tu quelqu'un dans ta vie ?
- Tu veux savoir si j'ai une femme ?
- Une femme ou un homme ou un chat mais pas de chien. Ça serait rédhibitoire un chien.
Tristan éclata de rire. L'humour de cette femme était irrésistible.
- Je n'ai pas de chien, la rassura-t-il, mais par contre... Oui, j'ai une femme.
- Ah... Je me disais aussi...
Aurore ne cacha pas sa déception.
- Qu'est-ce que tu fais là alors à discuter avec moi ? Demanda-t-elle avec un regard glacial.
- Tu m'as séduit, donc je reste ici avec toi.
- Le problème jeune homme est que tu m'as séduite aussi et que je suis plutôt déçue de
n'apprendre que maintenant qu'il n'y a aucun espoir.
- Qui t'a dit qu'il n'y avait pas d'espoir ?
Aurore eut un mouvement de recul. Elle dévisagea Tristan pour savoir comment interpréter sa
dernière phrase. Elle ne savait pas.
- Comment ça ? Reprit-elle.
- Ma compagne est moi avons une relation libre. Elle fait ce qu'elle veut et je fais ce que je
veux. Tout ce qu'on s'impose c'est d'être honnête l'un envers l'autre. On ne se cache rien.
- Ça veut dire que tu vas lui parler de moi ?
- C'est déjà fait. Je lui ai déjà dit que je t'avais rencontrée.
Aurore se retourna brusquement vers le barman et lui fit signe de venir.
- Il va me falloir un verre pour digérer l'information.
Le regard d'Antoine fut attiré par l'entrée. Un homme venait de passer la porte. Il se demanda
s'il s'agissait d'Alexandre. Il y avait peu de chance. Il le trouvait très attirant et pas du tout efféminé.
Aucune chance donc qu'il soit gai.
Antoine retourna à son café. Quelqu'un s'assit en face de lui. Il leva la tête. Il s'était trompé. Il
s'agissait bien d'Alexandre. Surprise agréable, mais monstrueusement intimidante.
- Bonjour, je suis Alexandre. Pas trop déçu ?
Antoine déglutit. Même sa voix était torride.
- Euh... Non... Euh... C'est plutôt le contraire même, articula difficilement Antoine dont le
visage prit une teinte pivoine instantanément.
- Tant mieux, sourit Alexandre. J'espère dans ce cas ne pas t'avoir fait trop attendre.
- Non, je viens d'arriver, mentit Antoine de plus en plus impressionné. Je voulais arriver en
avance pour te laisser la possibilité de partir en courant si tu t'apercevais que je ne te plaisais
pas.
- J'avais compris l'idée. Et comme tu vois, je n'ai pas hésité à rester.
Son sourire s'accentua sur ces derniers mots. Antoine se liquéfiait. Et pour parfaire son
malaise, il s'aperçut qu'il ne savait pas du tout quoi dire. Quel sujet aborder. Il avait peur d'être
ridicule. Il se sentait ridicule. Lui qui avait l'habitude d'être sûr de lui avec les femmes, il avait
l'impression d'être une petite jouvencelle effarouchée. Son ego en prit un coup. Il fallait réagir.
Autant aller au plus simple.
-
Mais dis-moi, reprit Antoine essayant de mettre le plus d'assurance possible dans le ton de sa
voix, ça veut dire quoi TTBM82 ?
C'est simple, je suis né en 1982 et je suis Très Très Bien Monté.
Antoine éclata de rire, pris au dépourvu par la réponse.
C'est bien de rire, continua Alexandre, parce que si la rencontre se passe comme je l'espère, il
faudra que tu sois très très détendu.
Partie 4
Nolwenn arriva enfin chez Chrystelle. Le trajet avait été rude. Les deux métros qu'elle avait
dû prendre avaient réussi à tomber en panne l'un à la suite de l'autre. A croire qu'elle avait la poisse.
Elle préféra oublier ces incidents aussi vite qu'ils étaient apparus. Sa tête était déjà suffisamment
occupée par d'autres problèmes.
Elle frappa à la porte. Chrystelle lui ouvrit avec un grand sourire et l'accueillit dans ses bras.
Les embrassades furent interminables selon Ralph. Yamina les trouva normales et l'intensité qui s'en
dégageait les justifiait.
- Raconte-moi tout ma chérie, commença Chrystelle. Qu'est-ce qu'il se passe ?
- Oh, c'est plein de petits trucs, expliqua Nolwenn. C'est surtout Antoine en fait.
Chrystelle ne dit rien. Elle attendait la suite qui n'allait pas tarder. Ralph la regardait
interrogatif. A sa mine, il comprit que ce n'était pas dans les habitudes de son amie de venir lui
parler. Ni de se faire plaindre.
- J'ai l'impression qu'il s'éloigne de moi. Quand je rentre, il est soit sur son ordi, soit en train
d'envoyer ou de lire des SMS. Je me demande s'il n'a pas une maitresse.
- Tu crois ? Lui demanda Chrystelle dubitative.
- Je sais pas. Il me le dirait normalement non ?
Yamina et Ralph se regardèrent. Ils avaient vécu cette situation auparavant. Ils savaient qu'il
ne fallait surtout pas en parler au cocu. Surtout pas. Les réactions des trompés sont toujours
imprévisibles.
- Oui sans doute, mentit Chrystelle. Mais tu penses vraiment qu'il a quelqu'un ?
- Ecoute je sais pas. Tout ce que je sais c'est que je le sens s'éloigner et que ça m'inquiète. Et
pourtant je devrais m'en foutre. Après tout, moi aussi je suis amoureuse de quelqu'un d'autre.
Mais c'est pas pareil. Tristan lui n'est pas accessible. Enfin je ne crois pas. Alors que celle
d'Ant...
- Attends, la coupa son amie, t'es amoureuse de Tristan ?
- Hein ? Ah... Euh... Oui, mais on s'en fout c'est impossible de l'avoir lui, il ne voit que sa
Silène et il ne me voit pas et je... Et je...
Les sanglots éclatèrent sans prévenir. Ils sortirent dans un bruit strident et assourdissant.
Yamina eut le reflexe de se lever pour aller soutenir la jeune femme.
Nolwenn commença à vaciller. Yamina l'accueillit maternellement dans ses bras.
-
Bon, reprit Julie, je vais aller la voir.
Julie prit l'escalier pour aller à la chambre de sa fille. Elle toqua à sa porte.
- Oui, dit Ana visiblement occupée.
Julie entra. Sa fille était assise en tailleur sur son lit en train de lire des livres de
mathématiques. La jeune mère se fit la réflexion que ce n'était pas en accord avec la conversation
téléphonique qu'elle venait d'avoir.
- Qu'est-ce qu'il y a ? Demanda innocemment Ana.
- Ton collège vient de m'appeler.
- Ah...
- D'après ce que m'a dit ton proviseur, il y a plusieurs choses qui ne vont pas. Tu veux qu'on en
parle ?
-
Pas vraiment non.
Julie inspira une grande goulée d'air pour s'empêcher de tomber dans ses travers qu'elle
qualifiait volontiers d'hystériques.
- Ma chérie, je pense au contraire qu'il faut qu'on parle. Je sais que c'est dur pour toi après ce
qui est arrivé à ton père et...
- Après que j’ai tué mon père tu veux dire, la coupa sèchement Ana. Eh bien non, je n'ai pas
envie de parler avec toi, ajouta-t-elle froidement.
- Ce n'est pas bon pour toi de réagir comme ça. Il ne faut pas que tu culpabilises. Tu n'avais pas
le choix.
- Que je culpabilise ! Cria Ana. Mais je culpabilise pas ! C'est de votre faute tout ça. A toi et
Papa. Je vous déteste ! Vous n'auriez jamais dû me faire. Vous avez gâché ma vie !
Julie sentit les larmes monter. Elle se retint tant qu'elle put.
- Sors de ma chambre maintenant.
Julie baissa les yeux et passa la porte dans l'autre sens. A peine l'avait-elle refermée qu'elle
entendit Ana hurler.
- Et dis à Adrien de venir me voir. Je ne le déteste pas lui.
Partie 5
La lumière s'alluma d'un coup. C'était le signe de la fermeture. Il restait encore une douzaine
de clients dans le Surcouf.
- Toutes les bonnes choses ont une fin, dit Tristan.
- En effet quel dommage, sourit Aurore passablement éméchée. Il ne nous reste plus qu'à
regagner nos logis.
Tristan appela le barman pour régler. Il n'eut pas besoin d'insister pour que la jeune femme le
laisse payer. A croire vraiment qu'ils arrivaient à se comprendre l'un l'autre sans prononcer aucune
parole. C'était un luxe pour lui. Une détente. Tout le contraire de ce qu'il vivait avec Silène. Sans
doute à cause de l'alcool, il se laissa aller à fantasmer d'une vie avec Aurore.
- Il faut arrêter de rêver jeune homme, le sortit de ses pensées Aurore, il faut y aller
maintenant.
Elle le prit par la main et le tira à l'extérieur.
- Bon, je vais me faire une petite balade pour rentrer chez moi, reprit la jeune femme en
titubant.
- Je vais te raccompagner.
- Monsieur est gentleman.
- Monsieur fait son possible.
Tristan l'observait. Elle ne marchait pas droit. Ce qui était naturel étant donnée la quantité de
verres qu'ils avaient enchaîné.
Ils marchèrent quelques minutes sans rien dire. Ils profitaient du calme de la nuit parisienne.
Aurore faillit trébucher sur le rebord du trottoir. Tristan eut le réflexe de la retenir par les
épaules. Elle se colla à lui dans un fou rire. Il l'enserra de ses bras. Elle ne lutta pas. Au contraire, elle
se serra encore plus contre lui. Il lui caressa le dos. Elle fit de même. Elle rejeta soudain la tête en
arrière pour le regarder. Elle ne souriait pas. Elle entrouvrit la bouche et approcha ses lèvres des
siennes. Ils s'embrassèrent.
Tristan finit par la repousser. Il lui sourit.
- Je ne veux pas profiter de ton état éthylique avancé. Je vais te ramener chez toi.
Aurore ne dit rien et hocha la tête en signe d'accord. Même si elle avait au contraire envie
qu'il profita d'elle.
Antoine avait été pris au dépourvu par cette dernière phrase. Il eut une vision de lui avec
Alexandre. Lui pris par Alexandre. Lui soumis devant Alexandre. Excité comme jamais.
-
C'était une blague, crut bon d'insister Alexandre.
Hein... Euh oui... Désolé, j'ai été pris par surprise, sourit Antoine. Et il n'y a pas de sousentendu dans ce que je viens de dire.
- Content de voir qu'on a le même genre d'humour.
Oui, c'était agréable se dit Antoine. Il y avait un coté jouissif dans tout ce qu'il se passait entre
eux. Une complicité inattendue. Masculine et sensuelle. Presque empathique. Difficile d'y résister.
Ce dont il n'avait plus envie. Au contraire, il voulait être submergé par tous ces sentiments. Ces
sensations.
Il se sentait prêt à aller plus loin. Il ne voulait pas attendre.
- Il n'y a personne chez moi, reprit Antoine. Ça te dit qu'on aille dans un endroit plus intime.
Alexandre lui lança le sourire le plus charmeur qu'il put. Le message lui était parvenu bien
avant qu'Antoine ouvre la bouche. Et sans doute même avant que ce dernier ne s'en rende compte. Il
devait donc temporiser. C'était son rôle.
- Ta proposition me fait très envie, reprit Alexandre. Mais c'est trop tôt. On verra la prochaine
fois.
Bien que déçu de cette réponse, Antoine sourit. Il posa la main sur celle de l'homme qui le
séduisait.
- C'est où et quand la prochaine fois ?
Partie 6
Nolwenn avait besoin de douceur. De soutien moral. Yamina les lui apportait. Comme seule
sa sensibilité le lui permettait. Les deux femmes ne se lâchaient plus.
Une entente implicite purement féminine se dégageait de leur étreinte. Rien de sexuel.
Uniquement sensuel. Puis un déclic. Nolwenn en voulait plus. Ses mains explorèrent le corps enlacé.
La sexualité naissait. La sensualité persistait. Cette dernière fit écho dans l'âme de Yamina. Ses
membres répondirent aux appels de la jeune femme. Les caresses devenaient réciproques.
Nolwenn dégagea son visage pour rapprocher celui de Yamina. Leurs lèvres se rencontrèrent.
Inéluctablement. Les gestes accélérèrent sensiblement. Et s'intensifièrent. Ralph et Chrystelle
regardaient la situation évoluer. En purs spectateurs. Aucune invitation n'arrivait. Ils n'en attendaient
pas.
Chrystelle alla s'asseoir aux cotés de Ralph sur le canapé. Elle lui prit la main. Ne quittant pas
l'action des yeux. Action qui prit à nouveau de la vitesse. Yamina entraina Nolwenn dans la chambre.
Une fois la porte passée, elle la referma derrière elle.
Chrystelle se tourna vers Ralph. Elle connaissait son langage corporel. Il était dans le même
état d'excitation qu'elle. Elle se colla à lui. Mit une main sur sa cuisse et l'autre sur sa joue. Elle
l'attira à lui. L'embrassa.
Quelque chose n'allait pas. Il eut un début de sentiment de trahison. Pas de la part de Yamina
mais de la sienne. Comme s'il la trompait. Il repoussa doucement Chrystelle.
- Désolé ma belle, commença Ralph, mais bizarrement j'ai l'impression de faire quelque chose
de pas bien.
- Je ne comprends pas. Tu m'expliques ?
- Je sais pas, c'est comme si je trahissais Yamina. C'est bizarre.
- Oui, surtout que là elle est en train de faire l'amour à quelqu'un d'autre.
Oui, c'était on ne peut plus surprenant. Ralph en discuterait avec Yamina plus tard. Sûrement.
Il frappa à la porte.
Tu peux entrer Adrien, dit Ana d'une voix blanche.
Il s'exécuta et referma derrière lui. La jeune fille était assise en tailleur sur son lit. Il se dirigea
pour aller se placer à coté d'elle mais elle leva la main pour le stopper.
- Ce n'est pas la peine, reprit-elle, on ne va pas en avoir pour très longtemps.
-
La froideur du ton de l'enfant lui glaça le sang.
J'ai entendu votre conversation. Je sais que tu es inquiet mais je te rassure, j'ai réfléchi et je
n'irai rien raconter à la police.
Adrien hocha la tête pour montrer qu'il comprenait et qu'il attendait la suite.
- Par contre, je veux que tu parles à ma mère. Elle a besoin d'aide et moi j'ai besoin d'elle.
- Qu'est-ce que tu veux dire par là ?
- Eh bien, je veux qu'elle reprenne son statut de mère rapidement. En ce moment elle inverse
les rôles avec moi et je n'en ai pas envie. C'est à elle de s'occuper de moi et pas le contraire.
Le visage de l'enfant ne reflétait pas la colère mais la détermination. Adrien avait une adulte
en face de lui. La conséquence des derniers événements. Il comprenait ce qu'elle voulait dire. A quoi
elle faisait référence. Il était d'accord avec elle. Il irait parler à Julie.
- Et tu lui diras qu'il faut qu'elle le fasse vite parce que je ne vais pas bien non plus. Et j'ai peur
de faire des bêtises. Je ne maîtrise pas tout ce qu'il se passe dans ma tête.
Ana fit une pause. Comme si sa dernière phrase lui avait pris toute son énergie.
- Laisse-moi maintenant, finit-elle par dire. J'ai besoin d'être seule.
Il fit demi-tour sans rien ajouter. Il n'avait rien à ajouter. Les ordres qu'il venait de recevoir
étaient clairs.
-
Episode 5
Partie 1
- Ça va toi ? Demanda Silène. T'as l'air pensif.
Tristan l'était justement. Cette femme avait envahi son cerveau. Impossible de s'en
débarrasser. En tout cas il n'avait pas essayé.
- Oui ça va, répondit-il. C'est juste que je pensais à ma dernière soirée au Surcouf.
- Toi, tu as rencontré une femme. Tu me racontes ?
- Oh, il n'y a pas grand chose à raconter.
- Allez, insista Silène. Je suis sure que tu as plein de trucs à me dire.
Peut-être un peu trop justement. Même si le lien n'était pas si évident, Tristan ressentait un
certain malaise face à Silène depuis cette fameuse soirée où il la rencontra. Et sa compagne le voyait.
- Oui, j'ai rencontré quelqu'un. Elle s'appelle Aurore.
- Tu me la décris ? Elle est jolie ?
- Oui, elle est très jolie...
- Et...
- Et elle est intelligente, cultivée et avec un incroyable sens de l'humour.
Le visage de Silène se transforma. Quelque chose ne passait visiblement pas. Son compagnon
ne comprit pas. Il n'avait rien dit de mal. Il avait juste avoué que lui aussi pouvait avoir des relations
extraconjugales. Rien qu'elle ne faisait pas déjà.
- Tu as l'air de mal le prendre, reprit Tristan. J'ai dit un truc qu'il ne fallait pas ?
- C'est surtout la manière, répondit-elle sèchement. C'est assez bizarre.
- Comment ça ?
- Tu me donnes l'impression d'être tombé amoureux.
- Mais de quoi tu parles ? C'est toi que j'aime. Personne d'autre.
- Tu peux te mentir, ça ne me dérange pas. Mais ne me mens pas à moi.
Julie commençait sa seconde journée. Elle venait de rentrer chez elle. La logistique privée et
quotidienne était en cours. Paperasse. Ménage sommaire. La routine habituelle. Ce ne fut qu'en
attaquant le salon qu'elle vit la lettre posée sur la table basse. Elle venait du collège d'Ana.
L'enveloppe était décachetée. C'était le bulletin scolaire. Elle prit connaissance du contenu. Elle le lut
et le relut. Catastrophique.
Ana entra dans la pièce. Elle passa devant sa mère en l'ignorant.
- C'est ton bulletin, dit Julie en montrant le papier qu'elle tenait. Ma pauvre chérie, je suis
désolée de ce qui t'arrive. Mais on va remonter ça hein. On va travailler ensemble.
- Arrête d'être comme ça maman ! Cria presque l'adolescente. J'en ai marre. Redeviens comme
avant.
- Qu'est-ce que tu veux dire ?
- Je veux revoir ma mère ! Celle qui est solide. Celle qui en veut toujours plus.
- Ma pauvre chérie, c'est le chagrin et la culpabilité qui te font dire ça. Ça va aller, tu verras.
- Non, ça ne va pas aller. Pas tant que tu ne réagiras pas. Mais bouge-toi merde ! J'ai
l'impression d'avoir une lavette en face de moi.
La surprise paralysa Julie. Elle n'était pas préparée à toute cette colère. Elle restait muette.
- Putain, mais avant tu m'aurais giflée pour moins que la moitié de ce que je viens de te dire. Je
te préviens maman, tant que tu n'auras pas repris du poil de la bête, je ne travaillerai pas à
l'école. Et même, je m'arrangerai pour me planter sur le plus de trucs possibles.
Ana n'avait plus rien à ajouter. Tout ce qui lui pesait sur la conscience venait d'être évacué.
Elle fit demi-tour pour retourner à sa chambre. Julie ne réagissait toujours pas.
Partie 2
Yamina resplendissait. Elle venait d’arriver chez Ralph. Elle attendait avec impatience qu’il
rentra. Au bout d’une vingtaine de minutes, elle entendit le bruit significatif de la clé dans la serrure.
Elle courra l’accueillir.
- Mon amour, hurla-t-elle.
Ralph sursauta. Il regarda sa compagne avec inquiétude. Il comprit très vite qu’elle avait
quelque chose à lui dire. Et que c’était une bonne nouvelle. Il lui sourit de toutes ses dents.
- Dis-moi mon cœur, répondit-il, qu’est-ce qu’il y a ?
- Je suis prise.
- De quoi tu parles ?
- Du salon de coiffure. Je suis prise.
Il se souvint qu’elle devait passer un entretien le matin même pour un travail dans un salon de
coiffure. Elle avait besoin de changer d’air pour faire un trait définitif sur son ancienne vie. Trouver
un autre poste en faisait partie.
- Magnifique, dit-il. On va fêter ça alors.
- Oh que oui.
- Justement, j’ai entendu parler d’un resto où on n’est jamais allé. Je t’invite.
Yamina fit une moue désapprobatrice. Ralph s’en étonna et attendit une explication.
- Non, dit finalement Yamina. Je ne veux plus que ce soit toi qui paies tout. J’ai
l’impression d’être entretenue.
Ralph commença un rire qu’il arrêta presque aussitôt s’apercevant que sa compagne était plus
que sérieuse. Il se remit en mode d’écoute.
- OK pour fêter l’évènement, reprit Yamina, mais c’est moi qui choisis ce qu’on fait et
c’est aussi moi qui règle.
Antoine passa la porte d’entrée du Jumo. Il aperçut Julien et Morgan en pleine discussion.
Discussion plutôt animée. Il s’approcha pour les écouter.
- Mais c’est horrible ce que tu racontes, disait Morgan. Comment as-tu pu faire ce genre de
choses ?
- Je te rappelle qu’à l’époque c’était naturel pour moi, lui répondit Julien avec un large
sourire.
- Autant les embrasser je dis pas. Moi-même j’aime bien. C’est tout doux. Mais les lécher
c’est dégueu…
- Evidemment, dit ainsi ça ne fait pas envie. Je te rappelle que contrairement à toi j’ai eu
une vie avant les hommes.
« Coup bas » pensa Antoine qui venait de saisir ces dernières bribes de conversation. Julien
avait en effet aimé les femmes avant d’aimer les hommes. Et plus précisément son homme : Morgan.
Ce dernier par contre n’avait jamais été attiré par les femmes. D’aucune manière que ce fut. D’où
l’incompréhension qui se dégageait de leur dialogue.
- Excuse-moi, reprit Julien, je ne voulais pas dire ça comme ça. Ce qu’il faut que tu vois
c’est que ça me paraissait normal à cette période. Même si je n’étais pas plus attiré que ça.
- Et dans tes souvenirs, comment c’était ?
- C’était tout doux. Humide bien sûr, mais avec un goût indéfinissable.
- Tu ne peux pas me décrire le goût ?
- Ben non. Bizarrement non. Il y en avait un mais je suis incapable de te dire de quoi c’est
proche.
- Ca ne doit pas être terrible alors, lâcha Morgan dans un grand éclat de rire.
Partie 3
- Moi aussi il faut que je te parle, reprit Silène en baissant les yeux.
Le visage de la jeune femme s’était soudain aggravé. Elle temporisa trop longtemps au goût
de Tristan. Mais il n’essaya pas de la brusquer. Le résultat était en général pire. Plus il insistait pour
qu’elle parle, plus elle rentrait dans un mutisme autiste. Il l’invita à continuer du regard.
- Quand je suis allée chez ma mère, dit-elle enfin, j’ai revu Nicolas.
- Nicolas ?
- Oui, un ex à moi. Il est marié et a un gosse. Sa femme a accouché il n’y a que quelques
mois. D’ailleurs, tu trouves ça normal toi qu’un mec qui vient d’être papa a envie de
coucher avec une autre femme ?
Les interrogations de Silène qui surgissaient de nulle part. Le fonctionnement de cette femme
resterait toujours un mystère pour Tristan. Ce n’était pourtant pas faute d’être attentif et de l’écouter
dès qu’il pouvait. Mais cela ne l’aidait en rien pour la comprendre. Autant la faire revenir au sujet
qu’elle avait commencé.
- J’en conclue que tu as couché avec. C’est bien ça ?
- Oui c’est ça, sourit-elle. Tu me comprends bien toi. C’est pour ça que je ne te quitterai
jamais mon chéri. T’es le seul à avoir cette empathie.
Comme souvent ces derniers temps, Tristan se sentit imposteur. Mais c’était une imposture
sans danger. Sans conséquence néfaste.
- Si tu le dis je te crois, répondit Tristan gêné.
- Mais pourquoi il a voulu coucher avec moi ? Pour une fois je n’avais rien demandé.
- C’est normal ça mon amour, c’est parce que tu es irrésistible.
Silène allait ajouter quelque chose quand son téléphone sonna. C’était un SMS. Elle le prit
pour regarder de qui il venait. Elle fronça les sourcils.
Adrien avait pris l’habitude depuis quelques semaines d’entrer chez Julie sans sonner. Il
n’aimait pas cette idée mais elle avait insisté. Elle lui avait dit que ce n’était pas pour qu’il se sente
comme chez lui mais pour lui montrer à lui et aussi à sa fille, qu’il faisait partie intégrante de leur
vie. Que ce soit émotionnellement, physiquement que logistiquement. Il n’approuvait pas mais il
s’était laissé convaincre.
Il entendit des bruits sourds provenant de la cuisine. Quand il fut à l’entrée de la pièce. Il vit
Julie jouer à planter un couteau dans la table en bois. A la vue des entailles qui s’étaient formées, elle
devait pratiquer cette activité depuis plusieurs minutes. Voire depuis plusieurs heures. Il allait devoir
faire preuve de toute la diplomatie qu’il pouvait.
- Salut, c’est moi, commença Adrien. Ca va ?
- Mouais…
Diplomate. Etre diplomate. Le plus possible.
- Tu veux que je te laisse ? Demanda Adrien embarrassé.
- Non non, tu peux rester. De toute façon ça ne va rien changer.
Adrien préféra attendre. Sa diplomatie le lui ordonnait. Sans doute la meilleure tactique. Julie
inspira. Elle allait continuer. Sa tactique était donc la bonne.
- Je ne sais pas ce que j’ai, reprit la jeune femme. Je me sens molle. J’arrive pas à me
reconnaitre. Je me sens plutôt nulle. Sans énergie. Et ma fille me le reproche maintenant.
- Que t’a dit Ana ?
- Que je n’étais plus celle que j’étais. Qu’avant je ne l’aurais jamais laissée me parler ainsi.
Elle m’a même traitée de lavette. Tu te rends compte ? Moi, transformée en lavette ?
Oui, il se rendait compte. Non, Julie n’était plus la battante qu’il avait rencontrée. Et oui, Ana
avait besoin de quelqu’un sur qui s’appuyer, qui l’épaulerait. Et non, sa mère n’en était plus capable.
Partie 4
Ralph se dit que cela allait dans le bon sens. Yamina devait en effet rompre avec ses anciens
schémas. Ne plus revenir dans les travers qui pouvaient la rendre dépendante. De quelque manière
que ce fut. Et qu'elle ne puisse plus subir le moindre chantage. Ne plus avoir l'impression d'être
redevable. C'était à lui, Ralph, de lui montrer que tout avait changé.
- OK, dans ce cas je vais te faire à dîner, reprit-il. C'est la meilleure manière de fêter ton
nouveau poste.
Des années. Cela faisaient des années qu'un homme ne lui avait pas préparer un repas fait
sans idée derrière la tête. Elle ne pouvait pas compter les efforts qu'avaient pu tenter Marc durant
leurs derniers moments ensembles. Il cherchait clairement une contrepartie. Là ce n'était pas le cas.
Son nouveau compagnon n'espérait rien. Ne demandait rien.
- Je me vois mal refuser, répondit Yamina. Je peux te regarder au moins ?
- Non, même pas. Tu n'as qu'un seul droit c'est de te servir un verre de vin et m'attendre dans le
salon.
Yamina s'exécuta. Elle flânait nonchalamment dans la pièce. Elle contemplait pour la énième
fois la collection de livres du maître des lieux. Elle n'en connaissait pas la moitié. Elle s'en fichait.
Elle revivait. Ou plutôt elle vivait enfin. Sereine. Sans inquiétude. Sans regret pour sa vie passée.
Complètement absorbés par leur conversation, Julien et Morgan n'avaient toujours pas fait
attention à la présence d'Antoine. Ce dernier voulant se faire remarquer se colla au dos de Julien en
l'embrassant dans le cou.
- Ah salut, dit Julien en se retournant. Désolé, on était en pleines réflexions vaginales.
- Oui, j'ai cru comprendre, répondit Antoine. Et donc vous n'êtes pas d'accord.
- Non, on ne l'est pas du tout. Morgan ne veut pas admettre qu'un sexe féminin peut être
attirant.
- Parce que ça ne l'est pas, insista ce dernier. Si les mecs y vont c'est uniquement pour qu'elles
le leur rendent après.
- Désolé jeune homme mais tu caricatures un peu trop, répliqua le nouvel arrivant. Tu ne peux
pas le savoir parce que tu n'as jamais essayé, mais c'est très agréable de faire un cuni. L'odeur
est enivrante, stimulante. Le goût est différent de tout ce que tu connais. Et une fois que tu as
essayé, tu deviens addict.
- Parle pour toi, glissa Julien en ponctuant d'un clin d'œil.
- Oui bon, j'imagine que si tu préfères les hommes tu arrives à t'en passer. Mais le but en soit
n'est pas d'avoir une récompense derrière. La récompense tu l'as durant l'acte et en constatant
l'effet quasi immédiat sur ta partenaire. Et je te promets, c'est jouissif.
Julien fit une moue désapprobatrice.
- Je ne suis pas vraiment d'accord. Là tu nous parles de ton ressenti, mais je suis quand même
persuadé que la majorité des mecs réfléchissent surtout à leur plaisir, pas à celui qu'ils
donnent.
- Tiens, intervint Morgan, autant demander à une professionnelle. Je suis sûr qu'elle va tous
nous départager.
Nolwenn venait de passer la porte du bar.
Partie 5
Au fur et à mesure qu'elle lisait et relisait le message, son indécision augmentait. Elle devait
choisir mais ne savait pas quoi. Silène hésitait.
Elle finit par poser ses yeux sur Tristan. Il avait remarqué son changement d'expression. Elle
ne pouvait rien lui cacher.
- C'est un SMS de Nicolas, dit-elle. Il vient de rentrer à Paris et il m'invite chez lui.
La bouche de Tristan se crispa légèrement. Signe d'un début de mécontentement. Silène
savait qu'elle abusait. Mais elle essayait quand même. Au cas où. Et après tout, son homme lui était
acquis donc elle ne prenait que peu de risques.
- Ça t'ennuie ? Reprit-elle.
Nouvelle crispation du visage.
Oui un peu quand même, finit-il par dire. Tu viens tout juste de rentrer de chez ta mère et tu
veux déjà repartir.
- Tu le prends mal hein ?
Tristan leva les yeux au ciel malgré lui. En règle générale, il adorait le côté femme enfant de
sa compagne. Mais il lui arrivait aussi de le détester. Comme en cet instant. Quand ses caprices
l'excluaient.
- Non, je ne le prends pas mal, mentit-il, c'est juste que j'aurais bien aimé t'avoir un peu pour
moi. Tu viens de rentrer, j'ai envie que tu me montres que je t'ai un peu manqué.
Bonne tactique. Il fallait en effet l'attaquer sur le plan émotionnel. Ça ne pouvait que
fonctionner.
- Oui c'est vrai, tu as raison. Je vais lui répondre que je n'irai pas et que je reste avec mon chéri
ce soir. J'irai le voir une autre fois.
Elle prit son téléphone et tapa le message. A contrecœur. Elle aurait quand même bien voulu
passer la soirée avec un amant. Il y avait plus de piquant.
-
Adrien assimilait les informations. Lui aussi avait remarqué que le comportement de Julie
avait changé. Qu'elle était moins dynamique. Mais aussi moins réactive. Ce qui par contre était plutôt
une bonne chose. Il ne pouvait pas lui dire froidement qu'il avait constaté ces changements. Il devait
les atténuer. Le plus possible. Faire du politiquement correct.
- C'est vrai que tu es un peu moins dans la réaction ces derniers temps, finit-il par dire. Mais ce
n'est pas autant que tu sembles le croire.
La main de Julie se posa à nouveau sur le couteau qu'elle avait lâché sans pour autant le
quitter des yeux. Elle recommença à le planter dans la table. Le bruit et les gestes rendaient
l'atmosphère pesante. Ce qui eut un effet désastreux sur l'homme qui voulait au départ la remonter.
- Ecoute, si tu continues à jouer avec ça je vais avoir du mal à t'aider. Comment veux-tu que je
fasse autrement qu'être d'accord avec toi ? Oui, tu n'es plus la même et ta fille a besoin de sa
mère. Elle a raison, il faut vraiment que tu reprennes du poil de la bête.
Julie le fusilla du regard.
- Je sais, ce n’est pas la peine de répéter ce que je viens de dire. Si tu n’as rien d’autre à faire tu
peux partir.
Partie 6
- Tu veux de l'aide ? Demanda Yamina suite aux nombreux bruits métalliques suspects.
Elle entendit Ralph grogner dans la cuisine. Il donnait l'impression de se battre contre des
ustensiles apparemment réfractaires.
- Non, je m'en sors.
Après encore plusieurs sons indéfinissables, Ralph sortit enfin de la pièce. Il portait un
plateau dans lequel se trouvaient plusieurs assiettes et bols débordants de divers aliments à grignoter.
- Wow, je suis impressionnée.
- Je suis content de voir que je peux encore t'impressionner.
Ralph souriait en regardant Yamina picorer dans les différents récipients. Jusqu'à ce que son
visage commence à se fermer.
- Ça ne va pas ? S'inquiéta-t-il.
Yamina resta muette.
- Qu'est-ce qu'il se passe ? Insista Ralph.
Yamina soupira.
- C'est vraiment adorable tout ce que tu as préparé. Et en plus c'est très bon. Mais...
- Mais quoi ?
-
Mais maintenant que j'ai un travail, je vais vouloir aller emménager dans un vrai chez moi.
Seule.
Il s'y attendait. Il savait qu'elle le lui annoncerait un jour. Comme elle l'avait déjà prévenu.
Mais pas si vite. Pas maintenant. Pas alors qu'il s'était habitué à elle. A sa présence. A son
rayonnement.
-
Comme on le disait, commença Antoine, tu tombes très bien. Que penses-tu des sexes
féminins ?
- Euh... Bonjour mon amour, ça va ? Répondit Nolwenn agacée par un tel manque de politesse.
- Oui bonjour, rit Antoine. Désolé, le débat est très prenant et il n'y a que toi qui peux nous
départager.
- C'est quoi le débat ?
- Le débat, répéta Julien, est que Morgan trouve les vagins répugnants alors que moi non.
- Et il y a aussi le fait que tu trouves qu'ils se ressemblent tous alors que je ne suis pas d'accord,
ajouta Antoine.
La jeune femme assimilait les différentes informations. Son avis n'allait dans le sens ni de l'un
ni de l'autre.
- Messieurs, reprit-elle, tout ce que je vais pouvoir faire c'est vous donner mon avis. Déjà, sans
trop rentrer dans les détails anatomiques, il y a plein de sexes féminins différents les uns des
autres. Certains ont des grandes lèvres plus petites que les petites lèvres. Je sais, c'est bizarre
mais c'est comme ça et d'ailleurs c'est mon cas. Certains ont le clitoris apparent alors que
souvent il ne vient dire bonjour que quand on l'excite. Donc non, désolée Julien, mais ils ne
sont pas tous pareils. Et je ne suis même pas rentrée dans les considérations concernant les
vaginales et les clitoridiennes. Ce qui est encore un autre vaste débat.
Les trois hommes étaient tout ouïe. Ils buvaient les paroles de la demoiselle qui, ils en avaient
conscience avant qu'elle ne commence, avait beaucoup plus d'expérience qu'eux, même réunis.
- Mais le plus important ce n'est pas trop leurs différences, c'est plutôt comment vous les
traitez. Il faut être doux, attentionné, à l'écoute du moindre frétillement. Mais bon, là-dessus
vous faites ce que vous pouvez étant donné que vous ne connaissez pas les sensations qui
vont avec. C'est pour ça qu'une femme, quatre-vingt-dix-neuf pour cent du temps fera des
cunnilingus de folie alors que seulement un homme sur dix saura s'y prendre.
Elle regarda alors Antoine dont le visage reflétait l'incertitude. Elle lui sourit.
- Oui mon amour, je te rassure, tu fais bien partie de ces hommes ci, mentit-elle.
Elle planta ses yeux dans ceux de chacun d'eux. L'un à la suite de l'autre. Savourant sa
supériorité.
- Ceci étant dit, continua-t-elle, j'ai soif. Un mojito jeunes gens.
Episode 6
Partie 1
Silène avait patienté quelques jours avant d’aller chez Nicolas. L’amour de jeunesse qu’elle
venait de retrouver. Il était venu seul à Paris pour suivre une formation de thérapeute. Un point
commun qu’elle n’attendait pas. Et qui les rapprochait. Cela jouait énormément en la faveur de ce
nouvel ancien amant.
Nicolas avait laissé son épouse et son enfant en province pour pouvoir louer une minuscule
chambre de bonne. Cela rappelait à Silène son arrivée dans la capitale. Quand elle-même suivait sa
formation de masseuse. Elle avait trouvé un petit boulot qui lui permettait de payer son loyer et de
survivre tant bien que mal. Elle allait aux cours de massage tous les week-ends. Elle avait trouvé une
école qui prodiguait cet enseignement de façon à permettre aux différents élèves d’avoir un job en
semaine. Elle avait l’impression que cela se passait il y a une éternité.
Elle s’était peu apprêtée pour cette rencontre. Il venait de sa campagne natale et elle ne
voulait pas qu’il la prenne pour une parisienne bourgeoise. Lui au contraire, s’était mis sur son
trente-et-un. Silène appréciait l’effort et le lui avait montré dès son arrivée. Elle n’avait rien dit. Elle
s’était collée à lui avant même de passer la porte de l’appartement. Elle l’avait embrassé. Ils s’étaient
embrassés. Ils s’étaient caressés. Immédiatement. Sans aucune approche. Sans préliminaire. Ce stade
était dépassé. Ils étaient dans un mode purement animal. Purement sexuel. Et rien ne pouvait les
détourner de leur but mutuel. Se faire plaisir. Se faire jouir. Le plus intensément possible. Le plus de
fois possible.
Silène chevauchait le corps masculin quand la sonnerie de téléphone lui indiqua l’arrivée
d’un SMS. Nicolas la regarda. Ses yeux lui demandant s’il fallait s’arrêter. Elle fit un non énergique
de la tête.
- Non, ne t’arrête pas. Je veux jouir avant de lire ce message.
Nicolas constata qu’elle n’avais pas changé. D’abord son plaisir, ensuite le reste.
Donc voilà, je suis célibataire ce soir et libre comme l’air, disait Nolwenn.
Oui et tu as l’air plutôt contente, rebondit Chrystelle.
Et elle l’était. Elle se sentait libre et bizarrement satisfaite de l’être. Quand elle avait dit à
Antoine qu’elle voulait aller au Domaine, il avait refusé de l’accompagner. Il ne se sentait pas
d’humeur lui avait-il répondu. Au lieu d’être déçue, Nolwenn se sentit d’attaque pour y aller seule
avec son amie Chrystelle. Elle lui avait téléphoné juste après et elles s’étaient donné rendez-vous
dans le bar où elles sirotaient leur verre de vin.
- Ben oui, reprit Nolwenn, je sais c’est surprenant. Mais je me sens bien. Plutôt libre et
disponible.
- Et donc prête à faire des folies, ajouta Chrystelle avec un clin d’œil appuyé.
- Oui, j’ai bien envie de faire deux ou trois folies. Comme ce qu’on faisait il y a quelques
années.
- Tu veux dire, quand on sortait toutes les deux et qu’on emballait tout ce qui bougeait ?
- Oui, et aussi les remontants qu’on prenait dans les toilettes.
- Ah oui, j’avais presque oublié ça.
- Moi pas.
Nolwenn entrouvrit son sac pour laisser apparaitre un sachet plastique contenant une poudre
blanche. Elle regarda son amie avec un large sourire qui le lui rendit.
- On y va ? Demanda cette dernière.
- Oui et maintenant, répondit Chrystelle.
Les deux femmes se levèrent de concert et allèrent aux toilettes. Il n’y avait personne. Elles
entrèrent ensemble dans la même cabine. Elles ne parlèrent pas. Elles connaissaient la routine.
-
Nolwenn sortit un miroir et y déposa délicatement une partie du contenu du sachet. Elle dessina
quatre lignes blanches.
En sortant du bar, elles étaient ouvertes à toutes les possibilités.
Partie 2
Pas simple, se dit Antoine. La surpopulation qui régnait dans le bar lui donna une idée de ce
que pouvaient ressentir les poulets élevés en batterie. Il se demanda combien de temps il allait
supporter cette proximité humaine. Pour des raisons de survie, il se devait de trouver l’homme
responsable de cette situation pour fuir le plus rapidement possible.
Il l’aperçut enfin. Il était accoudé au bar un verre de bière à la main. Il discutait
nonchalamment mais en affichant un sourire enjôleur avec un homme à peine sorti de l’adolescence
efféminé à souhait. Alexandre ne perdait donc jamais son temps. Antoine perçut un pincement au
cœur inattendu et plutôt déplacé. Il était hors de question qu’il s’amourache ainsi d’un inconnu.
Surtout de sexe masculin. Psychologiquement, il ne se sentait pas prêt à assumer ce genre de
sentiment. Il inspira une grande goulée d’air et se décida à aller affronter la situation.
- Tu me paies un verre ? Commença Antoine.
Il s’était mis dans un mode de séduction outrancier. Il voulait qu’Alexandre le remarque. De
même que le jeune homme qui lui faisait les yeux doux. Ce dernier écarquilla tellement les yeux
suite à l’approche d’Antoine qu’ils faillirent jaillir de leurs orbites.
- Avec plaisir beau mâle, répondit Alexandre parfaitement à l’aise. Tiens, je te présente
Antoine, l’homme le plus séduisant qui existe. Au fait, je ne me souviens plus de ton prénom.
Tu me le rappelles ?
- Bien sûr, c’est « à une prochaine fois », répondit ce dernier avant de s’éclipser à la vitesse de
la lumière.
Alexandre haussa les épaules et se retourna vers Antoine. A aucun moment son sourire ne
s’était effacé.
Encore une journée de travail qui ne voulait pas s’arrêter. Mais finalement si. Et Julie rentrait
enfin chez elle. Epuisée. Harassée. Enervée par tant d’incompétence et de syndrome de Peter. Ce
phénomène l’avait amusé quelques années auparavant quant elle en avait entendu parler pour la
première fois. Maintenant cela ne la faisait même plus sourire. Elle y avait été confronté trop
fréquemment ces dernières années. A chaque fois, c’était le même type de personnage. Un
quadragénaire en poste depuis un ou deux ans et qui y était parvenu à force de suppliques et
d’écrasement de la concurrence. Tout ça pour arriver à son seuil de compétence. Mais que faisaient
les ressources humaines ? Ne voyaient-elles donc pas que le schéma était toujours identique ? Que
c’était leur rôle de l’identifier avant qu’il ne survienne ? Visiblement non. Cette mission leur était
complètement inconnue. Ou alors, l’ignorer faisait justement partie de leur mission et sans doute à
des fins que seules les têtes pensantes de la société pouvaient comprendre.
Elle entra chez elle avec ces pensées toujours très présentes dans son esprit. Il fallut qu’elle
passe une bonne dizaine de fois devant la table de salon avant de voir l’enveloppe qui y était posée.
Elle la prit dans sa main. Elle fronça les sourcils. C’était une lettre du collège d’Ana. Elle l’ouvrit.
C’était un courrier du proviseur qui lui était directement adressé. Une légère inquiétude naquit au fin
fond de son cerveau. Cela ne faisait pas partie des habitudes de sa fille. Auparavant, elle se serait
tenue sagement dans le salon avec la lettre dans sa main, pour pouvoir lui montrer dès son arrivée.
Là, ce n’était pas le cas. A la lecture du morceau de papier, la jeune mère comprit le pourquoi de la
chose. Son énervement professionnel laissa place à un énervement matriarcale.
- Ana, hurla Julie à la limite de l’hystérie. Sors de ta chambre et descends tout de suite !
Partie 3
Silène avait atteint ce qu'elle désirait. Un instant de pur plaisir. Elle pouvait maintenant lire le
message qu'elle avait reçu.
C'était un texto de Tristan. Il lui demandait simplement si elle allait rentrer chez eux. Elle
sourit en lisant les derniers mots : « plein de bisous ». Elle se tourna vers Nicolas en gardant son
expression touchée.
- Il faut que j'appelle mon chéri. Ça ne te dérange pas trop ?
Si ça le dérangeait. Vraiment, Nicolas trouvait leur couple bizarre. A la limite du malsain.
Mais il allait laisser faire. Après tout, Silène ne lui devait rien. Ils n'étaient pas ensemble. Et ayant
lui-même laissé sa compagne et son enfant chez lui, il se voyait mal lui refuser son coup de fil.
- Bien sûr que oui tu peux l'appeler, répondit-il en forçant peut-être un peu trop le ton enjoué
de sa voix.
Elle s'exécuta aussitôt.
- Allo mon chéri, dit-elle dès que le téléphone décrocha. Comment ça va ? T'as passé une
bonne soirée ?
- Oui, ça a été, répondit Tristan faussement froid. J'ai regardé une série avec une pizza.
- Je viens de lire ton SMS. Tu m'en voudras beaucoup si je reste ?
Non, il ne lui en voudrait pas. Tristan se sentait bien tout seul chez lui. Libre de tout. Sans
aucune vie parasite autour de lui.
- Non, vas-y, tu peux rester. Passe une bonne soirée et profite bien. Bisous.
- Bisous.
Silène raccrocha. Elle resta un moment à regarder son portable. Le visage débordant d'amour
pour l'homme avec lequel elle venait de parler.
Nolwenn et Chrystelle arrivèrent devant la porte du Domaine. Cette dernière appuya sur la
sonnette. La porte s’ouvrit quelques secondes après. Elles entrèrent.
Les pupilles de Nolwenn étaient complètement dilatées. Elle affichait un sourire bizarre car
jumelé avec les maxillaires gonflées en permanence. Chrystelle avait l’impression que le corps de la
jeune femme était un arc tendu à l’extrême.
Elles passèrent l’autre porte pour pénétrer au cœur du lieu. La piste de danse était bondée. Les
corps se frôlaient chaudement. L’atmosphère était moite. Nolwenn avait besoin d’un verre.
En se dirigeant vers le bar, Chrystelle aperçut Yamina et Ralph. Elle tira son amie par le bras
pour la diriger dans la bonne direction. Quand elle les vit, Nolwenn éclata de rire.
- Ah, hurla-t-elle, je suis tellement heureuse de vous voir. Comment ça va vous ? Toujours
follement amoureux ?
- Oui, ça va plutôt bien, répondit Ralph en essayant de calmer les ardeurs de la jeune femme
qui se collait dangereusement contre son sexe. Et toi ça a l’air d’aller aussi.
- Ah ouais, j’ai super la pêche. Par contre toi, je te sens un peu tout mou, alors que ta belle est
somptueuse comme toujours.
Elle le libéra de son étreinte pour se rapprocher de Yamina. Elle posa doucement ses mains
contre ses hanches et approcha ses lèvres de sa bouche. Celle-ci les accueillit sans faire aucune
difficulté. De même que le reste de son corps.
Partie 4
- Ca t’arrive souvent ce genre de choses ? Reprit Antoine presque jaloux.
- Non, pas tellement, répondit Alexandre. En général, je me souviens de leurs prénoms.
Belle pirouette, se dit Antoine. Le pouvoir de séduction d’Alexandre passait par beaucoup de
petites facultés. En les additionnant, Antoine se rendit compte à quel point cet homme était
irrésistible. Il se demanda dans quelle mesure Nolwenn y résisterait. Cette dernière pensée le fit
sursauter. Un goût métallique naquit dans sa bouche. Un début de nausée apparaissait. Il secoua la
tête pour s’en débarrasser.
- Ca va pas ? S’inquiéta Alexandre.
- Hein, euh… non, c’est rien. J’ai juste eu une pensée désagréable. Mais tout va bien
maintenant. Approche-toi.
Antoine amena le visage de cette personne désirable et désirée jusqu’au sien. Il commença
par de légers attouchements des lèvres. Puis il les fit s’attarder. Découvrir celles de l’autre. Les écarta
pour laisser s’immiscer sa langue et rencontrer celle de son partenaire. Ce baiser dura une éternité.
Pas à cause de l’ennui. Non, au contraire. C’était lié à l’intensité ressentie. Quelque chose de brulant.
De mordant. De revigorant. Il ne se souvenait pas avoir vécu quelque chose de comparable avec sa
compagne. Un pincement lui transperça le cœur. Et s’il s’était fourvoyé jusqu’ici. A nouveau il
secoua la tête. Mais qu’est-ce qu’il lui arrivait ?
- T’es sûr que ça va ? C’est la deuxième fois que tu fais ça.
- Oui, excuse-moi, j’ai deux ou trois soucis en ce moment mais sinon ça va. Mais ce qui
m’aiderait encore plus ce serait qu’on bouge d’ici.
- Oui, je suis assez d’accord. Si tu veux, on peut aller chez moi. J’habite juste à côté et j’ai un
super whisky à te faire découvrir.
- OK. On y va.
-
Ana !!!
Cette fois, Julie avait atteint l’hystérie. Elle bouillait. Jamais elle n’avait reçu une telle lettre
concernant sa fille. Le courrier insistait sur les notes catastrophiques et surtout sur le fait que tous les
professeurs étaient venus se plaindre de l’indiscipline de sa fille. Deux d’entres eux avaient utilisé le
terme d’insolence. La jeune mère pouvait tout supporter sauf ça. L’insolence. La pire des attitudes
selon elle.
Ana descendait les escaliers lentement. Très lentement. Trop lentement pour les nerfs de
Julie.
- Mais tu vas te dépêcher oui ! Cria Julie excédée. Allez !
- Quoi, qu’est-ce qu’il y a ?
Le ton agressif était de trop. La gifle partit très vite. Et cette fois, Julie ne s’excusa pas. Elle
ne regretta pas. Ses yeux exprimaient la colère pure. L’orage pouvait éclater.
- C’est quoi ça ? Demanda-t-elle. Tu peux m’expliquer ce que c’est ? Et en plus tu es insolente
maintenant. Mais ça veut dire quoi ça ? Tu crois que parce que tu es malheureuse tu peux tout
te permettre ? Ils n’y sont pour rien les autres. Ils n’y sont pour rien dans ce qui t’arrive. Si tu
veux une vraie punition tu vas l’avoir. Et rapidement encore. Tu sais, les pensions ça existe
toujours. Et même si je ne suis pas plus croyante que ça, je vais t’y envoyer. Parce qu’il ne
faut pas croire jeune fille, je pourrais aussi t’envoyer chez tes grands-parents que tu détestes
mais ça ne serait pas suffisant. Oh que non. A ce niveau là, c’est de la discipline qu’il te faut.
De la vraie discipline. Et si ton comportement empire, ce n’est pas dans un couvent où tu vas
atterrir mais un prytanée militaire. Et crois moi, tu as beau être mignonne, tu ne t’en sortiras
pas aussi bien que tu le crois. Qu’est-ce que tu réponds à ça ? Hein, qu’est-ce que tu
réponds ?
Ana avait baissé les yeux juste après avoir reçu la claque. Qu’elle espérait d’ailleurs. Qui
prouvait que sa mère était toujours sa mère. Qu’elle était encore solide. Finalement inébranlable. Le
roc dont cette enfant avait besoin. Surtout maintenant. Elle pleurait. Pas de douleur ni de tristesse,
mais de soulagement. Elle était revenue. Sa mère était revenue.
Ana releva lentement la tête pour contempler sa mère. Ses yeux étaient embués. Elle se jeta
dans ses bras.
- Je t’aime maman, pleurnichait-elle. Je t’aime. Merci de m’avoir engueulée. Je me demandais
quand tu allais revenir.
Julie craqua à son tour. Ses sanglots firent écho à ceux de sa fille. Elles étaient réunies. A
nouveau.
Partie 5
Bizarre. C’était vraiment le terme adéquate se disait Nicolas. Cette relation le laissait
perplexe. Etrangement indécis. De l’extérieur, sans connaitre les différents protagonistes, on ne
voyait que quelque chose de malsain. De pervers. Mais à leur contact, tout du moins de celui de la
jeune femme présente face à lui, cela paraissait tout ce qu’il y a de plus normal. Presque naturel. Un
sentiment d’envie commençait à l’envahir. Une introspection rapide lui fit comprendre qu’il n’aimait
pas sa situation. Depuis plusieurs mois maintenant. Peut-être même quelques années. Certes, son
épouse était belle, douce, attentive. Mais quelque chose lui manquait. Un peu d’aventure lui aurait
aussi fait du bien. Quelque chose de piquant. Quelque chose qu’il ressentait en cet instant. Qu’il
ressentait depuis cette première fois avec Silène quelques jours auparavant.
- Ouh ouh, t’es là ? Lui demanda cette dernière car visiblement elle lui disait quelque chose et
attendait une réponse de sa part.
- Oui oui, désolé, j’étais dans mes pensées. Tu disais ?
- Je disais que j’ai eu l’accord de mon chéri et que je peux rester avec toi ce soir. T’es content ?
- Oui, je suis content, mais quand même je trouve ça bizarre que tu lui aies demandé la
permission alors que tu m’avais dit que tu pouvais faire ce que tu voulais. Que vous étiez
complètement libres.
- Oui, on est libre mais on n’est pas irrespectueux. S’il m’avait dit qu’il préférait que je rentre,
eh bien je serais rentrée. C’est quand même l’homme de ma vie. Il faut que j’y fasse un
minimum attention. Et je l’aime follement. Et il m’aime follement lui aussi. J’ai énormément
de chance de vivre avec un homme tel que Tristan. Il est parfait pour moi. Même ses défauts
ne m’énervent pas. Alors que tu le sais toi, tu me connais depuis longtemps, je n’ai aucune
tolérance aux défauts des autres. Mais avec lui tout passe. Et j’ai tout le temps envie de lui. Il
y a quelque chose de chimique entre nos corps. Sa peau est incroyablement douce pour une
peau d’homme. Et rien que d’y penser, j’ai très envie.
Elle accompagna ses derniers mots d’un mouvement de l’ensemble de son corps pour se lover
dans les bras de son amant. Même s’il aurait préféré que les paroles de cette femme le concernaient
lui, il n’en était pas moins excité. Tout autant qu’elle. Elle le savait. Elle en profitait.
Yamina la repoussa délicatement. Pour reprendre son souffle. Elle la regarda dans les yeux.
Elle comprit. Nolwenn était sous cocaïne. Ce n’était pas grave. Elle la voulait malgré tout.
- Viens, dit Yamina en lui prenant la main. Suis-moi.
Nolwenn ne répondit pas. Elle la suivit docilement aux coins câlins.
Ralph regarda ces deux femmes disparaitre derrière le rideau rouge. Il ne savait pas quoi
ressentir. Il aimait Yamina. Elle avait le droit de faire ce qu’elle voulait. Et surtout avec des femmes.
Mais celle-ci l’embêtait. Chrystelle le regarda et comprit.
- Tu ne l’aimes pas hein. Pourquoi tu ne l’aimes pas ?
- C’est vrai que tu me connais bien toi. Et dire que je ne voulais pas te croire au début quand tu
me disais qu’on ne connait bien quelqu’un que quand on a couché avec.
- Eh oui, qu’est-ce que tu veux ? Je suis une femme. Je suis donc plus intelligente que toi. Et
plus sensible et plus empathique. C’est naturel tout ça.
- Mouais, si tu veux.
- Bon, pourquoi tu n’aimes pas Nolwenn ?
- Je ne sais pas. Elle m’énerve un peu. Je la sens fausse et trop sûre d’elle. Et je n’aime pas
quand elle essaie de me séduire lourdement comme tout à l’heure. Elle a la finesse d’un
pachyderme.
C’est parce qu’elle prend de la cocaïne. C’est surtout ça qui t’énerve. Je le sais bien, tu m’as
assez fait la morale avec ça. Et puis aussi, tu es tellement amoureux de Yamina que les autres
femmes ne te font plus rien. Je te connais. Je sais comment tu fonctionnes.
- Tu as complètement faux et je vais te le prouver de la plus belle manière qui soit.
Ralph mit son index dans le décolleté de la jeune femme pour l’attirer à lui.
- Hey, fais attention, dit Chrystelle dans un éclat de rire. Qu’est-ce que tu fais ?
- Ce que je viens de dire, je te prouve que bien que je sois amoureux de Yamina, j’ai quand
même envie de toi.
Sa phrase se termina dans la bouche de la jeune femme. Qui se débattit quelques
microsecondes pour la forme. Mais pas plus.
-
Partie 6
Il ne parvenait pas à tenir une conversation. Quel que soit le sujet, il ne pouvait pas se
concentrer. Alexandre faisait pourtant preuve d'imagination. Mais non. Rien ne prenait. Antoine
appréhendait la suite.
Ils arrivèrent à destination. Alexandre commença à l'embrasser. A le prendre dans ses bras.
Ça n'allait pas. Antoine avait la gorge sèche. Son assurance habituelle ne voulait pas refaire surface.
- Tu m'as parlé d'un super whisky tout à l'heure, reprit Antoine. C'est toujours d'actualité ?
- Bien sur, assieds-toi, je nous ramène deux verres.
Non, il ne pouvait pas s'asseoir. Trop tendu. Alexandre revint avec les deux verres. Il lui en
donna un. Il le vida cul-sec. L'agression alcoolique dans sa gorge lui fit du bien. Encore une minute
et il se sentirait beaucoup mieux.
Le spiritueux avait fonctionné. Il posa son verre. Il s'approcha du maître de maison. Il mit sa
main sur sa nuque pour l'attirer à lui. Il l'embrassa. A pleine bouche. Il dégrafa sa chemise. Posa une
main sur son torse. Il se sentait bien.
Alexandre le déshabilla à son tour. Ils s'enlevaient une couche de vêtement l'un après l'autre.
Une fois nus, Antoine recula. Il observa. Il déglutit.
- En effet, reprit-il, le TTBM te va très bien. Par contre, je ne suis pas certain que ça m’aille.
Alexandre éclata de rire. Il attendit de se calmer avant d'ouvrir la bouche.
- Ne t'inquiète pas mon ange, on n'est pas pressé. Pour cette première fois on n'est pas obligé de
faire la totale.
Antoine se sentit doublement rassuré. Non seulement il n'était pas mis sous pression, mais
surtout Alexandre avait dit « pour cette première fois ».
Adrien frappait à la porte depuis cinq bonnes minutes sans réponse.
Julie ? Cria-t-il.
Oui, répondit une voix féminine. On est dans la chambre d'Ana. Monte.
Il tourna la poignée et entra. Il arriva à l'entrée de la chambre de l'enfant. Il les vit toutes les
deux dans les bras l'une de l'autre. Souriant et pleurant en même temps.
- Qu'est-ce qu'il se passe ? Ca va ?
Elles se regardèrent et éclatèrent de rire.
- Tout va bien, répondit Julie. Tout ira bien désormais.
Elle passa la main dans les cheveux de sa fille pour la recoiffer. Les yeux remplis d'un amour
maternel pur.
- Je vais te laisser ma chérie, on va descendre avec Adrien, reprit Julie.
Elle se leva et quitta la chambre.
- Tu me racontes ? Demanda Adrien une fois assis sur le canapé.
- Eh bien voilà, Ana m'a laissé une lettre catastrophique de son proviseur. Alors je l'ai
engueulée comme du poisson pourri.
- Et donc ? Parce que là ça n'explique pas pourquoi vous vous entendez à nouveau.
-
-
Et donc elle m'a dit que j'étais enfin redevenue moi-même et qu'elle était heureuse que je sois
de retour.
Adrien sourit. Soulagé. Il embrassa cette femme qu'il aimait par-dessus tout. Cette femme
qu'il estimait plus que tout autre.
- Je suis content que vous vous soyez retrouvées. Vraiment content.
- Moi aussi tu sais. Et je ne sais pas si c'est lié mais j'ai très envie. J'ai l'impression de ne pas
avoir baisé depuis des mois. Il va falloir y remédier très vite ! Tout de suite !
Episode 7
Partie 1
- Tu me racontes, commença Silène. Ca n’avait pas l’air d’aller au téléphone.
Tristan ne se sentait pas particulièrement bien en effet. Encore une phase vaguement
dépressive dont il était coutumier. Le boulot. Son boulot. Toujours à se poser des questions sur
l’intérêt, ses capacités, comment il était perçu. Sa compagne devait supporter ces périodes de remise
en question. Mais elle était rassurée. Au fur et à mesure des années de vie commune, cela lui arrivait
de moins en moins souvent et durait de moins en moins longtemps. A son contact, son homme avait
pris de l’assurance. Mais il était encore loin de pouvoir s’assumer seul.
- Oh c’est comme d’habitude, reprit Tristan. Je me suis encore pris la tête avec mes collègues.
- Et ton chef il en pense quoi ?
- Je ne sais pas encore. Je ne lui en ai pas encore parlé. Je ne suis pas certain qu’il sera de mon
avis. Mais on verra.
Oui, ils allaient voir cela plus tard parce. Silène avait vu quelque chose par-dessus l’épaule de
Tristan qui commençait à lui occuper l’esprit. Ils étaient au bar le Jumo. A leur arrivée, le lieu était
dépeuplé. Seulement un couple occupait la table du fond. Et là un groupe s’installait. Dans leurs
âges. La trentaine flamboyante. Et surtout, il venait d’arriver. L’inconnu qui ne laisse pas indifférent.
Le grand brun ténébreux par excellence. Sa gorge s’asséchait. Elle le regardait comme une friandise
qu’elle se devait de dévorer.
- Tu crois que j’ai raison ? Demanda Tristan qui avait continué la conversation tout seul.
- Hein… euh… de quoi ?
- Ben de ça, s’il faut que j’en parle à mon chef ou pas ?
- Ah, oui bien sûr.
- Il faut que je lui en parle ?
- Oui, mais attends un peu. Là tu es dans l’affect, tu ne seras pas objectif. Attends de digérer
tout ça et d’avoir retrouvé ton calme.
Silène se parlait plus à elle-même qu’à Tristan. C’était elle surtout qui était en plein dans
l’affect. Dans l’instinct. Dans l’envie. Il fallait croire que le nouvel arrivant voulait jouer avec ses
nerfs. Il avait trouvé l’unique place qui se trouvait dans le champ de vision de la jeune femme.
Toujours juste au-dessus de l’épaule de son compagnon. Dont la déprime commençait à devenir
pesante.
Nolwenn soupirait d’ennui. Ce qui tranchait avec tout ce qu’exprimait son corps. Il était
tendu. Prêt à l’action. Une sorte d’excitation animale en émanait. Mais elle n’était pas naturelle.
Antoine trouvait que l’addiction de sa femme devenait lassante. Embarrassante. Potentiellement
dangereuse. Mais il se refusait à faire un commentaire. Il ne voulait pas l’amputer de ses libertés.
Même si cette manie le meurtrissait.
- J’en ai marre, dit Silène entre deux soupirs. Il n’y a personne ici.
Ils étaient arrivés au Domaine trop tôt avait pensé Antoine. Il avait eu beau le dire à sa
compagne, elle n’avait rien voulu entendre. Le résultat était là. Il l’avait vu venir de très loin. Il la
connaissait. Il connaissait sa patience. Surtout sous cocaïne.
- On va attendre encore un peu, tenta Antoine. Les gens commencent à arriver. Tiens regarde,
deux nouveaux couples d’un coup.
Nolwenn posa son regard sur les nouveaux arrivants. Elle fit une grimace de dégout.
- Mais tu rigoles. Ils sont super moches. J’ai envie mais pas à ce point là. Il ne faut pas
exagérer.
Ce fut au tour d’Antoine de soupirer. La soirée allait être longue. Il espérait que des
personnes connues allaient arriver. Il ne pourrait pas supporter Nolwenn trop longtemps. Elle allait
visiblement devenir pénible très vite.
Partie 2
- Oui ça m’intéresse beaucoup, disait Yamina au téléphone. Quand est-ce que je peux venir ?
- …
- Dans une demi-heure ? OK, pas de problème. A tout à l’heure.
Elle raccrocha. Elle regarda le bout de papier où elle avait griffonné l’adresse et commença à
la chercher sur internet. A vue de nez, il lui fallait dix minutes de métro pour s’y rendre. C’était
parfait.
- Mon chéri, appela Yamina. Je sais que c’est bizarre mais il y a une agence qui me propose
d’aller visiter un appartement dans trente minutes. Tu viens avec moi ?
Ralph sortit de la salle de bain les cheveux encore trempés. Son regard interrogateur montrait
qu’il se posait sérieusement la question. Il n’était pas certain de vouloir aller avec cette femme. La
femme. Celle qui vivait avec lui depuis plusieurs semaines et qui allait le quitter. Cette pensée le
dérangeait. Il s’était tellement habitué à sa présence. Il ne voulait pas qu’elle parte ailleurs.
- Je ne sais pas, commença-t-il. Je ne suis pas aussi emballé que toi par cette idée
d’emménagement.
- Je sais mon chéri mais c’est important pour moi. J’ai besoin de me prouver que je peux me
débrouiller toute seule. Que je ne suis pas dépendante de quelqu’un d’autre. Je te l’ai déjà dit.
En effet elle le lui avait expliqué. Plusieurs fois. Cela faisait même sens quand les arguments
sortaient de sa bouche. Mais il ne voulait pas s’y faire. Il l’avait tellement attendue qu’il ne supportait
pas l’idée qu’elle reparte. Ce n’était pas la peur de ne pas maitriser la situation. C’était la peur de se
retrouver à nouveau seul. Sans elle. Sans l’amour de sa vie.
Il eut un déclic. Le cerveau humain possédait vraiment des connections étranges. L’idée que
pour moins se sentir abandonné il devait justement voir où elle habiterait. Cela lui donnerait un
semblant de maitrise de la situation. Il le vivrait mieux. Il le pensa réellement durant un instant.
- OK, je veux bien t’accompagner si tu me promets que mon avis aura une importance.
- Oui, sourit-elle, je te le promets.
-
Tu es sûre que ça va aller ? Demanda Julie pour la dixième fois. Je suis un peu inquiète quand
même. J’ai l’impression de t’abandonner.
- Mais non maman, ça va aller. Je suis grande maintenant. Je suis capable de me débrouiller
toute seule. Je peux même me faire à manger maintenant. C’est dire.
Ana finit sa dernière phrase avec un sourire angélique. Celui qui faisait craquer sa mère. Elle
le savait et en jouait de temps en temps. Parfois de manière éhontée. Cette arme fatale était cependant
appropriée à la situation. Elles en avaient discuté quelques jours auparavant. Sa mère voulait faire
une sortie avec Adrien. Elle avait tout fait pour trouver un babysitteur. Mais c’était à croire qu’ils
s’étaient tous donnés le mot pour ne pas être disponibles. Rien n’y avait fait. Même l’argument
financier n’avait pas fonctionné. Sa fille l’avait entendue au téléphone avec un énième étudiant qui
ne pouvait pas se libérer. Elle lui avait alors dit qu’elle était de toute manière trop grande pour ça.
Qu’elle était responsable et presque adulte. Surtout pour son âge. Sa mère l’avait écoutée. Et avait
décidé de lui faire confiance.
La sonnette de l’entrée tinta. Adrien venait d’arriver. Il était particulièrement bien habillé.
Julie le trouva beau. Elle le trouvait toujours très séduisant et encore plus ce soir là. Ses derniers
doutes disparurent d’un coup. Elle s’en rendit compte. Mais elle ne devait pas les montrer à Ana. Il
fallait que sa fille garde à l’esprit son inquiétude pour qu’elle subisse un minimum de pression. Sans
savoir vraiment pourquoi, et surtout qu’il n’y avait aucune causalité apparente, la venue de l’homme
qu’elle aimait lui enleva tout doute. Toute peur. Il ne lui restait que l’envie de l’accompagner. De
partir avec lui. De se retrouver sous sa protection.
- Bon, vous y allez maintenant ? S’impatienta faussement Ana.
-
Oui, on y va ma chérie, répondit sa mère avec un large sourire. Donc pas de bêtise et on ne va
pas rentré trop tard.
- Mais si au contraire, rentrez tard et essayez d’en profiter le plus possible.
Adrien les vit alors se serrer l’une contre l’autre. De l’amour pur pensa-t-il. Un amour qu’il
ne connaissait pas et qu’il enviait.
Partie 3
Il fallait qu’elle réagisse. Elle avait envie de partir faire un tour avec le bel inconnu certes.
Mais elle était aussi amoureuse de son homme. Tristan. Le sensible Tristan. Elle allait mettre de côté
ses besoins pendant un temps pour se consacrer complètement à lui.
- Bon mon chéri, reprit-elle, on va agir maintenant. Ne bouge pas je reviens.
Elle alla au bar. Elle dit quelque chose dans l’oreille de Julien qui lui répondit par un sourire.
Elle se retourna pour regarder Tristan. Celui-ci avait les yeux dans le vague.
Julien lui tendit enfin deux verres à shot et deux verres à cocktail. Elle réussit à s’organiser
pour tout déposer d’un coup devant Tristan. Il sortit de sa torpeur pour s’intéresser aux différents
liquides disposés devant lui.
- C’est quoi, demanda-t-il en désignant les deux petits verres.
- C’est un remontant et je ne préfère pas savoir ce que c’est, répondit-elle. A la tienne.
Ils trinquèrent et burent cul-sec. Silène eut une légère grimace. Tristan ne réagit pas à ce qu’il
venait de boire. Peu importe se dit Silène, ce qui était crucial était de lui changer les idées et de faire
déguerpir sa déprime. Elle prit son mojito et le choqua avec celui de son amant.
- A la tienne again, dit-elle.
Il ne dit rien mais but un quart de son verre en une gorgée. Il allait bientôt rentrer dans une
phase euphorique. Cela faisait partie des supers pouvoirs que lui reconnaissait sa compagne.
Contrairement à certains, Tristan n’avait l’alcool ni triste ni agressif. Uniquement gai. Les effets
avaient en plus comme avantage d’être très rapidement présents dans son organisme.
Il la regarda et sourit enfin. Un sourire résumant l’ensemble des sentiments qu’il éprouvait
pour cette femme. Elle lui rendit et ce sourire et ces sentiments.
- Merci mon aimée, cela va beaucoup mieux. Je vais pouvoir aller dignement fêter cet instant
aux toilettes.
Il se leva et laissa la jeune femme. Il n’y avait plus d’obstacle physique entre elle et le grand
ténébreux. Une fois que Tristan partit, il s’autorisa à la regarder. En continu. Elle fit de même. Il se
leva, toujours sans la quitter des yeux. Il venait vers elle.
Antoine n’en était pas certain mais il croyait bien avoir reconnu le couple qui venait de passer
l’entrée. Enfin un espoir. Il avait raison, il s’agissait bien de Julie et Adrien. Nolwenn leur tournait le
dos. Elle ne put que remarquer le changement d’expression du visage de son compagnon.
- Qu’est-ce qu’il se passe ? Lui demanda-t-elle. Tu as vu quelqu’un ?
Sa question fut accompagnée d’un mouvement de ses yeux pour voir les nouveaux arrivants.
Elle les reconnut sur le coup. Sans attendre la moindre parole d’Antoine, elle courut vers eux.
- Enfin des personnes intéressantes, dit-elle en guise de bonsoir.
Adrien n’eut pas le temps de dire quoi que ce soit que sa bouche était prise d’assaut par celle
de la jeune femme. Il avait l’habitude des femmes qui avaient des gros besoin. Sa compagne en
faisait partie. Il lui arrivait de ne pas vouloir de préliminaires et d’attaquer les choses sérieuses
d’emblée. Mais il n’était pas en phase avec cette approche à cet instant. Ce fut pour cela qu’il enleva
peut-être un peu brutalement la main de Nolwenn qui attaquait sa virilité trop directement. Julie
comprit la scène. Elle ne voulait pas qu’il y ait d’esclandre. Elle voulait passer une bonne soirée. Un
bon moment. Avec du plaisir. De façon immédiate et éphémère. Sans brusquer son homme. En le
protégeant. Et en en profitant.
Elle prit d’autorité la main de la jeune femme et l’attira vers le rideau rouge. Elle resta
impassible durant le trajet. Mais elle dégageait une énergie sexuelle qui étourdissait Nolwenn. Leurs
envies se faisaient écho.
Partie 4
- J’ai toujours aimé ce quartier, dit Yamina une fois sortie de la bouche de métro.
- Oui, il est sympa, répondit Ralph sans grand enthousiasme.
Elle n’ajouta plus rien. Ils n’étaient pas en phase. Elle savait qu’il l’avait accompagnée parce
qu’elle avait insisté. L’idée qu’elle allait quitter son appartement lui déplaisait. Elle le savait et il ne
s’en cachait pas.
Le commercial de l’agence de location les attendait. Ils n’eurent aucune difficulté à le
reconnaitre. Il devait être âgé de vingt-six ou vingt-sept ans et était la caricature du bellâtre décérébré
imbus de lui-même. Du moins, c’était ce qu’il inspirait à Ralph. Le visage de ce dernier se rembrunit
immédiatement.
- Bonsoir, commença le vendeur, très heureux de vous rencontrer. Mais j’avais compris que ce
n’était que pour une personne.
Et en plus il était indiscret constata Ralph. Heureusement que leurs existences n’allaient pas
se croiser longtemps.
- C’est uniquement pour moi, précisa Yamina.
- Ah d’accord, parce que vous allez voir cet appartement est très bien mais pour deux il risque
d’être un peu juste, et encore plus pour trois si vous comptez avoir un enfant.
Ralph le détestait.
- Non ce n’est pas dans les plans, se sentit obligée de préciser Yamina. Du moins pour le
moment…
Ralph la regarda stupéfait. Il ne s’attendait pas à cela. Il ne savait pas s’il devait développer
un quelconque espoir ou au contraire faire comme s’il n’avait rien remarqué. Pour ne pas avoir de
mauvaise surprise plus tard.
-
Enfin seuls, tenta Antoine qui supportait difficilement le silence.
Oui, enfin seuls, répondit Adrien en arquant un sourire sans conviction.
Il était décidément imperméable à l’humour de cet homme. Mais il tenait à faire un effort de
sociabilité. Après tout, il n’était ni désagréable ni dérangeant. Ils n’avaient tout simplement rien à
partager.
- Ca te dit un verre ? Proposa-t-il, toujours dans l’effort
- Oui, pourquoi pas ?
Ils se dirigèrent vers le bar. Il était à l’image du reste de l’endroit. Plutôt désert. Ils n’eurent
donc aucune difficulté à obtenir l’attention d’un des barman. Les boissons suivirent rapidement.
Dommage se dit Adrien, une attente aurait permis de passer le temps.
- Quoi de neuf sinon ? Demanda Antoine après sa première gorgée.
- Pas grand-chose, c’est assez routinier en ce moment.
Adrien mentait. La situation était tout sauf routinière. Mais il n’allait pas se confier à Antoine.
Il n’allait pas lui dire qu’il avait enterré un corps dans une chape de béton. Ni non plus qu’il
s’agissait de l’ex-mari de Julie. Et donc du père d’Ana. Décidément non. Ils n’avaient vraiment
aucun atome crochu.
- Et toi, reprit-il dans un dernier effort, quoi de neuf ?
- Moi c’est pareil, il ne se passe pas grand-chose.
Lui aussi cachait la vérité. Et de la même manière, Antoine se voyait mal avouer « je suis en
train de tomber amoureux d’un homme et Nolwenn n’en sait rien ».
La seule chose sur laquelle ils s’entendaient était la vitesse de leur consommation. Ils en
étaient au même stade : presque vides. Ce fut Adrien qui brisa la glace le premier et qui proposa la
solution à leur inconfort.
- Et si on allait retrouver nos femmes ?
- Bonne idée, répondit Antoine du tac au tac.
Ils finirent leur verre d’un trait et se dirigèrent vers les coins câlins. Sans ajouter la moindre
parole.
Partie 5
- Bonsoir, je peux prendre cette chaise ? Demanda l’inconnu qui était venu jusqu’à elle.
- Oui bien sûr, lui répondit Silène avec un sourire
Contre toute attente, il s’assit sur la chaise. Elle pensait qu’il voulait seulement la prendre
pour l’emmener mais non. Ce n’était qu’une phrase d’approche.
- Je m’appelle Loïc, continua-t-il.
- Et moi Silène.
- Enchantée Silène. C’est un ami ou un collègue celui qui est avec toi ?
- C’est l’homme avec lequel je vis et qui est aussi l’homme de ma vie.
- Ah désolé, je pensais que tu étais seule.
Il fit mine de se lever mais Silène le retint en posant sa main sur son avant-bras.
- Ce n’est pas grave, continua-t-elle, on est très libres. Tu peux m’offrir un verre si tu veux.
Ce qu’il fit après un instant d’hésitation. Il revint à la table et déposa un cocktail devant elle.
Tristan revint à cet instant.
- Salut, dit ce dernier, moi c’est Tristan.
Il tendit sa main vers Loïc qui finit par faire de même.
- Ah mon chéri, reprit Silène, je te présente Loïc. Il vient de m’offrir un verre. Ca ne te dérange
pas ?
- Non non, répondit-il, d’ailleurs je pensais y aller maintenant. Et comme ça je suis rassuré, je
pense que je te laisse entre de bonnes mains. A une prochaine fois Loïc.
Il embrassa rapidement sa compagne puis partit du Jumo les laissant seuls. Loïc se retourna
vers Silène. Ses yeux exprimaient l’étonnement le plus total.
Après quelques recherches, Antoine et Adrien retrouvèrent leurs compagnes. Elles étaient sur
un lit gigantesque avec deux autres couples. Ces derniers semblaient épuisés. Seul un homme
paraissait encore vaillant. Nolwenn et Julie s’occupaient de lui. Puis d’elles. Avant d’à nouveau se
focaliser sur lui. Il ne réussit pas à tenir plus d’une dizaine de minutes de plus. Le but une fois atteint,
il s’écroula lui aussi sur le dos. Vidé comme les autres.
Les deux femmes se retrouvaient seules. Elles n’avaient pas vu que leurs hommes les
regardaient depuis l’autre bout de la pièce.
- On y va d’après toi ? Demanda Antoine excité par la scène dont il venait d’être spectateur.
- Regarde-les, se contenta de répondre Adrien.
- Oui, eh bien ?
- Eh bien elles ne veulent plus s’arrêter. Elles attendent la suite. Elles se regardent. Elles se
cherchent l’une et l’autre. Sachant qu’elles ne suffiront pas à se satisfaire. Elles veulent des
nouveaux compagnons de jeu. Frais et dispos.
Après ces mots, il s’avança vers elle tout en déboutonnant sa chemise sur le chemin. Il
s’agenouilla sur le lit à côté de ces deux femmes. Elles l’attirèrent à elles. Il se laissa faire.
Antoine avait toujours les yeux posés sur ce qu’il se passait. Il se surprit à hésiter. Il voulait
les rejoindre mais avait l’impression de faire quelque chose de mal. Il pensait à Alexandre. Il avait
peur de le trahir s’il se mêlait à eux. Il secoua la tête pour se débarrasser de cette idée déplacée. Il ne
lui devait rien et l’inverse aussi était vrai. Il enleva sa chemise à son tour et se dirigea vers les trois
autres protagonistes qui eux ne se posaient aucune question.
Partie 6
- Si votre dossier est prêt, vous pouvez me le donner tout de suite, dit le commercial. Je
commence à peine à faire les visites mais cet appartement ne va pas rester longtemps sur le
marché, mentit-il.
- Non, je n’ai pas de dossier complet sur moi mais soit je vous le poste demain soit je vous
l’amène directement.
- Très bien, pas de problème. Au revoir.
Ralph ruminait toujours dans sa barbe. Yamina le remarqua et lui demanda ce qui n’allait pas.
Il grogna en guise de réponse. Elle insista pour qu’il fasse une réponse à haute et intelligible voix. Il
se lâcha.
- Je hais ce genre de mec. Ce sont toujours les mêmes. Des beaux parleurs complètement
stupides qui tueraient père et mère pour le moindre contrat. Y compris un contrat de location
aussi ridicule que celui-ci.
- Oui bon, tu as raison mais on s’en fout. On ne le reverra pas lui. C’est l’appartement qui est
important. T’en penses quoi toi ? Et après je te dis ce que j’en pense.
- Ben, en tant que tel il est pas mal comme appartement mais pas transcendant non plus. Le
quartier est bien, et même il est de plus en plus populaire mais dans le bon sens du terme.
Mais par contre, rien ne justifie le prix.
- Oui, je suis d’accord, répondit Yamina. C’est ce qui me dérange un peu justement. Et même
beaucoup. Avec le boulot que je viens de trouver je ne peux pas trop me permettre ce genre
de loyer. Si encore il y avait eu d’autres avantages je dis pas, mais là…
- Tu vas leur donner ton dossier finalement ou pas ?
- Non, ça ne sert à rien. Je n’ai pas envie d’habiter ici. J’ai une autre visite demain, tu voudras
bien m’accompagner ?
C’était justement ce que Ralph redoutait. Il ne voulait pas l’aider à partir de chez lui. Mais il
souhaitait encore moins qu’elle emménage n’importe où. Il accepta d’un grognement. A contrecœur.
Ce fut Antoine qui rendit les armes le premier. Les deux femmes l’avaient épuisé à son tour.
Elles n’avaient plus qu’Adrien pour les distraire. Elles en usaient. Elles en abusaient. Il résistait.
Mais la fatigue naissait.
Il parvint à leur faire atteindre ce qu’elles désiraient l’une après l’autre. Mais cela ne leur
suffisait pas. Elles en voulaient plus. L’une et l’autre. Elles s’étaient transformées en gouffre sans
fond. Qu’il fallait absolument nourrir.
Quand Adrien jouit, il s’écroula à son tour. Epuisé. Anéanti. Avec ces deux femmes qui
continuaient entre elles. Sans prendre la peine de remarquer qu’elles n’étaient plus que toutes les
deux. Parce qu’enfin elles se suffisaient.
Antoine était adossé au mur depuis un certain temps maintenant. Adrien le vit et s’installa de
la même manière juste à côté de lui. Ils regardaient leurs compagnes.
- Ce sont des machines, constata Antoine. C’est incroyable qu’elles ne soient toujours pas
fatiguées.
- Si, elles commencent à l’être. Mais ce n’est pas encore très flagrant. Attends encore une
dizaine de minutes et tu verras ce que je veux dire.
- Pourquoi, tu as souvent vu Julie comme ça ?
- Non, pas si souvent que ça. C’est plutôt rare mais en général ça se passe à peu de choses près
de la même manière.
-
-
C’est marrant mais même sous cocaïne je n’arrive pas à tenir aussi longtemps que Nolwenn.
C’est quand même surprenant l’effet que ça lui fait. Et au fait, elle prend quoi Julie pour être
comme ça ?
Elle ne prend rien, sourit Adrien, elle a juste besoin de se détendre un peu.
Episode 8
Partie 1
Une dernière image à finaliser et Tristan pourrait partir. Il aurait pu le faire plus tôt mais il ne
supportait pas l'idée de quitter son poste avant d'avoir terminé ce qu'il avait commencé.
Un SMS. Silène. S'impatientait-elle ? Non. C'était autre chose. Elle lui demandait si elle
pouvait passer la soirée avec Loïc. Lequel était-ce déjà ? Ah oui, l'inconnu du Jumo. Pas vraiment
laid. Plutôt beau gosse même. Se sentait-il menacé ? Pas vraiment non. Et d'ailleurs, il était dans
l'état d'esprit d'aller au Surcouf. Quelque chose l'y attirait. Il savait quoi mais refusait de se l'avouer.
Il espérait pourtant qu'elle y serait.
Tristan prit son téléphone. Il le regarda quelques secondes puis écrivit rapidement sa réponse.
Non, cela ne lui posait pas de problème que sa compagne passe la soirée avec un amant. Ne sachant
pas mentir, y compris par omission, il ajouta la vérité. Il précisa qu'il irait sans doute boire un verre
au Surcouf. Il cliqua sur le bouton virtuel « Envoyer ».
Comme il s'y attendait, son portable vibra moins d'une minute plus tard. Le message était
simple et sous forme de question « Tu vas voir Aurore ? ». Il sourit. La jalousie de Silène l'amusait.
Elle était déplacée et il trouvait cela touchant.
Toujours aucune raison de lui cacher la vérité. Autant faire simple et sincère. Il tapa
rapidement son texto : « Je ne sais pas si elle sera là. On verra. ».
-
Ça va ? Demanda Adrien.
Oui ça va, pourquoi ? Répondit Julie.
Je ne sais pas, tu as l'air tendue. Tu es sure que tu ne veux pas que je conduise ?
Ça mon ami, c'est hors de question. Personne d'autre que moi ne touche à ma voiture.
OK, bien reçu chef.
Petit sourire en coin d'Adrien. Il se sentait bien. Détendu. Loin des tensions de ces dernières
semaines. Quelque chose l'intriguait cependant.
- Tu n'as pas été étonnée que Nolwenn nous invite chez elle ? Après tout on ne la connaît pas.
- Non, pas vraiment. En fait je m'en doutais.
- Pourquoi ? A cause de la dernière fois au Domaine ?
- Oui justement. Je ne sais pas si ça s'est vu mais on s'est particulièrement bien entendues.
- Oh que si, sourit Adrien, tout le monde l'a vu.
- Et d'ailleurs, ça me fait de l'effet rien que d'y repenser.
- A ce point-là ?
- Oh, que oui. La preuve...
Sans quitter la route des yeux, Julie prit la main d'Adrien pour la diriger dans son intimité. La
sensation moite témoignait de la véracité de ses propos.
Adrien s'y attarda quelques secondes puis commença à se retirer. Son mouvement fut stoppé
net. Julie ne voulait pas qu'il s'en aille.
Partie 2
Après leurs divers échanges par texto durant la journée, Yamina avait remarqué le manque de
motivation patent de Ralph. Elle savait qu'il n'était pas emballé par l'idée qu'elle quitte son
appartement pour aller vivre seule. Ailleurs. Mais elle en avait besoin et il avait fini par l'accepter.
Tout du moins le disait-il. Son retard n'était par conséquent pas étonnant. Seulement ce n'était pas
dans ses habitudes. Elle lui avait déjà envoyé deux SMS depuis son arrivée. Le problème des
smartphones était qu'elle ne pouvait pas savoir s'il les avait reçus et encore moins s'il les avait lus.
Elle décida de l'appeler pour en avoir le cœur net.
Une première sonnerie. Puis deux. Puis trois. A la sixième, le répondeur de Ralph prit le
relais. Son téléphone lui servant aussi pour sa vie professionnelle, le message était froid et efficace.
Elle raccrocha sans laisser de message. Il verrait bien l'appel en absence.
Elle n'eut aucun mal à reconnaître le vendeur de l'agence de location. Encore une caricature.
Il se présenta. Elle fit de même. Il entra dans l'immeuble. Elle le suivit.
Le quartier était idéal pour elle. Plutôt calme, avec suffisamment de commerces pour animer
l'ensemble et surtout pas trop BOBO. L'équilibre parfait. Mais ce ne fut pas cela qui la décida. Ce fut
l'entrée.
Ils passèrent une porte. Un passage sombre laissait deviner une petite cour intérieure. Elle
espéra que l'appartement serait dans cet îlot de lumière. Yamina suivait toujours le vendeur. Malgré
la résonance du couloir, ce dernier ne s'était pas arrêté de parler. C'était à la limite du supportable. Il
passa la porte qui donnait sur l'extérieur. Elle respira plus fort. La petite cour était très lumineuse et
parfaitement agencée. Une diversité de plantes et d'arbres l'habillaient. Il continuait à avancer. Ils
allèrent jusqu'au bout de l'allée pour monter un escalier en bois. L'appartement était au premier étage.
Ils entrèrent. La petitesse du lieu était contrebalancée par une organisation idéale de l'espace. Il y
avait des rangements partout au sein des murs. Aucune nécessité d'y ajouter le moindre meuble. La
fenêtre était plein sud et donnait sur la fameuse cour. Le lieu était parfait. Yamina le fit comprendre
et laissa un dossier.
-
Ah quand même, je commençais à m'inquiéter moi.
Tel avait été l'accueil de Nolwenn après qu'Antoine ait passé la porte de leur appartement.
- Euh, oui... Bonjour à toi aussi. Tu me racontes ce qu'il se passe?
- Mais dépêche-toi, ils vont bientôt arriver. Qu'est-ce que tu attends ?
Le débit de paroles était anormalement rapide. Saccadé. Et manquant d'information. Il n'eut
pas besoin de lui demander pour comprendre qu'elle avait pris quelque chose. De la cocaïne sans
doute. Pour changer.
Mais Antoine ne comprenait pas ce qu'il se passait. Qui avait-elle invité ? Sans doute un ou
plusieurs couples. La tenue vestimentaire outrageusement sexy de sa compagne le laisser présager.
- Bon, tu me racontes ? Qui vient ?
- Mais Julie et Adrien ! Je leur ai envoyé un message et je te l'ai dit tout à l'heure.
Non, elle ne lui avait rien dit. Elle ne lui avait envoyé aucun message. Elle fabulait. Elle ne
lui avait encore jamais fait ce coup jusqu'à présent. Peu rassurant se dit-il.
- Et t'es même pas encore lavé ! Reprit-elle à la limite de l'hystérie. Vas prendre une douche
vite avant qu'ils débarquent.
Antoine abandonna. Il baissa la tête et alla à la salle de bain.
Partie 3
Tristan arrivait au Surcouf. Quelques fumeurs discutaient devant l'entrée. Aucun visage
connu. Sans doute un groupe d'amis qui cherchaient un endroit sympa et tranquille se dit-il. Il se
faufila entre ces différents obstacles humains pour accéder à l'intérieur du lieu.
Il fit rapidement le tour des différents clients présents. Uniquement des inconnus. Cela
tombait bien. Il n'était pas d'humeur à faire la conversation. Il fit un signe de tête au barman en guise
de bonjour puis s'installa au comptoir.
L'instant était idéal pour un exercice d'introspection. Il faisait un rapide bilan de sa vie
actuelle et des événements récents. Il en conclue très rapidement qu'il avait énormément de chance.
De la chance d'habiter avec Silène. De l'aimer. D'être aimé. De vivre ce qu'ils vivaient.
Une main. Elle partit du bas de son dos jusqu'à sa nuque. Le mouvement avait été lent.
Sensuel. Sexuel. Excitant.
La responsable de cette émotion passagère se posta à coté de Tristan. Il avait presque oublié à
quel point il la trouvait belle. Surtout avec ce sourire tendre qu'elle affichait. Aurore venait d'arriver.
La soirée pouvait commencer.
Le bruit de la sonnette d'entrée fut immédiatement suivi d'un hurlement.
- C'est eux ! Dépêche-toi mon chéri !
Antoine soupira. Il espérait que les nouveaux arrivants s'occuperaient de sa compagne. Il en
était fatigué par avance.
Nolwenn ouvrit la porte sur une Julie portant une robe simple qui laissait dévoiler ses
interminables jambes. Un homme ne l'aurait pas regardé de façon plus outrancière que fit son
hôtesse. Celle-ci lui prit les mains pour attirer son corps contre le sien. Leurs bouches s'agrippèrent.
Leurs langues se mélangèrent. Leurs bras s'explorèrent. La présence d'Adrien était oubliée.
Antoine sortit de la salle de bain les cheveux encore mouillés. Il put voir les deux jeunes
femmes s'installer sur le canapé. Elles avaient commencé. Très sérieusement. Comme souvent ces
dernières semaines. Elles avaient inconsciemment pris l'habitude de commencer leurs ébats entre
elles avant d'accepter la participation d'autres partenaires. Adrien et lui allaient devoir attendre avant
de pouvoir se joindre à elles.
Antoine vit ce dernier fermer la porte. Sachant très bien qu'ils n'avaient rien à partager en
dehors de leurs femmes, la conversation allait être compliquée. Ennuyeuse. Pesante. Il ne pouvait
plus que remplir son rôle d'hôte en lui proposant un verre.
Partie 4
Yamina sortit de l'appartement à moitié hébétée. Ce qu'elle avait visité l'emballait au plus
haut point. Ses yeux étaient remplis de milliers de petites étoiles de bonheur. Elle le voulait. Elle
s'imaginait dans ce lieu et ce quartier. Elle fantasmait sa vie future.
Ils se séparèrent elle et le représentant de l'agence devant l'entrée de l'immeuble. Ils
échangèrent les politesses d'usage. Elle ne put se résoudre à rejoindre directement le métro. Elle
voulait s'imprégner le plus possible de l'espace qui l'entourait. Celui qu'elle espérait être bientôt son
quotidien.
Ce fut pour cela qu'elle mit plusieurs minutes avant de reconnaître la silhouette qui l'observait
depuis le trottoir d'en face. Ce n'était pas seulement son costume, mais Ralph était plus sombre que
d'ordinaire. Il l'avait vue sortir de l'immeuble. Il avait compris qu'elle avait trouvé ce qu'elle
cherchait. Il savait que la fin de leur vie commune était proche. Cette perspective le hantait depuis
déjà plusieurs jours. Mais elle n'avait jamais été aussi palpable qu'en cet instant.
Il se décida enfin à traverser la rue pour la rejoindre. Yamina ne pouvait s'empêcher de
rayonner de bonheur. Ralph ne pourrait pas la faire changer d'avis. Il le savait. Il n'essaierait pas.
- Il est génial, commença Yamina. Il est encore mieux que ce que je voulais. Et j'adore le
quartier.
- Oui, tu me l'avais déjà dit, répondit Ralph de la voix la plus neutre qu'il put. Désolé de ne pas
avoir pu me libérer plus tôt pour faire la visite avec toi.
- Ce n'est pas grave, ne t'inquiète pas. Et j'ai laissé un dossier complet. D'après ce qu'il m'a dit
on n'est que trois sur la liste d'attente. Normalement, il doit me recontacter d'ici la fin de la
semaine pour me dire si je l'ai ou pas.
Ralph n'exprima aucune surprise. Tout se passait comme il le redoutait. Il se dit seulement
qu'il se devait de profiter de ces derniers jours ensemble. En évitant de penser à une possible autre
vie commune dans le futur.
Julie se tordait dans tous les sens. Le but était proche. Nolwenn continuait à agir là où il
fallait. Concentrée.
Puis, le corps de la femme blonde explosa. Elle repoussa Nolwenn jusqu'à une distance de
sécurité. Julie était rassasiée. Pour l'instant.
Elle reprit son souffle. Son regard revenait lentement à la réalité. Elle fixa son hôtesse. Elle se
sentait presque coupable d'être partie aussi vite.
- Désolée ma belle, commença Julie, je me suis faite avoir par surprise.
- Oh, ce n'est pas grave, répondit Nolwenn faussement nonchalante, même si j'étais vraiment
très proche.
- Donc vraiment désolée... Surtout que tu vas devoir attendre un petit peu avant que je sois
capable de jouer la revanche.
Nolwenn fit rouler son regard autour d'elle. A la recherche de la moindre aide. Elle se figea
sur son compagnon. Oui, il pouvait faire quelque chose. Tout bien réfléchit, il était même le seul à en
être capable.
- Mon chéri, dit-elle implorante, tu veux bien finir ce que Julie a commencé ?
Antoine fit semblant de se retourner pour voir si Nolwenn parlait à un être invisible derrière
lui. Il la regarda à nouveau tout sourire.
- Ce serait avec plaisir mon amour, mais je ne me sens pas en super forme.
- Vas prendre un remontant alors, c'est presque vital.
- Tu es sure que tu ne peux pas attendre un peu ?
- Oui je suis sure, insista Nolwenn prenant sur elle pour garder un visage serein. Tu ne peux
pas me laisser comme ça. Ce serait un crime.
Partie 5
Leur aptitude à discuter ensemble ravissait toujours autant Tristan. Il n'avait jamais rencontré
une femme comme Aurore. Du moins une femme avec laquelle il pouvait partager autant de
références communes. Cela lui faisait des vacances. Il n'avait aucune précision à ajouter aux
allusions qu'il pouvait faire. Et son humour le séduisait à chaque fois.
Il reconnut la vibration émanant de la poche intérieure de sa veste. Un SMS. Étant donnée
l'heure, cela ne pouvait être que Silène.
- Excuse-moi mon impolitesse, dit-il, mais je viens de recevoir un texto.
- Vas-y je t'en prie, lui répondit Aurore avec son sourire inaltérable.
Il lut le message. C'était en effet Silène qui lui demandait s'il voulait venir à la soirée
d'anniversaire de Loïc, son amant du moment.
- Encore désolé mademoiselle, reprit Tristan, mais je vais pousser le vice jusqu'à y répondre.
Il tapota un rapide « OK, pourquoi pas » puis remit son portable à son emplacement.
Il prit une gorgée de vin. Ils buvaient depuis une bonne heure. Les effets se faisaient sentir.
D'où le manque de tact qui s'ensuivit.
- C'était Silène, ma compagne, crut-il bon d'ajouter. Elle passe la nuit chez un de ses amants. Et
elle me demandait si je voulais aller à son anniversaire. C'est marrant non ?
Aurore s'étrangla presque. Que voulait-il qu'elle réponde ? Elle choisit la neutralité.
- Oui si on veut. Je trouve ça un peu bizarre mais bon.
- C'est vrai que notre relation est particulière mais on n'a pas vraiment le choix.
- Comment ça ?
- Eh bien Silène est assez irrésistible. C'est vraiment surprenant de la voir arriver dans un lieu.
Tous les regards sont attirés vers elle. Elle dégage une séduction et une sensualité
impressionnantes. J'ai souvent constaté que les hommes et les femmes voulaient coucher avec
elle dès le premier coup d'œil. Je ne suis pas jaloux et je sais que quoi qu'il arrive, ce sera
toujours avec moi qu'elle finira. Nous partageons quelque chose de vraiment unique.
Il finit sa dernière phrase en vidant son verre et en se tournant vers le barman pour
commander la suite. Il ne vit pas le changement d'expression de la jeune femme à ses côtés.
- Bon, je dois me lever tôt demain matin, dit Aurore d'une voix blanche. J'y vais.
-
Déjà ? S'étonna Tristan déçu.
Oui, à la prochaine.
Elle lui fit une bise rapide sur la joue puis sortit du bar.
Tristan la regarda partir. Même de dos cette femme le séduisait. Il se demanda s'il avait bien
fait de lui raconter sa relation. Il conclut rapidement que oui. L'important était de toujours dire la
vérité. Les mensonges n'avaient jamais rien de bon.
Une partie d’Adrien était absente. Il ne se sentait pas dans l'ambiance. Il les regardait s'ébattre
sans rien ressentir de particulier. Son ennui le prenait à l'estomac. Son cerveau en profita pour
s'échapper. Pour le regarder vivre. En complet décalage de la situation. Aucune envie ne montait. Il
se demanda s'il ne commençait pas à être blasé par toutes ces orgies.
Nolwenn approchait. Lentement mais sûrement. Ce n'était plus très loin. Soudain le point
culminant. Elle se concentra pour y rester le plus longtemps possible. Puis l'explosion. Une
redescente lente suivit. Que son corps ressentit pleinement. Sans prêter la moindre attention à son
compagnon.
Antoine se voyait comme un animal de compagnie abandonné sur la route. Ses yeux
exprimaient suffisamment de détresse pour que Julie se sente concernée. Elle revenait dans la course.
Comme un devoir qui lui incombait. Cette pensée la fit sourire intérieurement. Toute sa
concentration sur le plaisir de l'autre n'en fut que plus intense.
Toute à son extase, Nolwenn mit quelques secondes à interpréter la scène qui se déroulait
devant elle. Son mode machine sexuelle était toujours activé. Elle rejoignit rapidement ses camarades
de jeu.
Partie 6
Ralph n’avait pas desserré la mâchoire de tout le trajet. Yamina avait rongé son frein espérant
qu’il en serait autrement une fois chez lui. Ce ne fut pas le cas. Il restait toujours aussi silencieux.
- Qu’est-ce qu’il y a ? Finit pas demander Yamina.
Aucune réaction masculine. A croire qu’il n’était pas là. Qu’ils ne partageaient plus le même
espace-temps. Yamina patienta. Plusieurs secondes. Qui devinrent des minutes. L’inquiétude
montait. Mélangée à de l’impatience. Cocktail généralement explosif.
Elle inspira profondément une dernière fois. Elle ne voulait pas entrer dans un jeu
d’agressivité. Il finirait par craquer.
- Allez Ralph, s’il-te-plait. Dis-moi ce qui ne va pas. C’est à cause de l’appartement ? C’est
ça ?
Il fit un léger grognement témoin d’une parole prochaine.
- Oui, c’est ça.
- OK, dis-moi ce qui ne va pas avec cet appartement.
Nouveau grognement s’apparentant cette fois plus à un soupir.
- Il est trop loin de ton boulot.
- Oui, c’est vrai, mais au moins il est dans mes moyens.
- Si tu restais avec moi, on pourrait avoir les moyens pour un appartement plus grand et plus
proche de ton travail.
Elle connaissait et redoutait cette réponse. Et elle ne voulait pas l’entendre. Pas maintenant.
Pas maintenant qu’elle avait enfin trouvé un endroit bientôt à elle. Une forteresse de solitude qui la
rendrait plus forte. Qui lui permettrait de se remettre de tout et de tous.
- Je me doutais que c’était ça, reprit-elle, et j’aurais préféré que tu t’abstiennes. Rien n’est
simple pour moi en ce moment, et je n’ai vraiment pas besoin de pression en plus. L’une des
raisons qui m’a fait tomber amoureuse de toi c’est ton empathie. Ta capacité à me
comprendre sans que je n’aie tout à te dire. J’espérais qu’elle t’aurait aidé à me laisser partir
pour me permettre de facilement revenir plus tard.
Yamina n’avait pas à continuer son discours. Il avait été entendu et compris. De même que
les parties implicites. A savoir que l’insistance de Ralph avait plus que joué en sa défaveur pour un
retour rapide de la femme qu’il aimait.
Un éclair de lucidité la fit sortir de l’action. Nolwenn était épuisée. Elle ne devait pas
continuer. Elle colla son dos contre le mur et regarda machinalement sa montre. Il commençait à se
faire tard. Ce qui expliquait aussi sa fatigue. Elle balaya la pièce du regard. Julie et Antoine
continuaient à batifoler. Elle remarqua qu’Adrien était toujours en retrait. Elle réfléchit et s’aperçut
qu’il n’avait pas participé à leurs jeux d’adulte. Elle alla s’asseoir à côté de lui et se servit un verre de
vin.
- Tu n’es pas venu avec nous, commença Nolwenn. Il y a quelque chose qui ne va pas ?
- Je ne sais pas trop, répondit Adrien. Je ne me sens pas d’humeur.
- Si j’avais su, je serai venue te voir plus tôt. Je suis certaine que je t’aurais trouvé quelques
motivations.
Adrien éclata de rire.
- Je n’en suis pas certain. Même si tu es très douée, je pense que tu n’aurais pas réussi.
- Ah bon, et pourquoi ça ? Demanda Nolwenn presque vexée.
- C’est difficile à expliquer. C’est un peu comme si j’avais une overdose sexuelle. Et je…
Un cri suraigu le coupa dans sa phrase. Nolwenn et Adrien sursautèrent et regardèrent en
direction de ce bruit. C’était Antoine. Quelques spasmes informaient de l’intensité du plaisir qu’il
venait de subir. A côté de lui, Julie le regardait. Calme. Elle arborait un sourire carnassier. Fière
d’elle. Comme si elle venait de gagner un combat.
Episode 9
Partie 1
Le concept était intéressant. Aller à l'anniversaire de l'amant de sa compagne ne devait pas
être si fréquent. Du moins quand l'ensemble des partis était au courant. L'idée amusait Tristan. Luimême était étonné mais il n'avait aucune appréhension. A croire qu'il commençait à prendre
confiance en lui.
Le bruit de la soirée s'entendait depuis la rue. Etant donné qu'ils n'avaient que trente minutes
de retard, Silène se dit que la plupart des personnes présentes devait être soit des provinciaux, soit
des fraîchement parisiens. Ils sonnèrent à l'interphone. Le clic significatif du déverrouillage de la
porte ne fut pas précédé de la moindre parole. Ils montèrent les étages.
L'appartement n'était pas très grand. Trente ou trente-cinq mètres carrés. Tout l'espace était
déjà occupé. Silène vit Loïc hésiter entre un grand sourire et un sourire pincé. Il se dirigea vers eux.
- Salut, dit-il à Silène.
- Salut, répondit-elle en lui tendant la joue.
La bise sembla déplacée pour Loïc. Ou en tout cas étrange. Surtout qu'ils avaient passé une
nuit ensemble à peine une semaine auparavant.
- Je te présente Tristan, reprit Silène, l'amour de ma vie. Tristan, je te présente Loïc.
Les deux hommes se serrèrent la main. Loïc jaugea Tristan du regard. Ce dernier lui fit un
grand sourire pour une fois non gêné. Il se sentait anormalement à l'aise. Sûr de lui. Maîtrisant
parfaitement la situation. Une véritable révolution pour cet asocial né.
Ils s'écroulèrent en même temps sur le canapé. A une certaine distance de sécurité l'un de
l'autre pour ne pas être tenté. Les derniers amis de Yamina venaient de partir. Elle était enfin seule
avec Ralph. Dans son nouvel appartement.
Un gargouillis brisa le silence. Le ventre de Ralph criait famine. Yamina le regarda et lui
sourit.
- Oui moi aussi j'ai faim.
- On va devoir faire quelque chose alors.
Yamina regarda ses cartons. Elle les vida mentalement pour se rappeler leur contenu. Rien de
substantiel à se mettre sous la dent. Elle réfléchit. La boite aux lettres. En arrivant, elle avait trouvé
une dizaine de prospectus divers et variés de plats à livrer. De la pizza au chinois en passant par
l'indien. Elle se leva d'un bond pour aller les chercher dans la cuisine. Elle revint avec son butin.
- De quoi tu as envie ? Demanda-t-elle en montrant les différentes possibilités.
- Si tu as japonais je suis preneur, répondit Ralph soulagé à l'idée que ni lui ni elle n'allaient
devoir se mettre aux fourneaux.
Elle inspecta les papiers dont elle disposait et lui en tendit deux. Ralph en mit un de côté sans
regarder le contenu.
- Pourquoi tu le censures celui-là ?
- Parce qu'il fait à volonté le midi. Je ne suis pas prêt à prendre le risque de tomber sur quelque
chose de malsain.
Ils choisirent rapidement. Yamina téléphona pour commander. Préciser à son interlocuteur le
fait que c'était sa première commande chez eux et donner toutes les informations pour venir chez elle
l'emplit de joie. Ca y était. Elle prenait entièrement possession du lieu.
Partie 2
Julie l'avait presque supplié pour aller Domaine. Adrien avait fini par céder. Il n'était pas sur
la même longueur d'onde que sa compagne ces derniers temps. Elle avait d'énormes besoins qu'il
n'arrivait pas à combler. Il en était même rassasié. A la limite de la nausée. En y réfléchissant, il
s'était dit qu'au moins dans ce lieu, d'autres que lui pourraient prendre la relève.
Ils arrivèrent assez tôt. La faune coutumière de l'endroit n'était pas encore présente. Seuls des
touristes et des débutants avaient pris place. Adrien proposa d'aller prendre un verre en attendant
l'affluence.
Cela lui sembla une éternité qu'il ne les avait pas vus. Jacques et Agnès venaient de faire leur
entrée. Les embrassades habituelles s'ensuivirent. Comme toujours, celles entre Julie et Agnès furent
interminables. Ni l'une ni l'autre ne semblant vouloir y mettre fin.
Au bout de plusieurs minutes, elles réussirent à se décoller. Leurs regards en disaient long sur
ce qu'elles attendaient de la suite des événements. Elles ne prononcèrent aucun mot. Julie prit la main
d'Agnès et l'emmena à sa suite. Adrien et Jacques se regardèrent puis éclatèrent de rire.
- On ne les changera pas, commença Jacques hilare.
- En effet non, on ne les changera pas. Je t'offre un verre pour patienter avant leur retour ?
- Avec plaisir.
Adrien commanda. Rassuré de la prise en main de sa compagne par une « professionnelle ».
Il fallait au moins ça.
-
Qu'est-ce qu'il t'arrive ma belle ? Commença Chrystelle. Ton texto m'a un peu inquiétée et tu
ne disais pas grand-chose dedans.
Elles étaient assises à une terrasse parisienne. Chrystelle était arrivée suffisamment tôt pour
réussir à trouver une place. C'était elle qui avait proposé à son amie de la rejoindre à cet endroit. Le
SMS qu'elle avait reçu en début d'après-midi, bien que sommaire, lui avait fait comprendre qu'un
face à face régénérateur était nécessaire. Nolwenn l'avait rejointe quelques minutes plus tard arborant
une mine trop sombre pour être jouée.
- C'est Antoine, répondit enfin cette dernière. Il est de plus en plus distant.
- Tu me l'avais déjà dit, mais c'est juste une phase. Ça va passer.
- Non, tu ne comprends pas. C'est de pire en pire. Je le sens. Ce n'est pas moi qui me fais un
film.
- T'en es certaine ? A quoi tu le vois ?
Nolwenn fit une grimace d'agacement. Pas à cause de ce que venait de lui demander son amie
mais parce qu'elle ne savait pas par où commencer. Elle respira fort pour se calmer.
- Tu sais, si ce n'était que parce qu'il n'avait plus envie de moi je penserais comme toi que c'est
une phase mais c'est autre chose. Il ne se confie plus à moi. Quand il est sur son ordinateur et
que je lui demande ce qu'il fait il est très évasif dans ses réponses.
Nolwenn fit un sourire se voulant rassurant.
- C'est peut-être parce qu'il a trouvé un site plus ou moins honteux qui l'excite à mort et il passe
sa vie à se masturber. Et ça, c'est vraiment ce qu'on appelle une phase très temporaire.
- Oui, c'est aussi ce que je me suis dit au début. Mais tu sais comment il est, il a beau se la
jouer gros dur par moment, il a toujours besoin de sa dose de câlin, et je ne parle pas de câlins
sexuels. Ça doit bien faire un mois qu'on n'en a pas fait.
Oui, Chrystelle connaissait Antoine. Entre ce qu'elle en avait vu et ce que lui avait raconté
Nolwenn depuis le début de leur relation, cela n'allait pas ensemble. Elle ne le lui avoua pas mais elle
se demanda s'il n’était pas en train de la quitter.
Partie 3
Silène l'avait attentivement observé depuis qu'elle et Tristan étaient arrivés. Malgré sa bonne
humeur affichée, Loïc était mal à l'aise. A chaque fois que leurs regards se croisaient, ses yeux
fuyaient. La situation lui était visiblement inconfortable.
Elle vérifia que Tristan était entre de bonnes mains. C'était le cas. Il discutait depuis une
bonne dizaine de minutes avec un homme de son âge sur divers séries et films qu'ils étaient les seuls
à connaître dans toute l'assemblée. Il passait la meilleure soirée possible. Elle attendit que Loïc aille à
la cuisine pour le rejoindre.
-
Ça va ? Demanda-t-elle avec la voix la plus innocente possible.
Hein ? Oui oui, ça va. Ça ne se voit pas ?
Pas vraiment non. Tu m'évites depuis que je suis arrivée.
Loïc baissa les yeux.
- Oui bon, la situation est quand même bizarre. Tu es là avec ton mec et je ne sais pas trop
comment être. J'avoue je suis un peu gêné qu'il soit venu.
Silène acquiesça sans rien dire puis retourna au salon. Elle prit à partie son compagnon.
- Mon chéri, c'est embêtant mais Loïc n'est pas super bien.
- Pourquoi ? Parce que je suis là ?
- Oui.
- OK, je vais aller le voir.
- Non, attends.
Tristan s'était déjà dirigé vers la cuisine.
- Hello, commença Tristan avec le sourire le plus doux qu'il avait à sa disposition. Je suis
désolé que tu ne sois pas à l'aise parce que je suis ici. Il n'y a vraiment aucune raison. La
situation est très claire donc tout va bien.
- Écoute, reprit Loïc, je ne te connais pas et je ne sais pas comment tu vas réagir. Je sais que
vous êtes open Silène et toi mais tu avoueras que ce n'est pas commun.
- Oui, c'est vrai, c'est relativement rare. Mais je t'assure que tout va bien et si tu veux que je
parte en laissant Silène ici il n'y a aucun problème. C'est ta soirée donc je m'exécute.
Loïc prit un temps de réflexion. L'homme qui était en face de lui semblait vraiment sincère et
n'avait pas du tout l'air malsain. Exactement le type de personne qu'il appréciait.
- Merci de ta franchise, reprit Loïc. Après ce que tu viens de me dire je me sens mieux et je
préfère que tu restes ici. Passe une bonne soirée.
Loïc partit de la cuisine sans rien ajouter. Ses dernières paroles voulaient montrer que la
situation était claire entre les différentes parties. Mais que ce n'était pas pour autant qu'ils allaient être
les meilleurs amis du monde.
Moins de vingt minutes après leur commande, le dîner avait été livré. Yamina avait bien
évidemment tenu à réceptionner ce premier colis. Une autre manière de prendre possession du lieu et
de la situation. Elle était aux anges. Elle ne pouvait s'empêcher de garder un sourire libéré.
Ralph était affamé. Il engloutissait littéralement son repas. Yamina fit une pause pour
l'observer. L'expression de son visage changea. Progressivement. Elle le dévorait des yeux. Sa faim
avait changé de cible. Elle était devenue plus animale. Plus immédiate.
Ils étaient assis par terre. L'un en face de l'autre. Elle posa ses baguettes. Ralph n'avait
toujours pas remarqué qu'il s'était transformé en proie. Elle hésita. Les différents récipients de
nourriture étaient disséminés entre eux. Ils formaient plein de petits obstacles. Yamina se mit à
quatre pattes et les contourna pour atteindre sa cible. Ralph prit enfin conscience de ce qu'il se
passait. Il lui lança un regard interrogateur.
- J'ai très envie d'étrenner mon nouvel appart, dit-elle.
Elle n'attendit aucune réponse. Elle s'approcha encore. Ses mains touchèrent le visage. Ses
lèvres touchèrent la bouche. Ses seins touchèrent la poitrine. Son corps toucha le corps.
Partie 4
Jacques et Adrien la virent passer le rideau rouge. Agnès revenait des coins câlins. Elle
titubait presque. Ils ne s’inquiétèrent pas car elle arborait un sourire comblé. Elle s’assit au bar à côté
d’eux.
- J’ai besoin d’un verre d’eau, dit-elle au barman.
- Ça va, s’inquiéta légèrement Jacques. Tu as l’air exténuée.
- Je le suis, sourit-elle. Mais ça en valait la peine
Elle se tourna vers Adrien les yeux fatigués.
C’est quelque chose ta femme, reprit-elle. Elle m’a littéralement tuée. Qu’est-ce qui la fait
continuer comme ça ? On dirait qu’elle n’en a jamais assez. Elle se drogue ou quoi ?
- Non, elle ne se drogue pas, répondit Adrien. Ou alors, on peut considérer que le sexe est son
addiction. En fait, elle a besoin de temps en temps d’une bonne dose pour se ressourcer et
libérer toutes les tensions qu’elle a accumulé. Pour certains c’est l’alcool, pour elle c’est ça.
- Eh bien, elle a dû en accumuler des tensions dernièrement. Elle est insatiable. D’ailleurs, ça
serait peut-être bien que vous y alliez parce que je ne suis pas certaine que les autres
suffisent.
- Quels autres ? demanda Adrien.
- Il y a deux ou trois couples qui sont venus se joindre à nous. Mais je suis partie très vite et
elle était en train de s’en occuper.
- OK, j’y vais.
Jacques fit mine de se lever mais Adrien lui fit un geste de la main pour lui signifier que ce
n’était pas la peine. Il devrait pouvoir s’en sortir seul. Il ne lutta pas. Il préférait rester avec Agnès.
-
Antoine avait subi une insomnie la veille. Sans doute l’approche de cette « deuxième fois ».
Du moins il l’espérait. La première fois avec Alexandre avait été inoubliable. Pas du tout comme il
l’imaginait.
Faire l’amour avec un homme était vraiment différent. Alexandre avait été très doux. Très
attentionné. A aucun moment il ne l’avait forcé à faire quoi que ce soit qu’il n’avait pas envie. Ou
pour lequel il n’était pas prêt. Tout s’était passé naturellement. Comme si Antoine avait déjà eu une
autre « première fois » mais qu’il ne s’en souvenait pas.
Plus il approchait de sa destination, plus son angoisse et son désir montaient. Le mélange des
deux le rendait presque fébrile. Sa gorge était sèche. Il n’arrêtait pas de déglutir. Il se sentait comme
une collégienne à son premier rendez-vous. Il se demanda si ses jambes parviendraient à le soutenir
jusqu’à son arrivée. Il se demanda aussi s’il n’allait pas devoir s’arrêter dans un bar pour aller aux
toilettes, se débarrasser du trop plein qui se trouvait dans son ventre et qui ne lui laissait aucun répit.
Antoine arriva enfin en bas de l’immeuble. Plus que quelques mètres se dit-il. Il chercha le
bouton de l’interphone. Il le vit aussitôt. Il se dit qu’il aurait préféré mettre plus de temps avant de le
trouver. Cela lui aurait laissé encore quelques instants de préparation. Il inspira longuement puis
sonna. Il entendit le déclic de la porte d’entrée. Il la poussa. Alluma la lumière. Entra dans
l’ascenseur. Appuya sur le numéro de l’étage. Il se regarda dans le miroir sous l’éclairage agressif du
néon. Il était en sueur. Il sortit un mouchoir en papier et s’épongea tant bien que mal pour faire
disparaitre le fluide corporel.
L’ascenseur s’arrêta. Antoine poussa la porte. Il appuya sur la sonnette de l’appartement
d’Alexandre. Il entendit un bruit de pas. Il arrivait. Il venait lui ouvrir.
Partie 5
Au moment où Loïc sortait de la cuisine, Silène apparut.
- Salut mon amant, dit-elle à son intention, salut mon chéri, dit-elle en regardant Tristan. Ca va
vous deux ? Vous faites connaissance.
- Oui, répondit Loïc, on vient de faire connaissance.
- Tristan, ça te dérange pas si je profite un peu de notre hôte ? J’aimerais bien aller m’isoler un
peu avec lui.
Le clin d’œil qu’elle avait fait sur cette dernière phrase exprimait clairement ce qu’elle
voulait. Tristan n’avait comme toujours aucun à priori. Parfois il se demandait s’il n’était pas tout
simplement insensible. Ou alors pas là, et que c’était une projection astrale de lui-même qui avait
pris sa place.
-
Bien sûr que tu peux y aller, répondit-il. De mon côté, je vais me resservir un verre. Amusezvous bien.
Il passa devant eux avec un sourire complice. Silène prit la main de Loïc et l’emmena dans sa
chambre. Une jeune femme avait été témoin de la scène. Elle attendit que Tristan se soit servi un
verre avant de l’accoster.
- Salut, commença-t-elle, moi c’est Aude. Et toi ?
- Salut, moi c’est Tristan. Tu es une amie de Loïc ?
- Oui. Par contre, toi j’ai l’impression que non. C’est quoi votre truc à tous les trois ? Je t’ai vu
arriver avec elle et ils viennent de s’enfermer dans la chambre. Tu veux qu’elle te quitte pour
lui ?
- Non, ce n’est pas ça. On va dire qu’on est un couple libre et donc on fait ce qu’on veut quand
on veut. Silène va profiter de la soirée à sa manière et moi de la mienne.
- Et comment va-t-elle finir cette soirée ?
- Silène me rejoindra et on partira ensemble. Comme toujours.
- OK, pourquoi pas. Bon ben bonne soirée alors.
Aude n’attendit pas la réponse de Tristan. Elle était plus que dubitative. Il le constata et le
comprit. Cela n’avait aucune importance. Ce qui lui importait était de comprendre les gens pour
pouvoir les juger. Il avait toujours considéré cela comme un devoir. L’une de ses phrases fétiches
était « je comprends très bien comment fonctionnent certaines personnes tels que les racistes ou les
tueurs en série, c’est pour cela que je me permets de le juger ». Ses interlocuteurs dans ces cas-là
n’osaient lui dire à quel point ce genre de sortie était pathétique.
Wow, tu m’as achevé.
Ralph s’effondra sur le lit en même temps qu’il dit ces paroles. Yamina avait été en effet
particulièrement vorace. A croire que son nouvel appartement la mettait en appétit. Leur séance postrepas ne lui avait pas suffi. Elle avait attendu quelques minutes avant de refaire l’amour avec lui.
Dans la cuisine. Puis dans la chambre. Par terre. Et enfin dans le lit.
Ralph regarda la femme à ses côtés. Elle aussi commençait à fatiguer. Il était temps se dit-il.
Il n’aurait pas survécu à une énième revanche. Il était sur le dos. Elle se tourna vers lui et lui déposa
un baiser sur la joue. Elle fit glisser son visage sur son torse. Elle s’endormait. Il la repoussa
légèrement pour se mettre en position assise. Elle fut surprise et lui lança un regard surpris.
- Je suis désolé mais je crois que je vais y aller, commença-t-il.
- Pourquoi ? Qu’est-ce qu’il y a ?
- Je suis fatigué et je dois me lever tôt demain. Il faut vraiment que j’aille dormir.
- Mais tu ne veux pas rester ici ? Passer la nuit avec moi ?
- Non je préfère pas.
- Mais pourquoi ? Ca va pas ?
- Si ça va, mais comme je te l’ai dit je préfère rentrer chez moi. Et…
- Et quoi ?
- Et je pense que pour ta première nuit chez toi c’est mieux que tu dormes seule.
« Pour t’y habituer ». Voilà ce qu’il n’avait pas osé ajouter. Lui, il connaissait cette habitude
de dormir seul. Elle, elle avait vécu tellement longtemps avec un homme, puis avec lui dernièrement,
qu’elle ne pouvait se rendre compte du sentiment de solitude qui en résultait. Un sentiment qui
parfois pouvait donner envie de hurler quand la femme qu’on aime dort avec un autre.
-
Partie 6
Adrien passa le rideau rouge. Il voulait retrouver Julie le plus vite possible. Il n’était pas
inquiet mais il voulait constater de lui-même le niveau de son addiction.
Elle était dans la pièce principale. Celle qui possédait un lit gigantesque entouré d’une dizaine
de banquettes. Julie se trouvait au milieu. Un homme était dans son dos et un autre lui faisait face.
Leurs mouvements étaient parfaitement synchronisés. Elle réussissait l’exploit de combler une
femme avec sa langue en même temps.
Adrien se mit en position de spectateur. Julie ne le voyait pas. Elle était absorbée par ce
qu’elle faisait et ce qu’on lui faisait. Ses partenaires étaient aussi attentifs et attentionnés qu’elle.
L’ensemble se déroulait dans une bonne entente. Il fut rassuré et se mit à l’écart. Mais il préféra
rester pour vérifier que tout allait continuer à bien se passer.
La faim de Julie semblait inextinguible. En moins d’une demi-heure elle trouva trois
remplaçants aux trois partenaires qu’elle avait lorsqu’Adrien était arrivé. Il continuait à regarder.
Sans un mot. Comme les précédents, les nouveaux arrivants étaient eux aussi courtois. Ils
s’alignèrent sur les désirs de Julie qui s’aligna sur les leurs. La nouvelle partie commençait.
Cette boulimie de sexe commençait à le rendre mal à l’aise. Il était avec Julie depuis quelques
temps déjà et il l’avait vue dans des périodes qu’il qualifiait volontiers d’orgiaque. Mais cela
dépassait tout ce qu’il avait connu jusqu’à présent. Cette phase durait depuis trop longtemps et en
trop grande intensité. Il espérait que cette insatiabilité touchait à sa fin.
-
Salut beau mâle, dit Alexandre.
Salut.
Antoine répondit difficilement tant sa gorge était sèche. Il avait beau avaler sa salive, cela ne
changeait rien.
- Désolé de commencer par ça, reprit Antoine, mais il me faut absolument un verre d’eau.
- Oui bien sûr, suis-moi.
Ils allèrent dans la cuisine. Alexandre sortit un verre du placard et le remplit directement au
robinet. Il le tendit à Antoine qui le vida d’un trait.
- Merci, ça va mieux.
Antoine regarda Alexandre pour la première fois depuis qu’il était entré dans l’appartement.
Il était torse nu. Il portait un vieux jean délavé sans ceinture qui tombait suffisamment pour rendre
son boxer apparent.
Antoine eut de nouveau soif. Mais il ne s’agissait plus d’eau. Il s’agissait de quelque chose de
beaucoup plus animal et d’encore plus immédiat. Sans prévenir il mit sa main entre le pantalon et le
ventre d’Alexandre. Il l’attira à lui pour l’embrasser à pleine bouche. Ce dernier bien que surpris
répondit parfaitement à ses attentes en plaquant une paume contre son entrejambe. Il caressait son
sexe dont la dureté lui faisait presque mal.
Antoine n’y tenant plus, arracha le jean de son partenaire. Puis son boxer. Il se jeta la bouche
la première sur le membre qui n’avait pas encore eu le temps de totalement s’éveiller. Trente
secondes plus tard, la rigidité était complète. Il força Alexandre à s’allonger sur le dos. Il lui leva les
jambes et sans autre préliminaire le pénétra. Ils ne prononçaient aucune parole. Les sons qui sortaient
de leurs bouches n’étaient que grognements et râles.
Episode 10
Partie 1
Silène était partie pour le week-end. Elle s'était inscrite à une formation de massage et ne
reviendrait que le dimanche soir. Tristan était en mode célibataire. Ce qu'il appréciait
particulièrement. Bien que sa compagne fût peu envahissante, cela lui procurait un sentiment de
liberté qu'il qualifiait volontiers de jouissif. Autant en profiter le plus vite possible. Son premier
objectif était d'aller au Surcouf. Voir ce que la vie nocturne parisienne pouvait bien raconter.
Comme à son habitude, il parcourut du regard l'ensemble du bar avant d'y entrer. Il sourit en
s'apercevant qu'Aurore s'y trouvait. Elle était en pleine conversation avec un homme. Le sourire de
Tristan s'effaça quand il comprit que l'homme en question semblait insistant et que la jeune femme
ne paraissait pas intéressée. Il sut instinctivement quoi faire.
Tristan passa la porte la tête haute et arborant un sourire conquérant. Il se dirigea à la
rencontre d'Aurore qui le vit s'approcher.
- Désolé mon amour, dit-il avant de lui déposer un baiser sur les lèvres, je suis en retard. Tu me
présentes ton ami ?
- Ah, désolé je croyais que tu étais seule, dit simplement l'importun avant de s'éclipser
élégamment puis rapidement hors du lieu.
Aurore attendit qu'il soit hors de son champ de vision avant d'éclater de rire.
- Mon sauveur, dit-elle. Merci beaucoup, j'avais peur de devoir le supporter toute la soirée.
- De rien très chère, tout le plaisir est pour moi. Et en plus, maintenant tu m'es redevable.
- Oui, tu peux considérer qu'à partir de maintenant je suis ta chose.
Tristan éclata de rire à son tour. Décidément, cette femme n'arrêtait pas de le surprendre.
Les agencements prenaient forme autour d'elle. Un peu comme le « trip Ikea » du film Fight
Club. Yamina faisait mentalement les futurs aménagements de son appartement. Ici elle voyait une
table basse couleur wengé. Là, une bibliothèque en tek. Plus elle s'imaginait de changements, plus
elle s'y transposait. Sa liste de noël augmentant à chaque instant.
Un SMS la surprit. Elle prit son téléphone espérant que c'était Ralph. Gagné ! Il lui demandait
s'il pouvait passer la voir. Elle hésita. Cela la forçait à sortir de son jeu mental qui la satisfaisait
pleinement. Elle réfléchit. Pesa le pour et le contre. Et surtout se vit dans les bras de cet homme dans
les instants qui suivaient. L'emplacement des meubles prenait de moins en moins d'importance. Le
futur contact des corps devenait presque tangible. Nécessaire. Inéluctable.
Elle avait toujours son portable à la main. Elle le regarda intensément. Comme si elle
attendait qu'il lui dise ce qu'elle devait faire. Elle éclata soudain de rire en se rendant compte du
ridicule de ses réflexions. Elle appuya sur le bouton « Répondre ». Elle tapa rapidement « Bien sûr
que tu peux passer. Tu es là dans combien de temps ». Elle cliqua sur « Envoyer ». Elle prit sur elle
pour ne pas s'énerver à cause du message qui mettait du temps à partir.
Moins de trente secondes plus tard, son interphone sonna.
- Oui, demanda-t-elle.
- Maintenant, répondit simplement Ralph.
Partie 2
Antoine profitait de la présence de Nolwenn sous la douche pour écrire un SMS à Alexandre.
Il voulait le voir. Il avait besoin de le voir. Son corps le réclamait.
- A qui tu écris ? Demanda Nolwenn encore dégoulinante.
Antoine sursauta. Il n'avait pas remarqué que l'eau ne coulait plus. Il se sentait coupable. Pris
sur le fait. La meilleure défense est l'attaque. Autant l'attaquer elle.
- Mais ça ne vous regarde pas mademoiselle, rétorqua-t-il tout sourire.
La plaisanterie fonctionnait. Nolwenn éclata de rire. Elle se jeta sur lui encore nue.
-
Allez, dis-moi qui c'est. C'est ton amante cachée c'est ça.
Elle essayait de lui prendre le téléphone des mains. Antoine le protégeait. Même s'il n'avait eu
le temps d'écrire que quelques mots, les lire exposerait sa double vie.
Il ne riait plus. Il tenait son portable fermement. Il repoussa la jeune femme d'un geste un peu
trop brusque. Nolwenn atterrit sur le sol. Elle le regarda d'abord pleine de surprise. Puis la colère prit
la place.
- Non mais ça va pas bien, hurla-t-elle. Je savais bien que tu me cachais quelque chose. Je
trouverai qui c'est ta pute !
- Tu racontes n'importe quoi, il n'y a personne.
- Ah ouais, alors pourquoi tu ne veux pas me dire à qui tu écris.
- Ça ne te regarde pas. Je n'ai pas à me justifier. Et puis merde tu me saoules. Je préfère partir
d'ici. Ce n'est pas la peine de m'attendre ni ce soir ni cette nuit. J'irai dormir ailleurs.
Antoine prit sa veste énervé. Il sortit de l'appartement en claquant la porte derrière lui.
Nolwenn se retrouvait seule. Toujours assise par terre. Toujours en tenue d'Eve et ruisselante.
Elle bouillait. Elle ne pouvait pas laisser la chose impunie. Elle décida qu'elle aussi découcherait.
Déjà la troisième fois et ils n'avaient pas encore diné. Adrien, allongé sur le lit, essayait de
reprendre son souffle. Le corps féminin qui reposait à même le sien ne l'y aidait pas. Mais il aurait
préféré se couper une main plutôt que de la repousser. Il aimait cette femme qui l'aimait tout autant.
Il attendit patiemment un événement, quel qu'il fut, qui la ferait changer de position.
La sonnerie de réception d'un SMS fut l'événement. Julie se leva. C'était son téléphone. Elle
se déplaça félinement jusqu'à son sac à main. Elle sortit l'objet et lut le message. Elle sourit. Elle
effleura l'écran pour écrire la réponse. Elle vérifia que son message était bien parti et retourna dans le
lit. A côté de l'homme saturé. Elle caressa le torse nu. Joua avec la toison naissante. Sa peau
réagissait violemment. Comme s'il s'agissait d'une agression. Elle reposa sa main sur sa cuisse. Sourit
à nouveau.
- OK jeune homme, commença-t-elle, je te laisse faire une petite pause.
- Merci, souffla-t-il, j'en ai besoin.
- Oui, et tu vas en avoir encore plus besoin dans une heure.
- Pourquoi ?
- C'était un message de Nolwenn. Elle arrive.
Partie 3
Le sauveur et la sauvée continuaient à boire. Les regards s'échangeaient. Se croisaient. L'un
finissait les phrases de l'autre. L'autre finissait les phrases de l'un. Et chacun riait aux mots de l'autre.
Tristan ne savait plus s'il était étourdi par la boisson ou par cette sensation d'osmose. Elle touchait
son intimité au plus profond. Il se sentait drogué. Il n'imaginait pas vivre à nouveau sans cette dose
de vertige. Il était accroc.
Aurore le dévorait des yeux. Mais dès que les siens les croisaient, elle regardait ailleurs. Par
réflexe. Par instinct de survie. Il n'était pas libre. Il le lui avait dit. Il lui avait avoué que la femme
avec laquelle il vivait était la femme de sa vie. Qu'il ne la quitterait pas. Mais qu'ils s'autorisaient
tous les écarts qu'ils voulaient. Dans un excès de modernité disait-il. Dans un début de décadence
pensait-elle. Mais elle ne le lui dirait jamais. Elle ne lui dirait jamais que sa compagne lui faisait du
mal. Qu'elle était égoïste. Qu'elle profitait de lui. Alors qu'elle, elle l'attendait. Elle l'espérait.
- Même si je n'ai pas de drogue sous la main, dit-elle soudain, je vais aller me repoudrer le nez.
Tristan pris par surprise, éclata de rire.
- Tu es vraiment charmante.
- Charmante uniquement ?
- Non, c'est vrai, je me dois d'être honnête. Tu es irrésistible.
Il attira son visage vers le sien. Il déposa un léger baiser sur ces lèvres qu'il désirait. Elle
sourit. Elle descendit du tabouret et se dirigea vers les toilettes. Il la regarda se déplacer. Ses yeux ne
pouvaient se détacher de ces jambes fines et puissantes. Rendues surnaturelles par une démarche
légèrement ondulante.
Elle avait beau savoir que Ralph montait, la sonnerie la fit sursauter. Yamina était tendue.
Elle appréhendait d'ouvrir. Un mauvais pressentiment lui rongeait l'estomac. Elle craignait que
quelque chose de désagréable ne survienne. Elle se leva et alla ouvrir la porte d'entrée. Il lui sourit.
Lui aussi était visiblement gêné. Elle réfléchit mais rien de concret ne pouvait expliquer leur malaise.
- Bonjour, dit-elle.
- Bonjour.
- Ça va ? Tu étais dans le coin ?
- On peut le dire oui. Euh... Tu me laisses entrer ou tu préfères qu'on fasse la conversation dans
le couloir ?
Il continuait à sourire. Preuve qu'il constatait l'indécision de Yamina. Elle sourit à son tour
puis s'écarta pour le laisser entrer. L'allure de Ralph la surprenait toujours. Il était grand, massif mais
ses déplacements étaient toujours fluides. Élégants. Racés. Tel un fauve.
Elle détourna les yeux pour fermer la porte. Quand elle se retourna, Ralph l'attendait. Elle
était devenue sa proie. Elle changea d'humeur immédiatement et naturellement. L'animale qui
l'habitait avait pris place. Elle était prête. Elle le voulait. Elle l'aurait.
Partie 4
Un sentiment de mensonge l'envahissait. Antoine s'était servi de la curiosité et de la
maladresse de Nolwenn pour pouvoir s'éclipser. Son but non avoué était de le rejoindre. De trouver
la moindre excuse pour être avec lui. Avant même de sortir de son appartement, il savait ce qu'il
allait faire. Son but était simple : rejoindre Alexandre.
Il arriva en bas de son immeuble. Il avait vérifié par textos interposés qu'il était attendu.
Espéré. Il avait beau être essoufflé, il tenait à utiliser les escaliers plutôt que l'ascenseur. L'effort
physique lui ferait du bien. Sans doute que cela le calmerait. Arrêterait ses tremblements nerveux.
Il poussa la porte de l'étage d'Alexandre. A peine une seconde plus tard, il entendit le déclic
d'une poignée.
- J'ai reconnu ton pas, dit Alexandre sans se montrer. Viens.
Antoine ne produisit aucun son, il savait ce qui l'attendait. Il savait que c'était ce qu'il voulait.
Ce qu'ils voulaient. Il pénétra dans l'appartement en refermant derrière lui. Il sema ses vêtements le
long du chemin jusqu'à la chambre.
Adrien sortait tout juste de la douche que la sonnerie retentissait. Il entendit Julie marcher
jusqu'à la porte. Il décida qu'il prendrait quand même le temps de s'habiller. Ce n'était pas grave si
Nolwenn attendait. Elle était en excellente compagnie.
Il avait à peine eu le temps de mettre un pantalon que les deux femmes arrivaient dans la
chambre. Elles ne firent pas attention à lui. Leurs bouches semblaient collées. Irrémédiablement
soudées entre elles.
Nolwenn jeta Julie sur le lit. Ce qui étonna Adrien. De façon générale, sa compagne avait
tendance à prendre le dessus avec les femmes. Ce n'étaient par contre pas systématique avec les
hommes. Plutôt l'inverse d'ailleurs. Quand il lui en parlait, elle répondait de façon évasive que ça lui
faisait des vacances.
Pendant un instant, il put saisir le regard de Nolwenn qui lui lançait un sourire carnassier. Ses
yeux. Ils n'arrivaient pas à rester fixes. Ses pupilles étaient dilatées. Son corps était la pièce à
conviction. Il sut. Elle était sous cocaïne. Comme trop souvent.
Adrien se demanda si dans ces conditions il allait participer. Le visage implorant de Julie le
convainquit. Il ne pouvait pas la laisser seule gérer cette boulimie compulsive.
Partie 5
Pendant qu’Aurore se « repoudrait le nez » aux toilettes, Tristan sentit la vibration
significative de la réception d’un SMS. Il sortit son téléphone. C’était Silène. Il sourit et commença à
lire le message. Elle lui disait qu’elle avait passé une agréable journée, qu’elle allait se coucher et
qu’elle l’embrassait. Cette simple attention le toucha. Il aimait sa compagne et il aimait s’en rendre
compte.
Tristan était en train d’écrire une réponse quand Aurore réapparut. Elle le regarda tapoter les
différentes touches mais préféra ne pas montrer qu’un sentiment de jalousie naissait. Elle commanda
un autre verre.
- C’est un message de Silène, commença Tristan.
- Ah…
- J’adore quand elle m’envoie des messages simples où je sens qu’elle est heureuse. J’ai
vraiment une chance folle d’être avec elle. Elle est tellement douce et attentionnée. Et sa
façon de voir les choses est tellement différente de la mienne. Ça me fait avancer.
- Ah…
Aurore s’assombrissait de plus en plus. Tristan essayait de ne pas le remarquer et de ne pas
comprendre qu’il en était la cause. Ou plutôt que son discours était le responsable.
- Toi tu m’en veux, reprit-il. Désolé, je n’aurais pas dû te parler de ce SMS.
- Si pourquoi pas ? Après tout, je sais bien que c’est elle ta femme. Que je ne suis qu’un passetemps.
- Attends, pourquoi tu dis ça ? Tu sais bien que ce n’est pas vrai. Tu sais bien que tu es
beaucoup plus que ça.
Il s’approcha d’elle pour l’embrasser mais elle détourna la tête. Tristan n’insista pas. Il avait
été maladroit. C’était normal qu’il le paie.
- Je suis vraiment désolé, continua-t-il, je ne voulais pas.
- Bon écoute, on en reste là pour ce soir. On verra comment ça se passera la prochaine fois. Je
vais y aller maintenant.
- OK, je te raccompagne.
- Non, je ne préfère pas.
Elle lui fit une bise rapide puis partit. Il la regarda s’en aller. Il s’en voulait de ses paroles
inconsidérées. Il ne voulait surtout pas lui faire du mal. Au contraire, tout ce qu’il voulait était le
bonheur de cette femme. Mais aussi le bonheur de la sienne.
Ralph était assis dans le lit, le dos contre le mur. Il tenait Yamina dans ses bras. Leurs gestes
étaient tendres. Lents. Emplis de douceur. Ils se retrouvaient.
- Je n’arrive pas à me passer de toi, dit Ralph.
Yamina ne répondit rien. Elle comprit que la suite allait la déranger.
- Et je vois bien que c’est pareil pour toi, continua-t-il.
- Oui, c’est vrai.
Nouveau silence. Ralph attendit qu’elle ajoute quelque chose. En vain.
- Si c’est vrai, pourquoi ne veux-tu pas vivre avec moi ? Tout serait tellement plus simple.
- S’il te plait ne recommence pas, s’énerva soudain Yamina. On en a déjà parlé et c’est non. Il
est hors de question qu’on vive ensemble pour le moment.
- Mais tu te rends compte que ça te rend malheureuse.
- Oui, mais j’en ai besoin pour me reconstruire.
- Et ça me rend malheureux aussi. Mais par contre ça, ça ne t’intéresse pas.
Yamina se releva soudain. Elle le regarda interloquée. La surprise et la colère se mélangeaient
dans ses yeux.
- Comment tu peux dire ça ? Tu sais bien que c’est faux. Tu sais très bien que je veux que tu
sois heureux.
- Alors pourquoi ?
- Mais je te l’ai déjà expliqué plein de fois. J’en ai besoin. C’est si compliqué que ça à
entendre.
- Bon, ça suffit. J’y vais.
Ralph s’habilla en quelques secondes. Yamina hésita à le retenir. Mais elle ne pouvait pas.
Elle avait finalement besoin qu’il parte. Ce qu’il fit. Sans se retourner. Et en claquant la porte.
Partie 6
- Tu me dis maintenant ce qui me vaut le plaisir de ta présence surprise ?
Alexandre le regardait tout en lui caressant les cheveux. Il attendait une réponse. Mais
Antoine ne savait pas quel degré de vérité il pourrait assumer. Sa venue était la conséquence à la fois
de sa dispute avec Nolwenn mais aussi de son envie de le voir. Cette envie qui avait justement
provoqué cette dispute.
- On s’est engueulés avec Nolwenn, finit-il par dire.
- A cause de quoi ?
- De conneries évidemment. C’est le principe des engueulades en couple. A un moment tout va
bien, et juste après selon ce qu’a dit l’un ou l’autre, c’est l’horreur.
- Je vois. C’est heureusement pour moi quelque chose que je ne connais pas.
- Comment ça ? Tu ne t’es jamais engueulé en couple ?
- Je n’ai jamais été en couple. Je suis sur terre pour vivre, profiter, m’amuser mais
certainement pas pour m’enchainer.
- C’est ta vision du couple ? C’est un peu réducteur tu ne trouves pas ?
- Peut-être, mais au moins ça me permet de très bien vivre ma vie et de ne pas avoir les
moments de déprime et de petites colères que vous avez, vous qui vivez avec quelqu’un
d’autre. Mais bon, on se disperse là. C’était quoi ces conneries ?
- Quand je t’écrivais tout à l’heure, elle voulait absolument savoir pour qui c’était.
- Tu aurais pu lui dire. Je croyais que vous aviez le droit de faire ce que vous vouliez.
- Oui, c’est vrai. On peut faire ce qu’on veut. Mais je n’ai pas envie qu’elle sache que c’est
avec un homme.
- Je vois. Ce n’est pas encore totalement assumé. Ce n’est pas grave je vais t’y aider, ajouta
Alexandre avec un clin d’œil. Et comment s’est terminée votre engueulade ? Par des pleurs,
des cris ?
- Par le fait que je ne dormirai pas à la maison ce soir et je me suis barré.
- Et où comptes-tu dormir ?
- Je ne sais pas trop. Je n’y ai pas encore réfléchit, mentit Antoine qui n’attendait qu’une
phrase de cet homme.
- C’est con. Tu m’aurais demandé tout de suite si tu pouvais dormir chez moi je t’aurais dit oui.
Maintenant que je sais que tu n’y as même pas pensé, j’hésite.
Alexandre avait encore élargi son sourire sur ces derniers mots. Il le faisait mijoter. Pour lui
donner une leçon. Il voulait que cet homme assume ce qu’il était. Il allait l’y aider. Mais il ne voulait
pas que ce soit simple pour autant.
- Tu sais bien que je n’ai pensé qu’à ça tout le temps. Je veux passer la nuit avec toi. C’est pour
ça que j’ai trouvé le premier prétexte pour m’engueuler avec Nolwenn. Laisse-moi dormir
avec toi.
- Evidemment que tu vas dormir avec moi. Tu sais, je ne t’aurais jamais laissé partir.
Adrien s’était arrangé pour ne pas se retenir. Il était lessivé. Il en avait assez. Il ne voulait
qu’une seule chose : se coucher. Il se mit à l’écart. Regarda ces deux femmes qui n’arrivaient pas à
s’épuiser. Elles en avaient encore pour longtemps. Il ne les attendrait pas.
- Mesdemoiselles, je suis désolé mais je vais aller me coucher, soupira-t-il.
- T’es sûr que tu ne veux pas rester ? Lui demanda Nolwenn sans arrêter de caresser Julie.
- Tu peux aller te coucher mon chéri, ajouta cette dernière, je vais très bien m’occuper de notre
invitée.
Nolwenn regarda cette femme infatigable. Elle avait prononcé ces paroles avec conviction.
Mais elle voulait quand même la tester.
- Tu es sûre que tu seras suffisante ? Demanda-t-elle avec tout le défi et la morgue qu’elle
pouvait mettre dans ses yeux.
Julie la regarda à son tour. Elle s’approcha d’elle. Elle colla son corps contre le sien. Le défi
venait d’être lancé.
- Et toi, répondit-elle, tu es sûre que tu seras suffisante ?
Adrien n’existait plus. Tant mieux se dit-il. Il pouvait en profiter pour les laisser.
Episode 11
Partie 1
L'impression de devoir reprendre ses marques. Comme s'il arrivait dans un lieu inconnu. Rien
ne lui semblait familier. Tristan n'arrivait même pas à se souvenir de la dernière fois où ils étaient
venus au Domaine. Il avait maintenant tellement l'habitude du Surcouf que les autres endroits lui
devenaient étrangers. Mais sans l'intérêt de la découverte.
Silène et lui venaient d'arriver dans le club. Elle avait conscience du malaise de Tristan mais
ne se l'expliquait pas. Elle sentait aussi qu'elle ne devait pas le forcer à parler. Cela devait venir de
lui. Elle sourit en apercevant Jacques et Agnès. Elle avait besoin de présence connue pour se
rassurer. Elle fit signe à Tristan de regarder dans leur direction. Ses traits se durcirent soudain. Elle
ne comprit pas sur le coup. Elle les regarda de nouveau. Oui. En effet. Quelque chose clochait. Ils
dégageaient une noirceur qui ne leur convenait pas. Inhabituelle. Cela se confirma quand ils prirent
conscience de leur présence.
Jacques fut le premier à les voir. Il toucha la main de sa compagne pour l’en avertir. Les yeux
d'Agnès croisèrent ceux de Silène. Elle ne s'était pas trompée. Quelque chose les tourmentait.
Quelque chose qui les concernait elle et Tristan.
Antoine était seul chez lui. Nolwenn avait un cocktail avec ses collègues. Elle lui avait dit que
cela ne devrait pas finir très tard. Il ne l’attendait pas particulièrement. Il pensait à autre chose. Ou
plutôt à une autre personne. Une personne qu’il aurait volontiers rejoint. Mais il ne le ferait pas. Pas
ce soir en tout cas. Il l’avait déjà vu plusieurs fois cette semaine. Sans que sa compagne ne le sut. Il
ne voulait pas exagérer. Pas abuser des bonnes choses. Cela mettait son couple en danger.
Il regardait une émission sans grand intérêt. Il entendit le bruit de la serrure qui s’ouvrait.
Nolwenn entra dans l’appartement.
- C’est moi mon chéri, cria-t-elle presque. T’es où ?
- Dans le salon.
Elle se posta à l’entrée de la pièce. A son sourire, Antoine comprit qu’elle n’avait pas
consommé que de l’alcool. Il prit sur lui pour ne pas soupirer. Les abus de Nolwenn devenaient
systématiques. Il ne parvenait plus à lui trouver des excuses.
- Ça va ? Demanda Antoine sans attendre véritablement de réponse.
- Ça va super bien, répondit Nolwenn du tac au tac. J’ai passé une excellente soirée et j’ai la
super pêche.
- Oui, je vois. Combien de rails tu as pris ?
Nolwenn força l’expression choquée de son visage. Espérant qu’Antoine s’excuse ou se rende
compte qu’il se trompait.
- Mais aucun, mentit-elle. Pourquoi tu dis ça ?
- Parce que je te connais. Parce que je vis avec toi depuis quelques temps maintenant et que je
sais quand tu es dans ton état normal et quand tu ne l’es pas. Alors ? Combien ?
Finalement, ce fut Nolwenn qui soupira. Elle réagissait comme un enfant surpris au moment
où il a les deux mains dans le bocal à bonbon et qu’il affirme qu’il n’en a pas mangé un seul.
- Oui bon, c’est vrai, avoua-t-elle finalement. J’ai un peu pris de C mais pas tant que ça. Juste
ce qu’il faut pour que je me sente bien. Rien de choquant je t’assure. Tu m’en veux
vraiment ?
Justement, c’était la bonne question. Il lui en voulait de façon certaine. Mais il ne savait plus
si c’était à cause de son addiction ou du fait qu’il se détachait d’elle. Dans les deux cas, la présence
et l’attitude de Nolwenn lui portaient sur les nerfs.
Partie 2
Elle ne pensait pas avoir fait quelque chose de mal. Elle considérait au contraire qu'elle avait
été honnête avec Ralph. Comme toujours d'ailleurs. Mais Yamina ne pouvait s'empêcher de
culpabiliser. Elle regardait son téléphone depuis plus d'une heure. Comme si elle attendait qu'il lui
parle. Qu'il lui dise ce qu'elle devait faire. Elle ne se sentait pas capable de prendre une décision. Et
encore moins la bonne. Plus la situation tournait dans sa tête et plus elle se disait qu'elle avait besoin
d'une aide extérieure. D'un tiers bienveillant. Mais le problème était qu'à chaque fois qu'un visage se
figeait dans son esprit, c'était toujours le même. Celui de Ralph.
Yamina se donna une gifle. Espérant une réaction de sa part. Cela ne suffit pas. Elle
reproduisit l'expérience mais avec plus de conviction cette fois. Plus de puissance. En dehors d'une
marque rouge sur sa joue, l'efficacité de la chose fut discutable. Elle alla se regarder dans le miroir.
S'aspergea d'eau fraîche. Et prit enfin son téléphone dans les mains.
Yamina reprit le fil de discussion de SMS correspondant à Ralph. Elle parvint à écrire : « Je
suis désolée. Il faut qu'on parle. Je peux passer chez toi ? ».
Elle reposa l'objet. Elle attendit quelques minutes qui lui parurent interminables. Puis il
sonna. Elle le prit en tremblant. Appréhendant la réponse. Le message était bref mais suffisant pour
la rassurer : « Quand tu veux. Je t'attends. ».
Les pensées de Julie vagabondaient en regardant sa fille. Elle revoyait Ana à l'âge de six ans.
C'était un matin d'octobre. Elle s'était préparée encore plus qu'à l'ordinaire. La raison était simple.
C'était le jour de la photo de classe. Et elle voulait être parfaite. Elle était partie en courant de la
maison. A peine quelques mètres après avoir refermé la porte, l'enfant était tombée sur le nez. En
dehors des cris et des pleurs, ce qu'il en était resté était une petite cicatrice presque invisible et une
photo grotesque avec un magnifique sourire et une trace de mercurochrome en travers du visage.
La sonnerie de l'entrée la fit sortir de sa rêverie. Julie remarqua qu'Adrien entra sans attendre
de réponse. Il prenait enfin sa place dans cette famille.
Ana venait tout juste de finir son dîner. Elle leur souhaita une bonne nuit et partit dans sa
chambre.
A peine furent-ils seuls que Julie s'approcha dangereusement d'Adrien. Celui-ci lui sourit et
lui maintint les mains.
- Il faut qu'on parle, dit-il.
- Après, susurra-t-elle.
- S'il-te-plait, insista-t-il, je veux vraiment qu'on parle.
Julie fit un pas en arrière. Le regarda. Il était sérieux. Ennuyé mais sérieux. Elle soupira,
vaguement énervée, mais surtout avec une impression grandissante de frustration.
- OK, reprit-elle, parle alors.
Partie 3
Jacques discutait avec Tristan. Il semblait se forcer à tenir une conversation comme s'il
voulait le garder à l'écart. Silène comprit que c'était bien le cas quand elle sentit Agnès la diriger un
peu plus loin. A l'abri de potentielles oreilles indiscrètes.
- Il faut que je te parle, dit cette dernière d'un ton grave.
- Qu'est-ce qu'il se passe ? Un problème entre toi et Jacques ?
- Non, c'est à propos de toi et Tristan.
Agnès temporisa. Non dans le but de maintenir le suspens, mais plutôt parce qu'elle ne savait
pas comment amener la chose.
- Je te connais, je sais que ça ne va pas te surprendre mais j'ai des pouvoirs de médium.
Silène sourit.
- Je le savais, s'exclama-t-elle. J'ai toujours senti que tu avais une grande sensibilité et une
grande spiritualité. Donc non ça ne m'étonne pas du tout. Mais que veux-tu me dire ?
-
C'est Tristan. Il est en train de tomber amoureux d'une autre femme. Et il ne s'en rend pas
compte.
Le visage de Silène se ferma soudain. Elle accusait le coup. Même si cette nouvelle n'en était
pas vraiment une.
- Oui, répondit-elle, je l'avais plus ou moins ressenti. Il a changé ces derniers temps. Il est plus
sûr de lui. Ça le rend plus séduisant. Et j'ai vu les regards des autres femmes. Ce genre de
situation n'arrive que quand tu te sens toi-même séduisant. Mais je te rassure Agnès, on a
vécu pas mal de choses ensemble. On a des casseroles. Et on est pourtant toujours restés
ensemble. Quoi qu'il arrive. J'ai confiance dans la pureté de notre amour. La meilleure preuve
est notre façon de vivre depuis quelques années. C'est cette confiance qui nous permettra
d'affronter toutes les épreuves.
Agnès fit semblant d'être convaincue. Mais connaissant cette histoire, elle savait que rien
n'était gagné.
-
Tu m'en veux vraiment ? miaula Nolwenn.
Oui et non se dit Antoine. Il ne savait pas exactement. Il hésitait. Il se demandait si sa colère
était dirigée contre elle parce qu'elle avait encore pris de la cocaïne, ou contre lui parce qu'il n'avait
qu'une seule envie et c'était d'être avec Alexandre. Dans ses bras. Contre son corps. Sexe contre sexe.
Nolwenn crut percevoir l'arrivée d'une grosseur à travers le pantalon de son homme. Elle
pensa qu'en insistant un peu il lui pardonnerait. Elle s'approcha de lui. En mode rapace fonçant sur sa
proie. Il recula d'un pas. Espérant qu'il serait plus en sécurité. Elle s'avança à nouveau. Il ne bougea
pas. Elle posa ses mains sur lui. Commençant à le caresser. Il la repoussa doucement.
- Laisse-moi s'il te plaît, implora Antoine. Je n'ai vraiment pas envie.
Quand elle le toucha, elle avait bien constaté la rigidité de l'anatomie de son compagnon. Il
avait envie. Elle crut que c'était d'elle. Elle se sentait en devoir d'insister. Ce qu'elle fit. Il la stoppa
net.
- Arrête maintenant, ordonna Antoine. Si je te dis que je n'ai pas envie c'est que je n'ai pas
envie.
- Mais pourquoi ?
- Je n'aime pas quand tu es comme ça.
- Comme ça comment ?
- Quand tu as pris trop de C.
Elle sourit. Elle avait trouvé la solution pensa-t-elle.
- C'est parce que tu n'en as pas pris. C'est pour ça.
Nolwenn alla dans leur chambre et revint avec un petit sachet plastique. Elle l'ouvrit et déposa
une partie de son contenu sur la table. Sa carte de crédit lui permit de tracer quelques lignes blanches
irrégulières.
Partie 4
Yamina sortait de chez elle pour rejoindre Ralph. Elle était nerveuse comme toujours.
Comme une adolescente. Elle l'aimait et ne voulait pas le perdre. Surtout pas bêtement.
Elle arriva sur son palier. Elle entendit la musique significative indiquant que l'appartement
de Ralph était ouvert. Elle entra. Il l'attendait. Il lui fit un sourire gêne. Elle fit de même.
- Je suis désolé, dit-il.
- Moi aussi. C'est ma faute.
- Non non, c'est moi. Je n'aurais pas dû te mettre la pression comme ça. On vivra ensemble
quand on vivra ensemble. Pas la peine de faire des plans sur la comète d'ici là.
- Je m'excuse vraiment de ne pas être prête. J'ai besoin de plus de temps, de me remettre. Et
surtout d'accepter ma nouvelle vie. Je suis vraiment désolée de ne pas pouvoir te donner ce
que tu veux maintenant.
-
Bon, tu es désolée, je suis désolé, on est désolés. On arrête de l'être pour voir comment ça
fait ?
Le grand éclat de rire de Ralph parvint enfin à détendre l'atmosphère. Yamina souffla. Enfin.
Adrien ne savait pas comment amener le sujet. Julie était à fleur de peau. Il allait devoir
marcher sur des œufs.
- En fait, dit-il enfin hésitant, je voudrais te parler de ton appétit actuel.
- De quel appétit tu parles ?
- De ton appétit sexuel.
Julie s'esclaffa. Elle força le trait le plus possible. Si son but était de le rendre mal à l'aise, se
dit Adrien, c'était réussi.
- Bon, assez rit, reprit Julie. Qu'est-ce que tu veux dire exactement ?
- Par exemple la dernière fois au Domaine. Tu étais intarissable. La seule qui a réussi à te
suivre c'était Nolwenn.
- Oui, donc quelqu'un a réussi à me suivre. Donc il n'y a rien de choquant.
- Euh, elle était sous cocaïne. En gros, pour te suivre en ce moment il faut être dopé. Tu
trouves ça normal toi ?
- Pfff, tu exagères comme toujours.
- Mais non je n'exagère pas et tu le sais très bien. Tu m'inquiètes Julie. Sérieusement. Je ne sais
pas quoi faire. Je pense que ton état actuel est lié à ce qu'il s'est passé avec Gabriel.
- Ça suffit maintenant, hurla soudain Julie. Tu me lâches avec tes conneries. Ce n'est pas parce
que tu n'arrives pas à me suivre qu'il faut t'en prendre à moi. Je n'y peux rien si ta fierté
masculine en prend un coup. Assume et laisse-moi tranquille.
Adrien resta bouche bée. Il ne s'attendait ni à cette réaction ni à ce discours. La discussion
qu'il souhaitait n'allait pas être possible.
Partie 5
Tristan regardait Jacques sans le voir. Il s'était mis en mode répondeur. Mais c'était un mode
répondeur avancé. Il pouvait tenir une conversation sans être attentif à ce qui était dit. Il était capable
de donner des réponses pertinentes aux questions qu'il n'avait pas entendues.
- Tu as l'air absent, dit soudain Jacques. Quelque chose te préoccupe ?
Tristan s'intéressa de nouveau à la conversation.
- En fait, j'ai rencontré une femme.
- Et...
- Et je n'arrête pas de penser à elle.
- C'est surprenant. Surtout quand comme toi on a une femme comme Silène. Et c'est sérieux
avec cette femme ?
- Je suis follement amoureux de Silène et très attaché à Aurore. C'est la première fois que je
tombe sur une femme comme elle.
- Qu'est-ce qu'elle a de particulier ?
- Eh bien, elle est belle, intelligente, cultivée et avec un incroyable sens de l’humour. Et surtout
elle a cette faculté à terminer mes phrases à ma place. Le plus surprenant c'est que je fais
pareil avec elle.
- Et elle a quelqu'un ?
- Non, et c'est sans doute ce qui va être très vite problématique. Je sens qu'elle commence à
tomber amoureuse de moi.
- Ça sera problématique si vous continuez à vous voir.
- Justement, je ne me sens pas capable d'avoir à nouveau une vie sans elle. Pour être
complètement honnête, par moment je me demande si moi-même je ne suis pas en train de
tomber amoureux.
-
Ah... Évidemment...
Tu crois que c'est possible d'être amoureux de deux femmes en même temps ?
Jacques prit son temps avant de répondre. Il comprenait d'où venait sa question. Il avait vécu
lui-même cette situation. Il savait ce qu'il en était. Ce que cela signifiait.
- Tu commences à prendre de l'assurance Tristan, reprit-il. C'est une bonne chose. Mais
maintenant, ça veut aussi dire qu'il faut que tu commences à faire attention.
Non, ce n'était pas parce qu'il n'avait rien pris qu'il n'avait pas envie. Non, ça ne lui ferait pas
du bien. Non, ça ne le motiverait pas. Et pourtant, Antoine ne fit rien pour arrêter Nolwenn. Cette
dernière était complètement absorbée par son ouvrage. Par ces lignes qu'elle traçait.
- Ça y est, s'écria-t-elle soudain. Elles sont prêtes. Vas-y mon chéri, ça te requinquera.
- Non merci, je n'ai pas super envie, répondit faiblement Antoine.
- Mais si, tu vas voir. Fais-moi confiance.
- Non, vraiment, je préfère pas. Et puis je ne suis pas fan de l'effet que ça a sur moi.
- C'est nouveau ça, s'étonna-t-elle faussement. Tu dis ça parce que tu es contrarié. Ne fais pas
l'enfant et prends un rail.
- Ah mais arrête je te dis. Quand je dis non c'est non. N'insiste pas.
- Bon ben dans ce cas je vais tout prendre.
Ce qu'elle fit. Ce qui énerva encore plus Antoine.
- Mais t'es vraiment pas bien. Tu ne te rends plus du tout compte de ce que tu fais. Je vais te le
piquer ton sachet.
- Tu n'as pas intérêt à toucher à ça, s'énerva-t-elle à son tour. Si ça te dérange tant que ça, tu
n'as qu'à te barrer.
Nolwenn était passée en mode hystérique en une fraction de seconde. Surpris mais toujours
autant en colère, Antoine refusait de perdre cette bataille. Il décida même de s'en servir.
- OK, reprit-il, je me casse.
Il prit sa veste et flanqua la porte avant de l'avoir enfilée. Il descendit les marches en courant.
Une fois dans la rue, il sortit son téléphone. Avec frénésie. Il trouva le contact qu'il voulait et
l'appela.
- C'est moi, dit Antoine. Je peux venir dormir chez toi ?
- Bien sûr, répondit Alexandre. Quand ?
- Maintenant.
Partie 6
Leurs rires s'estompaient. Leurs sourires restaient. Ralph regardait Yamina avec des yeux
brillants. Il avança soudain son visage vers le sien pour lui faire un baiser. Contre toute attente elle
eut le mouvement de recul des femmes qui ne veulent pas qu'on les embrasse. Les lèvres masculines
rencontrèrent le cou féminin.
Ralph connaissait cette protection. Il ne comprit pas. Son regard s'emplit de points
d'interrogation. Ne voulant pas la brusquer, il attendit que Yamina lui parle.
- Je suis désolée, commença-t-elle, mais je n'ai pas envie de faire l'amour avec toi. J'ai juste
besoin de tendresse. De beaucoup de tendresse.
- D'accord. Je vais mettre mon côté animal au vestiaire, sourit-il.
- Est-ce que je peux quand même dormir avec toi ce soir ?
Ralph ne dit rien. Il la regarda intensément. Bon sang qu'il aimait cette femme. Il se leva
doucement puis quitta la pièce. Toujours muet. Elle attendit. Elle entendit des légers bruits
métalliques. Il revint l'air triomphant. Il lui tendait un jeu de clés.
- Tiens, reprit-il, ce sont celles de chez moi. A partir de maintenant tu peux venir quand tu
veux, pour tout ce que tu veux.
Il garda un instant de silence pour ménager son effet. Pour lui faire comprendre qu'elle avait
tous les droits avec lui. Sur lui.
- Y compris seulement dormir avec moi.
-
Quand tu veux tu réagis, reprit soudain Julie.
Adrien sursauta. Julie n'avait pas crié mais était à la limite.
- Ecoute, je suis désolé de ce que j'ai dit. Je n'aurais pas dû.
- Mais bien sûr que si. Tu as bien fait d'ailleurs. Maintenant je sais ce qu'il se passe dans ta tête.
- Arrête, ne prends pas ça mal. C'est uniquement parce que je m'inquiète que je me pose des
questions. Et que je t'en pose d'ailleurs.
- Oui j'ai bien compris, mais il n'y a pas de quoi. Et tu t'inquiètes de quoi exactement ?
- J'ai peur que tu fasses une bêtise.
Julie éclata d'un rire forcé. Elle fit semblant d'avoir des difficultés à reprendre son souffle.
- Tu peux arrêter de t'inquiéter, reprit-elle. Je suis à mille lieues de vouloir me suicider.
- Je ne pensais pas à ça.
- A quoi alors ?
- A n'importe quoi d'autre. Par exemple ton appétit actuel. Depuis que je te connais tu n'as
jamais été ainsi. Sauf dans des périodes difficiles mais jamais aussi longtemps.
Cette dernière remarque fit son chemin dans le cerveau de Julie. Même si elle le niait au
grand jour, et à Adrien en particulier, elle savait que ce n'était pas normal. Même pour elle. Son
calme revenait. Elle s'assit à côté de lui. Elle lui prit les mains et planta ses yeux dans les siens.
Tendrement.
- Ce n'est pas complètement faux ce que tu viens de dire, admit-elle difficilement. Mais je vais
te prouver que je ne suis pas uniquement comme ça. J'ai envie de toi maintenant mais pas
violemment. Je veux que tu me fasses l'amour. Doucement. Longtemps.
Adrien allait lui obéir. Comme toujours. Il le savait. Il savait aussi que le problème ne serait
pas réglé pour autant.
Episode 12
Partie 1
Julie s'attendait à trouver Adrien derrière sa porte. Les uniformes qu'elle découvrit à la place
la surprirent. Ils étaient trois. Deux femmes et un homme. Ce dernier lui fit la plus mauvaise
impression. Elle se dit que ce devait être une constante dans les équipes. Il fallait toujours un élément
suspicieux faisant sentir les civiles coupables.
- Bonjour, police nationale, dit celle qui semblait la plus jeune.
- Bonjour, répondit Julie d'une voix tremblante. C'est à quel sujet ?
- C'est à propos de votre ex-mari Gabriel. Nous avons des nouvelles le concernant.
- Ah...
Elle faillit s'étrangler en prononçant cette onomatopée. Des dizaines de films tournèrent alors
dans sa tête. Et la constante présente dans les différents scénarios était qu'elle se retrouvait menottée,
Ana la regardant en larmes se faire embarquer par la police. Elle dut se concentrer intensément pour
ne pas s'évanouir.
- Oui, reprit soudain l'autre femme policier, nous savons qu'il va très bien et qu'il se trouve au
Maroc.
« Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? » Se demanda Julie. Malgré elle, malgré une
autosuggestion intense, son corps ne parvint pas à cacher son étonnement. Quelles que pouvaient être
les facultés d'analyse transactionnelle des représentants de la force de l'ordre, ils ne pouvaient pas
passer à côté. Ils attendirent une parole de sa part pendant quelques secondes. Mais rien ne vint.
- Vous semblez surprise, dit enfin l'homme. Qu'est-ce qui vous étonne ?
Encore quelque chose de décalé se disait Tristan. Quand Silène lui avait expliqué pourquoi ils
allaient chez son amant, il hésita d'abord puis fut séduit par l'idée. Elle lui avait dit que Loïc était de
plus en plus curieux de savoir comment cela se passait dans les clubs. Elle lui avait alors proposé de
trouver une femme qui serait elle aussi intéressée pour qu'ils les emmènent.
Loïc leur ouvrit la porte. Tristan crut percevoir une gêne chez leur hôte. Peut-être était-il
moins sur de ce qu'il voulait. De ce qu'il cherchait. Ils entrèrent et s'installèrent sur le canapé. Une
femme sortie des toilettes. Les deux membres du couple libertin la scannèrent. De bas en haut. Ils se
regardèrent. Ils étaient d'accord. Elle était à leur goût.
- Salut, dit la jeune femme, moi c'est Aude.
Oui, très jolie pensa Silène. Elle planta ses yeux dans les siens pour déceler la moindre
parcelle de bisexualité. Elle la découvrit quasi immédiatement. Même si cela partait d'une envie de
découverte, la fibre était naturellement présente. Elle espéra que les choses dégénèreraient dans le
bon sens.
Partie 2
Antoine redoutait d'avance les questions qui n'allaient pas manquer d'être posées. Nolwenn
allait le cuisiner à n'en pas douter. Il avait encore découché. Il avait encore dormi chez Alexandre.
Avec Alexandre. Repenser à cette dernière nuit lui faisait du bien. Cela lui donnait le courage de
rentrer chez lui et de l'affronter.
Antoine tourna le verrou puis poussa la porte. Nolwenn était assise dans le salon, fumant une
cigarette. Elle avait préparé un punch et différents amuse-bouche. Elle l'attendait patiemment. Il entra
dans la pièce. Elle lui sourit. Avec beaucoup de douceur. Elle semblait normale. Elle était totalement
claire. Elle lui fit signe de s'asseoir. Ce qu'il fit.
- Tu veux un verre ? Demanda-t-elle.
- Euh... Oui...
Elle prit la louche qui dépassait du saladier. Elle servit un grand verre qu'elle lui tendit. Elle
en versa un second pour elle. Ils trinquèrent. Antoine légèrement gêné car surpris. Elle baissa la tête
puis le regarda à nouveau. Toujours avec douceur mais cette fois avec un soupçon de gravité.
- Il faut qu'on parle, reprit-elle, sérieusement.
Antoine s'inquiéta soudain. Peut-être avait-elle découvert quelque chose. Peut-être avait-elle
deviné pour Alexandre.
Yamina était en retard. Yamina détestait être en retard. Surtout quand elle ne savait pas ce qui
l'attendait. Elle arriva devant l'immeuble de Ralph. Elle sonna à l'interphone. Contre toute attente,
une voix de femme lui répondit. Elle reconnut celle de Chrystelle.
La porte de l'appartement de Ralph était ouverte. Elle entra et se dirigea vers le salon. Il était
en grande conversation avec Chrystelle mais Yamina ne saisit pas le sujet.
- Ah bonjour ma belle, commença Chrystelle. Je suis trop contente de savoir que tu viens avec
nous.
- Justement, répondit Yamina, on va où ?
Chrystelle regarda alors Ralph interrogative. Il arbora alors un sourire mystérieux dont il avait
le secret. Il n'avait rien dit à Yamina.
- Oui, dit-il à l'attention de Chrystelle, je ne lui ai rien dit. Elle ne connaît pas du tout le
programme de la soirée.
- Dites donc vous deux, reprit Yamina, c'est quoi toutes ces cachotteries ? J'aime bien les
surprises mais là je m'inquiéterais presque.
- Je te rassure mon amour, continua Ralph, tout va bien se passer.
- Je suis d'accord, ajouta Chrystelle. Par contre, tu aurais pu la prévenir. Étant donné que ce
n'est pas obligatoirement si commun que ça, je ne suis pas certaine que de ne lui avoir rien dit
du tout soit une bonne idée.
Partie 3
Reprendre ses esprits. Revenir à la réalité. Redevenir sérieuse. Et surtout trouver une réponse
cohérente. Les pensées de Julie se télescopaient. Elle n'avait qu'une fraction de seconde pour donner
le change.
Elle fit une légère grimace témoignant de sa réflexion intense. Elle regarda de nouveau le
policier avec le plus de sérieux possible.
- Non, dit-elle enfin. Finalement non.
- Comment ça ? Lui demanda-t-il.
- Eh bien, il sort de prison, donc même s'il n'était pas un grand fan des voyages quand on était
mariés, cela a pu changer. Il a très certainement envie d'aller voir ailleurs maintenant. Pour
profiter pleinement de cette liberté.
Elle fit une pause. Elle garda un air impassible mais intérieurement elle jubilait de cette
pirouette.
- Et au fait, reprit-elle, comment avez-vous su qu'il partait là-bas ?
Les deux femmes et l'homme qui lui faisaient face se regardèrent. Ils donnaient l'impression
de se demander mentalement l’autorisation de divulguer l'information.
- Vous pouvez le dire ou pas ? Insista sensiblement Julie.
- Oui on peut, décida la plus jeune des représentants de l'ordre. C'est sa compagne Nora qui
nous l'a dit. C'est elle qui a eu des nouvelles de sa part.
Coup de poing dans le ventre. Mais elle ne plia pas. Et pourtant c'était l'effet de cette dernière
phrase. Pourquoi, se demandait Julie. Pourquoi Nora avait-elle inventé cette histoire ? Qu'avait-elle à
y gagner ?
Aude s’installa sur le fauteuil à côté du canapé. Ils ne l’avaient pas quitté des yeux durant son
chemin depuis les toilettes. Silène était celle qui avait le plus de mal à cacher son émoi. La jeune
femme lui lança un coup d’œil accompagné d’un sourire une fois installée. Puis elle commença.
- Alors c’est vous dont parle Loïc tout le temps. Il faut que vous me racontiez tout ça.
- Tout ça quoi ? demanda innocemment Tristan. Tu veux savoir comment ça se passe en club
ou comment on peut vivre une relation échangiste ?
- Les deux ! Mais commencez par les clubs. Comme vous l’a dit Loïc, j’ai super envie d’y
aller. Je voudrais bien savoir comment c’est une fois dedans. Tu m’en donnes un aperçu ?
Demanda-t-elle en direction de Silène.
Cette dernière arqua un sourire et plia son corps pour encore plus dévoiler son décolleté. Elle
tenait à jouer de ses atouts le plus possible pour avancer l’exercice de séduction qu’elle souhaitait
tenter avec cette jeune femme. Moins innocente qu’elle ne le laissait paraitre.
- En dehors des coins câlins, il n’y a pas énormément de différence avec une boite de nuit
normale.
- Les coins câlins, c’est là où il se passe les choses c’est bien ça ?
- Oui, c’est ça.
- Et il ne se passe rien sur la piste de danse ?
- En fait ça dépend, dit Tristan voulant faire partie de la conversation. Ce qu’il faut comprendre
et savoir c’est que ce sont les femmes qui décident dans les clubs. Les hommes vont faire
leurs approches mais si les femmes disent non ou font comprendre que non, ils n’insistent
pas. C’est beaucoup plus respectueux qu’en boite de nuit.
- Mouais, murmura Aude dubitative, j’ai un peu de mal à te croire.
- Moi c’était pareil mais en fait ça se passe réellement comme ça, ajouta Silène. Tristan
n’exagère pas. La seule chose qu’il a oublié de préciser c’est que ce sont fréquemment les
femmes qui s’approchent entre elles. Finalement, les hommes ne font qu’en profiter ensuite.
Partie 4
- Je ne suis pas aveugle, reprit soudain Nolwenn. J’ai bien vu que tu étais distant ces derniers
temps. Et je crois savoir d’où ça vient.
- …
Antoine ne pouvait pas parler. Son estomac faisait des nœuds avec ses intestins. Il s’attendait
à tout. A des cris. A des larmes. A des assiettes volantes. Mais il ne voulait surtout pas accélérer les
choses. Même s’il sentait que Nolwenn allait tourner autour du pot encore quelques secondes, en
espérant qu’elles ne se transforment pas en minutes.
- J’ai beaucoup réfléchi tu sais, continua Nolwenn ne remarquant pas la décomposition de son
compagnon, je me suis posé plein de questions. Je pense que tu vas être fier de moi pour le
travail d’introspection que j’ai fait.
Peut-être, mais pour le moment Antoine n’arrivait à réfléchir à rien d’autre que les
possibilités d’évasion qui lui étaient offertes. Aucune n’était raisonnablement envisageable. Il allait
devoir continuer à subir cette attente insupportable.
- Donc voilà, poursuivit Nolwenn, j’ai compris que cette distance a commencé en même temps
que quand j’ai commencé à augmenter ma consommation de C. J’ai donc décidé d’arrêter
d’en prendre. En tout cas ce soir. Ça se voit non ?
Oui ça se voyait. Mais l’accroissement instantané de gravité du visage d’Antoine n’était pas
lié à la consommation de cocaïne de cette femme, mais au fait qu’il se retenait d’éclater de rire.
L’erreur de cible de la part de Nolwenn était tellement risible qu’il essayait de ne pas le considérer
comme pathétique. Il se concentrait. Intensément. D’où ses traits tirés. Mais maintenant, il fallait
qu’il dise quelque chose. Il ne pouvait pas la laisser ainsi.
- Oui, tu as raison, mentit-il avec aplomb. Je pense que c’est lié à ce que tu viens de dire.
Et la seule image qui habitait son esprit était le corps nu d’Alexandre. Combien de temps
encore pourrait-il cacher cette vérité à la femme avec laquelle il partageait sa vie ?
Bon, tu me dis ce qui est prévu ? Demanda Yamina à Ralph. Tout ce que tu m’as dit c’est
qu’on allait chez des amis à toi et maintenant je comprends que Chrystelle vient aussi.
Attention Chrystelle, ajouta-t-elle à l’attention de la jeune femme, je suis très contente de
passer une soirée avec toi mais là je sens bien que ce ne sera pas une soirée habituelle. Je
crois que le mystère a suffisamment duré comme ça.
- Oui, tu as raison, acquiesça Ralph. Excuse-moi, je ne voulais pas t’inquiéter comme ça et je
ne voulais pas non plus complètement gâcher la surprise. Chrystelle vient avec nous parce
que nous les avons rencontrés tous les deux. C’était avant que je te connaisse. On passait déjà
pas mal de temps en clubs. On y a justement rencontré ce couple. On s’était bien entendu et
on s’était revu.
- OK, qu’est-ce qu’il a de particulier ce couple pour que tu ne m’en aies pas parlé jusqu’à
présent ? Ils sont branchés SM ?
Ralph ne put empêcher un éclat de rire. Qu’il cessa dès qu’il prit conscience des yeux noirs de
Yamina. Elle lui fit presque peur sur le coup. Il reprit son calme et continua.
- Non, pas du tout. Ils ont un appartement gigantesque dans lequel ils organisent des soirées
échangistes plutôt bon enfant.
- C’est tout ? Demanda Yamina surprise.
- Oui, c’est tout.
Elle éclata de rire à son tour. Mais contrairement à son compagnon, elle ne s’arrêta pas.
- A mon tour d’être désolée, reprit-elle. J’avais peur que tu m’emmènes dans un plan sordide
quelconque. Et de ce que j’en comprends maintenant, ça peut être plutôt intéressant.
-
Partie 5
- Bon, maintenant que vous avez autant d'information que nous, nous allons vous laisser.
Décidemment, cet homme devait être le chef d'équipe. Et dès qu'il pouvait le montrer il le
faisait.
- Très bien, bonne journée, dit Julie en fermant la porte derrière eux.
Elle regarda par la fenêtre, attendant de voir la voiture de police partir. Les occupants
semblaient en pleine discussion. Plutôt houleuse d'ailleurs. Sans doute que le plus haut gradé faisait
des remontrances à celle qui avait répondu à sa question. Au moins maintenant elle savait. Mais que
savait-elle au juste ? Que Nora les avait couverts. Elle avait surement un plan mais lequel ?
La patrouille de police partit enfin. Julie alla s'effondrer sur le canapé. Complètement vidée.
Son cerveau n'était qu'interrogations. Elle se sentait comme une baleine échouée sur une plage.
La sonnerie de l'entrée la fit sortir de ses rêveries. Son premier réflexe fut de penser que la
police était de retour parce qu'ils l'avaient percée à jour. Elle alla à la porte. Regarda par la fenêtre
mais ne distingua pas la personne qui attendait. Elle accumula toutes les forces qui lui restaient puis
ouvrit. L'inconnu se retourna. « Oh non, pas elle » se dit Julie.
- Salut.
Nora souriait de toutes ses dents.
-
Et toi tu le vis bien ? Demanda Aude à Tristan. Ca ne te dérange pas de voir ta femme faire
l’amour avec des hommes et des femmes ?
- Bizarrement non, répondit simplement Tristan. Je ne sais pas exactement d’où ça vient mais
je ne suis pas jaloux du tout. Contrairement à elle d’ailleurs.
Ce petit pic n’était pas nécessaire se dit Silène. Elle n’apprécia guère et se dit que cela
méritait punition. Ou tout du moins, du bon temps de sa part à elle mais pas de sa part à lui. Elle
mesura les différentes possibilités. Aude l’attirait beaucoup. Mais elle n’était pas certaine de pouvoir
l’approcher avec Tristan juste à côté. Il était plus que fort probable que la jeune femme ait des
barrières quant à ce genre de situation. Ce qui était assez courant chez une femme. Elle jeta alors un
œil vers Loïc et comprit que c’était sans doute la meilleure option. Il n’avait quasiment rien dit
depuis leur arrivée. Ce qui était rare chez lui. Soit il était mal à l’aise, ce qu’il ne donnait pas l’air,
soit il était très attentif à la discussion. Si tel était le cas et selon ce qu’elle avait pu constater de sa
part, il devait être dans un profond état d’excitation.
Tristan et Aude continuaient à discuter. Il répondait à toutes les questions qu’elle posait. Sa
curiosité ne semblait pas avoir de limites alors que leurs expériences libertines en avaient rencontrées
plusieurs. Ils ne firent pas attention à ce qu’il se passait à côté d’eux. Silène s’était rapprochée de
Loïc et lui murmurait quelque chose à l’oreille. Il acquiesça de la tête.
- Mon chéri, commença Silène tout sourire, ça ne te dérange pas trop si je vais m’isoler
quelques instants avec Loïc ?
Tristan fut surpris. Il considéra un instant que ce que lui demandait sa compagne n’était pas
très à propos. Mais en y réfléchissant bien, cela ne le dérangeait pas plus que ça et cela permettait de
montrer à l’assemblée qu’il était en accord avec ce qu’il disait.
- Non tu peux y aller mon amour, répondit-il. Je vais rester discuter avec Aude.
Silène lui fit un rapide baiser sur les lèvres puis prit la main de Loïc en l’entrainant derrière
lui. Elle referma la porte de la chambre tout aussi rapidement derrière eux.
Partie 6
- C’est pour ça que je vais essayer d’arrêter complètement, reprit Nolwenn. Je tiens à toi mon
amour. Je ne veux pas que tu me quittes parce que je prends trop de cocaïne.
Elle semblait tellement sincère. Antoine s’en voulait de ne penser qu’à Alexandre alors que
cette femme lui faisait une déclaration d’amour. D’une manière assez particulière certes, mais cela ne
retirait rien au geste.
Il avait englouti le punch pour parvenir à garder son calme. Nolwenn s’en aperçut et le lui
prit.
- Tu en veux un autre ?
- Euh… oui je veux bien.
En effet, ces quelques gorgées n’avaient pas été suffisantes. Il espérait que sa transpiration ne
se remarquait pas. Elle lui rendit son verre.
- Je te propose que quand tu auras fini on aille dans un restaurant dont j’ai entendu parler
dernièrement.
- Oui, si tu veux, dit-il entre deux lampées alcoolisées.
- En fait j’ai déjà réservé, ajouta-t-elle avec un sourire.
- C’est quoi comme type de cuisine ?
- C’est assez moderne, le principe est amusant. C’est comme un dîner en kit.
- Comment ça ?
- Ben tu choisis ta viande ou ton poisson, puis ta sauce et les accompagnements qui vont avec.
Ça a l’air sympa non ?
Oh que oui c’était sympa, se disait Antoine. Il connaissait ce restaurant. Depuis peu mais il le
connaissait. Alexandre l’y avait emmené deux semaines plus tôt.
Yamina resplendissait. Elle était soulagée. Ses inquiétudes n’étaient pas fondées. Elle se leva
brusquement et alla dans la cuisine. Elle revint avec une bouteille de vin. Elle la déboucha et servit
Chrystelle.
- Les femmes d’abord, dit-elle.
Elle prit le verre de Ralph puis le sien pour y verser le liquide rougeâtre. Elle leva le sien pour
trinquer.
- A cette soirée qui s’annonce intéressante, s’exclama-t-elle.
Les verres s’entrechoquèrent puis rejoignirent leurs bouches respectives. Ralph reposa le sien,
suivit de Chrystelle. Yamina était toujours en train de boire. Elle finit cul sec.
Elle s’en versa un second. Ses deux compagnons la regardèrent intrigués. Elle s’en rendit
compte et leur sourit.
- C’est pour me mettre dans l’ambiance, dit-elle.
Cette fois-ci, elle ne prit qu’une gorgée. Ses yeux brillaient. Ralph connaissait ce regard. Il
avait déjà vu ce feu qui parfois l’habitait. Qu’elle se colla ensuite à Chrystelle ne l’étonna donc pas.
Elle l’embrassa longuement. Intensément. A la limite de la passion.
Les mains de Chrystelle s’immiscèrent sous le haut de la jeune femme. En direction de la
proéminence féminine. Yamina la stoppa et la repoussa doucement tout en continuant leur baiser.
Puis son visage s’écarta. Elle souriait encore plus.
- Ca y est, je suis dans l’ambiance.
Episode 13
Partie 1
Contre toute attente, le sourire de Nora disparut pour laisser place à une expression étrange.
Proche de l'inquiétude. Julie n'en était pas plus rassurée pour autant. Elle ne comprenait pas la
présence de cette femme devant chez elle. Elle inspira un grand bol d'air comme pour se donner du
courage avant la montée d'une cote.
- Tu dois te demander ce que je fais la, commença Nora. Tu sais, ça ne me réjouit pas plus que
ça. Mais je n'ai pas le choix.
Julie la jaugea de nouveau. Oui, elle paraissait vraiment inquiète. Voire apeurée.
- Dis-moi pourquoi tu es là, reprit Julie.
- Peux-tu me laisser entrer ? J'ai besoin d'un café pour pouvoir parler.
Julie réfléchit. Que risquait-elle après tout ? Il n'y avait presqu'aucune chance que cette
femme sache la vérité sur la disparition de Gabriel. Malgré son malaise, elle décida d'accepter.
- D'accord pour un café. Tu peux entrer.
Nora passa devant Julie pendant qu'elle fermait la porte. Elle ne vit pas le sourire qui se
dessina brièvement sur ses lèvres.
Silène, Tristan, Aude et Loïc arrivèrent en vue du Domaine. Ils étaient partis plus tôt que
d'habitude car Silène avait décidé qu'ils y dineraient. Elle considérait qu'il serait plus simple pour
leurs deux amis de s'imprégner de l'ambiance de cette manière, et surtout d'éviter tout choc brutal.
Tristan sonna à la porte sombre. Elle s'ouvrit quelques secondes plus tard. Ce fut une femme
d'un certain âge qui les accueillit. Tristan lui fit un grand sourire et elle l'embrassa. Elle fit de même
avec Silène mais ne fit qu'un hochement de tête respectueux aux deux autres clients.
Tristan dit à l'oreille de Loïc qu'il s'agissait de la patronne du lieu. Ce dernier n'eut aucune
réaction.
Ils déposèrent leurs affaires aux vestiaires en se séparant par couple. Les deux hommes eurent
la responsabilité de garder avec eux la fiche qui leur permettrait de régler en partant.
Silène prit la tête pour mener ce petit groupe au restaurant. Il se trouvait en sous-sol, dans une
cave voutée. Au milieu de la pièce siégeait une immense table autour de laquelle étaient présents
cinq ou six couples. Chacun d'entre eux étant l'alternance d'un homme puis d'une femme. Elle fit
signe à ses acolytes de la suivre pour les placer. Elle fit tout son possible pour être suffisamment
bruyante et expansive pour être remarquée par l'assemblée. Une fois assis, Tristan lui murmura
qu'elle avait atteint son but.
Partie 2
La salive d'Antoine restait bloquée au niveau de l'œsophage. Il appréhendait d'arriver au
restaurant. La perspective d'y croiser Alexandre le terrorisait. Il ne craignait pas que ce dernier fasse
d'impair. Ce n'était pas de son amant dont il avait peur, c'était de lui-même. Dans ses scénarios les
plus fous, il se voyait se jeter dans ses bras sous les yeux ébahis de Nolwenn.
La destination était en vue. Antoine se concentrait pour ne pas montrer qu'il connaissait
l'endroit.
- Voilà on y est, dit Nolwenn enjouée.
Elle n'avait pas remarqué l'enfer interne que subissait son compagnon. Ils entrèrent. Elle la
première. Antoine préférait se cacher derrière elle pour pouvoir scanner la place et repérer Alexandre
avant lui. Ce qui lui donnerait le temps d'évaluer l'espace et de trouver la meilleure solution pour ne
pas que leurs regards se croisent.
Après avoir bien observé l'ensemble des clients installés, il se permit un soupir qui fut plus
bruyant que ce qu'il avait prévu. Nolwenn le regarda soudain.
- Qu'est-ce qui ne va pas ? Demanda-t-elle. Le resto ne te plaît pas ?
Antoine cherchait une réponse qu'il n'eut pas besoin de trouver. Un serveur vint à leur
rencontre et le sauva in extremis.
- Vous êtes deux ? demanda ce dernier.
- Oui, répondit Nolwenn, j'ai réservé.
- Très bien, suivez-moi s'il vous plaît.
Ce qu'ils firent. Pour le plus grand soulagement d'Antoine.
Ralph gara sa voiture dans un quartier parisien relativement huppé. Les rues étaient désertes.
Ce qui était en parfait accord avec le lieu.
- Je ne me souviens plus où c'est, dit Chrystelle. Tu nous guides ?
- Bien sûr, répondit Ralph. Mon sens de l'orientation naturel masculin va encore nous sauver.
Chrystelle sourit et lança un regard complice à Yamina. Celle-ci semblait perdue dans ses
pensées.
- Ça va ? lui demanda Chrystelle.
- Oui ça va... En fait non. Donne-moi la main pour me donner du courage.
Les deux femmes emboitèrent le pas de leur compagnon pendant quelques minutes. Yamina
eut cependant l'impression de marcher pendant une éternité. De la notion du temps dans les moments
de doute.
Elles le suivirent jusqu'en bas d'un immeuble bourgeois. Yamina se dit qu'elle était sur le
point de vivre une expérience décalée avec une catégorie sociale qu'elle ne maîtrisait pas. Elle eut un
moment d'indécision. Le bras qui prolongeait le sien le ressentit. Naturellement. La mystériosité de la
télépathie féminine. Chrystelle se pencha à son oreille.
- Ne t'inquiète pas, murmura-t-elle, tout va bien se passer.
- Oui, je sais. Mais j'appréhende quand même un peu.
Son amie accentua la pression sur sa main pour lui donner la confiance nécessaire. C'était
exactement ce qu'il lui fallait.
Partie 3
Le bruit de la cafetière recouvrait sans difficulté la discussion difficile entre les deux femmes.
Julie essayait de sonder l'esprit de Nora. Impossible de la percer à jour. Soit elle jouait la comédie de
façon experte, soit elle était vraiment perdue.
Julie pris deux tasses et les remplit.
- Du sucre ? demanda-t-elle.
- Non merci, je le prends noir.
Elle préféra ne pas interpréter cette réponse. Trop cliché.
- Ah, ça fait du bien ! S'exclama Nora après deux gorgées.
Julie tenta un sourire timide et malaisé. La jeune femme qui lui faisait face en affichait un
totalement naturel. Le désarroi exprimé préalablement ne semblait plus de mise. Le changement
d'expression avait été radical. Trop radical.
- Je suis venue te voir, reprit Nora, parce que tu es sans doute celle qui connaît le mieux
Gabriel.
- Je n'en suis pas si certaine, je suis restée très longtemps sans le voir. Je pense que tu le
connais mieux que moi maintenant.
- Non, je ne crois pas mais ce n'est pas le problème. Tu ne trouves pas bizarre qu'il parte
comme ça au Maroc sans rien dire ?
Julie hésita. Le mieux était sans doute de garder la même version que celle donnée à la police.
- Oui, moi aussi ça m'a surprise au début et puis j'ai réfléchi.
- Et ta réflexion a donné quoi ?
Le ton de la jeune femme devenait tranchant. Un brin agressif.
-
Eh bien, reprit Julie, je me suis dit que c'était peut-être une envie qui était survenue après son
séjour en prison.
L'envie de voyager ?
Surtout de profiter de cette nouvelle liberté. Ça a pu le motiver pour partir du jour au
lendemain.
Mouais...
Je ne sais pas, j'essaie juste de comprendre.
J'ai beau essayer de me rappeler, je ne me souviens pas l’avoir jamais entendu dire qu’il
voulait partir à l’étranger. Non, c'est vraiment trop bizarre.
Les yeux de chacun voyageaient. Féminins comme masculins. Certains s'attardaient. D'autres
fuyaient. Mais tous gardaient en tête les localisations géographiques qui les intéressaient.
Silène remarqua ceux de la femme qui lui faisaient face. Ils insistaient. Ils semblaient savoir
ce qu'ils voulaient. Elle les avait évités jusqu'à présent. Elle les faisait languir. Elle se décida à les
croiser. Elle fit un sourire charmeur. Un autre sourire y fit réponse. La discussion allait suivre.
- Bonsoir, dit l'inconnue.
- Bonsoir, répondit Silène. Je ne me rappelle pas vous avoir déjà vue ici. Et pourtant je m'en
souviendrais.
La petite touche suffisante pour déclencher un début de phare.
- Nous ne venons que très rarement, répondit l'homme qui semblait être le mari. Sinon, nous
aussi on s’en rappellerait.
Parfait, se dit Silène, les approches étaient lancées.
- Pourquoi que très rarement ? Vous n'êtes pas un couple légitime ?
Second phare de la belle qui lui faisait face. Elle avait vu juste.
- En effet non, répondit l'homme toujours sûr de lui.
- Nous par contre, reprit-elle en montrant Tristan, nous le sommes. Et pourtant lui, indiquant
Loïc, est mon amant.
Regard surpris du couple. Puis grand éclat de rire de leur part.
- Le moins qu'on puisse dire, continua l'homme après avoir repris son souffle, c'est que vous
êtes un couple libre.
- Oui, on peut le dire.
Silène finit cette phrase sur un large sourire. La confirmation qu'elle était hors norme lui
procurait toujours une forte excitation.
Partie 4
- Ça ne te dérange pas si je prends la banquette ? Demanda Antoine.
- Non bien sûr, répondit Nolwenn.
La banquette était face à l’entrée. Antoine voulait maitriser un tant soit peu la situation dans
le cas où Alexandre aurait la fâcheuse idée de venir diner dans ce restaurant.
Nolwenn ne remarqua pas que la position de son compagnon était stratégique. Elle ne le
remarqua pas tant qu’elle ne voyait pas les coups d’œil incessant qu’il jetait par-dessus son épaule.
Elle parlait. Il ne réagissait pas. Elle sourit. Elle pensait savoir ce qu’il faisait.
- Comment elles sont ? demanda-t-elle espiègle.
- Pardon ? De quoi tu parles ?
- Des filles qui arrivent. Elles sont comment ?
- Euh… pas terrible en fait.
- Tu me promets que tu me préviendras quand une fille jolie entrera ?
- Oui bien sûr.
Il espéra que le sourire qu’il lui rendit n’était pas trop forcé et suffisamment complice pour
qu’elle ne change pas de théorie. L’assurance de cette femme lui permettait de ne pas avoir à
inventer de mensonge. Il lui suffisait d’aller dans son sens. C’était plus simple et moins risqué. Il ne
put s’empêcher cependant d’avoir l’impression de lui mentir. Ce qui était vrai, même si c’était un
mensonge par omission. Si elle savait, se dit-il.
Ils sortirent de l’ascenseur. Ralph alla sonner à une porte. Il connaissait les lieux. Elle s’ouvrit
pour laisser apparaitre une femme. Elle était élégante. La quarantaine passée et triomphante. Yamina
la trouva belle.
- Bonsoir, dit celle-ci, cela fait une éternité.
Elle n’attendit pas de réponse et embrassa Chrystelle puis Ralph sur les lèvres. Yamina ne put
s’empêcher d’avoir pendant un instant une pointe de jalousie. Pas tant que la scène la choqua, mais
plutôt ce qu’elle signifiait. Des choses s’étaient passées entre ces trois personnes. Des choses qu’elle
ne connaissait pas. Que Ralph ne lui avait jamais raconté. Elle imagina plusieurs scènes possibles.
Elle aurait voulu les vivre avec lui.
- Bonsoir Carole, dit Ralph. En effet cela fait une éternité.
- Qui est la ravissante inconnue ? Demanda cette dernière.
Les yeux de celle qui devait être la maitresse de maison, dévoraient Yamina. Cela lui permit
de reprendre confiance en elle et surtout de sortir de ses pensées qu’elle jugeait inappropriées. Elle
lui sourit. Elle voulait lui plaire. Elle savait qu’elle y arriverait.
Yamina avança d’une démarche féline vers Carole. Elle posa ses mains sur ses hanches.
Leurs regards ne s’étaient pas lâchés.
- Bonsoir, je m’appelle Yamina et je suis la femme de Ralph.
Ce fut à son tour de ne pas attendre de réponse. Elle approcha son visage du sien. Colla ses
lèvres sur les siennes. L’embrassa. Maintint ce baiser longuement. Elle voulait qu’il soit plus long et
plus intense que ceux que cette femme avait eus avec ses deux compagnons. C’était sa manière de
faire son entrée.
Partie 5
Julie était de plus en plus mal à l’aise. Mais elle savait que cela ne se voyait pas. De par son
métier, elle avait été obligée d’apprendre à maitriser sa « poker face » comme elle disait. Le bluff. Le
bluff qui lui permettait de gagner ses négociations. Mais les enjeux dans ces cas-là étaient différents.
Moins personnels. Elle réfléchissait à un moyen de se débarrasser de Nora. Autant lui faire croire
l’inverse. Qu’elle ait l’impression qu’une franche et longue amitié était en train de naitre.
- Veux-tu un autre café ? Lui demanda-t-elle pour aller dans ce sens.
- Oui je veux bien, répondit Nora semblant ne rien remarquer de particulier.
Julie se leva et prit les deux tasses. Elle alla jusqu’à la cafetière et les remplit du liquide
sombre. Un chant d’oiseau synthétique se fit entendre.
- D’où vient ce bruit ? Demanda Nora
- C’est l’horloge de la cuisine. Un héritage malencontreux
Julie n’ajouta rien de plus. Elle ne voulait pas rentrer dans les détails de la vie de cette
horloge. C’était en effet un héritage. Celui d’une grand-tante qu’elle avait aimée. L’un des rares
membres de sa famille qu’elle respectait. Cette horloge était le symbole de son adolescence
dépressive dont les seuls moments de joie étaient en sa présence.
- C’est bizarre, reprit Nora.
- Qu’est-ce qui est bizarre ?
- Quand j’ai écouté le message que Gabriel avait laissé sur mon répondeur, il y avait la même
sonnerie en fond sonore.
- Ah…
Julie eut l’impression que tout son sang avait été remplacé par de l’acide. Son corps entier
réagissait à l’information.
Autant j’ai eu du mal à reconnaitre la voix de Gabriel sur le message, que je suis certaine que
c’était la même sonnerie.
- Ah…
- C’est sans doute un pur hasard.
- Sans doute…
- Finalement je ne vais pas reprendre de café et je vais y aller. A bientôt.
Nora partit soudain sans se retourner et sortit de la maison. Elle n’attendit pas la moindre
réaction de Julie. Ce qui tombait bien car cette dernière était incapable d’en avoir une seule.
-
Bon, c’est maintenant que ça va devenir intéressant, dit Silène.
Elle venait de finir son dessert et pour elle cela signifiait que les choses sérieuses pouvaient
commencer. Tristan le comprit et lui fit un clin d’œil complice.
- On y va, dit-elle en direction de ses amis. Et vous, se tournant vers le couple avec lequel elle
avait fait connaissance, je vous dis à tout à l’heure.
Elle emmena sa petite bande sur la piste de danse. Elle se mit à danser de façon
outrageusement sexy. Aude se rapprocha d’elle et fit de même. Les deux femmes jouaient à se
séduire l’une et l’autre. Loïc et Tristan mouvaient autour d’elle en faisant bien attention de ne pas
empiéter sur leur terrain.
Tristan finit par s’avouer qu’il n’avait rien à faire sur la piste et que sa place était au bar. Il s’y
dirigea pour commander une coupe de Champagne. Il s’assit sur un tabouret et sirota sa flute en
regardant les deux femmes qui continuaient leur jeu de séduction. Il remarqua qu’elles évitaient
habilement de se toucher. Elles se frôlaient en continue mais sans insistance.
Toute chose ayant une fin, elles cessèrent de danser et le rejoignirent en compagnie de Loïc.
- J’ai soif, dit Silène.
- Moi aussi, ajouta Aude. C’est dingue cet endroit.
- Et encore, tu n’as rien vu. Je vais t’emmener dans les coins câlins après.
- Je ne sais pas si je suis si prête que ça. Mais par contre, c’est la première fois que je dans
comme ça sans que personne ne vienne me peloter. Je ne pensais vraiment pas que je me
ferais moins ennuyer dans un club échangiste que dans une boite. Je m’attendais à tout le
contraire en fait.
- Tu vois, on te l’avait dit.
-
Partie 6
Ils en étaient au plat principal. Aucune trace d’Alexandre jusqu’à présent. Se sentant sorti
d’affaire, Antoine se surprit à soupirer de nouveau. Il regarda rapidement Nolwenn. Elle continuait à
manger. Elle n’avait rien remarqué.
- C’est bon toi ? Demanda Antoine pour faire la conversation.
- Oui très, répondit Nolwenn. Tu veux gouter ?
- Oui, je veux bien.
Elle découpa une bouchée et lui tendit sa fourchette.
- Oui, c’est vrai c’est pas mal. Mais moi c’est meilleur. Tiens goute.
Elle avala le morceau de viande de Tristan en gardant ses yeux plantés dans les siens. Elle
voulait qu’il soit séduit par l’endroit mais surtout par elle. Le sourire qu’il finit par avoir lui montra
qu’elle avait réussi. Pensa-t-elle.
Ils finirent leurs plats en jouant avec leurs regards.
- Je vais aux toilettes, dit Nolwenn. Tu m’attends ?
- Oui, évidemment.
Elle se leva et marcha vers l’escalier. Elle avait légèrement accentué sa démarche chaloupée
dans le but d’accrocher l’intérêt des autres clients. Antoine constata que cela fonctionnait. Oui, se
dit-il, Nolwenn était une très belle femme.
Alors, dit une voix qu’il connaissait, tu me fais des infidélités ?
Alexandre se trouvait à cinquante centimètres de lui avec le sourire le plus grand qu’il avait
en stock.
-
Carole les fit entrer. Elle les précéda pour les emmener dans la salle à manger. Yamina se dit
que la pièce était plus grande que tout son appartement. Au milieu était érigée une grande table sur
laquelle elle vit douze couverts. La maitresse de maison incluse, six personnes étaient présentes.
- Le mieux pour commencer, reprit Carole, est de diner ensemble. Cela permet de faire
connaissance plus facilement et rapidement.
Elle souriait à Yamina de manière ostensible. Cette dernière rougit tout en calculant que
c’était la meilleure chose qu’il pouvait lui arriver. Elle avait confiance en cette femme qui semblait la
désirer. Elle ne dégageait aucune malveillance ni perversion.
Elle regarda à nouveau la table et se demanda comment allaient être distribuées les places
restantes. Elle eut une idée.
- Ralph, dit-elle, c’est qui le mari de Carole ?
- C’est lui, répondit-il en faisant un geste en direction d’un homme d’une cinquantaine
d’années. C’est Pierre.
Yamina le laissa soudain sans ajouter la moindre parole. Elle se dirigea vers ce mari chanceux
et s’assit à côté de lui.
- Bonsoir, moi c’est Yamina.
- Bonsoir, moi c’est Pierre.
- Je sais et j’ai très envie de faire votre connaissance Pierre.
Episode 14
Partie 1
Surtout ne pas craquer, se disait Julie. Surtout ne pas craquer. Elle craqua.
En arrivant chez elle, Adrien ne s'attendait pas à la voir dans cet état. Julie était en pleurs sur
son canapé, un coussin entre les bras. Il s'approcha doucement pour ne pas l'effrayer. En la regardant
de plus près, il comprit qu'elle était ainsi depuis plusieurs minutes. Plusieurs heures peut-être. Il se
plaça de telle manière à pouvoir passer un bras derrière sa nuque. Par-dessus son épaule. Elle se
blottit contre lui. Les pleurs redoublèrent d'intensité.
Il attendit qu'elle se calme. Il voulait savoir mais sans la brusquer. Elle parlerait quand elle
pourrait.
- C'était Nora, commença Julie. Nora est venue ici.
- Que voulait-elle ? Demanda Adrien avec la voix la plus douce qu'il pouvait.
- Elle soupçonne quelque chose.
- Qu'est-ce qui te fait dire ça ?
- Elle avait reçu un message de Gabriel sur son répondeur d'après ce qu'elle avait dit à la
police. Et elle m'a dit la même chose. Et puis il y a eu l'horloge. Tout ça à cause de cette
putain l'horloge !!!
- Quoi l'horloge ?
- La sonnerie. Il y avait la même sonnerie sur le message de Gabriel. Est-ce que c'est toi qui a
appelé ?
- Non, je n'ai pas appelé.
- Alors je ne sais pas. Je ne sais pas qui a appelé. Et en plus depuis chez moi.
Cela faisaient plusieurs minutes que le jeu s'était installé. Silène dansait puis regardait dans
leur direction. Les yeux de ce couple les fixaient en continu. Elle, Tristan, Aude et Loïc. Elle regarda
ses amis. Aucun ne semblait avoir remarqué ce qu'il se passait.
- Tu veux aller les voir ? Lui demanda soudain Tristan.
- Toi aussi tu les as vus ?
- J'ai surtout vu comment tu les observais. Ils t'intéressent tant que ça ?
- Mon pauvre chéri, dit-elle moqueuse, c'est eux qui n'arrêtent pas de nous regarder.
- Pardon ?
Tristan tourna alors la tête dans leur direction. Silène lui tira le bras pour qu'il lui fasse à
nouveau face.
- Mais tu veux bien être plus discret ?
- Ah pardon, désolé.
- Bon c'est pas grave. En fait ils nous regardent tous les quatre depuis tout à l'heure. C'est clair
qu'ils sont intéressés mais je ne sais pas par qui.
- T'as qu'à aller leur demander.
Silène prit un air choqué. Elle manquait de crédibilité pour Tristan. Elle n'attendait que ça.
D'aller à leur rencontre. De découvrir ce qu'ils désiraient. Et il le savait.
- OK, tu crois que je ne vais pas oser, eh bien regarde-moi bien.
Tristan se retint de ne pas éclater de rire devant cet acte de défi grotesque. Mais il regarda tout
de même sa compagne rejoindre cet homme et cette femme inconnus.
Comme il s'y attendait, elle jeta son dévolu sur la femme. Le contact féminin était toujours le
plus facile en club échangiste. La quasi-totalité d'entre elles étant bisexuelles et ne pouvant assouvir
simplement leurs désirs que dans ce type d'endroit, l'approche se faisait presque toujours en douceur.
Silène en profita. Elle s'approcha de sa proie. Elle joua de son sourire. De son charme. De ses
charmes. Puis la prit par les hanches. Naturellement. Il n'y eut aucun rejet.
Partie 2
- C'était exactement ce que je craignais, dit Antoine.
- Tu sais qu'en général on me fait un meilleur accueil ? Sourit Alexandre.
- Excuse-moi, je suis avec Nolwenn.
L'expression d'Alexandre changea du tout au tout. Il affichait sans complexe sa jalousie. Cela
surprit Antoine. Dans le bon sens.
- Tu viens dans notre restaurant avec ta meuf, reprit Alexandre, à la limite de la colère. Tu te
doutes que je ne le vis pas très bien.
- Je suis désolé, ce n'est pas moi qui ai choisi l'endroit. C'est elle.
- Tu aurais pu refuser.
- Elle fait des efforts. Elle essaie de nous rapprocher.
- Ça tombe bien, tu n'en as plus envie. Il vaudrait d'ailleurs mieux pour elle qu'elle sache à quoi
s'attendre de son mec.
Cette fois, ce fut Antoine qui le prit mal. Suite à ce qu'il venait de dire, il se demandait dans
quelle mesure Alexandre n'était pas sur le point de tout raconter à Nolwenn s'il la croisait. Ce n'était
pas à lui de le faire. Si quelqu'un devait le faire.
- Bon tais-toi maintenant, ça suffit. Pars de ce resto et laisse-moi seul avec elle.
- C'est hors de question, répondit Alexandre énervé. Je suis venu avec des amis et ce n'est pas
parce que tu es incapable de t'assumer que je ne vais pas les rejoindre. Allez, bonne soirée
Don Juan.
Antoine le regarda s'en aller puis s'installer à une table plus loin. Heureusement pour lui, se
dit-il, il lui tournait le dos.
Discuter avec Pierre était étonnamment naturel, se disait Yamina. Et pourtant, elle n'arrivait
pas à s'enlever de l'idée qu'ils ne faisaient pas partie du même monde. De la même catégorie sociale.
Aucun signe extérieur cependant n'émanait de lui prouvant qu'il en tenait compte, ou même qu'il s'en
rendait compte. Il était à l'image de chez lui. Élégant, raffiné et non tape à l'œil.
Un bruit de cristal la fit sortir de ses réflexions. Son épouse, Carole tapotait sur son verre avec
une fourchette. Tout le monde se tut et attendit son annonce.
- Mes chers amis, commença-t-elle, maintenant que tout le monde est repu, nous allons
pouvoir, et je dirais même devoir, dépenser toute cette énergie absorbée.
Plusieurs éclats de rire se firent entendre.
- Les choses sérieuses peuvent commencer, continua-t-elle. Je vous invite à visiter les autres
pièces de notre humble demeure qui ont été aménagées pour l'occasion. J'espère que cela
vous aidera à atteindre le plaisir.
De légers applaudissements vinrent conclurent son discours. Les invités se levèrent et allèrent
aux lieux indiqués. Ralph alla pour rejoindre Yamina. Elle était toujours en grande conversation avec
Pierre. Elle le vit s'approcher. Elle lui fit un grand sourire tout en s'approchant de l'oreille de leur
hôte. Ce dernier fit un signe à Carole. Elle acquiesça des yeux. Ils partirent tous les trois.
Partie 3
Le cerveau de Julie ne voulait plus s'arrêter. Les scénarios les plus extravagants prenaient
forme. Elle se demanda même si Gabriel n'était pas vivant et qu'il cherchait à se venger. Elle finit par
mettre cette hypothèse de côté. Il était bel et bien mort quand elle l'avait découvert au pied du lit de
sa fille.
Ana... Et pourquoi pas ? Peut-être était-ce elle. Peut-être avait-elle trouvé un moyen de
transformer sa voix pour la faire ressembler à celle de son père. C'était une jeune adolescente pleine
de ressources. Julie le savait. A force d'y penser, cette possibilité s'accroissait en crédibilité.
- Et si c'était Ana, dit soudain Julie.
- Ana quoi ? Demanda Adrien.
-
Et si c'était Ana qui avait appelé Nora.
Elle aurait reconnu sa voix.
Elle aurait pu la modifier. D'une manière ou d'une autre.
Et pourquoi aurait-elle fait ça ?
Peut-être qu'elle nous a entendus quand on avait dit qu'il ne fallait surtout pas qu’elle aille se
dénoncer à la police. Qu'on avait pris beaucoup de risques et qu’on risquait la prison.
Que ce fut la réalité ou non, Julie commençait à croire à cette histoire. C'était plausible. Trop
plausible pour ne pas être vrai. Sa fille était une enfant. Elle allait se faire prendre. La police allait
venir la chercher. L'emmener loin de sa mère. Elle ne pourrait plus s'en occuper. La cajoler. La
protéger. Elle s'effondra en sanglots.
Tristan regardait l'homme regarder Silène et l'inconnue. A première vue, le spectacle lui
convenait. Il se décida à aller à sa rencontre.
- Salut, moi c'est Tristan et elle c'est ma compagne Silène.
- Salut, répondit l'homme impassible.
- Et eux là-bas, désignant leurs amis, c'est Aude et Loïc...
Il marqua une pause. Il se demandait si l'annonce qui allait suivre aurait l'effet escompté.
- ... Un des amants de Silène.
L'inconnu le regarda enfin. Son visage n'exprimait pas beaucoup plus d'expression à part
peut-être un début d'intérêt. Mais il ne décrocha pas la mâchoire. Ses yeux revinrent sur la femme qui
faisait connaissance avec la sienne. Celle-ci capta cette attention. Elle se rapprocha dangereusement
de lui. Il restait toujours immobile. Difficile de savoir ce qu'il pensait. Ce qu'il voulait.
Il était assis sur un tabouret de bar. Silène fit volte-face pour coller le bas de son dos contre
son anatomie. Elle tenait toujours les hanches féminines entre ses mains.
Tristan sentit des doigts trop doux pour être ceux d'un homme se promener le long de sa
colonne vertébrale. Il les saisit pour vérifier leur appartenance. Il fit le chemin inverse pour remonter
jusqu'à l'inconnue qui lui fit le sourire affirmant qu'elle ne se trompait pas de cible.
- Salut, dit-elle, moi c'est Anne et lui c'est Dominique.
Partie 4
Antoine cherchait un moyen de s’enfuir. N’importe lequel, du moment qu’il partait. Il ne fit
pas attention au retour de Nolwenn.
Elle était rayonnante. Elle sentait qu’elle reconstruisait son couple. Que la période basse,
dépressive, sombre, était en train de s’évanouir. Avant de s’assoir, elle remarqua un homme qui
n’arrêtait pas de regarder dans sa direction. Surprise, elle le dévisagea. Elle le trouva très beau. De
son point de vue donc, il avait par conséquent tous les droits. Elle considérait qu’à partir d’un certain
niveau de beauté, les interdits et la bienséance ne s’appliquaient plus. Elle lui sourit. Il le remarqua. Il
resta impassible.
- Dis donc, il est plutôt pas mal lui.
Antoine sortit de sa rêverie.
- De qui tu parles ? Demanda-t-il.
- De lui là-bas, répondit-elle en faisant un signe du menton en direction d’Alexandre.
Antoine déglutit difficilement.
- Je le trouve vraiment très beau, continua-t-elle. Il n’arrête pas de me regarder donc je pense
que j’ai mes chances.
- Tu crois ? Tu ne le trouves pas un peu efféminé ?
- Non, pas du tout. Bon, c’est vrai qu’il a l’air de te regarder toi aussi. Peut-être qu’il est bi
comme moi.
La salive d’Antoine restait bloquée en plein milieu de son œsophage. Il commençait à avoir
des difficultés à respirer. S’enfuir. Il voulait encore plus s’enfuir.
-
Et plus j’y pense, reprit Nolwenn, plus je me dis que je me ferai bien un plan à trois avec lui.
Ca ne te dirait pas ?
Elle était jolie. Un peu trop jeune à son goût mais jolie. Il n’avait pas saisi son prénom. Etant
donnée la situation, cela n’avait aucune importance. Elle était venue vers lui. Naturellement. Ralph
avait l’habitude de ce genre de situation. Il n’avait jamais vraiment compris pourquoi mais il avait
toujours attiré les jeunes femmes un peu paumées. A tendance gothique. Il n’avait pas lui-même le
style vestimentaire mais il les attirait comme le beurre pour les mouches.
Elle était proche du but. Les angles improbables de ses gestes en témoignaient. Ralph passait
un bon moment mais il voulait passer à autre chose. Son esprit n’était pas complètement libre. Il ne
s’inquiétait aucunement de ce que pouvait bien faire Yamina, mais il voulait être avec elle. Il se
doutait qu’elle était en pleine action avec les maitres de maison mais il n’y avait pas de sentiment de
jalousie de sa part. Il souhaitait juste l’accompagner. Etre à ses côtés sans pour autant nécessairement
participer.
La cambrure soudaine de la jeune femme lui fit comprendre que la fin de la scène dont il était
l’acteur était proche. A peine trois minutes plus tard, elle s’effondrait sur son torse. Les caresses post
jouissance durèrent très peu. Comme il s’y attendait, elle ne cherchait pas de la tendresse, juste du
sexe.
Elle se releva doucement. Lui décocha un sourire semblant lui dire « merci, c’était sympa »
puis regarda autour d’elle. Elle trouva sa prochaine étape. Elle le laissa pour rejoindre Chrystelle qui
s’occupait d’un autre homme. De par sa frénésie, Ralph conclut qu’elles ne seraient pas trop de deux.
Il se leva lentement et partit à la recherche de la femme qui assiégeait ses pensées.
Partie 5
Les pleurs de Julie ne voulaient plus s’arrêter. La prendre dans ses bras ne suffisait pas. Plus
le temps passait, plus elle s’approchait de l’hystérie. Adrien parvenait pourtant à garder son sangfroid. Parce qu’il connaissait le remède ultime pour cette femme.
Alors qu’il la tenait dans ses bras pour la réconforter, Julie commença à le pousser. A se
débattre. Puis elle commença à frapper son torse comme si elle voulait se libérer. Adrien la retint
difficilement. Elle se tordait dans tous les sens comme un reptile. C’était le moment. Il la prit par les
cheveux et colla son visage sur le canapé pour la mettre à plat ventre. Elle continuait à lutter. Il
remonta sa jupe et arracha son tanga. En promenant ses doigts, il se rendit compte à l’humidité qu’il
ne s’était pas trompé. Il baissa son pantalon et son boxer pour la pénétrer violemment. Elle hurla.
Elle s’agita. Frénétiquement. Jusqu’à sentir le liquide masculin qu’Adrien ne parvint plus à retenir.
Elle l’empêcha de se retirer. Elle attendit quelques minutes. Le temps suffisant mais surtout
nécessaire pour qu’elle reprenne ses va-et-vient.
Après avoir reproduit trois fois ce même scénario, ses pleurs s’étaient enfin arrêtés. Julie était
à nouveau maitresse d’elle-même. Elle se leva sans rien dire et partit dans la cuisine. Elle revint cinq
minutes plus tard avec une tasse fumante. Adrien reconnut l’odeur de l’infusion calmante qu’elle
aimait boire après une séance réparatrice. Elle s’assit à côté de lui sans un mot. Sans le regarder. Elle
retira le sachet et but une gorgée. Elle se racla discrètement la gorge.
- Il faut qu’on oublie cette histoire, dit-elle posément. Il faut qu’on reprenne une vie normale.
On n’a pas le droit de le laisser continuer à nous détruire. Gabriel n’est plus là. Il s’en est allé
définitivement. Et si tout le monde croit qu’il est parti au Maroc tant mieux.
Adrien l’écoutait attentivement. Elle redevenait la femme forte qu’il connaissait. Qu’il
respectait. Que parfois il craignait.
- Comme on vient de le voir et comme je le montre depuis un certain temps maintenant, j’ai
besoin de sexe. Je veux qu’on aille au Domaine à la prochaine occasion. C’est bon pour toi ?
Elle n’attendit pas de réponse et but une autre gorgée du liquide chaud. Elle ne quittait pas sa
tasse des yeux.
Ils n’eurent pas à se consulter pour savoir que la phase de séduction avait suffisamment duré.
Il fallait passer à la suite. Ce fut Silène qui prit les choses en main, à savoir celles de ses deux
nouveaux amis Dominique et Anne. Cette dernière entraina Tristan à sa suite. Les coins câlins
allaient pouvoir remplir leur rôle.
Aude et Loïc se regardèrent. Ils ne savaient pas ce qu’ils devaient faire. Ou plutôt, ce qu’ils
avaient le droit de faire. Ils étaient curieux. Ils voulaient voir comment cela se passait en vrai. Silène
se retourna en cherchant leurs regards. Ils se croisèrent. Elle leur sourit et leur fit comprendre qu’ils
pouvaient les suivre.
Ils arrivèrent dans une pièce contenait une bonne vingtaine de personnes. Il restait cependant
un endroit libre sur ce qui faisait office de lit. Les deux femmes projetèrent les deux hommes sur le
dos et commencèrent à s’occuper d’eux.
Anne se consacrait vigoureusement à la virilité de Tristan. Loïc regardait ce qu’il se passait
avec attention. Mais aussi avec envie. Il écoutait Aude d’une oreille distraite. Elle ne semblait pas
vouloir s’arrêter de parler. Ses paroles portaient sur tous les sujets sauf la situation actuelle. Il hochait
régulièrement la tête pour faire semblant que la conversation l’intéressait. Mais ce qui l’intéressait
était de pouvoir caresser la croupe de cette femme qui léchait le sexe de cet homme qu’il n’appréciait
guère. Sa seule qualité étant sa compagne.
Tristan commençait à avoir du mal à se concentrer. Et pourtant, il pouvait d’ores et déjà
classer Anne dans les professionnelles de la fellation. Il ne le lui dirait jamais, mais Silène était loin
derrière. Mais les phrases interminables d’Aude commençaient à lui porter sur les nerfs. Il avait
l’impression qu’elles emplissaient le lieu. Qu’il n’y avait plus d’espace.
- Ecoute Aude, commença Tristan, désolé de te le dire comme ça mais soit tu te tais soit tu
pars. Là, tout de suite maintenant tu m’empêches de pleinement apprécier la merveilleuse
femme avec laquelle je fais connaissance.
Elle écarquilla les yeux. Elle ne s’était visiblement pas rendu compte de la gêne qu’elle avait
instaurée. Elle regarda Loïc pour savoir quoi faire. Il haussa simplement les épaules puis se déplaça
pour aller caresser Silène. Aude comprit puis partit.
La langue de Silène ne s’était pas arrêtée de visiter et revisiter l’anatomie de Dominique. Elle
apprécia particulièrement quand sans prévenir Loïc s’introduisit pour combler le manque qu’elle
ressentait.
Partie 6
- Etant donné que je compte vraiment arrêter de prendre de la C, reprit Nolwenn, il va me
falloir une autre drogue.
- De quoi tu parles ? Demanda Antoine.
- De sexe. Il me faudra beaucoup de sexe pour compenser.
Elle sourit pour ménager son effet.
- Et autant commencer dès maintenant.
Elle se leva et se dirigea vers la table d’Alexandre. Antoine la suivait des yeux. Il n’aurait
jamais dû accepter de venir dans ce restaurant.
Il la vit s’approcher de lui et lui faire le grand jeu. Tout homme aimant les femmes aurait
succombé. Mais celui-ci n’en faisait pas partie. Antoine les vit se parler. Il était trop loin pour
entendre ce qu’ils se disaient. Ils riaient de bon cœur. Semblait-il. C’était Nolwenn qui parlait le plus.
Il vit Alexandre le regarder plusieurs fois. Puis faire non de la tête plusieurs fois aussi. Elle finit par
hausser les épaules puis revenir à sa place.
- Eh bien tant pis, dit-elle. Il s’appelle Alexandre et est complètement gay. Mais tu seras
content de savoir qu’il te trouve très séduisant mais que même pour toi il n’est pas prêt pour
un plan à trois. Je vais me venger sur le dessert.
Ils finirent leur repas sans échanger beaucoup plus de mots.
Bon, c’est moi qui paie, déclara Nolwenn. Et pas de discussion, ajouta-t-elle avec un clin
d’œil. Attends-moi dehors mon chéri pendant que je règle l’addition.
Antoine s’exécuta en prenant garde à ne pas croiser le regard d’Alexandre. Une fois dehors, il
sentit la vibration de son téléphone. Il lui avait envoyé un SMS : « C’est une prédatrice. Fuis-la et
rejoins-moi. ».
-
Ralph connaissait les lieux. De même que les préférences de Carole et Pierre. Il se dirigea
vers leur chambre, persuadé qu’ils les y trouveraient. La porte était entrouverte. Il n’eut pas besoin
d’y coller son oreille pour percevoir les halètements de Yamina. Il avait vu juste. Il agrandit
lentement le passage.
Les lèvres de Carole étaient concentrées sur le sexe de son mari. Celui-ci, lapait la féminité de
Yamina. Le plaisir qu’elle ressentait se remarquait par des yeux mi-clos dont seul le blanc était
visible. Elle eut plusieurs soubresauts. Elle ouvrit un instant entièrement ses paupières. Elle remarqua
la présence de Ralph dans l’embrasure de l’entrée. Elle sourit.
- Enfin, susurra-t-elle, j’ai failli attendre.
Il entra et referma derrière lui. Il voulait qu’ils soient les seuls à profiter de ce qui allait se
passer. Il n’eut pas le temps d’atteindre le lit que Carole l’attrapa au vol. Tout en continuant son
labeur, elle le dirigea en elle.
L’agencement des premiers corps n’avait pas changé. L’arrivée de Ralph n’eut aucun effet
néfaste sur ce qui se déroulait déjà. Au contraire, l’osmose fut enfin complète.
Il avait beau pénétré Carole, il faisait l’amour à Yamina. Elle avait beau prendre du plaisir par
Pierre, elle faisait l’amour à Ralph. Leurs regards ne se lâchaient pas. Leurs yeux se déclaraient ce
que les mots ne suffisaient plus à exprimer.
Episode 15
Partie 1
Jacques et Agnès étaient au Domaine depuis une bonne demi-heure. Il était encore tôt.
L’apogée allait encore se faire attendre quelque peu. Seulement une dizaine de couples étaient
présents. Principalement des trentenaires. Quelques femmes faisaient des tentatives d’approche. Qui
fonctionnaient plus ou moins bien. Deux couples partirent aux coins câlins. L’ambiance était calme.
- Je ne me souviens plus exactement mais on n’en est pas loin, dit Jacques gravement.
- Oui, moi aussi je me souviens vaguement, acquiesça Agnès. Par contre, je ne sais plus du tout
comment ça a commencé. Ce qui a tout déclenché.
- Moi non plus, mais comme je l’ai dit, ça ne devrait plus tarder.
Ils furent soudain attirés par le couple qui venait de passer la porte principale. Ils la
reconnurent elle. Nora. Elle était accompagnée d’un homme de son âge. Relativement grand par
rapport à elle. Mais aussi, relativement insipide. Ils s’arrêtèrent pour scruter les différents couples
présents sur la piste et au bar. Elle haussa les épaules. Elle exprimait son non intérêt pour ce qui
l’entourait. Elle attira le visage de son partenaire et lui parla à l’oreille. Il fit oui de la tête. Ils se
dirigèrent vers le rideau rouge. La frontière avec l’objectif de toutes les personnes présentes. Ils
disparurent derrière lui.
- Ca y est, reprit Jacques, ça a commencé.
Antoine et Nolwenn venaient d’arriver. Tristan constata qu’elle était trop énervée pour que ce
soit naturel. C’était Silène qui les avait invité. Elle était en manque de soirée mondaine de ce qu’elle
lui en avait dit.
Silène faisait les allers et retours entre le salon et la cuisine. Nolwenn se leva soudain en
prétextant qu’elle allait l’aider. Elle alla la rejoindre à la cuisine.
- Bonsoir toi, dit-elle à la maitresse de maison, t’es plutôt pas mal.
Nolwenn accompagna cette parole d’une caresse entre les cuisses de Silène. Celle-ci sursauta
et failli faire tomber les plats qu’elle venait de préparer.
- Hey, réagit-elle, fais attention. J’ai failli tout renverser.
- Oh mais tout va bien, rit Nolwenn, tu n’as fait aucun miracle.
- De toute manière, s’il y en avait eu un, ça aurait été de ta faute.
- Oui, mais ce n’est pas le cas. Embrasse-moi.
Silène n’était pas encore séduite. Elle avait besoin de temps ce soir là pour désirer quelqu’un.
Nolwenn avait beau être très sexy, elle n’était pas encore attirée. Elle déposa pourtant un baiser sur
ses lèvres puis passa devant elle avec les amuse-bouches qu’elle avait préparé.
- Hey c’est tout, s’offusqua Nolwenn.
- Oui mademoiselle, pour le moment c’est tout. Bon, arrête de faire l’allumeuse et reviens au
salon.
Silène déposa les différents récipients qu’elle portait sur la petite table. Elle se tourna vers
Antoine.
- Dis donc, elle est chaude ta meuf ce soir.
- Oui je sais, elle a encore pris de la C.
- Ah, ça me rassure, je croyais qu’elle était seulement en manque.
Partie 2
Adrien trouva Julie moins sombre que ces derniers temps. Cela le rassura. Elle n’était pas
dans un état stable émotionnellement parlant. Il comptait sur cette soirée au Domaine pour qu’elle
fasse un peu le vide. Cela le surprenait tout le temps, mais le sexe avait un effet thérapeutique sur
cette femme. Il ne se l’expliquait mais le constatait à chaque fois. Il en usait d’ailleurs largement
pour la remettre sur pied quand quelque chose ne se passait pas comme elle l’entendait. Ou comme
elle l’attendait. Par moment, il se disait qu’il en abusait, mais comme cela ne faisait de mal à
personne, et même plutôt le contraire, sa conscience était libre.
Ils venaient d’entrer dans le lieu. Ils passèrent la porte derrière laquelle se trouvaient la piste
de danse et le bar. Quelques couples dansaient. D’autres étaient au bar. Mais la majorité était assise
sur les banquettes disposées le long des murs et depuis lesquelles il y avait la meilleure visibilité sur
l’ensemble de la salle. Ils aperçurent Jacques et Agnès qui leur faisaient des grands signes. Ils les
rejoignirent. Les embrassades furent franches mais moins orientées qu’à l’ordinaire.
- Bonsoir, dit Jacques, on vous attendait.
- Ah bon, s’étonna Adrien, pourtant on n’a dit à personne que l’on venait ce soir.
Jacques et Agnès se regardèrent un peu perdu.
- C’est mon instinct qui me l’a soufflé, les sauva Agnès.
Yamina n’arrêtait pas de faire les cents pas. Tout se mélangeait dans sa tête. Cette soirée chez
Carole et Pierre avait été un très agréable moment mais quelque chose n’allait pas. Il fallait qu’elle
en parle. Il fallait qu’elle lui en parle. Qu’il réponde à ses questions. Qu’il lève le voile sur toutes ses
interrogations. Mais elle n’osait pas. Elle avait peur de le déranger.
Sa curiosité prit le dessus. Elle prit son téléphone. Elle chercha Ralph dans ses contacts. Au
moment où elle allait l’appeler, elle se ravisa. Elle se dit que l’approche par texto serait plus simple.
Moins risquée. Elle ne voulait pas qu’il sente qu’elle avait un besoin urgent de lui parler. Et surtout
de quoi. Elle n’arrivait pas à se calmer. Elle jeta son téléphone sur son canapé et recommença à
tourner en rond.
Deux minutes plus tard, elle lui envoyait un SMS lui demandant si elle pouvait passer. Son
portable atterrit de nouveau sur les coussins. Moins violemment cette fois.
La sonnerie la surprise. Son téléphone affichait « Ralph appelle ». Elle inspira une grande
goulée d’air et décrocha.
- Allo, dit-elle d’une voix tremblotante.
- Allo, c’est moi, dit Ralph. Ca va ?
- Oui oui, ça va. Et toi, ça va ?
- Oui très bien mais ce n’est pas pour savoir ça que tu voulais passer.
- Non non, j’ai juste envie de te voir. Je peux venir ?
- Bien sûr. Tu sais, si je t’ai donné les clés c’est justement pour que tu passes quand tu veux.
Que je sois là ou pas. Bon, en l’occurrence je suis là donc on risque de se voir, ça ira quand
même ?
Yamina gloussa.
- Oui, ça ira. Excuse-moi d’être un peu empotée, j’ai juste envie de te voir et de parler un peu.
- Parfait, viens dès que tu peux.
Ils raccrochèrent. Yamina se sentait mieux. Elle se prépara puis sortit de chez elle.
Partie 3
Ca n’en finissait pas. Jacques parlait et parlait sans vouloir s’arrêter. Adrien ne comprenait
pas. D’habitude, avec Agnès ils avaient plutôt tendance à vouloir les pousser vers les coins câlins le
plus vite possible. Mais là, c’était tout l’inverse.
- Et donc à ce moment là, continuait Jacques, je suis sorti et il s’était mis à pleuvoir des cordes.
Je ne vous apprends rien si je vous dis que les feuilles mortes mouillées à Paris sont aussi
redoutables que les déjections canines.
- Ah, s’exclama Agnès, j’adore quand tu fais des comparaisons comme ça. Vous savez qu’une
fois il a réussi à comparer une trousse de couture avec un centre hospitalier. Il faut
absolument que tu leur racontes mon chéri.
- Oui, tu as raison mon amour. Je vais le faire dès que j’aurais fini. Parce qu’en fait je n’ai pas
encore fini. Je reprends. Donc, je suis sorti et il s’était mis à pleuvoir. Comme tout le monde,
je regardais par terre pour éviter tout faux pas et risquer de me briser le dos. Et alors, c’est à
ce moment que…
Julie s’approcha d’Adrien et lui chuchota dans l’oreille :
- Tu crois qu’il en a encore pour longtemps ? Autant tout à l’heure j’avais envie d’eux que là
j’ai plutôt envie de suicide.
- Je ne sais pas, mais c’est long et j’ai l’impression qu’il ne veut pas s’arrêter. Tu n’aurais pas
une manœuvre de diversion en poche ?
Julie fit mine de s’intéresser à ce que disait Jacques et tenta l’approche suivante :
- Jacques, j’ai bien peur que si tu continues à parler comme ça tu n’ais plus assez de salive pour
t’occuper de moi. Ca ne te dit pas de faire une pause et qu’on aille faire un tour du côté des
coins câlins ?
- Ne t’inquiète pas ma chérie, rebondit Agnès, il a bien assez de salive comme ça, fais moi
confiance je le pratique depuis un certain temps.
- Tu as adorable mon amour, la remercia Jacques. Je n’en ai plus pour très longtemps c’est
promis. Et donc cette vieille dame ne m’avait pas vu et elle se dirigeait vers moi son
parapluie bien en avant. Et alors…
Ce fut au tour d’Adrien de se pencher à l’oreille de Julie :
- Bien tenté très chère. Pendant un instant j’ai même eu un espoir.
- Ben oui mais non. Tu n’aurais pas une lame de rasoir sur toi par hasard ?
Adrien cacha comme il put son fou rire. Jacques ne le vit pas. Ou en tout cas fit comme s’il ne
le voyait pas.
Ayant compris que sa tactique ne marchait pas avec Silène, Nolwenn se colla à Tristan. Ce
dernier ayant senti l’approche de la jeune femme, la regarda et lui fit un sourire pincé presque gêné.
Antoine et Silène étaient en grande conversation. Nolwenn caressait nonchalamment la cuisse
de Tristan, espérant un vague sursaut de sa part mais aucun. Elle en eut assez d’attendre.
- Excusez-moi, dit-elle à l’attention de Silène et Tristan. Ca ne vous dérange pas si je prends un
peu de C pour me remotiver ? J’ai un petit coup de mou soudainement.
- Euh non, répondit Silène légèrement embarrassée, tu peux y aller.
- Cool, merci. Vous en prendrez un peu ? J’en ai suffisamment.
- Ecoute c’est bon, tu en as déjà pris plein avant de venir, intervint Antoine. Je ne crois pas que
ce soit nécessaire que tu en reprennes.
- Nécessaire non, mais j’en ai envie. Donc je vais en reprendre.
- Ca va je te dis, t’es assez excitée comme ça. N’en reprends pas.
- Non mais vous avez vu comment il parle, reprit Nolwenn en prenant ses hôtes à témoin, et
après il se demande pourquoi je prends autant de C. C’est peut-être justement pour supporter
tes conneries tu ne crois pas ? Donc, je fais ce que je veux, point !
- Et merde, t’es vraiment trop chiante quand tu t’y mets.
Partie 4
Le monologue de Jacques continuait. Seule Agnès remarquait ses coups d’œil vers le rideau
rouge. Son but était simple. Il voulait voir Nora partir sans que Julie et Adrien ne l’ait vue. Mais elle
se rendit compte que leur patience était mise à rude épreuve. Cela se voyait principalement sur elle.
Elle n’arrêtait pas de reposer son corps sur une jambe puis sur l’autre. Agnès ne fut donc pas surprise
quand Julie ouvrit la bouche.
- Bon, tes histoires sont super Jacques mais j’ai affreusement besoin de sexe. Et Adrien sait
exactement ce que ça veut dire chez moi. Donc, on va aller aux coins câlins et vous nous
rejoignez quand vous avez envie. Tu viens mon chéri ?
- Je te suis, répondit Adrien le sourire aux lèvres.
Jacques et Agnès ne tentèrent pas de les retenir. Ils ne pouvaient pas faire plus.
Après quelques pas, Adrien murmura ces mots à l’oreille de Julie :
J’adore quand tu es comme ça, à la limite de l’autoritaire. Je pense que si je travaillais avec
toi tu me ferais fantasmer à mort.
- Parce que ce n’est pas le cas actuellement ?
- Oh que si, c’est déjà le cas.
Elle passa sa main discrètement sur l’entrejambe de son homme.
- Moui en effet, il semblerait que ça marche déjà.
Elle passa les rideaux à cet instant précis. Elle était seule. Les gouttes de sueur qui perlaient
sur son front et son cou témoignaient d’une activité physique intense qui ne devaient pas s’être
achevée depuis très longtemps. Ce fut Julie qui reconnut Nora la première.
-
Durant tout le trajet en métro, Yamina se demanda comment aborder le sujet. Comment parler
à Ralph de la soirée chez Pierre et Carole sans l’agresser. Elle ne voulait pas être violente ni
désagréable avec lui. Elle voulait savoir. Elle voulait connaitre sa vie avant elle.
En arrivant devant sa porte, elle sonna. Ralph vint lui ouvrir et lui sourit.
- J’insiste mon amour, si je t’ai donné les clés de chez moi c’est pour que tu viennes et entres
quand tu veux et comme tu veux.
- Oui bon je sais, désolée. Je fais ce que je peux.
- Oups, je ne pensais pas que tu le prendrais mal. J’ai sans doute manqué de douceur. Voulezvous entrer dans mon humble demeure mademoiselle ?
Yamina ne put s’empêcher de rire et de trouver cet homme incroyablement romantique et
séduisant.
- Alors, reprit Ralph, quel est le sujet épineux et important dont tu veux me parler ?
- De Carole et Pierre.
- Oui mais encore.
- Enfin, surtout des soirées chez eux. T’en a fait beaucoup ?
- Oui, quelques unes. Mais qu’est-ce que tu veux savoir exactement.
Yamina fit une pause.
- En fait, je m’interroge sur ta vie avant moi et je voudrais savoir si tu as fait beaucoup d’autres
soirées comme ça. Chez eux ou ailleurs.
- Beaucoup non. Quelques unes oui. En fait, les soirées que je faisais avant de les rencontrer ne
me convenaient pas. Il y avait un côté malsain et m’as-tu vu qui me dérangeait. Et souvent,
avec pas mal voire même beaucoup de cocaïne. Et puis on les a rencontré avec Chrystelle. Et
à elle comme à moi, ça nous a fait du bien. Enfin des soirées libertines sans fioriture et
presque innocentes.
- J’y crois en effet pas trop au côté « innocent ». Mais je veux bien que tu continues à me parler
de ta vie d’avant moi.
Ralph sourit et se cala contre le dossier du canapé.
Partie 5
Nora vit Julie puis Adrien à son tour et leur sourit. Très naturelle. Elle se dirigea vers eux.
- Bonsoir, dit-elle. Je suis très contente de vous voir. Surtout ici.
- Bonsoir, répondit Julie. Moi aussi je suis contente de te voir. Mais pourquoi dis-tu surtout ici.
- Ben, c’est ici qu’on s’est rencontrés pour la première fois. Tu te souviens, on avait commencé
à s’embrasser et si Gabriel n’avait pas été là on aurait fait l’amour. Je suis certaine qu’en plus
ça se serait très bien passée.
Julie déglutit difficilement.
- D’ailleurs, reprit Nora, en parlant de Gabriel, il y a un truc qui me chiffonne.
- Tu veux parler de quoi exactement ? De son départ au Maroc ?
-
Non non, finalement j’arrive à peu près à y croire, même s’il m’a fallu un peu de temps. Non,
c’est autre chose. C’est en rapport avec son message.
Celui qu’il t’a laissé sur ton répondeur.
Oui, celui-là. Et d’ailleurs je suis trop conne de l’avoir effacé. Si j’avais su je l’aurais gardé.
Si tu avais su quoi ?
Ben que j’aurais envie de le réécouter. De le réécouter pour comparer la sonnerie de l’horloge
avec la tienne. Comme ça, j’aurais pu venir chez toi, je nous aurais fait écouter le message et
on aurait pu comparer les deux sonneries. Ca aurait pu nous donner une piste.
Nolwenn ne l’écoutait plus. Elle avait déjà sorti ses petites affaires et commencé à préparer
ses rails de cocaïne. Elle proposa une dernière fois à l’assemblée sans trop de conviction mais
comme tout le monde refusait, elle sniffa les trois lignes. Antoine se leva dès qu’elle commença et
alla dans la cuisine. Silène et Tristan se regardèrent et sans rien dire tombèrent d’accord. Silène alla
rejoindre Antoine pendant que Tristan restait avec Nolwenn.
- Enfin seuls, ironisa Nolwenn.
- Oui, enfin seuls, acquiesça Tristan. Ca n’a pas l’air d’aller très fort vous deux.
- Non, c’est vrai que ce n’est pas la joie et je ne sais pas trop quoi faire.
- Tu pourrais peut-être déjà ralentir un peu.
- Hein, ah, la C. Tu parles, que j’en prenne ou pas il réagit de la même manière. Non, c’est
autre chose mais je ne sais pas quoi. Tu as toutes les raisons de ne pas me croire mais
j’aimerais bien te voir en tête à tête pour discuter.
- Juste pour discuter ?
- Oui, vraiment. Juste pour discuter. J’en ai besoin en ce moment. Il me faut l’avis d’un ami
homme. Et non, ce n’est pas pour un plan cul. J’ai vraiment besoin de parler. Et de préférence
sans qu’Antoine ni Silène ne le sachent. Tu pourrais faire ça pour moi ?
Tristan ne s’attendant pas à cette demande mit du temps à répondre. Après tout il ne risquait
rien et il verrait de son côté s’il le dirait à Silène ou non. Il accepta.
Silène attendait qu’Antoine parle.
- Putain ce qu’elle me saoule, explosa Antoine. Elle me fatigue à prendre de la coke tout le
temps. Comme si elle en avait besoin.
- Hum, toi t’as besoin de parler, psychanalysa Silène. Dis-moi si tu veux qu’on se voit en
dehors. Je suis bonne à l’écoute et j’arrive facilement à faire parler les gens.
- Franchement, je ne suis pas contre l’idée. Par contre, je préfèrerais que tu n’en parles pas à
Nolwenn.
- Non évidemment.
- Et à Tristan non plus. Je n’ai pas envie qu’il me voit comme une lopette.
- Non, rit Silène, ne t’inquiète pas pour ça il n’y a aucun risque.
Tout le monde comprit que la soirée était terminée avant d’avoir vraiment commencé.
Antoine et Nolwenn partirent sans que rien ne se soit passé.
Partie 6
- Je suis désolé, intervint Adrien, je ne comprends pas de quelle piste tu parles.
- Ben, du message et de la sonnerie de l’horloge, répondit Nora. Et si la sonnerie sur le
message était la même que celle qu’il y a chez Julie. Tu imagines ?
- Oui, j’imagine que ça ne donne pas grand-chose. Tu sais, cette horloge avec les sonneries à
base de cris d’oiseaux et qui sont différentes toutes les heures, elle a été très populaire à un
certain moment. De mon point de vue, ça a été le cadeau punition des petits-enfants à leurs
grands-parents. Désolé mon amour, dit-il en direction de Julie, mais c’est un peu la réalité.
Donc, ça ne prouverait rien et ça ne donnerait aucune piste. Je ne vois pas comment tu
pourrais retrouver Gabriel uniquement avec cette horloge.
-
-
-
-
-
-
Mais c’est pas ça. Cette horloge, enfin surtout les oiseaux de cette horloge. C’est des oiseaux
français. Je suis quasiment certaine qu’il n’y a pas les mêmes au Maroc. Donc, comment il
aurait pu me laisser un message avec le cri d’un oiseau français en étant là-bas ?
C’est vrai qu’il n’y a aucun petit-fils français ou petite-fille française dont les grands-parents
sont au Maroc. Ca se saurait, ajouta-t-il avec un clin d’œil.
Nora sourit après cette dernière phrase. Adrien avait bien manœuvré.
Tu as raison, je me fais des nœuds au cerveau pour rien. C’est encore un autre mystère de la
vie qui ne sera jamais résolu. Bon, il faut que je file. Vous embrasserez Ana de ma part. A
bientôt.
Ils la regardèrent s’éloigner rapidement vers la sortie. Julie était pâle comme un linge.
Tu tiens vraiment à ce que je te parle de ma vie avant de te rencontrer ? reprit Ralph.
Oui, répondit Yamina, j’y tiens.
Bon, Ok. Donc tu sais déjà que j’ai passé plusieurs soirées chez Carole et Pierre avec
Chrystelle. Et aussi d’autres chez d’autres personnes que je ne vois plus.
Oui, je sais tout ça.
Eh bien je ne sais pas trop quoi ajouter d’autre. Je n’ai pas vécu tant de choses que ça.
Et toutes tes relations goths ? Elles viennent d’où ?
Elles viennent principalement de mes goûts musicaux. Contrairement au monde libertin, je ne
me suis pas immergé dans le monde goth. C’est pas vraiment mon truc souffrir et faire
souffrir.
Tu caricatures un peu non ?
Pas tant que ça. Je ne sais pas si tu as remarqué, mais c’est devenu très compliqué de nos
jours de rencontrer des goths de tout âge sans des grosses cicatrices horribles sur les poignets
et les avant-bras.
Euh, je sais pas, je n’en connais pas. A part Ariane bien sûr mais je n’y ai pas fait attention
plus que ça. Ok, je te crois finalement. Et en fait, ce qui m’intéresserait surtout ce serait que
tu te renseignes sur quand est la prochaine soirée chez Carole et Pierre… J’aimerais bien y
retourner…
Episode 16
Partie 1
Adrien entra dans la cuisine. Julie était en pleine contemplation devant son café. Elle avait les
traits tirés. Soucieuse. Il s'installa devant elle sans rien dire. Il prit la cafetière encore fumante et se
versa une grande tasse du liquide brun.
Il continua à l'observer. Ses yeux n’avaient pas bougé.
- A quoi tu penses ? Demanda-t-il.
Elle posa enfin son regard sur lui. Mais elle ne semblait pas le voir.
- Tu m'entends ? S'inquiéta-t-il.
- Oui, je t'entends, répondit-elle d'une voix blanche. Je repense à Nora.
- Et...
- Je suis persuadée qu'elle se doute de quelque chose. Sa réaction quand on s'est croisés au
Domaine n'est pas normale. J'ai senti qu'elle cachait un truc.
- Je pense que tu te fais des idées et plus ça va, moins je crois à ce fameux message sur son
répondeur. S'il avait vraiment existé elle ne l'aurait jamais effacé.
Julie planta ses yeux dans les siens. Comme si elle cherchait à savoir dans quelle mesure il
croyait ce qu'il disait. Ses lèvres s'entrouvrirent mais aucun son ne sortit de sa bouche. Elle se
concentra à nouveau sur son café. Comme s'il était la seule entité à même de la comprendre.
La sonnerie du téléphone brisa le silence qui s'installait. Julie se leva puis se dirigea vers le
salon.
-
Tu as l'air grave. Qu'est-ce qu'il se passe ?
Ils s'étaient donnés rendez-vous dans un parc. Antoine avait choisi l'endroit. Il lui avait dit
qu'il se sentirait plus libre et tranquille pour lui parler. Silène venait tout juste d'arriver. Il était assis
sur un banc. Occupé à observer les pigeons à la recherche de la moindre nourriture sur le sol. Elle
avait compris à l'expression de son visage qu'il était plus que préoccupé. Elle espérait qu'il ne vivrait
pas sa question posée ainsi de but en blanc comme une agression.
- J'ai rencontré quelqu'un, finit-il par avouer.
Elle ne sut que répondre. Cette annonce la prenait de court. Pas nécessairement par l'énormité
de la chose mais plutôt parce qu'elle ne comprenait pas pourquoi il lui en parlait à elle, même si elle
lui avait dit qu'elle serait à son écoute.
- Si tu m'en parles c'est que ce n'est pas juste une petite aventure comme ça.
- Non en effet...
- Je suppose aussi que Nolwenn n'en sait rien. Que comptes-tu faire ? La quitter ?
- Non... En tout cas pas tout de suite. En fait je ne sais pas.
Il cherchait ses mots. Il avait pourtant répété cette conversation avant de la retrouver. Mais
rien ne venait aussi facilement qu'il l'espérait.
- Qu'est-ce que tu ne sais pas ?
- Je ne sais pas à quel point c'est sérieux entre nous.
Partie 2
Nolwenn s'impatientait. Tristan était en retard. Elle avait déjà bu un café et ne voulait pas en
commander un autre dans l'immédiat. Elle sortit du bar pour fumer une cigarette. Elle regarda à
gauche et l'aperçut arrivant de loin. Il avait sa mine stressée de l'homme en retard qui considérait cela
comme une impolitesse. Elle sourit.
- Désolé, commença-t-il, je me suis fait avoir par mon boulot et les transports.
- Ce n'est pas grave, je viens tout juste d'arriver, mentit-elle. On rentre s'asseoir ?
Tristan la suivit innocemment. Nolwenn de son coté peaufinait son plan d'action.
- Ça ne va pas trop avec Antoine, dit-elle en guise d'introduction.
-
Qu'est-ce qu'il se passe ?
Ça ne va pas et je ne sais plus quoi faire Tristan.
Ne pas répondre à sa question et marquer une pause derrière son dernier mot faisait partie de
ce qu'elle considérait comme étant un bon début d'attaque. Elle repartit sur les mêmes principes.
- Il ne me regarde plus. Il est de plus en plus distant et je ne sais pas pourquoi. Je pense qu'il
me cache des choses.
- Tu es sure ?
- Oui, mais je ne sais pas ce que c'est. Des fois, je me demande s'il n'a pas quelqu'un. Ses
réactions me font penser que oui. D'ailleurs, ça me donne envie d'aller voir ailleurs.
Nouvelle pause. Elle scruta les yeux de Tristan pour y déceler le moindre indice de
compréhension. Pas évident.
- Tu sais, je me dis souvent que j'envie Silène.
- Pourquoi ?
- Parce qu'elle est avec toi.
Non, se dit Nolwenn, toujours aucun signe visible.
Yamina avait décidé de le prendre au mot. Puisque Ralph lui avait donné ses clés pour passer
quand elle le voulait, cela tombait bien. Elle le voulait à cet instant.
Elle sortit de l'ascenseur. Elle avait malgré tout une légère appréhension. La peur de faire
quelque chose d'interdit. Même si ce n'était pas le cas.
Elle s'approcha de la porte. Elle y posa son oreille. Elle entendit une conversation provenant
de l'intérieur de l'appartement. Elle se concentra pour bien écouter. Elle ne comprit pas les paroles
mais reconnut les voix de Ralph et Chrystelle. Elle sourit, mit la clé dans la serrure puis entra.
- Hello, dit-elle.
- Tiens, la plus belle, répondit Chrystelle.
- Je n'étais pas certain que tu oserais, s'étonna Ralph. Merci. J'ai fait du café. Tu en veux ?
- Oui je veux bien.
- Je vais te chercher une tasse.
Ralph s'éclipsa dans la cuisine.
- Alors, reprit Chrystelle, tu viens ou pas ?
- Où ça ? Demanda Yamina.
- Chez Carole et Pierre. A leur prochaine soirée.
- Ah... Il y a une prochaine soirée. Je ne savais pas.
Yamina maintint comme elle put son sourire. Mais l'idée que Ralph ne lui en ait pas parlé lui
posait un problème. Un réel problème. Surtout après lui avoir demandé de la prévenir quand cela
arriverait.
Partie 3
Adrien l'observa se déplacer. Elle était tendue. Sa démarche en témoignait. Julie prit le
téléphone et le colla à son oreille.
Adrien était trop loin pour percevoir les mots prononcés. A son langage corporel, il comprit
cependant qu'il s'agissait d'un poids en plus qui s'ajoutait sur les épaules de la jeune femme.
Julie raccrocha puis resta immobile dans le salon. Elle observait par la fenêtre l'inactivité qui
se déroulait à l'extérieur. Adrien conclut qu'il était préférable de la laisser revenir d'elle-même dans la
cuisine. Il était hors de question de lui mettre la moindre pression supplémentaire.
Elle bougea enfin une jambe puis l'autre. Elle semblait marcher à reculons. Elle revint à sa
place à coté d'Adrien et s'immergea à nouveau dans son café. Il continua à attendre quelques
secondes.
- Tu me racontes ? Demanda-t-il pour briser le silence qui l'incommodait.
-
C'était le collège d'Ana. Ses résultats et son comportement sont catastrophiques. Ils me
demandent de faire quelque chose.
- Ils n'exagèrent pas un peu ?
- Visiblement non. Ils m'ont dit que ça s'était dégradé depuis une date assez précise. C'est pour
ça que je les crois.
- La mort de Gabriel ?
- Oui.
La sonnerie de l'entrée les fit sursauter. Adrien senti une coulée de sueur glaciale le long de
son dos.
- S'il vous plaît non, pria Julie, pas autre chose.
-
Il va falloir que tu te poses les bonnes questions par rapport à cette relation, reprit Silène.
Enfin, je sais pas trop. Ça dépend finalement.
- De quoi ? Demanda Antoine qui n'arrivait pas à suivre le chemin de pensée de la jeune
femme.
- Ben déjà, depuis quand tu l'as rencontrée cette personne ? Et puis comment ?
- Ça ne fait pas si longtemps que ça et la rencontre a été assez... Etrange...
- Raconte.
- C'était il y a quelques semaines maintenant. J'étais paumé et franchement Nolwenn y était
pour beaucoup. Elle était déjà cokée en permanence ou presque et elle me fatiguait. Un soir
où j'étais tout seul, je suis allé sur mon mail et une pub pour un site de rencontre est apparue.
Je l'ai regardée pendant quelques secondes puis je suis retourné à mes mails. Je ne réussissais
pas à me concentrer. Cette pub attirait mon œil en permanence. Au bout d'un moment, je me
suis dit et puis merde. Et j'y suis allé.
- Et alors ?
- Alors je me suis inscrit et dès que j'ai fini de m'enregistrer une popup de chat est apparue.
- Ça disait quoi ?
- Je sais plus trop mais ce n'est pas important. L'important c'est que j'ai rencontré ce quelqu'un
quelques jours plus tard. Et ça se passe vraiment bien. Je me sens bien en sa présence. Ça me
calme.
Antoine baissa les yeux. Il ne pouvait pas continuer. Les émotions qui le traversaient en
racontant cette histoire le troublaient trop. Mais pouvoir enfin la raconter le libérait. Mais aussi le
responsabilisait.
Partie 4
Tristan n'avait pas voulu comprendre l'allusion de Nolwenn. Son esprit était déjà encombré
par deux femmes. Il ne pouvait pas en ajouter une troisième. Autant l'informer de la situation.
- Tu sais, reprit Tristan, Silène n'a pas tant de chance que ça. Surtout en ce moment.
- Pourquoi en ce moment ? Demanda Nolwenn.
- Parce que sa situation n'est pas simple. Et c'est à cause de moi. J'ai rencontré une autre
femme.
Elle ressenti alors un léger pincement au cœur. Signe de l'arrivée imminente d'un autre plus
important.
- Je vois cette femme assez souvent, continua-t-il. Tu me connais, j'en ai évidemment parlé à
Silène. Mais le problème est qu'elle ne l'a jamais rencontrée. Silène est facilement jalouse.
Mais comme elle ne l'a jamais vue, sa jalousie en est encore plus grande. Ce qui est bizarre,
c'est que cela ne l'empêche pas d'avoir plein d'amants et d'amantes.
- C'est un peu injuste non ?
- Oui justement. Et c'est aussi pour ça que je ne veux pas arrêter de voir Aurore.
Le prénom était lâché. Nolwenn le ressenti comme de la chair mise sur un concept. Elle ne
pouvait plus l'ignorer. Le second pincement venait de l'ébranler.
Elle avait beau essayé de donner le change, Yamina suait la colère par tous les pores.
Chrystelle se demandait si la tension allait redescendre ou non. Les deux femmes n'arrivaient plus à
soutenir une conversation. Leurs yeux ne réussissaient pas à se croiser plus de quelques secondes.
L'absence de Ralph se faisait sentir. Il se devait de revenir vite. Très vite.
- Voilà le café, entendirent-elles enfin. Désolé, j'ai été un peu lent parce que je n'avais plus de
tasse propre.
Ralph déposa le liquide brûlant sur la table basse. Il se releva. Son sourire s'effaça dès
l’instant où il vit le visage fermé de Yamina.
- Qu'est-ce qu'il se passe ? Demanda-t-il. J'ai été si long que ça ?
- Quand comptais-tu m'en parler ? Cingla Yamina.
- De quoi tu parles ?
- De la soirée chez Carole et Pierre. Chrystelle vient de m’en parler.
Son regard passa d'une femme à l'autre plusieurs fois de suite. Il cherchait la bonne réponse.
Celle qui calmerait la situation. Celle qui le sauverait des reproches qui n'allaient plus tarder.
Chrystelle cherchait une position et une pose qui la rendrait plus confortable. Ses mains, ses
bras, ses jambes, son buste, son corps entier se modifiaient de façon imperceptible. Mais non. Il ne
fallait surtout pas qu'elle reste.
- Bon, dit soudain Chrystelle, vous avez visiblement des choses à vous dire. Salut.
Yamina et Ralph ne lui répondirent pas. Ils ne la regardèrent même pas prendre sa veste et
sortir de l'appartement. La conversation allait être rude.
Partie 5
Julie n'essaya pas de voir qui était devant la porte. Elle l’ouvrit directement. La discussion
qu'elle venait d'avoir occupait encore pleinement son esprit. Mais la présence de Nora devant elle la
ramena brutalement à la réalité. Incandescente. Ce mot s'afficha en elle en lettres de feu. Son sourire
était celui d'un démon venu directement de l'enfer.
- Salut, dit Nora.
Elle entra dans la maison sans attendre la moindre réponse. N'entendant pas Julie parler,
Adrien sortit de la cuisine. Inquiet. Son appréhension augmenta à la vue de la jeune femme qui faisait
son apparition. Il stoppa devant elle. Nora le contourna pour aller au salon. Elle s'installa sur le
canapé. Les bras écartés, posés sur le dossier.
Nora les regardait. Elle jouissait de l'effet obtenu.
- Je suis persuadée que vous vous demandez si le fameux message sur mon répondeur a bien
existé. Eh bien je vous l'affirme, il a bien existé. Et je l'ai effacé en toute connaissance de
cause.
Adrien tourna la tête vers Julie. Elle ne bougeait plus. Elle était paralysée.
Nora marquait une pause interminable. Sans doute pour grossièrement ménager le suspense se
dit Adrien.
- Je pouvais l'effacer parce que je possédais autre chose. D'autres preuves.
Mais de quoi parlait-elle bon sang ? Adrien n'arrivait pas à la suivre.
- Des photos, poursuivit-elle. Des photos de toi principalement Adrien. Par exemple, Adrien
avec un gros tapis qui sort de chez Julie. Adrien qui met ce gros tapis dans le coffre de sa
voiture. Adrien qui sort ce gros tapis devant un chantier et qui l'emporte à l'intérieur. Très
facile ensuite de faire le lien entre ces événements.
Son sourire n'avait pas disparu. Pas un seul instant. Nora se leva puis se dirigea vers la sortie.
Doucement. Calmement. Elle se retourna soudain.
-
Je sais ce que vous avez fait. J'en ai en plus les preuves. Maintenant, vous allez faire ce que je
veux moi.
Antoine commençait à avoir le regard fuyant. Comme s'il hésitait à lui avouer quelque chose.
Silène lui sourit et posa sa main sur la sienne,
- Tu sais, commença-t-elle, tu peux tout me dire. Rien de ce que j'entendrai ne sortira de ma
bouche.
Antoine inspira. Fort. Il avait besoin de courage.
- C'est un homme, lâcha-t-il soudain.
- Pardon...
- J'ai rencontré un homme et... Et je crois que je suis en train de tomber amoureux de lui.
- OK, tu m'as eue. Je suis surprise. Et il s'appelle comment ?
- Alexandre.
Un sourire se dessina sur ses lèvres.
- Et il est plutôt exceptionnel.
- Ecoute, reprit-elle, je suis très contente que tu te sois découvert bisexuel. C'est en parfait
accord avec ce que je ressens dans l'évolution humaine. Ça prouve que tu es vraiment ouvert
et à l'écoute de tes envies et de tes besoins. Mais par contre fais attention. Il ne faut pas que tu
confondes ça avec de l'amour. C'est la première fois que tu as une relation avec un homme. Il
est fort possible que ce ne soit qu'une intense pulsion sexuelle.
- Oui, c'est aussi la réflexion que je me suis faite. Mais pour être honnête, je m'éloigne de plus
en plus de Nolwenn. Je ne suis plus certain de l'aimer autant qu'avant. Et comme elle prend
de plus en plus de cocaïne ça n'aide pas. D'ailleurs, tu l'as vu toi-même chez vous la dernière
fois. La cocaïne la rend détestable.
Il avait marqué un point se dit Silène. Nolwenn devenait en effet assez détestable.
Partie 6
- J'avoue qu'Aurore occupe mon esprit en permanence, continua Tristan. Résultat, il m'arrive
de manquer d'attention quand Silène me parle.
« Ou quand je te parle » se dit Nolwenn qui n'arrivait plus à placer la moindre parole. Cela
faisait presque dix minutes que Tristan parlait de cette femme sans discontinuer. Cette « Aurore ». Et
dire qu'il ne se rendait pas compte qu'il était tombé amoureux d'elle. Cette révélation lui donna un
haut-le-cœur. Elle n'avait jamais réussi à lui provoquer de tels sentiments pour elle.
Et maintenant, il était pris entre deux femmes. Eprouvant pour chacune des émotions assez
proches. Nolwenn ne ressentit pas de jalousie. Il s'agissait de déception. Son ego principalement en
souffrait. Ne pas être irrésistible était nouveau pour elle. Difficile à accepter. Et le monologue de
Tristan qui n'en finissait pas. Elle finit par le trouver touchant de ne pas se rendre compte de ce qu'il
se passait dans sa propre tête. Dans son propre cœur. Une naïveté enfantine qui aurait été
attendrissante si elle avait eu le privilège de faire partie de ces deux femmes. Mais ce n'était pas le
cas. Il lui fallait un remontant.
Elle se leva sans ouvrir la bouche mais en lui souriant. Tristan s'arrêta enfin de parler.
- Qu'est-ce qu'il se passe ? Demanda-t-il presque inquiet.
- Rien, je vais aux toilettes.
Nolwenn n'ajouta rien de plus et alla s'isoler. Elle prépara la dose de cocaïne nécessaire. Ni
plus ni moins. Et la consomma très vite. Elle attendit quelques secondes de ressentir l'effet. Elle allait
mieux.
Elle revint à la table où se trouvait toujours Tristan. Elle prit ses affaires en arborant un large
sourire. Elle se pencha vers lui en posant sa main sur sa nuque. Elle attira son visage vers le sien et
l'embrassa tendrement sur la bouche.
- Si tu savais à quel point j’aurais pu te rendre heureux, dit-elle simplement.
Tristan resta interdit car trop surpris. Nolwenn partit et le laissa se torturer entre ses deux
femmes.
-
Maintenant qu'on est seuls, tu vas peut-être pouvoir m'expliquer.
Yamina ne voulait pas lâcher le morceau. Surtout pas. Elle avait vécu cette situation
beaucoup trop longtemps avec Marc pour reproduire le même schéma. Elle était devenue une autre
femme et elle tenait à ce que cela se sache.
- Ecoute, reprit timidement Ralph, je ne suis pas certain que ce soit une bonne idée que tu
viennes chez Carole et Pierre.
- Ah bon ? Et pourquoi c'était une meilleure idée la dernière fois ?
- Ecoute...
- Mais je ne fais que ça t'écouter. Et d'ailleurs, même si ce n'est pas une bonne idée, c'est quand
même préférable que ce soit moi qui t'accompagne plutôt que Chrystelle. Tu ne crois pas ?
La réponse tardait trop à venir. Yamina s'impatientait.
- Et je te rappelle, continua-t-elle sur le même ton, que jusqu'à preuve du contraire c'est moi ta
compagne ! Pas Chrystelle !
- Ça serait plus flagrant si on vivait ensemble.
Il regretta ces paroles instantanément. Ce n'était pas un argument massue, c'était le contraire.
Une vraie condamnation. La réponse fut elle-aussi immédiate.
- Et tu crois que ça me motive pour rester chez toi ? Bon, ça suffit pour aujourd'hui, je me
casse.
Yamina prit ses affaires et ouvrit la porte. Elle se retourna un instant.
- Je t'appelle plus tard. Sans doute.
La porte claqua juste derrière elle.
Episode 17
Partie 1
Le téléphone portable de Julie sonna. Elle regarda le nom s'afficher pendant quelques
secondes. C'était Nora. Elle hésitait. A la cinquième sonnerie elle décrocha.
- Ah quand même, entendit-elle dans le combiné. J'ai failli attendre.
- Désolée je faisais la vaisselle, mentit Julie.
- Ok, ça ira pour cette fois, dit Nora. Adrien est là ?
- Non, je suis toute seule.
- Appelle le et dis lui de venir. Il faut qu'il soit chez toi dans une heure.
Nora raccrocha sans rien ajouter. Julie regarda son téléphone perplexe. Elle chercha Adrien
dans ses contacts et l'appela.
- Allo, dit Adrien. Ca va ?
- Moyen, répondit-elle, je viens d'avoir Nora au téléphone.
- Qu'est-ce qu'elle voulait ?
- Elle veut que tu sois chez moi dans moins d'une heure. C'est possible pour toi ?
- Oui, je vais m'arranger. A tout de suite.
Elle sentit enfin la boule d'appréhension qui naissait dans sa gorge. Qu'elle ne soit pas
apparue au moment de sa conversation avec Nora ni avec celle d'Adrien l'avait surprise. Elle pouvait
maintenant sereinement s'inquiéter. Une façon d'être qu'elle connaissait et maîtrisait à la perfection.
Et qu'elle souhaitait tellement oublier.
Ralph entendit une clé s'introduire dans la serrure. Ce ne pouvait être que Yamina. Ils ne
s'étaient échangé que très peu de mots après leur dispute. De ce qu’il en savait, elle était toujours en
colère après lui de ne pas lui avoir parlé de la soirée chez Carole et Pierre. Il ne savait d'ailleurs plus
lui-même pourquoi il ne lui en avait rien dit. Sans doute qu'il voulait garder une part de jardin secret.
Ou alors était-ce une petite vengeance pour lui signifier qu'il n'acceptait que difficilement sa décision
de ne pas s'installer avec lui. Ce qu'il interprétait comme une distance de sécurité injustifiée.
Quand il la vit entrer le sourire aux lèvres avec un sac plein à craquer, il ne sut comment
réagir. Ce brusque changement d'humeur le prenait à revers. Tant mieux se dit-il. Mais pourquoi ?
Qu'est-ce qui avait bien pu la faire changer ?
- Il faut que tu m'aides, dit-elle sans toute autre forme d'introduction. Je ne sais pas comment
m'habiller pour aller chez Carole et Pierre donc j'ai amené plein de fringues.
- Euh... D'accord...
- Et on va les essayer ensemble. Je compte évidemment sur toi pour des critiques constructives.
Sa phrase se termina sur un clin d'œil. Surprenant. Vraiment surprenant, se disait Ralph.
Partie 2
Il fallait qu'il se rende à l'évidence : il ne pouvait plus se passer d'Alexandre. Antoine et lui
s'étaient échangé des SMS tout au long de la journée. Il répondait tellement rapidement qu'il finissait
par se demander si son amant avait un vrai travail. Même une fois chez lui, ces échanges
continuaient. Le support ayant cependant évolué car maintenant ils chattaient. Plus d'une heure déjà
qu'ils discutaient en ligne.
La porte de l'appartement s'ouvrit à grands fracas. Le bruit fut tel qu'Antoine sursauta. Il
ferma sa session du plus vite qu'il put. Nolwenn était rentrée.
Il se demandait ce qu'elle pouvait bien faire pour être aussi bruyante. Il eut l'impression
qu'elle déménageait tous les meubles devant lesquels elle passait. Ce fut long. Très long. Il finit par
regretter de ne pas avoir dit au revoir à Alexandre. Il en aurait eu plus que le temps.
Nolwenn arriva enfin dans le salon. Antoine feignait de chercher des informations sur un film
qui venait de sortir.
-
Salut, dit Nolwenn, tu fais quoi ?
Je recherche dans quelles salles il passe.
Ah.
Contrairement à ce qu'il espérait, il sentit qu'elle n'était pas dupe. Que son instinct, féminin ou
autre, avait remarqué quelque chose d'anormal. Il jeta des coups d'œil discrets à gauche et à droite
mais ne vit rien de flagrant. Il en conclut que cela devait venir de lui. Qu'il devait transpirer la
trahison d'une façon ou d'une autre. Cela ne le rassura pas.
Aude n'était arrivée que depuis quelques minutes et déjà Loïc lui remplissait son deuxième
verre. Un apéro comme un autre se disait-il. Pourtant il la trouvait absente. Pensive. Même si elle
n'arrêtait pas de parler comme à son habitude. Les thèmes qu'elle abordait étaient cependant
différents. Beaucoup moins personnels qu'à l'ordinaire.
- Et sinon, la coupa soudain Loïc, à quoi tu penses en vrai ?
- Pardon. De quoi tu parles ? Lui demanda Aude faussement naïve.
- Depuis tout à l'heure tu parles de tout et de rien mais je vois bien qu'il y a quelque chose qui
te trotte dans la tête. C'est quoi ?
- C'est si flagrant que ça, sourit-elle. Bon oui. Il y a un truc. Tu te souviens de la soirée avec
Silène et Tristan ?
- Oui, quand on est allés dans le club à partouze.
- Oui, c'est ça. Même si j'aime pas trop comment tu l'appelles, mais oui.
- C'est qu'un mot et puis ça résume bien le concept.
- Ok, je ne vais pas me battre là-dessus. Eh bien, j'ai trouvé l'expérience assez bizarre mais très
différente de ce à quoi je m'attendais. Je croyais que ça serait beaucoup plus glauque. Plus
malsain. Mais finalement non. Et en plus, je ne me suis pas du tout faite emmerdée quand je
dansais. Alors qu'en boite c'est tout le temps.
- Serais-tu déçue ?
- Non, c'est pas ça. Je suis surprise c'est tout. Je m'attendais à me faire pelotée de partout alors
que non. C'est quand même tous que des fous du cul donc c'était bizarre.
- Oui, je vois ce que tu veux dire. C'est un peu ce que nous disaient Silène et Tristan. C'est en
fait le genre d'endroit où les femmes sont respectées. Ou en tout cas semblent l'être.
Finalement, je ne sais pas trop quoi en penser.
- Moi non plus. Pas trop.
Ils se regardèrent et se sourirent. Complices. Ils n'ajoutèrent aucun mot.
Partie 3
Julie savait qu'une heure serait plus que nettement suffisante pour permettre à Adrien d'arriver
chez elle. Cela ne l'empêcha pas de constater que sa tension interne commença à s'accentuer trente
minutes avant la fin du délai. Crescendo jusqu'à l'arrivée de sa voiture quinze minutes plus tard.
Julie restait scotchée à la fenêtre. Comme si l'assurance de la venue d'Adrien dans sa maison
en dépendait.
Il passa enfin la porte.
- Je ne suis pas en retard ? demanda-t-il inquiet.
- Non, ça va.
- Comment ça se passe ? Nora t'appelle ou elle vient directement ?
- Je ne sais pas. Je n'ai pas plus de nouvelles que ce que je t'ai dit tout à l'heure au téléphone.
La sonnette de l'entrée les fit sursauter. Elle apporta aussi la réponse à leur interrogation.
Julie prit une grande goulée d'air avant d'aller ouvrir. Nora apparut dans le cadre de la porte.
- Bonjour toi, commença Nora. Je suis contente de te voir.
Ne sachant pas quoi répondre, Julie resta muette.
- Ce n'est pas très pratique tout ça, reprit Nora, il va falloir que tu me donnes un double de clé.
-
C'est hors de question, parvint à dire Julie sans grande conviction.
Nora haussa un sourcil pendant que son sourire disparaissait de son visage. Mais ce dernier
revint dans la seconde qui suit. Sure d'elle.
- Parce que tu crois que tu as le choix.
Yamina était dans la chambre depuis une bonne dizaine de minutes. Ralph entendait des
bruits de vêtements qu'on sort d'un sac et qu'on jette là où on peut. La porte s'ouvrit enfin. Le ballet
allait commencer.
Quand il la vit, sa respiration stoppa. Sa beauté lui avait littéralement coupé le souffle. Elle
portait une robe rouge toute simple. Suffisamment fendue pour laisser apparaître sa cuisse gauche.
Yamina faisait une moue exprimant son indécision. Elle interrogea Ralph du regard.
- Wow, dit-il tout simplement.
- Tu trouves ? J'ai peur que ce ne soit pas assez. Presque trop simple.
- Euh, je sais pas. Je te trouve à tomber mais si tu veux essayer autre chose tu peux.
- Ok, j'y retourne.
Elle repartit s'isoler quelques minutes. Sa seconde apparition eut le même effet en plus
flagrant sur Ralph. Il se demanda un instant si son cœur allait tenir. Elle arborait un corset noir avec
un liseret rouge qui allait parfaitement avec une minijupe noire. L'ensemble de son corps était
parfaitement mis en valeur. Et pourtant, sa moue n'avait pas changé.
- Je sais pas, soupira-t-elle. Je sais vraiment pas.
- Tout ce que je peux te dire c'est que tu es magnifique.
- Mouais... Non... Je sais pas...
Elle fit demi-tour et s'enferma à nouveau. Quand elle ressortit, un sourire triomphant
s'affichait sur son visage. Elle ne portait plus aucun vêtement en dehors d'un string blanc.
- Finalement, je crois que je vais y aller comme ça.
Partie 4
Il connaissait cette impression. L’impression d’être soudainement devenu une proie. Il n’eut
pas besoin de se retourner pour comprendre que ce que dégageait Nolwenn en était l’origine.
Toujours cet habit de prédateur qu’elle pouvait enfiler en quelques secondes. Elle allait passer à
l’action d’ici peu.
Il sentit des mains se poser sur ses épaules et descendre progressivement sur son torse. Elle
n’appuyait pas trop fort. Il savait pourquoi. Les nombreuses fois où elle avait été insistante et qu’il
n’avait pas été réceptif, il lui avait reproché d’avoir été trop agressive. Elle ne l’était plus depuis.
Pour pouvoir plus facilement arriver à ses fins.
- Maintenant que je ne prends plus de C, commença-t-elle, j’ai d’autres besoins.
- Moui…
Antoine ne voulait pas comprendre. Il ne voulait pas l’aider. Il n’avait pas envie d’elle. Et il
était hors de question qu’il se force. Plus maintenant.
- J’ai besoin de sexe. Le plus possible. Pour que je ne ressente pas d’effet de manque. Tu me
connais, j’ai un côté animal parfois.
Oui. Prédatrice. Elle en était à la limite de la caricature.
- Et pour moi, reprit-elle, le plus simple est qu’on aille au Domaine. Ca me parait difficile que
je ne trouve pas ma dose là-bas.
Antoine prit délicatement ses mains et les repoussa doucement de sa poitrine.
- C’est vrai que ce serait sans doute une bonne idée mais je n’ai pas très envie de bouger. Et
puis je suis certain qu’il n’y a personne. On remet ça à plus tard ?
Loïc remarqua qu’Aude était repartie dans ses pensées. Qui avaient l’air intenses car elle
n’arrivait pas à empêcher les tremblements de ses lèvres. Comme si elle se parlait à elle-même.
-
-
-
A quoi tu penses ? Finit-il par lui demander.
Hein, à rien.
Allez, dis-moi. Ta bouche n’arrête pas de trembler et tu n’as pas touché à ton verre depuis
tout à l’heure. C’est d’ailleurs ce qui est le plus suspect. Dis-moi à quoi tu penses.
Bon, d’accord. Mais tu ne m’engueules pas et tu ne me juges pas OK ?
Promis.
Eh bien, depuis qu’on est allé au club…
Oui…
Ne me stresse pas s’il-te-plait. C’est déjà pas super évident donc essaie d’être patient !
Ok, excuse-moi. Vas-y à ton rythme.
Je disais donc, depuis qu’on est allé au club… eh bien j’aimerais bien coucher avec Tristan…
Et…
C’est tout, mais c’est déjà pas mal non ?
Si tu veux, mais ce n’est pas bien grave. Je te rappelle qu’ils sont libertins donc ça ne devrait
pas trop choquer ni Tristan ni Silène. Surtout si c’est pour elle que tu t’inquiètes. Je couche
assez régulièrement avec elle pour savoir qu’elle n’est pas particulièrement jalouse.
Oui, je sais, mais c’est pas simple je trouve.
Ca va l’être. Ecoute, je vais envoyer un SMS à Silène pour leur proposer de venir nous
rejoindre pour l’apéro. Et comme ça, je m’arrange pour être seul avec elle et comme ça tu
auras ton Tristan pour toi toute seule.
Ne te moque pas de moi.
Je ne me moque pas. J’essaie de t’aider. Ca te va comme deal ?
Oui, ça me va. Merci.
Bon, j’envoie ce texto.
Partie 5
- Maintenant que cette histoire de clés est réglée, reprit Nora, passons à la suite.
Elle regarda Julie puis Adrien. Ses yeux se posèrent à nouveau sur la jeune femme. Son
sourire s’élargit encore.
- Ma belle, je tiens à ce que tu sois parfaitement mise en valeur pour ce qui va suivre. Vas te
changer et mets la lingerie la plus sexy que tu aies.
Julie ne broncha pas. Elle se dirigea vers sa chambre pour faire ce qu’elle venait de lui
demander. Elle préférait ne pas se poser de question. Elle se dit que cela ne servirait à rien de deviner
ce qui se cachait dans le cerveau manifestement malade de Nora.
- A toi maintenant, dit soudain Nora en fixant Adrien. Qu’est-ce qu’on va bien pouvoir faire de
toi ?
Adrien ne comprit pas ce qu’elle voulait dire. Qu’entendait-elle par quoi faire de lui ?
- Je ne vais pas te demander de mettre de la lingerie, ce serait ridicule. A la place, tu vas te
déshabiller complètement.
Voyant qu’il ne réagissait pas, Nora haussa le ton.
- Allez, à poil ! Et dépêche-toi !
Adrien finit par comprendre qu’il devait obéir à cette femme qui en savait trop sur eux.
- Bon, maintenant que c’est fait, vas chercher une chaise dans la cuisine et ramène la. Tu la
mettras ici, au milieu du salon.
Julie réapparut à cet instant. Elle ne portait que des sous-vêtements en dentelle et des talons.
Nora la regarda et sourit. Satisfaite.
- Tu es magnifique, dit-elle simplement. Maintenant que tout est en place, je vais pouvoir aller
chercher la touche finale. Ne bougez pas je reviens.
Nora sortit rapidement de la maison. Julie et Adrien se regardaient aussi perdus l’un que
l’autre.
Deux minutes plus tard, Nora réapparaissait avec un immense sac de sport. Elle le déposa
devant elle.
- Maintenant on va pouvoir jouer.
Yamina était finalement repartie dans la chambre pour se changer une énième fois.
Contrairement à ce qu’il avait connu, il vivait très bien la situation. A croire que cette femme avait le
pouvoir de le rendre patient. Sans doute que son humour y était pour beaucoup. Il reconnaissait
volontiers que cela faisait partie intégrante des ses charmes.
Son téléphone sonna brièvement. Il venait de recevoir un SMS. C’était Chrystelle. Elle lui
disait qu’elle arrivait pour les accompagner à la soirée chez Carole et Pierre.
- Mon amour, dit-il à travers la porte.
- Oui, répondit la voix étouffée de Yamina.
- Je viens de recevoir un texto de Chrystelle. Elle arrive.
Aucune réponse pendant quelques secondes. Ralph se dit que la nouvelle qu’il venait
d’annoncer n’était pas bien reçue.
- Ca ne va pas ? Demanda-t-il.
- Pas trop…
- Qu’est-ce qu’il y a ?
- Je préfèrerais qu’elle ne nous accompagne pas.
- Pourquoi.
- Je ne veux pas. C’est tout. Dis le lui.
- Bien…
Ralph reprit son téléphone. Il écrivit le message en apportant toute la douceur qu’il fallait
pour que Chrystelle ne le prenne pas trop mal. Il savait que ce serait le cas de toute manière mais tant
pis.
Partie 6
Nolwenn boudait. Comme toujours quand tout ne se passait pas comme elle le souhaitait.
Antoine l’ignora du mieux qu’il le pouvait. Le téléphone de sa compagne vrombit un instant. Elle le
déverrouilla et lut le message qu’elle venait de recevoir.
- C’est Chrystelle, commença Nolwenn. Sa soirée est annulée et elle est un peu dégoutée. Elle
propose de passer la soirée avec nous. C’est possible ça ?
Le ton employé était volontairement piquant. Antoine se dit qu’il le méritait. Il préféra donc
ne pas relever.
- Oui, pourquoi pas, répondit-il simplement.
Cette réponse la surprit. Comment en tirer le plus de profit possible, se demanda Nolwenn. Et
si…
- Et si on allait au Domaine avec Chrystelle ? Ca serait cool non ? Et comme tu adores être
entouré de jolies femmes, là tu en aurais deux au lieu d’une seule. C’est pas mal non ?
Antoine éclata de rire. Il ne s’était pas attendu à ce revirement.
- Ok, dit-il, je m’avoue vaincu. On va aller au Domaine avec Chrystelle si elle en a envie.
- Yes, je savais que je finirais par te convaincre. Je lui annonce la bonne nouvelle.
Elle l’embrassa fougueusement sur la bouche et se rua sur son téléphone. Elle tapa son
message avec une frénésie proche de l’hystérie. Antoine la regardait amusé. Presque touché.
-
Mon chéri, criait Silène à travers tout l’appartement.
Tristan arriva dans le salon en courant et inquiet.
Qu’est-ce qu’il se passe ? Tu t’es fait mal ?
Non non, répondit calmement Silène, je viens de recevoir un texto de Loïc.
Qu’est-ce qu’il lui est arrivé ?
-
Rien, il nous propose de passer prendre l’apéro chez lui. On y va ?
Euh… tu hurlais uniquement pour ça ? Tu ne crois pas que c’était un peu excessif ?
Hein, mais non. Allez, calme toi, tout va bien, on va aller prendre l’apéro et tu vas pouvoir te
détendre.
Non.
Comment ça non ?
Je n’ai pas envie d’aller prendre l’apéro chez Loïc avec tous ses copains qui ne sont pas
particulièrement intéressants.
Il m’a dit qu’il n’y avait qu’Aude. Tu l’aimes bien Aude. Elle est cool non ?
Oui, Aude ça va. Elle est sympa. Il n’y a qu’elle ? Tu es sure ?
Certaine. Il vient de me le jurer.
Bon… Ok alors, on y va.
Episode 18
Partie 1
Nora ouvrit son sac. Elle farfouilla quelques secondes. Elle sortit une corde avec un sourire
triomphant.
- Voilà ce que je cherchais, dit-elle.
Elle se tourna vers Julie. Celle-ci n'avait pas bougé d'un millimètre.
- Ca va être à toi maintenant. Attache Adrien avec ça sur la chaise.
Julie eut un moment d'hésitation. Mais elle n'eut pas l'occasion de refuser.
- Allez, hurla Nora. Vas-y maintenant ! Fais ce que je te dis et plus vite que ça !
Julie finit par prendre l'objet que lui tendait Nora. Elle attendit qu'Adrien soit convenablement
installé avant de passer la corde à travers les barreaux de la chaise. Elle faisait attention à ne pas lui
faire de mal. Nora s'en aperçut.
- Sers plus fort, cria cette dernière. Je ne veux pas qu'il puisse se libérer.
Adrien se pencha vers la jeune femme transformée en esclave.
- N'hésite pas à serrer, murmura-t-il, je n'ai pas mal. Je te le dirai si c'est le cas.
Il n'avait pas été aussi discret qu'il le croyait. Nora l'avait entendu. Elle éclata soudain de rire.
Trop bruyant pour ne pas être forcé.
- Ce qu'il est chevaleresque, dit-elle ironique. Un vrai sauveur.
Ses yeux se posèrent de nouveau sur Julie.
- Ma pauvre, tu mérites tellement mieux. Je pense que je suis vraiment la meilleure chose qui
te soit arrivée.
Yamina et Ralph sortirent de l'ascenseur. Ils se dirigèrent vers l'appartement de Carole et
Pierre. Il n'eut pas le temps d'appuyer sur la sonnette que la porte s'ouvrit. Carole se tenait dans
l'encadrement avec un grand sourire et des yeux pétillants.
- Bonsoir jeunes gens, dit-elle malicieusement, il ne manquait plus que vous.
Elle posa la main sur le visage de Ralph et l'attira vers le sien. Leurs lèvres se trouvèrent
immédiatement.
Leur baiser dura quelques instants. Presque trop pour Yamina qui faillit y voir quelque chose
d'inassouvi. D'inavouable peut-être même. Mais elle n'eut pas le temps de rentrer en paranoïa. Carole
se détacha doucement de Ralph. Son regard se déplaça de cet homme vers cette femme. Elle y vit
une envie encore plus intense.
- Le meilleur pour la fin, asséna Carole.
Yamina lui rendit son sourire et colla son corps contre ce corps féminin qui les accueillait.
Leur étreinte dura beaucoup plus longtemps que celle avec Ralph. De la même manière, ce fut Carole
qui recula doucement. Yamina se sentait presque saoule.
- Je disais donc bonsoir, reprit Carole. Et maintenant je vous invite à entrer.
Ils suivirent la maîtresse de maison. Yamina remarqua des vêtements soigneusement rangés
dans la chambre où les dirigeait Carole.
- C'est bizarre, dit la jeune femme, quand on voit tout ça on se dit que tout le monde doit déjà
être entièrement déshabillé.
- Il y a de fortes chances, dit Ralph. C'est une soirée sans artifice.
- Tu me traduis ?
- Eh bien, tout le monde se met complètement nu avant d'aller dans les pièces communes.
Yamina fit une moue de déception.
- Tu aurais pu me le dire avant. J'aurais passé moins de temps à choisir mes affaires.
Partie 2
- Ben, c'est tout enfumé ici, dit Silène en guise de bonjour. Je vais ouvrir la fenêtre.
Le genre de comportement typique qui indisposait Tristan. Il associait cela à de la maladresse
et du sans-gêne. Il prit sur lui. Comme souvent. Pour ne rien dire. Pour ne pas faire de remarque
désagréable. Sachant que dans ce type de situation, sa compagne était incapable de comprendre le
caractère irrespectueux de son attitude. Et dire qu'elle était persuadée posséder un haut niveau de
psychologie et d'empathie, pensa Tristan. Autant laisser tomber pour l'instant.
Il serra la main de Loïc puis se dirigea vers Aude. Celle-ci souriait d'un air gêné. Il l'embrassa
sur les joues. Il ne remarqua pas le rouge qui apparut soudainement sur son visage. Silène quant à
elle s'en rendit compte. Elle alla vers leur hôte. Les bras écartés. Prêts à l'entourer. Loïc se laissa
faire. Elle en profita pour coller son corps contre le sien. Que chaque parcelle de peau découverte
puisse se frôler. Se toucher. Leurs lèvres se rencontrèrent. Jouèrent. S'attardèrent. Fusionnèrent.
Elle finit par se détacher de lui. Elle sourit. Pensant toujours à Aude et sa réaction
empourprée. Silène se demanda alors comment allait évoluer la soirée. Très bien espérait-elle.
La distance d'Antoine était trop flagrante. Nolwenn se posait encore plus de questions. Ou
plutôt, certaines d'entre elles commençaient à obtenir des réponses. Elle espérait malgré tout que
cette soirée au Domaine les rapprocherait. Elle comptait sur Chrystelle pour l'y aider. C'était un
souhait. Son vœu.
Ils étaient en retard. Nolwenn se sentait trépigner. Impatiente. Misant le tout pour le tout.
- Bonsoir, dit l'homme inconnu qui leur ouvrit la porte.
- Bonsoir, répondit Nolwenn avec un sourire qui se voulait enjôleur. On est deux.
Il les laissa passer. Le rite habituel de dépôt des affaires et de la prise de fiche se déroula
rapidement. Silencieusement. Mécaniquement.
Ils entrèrent dans la salle principale. Le bar était bondé. La piste de danse était bondée.
Nolwenn mit plusieurs minutes avant d'apercevoir Chrystelle. Elle avait un coude posé sur le
comptoir et sirotait une coupe de Champagne. Cette vision lui enleva une certaine tension. Elle prit la
main d'Antoine et le tira derrière elle. Son corps ressentit le manque de motivation flagrant de son
partenaire. Elle allait devoir se montrer très imaginative pour faire évoluer la situation. Et de
préférence dans son sens.
Partie 3
Julie finissait d’attacher Adrien. Nora la regardait. Attentive. Elle attendit que la jeune femme
ait fini sa tâche. Cette dernière se releva. L’homme était fermement entravé. Il ne pouvait plus
bouger.
Nora se déplaça vers Adrien. Elle vérifia elle-même que la corde était suffisamment serrée.
Elle se tourna vers Julie et s’approcha d’elle. Cette dernière avait la tête baissée. Les yeux fixés sur le
sol.
Une fois qu’elle jugea être assez proche de Julie, Nora prit son menton de la main et lui fit
lever la tête. Elle dirigea ses lèvres vers les siennes mais un mouvement inattendu les empêcha de se
toucher. Elle résistait. Ce n’était pas prévu. Ce n’était pas bienvenu.
La gifle survint immédiatement. Julie fut tellement surprise qu’elle n’émit aucun son. Le seul
bruit qui suivit fut un cri d’Adrien.
- Arrête ça espèce de folle ! Ne recommence surtout pas !
Nora posa son regard sur lui. Impassible. Comme s’il n’était pas là. Comme s’il n’existait pas
vraiment. Elle pencha le visage de côté en signe d’incompréhension. Elle se tourna à nouveau vers
Julie. Cette seconde gifle fut encore plus forte. Encore plus bruyante. Elle sourit. Satisfaite d’elle.
Jouissant du pouvoir qu’elle avait sur eux. Sur leur impuissance. Elle continua à regarder sa victime
le sourire aux lèvres.
- Je pense que tu as compris Adrien, dit Nora sans le regarder. A chaque fois que tu ouvriras la
bouche pour quelle que raison que ce soit, Julie recevra une baffe. Maintenant tu es prévenu
donc tu te tais et tu obéis. Et toi aussi d’ailleurs, ajouta-t-elle à l’intention de la femme qu’elle
regardait.
Yamina et Ralph passèrent la porte du couloir. Ils ne voyaient pas l’action mais l’entendaient.
Mais surtout ils sentaient. Cette odeur salée et animale. Cette odeur de sexe. Reconnaissable entre
toutes.
Ils passèrent la porte du fond. Ils se retrouvèrent dans la pièce principale. Elle était constituée
de canapés et de fauteuils. Avec évidemment les bibliothèques remplis de livres rares. Qu’ils soient
classiques ou érotiques et même parfois les deux. Une bonne douzaine de personnes était répartie
inégalement dans toute la pièce. Ils étaient tous nus. Yamina et Ralph l’étaient aussi. Le dresscode
était respecté. Yamina remarqua que même les talons étaient proscrits. Aucune femme ne portait de
chaussure. Cela l’étonna car c’était l’accessoire érotique indémodable.
Ils aperçurent Pierre le mari de Carole. Il était au bar en train de remplir des verres. Il ne
dérogeait pas à la règle, lui non plus ne portait aucun vêtement. Il jetait des coups d’œil dans un coin
de la pièce. Yamina suivit son regard et atterrit sur une scène qui comportait trois personnes. Deux
hommes et une femme. Celle-ci était assise sur une banquette. Sans doute un modèle Louis quelque
chose se dit Yamina. Elle n’y connaissait rien mais s’en fichait. Elle constatait surtout que l’objet
devait valoir une petite fortune. Cela lui fit presque mal au cœur quand elle constata que la femme en
question s’occupait de chacun des deux messieurs et des mains et de la bouche. Faisant tomber des
gouttes de fluides corporels ici et là. Et surtout sur le meuble en question.
Pierre se dirigea vers les trois protagonistes. Il servit d’abord les deux hommes qui avaient les
mains libres. Il dit quelque chose à la femme qui se recula doucement contre le dossier de la
banquette en souriant. Il lui tendit le verre qu’elle prit en le remerciant d’un clin d’œil.
Partie 4
Silène n’arrivait pas à se concentrer pleinement sur Loïc. Oui, il était beau. Ou tout du moins
il l’attirait beaucoup mais elle n’arrivait pas à s’empêcher de jeter des coups d’œil discrets sur les
deux autres personnes à côté d’elle. Tristan et Aude étaient en pleine discussion depuis une bonne
vingtaine de minutes. Contrairement au sien, leurs verres ne désemplissaient pas. Comme si leurs
paroles leur suffisaient.
Silène ne crut pas un instant que des sentiments pouvaient naitre dans le cœur de son homme.
Il avait déjà beau à faire avec elle et Aurore. Il n’y avait plus de place pour personne d’autre. Par
contre, Aude semblait vraiment attentive. Sous le charme. Elle espéra que cette dernière n’attendait
rien d’autre de la part de Tristan que d’un bon moment. Il était incapable de plus.
Autant s’en donner le cœur net et les laisser se gérer tous les deux, se dit Silène. Elle
s’approcha dangereusement de Loïc. Celui-ci l’accueillit avec plaisir et douceur. Leurs mains
caressèrent leurs dos respectifs. Leurs lèvres se rencontrèrent de nouveau. A croire que cela faisait
une éternité. Elle appréciait particulièrement les baisers de cet homme. Bien que ceux de son
compagnon étaient ses préférés, ceux-ci étaient bon seconds.
Elle s’approcha de l’oreille de leur hôte.
- J’ai l’impression que comme moi tu as très envie et qu’on le vivra très mal si rien ne se passe,
chuchota-t-elle.
- Oui, en effet, articula-t-il difficilement tellement sa gorge était sèche. Viens.
Il la prit par la main et l’attira dans sa chambre. Silène se retourna pour fermer la porte et
constata que Tristan et Aude continuaient leur discussion. Ils s’absorbaient tellement l’un l’autre
qu’ils ne voyaient plus ce qui les entourait.
-
Salut, dit Nolwenn faussement de bonne humeur. Ca va toi ? Ca fait longtemps que tu es là ?
Non, répondit Chrystelle. A peine une dizaine de minutes. Regarde mon verre, il n’est pas
encore vide.
Elles éclatèrent de rire. Encore une blague d’anciennes combattantes, se dit Antoine. Il
pensait que la présence de Chrystelle le dériderait un peu mais ce n’était pas le cas. Ou alors l’effet
était à retardement. Comme ils étaient au bar, autant commander.
- Tu veux boire quoi ? Demanda-t-il à Nolwenn.
- Euh… comme elle.
- OK, S’il vous plait, deux coupes. Merci.
Le champagne arriva dans la minute qui suivit. Ou presque. Antoine sirotait son verre en
regardant distraitement l’action qui se déroulait sur la piste de danse. Rien de transcendant. Toujours
les mêmes tentatives d’approches. Certaines se terminant sur un succès et d’autres non.
Les deux jeunes femmes essayaient quant à elles de maintenir une conversation. Elles
tentaient vainement de rebondir sur ce que disait l’autre. Rien de très concluant non plus. Nolwenn
soupira fortement et longtemps.
- Qu’est-ce qu’il se passe ma belle ? Demanda Chrystelle.
- J’m’ennuie mais alors j’m’ennuie.
- Sympa, et moi qui comptait sur toi pour mettre un peu d’ambiance.
- Désolée, c’est pas toi. Je trouve juste qu’il manque quelque chose mais je ne sais pas quoi.
- Ah si, moi j’ai une idée. Tu viens avec moi ?
Nolwenn sourit. Elle comprit le sens caché de la phrase de son amie.
- Hum oui, je crois comme toi qu’il est temps qu’on aille se repoudrer le nez. Mon chéri, ditelle à l’intention d’Antoine, tu nous attends ? On revient tout de suite.
Elles allèrent en sautillant vers les toilettes des femmes. Antoine comprit que ce n’était pas ce
soir là que Nolwenn allait ralentir sa consommation de cocaïne.
Partie 5
Nora força une nouvelle fois Julie à l’embrasser. Elle se laissa faire. Forcément. Elle n’avait
plus d’autre choix. Sa tortionnaire faisait durer le plaisir. Elle gardait ses lèvres collées contre les
siennes. Elle maintenait fermement son menton pour qu’elle ne puisse pas reculer son visage.
Nora la repoussa soudain. Julie dut se retenir au dossier d’une chaise pour ne pas trébucher.
- Bon, on va s’amuser maintenant. Julie, vas te mettre à genou devant Adrien.
Elle le regarda avec interrogation. Il lui fit signe de la tête d’obéir pour le moment. Il serait
toujours temps après de réagir si besoin. Elle alla se positionner telle que l’avait demandé Nora.
Celle-ci jubilait. Jouissant entièrement du plaisir que lui procurait cette sensation de puissance. Ce
sentiment de domination.
- Bien, suce-le maintenant.
Julie se dit que si ce n’était que cela, ça irait. Elle prit le sexe de sa main droite et le dirigea
dans sa bouche. Elle s’appliquait tant bien que mal mais la rigidité ne semblait pas vouloir venir.
Nora s’en aperçut. Elle gifla violemment Adrien.
- Mais tu vas bander oui ! cria-t-elle.
Nora lui lançait un regard haineux. Comme s’il personnifiait la cible de toute la rage qu’elle
avait dû accumuler durant sa vie. Elle jeta un coup d’œil pour voir si le membre d’Adrien gonflait
mais non. Toujours rien. Elle le gifla à nouveau.
- Mais bande bordel ! Comment tu peux oser ne pas bander devant une femme pareille ? Tu
n’as pas honte ? Tu te crois digne du nom d’homme ?
Julie décida de s’appliquer encore plus. Pour qu’il réagisse. Comme il réagissait
habituellement. Elle sentit que ses mouvements faisaient enfin de l’effet. Elle ne s’arrêta pas pour
autant. Bien au contraire. Elle voulait tout faire pour qu’il ne se fasse pas battre à nouveau. Nora
sourit à la vue de l’érection.
Elle poussa alors Julie sans ménagement. Cette dernière se retrouva les fesses sur le sol. Nora
se mit sur Adrien. Elle prit son sexe dans la main et l’introduisit en elle sans préservatif. Il émit un
léger cri de douleur. Elle le gifla une nouvelle fois pour qu’il se taise. Elle commença les vas et
viens. Son sourire s’agrandissait.
- Je vais te faire jouir, dit-elle à Adrien. Je vais te faire jouir en moi. Et on sait jamais, peut-être
qu’avec un peu de chance je tomberai enceinte de toi.
Yamina sentit un corps se coller contre son dos. Elle reconnut celui d’une femme. La poitrine
n’était pas opulente mais ferme. La femme avait posé ses mains sur ses hanches. Elle sentit un
morceau de tissu entre ses doigts. Quelque chose de doux. Comme du velours. Un bandeau noir
apparut devant ses yeux. Elle eut un mouvement de recul.
- Laisse-toi faire, lui murmura Ralph, je te promets que tu vas adorer.
Elle regarda ces yeux qui portaient tout l’amour de cet homme qui lui était destiné. Elle lui
faisait entièrement confiance à cet instant. Pour tout ce qui pouvait le concerner. Pour tout ce qui
pouvait la concerner. Elle l’écouta. Elle s’abandonna au jeu. Un voile noir remplaça la luminosité de
la pièce. Le bandeau lui avait enlevé toute visibilité. Elle sentit la poitrine se décoller de son dos. Une
main, qui semblait venir du même corps, prit la sienne. Elle l’attira vers elle. Yamina la suivit. Elle
sentit qu’elle était emmenée vers une autre pièce. Elle faillit sursauter. Des mains la touchaient. La
frôlaient. La caressaient. Avec douceur. Sans pour autant s’attarder.
Partie 6
- Tu sais, reprit Aude, cette expérience au club était vraiment surprenante. Je m'attendais à tout
sauf à ça.
- Qu'est-ce qui t'a le plus surprise ? Demanda Tristan.
- Sans doute le respect des femmes. Je voyais plutôt une armée d'obsédés qui allait me sauter
dessus.
- Contrairement à ce que tu as pu connaître dans les boites. J'ai bon ?
- Exactement...
Elle sourit. Elle était séduite. Elle scruta les yeux de Tristan pour y distinguer la moindre
trace d'attirance. Elle y décela quelque chose mais elle hésita. Ce n'était pas certain qu'il s'agissait de
ce qu'elle attendait. Elle n'était d'ailleurs pas convaincue qu'il se rendait compte de l'effet qu'il avait
sur elle.
- Et d'ailleurs, continua Aude, j'aimerais bien y retourner.
Elle accompagna ses paroles d'un geste simple. Elle posa sa main sur sa cuisse. Elle sentit une
réaction de surprise. Mais impossible de savoir s'il trouvait cela agréable ou non.
- Je pense qu'on peut organiser une autre sortie, dit Tristan. Mais juste par curiosité, cette fois
tu voudras participer ?
Son visage s'empourpra. Peut-être qu'il comprenait finalement.
- Oui, je crois que j'aimerais bien justement.
Tristan sourit.
- Parfait, j'en parle à Silène et on voit quand on peut faire ça. C'est elle qui tient le planning.
Non, finalement il n'avait pas compris. Aude retira sa main de sa cuisse pour prendre son
verre. Pas la peine d'insister.
Elles arrivèrent dans les toilettes des femmes. La notion de non-mixité dans ce genre d'endroit
avait toujours amusé Chrystelle. Presque toutes les femmes étaient bisexuelles. Aucune d'entre elles
n'y était en sécurité.
Les deux portes affichaient le voyant rouge. Nolwenn et Chrystelle se regardèrent. Leurs
visages exprimaient la déception et l'impatience. Elles ne purent s'empêcher d'éclater de rire.
- Merde, dit Nolwenn, on va devoir attendre.
- Ben oui, mais ça n'en sera que mieux.
Une porte s'ouvrit laissant passer une immense blonde. Elles la regardèrent. Elle les ignora.
Elles haussèrent les épaules puis s'enfermèrent toutes les deux.
- On essaie de faire ça vite, reprit Chrystelle.
- No stress, on s'ennuie trop ce soir pour ne pas le faire correctement. Et puis on l'a mérité
toutes les deux.
Nolwenn prépara ce qu'il fallait.
- Après toi, dit-elle.
Chrystelle aspira la moitié. Nolwenn prit la seconde. Elles se regardèrent et éclatèrent de rire
à nouveau.
- Oui, dit Nolwenn, c'est pas assez. Encore !
Elle se remit à son atelier. Elles entendirent quelqu'un frapper à la porte.
- Dépêchez vous, dit une voix féminine, ça urge !
- Du calme, répondit Nolwenn, on finit et on te laisse la place.
- Allez !
Les coups recommencèrent. Plus bruyants.
- Toi, murmura Nolwenn, tu ne sais pas ce qui t'attend.
Elle ouvrit soudain la porte puis attira la femme dans les WC. Elle referma la porte derrière
elle.
- Vas-y maintenant. Et après tu es à nous.
Episode 19
Partie 1
Le corps de Nora continuait ses vas et viens. De haut en bas. Elle faisait face à Adrien qui
refusait de la regarder. Julie était toujours assise sur le sol. Elle regardait la scène sans trop
comprendre ce qu’il se passait. Il y avait quelque chose d’irréel. Elle ne pouvait s’enlever de l’idée
que ce n’était pas vrai. Que c’était un cauchemar. Qu’elle allait se réveiller dans son lit en sueur.
- Mais concentre-toi un peu, dit Nora. Tu n’es tellement pas à ce que tu fais que je n’arrive pas
à jouir. Bon, je sais ce que je vais faire.
Elle se leva soudain. Sans ménagement pour l’homme qui lui servait de sex-toy. Elle se
retourna pour faire face à Julie. La vision de cette femme la fit sourire. Elle éveillait en elle une
excitation incontrôlable.
Nora tournait maintenant le dos à Adrien. Elle dirigea à nouveau son sexe pour qu’il la
pénètre.
- Voilà, dit-elle, c’était ce qui me manquait. Ne plus te voir et voir ta femme. C’est nettement
plus bandant.
Nora s’agita de nouveau. Avec frénésie. Elle voulait atteindre l’orgasme. Cela semblait être
son seul désir. La dernière chose qui avait encore du sens. Mais cela ne venait toujours pas.
- Eh merde, gémit-elle. Je n’y arrive pas. Bon, Julie, viens et lèche moi pendant qu’il me saute.
Ca devrait faire l’affaire.
Julie ne réfléchit pas. Elle rampa vers cette femme qui les considérait comme ses esclaves.
Elle posa ses mains sur ces cuisses. Elle embrassa les deux sexes qui se confondaient dans l’action.
Elle s’appliqua.
Yamina était toujours aveuglée par le bandeau. L’inconnue la dirigeait toujours dans
l’appartement.
Elles passèrent une porte. La femme la fit s’asseoir sur un lit. Yamina se demanda pendant un
instant s’il s’agissait d’une chambre d’enfant ou non. Cette question disparut aussi subitement qu’elle
était venue. Elle sentit aux mouvements des draps et du matelas que d’autres personnes étaient
présentes.
Elle sentit les mains de son escorte se poser sur ses cuisses. Elle les caressa. Les écarta.
Yamina sentit les cheveux de cette femme sur ses jambes. Puis le baiser. Il s’était posé délicatement
sur son sexe. Elle laissa s’échapper un soupir. L’habileté de la langue de l’inconnue y était pour
beaucoup.
Des lèvres masculines se firent sentir sur sa nuque. Puis dans son cou. Les caresses des mains
suivirent. Elles exploraient l’ensemble de son corps. L’une d’entre elles s’arrêta sur sa poitrine. Elle
appuya légèrement. Joua avec une extrémité. Jusqu’à ce qu’elle durcisse.
Yamina voulait leur rendre la pareille. Caresser les cheveux de l’une puis de l’autre ne lui
suffisait plus. Elle fit glisser sa main derrière elle pour trouver le ventre de ce nouveau partenaire.
Elle la fit descendre pour saisir ce sexe qu’elle désirait. Elle fit comprendre à cet homme qu’il fallait
qu’il se déplace légèrement pour qu’elle puisse avoir ce qu’elle veut. Lui. Dans sa bouche.
Maintenant.
Partie 2
- C'est vrai que j'aime bien l'idée qu'on retourne en club ensemble. Surtout si c'est parce que tu
veux participer. Tu me confirmes que ce n'est pas pour nous faire plaisir à Silène et moi ?
Que c'est bien ton envie ?
Aude fit une moue incertaine. Difficilement interprétable. Elle était sur le point de répondre
lorsque le téléphone de Tristan sonna brièvement. Sans doute un SMS se dit-elle.
- Désolé, reprit Tristan, tu m'en veux pas si je regarde qui c'est ?
Il n'attendit pas la réponse. Il prit l'objet et le déverrouilla. A la vue de l'expéditeur, ses lèvres
s'arquèrent en un léger sourire. Qui s'agrandit au fur et à mesure de la lecture.
- Vraiment désolé, dit Tristan, c'est encore plus malpoli mais je vais répondre.
Il ne demanda aucune autorisation. La réponse sembla difficile à écrire. Il souriait toujours
mais se mordillait les lèvres. Comme s'il cherchait les phrases justes. Les mots justes. Il relut une
dernière fois. Il envoya.
- Voilà c'est fait, dit-il enfin. Désolé vraiment, c'était relativement important. C'était Aurore.
- Qui c'est Aurore ? Ta maîtresse ?
- Je préfère dire amante mais oui c'est ça. Ça te choque ?
Oui ça la choquait. Non elle ne l'avouerait pas.
Vous savez, dit l’inconnue, ça ne me dérange pas qu’on me regarde en train de faire pipi. Il
en faut plus pour me choquer.
Nolwenn lui sourit. Elle ne voulait pas la choquer. Elle voulait passer du bon temps. Elle
attira le visage de la jeune femme vers le sien.
- Je ne veux pas te choquer, je veux t’embrasser.
Ce qu’elle fit. Il n’y eut aucune résistance. Nolwenn se recula puis prit quelques feuilles de
papier hygiénique.
- Et maintenant, je vais t’essuyer. Pendant ce temps, fais connaissance avec ma copine
Chrystelle.
Cette dernière s’approcha à son tour. Une excitation animale régnait dans l’espace confiné.
- Comment tu t’appelles au fait, demanda Nolwenn en faisant glisser une main entre ses
cuisses.
- Moi c’est Vanessa et vous ?
- Elle c’est Chrystelle et moi Nolwenn. Tu vas venir jouer avec nous maintenant.
Elles sortirent des toilettes. Les lèvres des trois femmes se mélangeaient les unes les autres.
Leurs mains passaient d’un corps à l’autre. D’une anatomie à l’autre.
En les voyant revenir vers lui, Antoine stoppa son verre à mi chemin entre sa bouche et le bar.
Il lança un regard interrogateur vers sa compagne.
- Est-ce que je veux vraiment savoir ? Lui demanda-t-il.
- Tout va bien mon chéri, lui répondit Nolwenn. On est en forme et la soirée va pouvoir
commencer.
-
Partie 3
Adrien se concentrait pour se retenir. Les mouvements de Nora ne s’arrêtaient pas et ne
diminuaient pas. Voire même, augmentaient d’intensité. Il n’en pouvait plus. Il allait bientôt craquer.
Julie comprit au gémissement qu’il produisit et des spasmes qui s’ensuivirent que son
compagnon n’avait pu aller plus loin. Par réflexe, elle retira sa langue du sexe de Nora. Cette
dernière ouvrit les yeux. Surprise. Elle la regarda. Interrogative.
Nora leva la main qui s’abattit ensuite violemment sur la joue de Julie.
- Qui t’a dit de t’arrêter ? Hurla Nora. Continue ce que tu faisais.
- Ne la touche pas, cria Adrien à son tour.
Cette intervention se traduisit par une seconde puis une troisième gifle.
- Tu ne comprends vraiment rien, lui dit Nora sans se retourner. Comme je te l’ai dit tout à
l’heure : tu l’ouvres, je la frappe. Tu ne fais pas ce que je t’ordonne, je la frappe. Alors cesse
de faire le con et obéis moi.
Elle sembla se calmer. A croire que ces sursauts de violences la réconfortaient. Elle
recommença ses vas et vient. Elle mit la main derrière la tête de Julie pour ramener sa bouche sur son
clitoris. Du liquide masculin s’écoulait de son vagin. Elle donna des mouvements pour obliger son
esclave du moment à l’avaler.
Yamina était toujours dans le noir. Elle continuait à s’occuper du sexe masculin avec ses
lèvres et sa langue. L’inconnue faisait de même avec son intimité. Les mouvements étaient doux et
attentionnés. Elle savait exactement ce qu’elle faisait. Elle réussissait à alterner les montées et les
descentes. Pour son plus grand plaisir.
Les mouvements évoluèrent. Yamina se demanda se qui provoquait ce changement. Elle posa
une main sur les cheveux longs, légèrement bouclés. Pour essayer de suivre cette transformation. La
femme semblait retrouver une motivation. Plus sexuelle. Plus dirigée. Puis des saccades. Régulières.
Comme si quelque chose ou quelqu’un devenait maitre de son corps. De part l’ondulation du visage
de sa partenaire, Yamina comprit. Elle sourit. Un nouvel équipier avait pris place. Sans doute un
homme. Qui devait être en elle. Qui s’enfonçait en elle. Puis se retirait.
L’effet que cela produisit sur elle sembla proche de celui qu’avait ressenti son inconnue. Une
hausse de motivation. Elle pressa le visage de son escorte sur sa féminité. Elle voulait la sentir encore
plus fort. Elle accéléra les caresses qu’elle prodiguait à l’homme dont elle continuait de s’occuper.
Les quatre corps se mélangeaient. Fusionnaient. S’associaient pour atteindre le même but. La même
fin. Le même aboutissement.
Partie 4
- A ton visage je dirais vraiment que ça te choque, continua Tristan.
- Oui et non, répondit timidement Aude. Je trouve ça plus bizarre que choquant.
- Comment ça bizarre ?
- Ecoute, sois réaliste. Ca n’arrive jamais ce genre de situation. Qu’un couple arrive chez un
ami, que la femme aille dans la chambre de cet ami pour coucher avec, laissant l’autre avec
une quasi inconnue juste au moment ou sa maîtresse lui envoie un texto.
- Amante, j’insiste.
- Si tu veux. Surtout qu’en plus cette inconnue n’est pas trop dégueu et qu’il n’est pas mal non
plus. Comment se fait-il qu’on en arrive là ?
- Là ou uniquement là ?
Incroyable, se dit Aude. Il comprenait enfin qu’elle essayait de le séduire. Peut-être allait-il
même passer à l’étape suivante. Du moins, celle qu’elle espérait voir suivre.
- Mais on s’égare, reprit Tristan. Je comprends ce que tu dis et non ça n’est pas bizarre, c’est
juste différent de ce que tu connais et de ce que tu as entendu. Aurore comprend cela très
bien. D’ailleurs, ça ne l’empêche pas d’être amoureuse de moi ni moi d’elle. Et pourtant, elle
pourrait faire succomber presque tout le monde. Elle est très belle, très intelligente et très
fine. A la rigueur, c’est même ça le plus surprenant. Comment une femme aussi
exceptionnelle qu’elle a pu tomber amoureuse de moi ? Je me pose la question tous les jours
et je n’ai pas de réponse. Surtout quand elle sait que je vis avec une autre et que je l’aime…
Il était reparti, se dit Aude. Il ne la verrait plus. Elle était de nouveau invisible.
Désolée les filles, dit Vanessa, je dois vous laisser. J’ai mon mec à retrouver et il va être très
content.
- Pourquoi sera-t-il aussi content demanda Nolwenn ?
Vanessa s’approcha dangereusement d’elle pour l’embrasser. Le baiser fut suffisamment long
et intense pour que Nolwenn garde les yeux fermés une fois fini. La jeune femme reprit sa respiration
avant de continuer.
- Parce que vous m’avez excitée comme jamais et que c’est lui qui va en profiter. Il ne vous
connaitra pas mais je peux vous dire qu’il vous aime déjà. A une prochaine les filles.
Elles la regardèrent s’éloigner. Chrystelle souriait. Nolwenn non.
- Ca ne va pas ? lui demanda Chrystelle.
- Non.
-
Pourquoi ? C’est quand même pas parce qu’elle part ?
Si.
Allez viens, on va aller danser.
Je n’ai pas envie de danser j’ai envie de baiser.
Ca va en être très proche. Fais-moi confiance.
Nolwenn regarda son amie qui lui fit un clin d’œil malicieux. Elle lui prit la main et l’entraina
sur la piste de danse.
Nolwenn se sentait gauche. Presque tétanisée. Chrystelle colla alors son corps contre le sien.
Elle mit sa main sur le bas de son dos et l’attira à elle. Pour que leurs sexes se touchent à travers le
tissu de leurs culottes. Elle fit rouler ses hanches. Invitant celles de sa partenaire à faire de même.
Elle remonta sa main et roula le haut de la jeune femme sous ses doigts, dévoilant le soutien-gorge de
celle-ci. Elle le déboutonna et l’embrassa en même temps. Faisant ainsi accepter ces gestes.
Nolwenn ressentait son excitation et celle de cette femme qui la caressait. Elle devenait
physique. Presque palpable. Ce qui la surprenait était que ce n’était pas elle qui était à l’origine de
l’action. Pour une fois, elle suivait. Elle sourit en se rendant compte qu’elle s’y faisait très bien.
-
Partie 5
Nora hurla. Enfin se dit Adrien. Elle avait enfin jouit. Il était en sueur. Son bas ventre lui
faisait mal. Il pensait que cette femme était moins douce que le dernier des légionnaires.
Nora releva le visage de Julie et lui sourit. Elle l’embrassa doucement sur la bouche. Comme
une amante ordinaire. Elle se tourna vers Adrien et fit de même.
- Merci mes petits esclaves, dit-elle, vous avez bien travaillé.
Elle se leva lentement. Elle s’étira. Elle allait sortir de la pièce mais se retourna avant d’avoir
atteint la porte. Elle ne souriait plus.
- Je vais aller prendre une douche. Ne bougez pas. Je vous veux dans la même position à mon
retour.
Elle disparut dans le couloir.
Julie et Adrien se regardaient. Ils n’osaient même pas parler. Ils entendirent le bruit de la
douche. Cela ne suffit pas à les détendre.
Une dizaine de minutes plus tard, l’eau arrêta de couler. Le sèche-cheveux s’actionna. Ils ne
bougeaient toujours pas. Ils ne parlaient toujours pas. Ils restaient tétanisés.
Nora apparut toute pimpante. A nouveau avec un large sourire.
- Qu’ils sont mignons, dit-elle. Je suis très fière de vous, vous m’avez obéi. C’est bien.
Elle marqua une pause.
- Julie, tu pourras détacher Adrien une fois que je serai partie. Tu seras gentille de ranger la
corde dans le sac après. D’ailleurs, merci d’y faire très attention, on l’utilisera à nouveau la
prochaine fois.
Nora n’ajouta pas un mot. Elle mit son manteau et sortit de la maison. Les laissant derrière
elle tels les objets qu’ils étaient devenus.
L’homme dont elle s’occupait la repoussa doucement pour libérer son sexe. Il l’allongea de
telle manière qu’elle comprit qu’elle se retrouvait allongée sur le dos à côté de son inconnu. Il la
caressa pour la garder humide. Elle entendit au bruit qu’il mettait un préservatif. Elle mouilla
d’autant plus. Elle devina l’approche du membre dressé entre ses cuisses. Elle le sentit soudain en
elle. Malgré le plastique.
Elle allongea le bras pour profiter pleinement de l’instant. Elle sentit une main féminine. Son
inconnue. Elles s’enlacèrent les doigts. Au mouvement des corps, Yamina perçut qu’elles se faisaient
prendre de la même manière. Dans la même position. Au même rythme.
La main qu’elle tenait se libéra. Remonta le long de son bras. Atteignit ses seins. S’y attarda.
Les malaxa. Les fit durcir comme seule une femme sait faire. Ses lèvres suivirent. Accompagnant les
doigts. Puis vint la langue. Douce et humide.
Yamina se sentait au bord de l’explosion tout en en étant encore loin. Elle se sentait
finalement plus proche d’une implosion. Son corps se tendait puis se détendait. Et se tendait à
nouveau. Elle voulait que cet instant dure indéfiniment.
Partie 6
Le rythme de Tristan avait changé. Il enchaînait maintenant verre sur verre. Aude constatait
que son élocution commençait à en souffrir. Elle préféra ne pas le suivre. Elle tenait à garder le
contrôle. Elle voulait voir aussi comment allait évoluer son discours.
- C'est assez génial et assez compliqué en même temps ma situation, reprit Tristan entre deux
gorgées.
- Tu parles d'être en couple avec Silène et d'avoir Aurore comme amante ?
- Oui, exactement. Je me rends compte qu'elles sont complémentaires. Elles m'apportent des
choses différentes. Par exemple, Silène est très séductrice. Quand on arrive quelque part, tout
le monde veut coucher avec elle. Homme comme femme. C'est assez impressionnant.
- Et tu n'es pas jaloux ?
- Pas du tout. Je sais qu'à la fin, ce sera avec moi qu'elle rentrera.
Il marqua une pause pour se resservir un verre.
- Et Aurore ça n'a rien à voir. Elle n'a pas ce genre de pouvoir mais par contre elle est très
intelligente. Elle a sans doute le cerveau le plus violent que j'ai rencontré. J'ai tendance à me
sentir bête à coté d'elle. Que ce soit en matière de culture générale comme d'intelligence pure.
Elle comprend tout très vite. Elle a des facultés d'analyse très impressionnantes. Ce n'est pas
le cas de Silène.
- Tu te rends compte que tu es en train de comparer deux femmes que tu dis aimer.
- Non, je ne les compare pas vraiment. Je dis les qualités de chacune. Et fatalement, elles n'ont
pas les mêmes. C'est normal, elles sont différentes. Comme toi, tu es différente d'elles. Tu
n'auras pas leurs qualités mais tu en auras d'autres. Je ne te connais pas encore suffisamment
pour dire lesquelles mais je sais que je finirai par les découvrir.
Il se servit encore une fois. Il ne se rendit pas compte qu'il venait de faire une grosse erreur.
Non seulement on ne parle pas des deux femmes que l'on aime devant une autre qui est
potentiellement attirée. Mais surtout, on ne compare pas cette dernière aux deux précédentes.
Depuis qu'elles dansaient, et surtout depuis qu'elles se dévêtaient mutuellement, elles
accaparaient l'attention de tous. De ceux qui dansaient comme de ceux qui gardaient la position de
simple observateur. Elles ne portaient plus qu'une jupe chacune. Leurs lèvres ne se quittaient plus.
Leurs mains exploraient leurs corps respectifs. Plus personne n'existait.
Antoine les observait lui aussi. Que Nolwenn commença à faire l'amour à une autre femme
sur la piste de danse ne le surprenait pas. Par contre, que ce fut Chrystelle qui ait commencé était
plus inattendu. Mais la maitrise de la situation était passée d'une main à l'autre. Nolwenn savait
pertinemment ce qu'elle faisait. Et elle le faisait consciencieusement.
Il ne fut donc pas surpris quand le corps de Nolwenn descendit progressivement le long de
celui de Chrystelle. Et que la jupe de cette dernière s'effaça pour ne laisser qu'un ultime rempart entre
sa compagne et la féminité recherchée. Lorsque la langue l'atteignit, un spasme violent traversa
Chrystelle de part en part. Nolwenn s'attarda. Insista. Jusqu'à ce que les convulsions soient de plus en
plus régulières. De plus en plus rapprochées. Jusqu'au hurlement. Celui que tous les spectateurs
attendaient.
Chrystelle était effondrée par terre. Haletante. Nolwenn la prit tendrement dans ses bras. Elles
entendirent les applaudissements de l'assemblée. Elles se regardèrent. Satisfaites l'une et l'autre. Puis
s'embrassèrent.
Episode 20
Partie 1
Nora était partie depuis plusieurs minutes. Julie était assise par terre. La tête baissée. Elle
n'osait pas regarder Adrien. Ses joues étaient couvertes de larmes.
- Je suis désolé, dit celui-ci. Je suis vraiment désolé.
Il se mit à pleurer à son tour. Julie leva enfin les yeux. Elle se déplaça péniblement jusqu'à
lui. Elle défit les nœuds de la corde qui l'entravait. Ses pleurs redoublèrent.
- Je suis désolé, reprit Adrien. Je n'aurais jamais dû parler et crier. C'est ma faute si elle t'a
frappée.
- Ce n'est pas grave, répondit-elle. Tu n'y es pour rien. C'est elle la cause de tout. C'est de sa
faute à elle. Ni la tienne, ni la mienne.
- Mais si je n'avais rien dit, elle ne t'aurait pas giflée. Elle m'avait prévenu pourtant mais je ne
pouvais pas faire autrement. Je n'arrivais plus à réfléchir.
- Ne t'en veux pas. Je t'en prie ne t'en veux de rien. J'ai vécu pire avec Gabriel. Je t'aime
Adrien. Je ne veux pas que tu culpabilises pour quelque chose dont tu n'es pas responsable.
- Je suis désolé, je suis vraiment désolé.
Ses larmes s’intensifièrent. Il ne pouvait plus dire autre chose que ces mots. Il ne pouvait plus
penser correctement.
Yamina se retenait depuis quelques minutes déjà. Elle savait qu'elle ne pourrait pas le faire
encore bien longtemps. Elle entendit un hurlement. Elle fut surprise de constater qu'il venait de ses
propres cordes vocales. Elle était partie tellement loin que son esprit s'était presque détaché de son
corps. Elle repoussa la main féminine qui continuait à caresser son intimité. Son corps ne pouvait
plus supporter que la touche masculine qui se trouvait en elle.
Ses trois partenaires émirent des cris et des soupirs les uns après les autres. Ils étaient arrivés
au même point qu'elle. Elle ne les voyait toujours pas. Elle ne savait pas qui ils étaient ni a quoi ils
ressemblaient. Peu importait se dit-elle. Le résultat était là et bien là.
- Si vous ne m'enlevez pas ce bandeau je ne pourrai pas vous reconnaître, soupira-t-elle.
Aucun son ne fit écho à ses paroles. Ce qui s'ensuivit fut uniquement le contact de trois paires
de lèvres différentes.
La femme remit sa main dans la sienne. Elle la guida hors du lit puis hors de la pièce. Elle
sentit une prise différente quelques minutes plus tard. Des mains, masculines cette fois, lui enlevèrent
le morceau de tissus qui l'aveuglait. Elle se retrouva à côté du bar face à Ralph qui lui lançait un
sourire satisfait. Qu'elle lui rendit. Sans ajouter aucun mot.
Partie 2
La porte s'ouvrit. « Enfin » se dit Aude en regardant Tristan. Il avait les yeux rouges. Injectés
de sang. Le symptôme d'un état éthylique plus qu'avancé. Silène passa devant Loïc en lui tenant la
main. Elle souriait. Contentée. Elle croisa le regard de son compagnon et changea d'expression. Elle
voyait qu'il était saoul.
- Eh bien ça a l'air de s'être bien passé vous deux.
Aude soupira.
- Oui, mais vous m'avez quand même un peu manqué, dit-elle en jetant un coup d'œil à Tristan
dont le sourire alcoolisé valait tous les discours du monde.
- Mon amour, bafouilla-t-il, je viens de recevoir un SMS d'Aurore et moi ça va plutôt bien. Ça
me rend encore plus amoureux de toi.
- Je ne sais pas si c'est vrai, commenta Aude, mais ce que je peux te dire c'est qu'il n'a pas
arrêté d'en parler.
Aude soupira à nouveau. Mais cette fois, c'était par dépit. À la limite de la jalousie. Elle avait
commencé à y croire un peu plus tôt dans la soirée. Surtout quand Silène et Loïc s'étaient absentés.
Le moment idéal pour passer un instant agréable s'était-elle dit. Mais non. Un SMS avait réussi à
changer la donne. Elle observa Silène et comprit qu'elle n'était pas la seule à avoir été impactée.
Cette aventure n'était pas aussi bien vécue que le prétendait ou le pensait Tristan. La suite serait sans
doute intéressante.
Antoine considéra que le spectacle qu'elles avaient donné méritait une récompense. Il était
assis sur un tabouret, accoudé au bar du Domaine. Il se tourna et fit un signe au barman.
- Oui ? Lui demanda ce dernier.
- Tu pourrais me donner trois coupes de champagne s'il-te-plaît ?
- Ok, tu me rappelles les noms sur ta fiche.
- Nolwenn et Antoine.
Le barman prépara les verres. Il alla rechercher le papier dans la boîte qui en contenait sans
doute une bonne centaine, et le mît à jour.
Les deux jeunes femmes se décidèrent enfin à le rejoindre. Il les attendait. Souriant
largement.
- Ça va ? Demanda Antoine en connaissant très bien la réponse.
- Ça va très bien, répondit Chrystelle avec un grand sourire satisfait.
- Je m'en doutais un peu. Je vous ai pris ça, ajouta-t-il en désignant les coupes de champagne.
C'est très mérité.
- Merci, je suis bien d'accord avec toi. Ça faisait très longtemps qu'on ne m'avait pas regardée
aussi lourdement, murmura Nolwenn en désignant discrètement l'homme juste derrière elle.
- Oui, mais ça valait le coup, répliqua Chrystelle en la prenant par la taille. Mais maintenant je
suis vannée.
- Il y a de quoi, déclara Antoine.
Il leva son verre. Elles firent de même et trinquèrent.
- À vous, dit-il.
- À nous, dirent-elles en cœur.
- Et à la prochaine fois que ça arrive, ajouta Nolwenn.
- Oui mais ça serait pas mal de le faire sur quelque chose d'un peu plus confortable, répondit
Chrystelle. J'ai un peu mal partout quand même.
- Tu vieillis toi, mais t'es belle quand même.
Chrystelle attira Nolwenn vers elle et l'embrassa. Leur baiser fut doux et bref. Antoine se
surprit à ne sentir aucune excitation. Il se demanda s'il était blasé. Ou s'il n'y avait plus qu'une seule
personne capable de réveiller ses envies.
Partie 3
Les sanglots de Julie s'estompaient. Il ne lui restait plus qu'un léger hoquet irrégulier. Elle
avait bientôt fini de libérer Adrien. Il ne lui restait qu'un dernier nœud récalcitrant.
Adrien avait le regard baissé. Il donnait l'impression d'être absent. Sa tête dodelinait par
moment. Comme si ce mouvement allait lui permettre de revenir à la réalité. Celle qu'il souhaitait
justement oublier.
Julie arriva à bout de ces entraves. Elle observa la corde un instant. Elle réfléchissait au
meilleur moyen de la rouler pour qu'elle prenne le moins de place possible. Elle prit une extrémité
dans une main puis fit des boucles à l'aide de son coude. Ce travail était mécanique. Elle refusait de
sentir quoi que ce fût. Elle ne voulait pas craquer à nouveau.
Elle prit la corde et se dirigea vers son futur rangement. Elle déplaça le sac. Il n'était que
moyennement lourd. Ce serait pire une fois qu’elle serait dedans. Elle sentit et entendit des objets
s'entrechoquer à l'intérieur. Elle appréhendait de l'ouvrir. Elle ne voulait pas connaître son contenu.
Mais elle avait besoin de se débarrasser de sa tâche. Elle espérait que cela finaliserait la scène
cauchemardesque qu'ils venaient de vivre. Elle finit par l'ouvrir.
Des godemichés de tailles différentes. Un gode-ceinture. Un chapelet. Et d'autres sex-toys
qu'elle connaissait ou non. La phrase de Nora disant que le sac servirait encore prit tout son sens.
Julie fit son possible pour ne pas réagir. Elle ne voulait pas inquiéter Adrien. Il n'était pas en état de
le supporter.
-
Je rentrerais bien, dit Yamina.
Oui, moi aussi, acquiesça Ralph.
Il chercha des yeux les maîtres de maison puis alla vers eux.
- On va y aller. Merci beaucoup pour ce soir.
- Oui merci beaucoup, c'était vraiment bien, ajouta Yamina.
- Tout le plaisir était pour nous, lui répondit Carole en soulignant sa phrase d'un clin d'œil.
J'espère te revoir bientôt.
Ils prirent leurs affaires et sortirent de l'appartement.
Ils se retrouvèrent dans la rue. Ils n'eurent pas besoin de marcher bien longtemps avant de
trouver un taxi. Ralph ouvrit la portière et laissa Yamina s'installer.
- C'était vraiment bien ce soir, reprit celle-ci. Mais vraiment.
- Raconte-moi.
- Tu as donc vu qu'une femme m'avait bandé les yeux. Ensuite elle m’a emmenée dans une
chambre. Je ne voyais strictement rien. Je ne peux que te dire ce que j'ai senti et perçu. Un
homme est venu se coller à moi puis un autre s'est occupé de cette femme. Ce qui ne l'a pas
empêché de continuer à me faire l'amour. C'était vraiment, vraiment intense. Est ce que tu
sais avec qui j'étais ?
- Tout ce que je peux te dire c'est que j'ai vu Carole te mettre le bandeau puis te l'enlever. Je ne
sais pas du tout qui étaient les autres.
Yamina fit la moue.
- C'est presque frustrant. J'aurais bien aimé savoir.
- Tu crois que ce n'est pas mieux de garder le fantasme ? De te souvenir de toute cette soirée en
repensant à ce que tu as ressenti plutôt qu'à ce que tu aurais pu voir.
- Oui... Sans doute...
Yamina se remémora alors l'ensemble de la scène. Elle sourit. Oui, c'était mieux de garde le
fantasme.
Partie 4
- Et qu’est-ce qu’elle te racontait ? Demanda Silène en désignant des yeux le téléphone de
Tristan.
- Hein, euh… elle voulait savoir si je pouvais passer une prochaine nuit avec elle.
- Et tu lui as répondu…
- Que je verrais avec toi.
Ses yeux étaient de plus en plus rouges. A un point tel que ses pupilles brunes se
confondaient avec ce qui aurait dû être le blanc de ses yeux. Silène prenait sur elle pour ne pas
s’énerver. Il n’était pas en état de soutenir la moindre remise en question. Et son sourire niais ne
souffrirait pas un refus. Elle se rendit à l’évidence : elle allait devoir accepter. Sa jalousie avait
beaucoup de mal à rester effacée. Elle sentait ses doigts trembler. Elle inspira.
- Ecoute, reprit-elle, si tu veux mais dans ce cas je passerai la nuit avec Loïc.
Elle ne regarda même pas ce dernier. Elle ne lui avait pas demandé son avis. Elle s’en fichait.
Elle se rendait compte du pouvoir qu’elle avait sur lui. Si elle lui demandait de l’héberger une ou
plusieurs nuits, il accepterait. Il en serait même très heureux. Ce qu’il ressentait se rapprochait de
plus en plus de sentiments amoureux. Silène ne voulait pas en être consciente mais son inconscient
s’en occupait pour elle. C’était lui qui la guidait à cet instant. Son instinct. Sa part animale qui ne lui
faisait presque jamais défaut.
- OK, ça me va, conclut Tristan. Tu vois, dit-il en se retournant vers Aude, j’ai vraiment
beaucoup de chance. J’ai une femme vraiment merveilleuse.
- Et une amante hors du commun, oui j’ai bien compris.
Silène regarda Aude surprise. Cette dernière avait été particulièrement cinglante dans le ton
qu’elle avait employé. Elle se dit que son compagnon devrait faire plus attention. Il devenait de plus
en plus attirant et s’en rendait compte. Mais il réagissait comme un enfant avec un nouveau jouet. Il
en abusait sans se rendre compte de ce qu’il infligeait aux autres. De l’envie qu’il pouvait créer. Elle
se demanda combien de temps cela durerait avant qu’il n’en subisse les conséquences.
Antoine secoua la tête brusquement.
- Qu’est-ce qu’il y a ? S’inquiéta Nolwenn. Ca va pas ?
- Si si, ça va, répondit-il négligemment. Je voulais me réveiller c’est tout.
Il était très bien réveillé. Il mentait. Il le savait. C’était bien ce qui le gênait. Le fait d’être
entièrement conscient et de ne rien ressentir à cet instant. Alors que le spectacle aurait réveillé un
mort. Mais ça ne lui faisait plus rien. Plus aucune excitation ne naissait lorsqu’Alexandre n’était pas
là. Il était le dernier à être capable du moindre effet sur lui. Il mit sa main sous le tabouret où il était
installé. Il chercha une encoche. Un bris de bois qui dépassait. Une pointe rouillée. Mais rien. Il
voulait quelque chose qui pourrait le ranimer. Qu’il revienne à la vie et se rende à nouveau compte
de la beauté de sa compagne. Qu’il revive l’excitation qu’elle suscitait autour d’elle. Celle dont il
était tellement fier il y avait encore quelques mois. Et même quelques semaines. Mais rien. Rien ne
venait. Il baissa les yeux.
Nolwenn et Chrystelle continuaient à discuter. Elle ne faisait plus vraiment attention à
Antoine. Elles étaient encore sous l’effet de la drogue et de l’extase sexuelle. Elles ne faisaient plus
attention à ses mouvements. Elles ne le virent pas relever lentement la tête. Son expression avait
pourtant changé. Il dégageait quelque chose de différent. Comme si l’excitation de l’instant renaissait
en lui. Mais ce n’était qu’un masque. Une apparence. Quelque chose qu’il venait de créer de toute
pièce. Aucunement pour rassurer sa compagne mais pour se rassurer lui. Il ouvrit enfin la bouche.
- Finalement on a bien fait de venir, dit-il pour se mêler à leur conversation.
- Oui si on veut, répondit Nolwenn dubitative. Mais c’est toi qui avais raison.
- C’est-à-dire.
- Il n’y a personne d’intéressant à part nous ici ce soir. Je propose qu’on aille finir la soirée
chez nous.
Tout le monde acquiesça. Comme libéré. Avec une vague idée de ce qu’allait donner la suite.
Qu’ils pensaient être plus digne d’intérêt.
Partie 5
Julie ferma consciencieusement le sac. En faisant attention de faire le moins de bruit possible.
Elle ne voulait pas que l’inquiétude d’Adrien s’accroisse.
- Qu’est-ce qu’on va faire ? demanda-t-il étonnamment calme.
Julie ne répondit pas, prise de court.
- Hein, tu as une idée ? Insista-t-il.
- Non, pas vraiment. Je ne sais même pas quoi penser de ce qu’elle raconte.
- Tu parles des photos.
- Oui et de tout le reste. Du message sur son répondeur aussi.
- Moi non plus je ne sais pas pour son répondeur. Par contre, je suis certain qu’elle a les
photos. Elle a donné trop de détails pour que ce ne soit pas vrai. Le tapis et le chantier, elle
n’a pas pu le deviner. Elle a obligatoirement tout vu.
- Oui, tu as sans doute raison.
Julie soupira. La situation était difficilement soutenable. Elle se sentait tiraillée dans tous les
sens à cause du stress enduré. Elle n’arrivait plus vraiment à réfléchir posément. Ce que disait Adrien
la convainquait mais en même temps une partie de son cerveau ne voulait pas y croire. Trop simple.
Trop évident. Quelque chose clochait selon elle mais elle ne savait pas quoi. Tant qu’elle ne mettrait
pas le doigt dessus elle n’en parlerait pas à Adrien, se dit-elle. Il ne fallait pas lui donner de faux
espoirs ni de fausses pistes. Elle décida de redevenir la Julie forte et calme. Celle qui savait quoi faire
et comment réagir.
- Pour le moment, reprit-elle, on n’a pas d’autre choix que de faire ce qu’elle nous demande.
On va devoir obéir et prendre sur nous. Je sais qu’à un moment on saura retourner la
situation. Je ne sais pas quand ni comment mais je sais que ça arrivera.
Julie semblait tellement sure de ce qu’elle avançait qu’Adrien reprit confiance. Juste la
quantité de confiance qui lui manquait pour pouvoir affronter les prochaines étapes.
Ils arrivèrent devant chez Ralph. Il paya le taxi et accompagna Yamina jusque chez lui. Ils
étaient très silencieux dans l’ascenseur. Arborant un sourire mystérieux l’un et l’autre. Ils ne se
regardaient pas. Ils revivaient leur soirée chacun de leur côté.
Ils entrèrent dans son appartement et s’installèrent sur le canapé.
- Et toi, dit Yamina coupant soudain le silence, tu as passé une bonne soirée ?
Le sourire de Ralph s’agrandit.
- Oui, très bonne même. Mais assez surprenante et fatigante.
- Ca y est, je suis curieuse. Raconte-moi.
- Eh bien je me suis retrouvé entre deux femmes pendant que toi tu t’amusais les yeux bandés.
- Ce n’est pas très surprenant tout ça. Ce n’est pas la première fois que tu couches avec deux
femmes en même temps.
- Oui, c’est vrai mais c’est sans doute la première fois que je fais l’amour avec deux femmes
qui ne sont pas du tout bisexuelles.
- Ca devait être sympa alors. Elles se sont occupées de toi en permanence.
- Oui, c’est vrai. Mais c’est surtout moi qui ai dû m’occuper des deux en même temps.
D’habitude, elles font des choses entre elle et donc je peux me remettre mais là, pas moyen…
Je suis crevé moi…
Yamina éclata de rire.
- Mon pauvre chéri, elle est vraiment trop moche ta vie. T’as vraiment pas de chance. Allez
viens, on va se coucher comme ça tu pourras récupérer.
Elle l’embrassa et le prit par la main pour l’amener sous la couette. A peine était-il coucher
qu’elle entendit un changement de respiration. Elle était plus profonde. Signe d’un profond
sommeil. Elle sourit et déposa un baiser sur sa joue.
Partie 6
- Bon, je vais le ramener.
Silène fit un regard qui s'excusait presque de l'état de son compagnon. Dans ce genre de
moment, elle avait honte. Elle supportait difficilement ce type de comportement qu'elle qualifiait
volontiers d'irrespectueux.
Ils attendaient un taxi. Tristan ne réussissait pas à rester immobile. Silène se demanda s'il n'en
rajoutait pas. Elle espérait qu'il n'ouvrirait pas la bouche une fois dans la voiture.
Le trajet fut silencieux. Heureusement. Ils arrivèrent en bas de leur immeuble. Silène appela
l'ascenseur. Elle adossa Tristan contre le mur pour l'empêcher de tomber.
Une fois dans leur appartement, il atterrit lourdement sur le canapé. Son sourire niais ne
s'était pas effacé depuis le départ de chez Loïc. Silène le regardait. Ses yeux exprimaient tous les
reproches qu'ils pouvaient. Il ne semblait pas s'en rendre particulièrement compte.
- C'était sympa finalement cet apéro, dit Tristan. Elle est vraiment cool Aude. J'aime bien.
-
Oui, elle est cool. C'est dommage que tu la traites comme ça.
Hein ? Qu'est-ce que j'ai fait ?
Justement rien alors qu'elle attendait tout.
Quoi ? Je comprends pas.
Je sais. J'ai bien remarqué que tu n'avais rien vu. Elle t'attendait. Elle voulait que tu fasses
quelque chose. Mais non, tu as picolé comme un trou sans t'apercevoir qu'elle avait envie de
toi. Des fois, tu es vraiment aveugle mon pauvre Tristan.
Son visage s'était transformé. Il essayait de se remémorer la soirée pour y déceler le moindre
signe de ce dont parlait Silène. Et il ne voyait rien. Comme souvent, c'était elle qui lui annonçait ce
qu'il s'était passé. Ce qu'il aurait du voir. Mais non, il n'en était pas capable. Il se rendait compte que
les choses avançaient mais pas sur le coup. C'était toujours à posteriori. Et donc trop tard.
Antoine était escorté de ses deux femmes. Une à chaque bras. Ils entendirent des sifflements
de l'autre côté de la rue. C'était un groupe de trois ou quatre hommes passablement éméchés. Ils
accompagnaient leurs provocations sonores de gestes plus ou moins obscènes. Il ne servait à rien de
réagir. L'indifférence étant salvatrice dans ce genre de situation.
Ils arrivèrent en bas de l'immeuble. Nolwenn tapa le code et entra. Chrystelle et Antoine la
suivirent jusqu'à l'ascenseur.
- J'avais oublié qu'il était aussi petit cet ascenseur, dit Chrystelle.
- C'est uniquement pour que je puisse me coller à toi, répondit Nolwenn.
Elles rirent comme des collégiennes. Antoine ne réagit pas. Absorbé par ses pensées. Par cette
excitation inexistante. Qui lui ferait sans doute encore défaut dans les minutes qui allaient suivre. Il
se concentrait pour penser à autre chose qu’à quelque chose de mou. Évidemment, la première image
qui lui vint fut un flamby. Tout le contraire de ce qu'il lui fallait.
Ils arrivèrent à l'appartement. Nolwenn se déshabilla et se dirigea à la chambre. Chrystelle
haussa les épaules et fit de même. Antoine ne bougeait pas. Rien ne venait.
- Alors, tu viens ? Demanda Nolwenn.
- J'arrive, répondit-il. J'ai juste mes mails à checker.
- Ok mais fais vite.
Il alla à son ordinateur et l'alluma. Il chercha les emails envoyés par Alexandre. Il trouva celui
qui l'excitait le plus. Il le lut et le relut en se touchant l'entrejambe. Ça marchait. Des flashs venaient.
Les fantasmes surgissaient. Et se ressentaient physiquement. Il était prêt.
- Mesdames, j'arrive, clama-t-il triomphant.
Episode 21
Partie 1
Julie se remettait péniblement. Moins physiquement que moralement. Bien que ses joues
étaient encore rouges des coups de Nora. Elle observait Adrien du coin de l'œil. À l'affût de la
moindre faiblesse. Elle voulait le protéger. Lui qui avait pourtant l'habitude du rôle de chevalier
blanc.
Nora était partie depuis plusieurs heures. Ils s'étaient douchés et habillés. Peu de mots avaient
été échangés.
Ils étaient assis dans le salon quand la porte d'entrée s'ouvrit. Ils se regardèrent. Inquiets. Cela
ne pouvait être que Nora. Elle revenait.
- Salut, cria cette dernière. Je ne vous ai pas trop manqué ?
Ils ne dirent rien. Ils attendaient. Ils attendaient de l'entendre dire ce qu'elle allait vouloir. Ils
ne se faisaient plus d'illusion. Ils étaient à sa merci. Ils ne l'acceptaient pas mais ils s'étaient rendus à
l'évidence. Elle avait le pouvoir. Elle le savait. Elle allait l'utiliser.
- On va faire un nouveau jeu, reprit-elle. Le dernier était tellement bien que ça serait dommage
de ne pas continuer.
Ils restaient silencieux. Les yeux baissés. Fixés sur le sol.
- Bon, déjà vous allez vous déshabiller. Entièrement.
Ils s'exécutèrent. À contrecœur. Trop lentement au goût de Nora qui montrait des signes
d'impatience.
- Allez, on se dépêche, insista-t-elle.
Ils accélérèrent le mouvement. Une fois en tenue d'Eve et d'Adam, Nora sourit.
- Bien, voilà une bonne chose de faite. On va aller à la cuisine.
Ils la suivirent. Nora montra la table.
- Julie, allonge-toi là-dessus. Sur le ventre.
Elle émit un bref rire hystérique.
- Oh, ça va être bien.
Tristan s'était arrangé pour partir plus tôt du bureau. Il voulait impérativement préparer un
dîner acceptable selon ses critères. La non présence de Silène lui permettait de ne pas être repris à
chacun de ses gestes. Il avait pu couper l'ail comme il l'entendait. Une sorte de luxe qu'il savourait.
Comme ils l'avaient convenu, Silène devait passer la nuit chez Loïc. Il regarda sa montre.
Encore cinq minutes au moins avant qu'Aurore n'arrive. Il prit quelques plats et assiettes et les
apporta au salon. Il les déposa sur la table basse juste devant le canapé. Il observa la disposition de la
vaisselle. Il manquait quelque chose. Les verres. Il retourna à la cuisine pour prendre les coupes à
champagne. La sonnette se fit entendre au moment où il les sortait. Il les posa sur le plan de travail et
alla ouvrir.
- Enfin toi, dit-il avec un large sourire.
Aurore se tenait devant la porte sans oser faire un pas de plus. Elle était mal à l'aise et cela se
voyait.
- N'aies pas peur petite fille, tu peux entrer, ironisa Tristan.
Elle sourit enfin à son tour et passa à côté de lui. Il l'installa devant les plats qu'il avait
préparés. Rien de faramineux mais étant données ses qualités de cuisinier, ce n'était pas si mal.
- Un peu de champagne ? Demanda-t-il.
- Oui, je veux bien, répondit doucement Aurore à la limite du murmure.
Il ne comprenait pas pourquoi mais il se sentait particulièrement sûr de lui. Le terme d'alpha
lui venait à l'esprit. Comme si l'inconfort d'Aurore le mettait dans une position de mâle dominant. Il
jouissait de cette impression. Mais il savait qu'il allait tout faire pour la détendre.
Partie 2
Après leur dernière soirée, Nolwenn avait exprimé l'envie de retourner au Domaine. Certes, la
population ne lui avait pas convenu cette fois là mais la présence de Chrystelle avait tout changé.
Elle avait été injoignable ce soir là, et pourtant ils étaient devant la porte. Celle qui ne s'ouvrait
qu'après un coup de sonnette.
Ils entrèrent. Le rituel habituel fut bref. Le vestiaire. La fiche. Le passage à la piste de danse.
Antoine n'arrivait pas à se sortir Alexandre de la tête. Son image occupait ses pensées. Et
c'était pire depuis la nuit avec Nolwenn et Chrystelle. Cette nuit où il dut utiliser les textes de son
amant pour trouver l'excitation. Celle qui lui faisait à nouveau défaut en cet instant. Il avait beau
regardé autour de lui, personne ne lui faisait envie. Et pourtant il trouva plusieurs femmes
séduisantes. Mais non, rien n'y faisait. Et pour en ajouter encore une couche, sa compagne avait de
nouveau forcé sur la cocaïne. Bizarrement, cela ne se voyait pas. Ou très peu. Seules ses pupilles la
trahissaient. La suite ne l'étonna donc guère.
- Bon, je vais aller m'amuser moi, dit Nolwenn en enlevant son t-shirt.
Antoine la regarda faire sans réagir. Il n'était pas à ça près. Par contre, il fut surpris quand elle
enleva son soutien-gorge et le lui jeta dans les mains. C'était un peu rapide. Même pour elle.
Et le show commença. Nolwenn s'était précipitée sur la piste. Elle dansait comme une folle.
Avec frénésie. Elle voulait montrer sa présence. À tous et à toutes. Antoine se demanda jusqu'où elle
irait.
Chrystelle leur avait proposé d'aller au Domaine. Cela faisait longtemps qu’ils n’y étaient pas
allés ensemble et elle avait prétexté qu'elle ne voulait pas se déshabituer. Contrairement à Ralph,
Yamina avait été enthousiaste. Il s'était plié à la loi du nombre.
Ils venaient tout juste de pénétrer dans l'endroit. Yamina aperçut Nolwenn dansant topless au
milieu de la piste. Elle fit un léger coup de coude à Chrystelle pour la lui montrer.
- Eh merde, dit cette dernière. Elle a encore pris trop de C.
- Tu crois ?
- Oui. Regarde, Antoine est en train de la surveiller. On va la laisser comme ça pour le
moment. On ira la voir quand elle sera calmée. Si elle se calme.
Yamina observa Chrystelle regarder son amie. Elle semblait anxieuse. Presque inquiète. Mais
comme elle la connaissait mieux qu'elle, elle se dit qu'il était préférable de faire tel qu'elle le
conseillait.
Ralph n'avait pas suivi la conversation. Le bruit de la musique masquait leurs paroles. Ce fut
donc en toute innocence qu'il leur proposa un verre. Elles hochèrent la tête de concert en signe
d'acquiescement.
Ils se dirigèrent au bar. Ralph n'avait toujours pas remarqué ni Antoine ni Nolwenn. Il fit
signe au barman qui finissait de servir un couple de trentenaires déjà passablement éméchés.
- Oui, vous voulez quoi ? Demanda ce dernier.
- Trois coupes de champagne, répondit Ralph.
- Non, coupa brusquement Yamina. Euh... Je préfère une eau gazeuse.
- Ok, pas de souci, répondit le barman. C'est quoi les noms sur la fiche ?
Ralph lui donna la réponse. Il était songeur. Sans doute Yamina avait-elle mangé quelque
chose qui ne passait pas pour ne pas vouloir du champagne. Elle ne se plaignait pas donc ça ne devait
pas être bien grave.
Partie 3
- Bien, reprit Nora, maintenant on va changer les rôles. Adrien, vas chercher le sac.
Il lança un regard interrogateur à Julie. Elle hocha la tête pour lui signifier de continuer à
obéir. Il tourna les talons et alla dans le salon. Il revint avec le sac. Nora sourit. Elle jubilait.
- Sors la corde du sac et attache-la sur la table.
Même regard interrogateur. Cette fois-ci, Nora n'apprécia pas. Elle le frappa derrière la tête.
Comme les instituteurs pouvaient encore le faire au milieu du vingtième siècle.
- Fais ce que je te dis, hurla-t-elle.
Il baissa les yeux. Il réfléchit. Non, il n'avait pas le choix. Il prit une des extrémités et la fit
glisser sur le dos de sa compagne. Il ne voulait pas lui faire de mal. Il chercha le meilleur moyen de
la blesser le moins possible. Ses gestes étaient lents. Attentionnés. Il s’attendait à une réaction de
Nora mais rien. Il jeta des coups d'œil discrets. Elle souriait. Elle voyait toute l'attention qu'il
déployait et elle souriait. Elle s'en amusait. Il ne comprenait pas comment elle fonctionnait. Trop
imprévisible.
Il fit le dernier nœud puis recula. Elle s'approcha de Julie pour contempler le résultat.
- C'est très bien, dit-elle. C'est exactement ce qu'il fallait. Passons à la suite.
Nora s'approcha d'Adrien. Elle arborait toujours le même sourire satisfait. Elle mit sa main
autour de son membre. Elle le caressa. Doucement tout d'abord. Avec délicatesse. Puis elle augmenta
la pression. Accéléra ses mouvements. Et malgré la situation, il commençait à bander. Elle se baissa
et prit le sexe dans sa bouche. Elle le voulait dur. Très dur. Elle s'arrêta soudain.
- Bon, maintenant tu vas la pénétrer et moi je vais chercher des nouveaux jouets dans le sac.
-
Encore un peu de champagne ? Demanda Tristan.
Il fallait la détendre. Depuis qu'elle était arrivée, Aurore avait dû échanger au maximum 3
phrases complètes. Tristan par contre gardait son assurance. Une sorte de pouvoir nouveau dont il se
repaissait. Sans doute était-ce déplacé mais il en profitait. Il attendit quelques secondes avant qu'elle
n’hoche la tête en signe d'acceptation. Il prit la bouteille et remplit son verre. Il fit de même avec le
sien.
- À nous, reprit-il en le tendant.
Elle le regarda sans rien dire puis posa sa coupe. Ce geste le surprit. Il se demanda un instant
s'il n'en avait pas trop fait. Elle prit son visage dans sa main et approcha le sien. Elle l'embrassa.
Fougueusement. Enfin, se dit Tristan. Elle avait finalement fait le premier pas. C'était inattendu. Il
posa sa main dans son dos. Il la caressa à travers son chemisier. Elle avait toujours les lèvres collées
aux siennes. Il se laissa aller à la glisser sous le tissu pour toucher sa peau. Aucun geste de recul. Il
progressa jusqu'à caresser son ventre. Un soubresaut de surprise accueillit ce geste. Mais non. Tout
allait bien.
Tristan comprenant qu'il pouvait passer au niveau supérieur enleva doucement sa main. Il
continuait à l'embrasser. Il attaqua les boutons du bas de son chemisier. Arrivé au milieu, la main
d'Aurore saisit la sienne. Elle se recula brusquement.
- Ne vas pas trop vite, dit-elle simplement.
Il sourit pour lui dire qu'il comprenait. Il posa à nouveau sa main sur son dos pour la caresser
de nouveau à travers le tissu. Il l'attira vers lui pour l'embrasser. Elle se laissa faire. Il se dit que ce
n'était que partie remise.
Partie 4
Antoine n'avait pas quitté Nolwenn des yeux depuis qu'elle était sur la piste. Elle ne dansait
plus. Elle se défoulait. Elle essayait d'attirer à elle tous ceux qui l'entouraient. Hommes et femmes. Et
cela fonctionnait. Temporairement. Ses gestes étaient tellement violents que personne ne restait dans
son sillage. Mais elle insistait. Lourdement.
Son dévolu se posa sur une femme en particulier. Elle devait avoir entre trente et quarante
ans. C'était toujours très difficile de donner un âge à quelqu'un dans ce genre d'endroit, avait toujours
pensé Antoine. Nolwenn la collait. Malgré les divers refus qui lui étaient signifiés. Elle insistait.
Trop.
Antoine se demanda comment cela allait finir. Il eut très vite la réponse. Un homme surgit
brusquement pour repousser Nolwenn. Son compagnon sans doute. Elle eut un regard choqué
pendant un instant. Puis elle haussa les épaules. Ses mouvements saccadés recommencèrent. Un
couple l'observait depuis le début. Ils souriaient.
Ce fut la femme qui fit le premier pas. Elle s'approcha de Nolwenn qui lui tournait le dos. Elle
l'attrapa par les cheveux d'une main et mît l'autre sur son sexe. Antoine comprit à sa réaction que
c'était exactement ce que sa compagne espérait. Celle-ci répondit aussi directement. L'homme les
rejoignit à cet instant. Il était encore plus cru.
Antoine commença à s'inquiéter. Il s'inquiéta encore plus quand il les vit partir vers les coins
câlins. Ils ne l'avaient pas remarqué. Ils ne savaient pas qu'il était avec Nolwenn. Il les suivit.
C'était leur troisième coupe chacun. Les effets de l'alcool commençait à se voir sur Chrystelle.
Elle riait trop par rapport à la qualité des bons mots de Ralph. Yamina la regardait et s'en amusait.
Elle aimait beaucoup cette femme. Elle était « nature » comme disait Ralph. D'ailleurs, elle avait
encore du mal à comprendre pourquoi ils étaient devenus amis. Ils n'avaient que très peu de points
communs et pourtant, ils s'entendaient comme larrons en foire.
Ralph commanda leur quatrième coupe.
- S'il vous plaît, encore deux coupes. Et toi toujours une eau gazeuse ? Demanda-t-il à Yamina.
- Oui, je veux bien.
- Et une eau gazeuse.
Il se tourna à nouveau vers elle.
- Tu es sûre que tout va bien ?
- Mais oui, répondit Yamina faussement enjouée. Je t'assure que tout va bien.
- C'est vrai, commença Chrystelle, tu as l'air toute tendue.
Cette dernière se glissa derrière elle. Elle commença à masser ses épaules.
- Ma pauvre, il y a plein de nœuds là-dedans. Je m'en vais te les enlever fissa.
Elle prolongea ses paroles de caresses sur le dos de Yamina. Elle s'appliquait pour être la plus
douce possible.
Comme attendu, ses mains glissèrent sur des parties plus personnelles de ce corps qui était à
sa merci. Yamina se tordît légèrement.
- Euh non, désolée mais je ne sens pas vraiment d'humeur tout de suite maintenant.
- C'est vrai ? S'étonnant Chrystelle. Pourtant je t'aurais bien emmenée dans les coins câlins.
- Merci mais non. Par contre, tu peux y aller avec Ralph si tu veux.
- Tu commences à m'inquiéter toi, dit Ralph. Tu es vraiment sûre que ça va ?
- Mais oui, tout va bien. J'ai juste un peu la nausée mais ça va passer.
- Bon d'accord. Si tu le dis. Mais viens me chercher si ça va pas d'accord.
- Promis, ne t'inquiète pas.
Ralph prit la main de Chrystelle et se dirigea vers le rideau rouge. Il se retourna une bonne
dizaine de fois pendant le trajet pour regarder Yamina.
Partie 5
Adrien continuait ses vas et viens comme un automate. Son cerveau avait cessé de
fonctionner depuis plusieurs minutes. Il n'était plus là. Seul son corps était encore présent.
Le visage de Julie était caché. Il ne pouvait pas voir qu'elle pleurait. Elle profitait de ce
semblant d'intimité pour tout lâcher. Tout du moins ce qu'elle pouvait. Et le plus discrètement
possible.
- Je vois qu'on s'amuse bien.
Nora venait de revenir. Adrien reprit ses esprits. Il tourna la tête pour pouvoir l'apercevoir. Il
ne s'était pas attendu à la voir harnachée ainsi. Elle était entièrement nue. Ce qui rendait son gode
ceinture encore plus impressionnant. Il haussa les sourcils quand il vit le tube de lubrifiant qu'elle
tenait. Elle arborait de nouveau son sourire carnassier. Il déglutit. Difficilement.
- Il n'y a pas de raison que vous soyez les seuls à jouer, reprit-elle.
Elle dévissa le tube. Elle déposa une grosse quantité de gel sur le bout de ses doigts. Elle
l'étala entre les fesses d'Adrien. Celui-ci gigotait.
- Du calme mon grand, reprit-elle. Ça va bien se passer.
Elle enduisit alors le gode avec du lubrifiant sur toute sa surface. Elle sourit. Puis son
expression se transforma. Instantanément.
- Ne me regarde pas espèce de porc, cria-t-elle à Adrien.
Il tourna la tête. Une douleur qui lui vrilla le crâne le poussa à hurler tout ce qu'il pouvait. Le
poing qui atteignit les côtes de Julie le stoppa net.
Nora se pencha vers son oreille.
- Tu ne comprendras donc jamais rien, murmura Nora. Tu cries, je la frappe. Tu fais ce que je
te dis, je la laisse tranquille.
Elle se redressa.
- Bon, on continue.
Tristan se sentait toujours aussi bien. Maître de la situation. Mais quand Aurore commença à
déboutonner sa chemise, il eut l'impression fugace de perdre le contrôle. Mais les gestes hésitant de
la jeune femme lui redonnèrent confiance.
- Attends, dit-il, je vais le faire.
Il finit ce qu'elle avait commencé. Elle regarda son torse nu quelques secondes. Elle y déposa
ses mains. Elle le caressa doucement. Presque tremblotante. Elle approcha ses lèvres. Elle déposa des
baisers sur chaque centimètre carré de peau découverte. Elle s'enivrait de son odeur.
Tristan tenta à nouveau de la déshabiller. Aurore saisit ses mains pour l'arrêter. Elle le regarda
dans les yeux. Il ne sut pas comment interpréter ce regard. Elle enleva son haut découvrant un
soutien-gorge noir sans balconnet. Elle le retira à son tour. Son corps se tendit puis se colla soudain à
celui de cet homme qu'elle désirait. Le contact de leurs peaux ne fit qu'augmenter leur désir. Elle
l'embrassa à pleine bouche.
Tristan trouva la volonté de se dégager de son étreinte. Il se leva en lui tendant la main.
- Viens.
Elle le suivit jusqu'à la chambre. Il finit de lui retirer les vêtements qui lui restaient. Il
l'allongea sur le lit. Il enleva son pantalon et s'allongea contre elle. Elle le prit dans ses bras. Elle
serra. Fort. Comme si elle avait peur qu'il s'en aille.
- Enfin, murmura-t-elle.
Partie 6
Antoine avait fait attention à ce que ni Nolwenn ni le couple avec lequel elle était ne le
remarque. Ils s'arrêtèrent dans la pièce principale. Celle où se trouvaient les plus grands lits. Qui
d'ailleurs se rapprochaient plus d'immenses banquettes.
Nolwenn poussa l'homme pour qu'il se retrouve sur le dos. Elles s'arrangèrent avec l'autre
femme pour le déshabiller complètement. Sans plus de préliminaires, elle entoura le sexe masculin
de ses lèvres. Elle bougeait avec frénésie. Ses mains et sa bouche faisaient des vas et viens rapides. À
croire qu'elle voulait en finir le plus vite possible. La femme s'agitait de la même manière sur son
sexe. Antoine se demandait comment cela allait se passer. Même, et surtout, sous drogue, sa
compagne avait toujours du mal à atteindre l’orgasme sans un minimum de douceur.
La femme continuait à la caresser. Nolwenn appuya sur sa nuque pour que sa langue
rencontre son intimité. Plus elle forçait, plus sa partenaire s'activait. Elle ne remarqua pas les
soubresauts de l'homme. Elle faillit donc s'étrangler quand il jouit dans sa bouche. Elle recula
vivement et instinctivement. Elle recracha tout le liquide sur son ventre.
- Espèce de porc, cria-t-elle, tu n'aurais pas pu te retenir ?
L'expression de celui-ci changea du tout au tout. Une colère froide semblait naître au fond de
lui. Voyant cela, Antoine décida d'intervenir. Il courut presque pour les rejoindre et tirer Nolwenn
par le bras. Elle ne s'arrêtait plus de hurler. Il l'emmena hors des coins câlins.
- T'as vu ces cons ? Reprit Nolwenn une fois assise. J'en reviens pas. Et en plus j'ai pas pris
mon pied. Bon, je vais aux toilettes me repoudrer le nez et on y retourne.
Elle n'attendit pas la moindre parole de son compagnon. Antoine la regarda s'éloigner. Il
soupira.
Chrystelle et Ralph s'étaient cachés dès le début de la scène. Ils ne s'étaient rien dit. Ce n'était
pas nécessaire. La violence de Nolwenn les avait choqués. Ils s'étaient arrangés pour que ni elle ni
Antoine ne les voit. Celui-ci ayant eu à peu près le même genre d'approche qu'eux.
Ils attendirent que tout ce petit monde soit parti avant d'oser ouvrir la bouche.
- En matière de tue-l'amour on fait difficilement mieux, murmura presque imperceptiblement
Chrystelle.
- Oui, c'est le moins qu'on puisse dire, répondit Ralph tout aussi bas.
- On rejoint Yamina ?
- Oui, c'est ce qu'on a de mieux à faire. Mais pourquoi tu murmures ?
- Je sais pas. Sans doute parce que j’étais toujours en mode cache-cache.
Ils rirent en même temps. Ce qui leur permit de diminuer la tension. Ils passèrent le rideau
rouge pour revenir dans un lieu plus civilisé.
Yamina était toujours installée au bar à siroter son eau gazeuse. Ralph avança vers elle avec
un large sourire.
- Promets-moi que tu ne prendras jamais de cocaïne, dit-il sans autre forme d'introduction.
- Tu sais qu'en temps normal je n'ai pas besoin de ça pour avoir envie de toi, répondit-elle avec
un sourire espiègle.
Ses lèvres finirent sa phrase en déposant un baiser sur celles de l'homme qu'elle aimait. Il fut
doux et plutôt bref. Elle se tourna alors vers Chrystelle.
- Et pour avoir envie de toi non plus d'ailleurs.
Episode 22
Partie 1
Adrien souffrait. Énormément. Mais en silence. Il préférait avoir mal et ne rien dire plutôt que
de voir sa compagne se faire battre à nouveau.
Nora continuait ses mouvements. Son rythme était constant. Elle laissait parfois échapper
quelques injures à l'encontre de l'homme qu'elle pénétrait. Elle affichait son mépris autant qu'elle le
pouvait.
Cela faisait une éternité que Julie ne réagissait plus. Elle avait accepté son statut d'objet.
Nora arrêta soudain ses vas et viens.
- Bon, ça ne m'amuse plus, dit-elle.
Elle se retira vivement. Adrien se mordit les lèvres pour ne pas crier. Nora le regarda. Elle
voyait l'orifice anormalement dilaté dont s'écoulait une énorme quantité de sang. Elle éclata de rire.
- Eh bien mon chéri, il fallait me le dire que tu avais tes règles. J'aurais été plus douce.
Elle marqua une pause. Fière de sa blague.
- Bon, détache Julie. On va passer à autre chose.
Les mouvements d'Adrien étaient lents. Trop lents. Comme ceux d'un petit vieux. Elle
s'impatienta.
Nora recula d'un mètre pour prendre son élan. Le coup de pied atteignit les fesses d'Adrien
avec une telle force qu'il ne parvint pas à retenir son cri.
- Ah mais qu'elle femmelette, cria-t-elle.
Elle s'approcha de Julie et la gifla de toutes ses forces.
- Tu vas m'obéir oui, hurla-t-elle. Détache-la !
Quelque chose n'allait pas. Un sentiment de frustration naissait au fond de lui. Cela n'était pas
physique. Son corps avait obtenu ce qu'il cherchait. Mais Tristan ressentait un manque. Une
impression d'inachevé. Il comprit d'où cela venait.
- Je suis désolé, finit-il par dire.
Aurore le regarda. Surprise.
- Pourquoi ? Demanda-t-elle simplement.
- Parce que je suis parti trop tôt.
- C'était pas bien ? J'ai fait quelque chose de mal ?
- Non, pas du tout. En fait, j'ai pris mon pied alors que toi pas. Donc je m'excuse. Et pourtant
j'ai fait tout ce que j'ai pu pour me retenir.
Elle rougit. Elle lui sourit.
- Ce n'est pas très grave tu sais, reprit-elle. C'était vraiment très bien.
- Vraiment ? S'étonna-t-il.
- Oui, vraiment. Tu sais, pour moi le plus important c'est que ça se soit bien passé pour toi. Moi
c'est moins important.
Tristan la prit dans ses bras. Il lui fit mettre sa tête sur son torse. Il caressa ses cheveux.
Comme pour la rassurer. Mais c'était lui-même qu'il voulait rassurer.
- Je ne m'avouerai pas vaincu aussi facilement. Je tiens à ce que ce soit vraiment bien pour toi
aussi.
Elle sourit. Il ne la voyait pas mais elle souriait. Elle releva la tête. Planta ses yeux dans les
siens. Exprimant toute la douceur et l'amour qu'elle ressentait pour lui.
- Dans ce cas, tu n'as pas le choix. Tu dois faire la revanche.
Tristan sourit à son tour. Entièrement séduit. Il l'embrassa doucement. Délicatement. Le plus
sensuellement qu'il pouvait. Ses gestes étaient encore plus doux. Plus attentionnés. Et pourtant plus
intenses. Il ne pouvait faire autrement que se résoudre à l'évidence. Il était amoureux de cette femme
qui n'était pas la sienne.
Partie 2
Antoine n’attendait pas véritablement le retour de Nolwenn. Il l’appréhendait. Il se doutait
qu’elle était partie prendre une nouvelle dose de cocaïne pour se « remonter ». Il n’avait jamais eu
aucune emprise sur sa consommation et n’avait jamais voulu en avoir. Mais elle était devenue
inquiétante. Trop régulière dans l’excès. Il y avait pourtant eu une période de calme. De
consommation maitrisée. Sans qu’il n’ait eu à faire quoi que ce soit. Mais il devait s’y résoudre : il ne
pouvait plus en parler qu’au passé.
Sa poche vibra soudain. Son téléphone. Il le sortit pour vérifier l’auteur du message.
Alexandre. Il sourit. Enfin un peu de soleil, se dit-il. Il lut. Il s’assombrit. Il sentit une pression qu’il
ne souhaitait vraiment pas. Et surtout pas en cet instant. S’occuper de Nolwenn était nettement
suffisant. Il soupira de nouveau mais plus pour la même raison.
Le message d’Alexandre était court et simple. S’il l’avait lu à un autre moment, peut-être
n’aurait-il pas perçu l’impression de contrainte qui n’y était sans doute pas. Mais voilà, le contenu le
poussait encore un peu : « Quand vas-tu parler à Nolwenn ? ». Antoine ne savait pas quoi répondre.
Il réfléchissait. Il sentit alors un léger tapotement sur son bras.
- C’est quoi ? demanda Nolwenn encore plus excitée qu’auparavant. Un SMS ? C’est qui ?
- Un copain, bredouilla péniblement Antoine.
Elle ne le regardait déjà plus. Elle n’écouta pas la réponse. Elle s’en fichait. Ses yeux étaient
attirés par la piste de danse. Ou plutôt, par la faune qui s’y trouvait. Personne en particulier ne sortait
du lot. Ce n’était pas cela qui primait. C’était la quantité. La quantité de corps. La quantité de peau.
La quantité de sueur. La quantité animale.
Antoine tourna la tête pour regarder ce que Nolwenn fixait. Il vit dans le coin de son œil droit
le corps de cette femme rejoindre avec détermination l’objet de son attention.
La situation avait changé du tout au tout. Yamina était dorénavant dans la position de
tentatrice. Elle sentit les corps de ses deux compagnons répondre positivement mais leurs esprits ne
semblaient pas être d’accord.
- Ca va vous ? Finit-elle par demander.
- Oui, répondit timidement Ralph. C’est juste qu’on a vu une scène qui nous a légèrement
calmés.
- Et je ne peux pas vous énerver à nouveau ? continua Yamina langoureuse.
- Tu n’as plus la nausée toi ? s’étonna Chrystelle.
- Non. C’est sans doute l’effet miraculeux de l’eau à bulles. J’avais sans doute mangé quelque
chose qui ne voulait pas passer mais maintenant tout va très bien.
Elle se rapprocha dangereusement de l’autre femme pour lui montrer qu’elle ne mentait pas.
Elle la prit dans ses bras et l’embrassa de toutes ses lèvres.
- Tu vois ce que je veux dire ?
- Oui, je vois. Et en effet, ça commence à m’énerver un petit peu, ajouta Chrystelle avec un
clin d’œil. Qu’est-ce que tu en dis Ralph ? On retente ?
Ce dernier ne put empêcher un grand éclat de rire.
- Oui, je crois en effet qu’on peut retourner faire un tour aux coins câlins. Ca serait sans doute
un crime que de ne pas le faire.
Il tendit chacun de ses bras à chacune de ses accompagnatrices. Elles s’y accrochèrent et leurs
pas les dirigèrent naturellement vers le rideau rouge.
Partie 3
Adrien avait fini de détacher Julie. L’expression que Nora arborait était difficilement
interprétable. C’était un mélange d’impatience, d’excitation, de joie et de colère. Chacun de ces
sentiments existaient pleinement par alternance et en même temps.
Une fois Julie complètement libérée, Nora s’approcha d’elle.
Bon, lève-toi maintenant.
Encore une fois, les gestes étaient trop lents à son goût.
- Mais dépêche-toi putain !
Julie descendit alors très vite de la table. Elle se tint droite comme un piquet. Attendant les
prochaines directives. Adrien ne put que constater son impuissance. A nouveau.
- Bon, je suis encore excitée moi, reprit Nora. Et l’autre godiche, dit-elle en désignant Adrien,
ne m’a vraiment pas aidé. Comment peux-tu être amoureuse d’une tapette pareil ?
Franchement, je comprends pas.
Elle ne semblait pas se rendre compte qu’elle parlait seule. Que les deux autres êtres présents
dans cette pièce ne pensaient que l’un à l’autre. N’écoutaient que l’un et l’autre. Ne voyaient que l’un
et l’autre. Et s’inquiétaient l’un pour l’autre. Cela ne faisait pas du tout partie de ses centres d’intérêt.
Seuls ses désirs importaient. De même que les moyens de les atteindre.
- C’est bon je sais, continua Nora. Julie, viens avec moi.
Le ton autoritaire qu’elle avait employé ne souffrirait aucun refus. Julie ne se posa par
conséquent aucune question et la suivit.
Nora s’assit sur le canapé. Elle ne portait plus le gode-ceinture qui avait blessé Adrien. Elle
écarta les jambes. Elle claqua des doigts et fit comprendre à Julie ce qu’elle attendait. Celle-ci
s’agenouilla devant elle. Elle posa les mains sur ses cuisses et approcha sa bouche du sexe de celle
qui les tourmentait. Elle l’embrassa.
- Hum, c’est bon. Continue. Je veux que tu me fasses jouir avec ta langue.
Julie continua à laper consciencieusement cette intimité humide insatiable.
-
Ils étaient allongés sur le dos. L’un à côté de l’autre. Ils ne parlaient pas. Ils ne se touchaient
pas. Leurs corps respectifs s’étaient transformés en zone érogène.
Tristan fixait le plafond. Il souriait. Béatement. Il ne s’attendait pas à ça. Pas à une telle
intensité. Et d’une telle simplicité. D’un tel naturel. Tout avait été parfait. Fusionnel. Autant il savait
ce qu’il en était de leur proximité intellectuelle, autant cette proximité physique le prenait par
surprise. Aurore était proche de la perfection en ce qui le concernait. Il mit beaucoup de temps à se
rappeler qu’elle n’était pas sa compagne. Que c’était avec Silène qu’il vivait. Que c’était elle qu’il
aimait. A priori.
Une pensée lui vint à l’esprit. Et s’il quittait Silène pour Aurore ? Il la chassa immédiatement.
Il n’avait pas le droit de faire la moindre confusion. Il ne devait pas s’emballer bêtement comme un
adolescent. Ce qu’ils avaient construit ensemble depuis quelques années ne pouvait pas être mis de
côté sur un coup de tête. C’était trop important. Et l’aventure qu’il était en train de vivre avec cette
amante ne pouvait exister que grâce à cette confiance mutuelle qu’ils avaient bâtie. Il ne pouvait pas
l’oublier. Il n’en avait pas le droit.
- Wow, dit-il simplement.
Aurore éclata de rire. Même son rire le séduisait.
- Oui, comme tu dis. C’était particulièrement bien jeune homme. Merci beaucoup.
- Merci à toi. Je dois avouer que je ne m’y attendais pas. Mais alors pas du tout. Tu sais que tu
es exceptionnelle toi ?
- Euh… Hein ? J’ai rien fait moi, c’est toi qui as tout fait.
- Que nenni très chère, tout le mérite te revient. Moi je n’ai fait qu’écouter ton corps.
- Toujours aussi beau parleur à ce que je vois. Bon, il est tard, je vais y aller.
- Tu sais, Silène ne va pas rentrer ce soir. Tu veux rester dormir ici avec moi ?
Oui, Aurore le voulait. Non, elle ne pourrait pas. Pas dormir dans le lit de cette femme qu’elle
ne connaissait pas. Et qu’elle commençait à détester.
- Non, je ne préfère pas, répondit Aurore. Je ne vais pas rester à coucher dans son lit. Autant
pour du sexe je veux bien, mais ça non.
-
Tu es sure ?
Oui, et n’insiste pas s’il-te-plait. C’est déjà assez difficile comme ça.
Tristan n’insista pas. Il ne comprenait pas la réaction de cette femme. Il sentait qu’elle ne
voulait pas partir. Il se dit que c’était dommage qu’elle se laisse guider par des valeurs qui
l’empêchaient de vivre l’instant présent. Quel gâchis.
Partie 4
C’était un jeune couple fraichement arrivé. A leur façon d’être, Antoine déduit qu’ils
n’étaient pas des habitués. Sans doute venaient-ils pour la première fois. Il se demanda si Nolwenn
était en état de comprendre qu’il fallait y aller doucement. Il constata très vite que non.
Nolwenn s’était approchée de la jeune femme. Ses yeux transpiraient la faim. La faim du
corps. Elle se colla à elle en l’enlaçant violemment. Elle fut repoussée avec toute la douceur possible
pour ne pas blesser son orgueil. A cela, l’inconnue ajouta un sourire et fit non de la tête.
Nolwenn avait reculé d’un pas. Le langage de son corps témoignait d’une pure
incompréhension. Elle hésita. Vaguement. Elle s’approcha de nouveau. Toujours affamée. Et très
insistante. Cette fois ce fut l’homme qui intervint. Il les sépara avec moins de douceur et mit son bras
autour de sa compagne en guise de protection.
Nolwenn avait cette fois reculé de deux pas. Elle commença à tourner la tête dans un sens
puis dans l’autre. Une sorte de non hystérique. Désarticulé. Antoine connaissait la suite.
- Mais bandes de cons, vous ne voyez pas la chance que vous avez que je m’intéresse à vous ?
Hurla Nolwenn.
Ses cris continuaient tandis qu’elle tendait la main vers la femme qui l’avait repoussée. Elle
parvint à accrocher la bretelle de soutien-gorge de cette dernière. Elle s’y agrippa. L’homme reprit
son rôle de protecteur. La bretelle céda. Il s’énerva. Il lâcha sa compagne et mit toute sa force pour
faire reculer Nolwenn. Trop de force. Elle atterrit sur les fesses. Les cris reprirent. Redoublèrent. Le
couple s’enfuit.
Antoine courut jusqu’à Nolwenn pour l’aider à se relever. Elle n’arrêtait plus de hurler.
-
On va aller là, dit simplement Yamina.
Elle avait désigné l’une des rares pièces qui fermaient. Il y avait bien entendu des hublots sur
les différents murs permettant aux autres convives de voir ce qu’il s’y passait.
Elle entra la première. Elle tenait la main de Ralph qui la suivit et qui lui-même tenait celle de
Chrystelle. Ce fut cette dernière que Yamina élut comme objet de convoitise. Elle la fit asseoir sur le
lit. Elle l’embrassa. La caressa. Puis attira Ralph vers elle. Elle dirigea ses gestes pour qu’il touche
Chrystelle comme elle voulait. Aux endroits qu’elle voulait. Avec l’intensité qu’elle voulait.
Yamina agissait comme un chef d’orchestre. Directive mais respectueuse. Et à l’écoute. A
l’écoute de ses partenaires. De leurs corps. De leurs respirations.
Ralph se laissait faire. Yamina n’avait jamais agi ainsi jusqu’à présent. Elle continuait de
l’étonner. Il appréciait. Mais il voulait participer plus. Etre partie prenante et plus seulement un
acteur mis en scène.
Il se posta derrière sa compagne. Celle-ci s’occupant de la féminité de Chrystelle. Ralph
s’assura que Yamina était en bonne disposition pour l’accueillir. Il la pénétra. Elle émit un léger cri
et se retourna pour le regarder. Elle souriait pour le rassurer sur la non gravité de la chose.
- Je vais te demander de faire encore plus attention que d’habitude mon amour, commença-telle. Je suis très sensible depuis quelques jours.
Ralph acquiesça de la tête. Il fit attention. Très attention.
Partie 5
Julie continuait. Sa langue bougeait mécaniquement. La main de Nora sur sa tête l’empêchait
de s’en aller. Elle n’y pensait même pas. Elle lui était entièrement soumise. Elle n’avait plus aucun
choix.
Les soubresauts annonciateurs de l’imminence du but arrivèrent enfin. Nora étouffa un cri.
Longuement. Elle avait les yeux fermés. Elle souriait.
Nora pencha son visage vers celui de Julie. Elle attira sa bouche de la main. Elle l’embrassa.
- Merci beaucoup toi, dit-elle. C’était vraiment très bien. Je pense que je ne m’en lasserai
jamais.
Elle se leva en passant ses jambes au-dessus du corps de Julie toujours agenouillée. Elle leva
les bras au ciel et s’étira. De légers craquements d’os se firent entendre. Elle marcha jusqu’à la table
basse du salon. Elle prit son paquet de cigarettes et en alluma une. Elle aspira une grande bouffée.
Elle l’expira lentement.
- Autant officialiser la chose, déclara Nora. Cette maison est dorénavant la mienne. On va y
vivre ensemble avec Julie.
Elle marqua une pause. Pour bien apprécier l’effet de ses paroles sur ses objets humains.
- Adrien, tu seras gentil d’aller dans la chambre d’Ana et de prendre le plus d’affaires possible.
Tu mettras tout ça dans un sac et tu vas aller la chercher. Elle vivra avec toi maintenant. Je ne
veux pas l’avoir dans mes pattes.
A une prochaine, dit Aurore en entrant dans l’ascenseur.
Rentre bien, lui répondit Tristan.
Il ferma la porte de l’appartement. Il prit son téléphone. Il tapa rapidement un SMS et
l’envoya à Silène. Il alla à la salle de bain pour se laver les dents. La sonnerie le fit ressortir aussitôt.
Il se dit que c’était Aurore qui avait oublié quelque chose. Non. C’était Silène. Il décrocha.
- Mon Amour, ça va ? Demanda-t-il.
- Non, répondit Silène.
- Qu’est-ce qu’il se passe ?
- Loïc ronfle trop. Je n’arrive pas à dormir. Et son appart est tout petit. Je ne peux dormir dans
une autre pièce. Ca me soule.
- OK, prends un taxi et rentre.
- J’aimerais bien mais je n’ai plus de tunes.
- Laisse tomber les tunes, dès que tu es en bas je descends et je paie. OK ?
- Tu sais que je t’aime toi ? Mais alors follement et plus que tout au monde.
- Moi c’est pareil mon Amour, je t’aime…
- Je ne te quitterai jamais toi. C’est juste pas possible. Je suis trop bien avec toi et tous les jours
un peu plus. C’est assez hallucinant.
- Je vois exactement ce que tu veux dire. Je ressens exactement la même chose. C’est génial et
ça me rend follement heureux. Maintenant dépêche-toi. Sors et trouve un taxi. J’ai hâte que tu
rentres.
- Je t’aime…
- Moi aussi…
Tristan raccrocha. Son sourire ne voulait pas disparaitre. Il jouissait de l’instant. Il jouissait de
vivre avec Silène qu’il aimait et qui l’aimait. Et il jouissait d’être aimé par Aurore et de l’aimer elleaussi.
-
Partie 6
- Mais c'est dingue, il n'y a vraiment que des cons ce soir, criait Nolwenn. Non mais t'as vu
ça ?
Oui, Antoine avait vu. Non, il ne pensait pas que c'étaient des cons. Il en avait juste assez.
Assez de ses crises d'hystérie. Assez de sa drogue. Assez de toutes ses frasques. Il ne le supportait
plus.
- Tu vas te calmer maintenant, reprit Antoine autoritaire.
Nolwenn écarquilla les yeux. Elle ne se souvenait pas l'avoir jamais entendu lui parler sur ce
ton.
- Et puis quoi encore, répliqua-t-elle. Tu ne veux pas que je m'excuse non plus ?
- Non, ce n'est pas la peine. Ça ne changerait rien.
- Ça ne changerait rien à quoi ?
- Au fait que je te quitte.
Elle resta interdite. Quelques secondes. Puis la colère reprit le pas.
- Tu as rencontré quelqu'un c'est ça ?
- Oui.
- Qui c'est cette salope ? Je suis sûre qu'elle suce moins bien que moi.
- Cette salope s'appelle Alexandre et il suce encore mieux que toi. Ce n'est pas la peine de
m'attendre ce soir.
Antoine n'ajouta aucun mot. Ce n'était pas nécessaire. Il tourna les talons et partit. La laissant
seule.
Nolwenn avait les jambes coupées. Elle ne criait plus. La rage avait laissé la place à la
surprise la plus totale. Elle ne réussissait pas à réfléchir à la suite.
-
Ah ouais quand même, dit Chrystelle essoufflée. Ça te réussit bien de ne plus avoir de nausée.
Yamina rougit. Elle ne vivait pas toujours très bien ce genre de compliment. Elle se déplaça
vers elle pour l'embrasser.
- Merci, c'est gentil. Mais tu as été très forte aussi.
- Oui, soupira Ralph, je confirme que vous avez été toutes les deux assez exceptionnelles. Je ne
pensais pas dire ça un jour mais ce soir j'ai eu ma dose.
Les deux femmes éclatèrent de rire avant de se blottir dans ses bras. Le câlin post-coïtal
restant un moment privilégié.
Ils finirent par sortir de la pièce. Deux couples en profitèrent pour s'y infiltrer.
- Allez-y, la place est chaude, cria presque Ralph.
- Pas certain que ce soit lié à la pièce mais il y a du vrai, ajouta Chrystelle.
Ils passèrent le rideau rouge en direction du bar. Ralph commanda trois coupes de
champagne.
- On le mérite, ajouta-t-il.
- Oui, reprit Chrystelle, et moi je mérite aussi ma pause pipi. Ça fait bien trente minutes que je
me retiens.
Elle s'éclipsa, laissant seul le couple d'amoureux.
Yamina planta ses yeux dans ceux de Ralph. Son regard était plus intense qu'à l'ordinaire. Il
déglutit ne sachant pas ce que cela signifiait.
- Je pense que les deux sont liés, commença Yamina.
- Les deux quoi ?
- Ma nausée et ma soudaine envie de sexe.
- ...
- C’est sans doute parce que je suis enceinte.

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