Le masque - Temple et Parvis
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Le masque - Temple et Parvis
Le masque Ceux d’entre vous qui ont eu la joie d’aller à Venise on sans doute remarqué le nombre de magasin de masques dans toute la ville. Hors de ce contexte commercial, je vais vous présenter le Carnaval de Venise avec l’usage traditionnel du masque vénitien, puis je vous propose une approche du rôle du masque dans différentes civilisations et le symbolisme qu’il y occupe. Pour terminer une vision personnelle d’un potentiel masque maçonnique LE CARNAVAL DE VENISE Les origines du carnaval sont à rechercher dans le paganisme: fêtes de la nouvelle année, de la terre, de la fécondité...transmises en Grèce sous le nom de Bacchanales ( un homme déguisé en Bacchus, dieu du vin, parcourrait les rue au milieu des chants et des danses), puis à Rome sous le nom de Lupercales (instaurées par Rémus et Romulus en l'honneur de la louve qui les avait allaités) et de Saturnales ( sous l'égide du dieu du temps, les Romains festoyaient en inversant les rôles - les maîtres servent leurs esclaves et s'adonnaient à une débauche effrénée). L'Église catholique, soucieuse de canaliser ces manifestations licencieuses qui avaient perdu leur sens originel, les rebaptisa (fête des fous, des innocents, carnaval...) et tenta de leur donner un sens nouveau. Le carnaval était né. C'est vers l'an 1000 que l'Église catholique, souhaite donner à Pâques la priorité absolue pour toute la chrétienté et fixe le calendrier de ses fêtes. Les clercs décrètent les périodes grasses et maigres selon que la viande est autorisée ou non et y fixent : CARNAVAL. Ce mot aurait deux origines: - CARNEM LEVARE: priver de chair (viande) annonçant ainsi le carême. - CARNE VALE: la chair prévaut, celle que l'on mange (la viande) et celle que l'on désire (le corps), signifiant le triomphe de la sensualité propre au carnaval. A Venise, comme dans toute l'Europe médiévale, le carnaval est la fête "du ventre", de la transgression et de l'inversion. - Fête du ventre: on distribue de la nourriture aux pauvres afin que chacun fasse ripaille. - Fête de la transgression: On se moque des héros et des dieux, on prend même la religion à partie. Les religieux eux-mêmes participent aux réjouissances en se livrant à des simulations de cérémonies et à des plaisanteries obscènes. - Fête de l'inversion: les rapports hiérarchiques s'inversent. Le valet est servi par son maître; les pauvres côtoient les puissants et peuvent se permettre de les ridiculiser, voire de les bafouer, le sous-diacre prend la place des dignitaires. L'homme se déguise en femme, le jeune en vieux et réciproquement. Le carnaval permet à l'homme "d'inverser" se qui le fige dans son histoire - le sexe - l'âge - le statut, de transgresser les interdits et de s'adonner aux plaisirs, il se distingue de la fête officielle au rituel codé. LES MASQUES VENITIENS TRADITIONNELS • Le LARVA (ou "VOLTO") à la lèvre supérieure élargie et proéminente sous un petit nez qui modifiait le timbre de la voix, rendant ainsi la personne qui le portait impossible à identifier en garantissant le plus parfait anonymat et permettait toutes les audaces. On peut imaginer l'effet produit par un vénitien déambulant au clair de lune tout de noir vêtu avec ce masque blanc soutenu par le tricorne noir. • La MORETTA est un masque ovale de velours noir qui était porté par les femmes pour leurs visites aux nonnes. La "Moretta" était aussi très appréciée des hommes en raison d'une petite astuce : il restait appliquée au visage grâce à un petit bouton que l'on tenait avec la bouche. Ce qui explique que ce masque était muet. Le premier doge à autoriser le carnaval fut Vitale Falier, en 1094 Le port du masque est autorisé pendant le carnaval de Venise puis pendant une période de six mois de l'année. Les Vénitiens. de toutes conditions sociales prendront alors l'habitude de sortir masqués, enfilant la TABARRO (longue cape) et dissimulaient leur visage derrière le LARVA et sous un tricorne. Tous devenaient alors égaux et tout était permis à tous. La ville toute entière se transformait, chantait, dansait. Venise était la ville de la séduction et du plaisir de vivre. Les jeunes, déguisés en clown dans leur costume, lançaient des oeufs remplis d'eau de rose sur les belles passantes. Les moins séduisantes recevaient des oeufs pourris. Mais certaines pratiques furent contestables et très vite un décret interdit aux hommes masqués de s’adonner à ce jeu. On comprend bien que le gouvernement, ayant interdit en vain cette pratique, finit par protéger le passage des femmes par des filets Au 16ème siècle, contrôlé par les autorités, le carnaval encra certaines coutumes telles que le port du masque et les divertissements sur les petites places. Le masque, à l'époque, était utilisé comme déguisement et servait aussi à se camoufler pour faire des choses peu catholiques. Au 17ème siècle on se trouva face à un tel abus sur l'utilisation des masques, que le gouvernement de la République de Venise est obligé d'instaurer des règles pour en limiter l'utilisation. Ainsi on interdit aux habitants de porter des masques en dehors de la période du Carnaval, dans les lieux de culte, et pour finir on ne peut porter des masques qu'à des heures préétablies. L'utilisation des masques a été interdite aux prostitués et aux hommes les fréquentant. Les fausses moustaches, les fausses barbes, les femmes qui se déguisent en homme sont également considérées comme des masques. Au contraire le port du loup était une obligation lors des cérémonies officielles et des fêtes publiques. LE MASQUE EST IL SYMBOLIQUE ? On trouve deux origines au mot masque : du latin : mascus ou masca qui signifie fantôme et de l’arabe : maskharah qui signifie bouffon farceur Le masque est un visage artificiel qu'on s'applique afin de se rendre méconnaissable ou d'effrayer les autres ou simplement de se protéger la figure. Les masques funéraires sont eux, destinés à protéger la face des morts contre les larves et les démons qui voudraient la dévorer. Fréquemment le masque est un déguisement employé afin d'épouvanter un ennemi, spécialement les démons et fantômes. Le combat contre les démons étant supposé se livrer avec la coopération des dieux, on vint à se figurer ceux-ci. En d’autres circonstances, il facilite l’expression de la vérité ; fréquemment sur le ton de la plaisanterie grâce au déguisement qu’il représente, il permet au bouffon de parodier le Roi. La pratique des masques épouvantails fut étendue aux dieux eux-mêmes; les Mexicains apposaient à leurs dieux, en cas d'épidémie ou de fléau public, des masques de pierre; Le mythe grec de la Gorgone nous montre les dieux faisant usage de ces masques et pétrifiant de terreur leurs adversaires à l'aide de ce masque à chevelure de serpents. En Afrique le but du masque n'est pas la représentation ou l'image d'une entité sacrée, mais l’incarnation même de celle-ci Le masque perpétue et anime le récit dont il est le reflet. L'histoire s'est souvent figée en mythes et le masque les insère dans la réalité des vivants. Plus généralement, on peut dire qu'il est la concrétisation d'un esprit, d'une créature surnaturelle intervenant dans la vie du village. Il se situe à la rencontre du sacré et du profane. L'au-delà devient visible et règle l'existence des individus. Grâce au jeu des masques, les lois bien qu'orales sont transmises de génération en génération. Certains masques sont considérés comme "magiques" et sont sacrés à un point tel que leur vue est interdite aux femmes, aux enfants et aux non-initiés. La plupart de ces masques participent aux cérémonies religieuses et aux rites entourant l'initiation des jeunes garçons et les funérailles, les deux grands rites de passage d'une importance capitale dans l'esprit des africains. EXISTE-T-IL UN MASQUE MAÇONNIQUE ? A première vue et d’après ce que je connais il n’y en a pas. Mais en faisant ce travail, deux éléments du rituel de l’initiation m’ont interpellés et je vais essayer de voir en quoi il y a ou non ; usage d’un masque en maçonnerie. 1. Passage sous bandeau Nous plaçons réellement un masque sur le visage et nous nous rapprochons du masque vénitien avec les notions de vue et de modification de la voix. Certes le bandeau cache la vue de celui qui le porte mais sa fonction est bien de permettre aux frères de lever les masques profanes et de voir réellement la personne qui demande l’entrée du temple. Le masque vénitien modifiait la voix pour qu’on ne reconnaisse pas celui qui le portait, ici nous avons un Loup aveugle qui permet à la personne de s’exprimer sur ses valeurs et motivations réelles en libérant sa voix de tout ce qui pourrait la travestir. 2. Le miroir A proprement parlé il ne s’agit pas d’un masque puisqu’il n’est pas appliqué sur le visage. Il a cependant pour rôle de montrer à l’initier une face potentiellement cachée de lui-même ; peut-être son pire ennemi. En se retournant vers le miroir on se découvre pour la première fois sans masque. Nous sommes ici dans le concept africain du masque qui consiste à nous montrer l’incarnation de soit même. L’incarnation étant considérée comme un mystère, non accessible directement à la raison humaine. Nous pouvons y voir un corolaire avec l'expression de saint Jean dans le Prologue de son évangile : "le Verbe s'est fait chair" (Jean, 1, 14) Cette vision dans le miroir me fait également penser à Janus qui seul peut décider volontairement de montrer son second visage en se retournant. En conclusion je pense que lors de l’initiation nous utilisons le bandeau et le miroir pour permettre à l’impétrant de se montrer lui-même tel qu’il est, en faisant tomber les masques profanes. La maçonnerie est à l’opposée de l’utilisation des masques puisqu’elle permet de se découvrir par le connaît toi toi-même et de renaître vierge de toute apparence. L’impétrant laisse sans le savoir ses métaux et ses masques hors du Temple, pour progresser vers la lumière sans que l’esprit soit détourné par les apparences. Il va maintenant pouvoir travailler sur lui-même parmi ses frères sans avoir besoin de protection. Et comme j’ai commencé en parlant du carnaval, je vous proposer de continuer la fête ici même par la transgression et l’inversion dans un échange verbal avant de nous rendre à la fête du vente J’ai dit ************ L’auteur de cette planche me l’avait adressée par gentillesse. Et j’ai commis la maladresse de lui répondre sue le champ, emporté que j’étais par un certain mal-être de l’époque dans mon Atelier… Alors j’ai d’abord dit ce que je pensais de certains qui se disent « Frères » et qui ne sont que des hommes qui s’avancent masqués… Voici donc ma réponse : « Et le masque de chair, le nôtre, celui dont nous ne nous défaisons jamais et qui nous permet d'avancer masqués, totalement indiscernables aux autres? Celui que nous tenons de notre naissance et que nous cultivons, sans même en être conscients, et qui nous permet les pires débauches vis-à-vis de nous même, les plus totales extravagances vis-à-vis des autres, les abaisser et de les flouer sans la moindre vergogne? Celui que la maçonnerie nous apprend: le silence sur nos pensées les plus intimes, l'inexpression émotive, la parole cachée (et non la Parole perdue...), les coups bas en loucedé, les tabliers sans maçons dedans, les cordons même pas ombilicaux car ils ne relient à rien, les sourires grinçants et les baisers de Judas... Excuse cette envolée! Aujourd'hui je suis mal avec ma maçonnerie… que par fautes de frappe de plus en plus fréquentes j'écris "franc-maçonnerire" Ta planche est merveilleuse et plairait bien à d'Ormesson, l'amoureux impénitent de Venise Elle m'a emporté dans les ruelles et les petits ponts , sur les canaletti au son du clapotis de la rame et dans le rêve chanté par le gondolier, elle m'a fait déboucher brutalement face à la Salute sur le Grand Canal, pas loin du musée Guggenheim et l'entrée de San Marco sur la gauche... Belle planche, bien construite: j'ai appris des choses et j'ai rêvé... Par la même occasion je t'adresse en pièce jointe la mienne sous ses deux formes Bises »