(De)criminalisation of the use and possession of drugs / L

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(De)criminalisation of the use and possession of drugs / L
Information
Milestones
Work Package n° 3 – Workshop 7-8 mars 2008
(De)criminalisation of the use and
possession of drugs / L’usage et la détention
de stupéfiants, entre criminalisation et
décriminalisation
SUMMARIES / RESUMES
* Lille (France)
* Scientific coordinators : Marie-Sophie Devresse (Clersé - INCC)
Maria-Luisa Césoni (UCL)
simultaneous translations (English, French) are provided during the seminar /
traductions simultanées prévues (anglais, français) : Marie-Anne Lutchmaya
Contact : Marie-Pierre Coquard (CNRS – Clersé) / [email protected]
website : www.crimprev.eu
Assessing Deviance, Crime and Prevention in Europe. Projet CRIMPREV. Action de Coordination du 6° PCRD, financée par la Commission Européenne. Contrat n° 028300.
Date de début: 1er juillet 2006. Durée 36 mois. Projet coordonné par le CNRS – Centre National de la Recherche Scientifique. Site internet : www.crimprev.eu. E-mail [email protected]
Le Clersé est unité constitutive de la Maison européenne des SHS Nord Pas-de Calais
Assessing Deviance, Crime and Prevention in Europe. Projet CRIMPREV. Action de Coordination du 6° PCRD, financée par la Commission Européenne. Contrat n° 028300.
Date de début: 1er juillet 2006. Durée 36 mois. Projet coordonné par le CNRS – Centre National de la Recherche Scientifique. Site internet : www.crimprev.eu. E-mail
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Criminalisation et décriminalisation de la consommation des drogues au Portugal
Jorge Albino Quintas de Oliveira,
Professeur, Faculté de droit de l’Université de Porto, Portugal
Les influences internes et externes au système de justice sur les mouvements de criminalisation et
décriminalisation de la consommation de drogues au Portugal seront analysées dans la
communication proposée.
Celle-ci présentera les principales lois portugaises qui criminalisent la consommation de drogues
(1926, 1979, 1983 et 1993) ainsi que la loi de la décriminalisation de la consommation de toutes les
drogues illégales (2000).
Nous étudierons également, par comparaison, les données officielles de la mise en oeuvre des lois
ainsi que l'évolution de la consommation de drogues.
La comparaison montre que les principaux résultats de l'application de la loi de la décriminalisation de
la consommation sont :
i) un accroissement de la répression policière à l’égard de la consommation de hachisch et
une diminution accentuée à l’égard de la consommation d'héroïne et de la politixicomanie
(au niveau de la police) ;
ii) l'augmentation du nombre de consommateurs sous tutelle légale et, particulièrement,
l'application des mesures de traitement dans le contexte de la suspension provisoire du
processus pénal ; ceci au détriment d’une application importante de l'amende (au niveau
de la justice).
Cette évolution dans l'application de la loi coexiste avec :
- une tendance à l'augmentation modérée des consommations de drogues qui est déjà vérifiée avant
la mise en oeuvre de la loi ;
- une diminution des consommations problématiques et de leurs conséquences sanitaires. D'après
l'analyse des données empiriques, les principaux avantages et les limites du modèle de
décriminalisation de la consommation adoptée au Portugal peuvent être mis en relief.
Criminalisation and decriminalisation of drug use in Portugal
Jorge Albino Quintas de Oliveira,
Professor, Faculty of law, Porto University, Portugal
The influences inside and outside the justice system on the drug use criminalisation and
decriminalisation movements in Portugal will be analysed in the proposed communication.
This will outline the main Portuguese laws which have criminalised drug use (1926, 1979, 1983 and
1993) and the law decriminalising the use of all illegal drugs (2000).
We will also, by way of comparison, examine the official data on the implementation of the laws and
the changes in drug use.
The comparison shows that the main results of the law decriminalising drug use are:
i)
an increased police clampdown on hashish use and a significant reduction in heroin use
and multiple drug abuse (in police terms);
ii)
an increased number of users under legal supervision and, particularly, the
implementation of treatment measures in the context of the provisional suspension of the
penal process; this has led to a fall in the use of the fine, which was previously widely
imposed (in judicial terms).
This change in the implementation of the law goes hand in hand with:
- a moderate upward trend in drug use which had already been noted before the law came into force;
- reduced problem drug use and its consequences for health. The analysis of empirical data allows us
to stress the main advantages and limits of the drug use decriminalisation model adopted in Portugal.
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Criminalisation et dépénalisation
de la consommation et de la détention de drogues en Hongrie
Miklós Lévay
Juge de la court constitutionnelle de Hongrie,
Professeur et Directeur du département de criminologie, faculté de droit, Université Eötvös Loránd,
L’article examinera les sujets suivants :
(i) un aperçu général du développement de la politique et du droit pénal en matière de drogues
en Hongrie
(ii) les modifications en matière de criminalisation et de dépénalisation de la consommation et
de la détention de drogues,
(iii) les forces motrices des modifications, en particulier les influences de la politique, des
experts et des droits de l’homme,
(iv) interprétation des modifications du droit pénal hongrois en matière de drogues sur la base
du modèle théorique du « constructionnisme social ».
1. La Hongrie ne dispose pas d’une législation unique en matière de drogue. Différents domaines du
problème des stupéfiants sont réglés par différents statuts. Les questions liées à la santé publique, au
contrôle administratif, au traitement médical, à la protection des données et aux délits associés à la
drogue sont traités avec différents statuts.
Toutes les infractions créées par la loi en matière de stupéfiants sont incluses dans le Code pénal
hongrois (CPH) de 1978. Ces infractions ont été considérablement modifiées depuis l’entrée en
vigueur du Code le 1er juillet 1979.
Depuis le changement de régime de 1989-1990 en Hongrie, la législation sur les délits en matière de
drogue a été modifiée de façon significative à trois reprises (1993, 1998, 2003). La caractéristique
commune de ces modifications est qu’elles ont été effectuées sous différents gouvernements et que
ces derniers ont introduit des règlements fondamentalement nouveaux en comparaison avec ceux du
gouvernement précédent.
Les caractéristiques les plus importantes des modifications et le développement de la politique en
matière de drogue en tant que politique publique seront discutés ultérieurement dans cette partie de
l’article.
2. La deuxième partie de l’article se concentre sur les modifications en matière de criminalisation et de
dépénalisation de la consommation et de la détention de drogues dans le droit pénal hongrois. Une
attention particulière est accordée à la mise en oeuvre du principe de « soins à la place de sanctions »
au sein de la politique criminelle hongroise en matière de drogue.
3. Cette section de l’article traite de l’impact de la politique, des experts et des droits de l’homme sur
les modifications du droit pénal en matière de drogue en Hongrie.
La décision du tribunal constitutionnel hongrois concernant la consommation de stupéfiants [Décision
54/2004. (XII.13.)] sera discutée de manière détaillée. La décision du tribunal constitutionnel a
argumenté que la criminalisation de la détention de drogues pour un usage personnel était justifiée
par le devoir de l’État de protéger les droits de l’homme. Conformément à la décision, personne n’a le
droit d’être sous l’influence de la drogue, les poursuites criminelles à l’encontre des consommateurs
de drogues ne sont, par conséquent, pas anticonstitutionnelle.
4. Les conclusions seront tirées à la lumière de la théorie du « constructionnisme social », telle
qu’interprétée par Eric Jensen et Jurg Gerber (1993).
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Criminalisation and Depenalisation
of Drug Use and Drug Possession in Hungary
Miklós Lévay
Judge of the Constitutional Court of Hungary,
Professor and Head of Department of Criminology Faculty of Law, Eötvös Loránd University,
The paper will discuss the following subjects:
(i) a general overview on the development of drug policy and the drug criminal law in Hungary,
(ii) changes of criminalisation and depenalisation on drug use and drug possession,
(iii) driving forces of the changes, particularly influences of politics, experts and human rights,
(iv) interpretation of the changes of the Hungarian drug criminal law based on the theoretical model of
“social constructionism”.
1. Hungary has no single drug law. Different fields of the drug problem are regulated by different
statutes. The issues of public health, administrative control, medical treatment, data protection and
drug offences are dealt with various statutes.
All of the statutory drug offences are included in the Hungarian Penal Code (HPC) of 1978. These
offences have been changed considerably since the Code came into force on 1 July, 1979.
Since the change of regime of 1989-1990 in Hungary, the legislation on drug offences has been
significantly amended three times (1993, 1998, 2003). The common feature of these amendments is
that they were carried through under different governments, and that the different governments
introduced fundamentally new regulations compared to those of the former one.
Most important characteristics of the changes and the development of the drug policy as a public
policy will be discussed later in this part of the paper.
2. The second part of the paper focuses on the changes of criminalisation and depenalisation on drug
use and drug possession in Hungarian criminal law. A special attention is given to the implementation
of the principle of “treatment instead of punishment” in Hungarian drug criminal policy.
3. This section of the paper deals with the impact of politics, experts and human rights on the changes
of drug criminal law in Hungary.
The decision of the Hungarian Constitutional Court on drug abuse [Decision 54/2004. (XII.13.)] will be
discussed in detail. The Decision of the Constitutional Court argued that the criminalisation of the
possession of drugs for personal use is justified by the State’s duty to protect human rights. According
to the Decision, nobody has the right to be under influence of drugs, therefore the criminal prosecution
against drug users is not unconstitutional.
4. The conclusions will be drawn in the light of the theory of “social constructionism”, as interpreted by
Eric Jensen and Jurg Gerber (1993).
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Le contrôle international des drogues
François-Xavier Dudouet
Université Paris Dauphine
Le contrôle international des drogues, loin d’être une politique prohibitionniste, est d’abord une
entreprise de régulation de l’économie licite des drogues au niveau mondial. Contrairement à l’idée
communément répandue, les drogues ne sont pas interdites, mais contrôlées 1 . Ce que l’on a coutume
d’appeler « drogues » recouvre en fait, un ensemble de substances quotidiennement utilisées en
médecine et dont les usages détournés ont progressivement été condamnés par le droit. D’un point
de vue strictement juridique, ce ne sont donc pas les substances elles-mêmes qui sont interdites mais
certains de leurs usages, ou plus exactement les usages non médicalement contrôlés. Ainsi la plupart
des substances classées comme stupéfiants ou psychotropes sont des produits courants : telle la
codéine dans le Codoliprane® ou le dextropropoxyphène dans le Di-antalvic®. Ce hiatus intellectuel
entre drogue et médicament est largement véhiculé par les professionnels de la santé eux-mêmes qui
spontanément parlent de drogues illicites et de drogues licites, 2 alors que du point de vue du droit une
telle distinction n’existe justement pas, car une même substance peut être licitement administrée
comme illicitement acquise et consommée.
La politique en matière de drogues ne doit donc pas être conçue comme un état de fait immuable
reposant sur les propriétés chimiques intemporelles des substances couvertes, mais d’après les
usages différenciés qui en sont fait et les condamnations dont ils peuvent faire l’objet. En ce sens la
politique des drogue n’est pas prohibitionniste, mais un processus de différenciation entre des usages
autorisés et non autorisés et plus précisément entre des acteurs autorisés à faire un usage licite des
drogues et ceux qui ne le sont pas. Dès lors, l’interrogation doit se concentrer sur ceux qui ont définis
les usages légitimes et non légitimes et désignés les acteurs autorisés ou non autorisés. Plutôt que de
s’interroger sur les propriétés pharmacologiques des drogues ou sur les justifications idéologiques de
leur mise sous contrôle, il convient, à la manière d’Howard Becker, de faire ressortir les enjeux et les
acteurs qui sont à l’origine de cette entreprise de différenciation. Comment, par et au profit de qui s’est
établie la distinction entre usages licites et illicites ?
Cette interrogation trouve un début de réponse dans le paradigme qui gouverne les politiques en
matière de drogues tant au niveau national qu’international : limiter l’offre à la demande légitime. En
effet, il ne s’agit pas tant d’interdire les drogues que d’ajuster strictement leur offre aux besoins de la
médecine et de la science, reconnus comme seuls légitimes. Si au niveau national ce principe trouva
dès la fin du 19ème siècle une réponse dans la reconnaissance du monopole des médecins et des
pharmaciens sur la distribution au détail des drogues, il en allait autrement pour l’offre de gros
(production agricole, fabrication et commerce international) ; aucun gouvernement n’étant disposé à
limiter unilatéralement ces activités sur son sol 3 . Jusqu’aux années 1920, les drogues délivrées en
pharmacie, comme celles vendues de manière clandestines, venaient des mêmes sources
d’approvisionnement ; à savoir les industries pharmaceutiques occidentales 4 . Le contrôle international
des drogues est donc cette vaste entreprise consistant à encadrer et canaliser au niveau mondial une
offre monopolisée par la pratique médicale.
L’étude du travail juridique produit par la Société des Nations puis l’ONU en vue de limiter la
production licite de drogues aux seules fins médicales et scientifiques a montré que l’essentiel des
négociations s’organisait autour de la répartition du marché entre les principaux pays producteurs.
Toutefois, cette mise en forme juridique ne doit oblitérer l’examen des enjeux économiques qui
supportent la construction du contrôle international des drogues. En effet, l’essentiel des travaux de la
SDN et de l’ONU ont consisté à organiser l’offre des drogues sur le plan mondial de manière à
distinguer l’offre licite destinées aux usages médicaux et scientifiques de l’offre illicite destinées aux
consommateurs non contrôlés médicalement. Cette organisation du marché licite des drogues ne
s’est pas faite sans de nombreuses tensions qu’il convient de mettre en avant pour saisir à la fois
toute l’originalité et la force de cette politique.
1
DUDOUET F.-X., « De la régulation à la répression des drogues. Une politique publique internationale » in Les Cahiers de la
sécurité intérieure, N°52, 2e trimestre 2003.
2
Ainsi un pharmacien spécialisé dans le traitement des toxicomanes et pourtant membre de la Commission française des
stupéfiants nous parlait de drogues illicites et de drogues licites. De fait les seules personnes que nous avons rencontrées qui
s’interdisaient de penser en ces termes étaient certains haut responsables qui avaient négocié les Conventions ou qui, au sein
de l’ONU, étaient chargés de leur application. Il n’est pas question, en tout état de cause, de plus d’une dizaine de personnes.
3
DUDOUET F.-X. ; « La formation du contrôle international des drogues » in Déviance et Société, Vol. 23, N°4, 1999.
4
DUDOUET F.-X. ; « L’industrie pharmaceutique et les drogues » in Studia Diplomatica, vol LV, n°5-6, 2002.
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Il apparaît, au terme de l’analyse, que le contrôle international des drogues est une entreprise
mondiale de mise en ordre de la réalité, qui établit des classements, fixe des usages, trace des
frontières et désigne des acteurs. Derrière la croyance, trop souvent répandue, que la réglementation
des drogues est fondée uniquement sur la dangerosité des substances, c’est toute une organisation
sociale et économique, particulièrement contraignante, qui est en jeu. Rarement examiné pour luimême, le contrôle international des drogues constitue cependant un précédent de gouvernance
mondial, qui n’a pas d’équivalent. Si demain un « Etat mondial » devait voir le jour, doté, comme nos
Etats occidentaux, de monopoles, il sera alors peut-être opportun de rappeler que le premier d’entre
eux fut sur les drogues.
The international drug control
François-Xavier Dudouet
Université Paris Dauphine
International drug control, far from being a prohibitionist policy, is above all a global attempt to regulate
the legal trade in drugs. Contrary to the widely held view, drugs are not prohibited, but controlled 5 .
What we commonly call “drugs” in fact include a range of substances which are in daily use in
medicine, the misuses of which have been gradually outlawed. From a strictly legal point of view, it is
not therefore the substances themselves which are prohibited but some of their uses, or more
precisely non-medically controlled uses. Thus most substances categorised as narcotics or
psychotropic drugs are common substances, such as codeine in Codoliprane® or dextropoxyphene in
Di-antalvic®. This intellectual discrepancy between drugs and medicines is widely propagated by
health professionals themselves who often refer to illegal and legal drugs 6 , while from a legal point of
view such a distinction does not actually exist, since one substance can be both legally administered
and illegally acquired and used.
Drugs policy should not therefore be seen as an immutable state of affairs resting on the timeless
chemical properties of the substances concerned, but should be established according to the various
uses which can be made of them and the punishments which can be applied to them. In this sense,
drugs policy is not prohibitionist but is a process of differentiation between authorised and
unauthorised uses, and more precisely between actors who are authorised to use drugs legally and
those who are not. As a consequence, analysis should focus on those who have identified legitimate
and illegitimate uses and authorised and unauthorised actors. Rather than focusing on the
pharmacological properties of drugs or on the ideological justifications for controlling them, we should,
after Howard Becker, identify the issues and the actors behind this differentiation process. How, by
whom and for whom was the distinction between legal and illegal uses made?
This question has the makings of an answer in the paradigm which governs drugs policies both at a
national and international level: limiting supply to legitimate demand. Indeed, the aim is not so much to
prohibit drugs but rather to strictly limit their supply to the needs of medicine and science, which are
recognised as being the only legitimate uses. While on a national level this principle resulted, from the
end of the 19th century onwards, in the recognition of the monopoly held by doctors and pharmacists
over the distribution of drugs for retail, the same was not true of wholesale supply (agricultural
production, manufacturing and international trade), as no government was prepared to unilaterally limit
these activities within its own boundaries 7 . Until the 1920s, drugs supplied to pharmacies and those
sold on the black market came from the same sources: the Western pharmaceutical industry 8 . The
international control of drugs is therefore a vast enterprise which entails the global monitoring and
channelling of a supply which is monopolised by medicine.
Analysis of the legal work produced by the League of Nations and then the UN with a view to limiting
the legal production of drugs to merely medical and scientific uses has shown that negotiations
essentially focused on the division of the market between the main producer countries.
5
DUDOUET F.-X., “De la régulation à la répression des drogues. Une politique publique internationale” in Les Cahiers de la
sécurité intérieure, No.52, 2nd quarter 2003.
6
Thus a pharmacist who specialises in treating drug adducts and is also a member of the French Narcotics Commission
(Commission française des stupéfiants) talked to us about legal and illegal drugs. In fact the only people we met who refused
to think in these terms were a number of top officials who negotiated the Conventions or who, within the UN, were
responsible for implementing them. However, this list is restricted to around a dozen people.
7
DUDOUET F.-X., “La formation du contrôle international des drogues” in Déviance et Société, Vol. 23, No.4, 1999.
8
DUDOUET F.-X., “L’industrie pharmaceutique et les drogues” in Studia Diplomatica, vol LV, no.5-6, 2002.
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However, these legal arrangements should not prevent us from examining the economic issues which
underlie the establishment of international drug controls. Indeed, most work undertaken by the League
of Nations and the UN has consisted of organising global drugs supply in order to distinguish legal
supply for medical and scientific use from illegal supply to non-medically controlled users. This
organisation of the legal drugs market is not without a variety of tensions which should be stressed in
order to highlight both how unique and forceful this policy is.
It seems, ultimately, that international drug control is a global attempt to order reality which establishes
classifications, sets uses and boundaries and identifies actors. Behind the too widely held belief that
the regulation of drugs is only based on how dangerous substances are lies a particularly restrictive
social and economic system which is in question. Rarely analysed in its own terms, international drug
control however represents a precedent for world governance which has no equivalent. If in the future
a “World State” should be founded having, like our Western states, monopolies, it will perhaps be
appropriate to remember that the first such state was founded to control drugs.
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D’une rive à l’autre : la criminalisation des drogues dans la politique tchèque
Josef Radimecky,
Centre for Addictology, 1st medical faculty,
Charles University in Prague, Czech Republic
Depuis la constitution de la République tchèque en 1918, la société tchèque a connu au moins trois
types de régimes politiques différents - démocratiques (1918-1938 ; 1989-aujourd’hui), fasciste (19391945), et communiste (1948-1989). Ces deux derniers régimes, dont la tentative prolongée des
communistes de construire un « idéal de société sans classes » (une société sans problèmes tels que
le crime, l'utilisation de drogue, l'abus d'enfant et les maladies liées aux distinctions de classe), ont
contribué de manière significative à une rupture du développement amorcé dans le pays, et à un frein
considérable du processus de démocratisation. Cette situation est toujours patente aujourd'hui en
république tchèque, plus de 17 ans après le changement de régime politique, dans un contexte
d’opposition à l'"héritage du communisme", en particulier en ce qui concerne l'utilisation illicite de
drogues.
Les trois facteurs d'influence de la criminalisation/décriminalisation des drogues en Europe, étudiée
dans le projet de recherche européen CRIMPREV, ont donc été, sous le régime communiste,
envisagés d'une manière très différente de n'importe quelle autre société démocratique. Ainsi, les
politiques de Welfare ont été utilisées en tant qu’outils de contrôle social (notamment quant aux
manifestations de comportements anticonformistes) et l'opinion publique a été manipulée par diverses
stratégies de désinformation en vue de condamner les individus ou les groupes se comportant de
façon non conforme – (usage de drogues, pensée dissidente, dénonciation de la violation des droits
de l'homme dans la société communiste etc.).
Ainsi, sous le régime communiste, les usagers de drogues (principalement cultivées à domicile) ont
été traités publiquement et persécutés en tant qu'ennemis de l’idéal d’une société égalitaire sans
classe. Leur traitement forcé a été assuré par des unités psychiatriques « anti-alcooliques et
antitoxicomaniaques » autant à l’intérieur qu’en dehors d’un contexte hospitalier. En 1985, les
cliniciens de ces unités avaient enregistré 6.982 personnes « dépendantes ou abusant de drogues
sans dépendance » (Kalina, 1993 ; p. 7), mais on notera cependant que, selon l’évaluation d'autres
experts, le nombre de toxicomanes dans les années 80 se situait plutôt entre 25.000 et 30.000
(Nozina, 1997).
En effet, il apparaît aujourd’hui que des drogues ont bien été consommées sous le premier régime
communiste, bien que ce fait n'ait pas été connu du public, le gouvernement considérant cette
question comme un véritable tabou. Par conséquent, le public n'a pas pu développer une réelle
connaissance permettant de conceptualiser l'utilisation de drogue, et encore moins d’être vigilant,
d’analyser et de répondre à ce phénomène. Cette situation se reflète bien dans la loi 9 élaborée et
adoptée par le ministère de la santé en 1989, législation tombée en désuétude directement après les
changements sociaux liés à la révolution 1989 10 : en dépit de son inadéquation, cette législation est
demeurée en vigueur jusqu'à 2005. Plus tard, on observera un mécanisme similaire lors des tentatives
du ministère des affaires sociales d’adopter une législation innovante, afin de définir les nouveaux
types de services sociaux apparus notamment pour les usagers de drogue : cette loi, entrée en
vigueur en 2006, apparaît 16 ans après le changement de régime politique. Ceci témoigne du faible
intérêt des décideurs tchèques quant au Welfare lorsqu’il s’agit, en particulier de traiter des drogues
illicites. Dans le domaine de la pénalisation, ils furent cependant beaucoup plus rapides, comme nous
le démontrerons ci-dessous.
Depuis le changement de régime à la fin de 1989, la situation en ce qui concerne l'utilisation de
drogue, n’a pas évolué de manière aussi dramatique que l’ont laissé entendre les représentations
véhiculées par les médias, notamment par le biais de nouvelles sensationnelles ayant affecté l’opinion
publique et le monde politique (Radimecky, 2007). Selon le Centre national de surveillance des
drogues et des dépendances (2006) le nombre d’usagers de drogues problématiques est demeuré
relativement stable sur le long terme (environ 30.000, ce qui représenterait moins de 0.4% de la
9
Loi n° 37/1989 sur la protection face à l’alcoolisme et autres penchants toxiques
Par exemple, cette loi ne reflète pas les transformations résultant de la décentralisation de l’administration publique, de la
privatisation des complexes médicaux, les nouvelles voies de soutien ou la mise en place de nouveaux types de services non
médicaux pour les usagers de drogues.
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population totale âgée 15 à 64 ans). Cependant, la prévalence et/ou l'utilisation expérimentale de
cannabis et d’ecstasy ont, dans une certaine mesure, -et de façon constante- augmenté depuis la
moitié des années 90.
Le premier gouvernement tchèque - après la scission de l'ancienne Tchécoslovaquie début 1993 - a
consacré le droit de consommer n'importe quel type de drogues comme droit reconnu parmi différents
droits de l'Homme (Kalina, 1993). En 1996, en droite ligne de ce premier programme gouvernemental
de 1993 relatif à la politique des drogues – il fut décidé que la possession de toute quantité de
drogues illicites pour usage personnel ne devait pas faire l’objet de sanction. Cette situation n’a
cependant pas duré très longtemps.
En 1997, partant de l’argument de l’augmentation de la détention et de la consommation de drogues
illicites, certains membres du parti chrétien-démocrate ont soumis au Parlement une proposition visant
à restreindre le champ de la législation sur les drogues. Cette première tentative n’a cependant pas
abouti. Mais en 1998 on recense quelques propositions gouvernementales similaires qui,
paradoxalement, ne visaient pas directement la politique de drogue ou ne s’y référaient pas
explicitement. Parmi celles-ci, une proposition controversée criminalisant la possession de drogue,
même pour usage personnel, a quant à elle suscité une passionnante discussion entre partisans et
adversaires - principalement chez les professionnels de la santé -. Si elle a tout d’abord suscité un
veto (quant à l’adaptation de la législation), le Président Vaclav Havel l’a ensuite renvoyé au
Parlement, en vue de nouvelles discussions. Le Parlement a dès lors revu son veto et approuvé la
révision de la loi de drogue (sous une forme inchangée par rapport à la première proposition). Cette
disposition est entrée en vigueur depuis le 1er janvier 1999. Ainsi, décider de la pénalisation de la
possession de drogue pour usage personnel (et de facto, de l'usage des drogues) n'a pas pris plus de
deux ans aux décideurs tchèques, en comparaison avec les 15 et 16 ans qui se sont écoulés avant le
changement de la législation sociale relative à l’usage de drogues.
Néanmoins, comme le suggère l'analyse de la nouvelle législation (Zabransky et. al, 2001), le principal
objectif déclaré de ce « rétrécissement » de la loi sur les drogues - diminuer l'accessibilité aux produits
et leur utilisation – n’a pas été rencontré sur le terrain. Ainsi, les données de 2006 montrent que les
drogues sont bien plus disponibles qu'avant 1999 et que la demande de stupéfiants n’a pas diminué.
En même temps, comme les adversaires de cette réforme l’avaient annoncé en 1998, ce changement
de législation n'a pas davantage conduit à une amélioration des indicateurs de santé. La raison de cet
état de fait pourrait résider dans la distorsion existant entre la politique officielle contenue dans la loi et
son application dans la pratique où il semble que la police ne poursuit pas les utilisateurs de drogues
de façon massive. En République Tchèque, 180 citoyens sont poursuivis annuellement pour la
possession de drogue (Mravcik et autres, 2006). En dépit de cela, comme nous l’avons souligné, la
politique tchèque des drogues semble - contrairement à la rhétorique des documents politiques
officiels - être dirigée par des soucis politiques et moraux plutôt que par des impératifs de santé
publique.
From Pillar to Post: From One to Another Criminalisation in Czech Drug Policy
Josef Radimecky,
Centre for Addictology, 1st medical faculty,
Charles University in Prague, Czech Republic
Since the development of the constitution of the Czechoslovak Republic in 1918, Czech society has
experienced at least three distinct types of political regimes – democratic (1918-1938; 1989-present),
fascist (1939-1945), and communist (1948-1989). The latter two along with the very long communists’
“trial” to build up an “ideal classless” society (one without typical problems such as crime, drug use,
child abuse, and illnesses attributable to class distinctions) contributed significantly to a breakdown of
the initially democratic development of the country, causing a great deal of damage in the process.
This is revealed today, more than 17 years after the dramatic change in political regimes, in the Czech
Republic’s adverse “heritage of communism” in particular with regard to illicit drug use.
As far as three factors of influence in relation to the process of criminalisation – decriminalisation of
drugs in Europe studied within the European research project CRIMPREV are concerned these were
under the communist regime treated also in a far different way than in any democratic society. Welfare
policies served as a tool for social control of any manifestation of non-conform behaviour, and public
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Date de début: 1er juillet 2006. Durée 36 mois. Projet coordonné par le CNRS – Centre National de la Recherche Scientifique. Site internet : www.crimprev.eu. E-mail
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opinion has been manipulated with the use of various types of misinformation in order to render verdict
against individuals or groups behaving in rather non-conform ways – whether they used drugs,
thought in a different way and/or drew public’s attention to the violation of human rights in the
communist society.
Thus, while under the control of the communist regime drug users of predominantly home-made drugs
were treated as public enemies of the so-called “ideal classless society” and persecuted. Their
compulsory treatment was conducted by “anti-alcoholic and anti-toxic manic” units of psychiatric outor in-patient clinics. In 1985, these clinicians had registered 6,982 ‘persons with addiction… and
abusing drugs without addiction’ (Kalina, 1993; p. 7). However, according to other experts’ estimates
the number of drug addicts in the 1980s was as between 25,000 and 30,000 (Nozina, 1997). Thus, it
seems that drugs were also used under the earlier communist regime, although this fact was not
typically known by the public because the government treated the topic as taboo. Consequently, the
public never developed any knowledge regarding appropriate mechanisms with which to
conceptualize drug use, much less to monitor, analyze, and respond to it. It was mirrored in the
act 11 prepared by Ministry of Health that had been adopted in 1989, legislation which lost its
effectiveness immediately following societal changes after the 1989 revolution 12 . Despite its
irrelevance, that legislation remained in force till 2005. Similar development has been witnessed within
the attempts of Ministry of Social Affairs to innovate legislation defining newly appeared types of social
services including those for drug users. Also this act came into a force in 2006; it is 16 years after the
change of political regime. This suggests that welfare has been, and still seems to be of a little
concern of Czech decision-makers when regards illicit drugs. In the area of penalization they were
much faster as it will be demonstrated below.
The situation with regard to drug use since the change in political regimes at the end of 1989 has not
developed in a dramatic way, contrary to various media portrayals, sensationalized reports that have
impacted public and political opinions (Radimecky, 2007). According to the National Monitoring Centre
for Drugs and Drug Addictions (2006) the number of problem drug users has remained relatively
stable over the long term at about 30,000, which would be less than 0.4% of the total population aged
15 to 64. However, life-time prevalence and/or experimental use especially of cannabis and of ecstasy
to a certain extent have been steadily rising since mid of 90’s. The first Czech government – after the
split of former Czechoslovakia in the beginning of 1993 – acknowledged the right to use any type of
drugs as a part of individual human rights (Kalina, 1993). In line with this statement from the first
Governmental Programme of Drug Policy 1993 - 1996 possession of any amount of illicit drugs for
personal use wasn’t subject of punishment. This however didn’t last long.
In 1997, with the use of arguments of increasing availability and life-time prevalence of illicit drugs
some of members of Christian-Democratic Party submitted to the Parliament proposal to tighten up
existing drug legislation. This first attempt wasn’t successful. Nevertheless, in 1998 submitted similar
proposal government that paradoxically didn’t drug policy in its statement of establishment even
mention. Controversial proposal to criminalise drug possession even for personal use started an
excited discussion between proponents and opponents – mainly health professionals - of the proposal.
This resulted to a veto of this update of legislation as approved by the Parliament by then president
Vaclav Havel who has returned the proposal back to the Parliament’s further discussion. The
Parliament over voted his veto and approved the update of drug law in an unchanged form. This came
into a force since the 1st January 1999. So, to establish criminalisation of drug possession for personal
use and de facto the use of drugs took the Czech decision-makers no longer than 2 years compared
to 15 and 16 years respectively they needed in order to change legislation with regard to welfare
issues.
Nevertheless, the main declared aims of this drug law tightening – to decrease accessibility of drugs
and use of them – haven’t been met as suggested by the Analysis of New Drug Legislation (Zabransky
et al., 2001). Even data from 2006 show that drugs are even more available than before 1999, neither
has decreased demand for them. At the same time, this legislation change didn’t lead to an increase of
adverse health indicators as opponents of this step argued in 1998. The reason might be in a
discrepancy between official policy as stated in the drug law and its enforcement in practice where it
seems that the police don’t persecute drug users in a massive way. In the Czech Republic there is
11
Act no. 37/1989 on the protection against alcoholism and other toxic manias.
For example, changes as consequences of decentralization of public administration, privatization of medical facilities, new
ways of funding or the establishment of an array of new types of nonmedical services for drug users are not reflected in this
act.
12
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accused for drug possession for personal use about 180 citizens annually (Mravcik et al., 2006).
Despite this, as demonstrated the Czech drug policy seems to be – in contrary to the rhetoric of official
political documents – driven by political and moral rather than public health concerns in relation to drug
use.
Consommateurs de drogues de synthèse en milieu festif :
une pratique, une sociabilité et des représentations spécifiques.
Nathalie Lancial
Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques
Clersé UMR CNRS 8019, Université des Sciences et Technologies de Lille
Les drogues et les questions relatives à leur consommation sont de plus en plus présentes
dans notre quotidien. Que ce soit au travers des media ou dans les publications scientifiques, le sujet
ne cesse d’éveiller l’intérêt des spécialistes. L’étude de ce phénomène ne peut se faire sans
l’évocation du contexte social et culturel dans lequel il se déroule. Or lorsqu’il s’agit d’évoquer les
drogues de synthèse, on remarque la prédominance d’un rapprochement entre la consommation de
celles-ci et la fréquentation des discothèques distillant des musiques électroniques. Quelles sont alors
les caractéristiques des clubs techno qui seraient non pas propices (car le sujet n’est pas ici de relater
un quelconque pouvoir d’incitation de ces types de musiques et de lieux à la consommation de
drogues), mais plutôt en adéquation avec les représentations afférentes à ces drogues et avec les
effets obtenus par la consommation de celles-ci ?
La fréquentation de ces lieux ainsi que la consommation de ces substances ont-elles une incidence
sur les représentations qu’ont les noctambules de leurs pratiques ? La somme des consommateurs
festif forme-t-elle une entité unique ou est-elle, au contraire, divisée en son sein ? Autant de questions
utiles dans l’appréhension d’une population somme toutes peu connue par le chercheur, notamment
du fait de l’illégalité de cette pratique.
Existe-il une relation directe entre drogues et fête techno ? A cette question il semble bien que
l’opinion réponde invariablement d’une manière positive, ne serait-ce qu’à en juger par l’intérêt
grandissant des media, depuis quelques années, concernant ces questions.
Aussi, et les chiffres l’attestent, on ne peut nier une surreprésentation des consommateurs de drogues
de synthèse dans les clubs techno. En effet, dans le Psychotropes volume 9 n°3-4 de 2003, un article
de Stéphane Legleye et François Beck, « Sociabilités, styles musicaux et usages de substances
psychoactives à 18 ans », nous apprend que, parmi les jeunes interrogés, il sont 22,9% à déclarer
avoir consommé de l’ecstasy au cours des douze derniers mois pour les individus fréquentant les
clubs techno contre seulement 5,1% pour les adeptes de rap et reggae. Aussi, tout genre musical
confondu, ce sont les musiques électroniques qui nous livrent le plus fort taux de consommateurs de
substances psychoactives. Comment alors expliquer cette tendance ?
La fête techno est l’occasion d’émotions fortes, de dépaysement, de partage avec les autres ou
encore de convivialité. Dans cet espace, le groupe a une importance primordiale. Le clubbing n’est
donc pas une pratique individuelle mais suppose une conscience aigue du lien collectif. Or les effets
psychiques induits par les drogues de synthèse ont tendance à favoriser et à faciliter les interactions
au sein de ce collectif éphémère. Il s’agit donc à la fois d’une expérience individuelle (la
consommation de drogues en elle-même) mais aussi collective (avec les autres, en même temps
qu’eux, idée de plaisir partagé). Enfin, le type musical est certainement un facteur de rapprochement
de cette consommation avec ces lieux.
L’originalité de cette pratique réside dans cette idée relativement nouvelle que la
consommation de substances psychoactives ne sert pas à échapper à la réalité ou à des problèmes ;
bien au contraire ! Elle est toujours cantonnée à des évènements festifs, joyeux, réalisée par des
individus le plus souvent insérés socialement, l’usage étant plutôt sociable que solitaire. Nous
assistons là au développement de la consommation dite récréative. Les usagers consomment ces
substances dans une logique hédoniste d’amusement et de plaisir. Et c’est pour cela que les pairs
joueront un rôle primordial : ils vont tout d’abord initier, inciter à la consommation (cf Becker dans
Outsiders et les fumeurs de marijuana, 1985.) mais ils vont aussi contrôler, réglementer cette
consommation ainsi que mettre en place des mécanismes d’autorégulation.
L’individu consommateur, grâce à ces deux modes de régulation que sont l’expérience personnelle et
le conseil par les pairs, fera en sorte qu’il s’agisse pour lui d’une expérience non linéaire, non totale
mais bien festive et récréative. Il sera alors pertinent ici d’utiliser la notion de « carrière », au sens où
l’entendent Ogien & Mignon ou encore Duprez & Kokoreff, pour rendre compte de la diversité des
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parcours et des pratiques de ces individus, compte tenu de la diversité des expériences personnelles
possibles.
Comme je l’ai précédemment évoqué, le temps de la fête est un temps éminemment collectif
produisant un ensemble vibrant à l’unisson. En d’autres termes, faire partie de ce milieu et prendre
part à ces activités crée une sociabilité particulière qui fonctionnera à trois niveaux.
En premier lieu, il existe une sociabilité du fait de l’appartenance au milieu techno, le type de musique
étant vecteur de sociabilité du fait, notamment, du type d’endroits fréquentés, des looks adoptés ou
encore de l’apprentissage de techniques comme le mix. Cette sociabilité servira à former le groupe de
pairs (ou groupe d’amis ici) mais aussi, à un niveau plus large, à opérer la distinction entre « eux » (le
monde extérieur, les non adeptes de ce courant,…) et « nous ».
En deuxième lieu, on observe une sociabilité du fait de la consommation de drogues de synthèse,
moins par l’acte en lui-même que par la symbolique et les représentations qui lui sont associées.
Encore une fois, cela se jouera à deux niveaux : d’abord au sein du groupe de pairs par le partage
d’expérience, de ressentis ou encore du secret entourant cette pratique, ensuite à un niveau supérieur,
c'est-à-dire avec les autres participants d’une soirée, principalement grâce à la reconnaissance
d’appartenance à une grande famille dans laquelle la notion de déviance n’a plus son sens.
Enfin, en troisième lieu, on peut observer une sociabilité émanant de l’adhésion commune à des
représentations. Ici, l’éventail de ces représentations est si vaste que je prendrai le parti de n’évoquer
en détail que le cas des représentation du dealer par les usagers de drogues, sans pour autant oublier
de mentionner d’autres exemples pouvant à leur tour être étudiés.
Dans un troisième temps, cet article s’évertuera à présenter le concept de carrière ainsi qu’à
utiliser celui-ci pour la création d’une typologie d’individus propre à la question qui est la notre ici.
L’idée de carrière repose sur des facteurs qui sont de deux types : des facteurs individuels d’une part
et des facteurs environnementaux d’autre part ; Et ce sera alors l’interaction entre ces deux types de
facteurs, et les différentes formes que pourront prendre ces interactions, qui seront à l’origine des
différents types de carrière.
Dans cette étude j’ai donc choisi de créer une typologie regroupant trois types de carrières de
consommateurs de drogues de synthèse en milieu festif que je détaillerai dans la version longue de
cet article.
Les milieux techno et le monde de la nuit sont un monde à part ; au niveau des
représentations qui y sont généralement associées mais aussi parce qu’ils sont le théâtre d’une
pratique déviante de plus en plus répandue, la consommation de drogues de synthèse. Jusqu’à une
période récente, ces milieux restent relativement protégés des enquêtes policières et du processus
pénal (cf Duprez & Kokoreff) ; mais dans un contexte croissant de la pénalisation, il ne faut pas
exclure le risque de criminalisation de ces pratiques.
Users of illegal synthetic drugs in the festive scene :
a practice, a sociability, and specific representations
Nathalie Lancial
Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques
Clersé UMR CNRS 8019, Université des Sciences et Technologies de Lille
Drugs and the problems regarding their consumption are increasingly present in our everyday
life. The subject continues to peak the interest of the media and to be addressed by specialists in
scientific publications. The study of this phenomenon must necessarily include the social and cultural
context in which it occurs. However, when we discuss synthetic drugs and their use, it is often
associated with images of discotheques playing electronic music. Following this line of thought, we
must ask: What are the characteristics of techno clubs which support these representations, especially
those related to these drugs and their effects 13 ? Does attending these places, as well as using these
substances, affect the night clubber’s representations about their own practices? Do consumers
represent a single group or are they rather diverse? In other words: there are still many questions
about this specific populous (poorly known by researchers, in particular because of its illegality).
13
It is, by no means, our aim to imply that these places or this genre of music encourages drug consumption.
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Is there a direct relation between drugs and the techno scene? It seems that this question
invariably induces a positive answer from the public. And this has been the case for a long time,
judging by the growing interest of the media in this topic. We cannot deny, given the figures to back it
up, an over-representation of synthetic drug users in techno clubs. In Psychotropes vol. 9 n°3-4, 2003,
a paper by Stephan Legleye and François Beck, ("Sociabilités, styles musicaux et usages de
substances psychoactives à 18 ans"), shows that, 22,9% of young people attending techno clubs have
consumed ecstasy during the last twelve months, compared to only 5,1% within rap and reggae fans.
Out of all genres of music, electronic music is correlated with the highest percentage of psychoactive
substances users. How can we explain this tendency? In a sense, techno events are occasions of
deep emotions, of transportation, of openness, of sharing with the others. In this context, the group
has a vital importance. Clubbing isn’t an individual practice but supposes an acute consciousness of
collective links. The psychic effects provoked by synthetic drugs tend to support and facilitate
interactions inside this temporary group. It represents at the same time an individual experiment (the
drug use in itself) but also a collective moment (with other people, at the same time, with shared ideas
and pleasures…). Finally, music certainly is a factor in the link between drug consumption and these
locations
What is original about this type of drug use is in the relatively new idea that the consumption of
psychoactive substances is not a way to escape from reality or one’s problems. On the contrary,
synthetic drug use of this type is always associated with social events and pleasure and not with
loneliness. It is also supported by individuals who are generally socially well-integrated. Thus, the
development of entertainment drug consumption seems to be on its way. People use these
substances with pleasure in a hedonist and amusing way. And that’s why peers will play important part:
they first initiate, then support consumption (cf Becker, Outsiders, about marijuana smokers, 1985.),
but they also control and regulate it, by creating mechanisms of self-regulation. Thanks to two kinds of
regulations (personal experiment and peers counselling), the consumer performs a nonlinear
experiment, one which is quite cheerful and entertaining. Thus, the concept of "career" (as clarified by
Ogien & Mignon or Duprez & Kokoreff) seems relevant. It may help to describe a diversity of conducts
and practices, and to consider a variety of personal experiments.
As previously suggested, parties represent a highly collective time, creating a vibrating crowd
in accord. In other words, being an element of this environment and taking part in these activities
helps to create a particular sociability that works at three levels.
First of all, there is sociability because of techno circles: music is a vector of sociability related to the
places attended, special looks and mix -training. This sociability helps to assemble peers or friends,
but also -on a broader level- to create a distinction between "them" (i.e. the “outside world” or nonfollowers of this movement) and "us".
Secondly, one observes sociability because of synthetic drug consumption, less by the act in itself
than by a symbolic system and by associated representations. Once again, this acts on two levels.
Initially this occurs within the group, by sharing the experiment, the feelings and the secret
surrounding this practice. Then it occurs on a higher level, with the other members of the event, mainly
according to the integration in a large family where the concept of deviance doesn’t have any meaning.
Finally, sociability comes from sharing common representations. The range of these representations is
so large that I will only evoke one in detail: the depiction of the dealer shared by drug users (but I will
also mention other interesting examples).
In addition to the above two themes, this article will present the concept of career, and will
apply it to the creation of a typology of individuals related to our topic of interest. The idea of career is
based on two types of factors: individual factors, on the one hand, and environmental factors on the
other hand. The interaction between these two types of factors and the various forms of these
interactions will be at the origin of the different types of carriers. In this study I thus create a typology
that defines three types of careers of synthetic drug consumers acting in the party scene. I will
address this topic in more detail in a longer version of this article.
The techno scene and its nightlife are worlds in themselves.This is due to the representations
which are generally associated with them, but also because they are the theatre of deviating practices
such as synthetic drugs consumption. Up until recently, these scenes remained relatively protected
from police investigations and from the penal procedures (see Duprez & Kokoreff), but in a growing
context of penalization, we should not exclude the risks of criminalising these practices to a higher
degree.
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