La théâtralisation d`un sujet tabou dans une pièce de théâtre
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La théâtralisation d`un sujet tabou dans une pièce de théâtre
REVERSE GEAR1 : THEATRALISATION D’UN SUJET TABOU DANS UNE PIECE DE THEATRE KENYANE Introduction L’Afrique ne dit pas le sexe ! Depuis les temps anciens, il s’agit d’un domaine dont les limites sont bien gardées et respectées quitte à devenir mystère. Il fait partie de ces choses dont, dans les termes de Dele Adeyanju, on ne parle pas « avec la bouche entière »2. Il s’agit là des tabous. Ceux-ci fonctionnent par l’interdiction qui porte normalement sur l’action et la parole, ce qui veut dire que les choses tabouisées ne sont ni à faire ni à dire. Faire de ces choses l’objet d’une discussion publique revient donc à transgresser les règles du tabou. C’est pour cela que notre attention est attirée par une pièce de théâtre kenyane dont le thème principal est l’homosexualité. Comment l’auteur procède-t-il pour théâtraliser ce sujet interdit sans provoquer l’indignation du public ? Face au défi des tabous, et sans oublier l’homophobie de la société africaine ; entre son rôle d’enseignant public3 et la possibilité de censure, l’écrivain n’aurait-il pas des calculs à faire ? C’est dans le souci de répondre à ces questions, que nous allons à la recherche des stratégies mises en œuvre par cet auteur dramatique pour aborder le thème de l’homosexualité. Notre étude est basée sur le concept de mise en discours que nous reconnaissons à Michel Foucault. Dans la première partie donc, nous développons le thème de l’homosexualité en Afrique dans le but de faire connaitre le contexte géographique et idéologique de l’étude. Cela rendra claire la problématique de celle-ci. Dans la deuxième partie, nous élaborons la base théorique de cette étude avant de passer, dans la troisième et dernière partie, à l’explication des stratégies adoptées par l’auteur de Reverse Gear pour théâtraliser l’homosexualité. Nous découvrons une articulation des démarches littéraires et pragmatiques qui permettent une mise en discours aisée devant un public intolérant. 1. L’Afrique et l’homosexualité Il a été longtemps soutenu que l’homosexualité et l’Afrique, ou la culture africaine, ne sont point conciliables. Le mythe est que cette pratique est, en Afrique, une chose étrange, importée de l’Occident4, mythe que plusieurs chercheurs partagent. Cependant, cette prise de position est aujourd’hui remise en cause. Que l’homosexualité existe en Afrique aujourd’hui n’est pas à renier. La preuve est partout : dans les médias aussi bien que dans les publications scientifiques. Hambly 1934, Murdock 1957, de Heusch 1958, Tielman et Jonge 1988, et Ombolo 1990 montrent qu’« une sexualité différente de la norme » aurait dû exister aussi en Afrique avant l’arrivée des Européens sur ce continent5. Néanmoins, ce qui existait sous forme de pratique homosexuelle s’inscrivait, non pas dans la recherche du plaisir ni la satisfaction du désir mais plutôt dans l’ordre de rituels religieux et de guérison. Comme le précise Drocella Rwanika, ce n’était que dans le cadre de pratiques rituelles, telles que « l’inceste royal », que ces instances de sexualité « contre-nature » furent tolérées. En cela, l’hétérosexualité demeure la seule norme sexuelle socialement jugée acceptable et « tout comportement sexuel qui s’en écarte devient ainsi une transgression6 ». Pièce non publiée, écrite pour le festival annuel de théâtre scolaire du Kenya. L’auteur, Peter Amunga Akhanyalabandu, est un enseignant du secondaire au Kenya. 2 Adeyanju, D. « Implications of taboo phenomena in Nigerian English and Yoruba » In Ilorin Journal of Language and Literature. Vol. 1, N° 5, p. 36-51. p. 50. Notre traduction del’anglais. 3 Dans son essai The Novelist as a teacher, Chinua Achebe traite la question de ce que la société attend de ses écrivains : « what society expects of its writers ». Morning Yet on Creation Day, London, Heinemann, 1975. 4 Tchak (1988 : 203), cité dans Rwanika, D., Sexualité volcanique, 2006, p. 8, note que « beaucoup de non occidentaux pensent que la liberté sexuelle est plus grande en occident. Ils croient que c’est l’occident qui a favorisé un certain désordre sexuel qu’il normalise ou tolère. […] L’on évoque souvent à l’appui des telles idées, l’homosexualité, les orgies collectifs, la pédophilie, les viols, etc. » 5 Drocella Mwisha Rwanika, Sexualité volcanique, L’Harmattan, 2006, p. 8. 6 Ibid. 1 1/10 1.1 La notion de tabou L’humanité, dans chaque société qui soit, a toujours eu ses systèmes de normes qui définissent également, par opposition, leur répertoire des interdits : les tabous. Le Dictionnaire des sciences humaines définit le terme « tabou » comme « un interdit d’ordre religieux ou culturel pesant sur le comportement, le langage et les mœurs7 ». Dans la même lignée, Le Grand Robert le rapporte à tout « système d’interdictions de caractère religieux appliquées à ce qui est considéré comme sacré ou impur »8. En principe, et de manière très générale, le tabou fait référence aux « interdits », aux « hors limites » et implique normalement la parole ou le discours. En d’autres termes, le sujet tabouisé ne doit pas, en fait, être mis en discours. En Afrique, les tabous ont toujours été partie intégrale de la culture sociétale. Ils sont perçus comme jouant un rôle important dans la construction et le maintien des normes et, par conséquent, de l’ordre dans la société. Pourtant, dans un monde en évolution sociale rapide, les perceptions changent. À titre d’exemple, ce qui était autrefois réservé à la vie privée et au discours discret est aujourd'hui ouvertement diffusé au grand public par la voie des médias. Malgré ces changements, le concept de tabou demeure, d’une manière ou d’une autre, dans le monde et surtout dans la société africaine. En effet, la culture des tabous est beaucoup plus implantée en Afrique subsaharienne qu’ailleurs. Augustine Asaah9 identifie la mort, la folie, l’inceste et la sexualité comme des sujets tabous dans la société africaine dont la sexualité est le sujet le plus transgressif : sujet exclu du discours public. Il n’est donc pas surprenant que face aux débats publics sur l’homosexualité et aux campagnes pour sa reconnaissance légale, l’Afrique se montre mal à l’aise car le sexe fait partie de ces choses, comme le dit Adeyanju, dont on ne parle pas « avec la bouche entière10 ». Si le sexe, même dans sa forme normale, constitue un sujet tabou, exclu du discours, ce serait plus sérieux pour l’homosexualité, elle-même déjà une transgression des normes sexuelles ? Le refus général d’en parler et même d’accepter l’idée de l’homosexualité en Afrique confirme l’enracinement profond des systèmes de valeurs traditionnels toujours en rigueur. Malgré ces constats, les tendances générales de la modernité montrent que la sexualité est en train de briser les chaînes qui la retenaient en occultation pour émerger sur la scène publique dans ce continent. Les appels assidus pour légaliser l’homosexualité ne font que révéler une société africaine homophobe, peu tolérante à cette infraction des normes de la sexualité11. Cette situation est davantage renforcée par le christianisme12 et l’islam, les deux religions auxquelles adhèrent passionnément la grande majorité d’Africains au temps contemporain. Comme l’homosexualité y est interdite, il y a là beaucoup plus de raisons pour rejeter la pratique. Beaucoup de pays Africains ont une loi contre l’homosexualité. Au Kenya, la loi ne l’approuve pas mais elle ne la condamne pas non-plus13. Dans ce cas, où la loi ne s’engage pas, le public s’usurpe des pouvoirs judiciaires en adoptant une attitude très hostile envers l’homosexualité et ses pratiquants. Très récemment, au parlement kenyan, elle a été assimilée au terrorisme, et cela en pleine session parlementaire par les députés nationaux14. 7 Le Dictionnaire des Sciences Humaines, dirigé par S. Mesure et P. Savidan, Paris, PUF, 2006, article : tabou. Le Grand Robert de la langue Française tome 6. Paris, Dictionnaires Le Robert-VUEF, 2001. 9 Augustine H. Asaah, « To Speak or Not to Speak with the whole Mouth: Textualization of Taboo Subjects in Europhone African Literature », Journal of Black Studies, Vol. 36, No. 3, March 2006, p.497-514. 10 Adeyanju, D. dans son article « Implications of taboo phenomena in Nigerian English and Yoruba » écrit: « A ki fi gbogbo enuu soro » qui est en Anglais: « we don’t speak with the whole mouth ». Ilorin Journal of Language and Literature, p. 50. Notre traduction vers le français. 11 Selon le rapport d’un sondage fait par le Washington post: « A revealing map of countries that are most and least tolerant of homosexuality ». www.washingtonpost.com June 5th 2013. 12 Plusieurs textes bibliques condamnent l’homosexualité ; par exemple, dans Romains 1 : 26-27 il est écrit : « voilà pourquoi Dieu les a abandonné à des passions avilissantes : leurs femmes ont renoncé aux relations sexuelles naturelles pour se livrer à des pratiques contre nature. Les hommes, de même, délaissant les rapports sexuels avec le sexe féminin, se sont enflammés de désir les uns pour les autres ; ils ont commis entre hommes des actes honteux et ont reçu en leur personne le salaire que méritaient leur égarement » 13 La loi kenyane ne reconnait que le mariage hétérosexuel. Rien n’est dit sur l’homosexualité : « Every adult has a right to marry a person of the opposite sex, based on the free consent of the parties ». The Constitution of Kenya 2010, Art. 45(2). 14 James Macharia. « Leading Kenyan MP says ‘homosexuality as serious as terrorism ». In Reuters [En ligne] http://www.reuters.com/article/2014/03/26/us-kenya-gays-idUSBREA2P1UD20140326 le 26 Mars 2014. (Consulté le 20 Mai 2014). 8 2/10 2. La sexualité et sa mise en discours littéraire Les définitions de « tabou » citées ci-dessus rappellent l’affirmation de Mary Hamer qui dit : Tout tabou est également une interdiction contre le fait de parler. Désigner quelque chose par le terme tabou implique qu’elle doit être évitée, même dans la discussion : l’objet du tabou n’est pas accessible au langage.15 De même, le dictionnaire Le Grand Robert reconnait l’existence « des mots tabous qu’on n’ose pas écrire [ni] prononcer16 ». Cela rejoint la tendance en Afrique en ce qui concerne la sexualité, sujet toujours considéré comme tabou et n’est donc pas discuté en public17. Dans une perception opposée, Michel Foucault reconnait et soutient, concernant le sujet de la sexualité, une « mise en discours18 », ce qui implique un traitement plus ouvert et plus répandu de ce thème. Beaucoup de tabous agissent à double tranchant, interdisant l’acte tout comme l’expression (orale et écrite) de la chose tabouisée. Or, le théâtre, art de la scène, se met à l’encontre des règles de ce tabou. Pour l’écrivain africain, tout cela pose un défi et demande donc beaucoup de réflexion de la part de celui qui voudrait s’y impliquer. Cette difficulté de mise en discours du thème de la sexualité est attestée par la rareté même de recherches et de publications par les Africains sur le thème de la sexualité, constat fait par Rwanika19. Beaucoup d’auteurs africains, quand il s’agit d’écrire sur la sexualité, y procède avec précaution de peur de provoquer la colère ou la rage de leur lectorat20. D’après Augustine Asaah, la plupart de ceux qui s’intéressent à cette thématique recourent aux styles qui masquent les éléments tabous dans leurs écrits. Certains l’ont pourtant bravé ouvertement dans leurs romans, par exemple Calixte Beyala et Ayi Kwei Armah, qu’Asaah identifie comme ayant franchi les limites des tabous pour « tout dire » sur le sujet de la sexualité. Rwanika identifie en plus Ousmane Sembene, Yambo Ouologuem, Ken Bugul et Sony Labou Tansi entre autres, comme auteurs africains ayant incorporé « le thème de la sexualité défendue dans leur roman21 ». La majorité, d’après Asaah, recoure à l’« occlusion narratologique » quand il s’agit de traiter le sexe dans leurs narrations22. Le théâtre, en tant qu’art de la scène, se met obstinément contre des règles du tabou autour du sexe car, en plus de l’écrit, il procède à l’élocution et à l’action. L’auteur dramatique, en écrivant son texte, n’ignore pas le fait que la représentation de la pièce constitue l’acte d’énonciation par lequel il arrive, lui-même, à s’adresser au public23. Écrivant ainsi pour la représentation publique, l’écrivain des pièces de théâtre aura sans doute des considérations à faire. Il y a lieu donc de se demander comment celui-ci fait des calculs pour, d’une part, théâtraliser le sujet interdit et d’autre part, remplir son rôle d’enseignant public24 sans provoquer l’indignation du public et la censure dans un contexte homophobe. Le texte, Reverse Gear, qui se traduit littéralement en français par « Marche arrière », est une pièce de théâtre qui présente l’histoire d’un garçon, Charles, fils cadet d’une femme veuve, qui est renvoyé de son école parce qu’il est homosexuel. Arrivé chez-lui, il est confronté au défi d’annoncer à sa famille la raison de son expulsion de l’école. Pendant tout ce temps, il est bien conscient du fait qu’il ne sera pas accepté tel qu’il est. La grande partie de la pièce présente un long suspense avant que la révélation soit finalement faite. L’auteur recourt à plusieurs techniques littéraires (stylistique) et linguistiques (notamment la pragmatique) pour atteindre son objectif. 15 Mary Hamer, cité dans Dorcella Rwanika, op. cit., p. 155. « Any taboo is also a prohibition against speaking. Naming something as taboo implies that it is to be avoided even in speech: the object of taboo is placed beyond the reach of language » Traduction de l’auteur. C’est nous qui soulignons. 16 Le Grand Robert de la Langue Française, tome 6, entrée - tabou. 17 D. M. Rwanika, op. cit., p. 7. 18 Michel Foucault, Histoire de la sexualité: la volonté de savoir, Paris, Gallimard, 1976, p. 19-20. 19 D. M. Rwanika, op. cit., p. 7. 20 A. H. Asaah, op. cit., p. 404-505. Il donne l’exemple de Calixte Bayala qui est mal perçue d’une partie du public dû au langage érotique qu’elle emploie et la représentation des rencontres érotiques dans son œuvre. 21 D. M. Rwanika op.cit., p. 10-11. 22 A. H. Asaah, op. cit., p. 506. 23 Dominique Mangueneau, Pragmatique pour le discours littéraire, Paris, Armand Colin, 2005. 24 Dans son essai « The Novelist as a teacher », Chinua Achebe traite la question de ce que la société attend de ses écrivains : « what society expects of its writers ». Morining Yet on Creation Day, London, Heinemann, 1975. 3/10 3. Stratégies de l’auteur 3.1 Procédés stylistiques 3.1.1 Langage métaphorique Nous découvrons tout d’abord le style métaphorique qui abonde dans cette écriture pour représenter de manière implicite l’homosexualité. Dès le titre, tout est caché derrière les images qu’emploie l’auteur. Le titre, premier repère à la portée du lecteur et du spectateur, a le rôle d’attirer ceux-ci à découvrir la suite. « Reverse gear », terme anglais, relève du domaine automobile, n’ayant littéralement rien à avoir avec l’aspect sexuel des humains. Ce titre renvoie principalement à deux significations. D’une part, il se réfère à l’engagement en sens opposé, c’est-à-dire le recul. Par-là, il sous-entend le fait de ne pas agir selon les normes sexuelles comprises, dans ce cas, comme l’hétérosexualité. D’autre part, il rappelle la position physique du levier de vitesse quand il est engagé en marche arrière. Etant dans cette position, il dirige le véhicule en sens inverse. Cet aspect physique fait allusion à l’organe sexuel masculin. L’analogie est parfaite : petit organe par rapport au corps humain dont il fait partie, mais qui, manipulé par l’homme, contrôle de manière puissante le corps dans le contexte de la sexualité. C’est justement ce que fait le levier de vitesse, la toute petite composante du véhicule, mais qui est manipulé pour faire avancer ou reculer la grande machine. Pour un homme alors, c’est par son sexe qu’il avance, c’est-à-dire, qu’il se comporte selon les normes sexuelles - l’hétérosexualité, ou recule, c’est-à-dire, qu’il se comporte contrairement à ces normes. Afin de ne pas nommer directement l’objet et l’acte sexuels, l’auteur brouille toute évidence explicite qui risque de répugner le public en dirigeant la pensée vers le domaine automobile. 3.1.2 Le suspense En deuxième lieu, l’auteur fait du suspense un outil utile pour tarder quelque réaction négative qu’il pourrait y avoir. Il l’emploie en même temps pour mettre en scène la difficulté de mise en discours du thème de l’homosexualité. Ainsi, il repousse aussi longtemps que possible la révélation de l’homosexualité de Charles. Deux fois, les chances de le faire sont brouillées, dues aux difficultés qu’éprouvent la personne concernée, à se prononcer là-dessus. Le protagoniste, Charles, fait tout pour tarder, voire prévenir complètement la révélation de cette nouvelle à sa mère. Dès le début, il implore Dennis, celui qui l’accompagne chez-lui, de remettre cette question à un autre jour : - Please sir, do not tell my mother! … - … Please sir, do not tell them today, tell her next week! - S’il vous plait monsieur, ne le dites pas à ma mère ! … - … S’il vous plait monsieur, ne leur dites pas aujourd’hui; dites lui la semaine prochaine ! [Reverse Gear, p. 1-2] Lorsqu’il a la chance de dire à sa mère ce qui se passe, Charles trouve un moyen de tout brouiller en retournant la situation aux dépens de Dennis qui finit par être expulsé de la maison. Ce comportement rejoint celui de beaucoup d’homosexuels en Afrique qui, conscients de l’hostilité de la société dans laquelle ils habitent, n’osent pas révéler leur statut de peur d’être attaqués par le public et même rejetés par leurs familles. En effet, le thème du sexe n’a jamais trouvé une place aisée dans le discours quotidien des Kenyans. Quelques confessions anonymes révèlent que certains homosexuels vont jusqu’à épouser des femmes dans le but de tromper le public concernant la réalité de leur sexualité. Le seul Kenyan qui, jusqu’à présent, a osé une confession publique, l’a fait sur Internet et, pour lui aussi, nous le reconnaissons bien, cela n’a pas été facile. Est-ce une pure coïncidence qu’il ne l’a faite qu’après la mort de sa mère [problème de structure ?25 Dans notre Dans une lettre détonante, touchante et drôle, publiée le 21 janvier, à l’occasion de son quarante-troisième anniversaire, sur le site Africa is A Country et sur celui du Chimurenga Chronic, il s’adresse à sa mère pour annoncer publiquement qu’il est gay. En réalité, la mère de Binyavanga est décédée en 2011, mais le romancier imagine les derniers instants de sa vie, se rendant à son chevet de malade, il aurait pu lui dire ceci: «Maman, jamais personne n’a entendu ceci, maman: je suis homosexuel, maman.» http://www.slateafrique.com/433439/homosexualite-Binyavanga-Wainaina-coming-out-romancier-kenyan 25 4/10 texte, lorsque Charles, en compagnie de ses semblables, trouve un peu de courage et essaye de révéler sa sexualité à son frère Austin, c’est toujours au style figuré qu’il recourt, ce qui complique les choses pour son frère : Austin: The way you are? What do you mean? Are you different from the rest of us? Lovy: We want our rights enshrined in the constitution! (…) Austin: (…) What rights do you want? All: Rights of Boys to men! Austin: What the hell is boys to men! Edwin: Some of these things are hard to explain to people like you. We can only make you understand through drama. Austin : Tels que vous êtes ? Que veux-tu dire par là ? Etesvous différents de nous ? Lovy : Nous voulons que nos droits soient inscrits dans la constitution ! (…) Austin : (…) Quels droits voulez-vous ? Tous : Les droits de « Boys to men » ! Austin : Qu’est-ce que ça peut bien dire « Boys to men » ? Edwin : Certaines choses sont difficiles à expliquer aux gens comme toi. Ce n’est qu’à travers la dramatisation que nous pouvons te faire comprendre. [Reverse Gear, p. 10] Evitant, par manque de courage, de mentionner directement le mot « homosexuel », ces garçons se cachent derrière le nom « boys to men26 ». Ne pouvant pas s’exprimer de manière assez explicite pour faire comprendre ce dont ils parlent, ils recourent, comme l’un d’eux le suggère, à la dramatisation. Cette difficulté de dire ne fait que prolonger le suspense. Ce défi est éprouvé également par Dennis. Celui-ci, qui a l’intention de tout dire à la mère de Charles, n’arrive pas à le faire. Quand le moment arrive de le faire, son courage initial se dissipe et il finit par masquer son discours par l’emploi d’images, évitant ainsi la verbalisation directe : Dennis: Charles has undergone a change! A metamorphosis! A complete turnaround! Osuka: (…) Dennis why are you saying something and yet not saying it? What has happened to Charles! Dennis: Charles a subi un changement, une métamorphose, un volte-face. Osuka: (…) Dennis, pourquoi dis-tu quelque chose sans vraiment le dire. Qu’est-ce qui est arrivé à Charles ? [Reverse Gear, p.13] Comme l’atteste l’extrait ci-dessus, et dans d’autres parties du texte, Dennis emploie une multitude de termes sans vraiment faire comprendre ce dont il parle : changement, métamorphose, volte-face, champs magnétique modifié, câblage différent, inversion. Tout cela ne fait que frustrer son interlocuteur. Osuka constate qu’il tourne autour du pot, d’où sa réaction : « pourquoi dis-tu quelque chose sans vraiment le dire ? » 3.1.3 Didascalies symboliques Tout en montrant, dans le texte dialogué, la difficulté de verbaliser le thème tabou, l’auteur exploite la composante non-verbale du théâtre pour communiquer son message, évitant ainsi, autant que possible, de « dire ou nommer » la chose tabouisée. Notons, pourtant, que l’action risque d’être plus dommageable que la parole. Pour cette raison, l’auteur concilie deux techniques théâtrales pour s’en sortir. D’abord, à travers le théâtre dans le théâtre, il influence la perception des récepteurs de son discours en redirigeant leur attention vers la pièce insérée dans l’intrigue principale. Le phénomène tabou y est présenté comme Roméo et Robert, une variante de Roméo et Juliette de Shakespeare. Enveloppé ainsi dans une pièce dans la pièce, le public est censé le percevoir juste comme tel : la répétition d’une pièce adaptée, d’autant plus que les personnages impliqués sont des véritables acteurs selon la pièce principale (les membres du club de théâtre de l’école Masumbuko). À travers cet emploi de l’intertextualité, la perception de l’auditoire est trompée, au moins pendant un certain temps, permettant à l’auteur d’avancer son projet. Ensuite, en employant le symbolisme dans les didascalies, il déjoue la mise en discours directe du sujet transgressif tout en étouffant l’action explicite qui pourrait illustrer le phénomène de l’homosexualité. Ainsi, la réalité homosexuelle est représentée dans les didascalies à travers deux procédés symboliques. La première image marquante se trouve dans l’usage des aimants pour illustrer le comportement sexuel. Le fonctionnement des 26 Emprunté du nom d’un groupe de chanteurs américains : Boyz II Men fondé en 1985. 5/10 aimants fournit un symbolisme efficace pour décrire la condition et les actes homosexuels. Dans la norme du champ magnétique des aimants, le pôle Nord n’est attiré que vers le pôle Sud. Pourtant, pour figurer le phénomène homosexuel, deux pôles identiques, au lieu de se repousser, s’attirent, l’un vers l’autre, défiant ainsi les règles. Une deuxième image se trouve dans la représentation d’un match de football qui se présente ainsi : After the metamorphosis Charles emerges afresh … dressed in women garb! He enters a seemingly football field. The whistle sounds, a group of female footballers come in. The referee blows the whistle for Charles to take a penalty. Charles is defeated to score! Then the group of females is sent out and a new team of males come in. The whistle is blown and this time Charles is able to score the penalty. He cheers! His buddies lift him up. Après la métamorphose Charles émerge à nouveau ... habillé en costume des femmes! Il entre dans un terrain de football. Le coup de sifflet retentit, un groupe de joueuses entre en jeu. L'arbitre donne le coup de sifflet pour que Charles tire au but. Charles n’arrive pas à marquer! Ensuite, le groupe de femmes est renvoyé et une nouvelle équipe de mâles entre en jeu. Au coup de sifflet, Charles parvient cette fois à marquer un but. Il célèbre! Ses amis le soulèvent. [Reverse Gear, p. 14] À travers ce genre de didascalies, l’auteur épargne ses personnages de la difficulté d’admettre directement, par leurs paroles, d’être homosexuel ou d’expliquer l’homosexualité en termes explicites. Aucun personnage ne dit directement par exemple : « je suis homosexuel », ni Charles, ni ses camarades. Tout se fait par des symboles et des gestes qui relèvent d’autres domaines : sportif et électromagnétique. Ainsi l’auteur parvient à éviter le langage littéral et offensif qui risque de perturber le public. 3.2 Procédés pragmatiques Le texte de théâtre, rappelons-nous, existe sous deux formes : la forme littéraire écrite et la forme verbale articulée sur scène. Cette dernière implique une duplicité qui correspond à deux situations d’énonciation : celle entre les personnages incarnés par les acteurs parlant entre eux et celle de l’ensemble des acteurs s’adressant indirectement au public spectateur. Quoi que ces paroles soient échangées entre les acteurs sur scène, le destinataire éventuel, à qui le scripteur communique à travers la totalité de la représentation, reste le public, spectateur de la pièce. En effet, c’est en fonction de ce public qu’il conçoit les énoncés que réalisent les personnages. C’est pour cela que, outré par l’homophobie sociétale, cet auteur adopte une position bien réfléchie pour aborder le thème de l’homosexualité. Nous décelons quelques stratégies d’ordre pragmatique mises en œuvre dans ce texte qui l’aident à réaliser son projet. Considérons d’abord le titre. Le titre, nous le savons, fait partie du paratexte, « la partie textuelle dont l’auteur est sujet27 », et qui représente donc le discours non-équivoque de l’auteur. Rappelons qu’il est aussi le tout premier repère mis à la portée du public et par lequel celui-ci fait ses premières appréciations de l’œuvre. Sachant qu’une référence explicite au sujet de la sexualité risque de révulser le public, l’auteur considère son contexte dans le choix de titre. Ce pragmatisme se révèle dans le mot « reverse » dans le titre. Ce terme peut renvoyer à plusieurs réalités : celui de « l’acte de reculer », d’« échec », de « défaite » ou de « sens opposé ». En d’autres termes, la tendance sexuelle en question, ainsi présentée par l’auteur, sera éventuellement reçue et perçue par le public comme étant une contradiction à la norme sociétale. D'emblée, l’auteur annonce de manière subtile qu’il n’approuve pas, tout comme le public général, cette pratique controversée. En plaçant l’homosexualité dans la catégorie des échecs, des envers, l’auteur s’aligne aux sentiments sociétaux par rapport à cette pratique. Cette démarche se voit aussi dans le texte dialogué. D’abord, nous apercevons une reconnaissance évidente des bases traditionnelles dans la référence expresse au temps des ancêtres (voir l’extrait ci-dessous). Le texte évoque ainsi les normes sociétales qui existent depuis longtemps et qui doivent tenir jusqu’à présent. Cela est important dans la mesure où il renforce la confiance du public qui pourra alors suivre le déroulement de la pièce, sachant que l’auteur reconnait les traditions et les normes sociétales et que le sujet est traité à la lumière de cellesci : 27 Anne Ubersfeld, Lire le théâtre I, Paris, Berlin, 1996, p. 18. 6/10 Headboy: Since the days of our forefathers whose eyes see like moon light in the darkest night, such untellable has never been told! Préfet: Depuis les jours de nos ancêtres dont les yeux voient comme la lumière de la lune dans la nuit la plus sombre, une telle chose indicible n’a jamais été dite ! 28 [Reverse Gear, p. 1] Le tabou est clairement mais subtilement évoqué dans cette parole : le fait qu’il s’agit de « l’indicible » de par son caractère, non seulement sexuel, mais aussi de nature transgressive, est clair. L’allusion est faite à la non existence, depuis les jours des ancêtres, d’une telle pratique. La société représentée dans la pièce est donc une société qui n’approuve pas l’homosexualité et qui la considère comme étrangère. Jouant sur la relation de l’opposition, Nous-Autres, l’auteur met en scène une société homophobe pour laquelle le fait homosexuel est une étrangeté qui vient d’ailleurs. Le club de théâtre est représenté comme les « Autres » : ceux-ci ne se conforment pas aux normes de « Notre » société représentée par l’école Masumbuko Boys. Dans le discours du sous-préfet, l’homosexualité est comparée à la honte et à l’horreur ; son origine étant attribuée aux membres du club de théâtre, ceux qui salissent « notre société ». Ass/Headboy: As our headboy was saying, no shame of this magnitude has ever befallen us at Masumbuko Boys High school. Drama club members are miss-behaving. (…) Ass/Headboy: A chill of horror has shot through our society! The magnetic field that makes a ram repel another ram and be attracted to an ewe is fast getting demagnetized! Sous-préfet: Comme notre préfet le disait, aucune honte de cette ampleur ne nous est jamais arrivée à l’école Masumbuko. Les membres du club de théâtre se comportent mal. (...) Sous-préfet: Un frisson d'horreur a percé notre société! Le champ magnétique qui fait qu’un bélier repousse un autre bélier et soit attiré vers une brébis est en train de se démagnétiser rapidement! [Reverse Gear, p.1] Cette démarche rejoint le constat que fait Drocella Rwanika qui note, en effet, qu’en Afrique, « tout comportement qui s’écarte de celui décrété comme normal est mis sur le compte des influences occidentales29 ». L’étrangeté qu’attribue cette société à l’homosexualité et aux homosexuels, ainsi que son intolérance envers ceux-ci se révèlent également dans les mots de l’un des élèves : Timo: We cannot allow these drama members who spoil the name of our school to dwell in our land! Timo : Nous ne pouvons pas permettre à ces membres de théâtre qui pourrissent le nom de notre école de demeurer dans notre pays! [Reverse Gear, p.1] L’expulsion de Charles de son école atteste l’intolérance de la société envers ceux qu’elle considère comme inadaptés. C’est ainsi que Charles explique la raison de son renvoie de l’école : Charles: I was expelled because of what my teachers say! I cannot fit in a normal society! Charles: J’ai été renvoyé à cause de ce que disent mes professeurs! Je ne peux pas m’intégrer dans une société normale ! [Reverse Gear, p.7] Cette intolérance atteint son point culminant quand les élèves et les professeurs de Masumbuko, compris comme le public Kenyan, se prête à lyncher le transgresseur : (Suddenly drums sound and chanting as students of Masumbuko plus their teachers storm into stage! They have crude weapons! Tyres and a jerry can of petrol. They throw Charles down on the floor). 28 29 (soudain, on entend le son des tam-tams/tambours et des chants ; les élèves et professeurs de l’école Masumbuko entrent sur scène ! ils portent des armes rudimentaires ! Des pneus et un jerricane d’essence. Ils poussent Charles par terre) C’est nous qui soulignons. D. M. Rwanika, op. cit., p. 7-8. 7/10 Headboy: Kill him! Students: Kill him! Castrate him! Crucify him! Stone him to death! Préfet : Tuez-le ! Elèves : Tuez-le ! Castrez-le ! Crucifiez-le ! Lapidez-le ! [Reverse Gear, p.16] Considérant la société kenyane, il est plus facile pour les spectateurs de s’associer au public dans la pièce car celuici reflète la réalité qu’ils vivent. L’auteur devrait donc être perçu par le public spectateur comme étant « l’un de nous ». En plus, nous remarquons, dans le dialogue, la difficulté apparente de la part des personnages à verbaliser le discours sur l’homosexualité comme étant une stratégie pragmatique de la part de l’auteur. À plusieurs reprises, la révélation du problème en question est reportée, voire évitée au moindre des excuses car les personnes concernées n’ont pas le courage d’en parler. Nous avons montré combien de fois Charles fait tout pour éviter tout discours sur ce sujet, jusqu’à être têtu envers Dennis. Dennis: Charles: (…) Charles: (…) Charles: Then speak! We are all ears speak! I don’t need anyone to coerce me into speaking! Just leave me alone! Hey! Mind your own business! Don’t poke your crooked nose into other people’s affairs. (Stubborn) Jesus! Who do you think you are? Eeeh! I am no longer in your school for you to order me around. … Dennis: Charles: (…) Charles: (…) Charles: Parle donc! Nous t’écoutons! Personne ne doit me contraindre à parler ! Laissez-moi tranquille! Hé! Mêlez-vous de vos affaires ! Ne fourrez pas votre nez dans les affaires des autres. (têtu) Bon sang! Pour qui vous vous prenez? Je ne suis plus dans votre école et vous ne pouvez donc pas me donner des ordres. … [Reverse Gear, p.3] Interrogé par sa mère concernant son renvoi de l’école, Charles contourne le nœud de la question en répondant : « rien ». Il procède à accuser ses professeurs d’être jaloux de lui. Évitant d’avouer lui-même sa condition sexuelle, il trouve plus facile de blâmer ses professeurs mais aussi l’absence du père pour ses malheurs: Charles: I was expelled because of what my teachers say! I cannot fit in a normal society! Redempter: Normal society! … Charles are you abnormal? Charles: According to them, yes! Abnormal because I have no father! No mentor to guide me on paths of manhood! J’ai été renvoyé à cause de ce que disent mes professeurs ! Je ne peux pas m’intégrer dans une société normale ! Redempter : Société normale ! … Charles es-tu anormal ? Charles : D’après eux, oui ! Anomal parce que je n’ai pas de père ! Pas de mentor pour me guider sur la voie de la virilité ! Charles: [Reverse Gear, p.7] Cette mise en scène de la difficulté de se prononcer sur l’homosexualité montre que l’auteur respecte les règles du tabou. Le public verra donc un auteur conscient du fait que le sujet qu’il aborde est tabouisé. Finalement, dans un angle qui touche au projet de l’auteur, nous voyons que ce dernier adopte un ton à la fois correctif et réconciliateur. Le personnage transgressif, ne reste pas homosexuel jusqu’à la fin de la pièce. Le début et la fin de sa « digression sexuelle » sont nettement montrés dans le texte. Deux causes sont identifiables : L’absence du père, et donc de mentor, soulevée comme cause (voir l’extrait ci-dessus). Le théâtre, et plus précisément le professeur du théâtre, à l’école, sont aussi accusés d’être à la base de cette digression, comme le suggère Austin, frère de Charles : 8/10 I now can see where your problem is coming from. It is your drama teacher! Your drama teacher at Masumbuko Boys National School failed to do something. Yes he made you good actors. But he was supposed to de-characterize you. Je vois maintenant d’où vient votre problème; votre professeur de théâtre à Masumbuko Boys National School a ignoré quelque chose. Certes, il a fait de vous de bons acteurs, mais il devait vous dé-caractériser. [Reverse Gear, p.12] L’auteur ne laisse pas le problème non-résolu. En proposant des solutions qui réussissent sur scène, il voudrait montrer qu’il ne s’agit que de cela : un problème auquel il y a des solutions. La remise du « champ magnétique » de Charles et la proposition au mariage que fait Dennis à la mère de Charles, et qu’elle finit par accepter (voir extrait ci-après), sont des moyens de remise en ordre qui servent à dissiper tous sentiments négatifs que pourrait éprouver le public. Dennis: (…) Now let us reverse Charles magnetic field. Let us all join to change him! Yes! Pull! Pull! Pull! (The students pull at the magnets…Charles starts moaning undergoing a change!) Let us change him through counseling, good leadership so that Charles can change! Pull! Pull! Pull! Pull! (finally the magnet changes and now north comes face to face with south! They attract! The students cheer as Charles comes back to his senses! Changed!....) (…) Charles: Mother please take his hand in marriage. I need a father and a role model in this house. (Osuka turns around and accepts the ring from Dennis, they hug, the crowd cheers. Music, song and dance)….END…. Dennis : (…) Charles : (…) Maintenant, inversons le champ magnétique de Charles. Joignons-nous tous pour le changer! Oui! Tirez! Tirez! Tirez! (Les élèves tirent les aimants...On entend des gémissements de Charles qui subit une transformation) Transformons-le à travers des conseils, du bon leadership pour qu’il puisse changer! Tirez! Tirez! Tirez! Tirez! (enfin les aimants changent d’orientation ; le pôle nord vient face à face avec le sud! Ils s’attirent! Charles reprend ses sens ; il est changé ! Les étudiants applaudissent ....) Maman, s'il te plaît, prends sa main en mariage. J'ai besoin d'un père et d'un mentor dans cette maison. (Osuka se retourne et accepte l'anneau de Dennis, ils s'étreignent, il y a les acclamations de la foule. Musique, chant et danse) .... FIN .... [Reverse Gear, p.17-18] À la fin de la pièce donc, nous voyons un problème résolu, au moins pour Charles. En terminant ainsi son œuvre, l’auteur s’acquitte de la culpabilité de dépeindre mal la société. Du problème qu’il soulève, il propose certainement une solution qui nécessite la coopération communautaire. Conclusion De ce qui précède, il est évident que l’auteur, en abordant le thème de l’homosexualité dans sa création théâtrale, reste bien conscient, et cela à juste titre, du fait qu’il fait partie d’une société très sensible et peu tolérante, en ce qui concerne ce sujet. L’Afrique en général, et le Kenya en particulier, ont toujours perçu la pratique homosexuelle comme étrange et vont jusqu’à renier sa présence dans la société. Or, l’auteur Amunga entreprend la tâche de s’opposer à cette prise de position. Nous décelons le projet de l’auteur comme étant celui de sensibiliser le public sur la réalité affectant la société kenyane en ce qui concerne l’homosexualité tout en l’invitant, tout gentiment, à y faire face au lieu de l’éviter. Il laisse le public avec l’assurance que, malgré la présence de l’homosexualité parmi eux, rien n’est perdu et qu’il est toujours possible de restaurer la situation désirée. Caroline KALANGI 9/10 Bibliographie Bibliographie primaire Akhanyalabandu, Amunga Peter, Reverse Gear, pièce de théâtre inédite, 2010. Bibliographie secondaire Achebe, Chinua. Morning Yet on Creation Day, London: Heinemann, 1975 Adeyanju, D. « Implications of Taboo Phenomena in Nigerian English and Yoruba ». Ilorin Journal of Language and Literature. Vol.1, N° 5, p. 36-51. Asaah, Augustine. « To Speak or not to speak With the Whole Mouth: Textualization of Taboo Subjects in Europhone African Literature. » Journal of Black Studies 36.3 (2006): 497-514. Foucault, Michel, Histoire de la sexualité I: La volonté de savoir, Paris, Gallimard, 1976. Le grand Robert de la langue Française, tome 3. Paris : dictionnaires Le Robert-VUEF, 2001. Le grand Robert de la langue Française, tome 6. Paris : dictionnaires Le Robert-VUEF, 2001. Mangueneau, Dominique, Pragmatique pour le discours littéraire, Paris, Armand Colin, 2005. Rwanika, Drocella Mwisha, Sexualité volcanique, Paris, L’Harmattan, 2006. The Constitution of Kenya 2010. The Washington Post. “A Revealing Map of Countries that are Most and Least Tolerant of Homosexuality” 2013. Rapport en ligne sur le site www.washingtonpost.com téléchargé: Février 2014. Ubersfeld, Anne, Lire le théâtre I, Paris, Editions Berlin, 1996. 10/10