La Via Domitia

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La Via Domitia
La Via Domitia
La Via Domitia tracée vers 188 avant J.-C. par le proconsul Cneus Domitius Ahennobarbus,
reliait Rome à Cadix en Espagne. Cet axe, à la fois stratégique, politique et commercial, est
aujourd’hui en passe de devenir un des plus importants symboles du développement du
tourisme culturel en Languedoc-Roussillon.
Un projet d'avenir
L’Association Régionale Via Domitia Languedoc-Roussillon créée en 1985, à l’initiative de
Philippe Lamour, travaille au projet de réhabilitation culturelle de la plus ancienne et fameuse
voie romaine de Gaule.
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L’itinéraire qui s’étend au sud de Narbonne et qui traverse notre canton est l’un des moins
aménagé et des plus méconnu du grand public. A ce jour, il n’a fait l’objet d’aucun projet
cohérent : peu de supports d’information, pas d’itinéraires de découverte, pas de centres
d’interprétation, ni d’animations pédagogiques, culturelles ou touristiques organisées. La
valorisation de cet itinéraire qui traverse plusieurs communes : Portel, Roquefort, Sigean,
Lapalme et Fitou devrait, par souci de cohérence et d’efficacité, être prise en compte par une
communauté de communes.
Une histoire en devenir
Le tronçon de voie Domitienne compris entre Narbonne et Salses épouse de très près le
cheminement de l’actuelle route d’Espagne sauf entre les abords de l’étang du Deume (Sigean)
et Desferra Cabals (Roquefort). En effet, vers le milieu du XVIIIème siècle, le Chemin Royal
quitta le vieux Cami Francès à hauteur du Deume pour gagner la plaine de Roquefort en
opérant un détour par Sigean alors en marge du trafic routier. Le pont du Lac fut construit à
cette occasion (entre 1746 et 1750) et Sigean supplanta le relais de Villefalse comme ville
étape sur le chemin d’Espagne.
L’autoroute « La Catalane », mise en service en 1978, retrouva l’itinéraire primitif. Elle colle
d’avantage à la voie romaine que la Nationale 9 et la chevauche même en certains points, au
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Sud de l’échangeur de Sigean. Quand on sait que les grandes orientations du tracé autoroutier
ont été définies par l’informatique, on est surpris par la précision avec laquelle les romains, qui
ne disposaient que des moyens rudimentaires, ont élaboré empiriquement un itinéraire si
rationnel.
La Via Domitia en provenance de Narbonne par Prat-de-Cest (qui doit son nom à la borne
milliaire ad sextum) entre sur la commune de Sigean par le lieu-dit Deume (dont le nom est
rattaché au latin decimus, dixième mille de Narbonne) et poursuit en direction de Prat d’Audène
(contraction probable du latin undecimus, correspondant au onzième mille). Elle franchissait la
Berre au pied de l’oppidum de Pech Maho. Des vestiges d’une pile et d’un tablier de pont dans
la rivière, à quelques mètres du gué de Villefalse, attestent de l’ancienneté de ce passage. Bien
que l’existence de ce pont ne soit mentionnée qu’en 1335, il semblerait que les infrastructures
de cette pile soit d’époque antique.
La Berre franchie, ainsi que la zone marécageuse des Légunes, l’emprise de l’autoroute suit
approximativement l’itinéraire antique qui passait par le col de l’Agrède (du latin gradus :
passage au col), traversait la plaine de Roquefort et franchissait « Les Côtes » aux lieux-dits
Desferra-Cabal et la Calade, deux autres toponymes significatifs de vieilles routes.
Si la direction générale de la Via Domitia sur notre territoire ne semble plus susciter de
polémiques (les propositions d’itinéraires par les garrigues, à l’Ouest de Roquefort, sont
aujourd’hui considérées comme obsolètes ) en revanche son tracé précis pose encore de
nombreux problèmes.
Dans un périmètre qui s’étend grossièrement de Grange Neuve (Domaine de Mattes) aux
Quatre Chemins, à cheval sur les communes de Roquefort et de Sigean, se rencontrent au
moins cinq portions de voies à ornières d’origines et d’époques différentes. Trois de ces voies,
dont certaines présentent d’impressionnantes ornières, d’orientation approximative Nord-Sud,
ont été assimilées au célèbre chemin de Domitius.
A environ deux kilomètres à l’Ouest de Sigean, de part et d’autre de la butte de Bérade, se
remarquent les vestiges de plusieurs importantes voies d’époques diverses.
Jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, le chemin d’Espagne, qui a légèrement fluctué au cours des
âges, passait en ces lieux. Ces Portions de voies matérialisées par les traces que les chariots
ont laissées sur les affleurements rocheux appartenaient à 5 chemins distincts.
On distingue en partant de l’Ouest :
- La voie dite de "grange neuve"
C’est l’une des plus aptes à susciter l’engouement du public ; très large, cinq à sept mètres
selon les endroits avec plusieurs séries d’ornières bien marquées qui s’étirent sur près de 150
m. Elle pourrait correspondre, non pas à la voie Domitienne comme on la présente
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généralement, mais à une voie antique en provenance de Villesèque ou à un chemin
d’exploitation du Gasparet sur lequel abondent les tessons gallo-romains.
- Le chemin de Narbonne à Perpignan
Plus à l’Est, le chemin qui passe au levant de la métairie de Grange Neuve et suit le ruisseau
du Gasparet est beaucoup plus tardif. Dans le prolongement du gué de Villefalse et des anciens
ponts du Prince et du Boulevard, ce chemin, qui se confond en grande partie avec l’actuel
chemin de service, est un vestige de la voie royale qui fut utilisée jusqu’au milieu du XVIIIe
siècle.
- La voie dite de "Fenouillet"
Miraculeusement épargnée par la tranchée du gazoduc, cette portion de voie a été
redécouverte dans les années 1980. Envahie par les pins et le maquis, ce court tronçon de voie
à rails d’une trentaine de mètres de long (il en reste autant à dégager), « très spectaculaire », a
été nettoyé et balisé par des bénévoles roquefortois. Un seul regret, son baptême hâtif et abusif
de voie Domitienne. Cette voie, en fait, se prolonge vers l’Ouest, au-delà du gué ; on en
retrouve des traces très nettes présentant le même écartement caractéristique de 1,35 m. Elle
se poursuit comme la voie de Grange Neuve en direction du Brugassa et du Gasparet.
- La voie sur Bérade
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Sur la limite communale de Sigean et Roquefort, de direction NORD-Sud, ce chemin a été
partiellement détruit par les aménagements autoroutiers. Une majorité d’observateurs tend à le
considérer comme un des plus anciens du secteur (des silex taillés jonchent ses remblais). Son
trajet sigeanais présente quelques ornières bien marquées ainsi qu’une intéressante portion
dallée de 5 mètres de large. En empruntant la butte de Bérade, cette voie circulait en toute
sécurité au milieu des zones marécageuses de Sainte-Croix et du Ginestas.
Elle frayait le passage le plus direct et le plus gradué qui soit entre le pont de Villefalse et le col
de l’Agrède.
- Le chemin cadastré de Bérade
Enfin, que faut-il penser de l’ancienneté du chemin qui longe le flanc Est de Bérade en bordure
de l’étang de Sainte Croix ? Ce chemin, dont le prolongement naturel vers le Nord semble être
aussi le gué de Villefalse, suivait un tracé pratiquement rectiligne, parallèle au précédent,
jusqu’au lieu-dit « Les Potences », toponyme médiéval bien identifié (où les condamnés,
pendus de préférence, étaient exposés à la vue des passants) mais aussi emplacement d’une
villa gallo-romaine.
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Malheureusement, les rares ornières qui attestaient de « l’antiquité » de ce chemin ont été
recouvertes par un enrobé en 2001. A l’intersection du chemin de la Bellisente, une ornière
rescapée, dans le prolongement d’un muret, atteste que cet ancien chemin était légèrement
décalé, vers l’Est, par rapport à l’actuel.
Auquel de ces chemins, sommairement décrits, correspond précisément la Via Domitia ? Dans
l’état actuel des connaissances, il est prématuré d’avancer une réponse, même si l’hypothèse la
plus en vue tendrait pour le passage sur la butte de Bérade.
Quoiqu’il en soit, le couloir routier défini par le vallon du Gasparet-Ginestas (dit du Boulevard) et
la butte de Bérade (en liaison avec cette curieuse enclave roquefortoise de Grange Neuve)
nous offre en raccourci une histoire de l’évolution du réseau routier (via Domitia, cami Francès,
chemin royal …) depuis au moins l’Antiquité jusqu’au XVIIIe siècle.
Il serait dommage, après un diagnostic plus poussé de l’état des lieux, de ne pas procéder à un
aménagement concerté de l’ensemble de ces sites. Une action fédératrice est en cours sur
l’ensemble du Languedoc-Roussillon, nos communautés ne doivent pas rester en marge de
cette dynamique de développement.
Ce mouvement fédérateur dépasse le cadre régional, il s’inscrit dans un programme plus
ambitieux intitulé « Voies romaines en Méditerranée », porteur certes d’un projet de sauvegarde
de cet itinéraire mythique mais avec le dessein d’en faire, dans un deuxième temps, un grand
axe du tourisme culturel.
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