Baudelaire et Paris

Transcription

Baudelaire et Paris
Castellano Paul, Waechter Loïc
français
01/10/12
groupe 403
Baudelaire et Paris
Dans les fleurs du mal de Baudelaire, parmi les nombreux thèmes tels que ceux de la
femme, du voyage, de la beauté, de la mort, revient souvent celui de la ville. Et lorsqu’il dit
‘’ville’’, le poète nous fait comprendre ‘’Paris’’. Paris où il a vécu la grande majorité de sa
vie de Dandy. Paris qu’il a vu changer, Paris ou il a subi le spleen et goûté à l’idéal.
Baudelaire a pu écrire et décrire le déroulement d’une ville à la fois miséreuse, triste et
sombre, et en même temps pleine de mouvement et de personnages hauts en couleurs.
Paris, ville d’inspirations en tout genre pour le poète du spleen et de l’idéal. A travers une
palette de cinq poèmes choisis, nous illustrerons les différents rapports de Baudelaire
avec ‘’sa’’ ville. Premièrement nous examinerons cette notion de perpétuel mouvement et
de chaos citadin. Puis, dans un second temps, nous verrons de quelle manière le poète
s’attache à décrire la misère et la pauvreté de Paris. En troisième partie par le sujet de la
modernité .Enfin nous finirons par expliquer en quoi toutes ces notions contribuent à
montrer que cette ville est le reflet de l’âme du poète.
Baudelaire sait donner une image très chaotique dans ses descriptions de villes. Il
parvient, sans jamais réellement nous montrer Paris rue par rue, ou immeuble par
immeuble, à évoquer une ville brumeuse, mystérieuse («les mystères coulent partout
comme des sèves » (les sept vieillards)). Cette façon de rendre l’atmosphère de Paris
sans en expliquer chaque avenue tient du fait que le poète n’a probablement pas de
repères dans cette cité en constant changement. Il savait vraisemblablement qu’il était
inutile de décrire la cité telle qu’il la voyait lorsqu’il écrivait ; elle aurait changé à peine la
dernière strophe achevée : «la forme d’une ville change plus vite, hélas ! Que le cœur d’un
mortel (le cygne)». En effet les nombreux travaux opérés dans Paris à cette époque
rendent la ville méconnaissable à Baudelaire qui exprimera son désarroi dans le cygne.
Pendant les travaux d’Haussmann, Paris lui semble devenir une sorte de labyrinthe infini,
un dédale aux contours flou un «bric-à-brac confus» (le cygne). C’est pourquoi, Baudelaire
s’attache, plutôt que de dépeindre le paysage chaotique, à dresser des portraits d’une
société ou le chaos est plus facilement descriptible. A paris Baudelaire remarque un va-etvient qui donne vie à cette ville pourtant jusqu’ici froide et impalpable. La «fourmillante
cité (les sept vieillards)» devient un théâtre ou se jouent des drames quotidiens.
Puis, dans cette « Fourmillante cité, cité pleine de rêves » (Les Sept Vieillards),
Baudelaire a également la volonté de peindre le portrait de la misère tant présente « dans
la triste rue » (Les Sept Vieillards). De ce fait, le poète accordera plusieurs de ces poèmes
aux miséreux parisiens, comme, par exemple, Les Sept Vieillards et Les Aveugles. Au sein
de ces poèmes, il souhaite dévoiler ces laissés pour compte que la société parisienne ne
voit pas, tant cette dernière est éblouie par l'éclat de la ville moderne française. Baudelaire
lève alors un rideau sombre, voulant mettre sous projecteurs ces délaissés « vraiment
affreux » (Les Aveugles), avec qui le poète fraternise en les appelant « mes frères » (Les
Aveugles). Ces délaissés semblent être source de questions aux yeux de Baudelaire qui
se demande : « Que cherchent-ils au ciel, tous ces aveugles ? » (Les Aveugles), « A quel
complot infâme étais-je donc en butte,/Ou quel méchant hasard ainsi m'humiliait ? » (Les
Sept Vieillards et encore « Aurais-je, sans mourir contemplé le huitième,/Sosie inexorable,
ironique et fatal,/ Dégoûtant Phénix, fils et père de lui-même ? » (Les Sept Vieillards). A
travers son questionnement, Baudelaire montre en quelque sorte sa perte de repère face
à ces délaissés de la société moderne qui sont, à ses yeux, de mystérieux frères, issus
de l'urbanisation de Paris. Dans Le Jeu, le poète peint de son « œil clairvoyant » une
réelle scène de genre, où la misère se lit sur le visage de chacun. Dans cette salle, miroir
des miséreux de Paris, le lecteur peut voir des « poètes illustres » aux « fronts
ténébreux », « fouillant la poche vide ou le sein palpitant » « des courtisanes vieilles » à
« l'oeil câlin et fatal ». De ce fait, Baudelaire montre que le poète, comme le miséreux, est
également délaissé. Toutefois, l'auteur des Fleurs du Mal se distance de ces poètes
laissés pour compte. Présent « sous [ces] sales plafonds », l'auteur semble à l'écart des
autres poètes : bien que parfois « enviant de ces gens la passion tenace », « [son cœur
s'effraye] d'envier maint pauvre homme ». Baudelaire semble alors encore plus seul que
les laissés pour compte, puisqu'il ne se proclame en effet pas délaissé mais ne se dit pas
non plus citoyen parisien par excellence. Qui est-il alors au sein de cette nouvelle ville ?
Les nouveautés parisiennes ne sont pas source d'engouement pour Baudelaire, ce
dernier voyant cette modernité d'un mauvais œil. Le poète voit l'urbain Paris comme un
« terrible paysage » (Rêve Parisien). Il éprouve même une certaine nostalgie du Paris
d'antan (« Ce matin encore l'image,/Vague et lointaine, me ravit. », Rêve Parisien), qu'il
peint encore dans ses rêves. Mais, ce n'est effectivement qu'un rêve, au réveil, il voit à
nouveau « l'horreur de [son] taudis » (Rêve Parisien). Le lecteur perçoit alors le poète
comme conservateur, voire rétrograde. Paradoxalement, Baudelaire ne semble trouver
cette nouvelle ville plaisante, il ne retrouve plus Paris. Dans la partie des Tableaux
Parisiens, Baudelaire « fait de la boue avec de l'or », ou du moins ce que la plupart des
Parisiens appelleraient "or". Contre la modernité, Baudelaire est toutefois un poète
moderne car, en effet, à travers ses poèmes et contrairement à du Bellay ou tant d'autres
poètes, il clame haut et fort ses idéaux. Il faut dire que la modernité a tué tous les idéaux
et les rêves du poète. « La modernité, c’est le transitoire, le fugitif, le contingent, la moitié
de l’art, dont l’autre moitié est l’éternel et l’immuable » (Baudelaire) : voilà la définition que
donne Baudelaire de la modernité. L'homme perçoit alors le modernisme comme quelque
chose basé sur le court-terme, qui ne cesse de muter. Mais ne cassons pas du sucre sur
le dos de la modernité car le poète s'inspire de celle-ci pour créer. L'urbanisation semble,
en effet, le mener au spleen, tant important pour trouver son inspiration. C'est ce nouveau
Paris, à qui il alloue Les Tableaux Parisiens, qui implique une souffrance certaine chez
Baudelaire, ne se sentant à sa place dans cette société actuelle.
Ce chaos, cette misère, ce rapport à la modernité, tout nous amène à penser que cette
ville ressemble étrangement au poète qui la décrit. On peut imaginer en effet, qu’elle
puisse servir de support au spleen de Baudelaire : «Paris change ! Mais rien dans ma
mélancolie n’a bougé(le cygne)». On peut également dresser un parallèle entre le
changement constant d’états d’âme du poète et le mouvement perpétuel parisien. De plus,
en s’attachant à décrire les exclus et les mis à l’écart de la société, Baudelaire nous
renvoie son image d’exilé de son époque (de la même manière que Victor Hugo,
physiquement exilé en Angleterre à qui Baudelaire dédicace le cygne et les sept
vieillards). Le poète en ville est donc «un cygne qui s’était évadé de sa cage», en proie à
la nostalgie d’une époque révolue. Ainsi, on retrouve donc le spleen de Baudelaire à
travers le chaos et la misère. L’idéal citadin se trouve, lui, soit dans le passé et est source
de nostalgie : «mes chers souvenirs sont plus lourds que des rocs(le cygne)», soit le sujet
d’un rêve. Baudelaire rêve d’un décor lumineux et régulier : «je savourai dans mon tableau
l’enivrante monotonie (Rêve parisien)». Il rêve aussi d’un paysage urbain constitué
d’architecture de métal d’or et d’ordre, sans place pour l’irrégularité naturelle «j’avais banni
de ces spectacles le végétal irrégulier (Rêve parisien)». Il en vient même à dompter un
océan pour l’accorder à ses fantaisies architecturales. Mais surtout, dans sa ville utopique,
Baudelaire ne décrit pas d’êtres vivants ; seulement des pierres, des métaux et des
miroirs. Comble du froid et du calme, il y plane «un silence d’éternité». On est bel est bien
à l’opposé du mouvement torrentiel de Paris et de «la rue assourdissante (une passante)»
que Baudelaire retrouve avec sa nostalgie et son besoin d’évasion à l’instant même où il
rouvre les yeux «j’ai vu l’horreur de mon taudis, et senti, rentrant dans mon âme, la pointe
des soucis maudits».
En conclusion, l'image très chaotique et mystérieuse de Paris qu'offre Baudelaire est le
reflet parfait de la mutation permanente du Paris du XIXème siècle, n'offrant plus aucune
marque au poète. Dans Les Tableaux Parisiens, l'auteur des Fleurs du Mal s'inspire des
délaissés de la nouvelle société parisienne pour écrire ses poèmes. Il dévoile alors un
visage que l'on ne veut toujours voir de ce "néo-Paris" et se considère comme frère des
miséreux de cette ville. Contre la modernité, Paris restera toutefois pour Baudelaire une
inépuisable source d'inspiration, qui le mènera au spleen. Baudelaire semble exilé de son
époque car sa ville de rêve est l'antithèse même de Paris. De cette solitude découle le
spleen, cause des créations de Baudelaire. Il dira d'ailleurs que « la forme d'une ville
change, hélas, plus vite que le cœur des mortels ».