La constellation - Login to the File system
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économie saga Du ballon dirigeable au robot de piscine en passant par le bateau pneumatique, de Puteaux à Issy-les-Moulineaux en passant par Saint-Cloud, et de la naissance de l’industrie moderne à la mondialisation économique en passant par les deux guerres, les bâtisseurs de la marque Zodiac ont écrit quelques belles pages de la conquête des airs et des mers. Retour sur une saga haut-seinaise truffée de ballons et de bateaux. La constellation Zodiac par Franck de Lavarène 54 E n 1952, un jeune interne de l’hôpital de Boulogne-sur-Mer traverse l’Atlantique en solitaire en ballons dirigeables, en qualité de tourneur mécanicien… se laissant dériver de Tanger à la Barbade, sans eau ni vivres, à bord d’un bateau en caoutchouc bravachement baptisé L’Hérétique. Naufragé volontaire, le livre issu de cette magistrale démonstration de survie, fera, pour sa part, le tour du monde. L’homme s’appelle Alain Bombard. Quant au bateau, c’est un Zodiac. Un Zodiac III, pour être précis, dernier-né de la flottille inaugurée, dixhuit ans auparavant, par le kayak pneumatique biplace de l’ingénieur Pierre Debroutelle, ci-devant pilote multicarte (avion, aéronat, aérostat, ballon libre et dirigeable), embauché en 1909 par la Société française des L’histoire de Zodiac est une nébuleuse à tiroirs. Le premier de ces 92 Express - numéro 160 - avril 2005 tiroirs s’ouvre à la date du 22 décembre 1896, point d’origine de la société Mallet, Léandri et de Pitray dédiée à la fabrication d’aéronefs. Le Mallet de la raison sociale se prénomme Maurice ; élève du peintre Bonnat et membre, avec Alphonse Allais, Charles Cros, Lucien Guitry et consorts, de la très éminente société des Hydropathes, il est titulaire du tout premier brevet de pilote délivré par l’Aéro-Club de France. Sur l’aérodrome de la rue Spontini, qu’exploite alors la jeune entreprise en bordure du bois de Boulogne, il donne libre cours à sa passion pour le plus léger que l’air et propose à qui veut le baptême à bord de sa nacelle, solidaire d’un gros ballon en soie de Chine. Maupassant et Jules Verne compteront parmi ses passagers. La société de Maurice Mallet installe ses ateliers à Puteaux en 1902, devient Société française des ballons dirigeables en 1908 et adopte l’année suivante la dénomination qui l’accompagnera désormais. Le premier logotype de la marque représente un dirigeable fusiforme traversant la roue du zodiaque ; le nom est orthographié à l’anglaise, gage de chic en ces temps fertiles en sportsmen et en country clubs. La marque est déposée le 2 février 1909, ce qui fait de Zodiac un pur Verseau : le plus aquatique des signes d’air… Il faudra attendre un quart de siècle avant de vérifier la prophéti- PHOTOS ZODIAC z Medline III : semi-rigide haut de gamme (ci-contre), ce bateau est le modèle phare de la gamme Zodiac. Tobogan d'évacuation (Air cruisers). (au centre) Oril : radeau réversible de sauvetage pour cinquante passagers (ci-dessous). que ambivalence de ce thème de naissance. Vingt-cinq ans durant les92 Express - numéro 160 - avril 2005 55 économie Cadet 285 : annexe souple aux flotteurs larges. Incontournable pour les plaisanciers… 56 92 Express - numéro 160 - avril 2005 le record d’altitude). Parallèlement aux contrats d’État, qui lui vaudront longtemps un carnet de commandes prospère ainsi qu’une trésorerie chaotique, Zodiac garde une main sur les activités de sport et de loisir qui ont co-présidé à sa création et s’applique à rester dans le vent en organisant, sur ses terrains de SaintCyr, de grands départs en ballon libre. C’est nourri de cet esprit vagabond que l’ingénieur Debroutelle conçoit son kayak de 1934 : deux chambres à air latérales rejointes en U et reliées par un tableau de bord en bois. Imaginé par un chas- Les années 50 et 60 voient l’activité Bateaux surfer sur la vague des canots de sauvetage embarqués, des sociétés de sauvetage en Cependant que, dans les ateliers de Puteaux promptement réquisitionnés, une centaine d’ouvriers fabrique pour l’occupant des ballons “saucisses”, l’ingénieur Debroutelle continue de travailler secrètement sur son bateau à boudins. Pointe tubulaire à l’avant, quille en bois à l’aplomb et moteur 9 CV solidement boulonné à l’arrière : le prototype mer, des premières compétitions sportives et de l’odyssée nautique du commandant Cousteau : de moins de deux cents bateaux en 1958, la production passe à deux mille cinq cents en 1962. Les exportations se développent, elles représentent en 1965 le tiers du chiffre d’affaire, tandis que la part des contrats d’État, jusqu’alors prépondérante, s’efface progressivement devant la montée en puissance du marché civil. Accédant au rang de première industrie de plaisance française et de numéro 1 mondial du bateau pneumatique, Zodiac continue d’explorer de nouveaux territoires en développant notamment de nombreuses structures terrestres gonflables, puis en renouant avec son métier d’origine : le ballon, désormais décliné dans des domaines aussi variés que la communication publicitaire, les essais nucléaires atmosphériques (jusqu’à leur interdiction en 1974) ou les équipements destinés à la recherche météorologique. La marque s’implante en Espagne en 1964, puis aux États-Unis en 1970. Entre temps, elle a quitté Puteaux pour Rochefort, puis Rochefort pour Courbevoie avant de poursuivre, à Saint-Cloud, un parcours haut-seinais en sauts de puce qui la conduira dès 1981 à Issy-les-Moulineaux, dernière escale en date. ZODIAC quels Zodiac se forge une stature de numéro 1 pour la fabrication de matériel aérostatique civil et militaire. La Grande Guerre suscite une première diversification des activités : dirigeables, aéroplanes biplans et monoplans, ballons “cerfs-volants”, bâches, filets de gonflement et même ceintures de parachute sortent des hangars à cadence soutenue. Ce mouvement se poursuivra au fil des Années folles, jalonné d’innovations (le dirigeable semi-rigide, le motoballon, la double suspension élastique, etc.) et de hauts faits (notamment la fabrication du M120 Corsaire à moteur Salmson à bord duquel Hélène Boucher décrochera qu’il met à l’eau dès 1940 a la forme qui deviendra celle de la plupart des modèles ultérieurs. Bricoleur de génie, il continuera jusqu’à la fin de sa vie à l’améliorer en s’inspirant des techniques mises en œuvre dans la fabrication des ballons. L’aprèsguerre est marqué par une reprise difficile ; pour faire face, Zodiac renoue avec un procédé éprouvé : la diversification. Du pantalon de pêche au mobilier de bureau et du tapis de campeur au ressort de matelas en passant par la blague à tabac et l’épandeur de fumier, la production maison entre dans une phase peu propice, dirait-on aujourd’hui, à la lisibilité de la marque. Les balbutiements de la société des loisirs, la retentissante équipée d’Alain Bombard et la constitution d’une véritable organisation commerciale vont cependant lui permettre de regagner ses lettres de noblesse. Préludant au premier choc pétrolier, une gestion interne sinon “dispersée”, du moins inappropriée aux dimensions du groupe naissant précipite la crise. En 1973, Jean-Louis Gérondeau, actuel président du directoire, polytechnicien, diplômé de Harvard et spécialiste du conseil en organisation, prend en mains la conduite du plan de redressement qui permettra à Zodiac d’entrer de plain-pied dans l’ère du Verseau. L’aide substantielle de l’Institut de développement Industriel (IDI), les progrès technologiques, la réduction des coûts de fabrication et l’aubaine offerte par la sécheresse de 1976 favorisent le retour à l’équilibre. En 1977, la mise au point d’un procédé de thermobandage prélude au lancement de la marque Zed : des bateaux performants à la portée de toutes les bourses dont le succès, joint à la signature d’un contrat providentiel avec la Libye (quatre- vingt dix millions de francs sur deux ans), relance définitivement la machine à prospérer. La fin de la décennie marque l’amorce d’une stratégie de développement externe, et c’est désormais au rythme des fusions-acquisitions que Zodiac cinglera vers la stature mondiale. Le rachat d’Aérazur (constructions aéronautiques) en L'avenir en "first"… Siège de première classe et classe affaires du modèle Majesty (Sicma Aero seat). ZODIAC Mars Exploration Rover : test en soufflerie du parachute d'atterrissage utilisé pour la mission sur Mars. seur contemplatif désireux d’agrémenter ses séjours en Sologne, le dispositif possède la simplicité des évidences. Son homologation par la Marine nationale lui apporte la consécration et en fait la référence de tous les bateaux pneumatiques militaires et civils, de sport et de plaisance, qui soient allés sur l’eau depuis ce temps. Cependant le deuxième tiroir de la saga Zodiac n’a que le temps de s’entrouvrir : en 1937, l’Aéronavale demande à l’ingénieur d’adapter son embarcation à des fins moins bucoliques. Il s’agit de convoyer bombes et torpilles entre le rivage et les avions à flotteurs, la fragilité de ces derniers faisant mauvais ménage avec les étraves de bois ou de métal. Autrement dit, les temps ne sont pas à la navigation de plaisance. En 1938, Zodiac délocalise ses activités Ballons dans l’ancien arsenal de Rochefort-sur-Mer et, en juin 1940, sur ordre des autorités françaises, c’est l’ensemble de la société qui se transporte aux confins de la Saintonge. L’activité y tournera au ralenti jusqu’à la Libération. ZODIAC NASA saga 92 Express - numéro 160 - avril 2005 57 économie saga la notoriété de la marque, représente aujourd’hui moins du quart de l’activité globale, dont près de la moitié se déploie désormais hors d’Europe. Installée depuis 1997 dans son nouveau siège d’Issy-lesMoulineaux, la direction du groupe gère désormais la croissance à deux chiffres de son étoile à cinq branches : AeroSafety Systems, Aircraft Systems, Airline Equipment, Technology et Marine. Onze mille collaborateurs contribuent à sa magnitude, dans une allégeance partagée aux valeurs revendiquées de la culture maison : esprit d’entreprise, réalisme, respect et humilité. Laborieux plus que visionnaire, ce credo ancre les ambitions du groupe dans les hauts fonds du premier marché. Zodiac n’a pas de souci à se faire pour son horoscope. Franck de Lavarène 58 92 Express - numéro 160 - avril 2005 1896 Création de la société Mallet, Mélandri et de Pitray, exploitant l’aérodrome du bois de Boulogne. D.R. 1902 Installation à Puteaux. 1909 L’entreprise prend le nom de Société française des ballons dirigeables et d’aviation Zodiac (société Zodiac en 1911). Production de dirigeables, de vedettes (aériennes) et d’aéronefs biplans et monoplans. 1934 Pierre Debroutelle crée le prototype du kayak pneumatique biplace. 1940 L’ingénieur présente le Type A, prototype préfigurant la gamme des bateaux pneumatiques à venir. 1952 Traversée de l’Atlantique par l’Hérétique d’Alain Bombard. 1958 Mise en œuvre d’une organisation commerciale. 1959 Installation à Courbevoie. 1964 Première filiale à l’étranger : Zodiac Española. D.R. La production de bateaux pneumatiques, dont les fleurons ont fait D.R. repères 1978, des divisions Marine et Aéronautique de l’Angevinière en 1980, puis de Sevylor (objets gonflables), de Parachutes de France (comme leur nom l’indique), de Superflexit (tuyaux de pipelines, citernes en tissus enduit), de Plastiremo (composants aéronautiques), d’Hurricane (bateaux semi-rigides), d’Air Cruiser (toboggans d’évacuation), de Pioneer (systèmes de décélération et de récupération d’engins freinés par parachute), des activités aéronautiques de Kléber Industries, de Weber Aircraft (sièges d’avion) et de Baracuda (robots de piscine) permettent à Zodiac de fêter son centenaire sur le marché à règlement mensuel de la Bourse de Paris. La marque est alors numéro 1 mondial des bateaux pneumatiques, du loisir nautique gonflable, des piscines hors sol, des radeaux de sauvetage pour la plaisance, des sièges passagers et des toboggans d’évacuation pour avions civils, des réservoirs souples pour carburants, des système de flottabilité d’hélicoptères et des systèmes pour parachutes. L’acquisition d’InterTechnique (systèmes liés aux fonctions vitales des avions et hélicoptères), en 1999, marque la dernière expansion en date de cette constellation dont le bénéfice par action a été multiplié par sept en quinze ans et dont le chiffre d’affaires a dépassé le milliard et demi d’euros lors du dernier exercice comptable. 1970 Première filiale à activités spécifiques : Zodiac Espace. Installation à Saint-Cloud. 1973 Arrivée de Jean-Louis Gérondeau. 1981 Installation à Issy-les-Moulineaux. 1978 – 2005 Croissance externe : Zodiac devient un groupe mondial.