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sous fa direction de MARIE-CHRISTINE TOCZEK DELPHINE MARTINOT Le defi educatif Des situations pour reussir ARMAND COLIN CHAPITRE X L' explication quotidienne des comportements scolaires : attributions de reussite et d'echec Pascal Pansu, Benoit Dompnier, Pascal Bressoux Croire que ce que font les eleves re~ete toujours ce qu'lls sont revient 0 negliger I'importonte in~uence des contextes. est maintenant 10 heures 30. La sonnerie vient de retentir et les I Ipremiers signes d'agitation se font sentir dans la cour de l'ecole. C'est l'heure d'entrer en dasse ! En gravissant lentement les dernie res marches de l'escalier qui mene a la dasse, Leo et son amie Lisa, tous deux plutot bons eleves, s'interrogent : com bien auront-ils au controle de biologie que doit leur rendre aujourd'hui leur professeur? L'heure fatidique est arrivee ! Durant les quelques minutes qui precedent la remise des copies, les craintes et pronostics de derniere minute vont bon train: « J'ai peur de m'etre plante, les premieres questions etaient pourtant faciles ... » Lorsque le profes seur prononce le nom de Lisa, celle-ci est figee sur sa chaise : 8,5/20. Son expression en dit long, elle bafouille : « J'en etais sure, je suis 277 LE DEF[ EDUCATIF nulle en bio, je n'y comprends rien ... la preuve en est, je suis merne incapable de repondre aux questions les plus faciles ... » Arrive maintenant le tour de Leo: 8/20. Lui aussi est pour le coup decu de sa note. Qu'a-t-il bien pu se passer? II marmonne a qui veut l'enten dre que le professeur a ete particulierement severe avec lui sur ce controle-la... et que s'il n'a pas obtenu la moyenne c'est a coup sur la faute du prof! Pour le professeur, les notes sont la et traduisent bien le niveau de comprehension et de travail fourni par les eleves : chacun a eu ce qu'il meritait. Cette nouvelle deplaisante, Leo et Lisa finiront bien, a un moment ou a un autre, par l'annoncer a leur entourage proche. C'est ainsi que, de retour chez eux, Leo et Lisa font part de leurs resultats en ronchonnant. Si, pour les parents de Lisa, celle-ci n'etait pas au mieux de sa forme ces derniers temps, pour les parents de Leo les choses sont differentes et il se pourrait bien que Leo n'ait pas donne le meilleur de lui-merne. Sur la base de ce petit episode assez courant dans la vie scolaire, un certain nombre de questions emergent. Comment eleves (ici acteurs de la scene) et professeurs (ici observateurs) vont-ils interpre ter les evenernents auxquels eux-rnemes ou autrui sont confrontes ? Comment, par exemple, un eleve va-t-il expliquer une reussite ou un echec ? Comment l'enseignant percevra-t-il de tels evenements ? Quelles incidences cela peut-il avoir pour l'eleve ? Autant de ques tions qui appellent des reponses, Ce chapitre a pour but d'y repon dre, au moins en partie, en retracant, dans les grandes lignes, quelques grandes theories et recherches dans le domaine de l'analyse quotidienne des causes des conduites. Notre objectif n'ctant pas ici de faire preuve d'exhaustivite, nous nous contenterons declairer le lecteur non specialiste sur quelques aspects de cette psychologie du sens commun qui permet a tout un chacun (adulte et enfant) d'inter preter ce qui lui arrive ou ce qui arrive aux autres, d'expliquer ses comportements, ses etats psychologiques (pensees, sentiments, emo tions, etc.) ou ceux des autres. C'est ce qu'il est convenu d'appeler en psychologie sociale l'etude de l'explication quotidienne ou plus precisernent de l'attribution de causalite. Dans ce chapitre, sans pour autant entrer dans le detail des multiples reflexions theoriques pro duites ou suggerees a partir de cette notion, nous montrerons com ment les evenernents qui arrivent en classe sont susceptibles d'etre interpretes par les uns et les autres et comment ils peuvent generer Regards psycho-sociaux apro chez les eleves et les ense influencer leurs perceptic de quelques acquis de mecanismes a I'reuvre d, comment ils intervienne aussi que l'activite de rei desinteressee et sans cor I DES EVENEMENTS I Les raisons evoquees par tant de trouver une exp Chacune de ces explicati ler une attribution. Lisa sa personne (Ie manque cause externe a sa persc fier le fait que Leo et Li ou interpretent eux-rni attribution. En revanclu s'agit d'expliquer le con arrive a l'autre (dans no! ernises par les parents et Cette distinction est impc (1972), l'acteur est loin En effet, acteurs et ol memes informations: le le second sur la genese etc. Par ailleurs, ils n'acc aux informations: ce q dans lequell'evenemen1 le comportement de l'a l'information de manie difference observee en fait que devant un ev seraient engages diffe: comportement a un act Regards psycho-sociaux apropos de trois ensembles comportementaux d'enfants chez les eleves et les enseignants des attentes qui, en retour, peuvent influencer leurs perceptions et leurs conduites. Nous verrons, a partir de quelques acquis de la psychologie sociale, quels sont les rnecanismes a I'eeuvre dans l'explication et Ie jugement quotidiens, comment ils interviennent dans l'univers scolaire et nous verrons aussi que l'activite de recherche de causalite est, in fine, loin d'etre desinteressee et sans consequences pour l'individu. DES EVENEMENTS A LEUR EXPLICATION Les raisons evoquees par Leo et Lisa montrent combien il est impor tant de trouver une explication aux evenements qui nous arrivent. Chacune de ces explications represente ce qu'il est convenu d'appe ler une attribution. Lisa attribue son echec a une cause inherente a sa personne (Ie manque de capacite), alors que Leo l'attribue a une cause ext erne a sa personne (la severite du professeur). Pour signi fier Ie fait que Leo et Lisa expliquent leur propre comportement et/ ou interpretent eux-mernes ce qui leur arrive, on parle d'auto attribution. En revanche, on parle d'hetero-attribution des lors qu'il s'agit d'expliquer Ie comportement d'autrui ou d'interpreter ce qui arrive a l'autre (dans notre exemple cela correspond aux attributions emises par les parents et/ou Ie professeur a l'endroit de Leo ou Lisa). Cette distinction est importante car, comme l'avancent Jones et Nisbett (1972), l'acteur est loin d'etre la copie conforme de l'observateur. En effet, acteurs et observateurs ne disposent pas vraiment des memes informations: Ie premier a acces a plus de connaissances que Ie second sur la genese de son comportement, l'episode en question, etc. Par ailleurs, ils n'accorderaient pas, non plus, la meme importance aux informations: ce qui est saillant pour l'acteur c'est Ie contexte dans Iequel l'evenernent est apparu alors que pour l'observateur c'est Ie comportement de l'acteur. En fait, tous deux traiteraient, in fine, l'information de maniere bien differente. Pour d'autres auteurs, la difference observee entre acteurs et observateurs proviendrait du fait que devant un evenement a expliquer, les uns et les autres seraient engages differernment. Ainsi, demander d'expliquer son comportement a un acteur n'a pas Ie meme sens que demander a un LE DEFI Regards psycho-sociaux apro] EDUCATIF observateur d'expliquer le comportement d'un acteur : l'acteur cher chera, avant tout, ajustifier ou rationaliser son action par rapport a des normes admises alors que l'observateur s'attachera surtout a recher cher les causes susceptibles d'expliquer ce me me comportement. Mais, au-dela de ces divergences theoriques, rete nons tres globa lement que auto-attributions et hetero-attributions occupent, toutes deux, une place privilegiee dans nos activites perceptives, nous per mettant ainsi d'expliquer les evenements auxquels autrui ou nous memes sommes confrontes. Les explications enoncees par les parents et le maitre (il pourrait tout aussi bien s'agir de pairs), bien que for tement caricaturales, laissent entrevoir, au moins intuitivement, a quel point les attributions evoquees par autrui peuvent jouer un role important dans les relations avec les autres, a fortiori lorsque cet autrui est signifiant pour le sujet (ce qui, pour l'enfant, est bien sou vent le cas des parents, de l'enseignant, etc.). Retenons a ce propos que c'est surtout lorsque l'evenement est inattendu et non systema tique que l'activite attributionnelle joue un role essentiel dans l'acti vite perceptive de l'individu. Bien evidernment, comme nous le verrons dans la section qui suit, tout cela a un sens : permettre a l'individu d'organiser la perception qu'il a de son entourage social, lui attribuer des significations. L'attribution : causalites internes ou externes I Lorsqu'on aborde le theme de l'attribution, un ouvrage fait souvent reference, c'est celui de Fritz Heider (1958), The Psychology ofInter personal Relations. L'auteur y traite du theme de l'attribution et developpe comment l'individu cherche a donner du sens aux evene ments et aux comportements qui lui arrivent ou qui arrivent aux autres. Selon lui, l'individu eprouverait un besoin fondamental de developper une vue coherente de son environnement, en particulier donner du sens au monde qui l'entoure, aux evenernents qui se pro duisent et aux comportements ou interactions qu'il observe. Les attributions lui permettraient de remplir au mieux cette fonction : simplifier le monde qui l'entoure pour mieux le comprendre, le pre dire et le controler en reperant les caracteristiques stables des com portements et des evenernents qui permettent d'en rendre compte. La recherche de rationalite et de coherence serait ainsi a la base des 280 motivations humaines. Cal cherait a percevoir et a ex les comportements et eve rage social. Pour cela, il t situation donnee en fonc1 les objets sociaux et sur le pie, si le professeur de 1 deux ont obtenu un resul biologie, illui faudra anal quer ce resultat plutot i une conclusion du type « question de manque de ( surmonter les difficultes vouloir echouer deliberei Tous deux etaient prese reussir cet exercice. Sam leur controle ! » Les pal quasi similaire mais in f etat passager de fatigue. Pour notre propos, on de l'action de Heider ou quels nous sommes conf nelles (c'est-a-dire attril capacite) et de forces attribution de causalite d'autrui et chance). On en biologie, Lisa effectu suis nulle en bio ») et (<< c'est la faute du prol d'attribution est accepts en arriere-plan, l'idee q vidu peut avoir des repe portements futurs. Qui meme de faire des effo ensuite. Mais avant d'alx ravant, afin d'eviter que! champ de recherche d: interne/externe. I' Regards psycho-sociaux d propos de trois ensembles comportementaux d'enfants j I I motivations humaines. Comme Ie scientifique, l'homme ordinaire cher cherait a percevoir et a expliquer de maniere aussi juste que possible les comportements et evenements qui se produisent dans son entou rage social. Pour cela, il traite les informations disponibles dans une situation donnee en fonction des connaissances et savoirs qu'il a sur les objets sociaux et sur les rapports qui existent entre eux. Par exem ple, si le professeur de Leo et Lisa cherche a savoir pourquoi tous deux ont obtenu un resultat plut6t mediocre au dernier controle de biologie, illui faudra analyser differentes causes susceptibles d'expli quer ce resultat plutot inhabituel. Probablement en arrivera-t-il a une conclusion du type « Chez ces deux-la, ce n'est surement pas une question de manque de capacite et tous deux etaient en mesure de surmonter les difficultes du controle. I1s ne pouvaient pas, non plus, vouloir echouer deliberement, done ils avaient l'intention de reussir. Tous deux etaient presents aux derniers cours. Ils pouvaient done reussir cet exercice. Sans doute, ri'ont-ils pas suffisamment prepare leur controle ! » Les parents de Lisa pourraient faire une analyse quasi similaire mais in fine expliquer ce resultat inhabituel par un etat passager de fatigue. Pour notre propos, on retiendra du modele de l'explication naive de l'action de Heider ou les evenements ou les comportements aux quels nous sommes confrontes resultent de forces effectives person nelles (c'est-a-dire attribution de causalite interne: motivation et capacite) et de forces effectives environnementales (c'est-a-dire attribution de causalite externe : difficulte de la tache ou pouvoir d'autrui et chance). On dira ainsi que pour expliquer l'evenernent en biologie, Lisa effectue une attribution de causalite interne (<< je suis nulle en bio ») et Leo, une attribution de causalite ext erne (<< c'est la faute du prof »), Cette distinction entre ces deux types d'attribution est acceptee par la plupart des auteurs avec, souvent en arriere-plan, l'idee que le type d'attribution realise par un indi vidu peut avoir des repercussions sur ses attentes, reactions et com portements futurs. Qui de Leo et Lisa sera, par la suite, le plus a meme de faire des efforts en biologie ? C'est ce que nous verrons ensuite. Mais avant d'aborder cette question, encore nous faut-il aupa ravant, afin d'eviter quelques confusions theoriques, evoquer un autre champ de recherche dans lequel on retrouve aussi la distinction interne/externe. 281 • LE DEFI Regards psycho-sociaux aprot EDUCATIF La distinction interne/externe dans Ies travaux sur Ie locus of control (LOC) Comme nous venons de l'annoncer ci-dessus, nous retrouvons cette distinction internelexterne dans un autre champ de recherche qui s'est developpe parallelernent aux travaux sur l'attribution : celui du locus of control. Un auteur a marque ce courant, il s'agit de Rotter (1966). Pour celui-ci, si le renforcement est un facteur essentiel a l'apprentissage social, encore faut-il que la personne etablisse une relation de causalite entre son comportement et le renforcement qui suivra. Dans ce cas, on dira alors de la personne qu'elle a un locus de controle interne. A l'inverse, si la personne n'etablit aucune rela tion de cause a effet entre son comportement et le renforcement qu'elle obtient (c'est-a-dire le renforcement est sous le controle de forces exterieures) on dira qu'elle a un locus de controle externe. L'objectif poursuivi par Rotter etait de predire le comportement que les gens seraient susceptibles d'adopter dans une situation donnee, En fait, il s'agissait de determiner, parmi tous les comportements potentiels d'une personne, celui qui a le plus de chances d'apparai tre. Pour les chercheurs qui, a la suite de Rotter, ont etudie le LaC, la distinction internelexterne est alors envisagee comme pouvant donner lieu a des differences individuelles dans la perception de la relation de causalite que font les gens entre l'obtention d'un renfor cement et leur comportement. Ainsi, au me me titre que l'intelli gence, de telles perceptions quant a l'origine des renforcements pourraient faire l'objet d'une mesure et devenir « un facteur de dif ferenciation des individus quant a leur personnalite » (Caverni et Drozda-Senkowska, 1981, p. 226). C'est la une difference fondamen tale avec les chercheurs qui, a la meme epoque, etudiaient les attri butions de causalite (leur souci, rappelons-le, etait de comprendre comment l'individu s'y prenait pour expliquer son comportement ou celui d'autrui et pourquoi). Quoi qu'il en soit, une longue tradition de recherche en matiere de Locus of Control a vu le jour, montrant alors que certains individus, les internes en matiere de LaC, ont plus de chances de reussir dans la vie professionnelle et sociale que d'autres, les externes. Les uns, les internes, se caracterisent par la croyance selon laquelle leur propre comportement ou leur propre personnalite (traits, aptitudes ...) determine les renforcements qu'ils 282 obtiendront alors que les forcements qu'ils obtiend comme la chance, le destir tances. Des nombreuses ~ ressort tres globalement ( - dans les cultures O( interne seraient le privili reussissent : c'est-a-dire respectables» (Beauvois controle externe seraient peu valorisees comme pel tes ou a des profils psych On le percoit d'emblee, u une classification qui 0Pl (les Blancs, les cadres ... ' N oirs, les ouvriers ... ) ; -les internes reussissen que les externes; souv motives, plus performar majorite des recherches E internalite et reussite SOl des comportements pal comme une forte motive: fort besoin de reussite ( question pourtant deme internes qu'elles ont d performance et la reuss place particulierement v par la suite plus interne plus que d'autres leur pl, Mais, au-dela des dift ques dans cette orientati compte d'une evolutior determiner les facteurs res sort de ces etudes qu l'evolution de l'internal ment, d'autres facteurs I a reconsiderer l'allure ( Regards psycho-sociaux apropos de trois ensembles comportementaux d'enfants obtiendront alors que les autres, les externes, pensent que les ren forcements qu'ils obtiendront seront dus a des facteurs exterieurs comme la chance, Ie destin, Ie pouvoir d'autrui ou encore les circons tances. Des nombreuses etudes effectuees dans cette perspective, il ressort tres globalement que: - dans les cultures occidentales, les croyances en un controle interne seraient Ie privilege des classes favorisees et des gens qui reussissent : c'est-a-dire «des gens bien, des gens socialement respectables» (Beauvois, 1995). A contrario, les croyances en un controle externe seraient surtout associees a des positions sociales peu valorisees comme peut l'etre l'appartenance a certaines minori tes ou a des profils psychologiques peu gratifiants voire penalisants. On Ie percoit d'ernblee, une telle taxinomie coincide assez bien avec une classification qui oppose les membres des groupes dominants (les Blancs, les cadres ... ) aux membres des groupes domines (les Noirs, les ouvriers ... ) ; -les internes reussissent mieux scolairement et professionnellement que les externes; souvent meme ils apparaissent comme plus motives, plus performants et plus satisfaits (Dubois, 1987). La majorite des recherches explique en fait la correlation positive entre internalite et reussite sociale, observee a de multiples reprises, par des comportements particuliers qui sont attribues aux internes comme une forte motivation, une bonne capacite d'adaptation, un fort besoin de reussite ou de recherche de performance, etc. Une question pourtant demeure: est-ce parce que ces personnes sont internes qu'elles ont des comportements plus orientes vers la performance et la reussite ou est-ce parce qu'elles occupent une place particulierernent valorisee dans la societe qu'elles deviennent par la suite plus internes ou qu'elles rationalisent tout simplement plus que d'autres leur place sociale ? Mais, au-dela des differences individuelles, les chercheurs irnpli ques dans cette orientation theorique ont egalement tente de rendre compte d'une evolution progressive de l'internalite et essaye de determiner les facteurs susceptibles d'infIuencer son acquisition. II ressort de ces etudes que, bien que non lineaire et non progressive, l'evolution de l'internalite tend a croitre avec l'age. Bien evidern ment, d'autres facteurs peuvent interagir avec l'age et nous conduire a reconsiderer l'allure de cette evolution, comme par exemple les LE DEFI Regards psycho-sociaux apro, EDUCATIF types d'echelles utilisees pour evaluer le LOC, la nature des renfor cements evoques, les caracteristiques socio-demographiques comme le sexe et le niveau socio-economique des sujets ou encore les styles socio-educatifs, A ce propos, notons qu'il a ete montre, a maintes reprises, que les pratiques les plus « liberales » sont celles qui ten dent a favoriser le plus l'emergence de croyances en un controle interne des renforcements, done a produire des individus internes alors que les pratiques autoritaires et punitives ou surprotectrices sont celles qui tendent a favoriser le plus I'ernergence de croyances en un controle externe des renforcements (cf Dubois, 1987, p. 154). Ces pratiques, en obligeant l'enfant a se soumettre aux injonctions des adultes, produiraient des individus externes (cf Bressoux et Pansu, 2001). Nous reviendrons sur les resultats de ces travaux dans la section consacree a la norme d'internalite pour elargir la reflexion sur le lien entre internalite et reussite. Nous verrons qu'on peut expliquer autrement la reussite des internes sans pour autant avoir recours a des hypotheses differentialistes en termes de personnalites internes ou externes impliquant des capacites qui sont propres aux uns et aux autres. Attribution de reussite et d' echcc : queUes consequences pour l' eli:~ve ? Nous allons voir dans cette section qu'ernettre des attributions n'est pas sans consequence pour la personne qui realise cette activite, en particulier sur sa motivation a venir. A suivre Weiner (1985), les attributions enoncees pour expliquer une reussite ou un echec dans une situation de realisation scolaire caracteriseraient les attentes et emotions de l'individu qui, a leur tour, deterrnineraient sa motiva tion a venir. Ainsi, lorsqu'un evenement se produit, les processus attributionnels permettraient d'aboutir en premier lieu a une expli cation, puis, une fois celle-ci produite, 1'individu chercherait a en extraire les proprietes sur la base d'une structure causale a trois dimensions: le lieu de causalite (interne versus externe), la centro labilite (contr6lable versus incontrolable) et la stabilite (stable versus 284 instable). La premiere de a l'idee selon laquelle les (c'est-a-dire causes intern nes a la personne (tache, controlabilite, correspon: de l' evenernent : les caus acteurs, done controlabl d'autrui), soit non modifi (e.g. capacites ou chance: gne la force du lien entr comme etant a l'origine modo a la nature tempo versus parfois). Ainsi, un que le lien entre la C2 lorsqu'elle produit systen nature de la tache.), soit c et l'evenement est faible, sionnellement l'eveneme verra par la suite (cf figu des sequences attributio trois dimensions: en att de son professeur ce jot controlable par autrui e meme evenement a son interne, incontrolable et obtenues en croisant ce tableau 10.1. Tableau 10.1. Causes I de causalite, d Stab Incontrolable Trait, car Controlable Effort ha o,~~ Regards psycho-sociaux apropos de trois ensembles comportementaux d'enfants instable). La premiere de ces dimensions, le lieu de causalite, renvoie a l'idee selon laquelle les causes sont soit attribuables a la personne (c'est-a-dire causes internes, tels la capacite, l'effort, etc.) soit exter nes a la personne (tache, chance, etc.). La deuxierne dimension, la controlabilite, correspond au degre de controle exerce sur la cause de l'evenernent : les causes sont soit modifiables par la volonte des acteurs, done controlables par ces derniers (e.g. effort ou action d'autrui), soit non modifiables par les acteurs, done non controlables (e.g. capacites ou chance). La troisierne dimension, la stabilite, desi gne la force du lien entre l'evenernent explique et la cause percue comme etant a l'origine de cet evenernent ; elle correspond grosso modo a la nature temporelle de la cause de l'evenement (toujours versus parfois). Ainsi, une cause est percue soit comrne stable lors que le lien entre la cause et l'evenement est fort, c'est-a-dire lorsqu'elle produit systematiquernent l'evenernent (e.g. capacites ou nature de la tache.), soit comme instable lorsque le lien entre la cause et l'evenernent est faible, c'est-a-dire lorsqu'elle ne produit qu'occa sionnellement l'evenement, (e.g. effort occasionnel ou chance). On verra par la suite (cf figures 10.2 et 10.3) que Leo et Lisa produisent des sequences attributionnelles fort differentes en fonction de ces trois dimensions: en attribuant son echec en biologie a la severite de son professeur ce jour-la, Leo effectue une attribution externe, controlable par autrui et instable alors que Lisa, en attribuant Ie meme evenernent a son manque de capacite, ernet une attribution interne, incontrolable et stable. Les differentes explications causales obtenues en croisant ces trois dimensions sont presentees dans Ie tableau 10.1. Tableau 10.1. Causes du succes et de l'echec en fonction du lieu de causallte, de la stabilite, et de la controlabilite Interne Stable lneontrelable I Trait, capacite Externe Instable Humeur I Controlable Effort habitue I IEffort occasionnel Stable Difficulte de la tache Biais de l'evaluateur Instable Chance Action d'autrui occasionnelle - - Regards psycho-sociaux apro] LE DEFI EDUCATIF Depuis une trentaine d'annees, tout un ensemble de recherches temoigne de l'interet a considerer ces differentes attributions de cau salite. Par exemple, les resultats d'une etude conduite par Luginbuhl, Crowe et Kahan (1975) montrent que, si la reussite est souvent attri buee a des facteurs internes, elle est surtout attribuee a l'effort plutot qu'aux capacites ; alors que l'echec est presque entierement attribue au manque de capacite. Pour ces auteurs, en attribuant l'origine du succes a leurs efforts, les sujets desirent avant tout s'attribuer la res ponsabilite de l'evenement, c'est-a-dire attribuer le succes a un fac teur sur lequel ils exercent un controle. En revanche, en attribuant l'origine de l'echec au manque de capacites, ils desirent affranchir leur responsabilite personnelle puisqu'ils ont le sentiment d'avoir fait de leur mieux, mais de ri'etre pas vraiment doues pour l'activite en question. Weiner et Kukla ont montre, dans une autre etude, que les enseignants recompensaient plus le succes d'un eleve hypotheti que lorsque ledit succes est attribue aux efforts produits par l'eleve que lorsqu'il est attribue a son habilete. Covington, Spratt et Omelich (1980) ont observe que des etudiants, a qui il etait demande d'admi nistrer une sanction a des pairs a partir de la connaissance qu'ils avaient de leurs efforts supposes, punissaient plus les etudiants qui ne faisaient pas d'efforts, a fortiori lorsque ce comportement etait recurrent, done stable. L'etude realisee par Rest, Nierenberg, Weiner et Heckhausen a revele que les enseignants percevaient la distribu tion de recompenses et de punitions comme devant etre limitee aux actions qui sont sous le controle des etudiants. Mais revenons a la theorie de Weiner qui postule qu'en situation de realisation les attributions de causalite peuvent conduire a des emotions bien particulieres (cf tableau 10.2) qui in fine agissent sur la motivation. Le type d'attribution effectue suite a un succes ou a un echec determinerait des emotions specifiques chez l'eleve qui, a leur tour, influenceraient son niveau de motivation, done un com portement a venir plus ou moins motive (cf figure 10.2). A suivre les elements du tableau 10.2, il est fort probable que la ou Lisa percoit un sentiment d'incompetence (attribution au manque de capacites), Leo ressent tout simplement de la colere (attribution a autrui). Ces deux types d'attribution conduiront, a n'en pas douter, a des consequences psychologiques bien differentes, en particulier 286 en ce qui concerne l'estir soi de chacun. En effet, l' d'etre affecte negativeme que de confiance en soi, t buant la cause de son re: donne une explication di! table (( je n'y suis pour n buant son echec a un incontrolable) les reperc etre lourdes de conseque . espoirs de reussite et de ~ tons pas trop pour Lisa, el un schema de soi scolaire de s'auto-decrire avec d (cf chapitre III). Les fi! maniere quelque peu cari Leo et Lisa de l'evenerne comportementales pour ] Tableau 10.2. Emotions r causales et de la valence Explication S Habilete ( F Effort occasionnel Effort habituel Personnaiite Autrui Chance --r I i Regards psycho-sociaux apropos de trois ensembles comportementaux d'enfants en ce qui concerne l'estime de soi et le sentiment de confiance en soi de chacun. En effet, l'estime de soi de Lisa sera plus susceptible d'etre affecte negativernent (fort sentiment d'incompetence, man que de confiance en soi, etc.) que celle de Leo. Ce dernier, en attri buant la cause de son resultat mediocre au pouvoir du professeur, donne une explication digne de lui garantir une estime de soi accep table (<< je n'y suis pour rien, c'est de la faute du prof... »). En attri buant son echec a un manque de capacite (interne, stable et incontrolable) les repercussions psychologiques pour Lisa peuvent etre lourdes de consequences, en particulier pour ce qui est de ses espoirs de reussite et de sa motivation a venir. Mais ne nous inquie tons pas trop pour Lisa, elle est plutot bonne eleve et a probablement un schema de soi scolaire de reus site qui, globalement, lui permettra de s'auto-decrire avec des criteres de reussite plutot que d'echec (ef chapitre III). Les figures 10.1 et 10.2 schernatisent, certes de maniere quelque peu caricaturale, les sequences attributionnelles de Leo et Lisa de l'evenement (echec en biologie) a leurs consequences comportementales pour l'un et l'autre. Tableau 10.2. Emotions ressenties en fonction du type d'explications causales et de la valence des evenemenrs (d'apres Weiner et aI., 1979) Explication Succes Echec Habilete Competence Fierte ou confiance Incompetence Resignation T ristesse Peur Effort occasionnel Soulagement Satisfaction Peur Effort habituel Contentement, Soulagement Culpabilite Personnalite Fierte - Autrui Gratitude Reconnaissance Excitation Colere Chance Surprise Culpabilite Soulagement Surprise T ristesse Stupidite Regards psycho-sociaux d pro] LE OEFr EOUCATIF qui, dans les faits, pourraii travailler plus la prochain Figure 10.1. Sequence attributionnelle de Leo (explication relative au pouvoir d'autrui) Figure 10.2. 5i (explication e Dimensions causales Orientation Explication Leo peut : dire du mal de I' enseignant . - continuer d'apprendre ses cours -c Colere >------J! f'~~;~ignant « L'enseignan m'a note I----------+lseverement ceue fois-la. ) I Instable f--+ Espoir de reussue future en vue d'un examen futur «( I---------JI -etc. Note de lecture. La sequence attributionnelle deb ute generalement par l'appari tion d'un evenement exceptionnel et important pour la personne (prenons Ie cas de Leo: echec en biologic), Cet evenement va lui-meme produire une reaction emotionnelle globale (affect global negatif) susceptible d'agir sur Ie comporte ment de la personne. Dans Ie meme temps l'individu entreprend une recherche de causalite qui aboutit le plus souvent a l'emission d'une attribution specifique (mise en cause du jugement de l'enseignant pour l'examen). Une fois emise cette attribution est decomposee sur la base de ses proprietes causales qui vont avoir des consequences sur le plan affectif (une emotion de colere al'egard de l'enseignant) et sur le plan cogniti] (foibles attentes concernant la reapparition de l'evenement]. Ces consequences cognitives et affectives seront aleur tour susceptibles d'orienter le comportement futur de la personne (consequences comportementales). Pour mieux comprendre, imaginons un instant que la recherche attributionnelle de Lisa l'amene a attribuer son echec, non pas a un manque de capacites en biologie, mais a un manque d'effort, not am ment dans la preparation du controle (explication interne, instable et controlable). Les repercussions psychologiques seraient, a coup sur, bien differentes pour Lisa. Certes, la cause etant interne, Lisa pourrait toujours s'inquieter de sa performance, voire s'interroger sur ses competences... Et si de telles attributions peuvent conduire Lisa a des emotions plutot negatives, le fait d'attribuer l'echec au manque d'effort occasionnel (explication instable et controlable) peut, en parallele, l'amener a penser que cette situation est loin d'etre stabilisee et que l'echec dans un futur pourrait etre evite. Ce 288 Je ne sui g~t~Oc~~fe mauere », Figure 10.3. S (explication Evenemem ( Je n'ai pa \--------fI ~~~~~~e~e" fois la.» De toute evidence, pl dans les sequences comp qui ont eu lieu suite aUI telle approche nous pen Regards psycho-sociaux ii propos de trois ensembles comportementaux d'enfants qui, dans les faits, pourrait se traduire par un comportement motive travailler plus la prochaine fois (cf figure 10.3). Figure 10.2. Sequence attributionnelle de Lisa (explication en tennes de manque d'habllete) Dimensions causales Orientation Baisse de lestime de soi « Je ne suis 1---------.1 g~~1°cue1fe matiere Home », Lisa pel - ne plus travailler ses cours : - eviler les situations qui ont un Sentiment rapport avec de desespoir biologie 1a - etc. Figure 10.3. Sequence attributionnelle de Lisa (explication en tennes de manque d'effort) I Evenemenl I 1-------tI Dimensions causales « Je n'ai pas fait assez d'effort cene fois la. » Espoir de reussite future - rravailler plus forl pour preparer Ie prochain examen - chercher a modifier I'echec dont elle se sent responsable - etc De toute evidence, plusieurs dimensions causales entrent en jeu dans les sequences comportementales (de fait extremement variees) qui ont eu lieu suite a un evenement donne. Quoi qu'il en soit, une telle approche nous permet deja de pointer l'importance qu'il peut 289 LE OEFI Regards psycho-sociaux aprop EOUCATIF y avoir a considerer les explications donnees par les eleves suite a une situation de realisation scolaire, en particulier lorsque celle-ci se revele etre un echec. Au terme de cette section, on pourrait presque conclure que, dans une situation d'echec, ce qui semble surtout important pour l'eleve c'est qu'il perceive la situation comme insta ble et modifiable. DE QUELQUES BWS n' ATTRIBUTION A LEUR EXPLICATION Pour nombre de chercheurs qui, a la suite de Heider ont etudie les attributions causales, le travail de recherche d'explication est vu comme une activite rationnelle qui conduit l'individu a proceder comme un scientifique (intuitif). Mais, comme cela fut largement demontre par la suite, les individus ne sont pas, pour autant, a l'abri de commettre des erreurs dans leur traitement de l'information, voire d'etre sujets a quelques distorsions systematiques, C'est ce que no us allons voir maintenant en developpant rapidement deux biais mis en evidence par les chercheurs au niveau individuel : Ie biais d'autocomplaisance et l'erreur fondamentale d'attribution. Le biais d'autocomplaisance De nombreux travaux montrent que la recherche de causalite serait souvent biaisee par la complaisance que l'individu aurait a son endroit. C'est ce qu'il est convenu d'appeler Ie biais d'autocomplai sance. Ce biais traduit la tendance qu'ont les gens a attribuer leurs succes a des causes internes et leurs echecs a des causes externes. Les premieres explications qui en sont donnees sont d'ordre motivationnel : garantir une estime de soi positive etlou la proteger, Selon Bradley (1978), « en s'attribuant Ie merite pour les bons actes et en deniant Ie blame pour les renforcements negatifs, l'individu serait en mesure d'augmenter ou de proteger son estime de soi » (p. 56). Ainsi, une maniere de maintenir une haute estime de soi consisterait a expliquer de facon interne ses succes et conduites 290 socialement desirables et ments peu desirables. On preserver une image de so l'origine de son echec en 1 Les resultats de plusieu montrent l'existence d'un individus pour rendre com eprouvent face aceux-ci. St deux explications du biais exclusives, sont envisagea pour la reussite entrainer: que les attributions extern: pour l'echec entraincraier que les attributions intern sant, l'individu chercherai le cas de la reussite et a di de l'echec. D'autre part, le vidu affecteraient differen voient a des facteurs inti evoque precedemment (r internes pour expliquer 1. l'estime de soi alors que I cas de l'echec entrainerait de cette conception, c'est besoin de maintenir une es a biaiser les attributions ql Mais cette approche du vationnels est loin de faire rejettent cette conception plus cognitive. Pour ces a une consequence rationne l'activite de recherche Cal cette interpretation cogn individus n'ont pas les me site que pour celIe d'un ec de chances de reussir que ete etabli que les individi evenernents qu'ils conside I I Regards psycho-sociaux apropos de trois ensembles comportementaux d'enfants socialement desirables et de facon externe ses echecs et comporte ments peu desirables. On peut alors penser que c'est dans le but de preserver une image de soi socialement acceptable que Leo attribue l'origine de son echec en biologie ala severite de son professeur. Les resultats de plusieurs recherches vont en effet dans ce sens et montrent l'existence d'un lien entre les attributions fournies par les individus pour rendre compte des evenernents et les emotions qu'ils eprouvent face a ceux-ci, Sur la base de ce lien (attribution et emotion), deux explications du biais d'autocomplaisance, non necessairement exclusives, sont envisageables. D'une part, les attributions internes pour Ia reussite entraineraient des emotions positives plus intenses que les attributions externes et inversement, les attributions externes pour l'echec entraineraient des emotions negatives moins intenses que les attributions internes (Weiner, 1979). En etant autocornplai sant, l'individu chercherait a augmenter les emotions positives dans le cas de la reussite et a diminuer les emotions negatives dans le cas de l'echec, D'autre part, les attributions causales produites par l'indi vidu affecteraient differemment son estime de soi selon qu'elles ren voient a des facteurs internes ou externes. Comme no us l'avons evoque precedemment (cf. tableau 10.2), le recours a des causes internes pour expliquer la reussite induirait une augmentation de l'estime de soi alors que l'attribution a des causes internes dans le cas de l'echec entrainerait une baisse de celle-ci, A suivre les tenants de cette conception, c'est parce que les individus eprouveraient Ie besoin de maintenir une estime de soi positive qu'ils seraient conduits a biaiser les attributions qu'ils effectuent (voir aussi chapitre III). Mais cette approche du biais d'autocomplaisance en termes moti vationnels est loin de faire l'unanimite. Un certain nombre d'auteurs rejettent cette conception a laquelle ils preferent une interpretation plus cognitive. Pour ces auteurs, Ie biais d'autocomplaisance serait une consequence rationnelle des processus cognitifs en ceuvre dans l'activite de recherche causale. Parmi les arguments qui supportent cette interpretation cognitive, le principal renvoie au fait que les individus n'ont pas les memes attentes pour l'apparition d'une reus site que pour celle d'un echec : ils considerent souvent qu'ils ont plus de chances de reussir que d'echouer. Parallelement a ce fait, il a aussi ete etabli que les individus ont tendance a s'attribuer l'origine des evenernents qu'ils considerent comme probables et a attribuer a des 291 -LE Regards psycho-sociaux aprop nsrr fOUCATIF facteurs externes I'origine d'evenements improbables. Ainsi relies, de tels faits menent a penser que les gens peuvent avoir tendance a considerer que Ie succes est attribuable a des facteurs internes et l'echec a des facteurs externes. Toutefois, a ce jour, aucune donnee ne permet d'invalider I'une ou l'autre de ces interpretations (cognitive ou motivationnelle). Sans doute est-ce une des raisons pour lesquelles, on vit, par la suite, appa raitre des modeles mixtes integrant ces deux aspects dans un meme champ theorique. Selon cette approche integrative (Pyszczynski et Greenberg, 1987), Ie problerne n'est plus de trancher entre ces deux conceptions du biais d'autocomplaisance mais de determiner com ment differentes motivations influencent les cognitions. Par exem pIe, la motivation a produire une reponse causale correcte (en fait la plus correcte possible) n'aura pas les memes consequences sur Ie traitement des informations, et done sur les attributions produites, que la motivation a proteger I'estime de soi. Mais au-dela de telles interpretations, c'est peut-etre Ie statut meme de l'erreur qui doit etre discute. Certains auteurs ont, en effet, enonce qu'il y aurait quel que interet a considerer ce phenomene, non plus comme une erreur ou un biais mais comme une strategic d'adaptation (ou de coping) utile pour la sante mentale et Ie bien-etre de l'individu. L'erreur fondamentale I On pourrait penser d'emblee, comme Ie note Deschamps (1997), que I'attribution de causalite interne ou externe depend avant tout et surtout « de la perception des pressions ou des contraintes exer cees par l'environnement» (p. 11). Pourtant, de nombreuses recherches montrent que, dans leur explication des evenements psychologiques, les gens ont tendance a negliger les facteurs situationnels (c'est-a-dire de causalite externe) au profit de facteurs dispositionnels (c'est-a dire de causalite interne). C'est ce que les psychologues sociaux ont, a la suite de Ross (1977), appele une erreur fondamentale d'attribu lion. Pour illustrer ce biais, imaginez-vous un instant etre convie a assister a une experience sur I'apprentissage (en fait, il s'agit d'une etude sur la soumission a l'autorite) et que vous assistiez a la scene suivante: des sujets places dans un role de moniteur recoivent I'ordre d'infliger une punition, des chocs electriques de plus en plus 292 puissants, a une personne . sage lorsque celle-ci fait d cile d'imaginer qu'on puis des chocs electriques extre les faits sont la ! Dans des sous la pression d'une au peut amener pratiquemen la sorte un inconnu (cf M personnes, vous pensez qu refuse d'obeir, c'est a n'er ment victime de l'erreur hension du comportement agir de la sorte) et dans la tement (j'aurais refuse d': comportements refletent p (de « gentils » ou de « mau telle erreur pourrait, par autre personne (inspecteu scolaires des eleves (ce ql dire leurs qualites de « bo I'influence des contextes ~ (voir a ce propos Monteil Une telle « erreur » a ce quotidien, nous agissons s tement d'autrui que comrr tiples determinants susce autres. Un tel principe ev, I'univers scolaire. En effe negliger l'influence des sit sont places et, d'autre par yes refletent essentielleme rait-on craindre que I'e repercussions (malheureu par exemple, favoriser stereotypes: «Untel fait brillent par leur aptitude quent de qualites intelleci vers ces exemples, a quell Regards psycho-sociaux apropos de trois ensembles comportementaux d'enjants puissants, a une personne innocente placee en situation d'apprentis sage lorsque celle-ci fait des erreurs. II vous est probablement diffi cile d'imaginer qu'on puisse punir un innocent jusqu'a lui envoyer des chocs electriques extrernernent dangereux de 450 volts. Pourtant les faits sont la ! Dans des situations experimentales particulieres et sous la pression d'une autorite legitime (voir aussi chapitre I), on peut amener pratiquement n'importe quelle personne a torturer de la sorte un inconnu (ef Milgram, 1974). Et si, comme beaucoup de personnes, vous pensez que, dans une situation similaire, vous auriez refuse d'obeir, c'est a n'en pas douter parce que vous etes double ment victime de l'erreur fondamentale : a la fois dans la compre hension du comportement d'autrui (seul un pervers, un sadique, peut agir de la sorte) et dans la comprehension de votre propre compor tement (j'aurais refuse d'obeir), En fait, pour Ie sens commun, les comportements refletent plus les qualites intrinseques des personnes (de « gentils » ou de « mauvais ») que l'influence de la situation. Une telle erreur pourrait, par exemple, mener un enseignant ou toute autre personne (inspecteur, parents, etc.) a penser que les conduites scolaires des eleves (ce qu'ils font) refletent ce qu'ils sont, c'est-a dire leurs qualites de « bon» ou de « mauvais » eleves, et a negliger l'influence des contextes scolaires dans lesquels ceux-ci sont places (voir a ce propos Monteil et Huguet, 2002 ; Pansu et Depret, 1999). Une telle « erreur » a certainement un sens dans la vie sociale. Au quotidien, nous agissons souvent plus comme des juges du compor tement d'autrui que comme des scientifiques a la recherche des mul tiples determinants susceptibles d'expliquer le comportement des autres. Un tel principe evaluatif n'echappe, bien evidemment, pas a l'univers scolaire. En effet, en poussant l'enseignant d'une part, a negliger l'influence des situations scolaires dans lesquelles les eleves sont places et, d'autre part, a croire que les comportements des ele yes refletent essentiellement des dispositions particulieres, ne pour rait-on craindre que l'erreur fondamentale n'ait pas quelques repercussions (malheureuses) dans l'univers scolaire. Elle pourrait, par exemple, favoriser la formation ou l'ancrage de quelques stereotypes: «Untel fait parti de ces bons au mauvais eleves qui brillent par leur aptitude au inaptitude scolaire, debordent au man quent de qualites intellectuelles, etc. ». On percoit d'ailleurs, a tra vers ces exemples, a quel point cela peut etre lourd de consequences r LE DEFI Regards psycho-sociaux apn EDUCATIF pour l'enfant, a fortiori lorsque les stereotypes sont charges de valeur negative. En focalisant ainsi sur les facteurs internes et stables de la personnalite, une telle erreur pourrait, egalement, affecter la vision pedagogique d'un enseignant : elle pourrait, par exemple, le decoura ger a faire des efforts susceptibles de modifier les comportements de ses eleves, en particulier ceux des eleves en difficultes (leurs com portements scolaires ne refleteraient alors que ce qu'ils sont). Des croyances des enseignants a l'endroit de la personnalite d'un eleve a l'autorealisation de leurs propheties 1, il n'y aurait alors qu'un pas a franchir. C'est, du moins, ce que suggerent les travaux de Rosenthal et Jacobson (1968) qui ont montre que les croyances que le maitre entretient envers la personnalite d'un eleve peuvent affecter les per ceptions et comportements scolaires ulterieurs, de sorte que cet eleve se trouve enferme dans les attentes du maitre et que celles-ci se voient bien souvent confirmees (cf voir chapitre II). Le statut de cette erreur fondamentale a ete largement discute et, parmi les explications proposees d'ordre cognitif, motivationnel et societal, c'est cette derniere qui va maintenant retenir notre atten tion. L'interpretation societale (ou socionormative) discute du statut de l'erreur fondamentale comme phenomene lie a l'intervention d'une norme sociale de jugement propre aux societes occidentales, la norme d'internalite, Pour les theoriciens qui supportent une telle approche, la valorisation des explications internes tiendrait avant tout et surtout dans l'intervention de cette norme d'internalite que nous developperons plus en detail dans la section qui suit. LA VALEUR DES EXPLICATIONS INTERNES LA NORNIE D'INTERNALITE La norme d'internalite (Beauvois et Dubois, 1988), comme bien d'autres normes sociales de jugement, definit des criteres a la fois de ce qui est desirable et de ce qui est utile au bon fonctionnement de la societe, done necessaire a la bonne realisation des objectifs sociaux (Beauvois, 1995). Le but des chercheurs qui etudient la norme 1. Realisation effective d'une attente pourtant erronee a propos d'autrui. d'internalite est de mont ceptible de favoriser la tions (les explications ir (les explications externe valorisation sociale des tions) et des renforceme de l'acteur comme fac p.299). Une telle defin sociale des explications i connotation positive ou une des originalites de 1, abstraction de la desirab que la valeur propre des bonne ou une mauvaise tule qu'en chaque cas l'e Ainsi, l'explication « le n de son professeur » tout sont dus ala malchance positive, c'est-a-dire a u « les resultats de Lisa au vail qu'elle a fourni » eq damment de la valence echec). La norme socia satisfaire quelques utili! ment social des societes de dire que a) les condui doit leur etre attribue et quence de ce qu'ils font Poultier, 1986, p. 100). meritaient ? Globalement, les trav tre que les explications l'acteur dans ce qu'il fai desirable, de positif et d attribution de valeur da rentes donnees recueil norme d'internalite, il , qu'une personne connui I Regards psycho-sociaux apropos de trois ensembles comportementaux d'enfants d'internalite est de montrer l'intervention d'un critere normatif sus ceptible de favoriser la production d'un type particulier d'explica tions (les explications internes) au detriment d'autres explications (les explications externes). Cette norme a ete definie « comme la valorisation sociale des explications des comportements (attribu tions) et des renforcements (locus of control) qui accentuent le role de l'acteur comme facteur causal» (Beauvois et Dubois, 1988, p. 299). Une telle definition insiste sur le fait que la valorisation sociale des explications internes se manifeste independamment de la connotation positive ou negative des evenements. En effet, c'est la une des originalites de la theorie de la norme d'internalite : elle fait abstraction de la desirabilite des evenernents et ne prend en compte que la valeur propre des explications. Qu'il s'agisse d'expliquer une bonne ou une mauvaise conduite, un echec ou une reussite, elle pos tule qu'en chaque cas l'explication interne demeure la plus valorisee. Ainsi, l'explication« le resultat en biologie de Leo est du a la severite de son professeur » tout comme l'explication « les resultats de Leo sont dus ala malchance » n'equivaut pas a une attribution de valeur positive, c'est-a-dire a une valorisation. En revanche, l'explication « les resultats de Lisa au controle de biologie s'expliquent par Ie tra vail qu'elle a fourni » equivaut a une attribution valorisee, indepen damment de la valence de l'evenement en question (reussite ou echec). La norme sociale d'internalite permettrait de la sorte de satisfaire quelques utilites sociales qui garantissent le fonctionne ment social des societes occidentales. Par exemple, elle permettrait de dire que a) les conduites des gens refletent ce qu'ils sont et ce qui doit leur etre attribue et b) « ce qui doit leur arriver [... ] est la conse quence de ce qu'ils font - done de ce qu'ils sont » (Beauvois et Le Poultier, 1986, p. 100). Leo et Lisa n'ont-ils pas eu que ce qu'ils meritaient ? Globalement, les travaux realises dans cette perspective ont mon tre que les explications causales internes, en accentuant le role de l'acteur dans ce qu'il fait et ce qui lui arrive (de desirable et de peu desirable, de positif et de negatif), font en elles-memes l'objet d'une attribution de valeur dans les societes occidentales. Parmi les diffe rentes donnees recueillies dans le cadre des experiences sur la norme d'internalite, il a ete montre a de tres nombreuses reprises qu'une personne connue pour avoir donne des explications internes -LE DEFJ Regards psycho-sociaux aprop EDUCATIF independarnment de la valence de l'evenernent (desirable ou non desirable) est quasi systernatiquement mieux jugee qu'une personne ayant ernis des explications externes (voir pour revue recente, Pansu, Bressoux et Louche, 2003). Parmi ces recherches, l'une, particulie rement parlante pour notre propos, a ete realisee par Dubois et Le Poultier (1991) aupres d'instituteurs. Ces derniers etaient invites a ernettre un pronostic concernant le passage d'eleves de CM2 dans la classe superieure (en 6 e ) . Pour porter leur jugernent, les enseignants avaient a leur disposition plusieurs informations concernant les ele yes (fictifs). Ils disposaient de leurs « supposees » reponses a un questionnaire d'internalite. En fait, ce questionnaire avait ete rempli par l'experimentateur de maniere a presenter l'eleve comme interne versus externe. Les instituteurs disposaient egalernent des resultats scolaires (faibles versus moyen-faibles) des eleves et du niveau socio economique de leur famille (bas versus eleve). Les resultats revelent que les eleves supposes avoir choisi un maximum d'explications internes font l'objet des jugements les plus positifs de la part des enseignants. Ce constat est d'autant plus important que, jusqu'ici, les protocoles experimentaux des recherches anterieures avaient ete concus de telle sorte que l'evaluateur ne disposait pour porter son jugement que de la seule information donnee par le questionnaire d'internalite. Un tel fait permet d'evacuer l'hypothese d'un artefact experimental qui aurait pu conduire les enseignants, dans la cons truction de leur jugement evaluatif, a utiliser l'information donnee par le questionnaire internalite pour pallier un manque d'inforrna tions concernant les resultats scolaires et l'origine socio-economique et culturelle. A contrario, ces resultats montrent que les jugements plus positifs dus al'internalite se maintiennent dans une situation ou les enseignants ont acces a des informations plus conformes a leur pratique habituelle que la seule orientation (interne versus externe) des eleves a un questionnaire d'internalite. 11 nous semble utile d'insister sur ce point car les resultats de cette recherche sont en par fait accord avec l'idee selon laquelle la norme d'internalite serait constitutive des pratiques d'evaluation ordinaires, en l'occurrence ici, des pratiques evaluatives scolaires. Toutefois, dans ce genre d'etudes experimentales, les enseignants sont generalement conduits a porter un jugement peu charge de consequences puisqu'il s'agit non pas de leurs eleves mais d'eleves fictifs. Une telle procedure peut 296 alors paraitre comme ass scolaire habituclle, moins mettant au final de ne re comportement suppose de lesquelles deux d'entre m deux nouvelles etudes, er les jugements evaluatifs e gnants a propos d'eleves montrent que l'activation I la construction du jugeme La question qui se pose gnants ace qui determine. tat obtenu par Dubois et Apres avoir emis leur JUI enseignants d'enoncer l'ir ferentes informations cont niveau socio-economique d'internalite). L'analyse d laire est affecte - comme degre dinternalite de l'e particulierernent vrai chE avoir tenu compte du que jugement. Ces derniers son yes a partir de la composar preference pour les intern que peut dire un enseign son jugement peut, dans qu'il a effectivement pris I se passe comme si les en: criteres qui dirigent leur j mesure ou les evaluateur mine leur jugement, qu'il; tout en etant convaincus imaginer qu'une informa que cette information a b ont forrnule pour expliqu Mais au-dela de ces c d'internalite permettent d', ----'--.,.,..-""""!'C",;• • • • • • Regards psycho-sociaux apropos de trois ensembles comportementaux d'enfants alors paraitre comme assez eloignee d'une situation d'evaluation scolaire habituelle, moins engageante pour l'enseignant et ne per mettant au final de ne recueillir qu'un pronostic hypothetique du comportement suppose de l'evaluateur. C'est une des raisons pour lesquelles deux d'entre nous (Bressoux et Pansu, 2003) ont realise deux nouvelles etudes, en milieu naturel de classe, dans lesquelles les jugements evaluatifs etaient, cette fois, ceux emis par des ensei gnants a propos d'eleves de leur classe. Globalement, les resultats montrent que l'activation du registre normatif joue bien un role dans la construction du jugement scola ire (cf encadre), La question qui se pose alors est celie de l'accessibilite des ensei gnants ace qui determine leur jugement. A ce propos, un autre resul tat obtenu par Dubois et Le Poultier (1991) merite notre attention. Apres avoir ernis leur jugement, ces chercheurs ont demande aux enseignants d'enoncer l'importance qu'ils avaient accordee aux dif ferentes informations contenues dans les dossiers (resultats scolaires, niveau socio-economique de la famille et reponses au questionnaire d'internalite), L'analyse des resultats revele que si Ie jugement sco laire est affecte - comme nous l'avons vu precedemment - par le degre d'internalite de l'eleve qui incarne sa norrnativite, ceci est particulierement vrai chez les enseignants qui pretendent ne pas avoir tenu compte du questionnaire d'internalite pour emettre leur jugement. Ces derniers sont en fait ceux qui discriminent le plus les ele yes a partir de la composante normative que vehicule Ie questionnaire : preference pour les internes et stigmatisation des externes. Ainsi, ce que peut dire un enseignant quant aux criteres qui ont determine son jugement peut, dans les faits, n'avoir aucun rapport avec ceux qu'il a effectivement pris en compte pour ernettre ce jugement. Tout se passe comme si les enseignants n'avaient pas toujours acces aux criteres qui dirigent leur jugement. Aussi peut-on concevoir, dans la mesure ou les evaluateurs n'ont pas un acces direct a ce qui deter mine leur jugement, qu'ils peuvent etre affectes par une information tout en etant con vaincus qu'ils ont ete affectes par une autre, voire imaginer qu'une information a eu un effet sur leur jugement alors que cette information a bien eu un effet, mais contraire a celui qu'ils ont formule pour expliquer leur jugement. Mais au-dela de ces considerations, les recherches sur la norme d'internalite permettent d'elargir la reflexion sur le lien entre internalite 297 -111111111!11 LE DfFl Regards psycho-sociaux apro snucx TlF et reussite au travail telle qu'elle fut abordee par certains theoriciens du LOC (pour revue voir Dubois, 1987). En effet, des l'instant OU l'on admet le statut socionormatif de I'internalite, il semble qu'on puisse expliquer le fait que les internes soient mieux juges que d'autres - et done beneficient de la positivite de ce jugement en ter mes de promotion, de passage dans la classe superieure, etc. - par l'intervention de la norme d'internalite qui predisposerait aquelques biais de jugement (voir ace propos Pansu, Bressoux et Louche, 2003) evitant ainsi le recours a des hypotheses fortes et systematiques en termes de differences de personnalite qui supposent des aptitudes et predispositions propres aux internes et aux externes. Voir ainsi les choses permet done de relativiser la portee d'hypotheses fortes qui font reposer la preference accordee aux internes sur une personna lite particuliere (un fort besoin de reussir, de bonnes capacites d'adaptation, etc.) qui, a coup sur, conduit a la reussite ! En termes purement pragmatiques, cela permet, comme nous le verrons dans la section qui suit, de poser autrement des questions liees aux pro cessus d'evaluation formelle ou informelle en classe. IQUELQUES REPERES Au terme de ce chapitre, apres avoir rapidement aborde la question de l'utilite de la recherche des attributions causales pour l'individu (rendre predictible le monde qui l'entoure) et celIe de l'importance de certaines d'entre elles, nous tenterons de proposer quelques repe res susceptibles d'eclairer la reflexion pedagogique, ce a deux niveaux. L'un porte sur le role act if que peut jouer l'enseignant dans la modification des productions attributionnelles des eleves face a des situations d'echec scolaire, l'autre vise a sensibiliser l'enseignant sur les processus qui entrent en jeu dans la construction de son juge ment et plus generalement dans la perception qu'il a des comporte ments des eleves en classe. Pour ce faire, revenons tout d'abord aux consequences des attri butions d'echec et de reussite pour l'eleve lui-merne. Rappelons que la theorie attributionnelle des emotions et de la motivation de Weiner permet de predire l'apparition ou non d'un comportement motive. 298 En ce sens, on percoit ' l'enseignant a accorder t nees par les eleves a l'is dernier cas, l'enseignant I une pedagogic qui lui pe eleves afin d'eviter que c relevant irremediablemei non maitrisables, et finiss apprise ou par adopter ( exemple la strategic qui ( rechercher d'autres dime image de soi socialement rait alors d'amener l'elev controler, la situation af ments et a retablir un et: susceptible d'influer, par Dans ce travail de re-att rement prudent dans la I dimensions que sont le Iii (stable/instable) et la COl exemple, il devra eviter attribution, en vienne a internes, stables et incon les eleves habitues a la r rait catastrophique en o conduire dans Ie futur a portements d'evitement vre Weiner, plusieurs m: Une premiere consiste 2 pour l'eleve en attributi il s'agirait de l'amener a que de capacite a une ponctuel. Une deuxiem: tion des attributions ern sions que sont le lieu d 1. Au-dela de ce travail de re-atrril pre nne a l'eleve a utiliser massive tions d'autoprcsentation, Ie rend dans les pratiques d'evaluation. Regards psycho-sociaux apropos de trois ensembles comportementaux d'enfants 1 En ce sens, on percoit d'emblee l'utilite qu'il peut y avoir pour l'enseignant a accorder un interet particulier aux attributions don nees par les eleves a l'issue d'une reussite ou d'un echec. Dans ce dernier cas, l'enseignant pourrait elaborer, a l'instar des therapeutes, une pedagogic qui lui permettrait de jouer sur les attributions des eleves afin d'eviter que ceux-ci ne percoivent cette situation comme relevant irremediablernent d'evenements incontrolables, c'est-a-dire non maitrisables, et finissent par sombrer dans un etat d'impuissance apprise ou par adopter des comportements d'incomparabilite (par exemple la strategic qui consiste a desinvestir le champ scolaire et a rechercher d'autres dimensions de comparaison) pour preserver une image de soi socialement acceptable (voir aussi chapitre III). II s'agi rait alors d'amener l'eleve a controler, ou a lui faire croire qu'il peut controler, la situation afin de l'aider a mieux s'adapter aux evene ments et a retablir un etat de confort, de mieux-etre psychologique susceptible d'influer, par la suite, sur la sante mentale de l'individu. Dans ce travail de re-attribution, l'enseignant devra etre particulie rement prudent dans la prise en compte de la combinaison des trois dimensions que sont le lieu de causalite (interne/externe), la stabilite (stable/instable) et la controlabilite (controlable/incontrolable). Par exemple, il devra eviter que l'eleve, au terme de son travail de re attribution, en vienne a expliquer son echec par des attributions internes, stables et incontrolables ': ce qui, pour le coup, merne chez les eleves habitues ala reussite mais confrontes a un echec s'avere rait catastrophique en ce sens que cela peut, comme chez Lisa, les conduire dans le futur a refuser de travailler ou a adopter des com portements d'eviternent (ecartant de la sorte l'echec a venir). A sui vre Weiner, plusieurs methodes sont envisageables pour eviter cela. Une premiere consiste a transformer les attributions prejudiciables pour l'eleve en attributions plus avantageuses : dans le cas de Lisa, il s'agirait de l'amener a passer d'une explication en termes de man que de capacite a une explication en termes de manque d'effort ponctuel. Une deuxieme methode consiste a jouer sur l'interpreta tion des attributions ernises par les eleves a partir des trois dimen sions que sont le lieu de causalite, la stabilite et la controlabilite. 1. Au-dela de ce travail de re-attribution, rien n'ernpeche d'ailleurs, en parallele, que l'enseignant ap pre nne it l'eleve a utiliser massivement les explications internes de maniere strategique dans les situa tions d'autopresentation, le rendant ainsi clairvoyant quant a I'intervention de la norme d'internalite dans les pratiques d'evaluation. T LE DEFI Regards psycho-sociaux apr EDUCATIF Concernant Lisa, il s'agirait d'induire une modification du sens qu'elle donne a la capacite (ou habilete) en passant d'une significa tion de la capacite comme trait de personnalite (interne, stable et incontrolable) a une signification moins fixiste (interne, instable et controlable). Une troisierne methode revient a intervenir en amont du processus d'attribution en agissant sur les informations que l'eleve utilise pour produire son attribution de causalite. L'ensei gnant pourra ainsi mettre l'accent sur le fait que Lisa n'est pas la seule a avoir obtenu une mauvaise note, et qu'il s'agit la d'un phe nomene plutot collectif qu'on peut, au moins en partie, imputer a la difficulte de la tache. Dans le merne registre l'enseignant peut tenter d'enrayer le processus d'attribution de l'eleve en jouant sur la per ception de la valence du renforcement. Il pourra, par exemple, rela tiviser l'importance percue de l'echec et/ou abaisser le niveau de performance attendu par l'eleve : si la note de Lisa n'est pas bonne, elle n'en est pas pour autant catastrophique. Si de la sorte l'ensei gnant peut participer a la modification des productions attribution nelles de ses eleves, il devra egalement se mefier de ses propres attributions (defensives) susceptibles de lui faire croire que nous vivons dans un monde plutot juste dans lequeI chaque eleve n'obtient que ce qu'il merite, c'est-a-dire ou chacun est responsable de son propre sort: ce qui est une facon de nier l'intervention de facteurs externes dans l'analyse des comportements des eleves. Ce dernier point n'est pas sans rapport avec cette tendance, pour le moins dysfonctionnelle, que nous avons a croire que les compor tements des gens refletent essentiellement des dispositions internes et stables. Une telle erreur fondamentale, nous l'avons vu, en conduisant l'enseignant a se focaliser sur les facteurs internes et stables de la personnalite, n'est pas sans consequences majeures : stigmatisation d'un eleve a partir de son comportement scolaire juge atypique, ten dance chez l'enseignant a percevoir les efforts pedagogiques comme etant vains, risque de developper chez l'eleve des propheties autorealisatrices, etc. Une action possible pour l'enseignant consis terait a ce qu'il veille a eviter le recours facile aux explications inter nes, qui ernpeche nombre de questions, liees a la definition des objectifs pedagogiques et au fonctionnement de l'institution scolaire, d'etre posees. Ainsi, pourrait-il, dans sa recherche d'explications des conduites des eleves, se preserver d'une erreur fondamentale asso ciee 300 a l'intervention de la n comportements effectifs tique aux situations dan et aux personnes qui les pratiques d'evaluation i pas une utopie. Bien at psychologue social appli le potentiel d'autrui a la ralement aux theories il des pratiques d'evaluat ailleurs (voir Pansu, Br au moins le merite d'el connaissance des proces lucides et mieux annes ( s'appuient souvent sur d des modalites de notn moins, no us inciter a no ditives et nous amener ~ blerne de l'analyse dl maniere evidente, comn celebre equation du C( tion)], une telle analyse en prenant soin de se pr tes du comportement ql sonnes et les determina Aussi, pour elargir I pour l'enseignant averti comportements en se S( tionnels des comportenu sociale dans laquelle ils tions dans une situation: ces sur les performance dans quelques cas partie necessaires, on peut se demarche qui souvent ~ n'aurait pas interet, au quelques parametres d ments. Ne l'oublions I -, Regards psycho-sociaux apropos de trois ensembles comportementaux d'enfants a l'intervention de la norme d'internalite pour, in fine, decrire les comportements effectifs des eleves en accordant une attention iden tique aux situations dans lesquelles ces comportements sont realises et aux personnes qui les produisent. Repenser la methodologie des pratiques d'evaluation a la lumiere de ces travaux ne nous semble pas une utopie. Bien au contraire, et c'est precisement l'affaire du psychologue social applique: sensibiliser ceux qui jugent et evaluent le potentiel d'autrui a la surestimation personnologique et plus gene ralement aux theories implicites qui structurent le mode de pensee des pratiques d'evaluation. Comme no us rayons deja evoque par ailleurs (voir Pansu, Bressoux et Louche, 2003, p. 220), cela aurait au moins Ie merite d'eliminer la part de subjectivite liee a la non connaissance des processus qui dirigent notre jugement et d'etre plus lucides et mieux armes envers les pratiques pseudo-scientifiques qui s'appuient souvent sur des fondements de sens commun. Etre avertis des modalites de notre fonctionnement sociocognitif devrait, au moins, nous inciter a nous metier des explications parfois trop expe ditives et nous amener a poser Ie plus objectivement possible le pro bleme de l'analyse des determinants des comportements. De maniere evidente, comme l'avait formule Lewin (1951) en posant sa celebre equation du comportement [C = f (Personnalite 00 Situa tion)], une telle analyse doit se faire avec la plus grande precaution en prenant soin de se preoccuper a parts egales des deux composan tes du comportement que sont les caracteristiques propres aux per sonnes et les determinants de la situation. Aussi, pour elargir la reflexion, dirons-nous qu'il est important pour l'enseignant averti de poser Ie probleme de la modification des comportements en se souciant serieusement des determinants situa tionnels des comportements selon les eleves, en particulier la situation sociale dans laquelle ils sont places. En effet, retenons que des varia tions dans une situation scolaire donnee peuvent avoir des consequen ces sur les performances et comportements scolaires des eleves. Si, dans quelques cas particuliers, des prises en charge individuelles sont necessaircs, on peut se demander si avant d'entreprendre une telle demarche qui souvent s'avere lourde dans la pratique, l'enseignant n'aurait pas interet, au moins dans un premier temps, a modifier quelques parametres de la situation pour changer les comporte ments. Ne l'oublions pas; une modification parfois minimale de ~~'8JlIl~.: •• _ ~ I ! LE DEFI EDUCATIF I l'environnement social, en particulier de la situation scolaire, peut produire des effets importants sur le comportement scolaire des ele Yes. Et sur ce point, l'enseignant peut s'employer a provoquer des changements: comme le pilote manoeuvre le manche pour modifier la trajectoire de son planeur, il peut agir sur la situation de classe pour modifier celle de ses eleves. Fiche de synthese 1. La recherche de causes debute generalernenr par l'apparition d'un evene ment exceptionnel et important pour la personne. 2. L'attribution causale proposee par l'eleve pour rendre compte de ses succes ou de ses echecs deterrninerait des emotions specifiques chez lui qui, a leur tour, influenceraient son niveau de motivation, donc un comportement a venir plus ou moins motive. 3. En attribuant son echec a un manque de capacite, les repercussions psycho logiques pour I' eleve peuvent etre lourdes de consequences, en particulier pour ce qui est de ses espoirs de reussite et de sa motivation a venir. 4. L'enseignant devra eviter que l'eleve explique son echec par des attributions internes, stables et incontr6lables. 5. En se focalisant trop sur les facteurs internes et stables de la personnalite (erreur fondamentale), on peut penser que les conduites scolaires des eleves (ce qu'ils font) refletent ce qu'ils sonr, c'est-a-dire leurs qualites de « bon» ou de « mauvais » eleves, et negliger l'influence des contextes scolaires dans lesquels ceux-ci sont places. 6. La norme d'inrernalite serait constitutive des pratiques evaluatives scolaires. 7. L'enseignant devra se metier de ses propres attributions susceptibles de lui faire croire que nous vivons dans un monde plut6t juste dans lequel chaque eleve n'obtient que ce qu'il rnerite : ce qui est une fa<;:on de nier l'inrervention de fac teurs externes dans l'analyse des comportements des eleves. Comment l'enseignant juge-t-il ses eleves ? Pascal Pansu, Pascal Bressoux Deux etudes realisees en milieu naturel de classe avaient pour objectif d'etudier comment se construit Ie jugement que les enseignants portent sur leurs pro pres eleves (pour des details et une discussion approfondie, voir Bressoux et Pansu,2003). Les sujets evalues etaient de « vrais » eleves places sous la respon sabilite effective de leur enseignant et les jugements evaluatifs ernis par les enseignants portaient sur des eleves qu'ils connaissaient, sur lesquels ils dispo saient d'informations multiples plus ou moins saillantes, plus ou moins fiables, Regards psycho-sociaux apr I I plus ou moins pertinentes, leur jugement scolaire. La premiere etude a ete cor entre 8 et 9 ans) soit trois c primaire. Nous avons reci dernographiques (sexe, an nationalite), des renseigne (redoublement ou non-red res aux epreuves standardis valeur scolaire dudit eleve, ble) a 10 (un eleve tres fort enseignants et les scores d, dardisees) nous permettait jugement de l'enseignant. invites a repondre a un qUi laires. Chaque item decriv un renforcement propre a • de deux explications entre I' autre externe. Par exernpl forcement positif), certaii facile » (explication extern reflechi » (explication intei fait que, contrairement a c a ce questionnaire demeu chapirre adosse), Les resultats montrent que est arnene a porter sur ses ( - la valeur scolaire efJectivt est eleve, plus I'enseignant tes la rien de bien surpren: jugement scolaire de I'ense formances effectives des e jeu dans sa construction; - Ie contexte de la classe: F tend a etre severe dans sor duit Ie fait que Ie jugemer moyen de la classe ; - les caracteristiques indivi scolaire : on reieve trois P' superieurs par rapport aux particulier les enfants d' 0 ques, les gar<;:ons font I'ob mance identique, les ele' jugements plus severes de