(De)criminalisation of the use and possession of drugs / L
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(De)criminalisation of the use and possession of drugs / L
Information Milestones Work Package n° 3 – Workshop 7-8 mars 2008 (De)criminalisation of the use and possession of drugs / L’usage et la détention de stupéfiants, entre criminalisation et décriminalisation SUMMARIES / RESUMES * Lille (France) * Scientific coordinators : Marie-Sophie Devresse (Clersé - INCC) Maria-Luisa Césoni (UCL) simultaneous translations (English, French) are provided during the seminar / traductions simultanées prévues (anglais, français) : Marie-Anne Lutchmaya Contact : Marie-Pierre Coquard (CNRS – Clersé) / [email protected] website : www.crimprev.eu Assessing Deviance, Crime and Prevention in Europe. Projet CRIMPREV. Action de Coordination du 6° PCRD, financée par la Commission Européenne. Contrat n° 028300. Date de début: 1er juillet 2006. Durée 36 mois. Projet coordonné par le CNRS – Centre National de la Recherche Scientifique. Site internet : www.crimprev.eu. E-mail [email protected] Le Clersé est unité constitutive de la Maison européenne des SHS Nord Pas-de Calais Assessing Deviance, Crime and Prevention in Europe. Projet CRIMPREV. Action de Coordination du 6° PCRD, financée par la Commission Européenne. Contrat n° 028300. Date de début: 1er juillet 2006. Durée 36 mois. Projet coordonné par le CNRS – Centre National de la Recherche Scientifique. Site internet : www.crimprev.eu. E-mail [email protected] Criminalisation et décriminalisation de la consommation des drogues au Portugal Jorge Albino Quintas de Oliveira, Professeur, Faculté de droit de l’Université de Porto, Portugal Les influences internes et externes au système de justice sur les mouvements de criminalisation et décriminalisation de la consommation de drogues au Portugal seront analysées dans la communication proposée. Celle-ci présentera les principales lois portugaises qui criminalisent la consommation de drogues (1926, 1979, 1983 et 1993) ainsi que la loi de la décriminalisation de la consommation de toutes les drogues illégales (2000). Nous étudierons également, par comparaison, les données officielles de la mise en oeuvre des lois ainsi que l'évolution de la consommation de drogues. La comparaison montre que les principaux résultats de l'application de la loi de la décriminalisation de la consommation sont : i) un accroissement de la répression policière à l’égard de la consommation de hachisch et une diminution accentuée à l’égard de la consommation d'héroïne et de la politixicomanie (au niveau de la police) ; ii) l'augmentation du nombre de consommateurs sous tutelle légale et, particulièrement, l'application des mesures de traitement dans le contexte de la suspension provisoire du processus pénal ; ceci au détriment d’une application importante de l'amende (au niveau de la justice). Cette évolution dans l'application de la loi coexiste avec : - une tendance à l'augmentation modérée des consommations de drogues qui est déjà vérifiée avant la mise en oeuvre de la loi ; - une diminution des consommations problématiques et de leurs conséquences sanitaires. D'après l'analyse des données empiriques, les principaux avantages et les limites du modèle de décriminalisation de la consommation adoptée au Portugal peuvent être mis en relief. Criminalisation and decriminalisation of drug use in Portugal Jorge Albino Quintas de Oliveira, Professor, Faculty of law, Porto University, Portugal The influences inside and outside the justice system on the drug use criminalisation and decriminalisation movements in Portugal will be analysed in the proposed communication. This will outline the main Portuguese laws which have criminalised drug use (1926, 1979, 1983 and 1993) and the law decriminalising the use of all illegal drugs (2000). We will also, by way of comparison, examine the official data on the implementation of the laws and the changes in drug use. The comparison shows that the main results of the law decriminalising drug use are: i) an increased police clampdown on hashish use and a significant reduction in heroin use and multiple drug abuse (in police terms); ii) an increased number of users under legal supervision and, particularly, the implementation of treatment measures in the context of the provisional suspension of the penal process; this has led to a fall in the use of the fine, which was previously widely imposed (in judicial terms). This change in the implementation of the law goes hand in hand with: - a moderate upward trend in drug use which had already been noted before the law came into force; - reduced problem drug use and its consequences for health. The analysis of empirical data allows us to stress the main advantages and limits of the drug use decriminalisation model adopted in Portugal. CRIMPREV-LILLE 2/13 Assessing Deviance, Crime and Prevention in Europe. Projet CRIMPREV. Action de Coordination du 6° PCRD, financée par la Commission Européenne. Contrat n° 028300. Date de début: 1er juillet 2006. Durée 36 mois. Projet coordonné par le CNRS – Centre National de la Recherche Scientifique. Site internet : www.crimprev.eu. E-mail [email protected] Criminalisation et dépénalisation de la consommation et de la détention de drogues en Hongrie Miklós Lévay Juge de la court constitutionnelle de Hongrie, Professeur et Directeur du département de criminologie, faculté de droit, Université Eötvös Loránd, L’article examinera les sujets suivants : (i) un aperçu général du développement de la politique et du droit pénal en matière de drogues en Hongrie (ii) les modifications en matière de criminalisation et de dépénalisation de la consommation et de la détention de drogues, (iii) les forces motrices des modifications, en particulier les influences de la politique, des experts et des droits de l’homme, (iv) interprétation des modifications du droit pénal hongrois en matière de drogues sur la base du modèle théorique du « constructionnisme social ». 1. La Hongrie ne dispose pas d’une législation unique en matière de drogue. Différents domaines du problème des stupéfiants sont réglés par différents statuts. Les questions liées à la santé publique, au contrôle administratif, au traitement médical, à la protection des données et aux délits associés à la drogue sont traités avec différents statuts. Toutes les infractions créées par la loi en matière de stupéfiants sont incluses dans le Code pénal hongrois (CPH) de 1978. Ces infractions ont été considérablement modifiées depuis l’entrée en vigueur du Code le 1er juillet 1979. Depuis le changement de régime de 1989-1990 en Hongrie, la législation sur les délits en matière de drogue a été modifiée de façon significative à trois reprises (1993, 1998, 2003). La caractéristique commune de ces modifications est qu’elles ont été effectuées sous différents gouvernements et que ces derniers ont introduit des règlements fondamentalement nouveaux en comparaison avec ceux du gouvernement précédent. Les caractéristiques les plus importantes des modifications et le développement de la politique en matière de drogue en tant que politique publique seront discutés ultérieurement dans cette partie de l’article. 2. La deuxième partie de l’article se concentre sur les modifications en matière de criminalisation et de dépénalisation de la consommation et de la détention de drogues dans le droit pénal hongrois. Une attention particulière est accordée à la mise en oeuvre du principe de « soins à la place de sanctions » au sein de la politique criminelle hongroise en matière de drogue. 3. Cette section de l’article traite de l’impact de la politique, des experts et des droits de l’homme sur les modifications du droit pénal en matière de drogue en Hongrie. La décision du tribunal constitutionnel hongrois concernant la consommation de stupéfiants [Décision 54/2004. (XII.13.)] sera discutée de manière détaillée. La décision du tribunal constitutionnel a argumenté que la criminalisation de la détention de drogues pour un usage personnel était justifiée par le devoir de l’État de protéger les droits de l’homme. Conformément à la décision, personne n’a le droit d’être sous l’influence de la drogue, les poursuites criminelles à l’encontre des consommateurs de drogues ne sont, par conséquent, pas anticonstitutionnelle. 4. Les conclusions seront tirées à la lumière de la théorie du « constructionnisme social », telle qu’interprétée par Eric Jensen et Jurg Gerber (1993). CRIMPREV-LILLE 3/13 Assessing Deviance, Crime and Prevention in Europe. Projet CRIMPREV. Action de Coordination du 6° PCRD, financée par la Commission Européenne. Contrat n° 028300. Date de début: 1er juillet 2006. Durée 36 mois. Projet coordonné par le CNRS – Centre National de la Recherche Scientifique. Site internet : www.crimprev.eu. E-mail [email protected] Criminalisation and Depenalisation of Drug Use and Drug Possession in Hungary Miklós Lévay Judge of the Constitutional Court of Hungary, Professor and Head of Department of Criminology Faculty of Law, Eötvös Loránd University, The paper will discuss the following subjects: (i) a general overview on the development of drug policy and the drug criminal law in Hungary, (ii) changes of criminalisation and depenalisation on drug use and drug possession, (iii) driving forces of the changes, particularly influences of politics, experts and human rights, (iv) interpretation of the changes of the Hungarian drug criminal law based on the theoretical model of “social constructionism”. 1. Hungary has no single drug law. Different fields of the drug problem are regulated by different statutes. The issues of public health, administrative control, medical treatment, data protection and drug offences are dealt with various statutes. All of the statutory drug offences are included in the Hungarian Penal Code (HPC) of 1978. These offences have been changed considerably since the Code came into force on 1 July, 1979. Since the change of regime of 1989-1990 in Hungary, the legislation on drug offences has been significantly amended three times (1993, 1998, 2003). The common feature of these amendments is that they were carried through under different governments, and that the different governments introduced fundamentally new regulations compared to those of the former one. Most important characteristics of the changes and the development of the drug policy as a public policy will be discussed later in this part of the paper. 2. The second part of the paper focuses on the changes of criminalisation and depenalisation on drug use and drug possession in Hungarian criminal law. A special attention is given to the implementation of the principle of “treatment instead of punishment” in Hungarian drug criminal policy. 3. This section of the paper deals with the impact of politics, experts and human rights on the changes of drug criminal law in Hungary. The decision of the Hungarian Constitutional Court on drug abuse [Decision 54/2004. (XII.13.)] will be discussed in detail. The Decision of the Constitutional Court argued that the criminalisation of the possession of drugs for personal use is justified by the State’s duty to protect human rights. According to the Decision, nobody has the right to be under influence of drugs, therefore the criminal prosecution against drug users is not unconstitutional. 4. The conclusions will be drawn in the light of the theory of “social constructionism”, as interpreted by Eric Jensen and Jurg Gerber (1993). CRIMPREV-LILLE 4/13 Assessing Deviance, Crime and Prevention in Europe. Projet CRIMPREV. Action de Coordination du 6° PCRD, financée par la Commission Européenne. Contrat n° 028300. Date de début: 1er juillet 2006. Durée 36 mois. Projet coordonné par le CNRS – Centre National de la Recherche Scientifique. Site internet : www.crimprev.eu. E-mail [email protected] Le contrôle international des drogues François-Xavier Dudouet Université Paris Dauphine Le contrôle international des drogues, loin d’être une politique prohibitionniste, est d’abord une entreprise de régulation de l’économie licite des drogues au niveau mondial. Contrairement à l’idée communément répandue, les drogues ne sont pas interdites, mais contrôlées 1 . Ce que l’on a coutume d’appeler « drogues » recouvre en fait, un ensemble de substances quotidiennement utilisées en médecine et dont les usages détournés ont progressivement été condamnés par le droit. D’un point de vue strictement juridique, ce ne sont donc pas les substances elles-mêmes qui sont interdites mais certains de leurs usages, ou plus exactement les usages non médicalement contrôlés. Ainsi la plupart des substances classées comme stupéfiants ou psychotropes sont des produits courants : telle la codéine dans le Codoliprane® ou le dextropropoxyphène dans le Di-antalvic®. Ce hiatus intellectuel entre drogue et médicament est largement véhiculé par les professionnels de la santé eux-mêmes qui spontanément parlent de drogues illicites et de drogues licites, 2 alors que du point de vue du droit une telle distinction n’existe justement pas, car une même substance peut être licitement administrée comme illicitement acquise et consommée. La politique en matière de drogues ne doit donc pas être conçue comme un état de fait immuable reposant sur les propriétés chimiques intemporelles des substances couvertes, mais d’après les usages différenciés qui en sont fait et les condamnations dont ils peuvent faire l’objet. En ce sens la politique des drogue n’est pas prohibitionniste, mais un processus de différenciation entre des usages autorisés et non autorisés et plus précisément entre des acteurs autorisés à faire un usage licite des drogues et ceux qui ne le sont pas. Dès lors, l’interrogation doit se concentrer sur ceux qui ont définis les usages légitimes et non légitimes et désignés les acteurs autorisés ou non autorisés. Plutôt que de s’interroger sur les propriétés pharmacologiques des drogues ou sur les justifications idéologiques de leur mise sous contrôle, il convient, à la manière d’Howard Becker, de faire ressortir les enjeux et les acteurs qui sont à l’origine de cette entreprise de différenciation. Comment, par et au profit de qui s’est établie la distinction entre usages licites et illicites ? Cette interrogation trouve un début de réponse dans le paradigme qui gouverne les politiques en matière de drogues tant au niveau national qu’international : limiter l’offre à la demande légitime. En effet, il ne s’agit pas tant d’interdire les drogues que d’ajuster strictement leur offre aux besoins de la médecine et de la science, reconnus comme seuls légitimes. Si au niveau national ce principe trouva dès la fin du 19ème siècle une réponse dans la reconnaissance du monopole des médecins et des pharmaciens sur la distribution au détail des drogues, il en allait autrement pour l’offre de gros (production agricole, fabrication et commerce international) ; aucun gouvernement n’étant disposé à limiter unilatéralement ces activités sur son sol 3 . Jusqu’aux années 1920, les drogues délivrées en pharmacie, comme celles vendues de manière clandestines, venaient des mêmes sources d’approvisionnement ; à savoir les industries pharmaceutiques occidentales 4 . Le contrôle international des drogues est donc cette vaste entreprise consistant à encadrer et canaliser au niveau mondial une offre monopolisée par la pratique médicale. L’étude du travail juridique produit par la Société des Nations puis l’ONU en vue de limiter la production licite de drogues aux seules fins médicales et scientifiques a montré que l’essentiel des négociations s’organisait autour de la répartition du marché entre les principaux pays producteurs. Toutefois, cette mise en forme juridique ne doit oblitérer l’examen des enjeux économiques qui supportent la construction du contrôle international des drogues. En effet, l’essentiel des travaux de la SDN et de l’ONU ont consisté à organiser l’offre des drogues sur le plan mondial de manière à distinguer l’offre licite destinées aux usages médicaux et scientifiques de l’offre illicite destinées aux consommateurs non contrôlés médicalement. Cette organisation du marché licite des drogues ne s’est pas faite sans de nombreuses tensions qu’il convient de mettre en avant pour saisir à la fois toute l’originalité et la force de cette politique. 1 DUDOUET F.-X., « De la régulation à la répression des drogues. Une politique publique internationale » in Les Cahiers de la sécurité intérieure, N°52, 2e trimestre 2003. 2 Ainsi un pharmacien spécialisé dans le traitement des toxicomanes et pourtant membre de la Commission française des stupéfiants nous parlait de drogues illicites et de drogues licites. De fait les seules personnes que nous avons rencontrées qui s’interdisaient de penser en ces termes étaient certains haut responsables qui avaient négocié les Conventions ou qui, au sein de l’ONU, étaient chargés de leur application. Il n’est pas question, en tout état de cause, de plus d’une dizaine de personnes. 3 DUDOUET F.-X. ; « La formation du contrôle international des drogues » in Déviance et Société, Vol. 23, N°4, 1999. 4 DUDOUET F.-X. ; « L’industrie pharmaceutique et les drogues » in Studia Diplomatica, vol LV, n°5-6, 2002. CRIMPREV-LILLE 5/13 Assessing Deviance, Crime and Prevention in Europe. Projet CRIMPREV. Action de Coordination du 6° PCRD, financée par la Commission Européenne. Contrat n° 028300. Date de début: 1er juillet 2006. Durée 36 mois. Projet coordonné par le CNRS – Centre National de la Recherche Scientifique. Site internet : www.crimprev.eu. E-mail [email protected] Il apparaît, au terme de l’analyse, que le contrôle international des drogues est une entreprise mondiale de mise en ordre de la réalité, qui établit des classements, fixe des usages, trace des frontières et désigne des acteurs. Derrière la croyance, trop souvent répandue, que la réglementation des drogues est fondée uniquement sur la dangerosité des substances, c’est toute une organisation sociale et économique, particulièrement contraignante, qui est en jeu. Rarement examiné pour luimême, le contrôle international des drogues constitue cependant un précédent de gouvernance mondial, qui n’a pas d’équivalent. Si demain un « Etat mondial » devait voir le jour, doté, comme nos Etats occidentaux, de monopoles, il sera alors peut-être opportun de rappeler que le premier d’entre eux fut sur les drogues. The international drug control François-Xavier Dudouet Université Paris Dauphine International drug control, far from being a prohibitionist policy, is above all a global attempt to regulate the legal trade in drugs. Contrary to the widely held view, drugs are not prohibited, but controlled 5 . What we commonly call “drugs” in fact include a range of substances which are in daily use in medicine, the misuses of which have been gradually outlawed. From a strictly legal point of view, it is not therefore the substances themselves which are prohibited but some of their uses, or more precisely non-medically controlled uses. Thus most substances categorised as narcotics or psychotropic drugs are common substances, such as codeine in Codoliprane® or dextropoxyphene in Di-antalvic®. This intellectual discrepancy between drugs and medicines is widely propagated by health professionals themselves who often refer to illegal and legal drugs 6 , while from a legal point of view such a distinction does not actually exist, since one substance can be both legally administered and illegally acquired and used. Drugs policy should not therefore be seen as an immutable state of affairs resting on the timeless chemical properties of the substances concerned, but should be established according to the various uses which can be made of them and the punishments which can be applied to them. In this sense, drugs policy is not prohibitionist but is a process of differentiation between authorised and unauthorised uses, and more precisely between actors who are authorised to use drugs legally and those who are not. As a consequence, analysis should focus on those who have identified legitimate and illegitimate uses and authorised and unauthorised actors. Rather than focusing on the pharmacological properties of drugs or on the ideological justifications for controlling them, we should, after Howard Becker, identify the issues and the actors behind this differentiation process. How, by whom and for whom was the distinction between legal and illegal uses made? This question has the makings of an answer in the paradigm which governs drugs policies both at a national and international level: limiting supply to legitimate demand. Indeed, the aim is not so much to prohibit drugs but rather to strictly limit their supply to the needs of medicine and science, which are recognised as being the only legitimate uses. While on a national level this principle resulted, from the end of the 19th century onwards, in the recognition of the monopoly held by doctors and pharmacists over the distribution of drugs for retail, the same was not true of wholesale supply (agricultural production, manufacturing and international trade), as no government was prepared to unilaterally limit these activities within its own boundaries 7 . Until the 1920s, drugs supplied to pharmacies and those sold on the black market came from the same sources: the Western pharmaceutical industry 8 . The international control of drugs is therefore a vast enterprise which entails the global monitoring and channelling of a supply which is monopolised by medicine. Analysis of the legal work produced by the League of Nations and then the UN with a view to limiting the legal production of drugs to merely medical and scientific uses has shown that negotiations essentially focused on the division of the market between the main producer countries. 5 DUDOUET F.-X., “De la régulation à la répression des drogues. Une politique publique internationale” in Les Cahiers de la sécurité intérieure, No.52, 2nd quarter 2003. 6 Thus a pharmacist who specialises in treating drug adducts and is also a member of the French Narcotics Commission (Commission française des stupéfiants) talked to us about legal and illegal drugs. In fact the only people we met who refused to think in these terms were a number of top officials who negotiated the Conventions or who, within the UN, were responsible for implementing them. However, this list is restricted to around a dozen people. 7 DUDOUET F.-X., “La formation du contrôle international des drogues” in Déviance et Société, Vol. 23, No.4, 1999. 8 DUDOUET F.-X., “L’industrie pharmaceutique et les drogues” in Studia Diplomatica, vol LV, no.5-6, 2002. CRIMPREV-LILLE 6/13 Assessing Deviance, Crime and Prevention in Europe. Projet CRIMPREV. Action de Coordination du 6° PCRD, financée par la Commission Européenne. Contrat n° 028300. Date de début: 1er juillet 2006. Durée 36 mois. Projet coordonné par le CNRS – Centre National de la Recherche Scientifique. Site internet : www.crimprev.eu. E-mail [email protected] However, these legal arrangements should not prevent us from examining the economic issues which underlie the establishment of international drug controls. Indeed, most work undertaken by the League of Nations and the UN has consisted of organising global drugs supply in order to distinguish legal supply for medical and scientific use from illegal supply to non-medically controlled users. This organisation of the legal drugs market is not without a variety of tensions which should be stressed in order to highlight both how unique and forceful this policy is. It seems, ultimately, that international drug control is a global attempt to order reality which establishes classifications, sets uses and boundaries and identifies actors. Behind the too widely held belief that the regulation of drugs is only based on how dangerous substances are lies a particularly restrictive social and economic system which is in question. Rarely analysed in its own terms, international drug control however represents a precedent for world governance which has no equivalent. If in the future a “World State” should be founded having, like our Western states, monopolies, it will perhaps be appropriate to remember that the first such state was founded to control drugs. CRIMPREV-LILLE 7/13 Assessing Deviance, Crime and Prevention in Europe. Projet CRIMPREV. Action de Coordination du 6° PCRD, financée par la Commission Européenne. Contrat n° 028300. Date de début: 1er juillet 2006. Durée 36 mois. Projet coordonné par le CNRS – Centre National de la Recherche Scientifique. Site internet : www.crimprev.eu. E-mail [email protected] D’une rive à l’autre : la criminalisation des drogues dans la politique tchèque Josef Radimecky, Centre for Addictology, 1st medical faculty, Charles University in Prague, Czech Republic Depuis la constitution de la République tchèque en 1918, la société tchèque a connu au moins trois types de régimes politiques différents - démocratiques (1918-1938 ; 1989-aujourd’hui), fasciste (19391945), et communiste (1948-1989). Ces deux derniers régimes, dont la tentative prolongée des communistes de construire un « idéal de société sans classes » (une société sans problèmes tels que le crime, l'utilisation de drogue, l'abus d'enfant et les maladies liées aux distinctions de classe), ont contribué de manière significative à une rupture du développement amorcé dans le pays, et à un frein considérable du processus de démocratisation. Cette situation est toujours patente aujourd'hui en république tchèque, plus de 17 ans après le changement de régime politique, dans un contexte d’opposition à l'"héritage du communisme", en particulier en ce qui concerne l'utilisation illicite de drogues. Les trois facteurs d'influence de la criminalisation/décriminalisation des drogues en Europe, étudiée dans le projet de recherche européen CRIMPREV, ont donc été, sous le régime communiste, envisagés d'une manière très différente de n'importe quelle autre société démocratique. Ainsi, les politiques de Welfare ont été utilisées en tant qu’outils de contrôle social (notamment quant aux manifestations de comportements anticonformistes) et l'opinion publique a été manipulée par diverses stratégies de désinformation en vue de condamner les individus ou les groupes se comportant de façon non conforme – (usage de drogues, pensée dissidente, dénonciation de la violation des droits de l'homme dans la société communiste etc.). Ainsi, sous le régime communiste, les usagers de drogues (principalement cultivées à domicile) ont été traités publiquement et persécutés en tant qu'ennemis de l’idéal d’une société égalitaire sans classe. Leur traitement forcé a été assuré par des unités psychiatriques « anti-alcooliques et antitoxicomaniaques » autant à l’intérieur qu’en dehors d’un contexte hospitalier. En 1985, les cliniciens de ces unités avaient enregistré 6.982 personnes « dépendantes ou abusant de drogues sans dépendance » (Kalina, 1993 ; p. 7), mais on notera cependant que, selon l’évaluation d'autres experts, le nombre de toxicomanes dans les années 80 se situait plutôt entre 25.000 et 30.000 (Nozina, 1997). En effet, il apparaît aujourd’hui que des drogues ont bien été consommées sous le premier régime communiste, bien que ce fait n'ait pas été connu du public, le gouvernement considérant cette question comme un véritable tabou. Par conséquent, le public n'a pas pu développer une réelle connaissance permettant de conceptualiser l'utilisation de drogue, et encore moins d’être vigilant, d’analyser et de répondre à ce phénomène. Cette situation se reflète bien dans la loi 9 élaborée et adoptée par le ministère de la santé en 1989, législation tombée en désuétude directement après les changements sociaux liés à la révolution 1989 10 : en dépit de son inadéquation, cette législation est demeurée en vigueur jusqu'à 2005. Plus tard, on observera un mécanisme similaire lors des tentatives du ministère des affaires sociales d’adopter une législation innovante, afin de définir les nouveaux types de services sociaux apparus notamment pour les usagers de drogue : cette loi, entrée en vigueur en 2006, apparaît 16 ans après le changement de régime politique. Ceci témoigne du faible intérêt des décideurs tchèques quant au Welfare lorsqu’il s’agit, en particulier de traiter des drogues illicites. Dans le domaine de la pénalisation, ils furent cependant beaucoup plus rapides, comme nous le démontrerons ci-dessous. Depuis le changement de régime à la fin de 1989, la situation en ce qui concerne l'utilisation de drogue, n’a pas évolué de manière aussi dramatique que l’ont laissé entendre les représentations véhiculées par les médias, notamment par le biais de nouvelles sensationnelles ayant affecté l’opinion publique et le monde politique (Radimecky, 2007). Selon le Centre national de surveillance des drogues et des dépendances (2006) le nombre d’usagers de drogues problématiques est demeuré relativement stable sur le long terme (environ 30.000, ce qui représenterait moins de 0.4% de la 9 Loi n° 37/1989 sur la protection face à l’alcoolisme et autres penchants toxiques Par exemple, cette loi ne reflète pas les transformations résultant de la décentralisation de l’administration publique, de la privatisation des complexes médicaux, les nouvelles voies de soutien ou la mise en place de nouveaux types de services non médicaux pour les usagers de drogues. 10 CRIMPREV-LILLE 8/13 Assessing Deviance, Crime and Prevention in Europe. Projet CRIMPREV. Action de Coordination du 6° PCRD, financée par la Commission Européenne. Contrat n° 028300. Date de début: 1er juillet 2006. Durée 36 mois. Projet coordonné par le CNRS – Centre National de la Recherche Scientifique. Site internet : www.crimprev.eu. E-mail [email protected] population totale âgée 15 à 64 ans). Cependant, la prévalence et/ou l'utilisation expérimentale de cannabis et d’ecstasy ont, dans une certaine mesure, -et de façon constante- augmenté depuis la moitié des années 90. Le premier gouvernement tchèque - après la scission de l'ancienne Tchécoslovaquie début 1993 - a consacré le droit de consommer n'importe quel type de drogues comme droit reconnu parmi différents droits de l'Homme (Kalina, 1993). En 1996, en droite ligne de ce premier programme gouvernemental de 1993 relatif à la politique des drogues – il fut décidé que la possession de toute quantité de drogues illicites pour usage personnel ne devait pas faire l’objet de sanction. Cette situation n’a cependant pas duré très longtemps. En 1997, partant de l’argument de l’augmentation de la détention et de la consommation de drogues illicites, certains membres du parti chrétien-démocrate ont soumis au Parlement une proposition visant à restreindre le champ de la législation sur les drogues. Cette première tentative n’a cependant pas abouti. Mais en 1998 on recense quelques propositions gouvernementales similaires qui, paradoxalement, ne visaient pas directement la politique de drogue ou ne s’y référaient pas explicitement. Parmi celles-ci, une proposition controversée criminalisant la possession de drogue, même pour usage personnel, a quant à elle suscité une passionnante discussion entre partisans et adversaires - principalement chez les professionnels de la santé -. Si elle a tout d’abord suscité un veto (quant à l’adaptation de la législation), le Président Vaclav Havel l’a ensuite renvoyé au Parlement, en vue de nouvelles discussions. Le Parlement a dès lors revu son veto et approuvé la révision de la loi de drogue (sous une forme inchangée par rapport à la première proposition). Cette disposition est entrée en vigueur depuis le 1er janvier 1999. Ainsi, décider de la pénalisation de la possession de drogue pour usage personnel (et de facto, de l'usage des drogues) n'a pas pris plus de deux ans aux décideurs tchèques, en comparaison avec les 15 et 16 ans qui se sont écoulés avant le changement de la législation sociale relative à l’usage de drogues. Néanmoins, comme le suggère l'analyse de la nouvelle législation (Zabransky et. al, 2001), le principal objectif déclaré de ce « rétrécissement » de la loi sur les drogues - diminuer l'accessibilité aux produits et leur utilisation – n’a pas été rencontré sur le terrain. Ainsi, les données de 2006 montrent que les drogues sont bien plus disponibles qu'avant 1999 et que la demande de stupéfiants n’a pas diminué. En même temps, comme les adversaires de cette réforme l’avaient annoncé en 1998, ce changement de législation n'a pas davantage conduit à une amélioration des indicateurs de santé. La raison de cet état de fait pourrait résider dans la distorsion existant entre la politique officielle contenue dans la loi et son application dans la pratique où il semble que la police ne poursuit pas les utilisateurs de drogues de façon massive. En République Tchèque, 180 citoyens sont poursuivis annuellement pour la possession de drogue (Mravcik et autres, 2006). En dépit de cela, comme nous l’avons souligné, la politique tchèque des drogues semble - contrairement à la rhétorique des documents politiques officiels - être dirigée par des soucis politiques et moraux plutôt que par des impératifs de santé publique. From Pillar to Post: From One to Another Criminalisation in Czech Drug Policy Josef Radimecky, Centre for Addictology, 1st medical faculty, Charles University in Prague, Czech Republic Since the development of the constitution of the Czechoslovak Republic in 1918, Czech society has experienced at least three distinct types of political regimes – democratic (1918-1938; 1989-present), fascist (1939-1945), and communist (1948-1989). The latter two along with the very long communists’ “trial” to build up an “ideal classless” society (one without typical problems such as crime, drug use, child abuse, and illnesses attributable to class distinctions) contributed significantly to a breakdown of the initially democratic development of the country, causing a great deal of damage in the process. This is revealed today, more than 17 years after the dramatic change in political regimes, in the Czech Republic’s adverse “heritage of communism” in particular with regard to illicit drug use. As far as three factors of influence in relation to the process of criminalisation – decriminalisation of drugs in Europe studied within the European research project CRIMPREV are concerned these were under the communist regime treated also in a far different way than in any democratic society. Welfare policies served as a tool for social control of any manifestation of non-conform behaviour, and public CRIMPREV-LILLE 9/13 Assessing Deviance, Crime and Prevention in Europe. Projet CRIMPREV. Action de Coordination du 6° PCRD, financée par la Commission Européenne. Contrat n° 028300. Date de début: 1er juillet 2006. Durée 36 mois. Projet coordonné par le CNRS – Centre National de la Recherche Scientifique. Site internet : www.crimprev.eu. E-mail [email protected] opinion has been manipulated with the use of various types of misinformation in order to render verdict against individuals or groups behaving in rather non-conform ways – whether they used drugs, thought in a different way and/or drew public’s attention to the violation of human rights in the communist society. Thus, while under the control of the communist regime drug users of predominantly home-made drugs were treated as public enemies of the so-called “ideal classless society” and persecuted. Their compulsory treatment was conducted by “anti-alcoholic and anti-toxic manic” units of psychiatric outor in-patient clinics. In 1985, these clinicians had registered 6,982 ‘persons with addiction… and abusing drugs without addiction’ (Kalina, 1993; p. 7). However, according to other experts’ estimates the number of drug addicts in the 1980s was as between 25,000 and 30,000 (Nozina, 1997). Thus, it seems that drugs were also used under the earlier communist regime, although this fact was not typically known by the public because the government treated the topic as taboo. Consequently, the public never developed any knowledge regarding appropriate mechanisms with which to conceptualize drug use, much less to monitor, analyze, and respond to it. It was mirrored in the act 11 prepared by Ministry of Health that had been adopted in 1989, legislation which lost its effectiveness immediately following societal changes after the 1989 revolution 12 . Despite its irrelevance, that legislation remained in force till 2005. Similar development has been witnessed within the attempts of Ministry of Social Affairs to innovate legislation defining newly appeared types of social services including those for drug users. Also this act came into a force in 2006; it is 16 years after the change of political regime. This suggests that welfare has been, and still seems to be of a little concern of Czech decision-makers when regards illicit drugs. In the area of penalization they were much faster as it will be demonstrated below. The situation with regard to drug use since the change in political regimes at the end of 1989 has not developed in a dramatic way, contrary to various media portrayals, sensationalized reports that have impacted public and political opinions (Radimecky, 2007). According to the National Monitoring Centre for Drugs and Drug Addictions (2006) the number of problem drug users has remained relatively stable over the long term at about 30,000, which would be less than 0.4% of the total population aged 15 to 64. However, life-time prevalence and/or experimental use especially of cannabis and of ecstasy to a certain extent have been steadily rising since mid of 90’s. The first Czech government – after the split of former Czechoslovakia in the beginning of 1993 – acknowledged the right to use any type of drugs as a part of individual human rights (Kalina, 1993). In line with this statement from the first Governmental Programme of Drug Policy 1993 - 1996 possession of any amount of illicit drugs for personal use wasn’t subject of punishment. This however didn’t last long. In 1997, with the use of arguments of increasing availability and life-time prevalence of illicit drugs some of members of Christian-Democratic Party submitted to the Parliament proposal to tighten up existing drug legislation. This first attempt wasn’t successful. Nevertheless, in 1998 submitted similar proposal government that paradoxically didn’t drug policy in its statement of establishment even mention. Controversial proposal to criminalise drug possession even for personal use started an excited discussion between proponents and opponents – mainly health professionals - of the proposal. This resulted to a veto of this update of legislation as approved by the Parliament by then president Vaclav Havel who has returned the proposal back to the Parliament’s further discussion. The Parliament over voted his veto and approved the update of drug law in an unchanged form. This came into a force since the 1st January 1999. So, to establish criminalisation of drug possession for personal use and de facto the use of drugs took the Czech decision-makers no longer than 2 years compared to 15 and 16 years respectively they needed in order to change legislation with regard to welfare issues. Nevertheless, the main declared aims of this drug law tightening – to decrease accessibility of drugs and use of them – haven’t been met as suggested by the Analysis of New Drug Legislation (Zabransky et al., 2001). Even data from 2006 show that drugs are even more available than before 1999, neither has decreased demand for them. At the same time, this legislation change didn’t lead to an increase of adverse health indicators as opponents of this step argued in 1998. The reason might be in a discrepancy between official policy as stated in the drug law and its enforcement in practice where it seems that the police don’t persecute drug users in a massive way. In the Czech Republic there is 11 Act no. 37/1989 on the protection against alcoholism and other toxic manias. For example, changes as consequences of decentralization of public administration, privatization of medical facilities, new ways of funding or the establishment of an array of new types of nonmedical services for drug users are not reflected in this act. 12 CRIMPREV-LILLE 10/13 Assessing Deviance, Crime and Prevention in Europe. Projet CRIMPREV. Action de Coordination du 6° PCRD, financée par la Commission Européenne. Contrat n° 028300. Date de début: 1er juillet 2006. Durée 36 mois. Projet coordonné par le CNRS – Centre National de la Recherche Scientifique. Site internet : www.crimprev.eu. E-mail [email protected] accused for drug possession for personal use about 180 citizens annually (Mravcik et al., 2006). Despite this, as demonstrated the Czech drug policy seems to be – in contrary to the rhetoric of official political documents – driven by political and moral rather than public health concerns in relation to drug use. Consommateurs de drogues de synthèse en milieu festif : une pratique, une sociabilité et des représentations spécifiques. Nathalie Lancial Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques Clersé UMR CNRS 8019, Université des Sciences et Technologies de Lille Les drogues et les questions relatives à leur consommation sont de plus en plus présentes dans notre quotidien. Que ce soit au travers des media ou dans les publications scientifiques, le sujet ne cesse d’éveiller l’intérêt des spécialistes. L’étude de ce phénomène ne peut se faire sans l’évocation du contexte social et culturel dans lequel il se déroule. Or lorsqu’il s’agit d’évoquer les drogues de synthèse, on remarque la prédominance d’un rapprochement entre la consommation de celles-ci et la fréquentation des discothèques distillant des musiques électroniques. Quelles sont alors les caractéristiques des clubs techno qui seraient non pas propices (car le sujet n’est pas ici de relater un quelconque pouvoir d’incitation de ces types de musiques et de lieux à la consommation de drogues), mais plutôt en adéquation avec les représentations afférentes à ces drogues et avec les effets obtenus par la consommation de celles-ci ? La fréquentation de ces lieux ainsi que la consommation de ces substances ont-elles une incidence sur les représentations qu’ont les noctambules de leurs pratiques ? La somme des consommateurs festif forme-t-elle une entité unique ou est-elle, au contraire, divisée en son sein ? Autant de questions utiles dans l’appréhension d’une population somme toutes peu connue par le chercheur, notamment du fait de l’illégalité de cette pratique. Existe-il une relation directe entre drogues et fête techno ? A cette question il semble bien que l’opinion réponde invariablement d’une manière positive, ne serait-ce qu’à en juger par l’intérêt grandissant des media, depuis quelques années, concernant ces questions. Aussi, et les chiffres l’attestent, on ne peut nier une surreprésentation des consommateurs de drogues de synthèse dans les clubs techno. En effet, dans le Psychotropes volume 9 n°3-4 de 2003, un article de Stéphane Legleye et François Beck, « Sociabilités, styles musicaux et usages de substances psychoactives à 18 ans », nous apprend que, parmi les jeunes interrogés, il sont 22,9% à déclarer avoir consommé de l’ecstasy au cours des douze derniers mois pour les individus fréquentant les clubs techno contre seulement 5,1% pour les adeptes de rap et reggae. Aussi, tout genre musical confondu, ce sont les musiques électroniques qui nous livrent le plus fort taux de consommateurs de substances psychoactives. Comment alors expliquer cette tendance ? La fête techno est l’occasion d’émotions fortes, de dépaysement, de partage avec les autres ou encore de convivialité. Dans cet espace, le groupe a une importance primordiale. Le clubbing n’est donc pas une pratique individuelle mais suppose une conscience aigue du lien collectif. Or les effets psychiques induits par les drogues de synthèse ont tendance à favoriser et à faciliter les interactions au sein de ce collectif éphémère. Il s’agit donc à la fois d’une expérience individuelle (la consommation de drogues en elle-même) mais aussi collective (avec les autres, en même temps qu’eux, idée de plaisir partagé). Enfin, le type musical est certainement un facteur de rapprochement de cette consommation avec ces lieux. L’originalité de cette pratique réside dans cette idée relativement nouvelle que la consommation de substances psychoactives ne sert pas à échapper à la réalité ou à des problèmes ; bien au contraire ! Elle est toujours cantonnée à des évènements festifs, joyeux, réalisée par des individus le plus souvent insérés socialement, l’usage étant plutôt sociable que solitaire. Nous assistons là au développement de la consommation dite récréative. Les usagers consomment ces substances dans une logique hédoniste d’amusement et de plaisir. Et c’est pour cela que les pairs joueront un rôle primordial : ils vont tout d’abord initier, inciter à la consommation (cf Becker dans Outsiders et les fumeurs de marijuana, 1985.) mais ils vont aussi contrôler, réglementer cette consommation ainsi que mettre en place des mécanismes d’autorégulation. L’individu consommateur, grâce à ces deux modes de régulation que sont l’expérience personnelle et le conseil par les pairs, fera en sorte qu’il s’agisse pour lui d’une expérience non linéaire, non totale mais bien festive et récréative. Il sera alors pertinent ici d’utiliser la notion de « carrière », au sens où l’entendent Ogien & Mignon ou encore Duprez & Kokoreff, pour rendre compte de la diversité des CRIMPREV-LILLE 11/13 Assessing Deviance, Crime and Prevention in Europe. Projet CRIMPREV. Action de Coordination du 6° PCRD, financée par la Commission Européenne. Contrat n° 028300. Date de début: 1er juillet 2006. Durée 36 mois. Projet coordonné par le CNRS – Centre National de la Recherche Scientifique. Site internet : www.crimprev.eu. E-mail [email protected] parcours et des pratiques de ces individus, compte tenu de la diversité des expériences personnelles possibles. Comme je l’ai précédemment évoqué, le temps de la fête est un temps éminemment collectif produisant un ensemble vibrant à l’unisson. En d’autres termes, faire partie de ce milieu et prendre part à ces activités crée une sociabilité particulière qui fonctionnera à trois niveaux. En premier lieu, il existe une sociabilité du fait de l’appartenance au milieu techno, le type de musique étant vecteur de sociabilité du fait, notamment, du type d’endroits fréquentés, des looks adoptés ou encore de l’apprentissage de techniques comme le mix. Cette sociabilité servira à former le groupe de pairs (ou groupe d’amis ici) mais aussi, à un niveau plus large, à opérer la distinction entre « eux » (le monde extérieur, les non adeptes de ce courant,…) et « nous ». En deuxième lieu, on observe une sociabilité du fait de la consommation de drogues de synthèse, moins par l’acte en lui-même que par la symbolique et les représentations qui lui sont associées. Encore une fois, cela se jouera à deux niveaux : d’abord au sein du groupe de pairs par le partage d’expérience, de ressentis ou encore du secret entourant cette pratique, ensuite à un niveau supérieur, c'est-à-dire avec les autres participants d’une soirée, principalement grâce à la reconnaissance d’appartenance à une grande famille dans laquelle la notion de déviance n’a plus son sens. Enfin, en troisième lieu, on peut observer une sociabilité émanant de l’adhésion commune à des représentations. Ici, l’éventail de ces représentations est si vaste que je prendrai le parti de n’évoquer en détail que le cas des représentation du dealer par les usagers de drogues, sans pour autant oublier de mentionner d’autres exemples pouvant à leur tour être étudiés. Dans un troisième temps, cet article s’évertuera à présenter le concept de carrière ainsi qu’à utiliser celui-ci pour la création d’une typologie d’individus propre à la question qui est la notre ici. L’idée de carrière repose sur des facteurs qui sont de deux types : des facteurs individuels d’une part et des facteurs environnementaux d’autre part ; Et ce sera alors l’interaction entre ces deux types de facteurs, et les différentes formes que pourront prendre ces interactions, qui seront à l’origine des différents types de carrière. Dans cette étude j’ai donc choisi de créer une typologie regroupant trois types de carrières de consommateurs de drogues de synthèse en milieu festif que je détaillerai dans la version longue de cet article. Les milieux techno et le monde de la nuit sont un monde à part ; au niveau des représentations qui y sont généralement associées mais aussi parce qu’ils sont le théâtre d’une pratique déviante de plus en plus répandue, la consommation de drogues de synthèse. Jusqu’à une période récente, ces milieux restent relativement protégés des enquêtes policières et du processus pénal (cf Duprez & Kokoreff) ; mais dans un contexte croissant de la pénalisation, il ne faut pas exclure le risque de criminalisation de ces pratiques. Users of illegal synthetic drugs in the festive scene : a practice, a sociability, and specific representations Nathalie Lancial Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques Clersé UMR CNRS 8019, Université des Sciences et Technologies de Lille Drugs and the problems regarding their consumption are increasingly present in our everyday life. The subject continues to peak the interest of the media and to be addressed by specialists in scientific publications. The study of this phenomenon must necessarily include the social and cultural context in which it occurs. However, when we discuss synthetic drugs and their use, it is often associated with images of discotheques playing electronic music. Following this line of thought, we must ask: What are the characteristics of techno clubs which support these representations, especially those related to these drugs and their effects 13 ? Does attending these places, as well as using these substances, affect the night clubber’s representations about their own practices? Do consumers represent a single group or are they rather diverse? In other words: there are still many questions about this specific populous (poorly known by researchers, in particular because of its illegality). 13 It is, by no means, our aim to imply that these places or this genre of music encourages drug consumption. CRIMPREV-LILLE 12/13 Assessing Deviance, Crime and Prevention in Europe. Projet CRIMPREV. Action de Coordination du 6° PCRD, financée par la Commission Européenne. Contrat n° 028300. Date de début: 1er juillet 2006. Durée 36 mois. Projet coordonné par le CNRS – Centre National de la Recherche Scientifique. Site internet : www.crimprev.eu. E-mail [email protected] Is there a direct relation between drugs and the techno scene? It seems that this question invariably induces a positive answer from the public. And this has been the case for a long time, judging by the growing interest of the media in this topic. We cannot deny, given the figures to back it up, an over-representation of synthetic drug users in techno clubs. In Psychotropes vol. 9 n°3-4, 2003, a paper by Stephan Legleye and François Beck, ("Sociabilités, styles musicaux et usages de substances psychoactives à 18 ans"), shows that, 22,9% of young people attending techno clubs have consumed ecstasy during the last twelve months, compared to only 5,1% within rap and reggae fans. Out of all genres of music, electronic music is correlated with the highest percentage of psychoactive substances users. How can we explain this tendency? In a sense, techno events are occasions of deep emotions, of transportation, of openness, of sharing with the others. In this context, the group has a vital importance. Clubbing isn’t an individual practice but supposes an acute consciousness of collective links. The psychic effects provoked by synthetic drugs tend to support and facilitate interactions inside this temporary group. It represents at the same time an individual experiment (the drug use in itself) but also a collective moment (with other people, at the same time, with shared ideas and pleasures…). Finally, music certainly is a factor in the link between drug consumption and these locations What is original about this type of drug use is in the relatively new idea that the consumption of psychoactive substances is not a way to escape from reality or one’s problems. On the contrary, synthetic drug use of this type is always associated with social events and pleasure and not with loneliness. It is also supported by individuals who are generally socially well-integrated. Thus, the development of entertainment drug consumption seems to be on its way. People use these substances with pleasure in a hedonist and amusing way. And that’s why peers will play important part: they first initiate, then support consumption (cf Becker, Outsiders, about marijuana smokers, 1985.), but they also control and regulate it, by creating mechanisms of self-regulation. Thanks to two kinds of regulations (personal experiment and peers counselling), the consumer performs a nonlinear experiment, one which is quite cheerful and entertaining. Thus, the concept of "career" (as clarified by Ogien & Mignon or Duprez & Kokoreff) seems relevant. It may help to describe a diversity of conducts and practices, and to consider a variety of personal experiments. As previously suggested, parties represent a highly collective time, creating a vibrating crowd in accord. In other words, being an element of this environment and taking part in these activities helps to create a particular sociability that works at three levels. First of all, there is sociability because of techno circles: music is a vector of sociability related to the places attended, special looks and mix -training. This sociability helps to assemble peers or friends, but also -on a broader level- to create a distinction between "them" (i.e. the “outside world” or nonfollowers of this movement) and "us". Secondly, one observes sociability because of synthetic drug consumption, less by the act in itself than by a symbolic system and by associated representations. Once again, this acts on two levels. Initially this occurs within the group, by sharing the experiment, the feelings and the secret surrounding this practice. Then it occurs on a higher level, with the other members of the event, mainly according to the integration in a large family where the concept of deviance doesn’t have any meaning. Finally, sociability comes from sharing common representations. The range of these representations is so large that I will only evoke one in detail: the depiction of the dealer shared by drug users (but I will also mention other interesting examples). In addition to the above two themes, this article will present the concept of career, and will apply it to the creation of a typology of individuals related to our topic of interest. The idea of career is based on two types of factors: individual factors, on the one hand, and environmental factors on the other hand. The interaction between these two types of factors and the various forms of these interactions will be at the origin of the different types of carriers. In this study I thus create a typology that defines three types of careers of synthetic drug consumers acting in the party scene. I will address this topic in more detail in a longer version of this article. The techno scene and its nightlife are worlds in themselves.This is due to the representations which are generally associated with them, but also because they are the theatre of deviating practices such as synthetic drugs consumption. Up until recently, these scenes remained relatively protected from police investigations and from the penal procedures (see Duprez & Kokoreff), but in a growing context of penalization, we should not exclude the risks of criminalising these practices to a higher degree. CRIMPREV-LILLE 13/13