l`humour dans l` art contemporain - Jean
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l`humour dans l` art contemporain - Jean
mémoire Jean-Baptiste David L3 — ARTS VISUELS L’HUMOUR DANS L’ ART CONTEMPORAIN Humour, nom masculin Forme d’esprit qui souligne avec ironie et détachement les aspects plaisants, drôles et insolites de la réalité. SOMMAIRE 5 7 8 10 14 18 INTRODUCTION DÉSACRALISATION 21 conclusion LIENS ENTRE ART ET HUMOUR LE BURLESQUE ORIGINES DE L’HUMOUR DANS L’ART HUMOUR ET PROVOCATION INTRODUCTION Avant de s’attacher à montrer ses liens avec l’art, commençons par définir ce qu’est l’humour. L’humour s’appréhende selon un état d’esprit qui consiste à dégager des aspects amusants ou insolites du monde qui nous entoure, avec un certain détachement. Il demande de ne pas prendre les choses au sérieux. En effet, l’humour peut permettre de dédramatiser certaines situations graves ou morbides, à condition de se détacher de ses sentiments, comme le suggère l’expression « il vaut mieux en rire qu’en pleurer ». Il s’utilise à d’autres fins bien précises : L’ironie permet de se moquer en tenant des propos inverses à ce que l’on veut exprimer, alors que la satire se moque et critique de manière plus directe le parti adverse. L’humour nécéssite également une certaine forme d’intelligence, en particulier dans le cas de l’autodérision. Il faut avoir la capacité d’accepter ses défauts, de passer outre le gêne qu’ils occasionnent pour en rire. L’humour peut aussi faire appel à des références culturelles et peut devenir alors difficile à saisir. On note différents degrés d’humour : travaillé de manière très subtil, il prêtera à sourire alors qu’un humour gras ou la scène de vaudeville au théâtre provoquent le plus souvent des éclats de rire. Avant le XXe siècle, L’art était un sujet académique et sérieux. Des représentations de scènes saintes aux portraits de la noblesse, l’art servait à éduquer, véhiculer des messages sacrés ou garder trace d’une présence, mais ne cherchait en aucun cas à faire rire. L’art est soumis à des critiques et à des études, il est de ce fait considéré comme un sujet intellectuel (en particulier l’art conceptuel où l’idée elle-même est art). Il peut s’appréhender uniquement pour son attrait esthétique comme un objet de contemplation, en cherchant à produire une sensation, un ressenti. Il est assez rare de se promener dans un musée et d’entendre des spectateurs rire de vive voix, d’autant plus que tout le monde ne partage pas le même humour. C’est le principe du rire de groupe. Une blague qui fera rire aux éclats vos amis pourra en choquer d’autres. Il n’est donc pas toujours évident d’user de l’humour dans l’art, mais certains artistes relèvent le défi et mélangent ces deux notions. Quel est le rôle de l’humour dans l’art contemporain? À quelles fins est-il utilisé? Quels sont les moyens qui conduisent au rire? LIENS ENTRE ART ET HUMOUR Afin de rassembler les différents liens existants entre l’art et l’humour, nous allons associer l’ensemble des points communs existants entre ces deux notions. Tout comme l’art, l’humour vient d’un monde de liberté et d’intuition. En fait, l’humour et l’art fonctionnent de manière similaire sous différents aspects. Les deux sont jugés par goût; ce qu’une personne considère comme un grand tableau ou comme une blague hilarante ne peut pas s’aligner avec une autre personne, qui a une idée différente de ces derniers. Le contexte dans lequel se fait entendre la plaisanterie, ou l’on voit l’œuvre, peut faire ou défaire le succès de celles-ci. L’âge, la culture, l’intelligence et maturité du spectateur peuvent aussi affecter la réception d’un message. L’art et l’humour ignorent les obstacles, permettent les contradictions, et acceptent l’expérimentation. Tous les deux ont un certain mépris pour les préjugés, les valeurs dites « absolues ». Les deux existent dans un monde abstrait où il n’y a pas de règles, où la réussite et l’échec sont constamment possibles. Le point commun le plus intéressant entre art et humour est leur capacité à parler des préoccupations humaines. Intrinsèquement, humour et art gardent à l’esprit l’échec de l’individu. ORIGINES DE L’HUMOUR DANS L’ART Bien que les prémisses soient présentes dans plusieurs courants artistiques, on peut faire remonter au dadaïsme et au ready-made de M. Duchamp le début d’un positionnement humoristique de l’art, bien que celui-ci, à la base, n’avait pas comme but premier l’humour. Le mouvement Dada, est une des premières génération d’artistes qui s’appuya sur l’humour. Né après la 1re guerre mondiale, les artistes prônent une volonté, voire même une nécessité de rire afin de ne plus prendre l’humain au sérieux suite aux horreurs commises. Les artistes allaient à l’encontre de toutes les règles jusque-là établies et s’attaquèrent à l’élitisme esthétique de l’art moderne. Ils ont repoussé les limites de l’art, en s’opposant aux idéologies, à l’esprit de sérieux en employant un humour absurde ou insensé. C’est à partir de là que l’humour commence davantage à se répandre dans l’art contemporain. Adeptes de la manipulation d’images par collages, ils créent des associations d’éléments inhabituels et qui portent à sourire par leur caractère surprenant. Fountain Marcel Duchamp 1917 L’invention du ready-made par Marcel Duchamp aura un rôle important dans le développement de l’humour dans l’art. Il présenta un simple urinoir, objet s’élevant au rang d’œuvre d’art puisqu’il lui attribue le titre de «Fountain» et qu’il signe R. Mutt. Outre son caractère provocateur, par la remise en cause de la nature même de l’œuvre d’art, ce ready-made n’est pas dénué d’humour. En effet, on considère comme art, un objet fabriqué en série et réputé vulgaire en raison de sa fonction. De plus, le titre «Fountain» crée un jeu par analogie entre le flux de l’urine, entrant dans le réceptacle alors que l’eau propre jaillit de la fontaine et sert à s’abreuver. Après le mouvement Dada, le surréalisme a également intégré l’humour, mais sans doute de manière plus douce et subtile. En recherchant à représenter des situations oniriques ils produisent des images en totale rupture avec la représentation de la réalité. Les situations fantastiques ainsi peintes peuvent paraître incongrues. C’est le cas dans le «modèle rouge» de Magritte ou il met en scène une paire de bottes se prolongeant par des pieds nus. Le côté incongru se caractérise d’une part, par l’absence de jambes, mais aussi par le choix du titre qui ne reflète pas l’élément représenté. Par ailleurs, l’artiste Yves Tanguy demandait fréquemment à ses amis de choisir le titre de ses œuvres sans qu’ils en aient pris connaissance, amenant des titres tout aussi décalés. Le principe de l’Anti-Art, annoncé par le Dada, a été repris par les mouvements artistiques d’avant-garde, après la Seconde Guerre mondiale, notamment par George Maciunas à partir de 1950, et le collectif international Fluxus qui a grandi autour de lui. Ce mouvement évoquait la mondialisation, l’unité de l’art et la vie, l’expérimentation, le changement tout en leur donnant un aspect ludique par des jeux, des blagues et des gags. Ben Vautrier créa en 1963 « A flux suicide kit », une boîte rassemblant des objets propices au suicide. Il s’agit d’une malette transportable, que l’on peut utiliser à n’importe quel moment, selon nos envies. Elle nous propose différentes façons de se suicider (lames de rasoir, éclats de verre, allumettes...). Il tourne l’acte tragique en dérision, en donnant à des armes de crime le rôle de jouet. Bien que nous puissions simplement identifier l’humour des artistes, l’emploi de l’absurde, et l’ironie caractérisant le Fluxus, les messages restent plus complexes et plus lourds de sens que l’amusement simple, insignifiant. L’humour et l’absurdité des œuvres ne banalisent pas leur signification, mais au contraire, la renforce. Modèle rouge René Magritte 1935 A flux suicide kit Ben Vautier 1963 DÉSACRALISATION Afin de remettre en cause l’art, sa valeur et son marché, des artistes utilisent l’humour pour mieux s’en moquer. Beaucoup d’artistes adoptent une forme humoristique en détournant des œuvres, des personnages célèbres, voir mythiques, pour leur attribuer un nouveau sens, et ainsi dénigrer la société commerciale actuelle et ses gaspillages, sa mauvaise répartition des richesses, ses soucis écologiques, etc. Marcel Duchamp créa une carte postale détournant La Joconde de Léonard de Vinci. Il lui ajouta simplement une moustache, un bouc et le fameux L.H.O.O.Q. («elle a chaud au cul»). Intituler la peinture la plus célèbre au monde par L.H.O.O.Q, acronyme à connotation obscène, fait perdre le message initial de la peinture, et donc son côté sacré qu’elle avait initialement. Il s’est approprié le personnage de Mona Lisa et l’a transformé en homme. Il s’amuse de la rumeur selon laquelle c’est un jeune homme apprenti de De Vinci qui lui aurait servi de modèle. Ce n’est pas le seul détournement qu’a subi La Joconde. Robert Filliou par sa « Joconde est dans les escaliers » cherche à désacraliser l’illustre personnage en le rapportant à une activité tout à fait banale comme passer la serpillière. Il dénigre ironiquement le statut de la femme et les mœurs qui voudraient que ce soit elle qui exécute les tâches ménagères. En présentant cette mise en scène, il souhaite que nous nous questionnions sur chaque œuvre présentée devant nous comme chef-d’œuvre. Ne pas admettre qu’un chef-d’œuvre l’est uniquement parce qu’il se trouve dans un environnement muséal. L’humour est créé par l’emploi d’objets des plus banals, auxquels on attribue le statut d’œuvre d’art. La Joconde est dans l’escalier Robert Filliou 1969 La démarche transgressive du ready-made touche à l’image de l’art, ouvrant la voie à un ensemble infini d’explorations, où la critique de la société est reconsidérée, où l’artiste remet en cause son propre courant artistique et l’art en général. L.H.O.O.Q M.Duchamp 1919 L’auto-critique est aussi une partie intégrante du procédé de désacralisation par l’art, comme par exemple avec Sherrie Levine, membre du mouvement simulationniste des années 80. Un des principe de ce mouvement consiste à produire des «reproductions de reproductions», en ré-exploitant des œuvres d’artistes antérieurs, dans le but de reflèter la perte de foi dans l’art contemporain. Sa démarche radicale consiste à signer des reproductions de tableaux d’auteurs connus. Sa signature s’accompagne de celle du maître, par exemple : « S. Levine after Morandi ». C’est une forme d’humour désespéré qui exprime un sentiment d’impasse de l’art et du monde postmoderne. Il n’y aurait plus de création possible, que de la «re-création». Les œuvres du mouvement artistique de l’Arte Povera, quant à eux, combinent philosophie et humour pour faire prendre conscience du développement extrême de la société de consommation et de la sur-monétisation de l‘art. Citons l’exemple célèbre de P. Manzoni du courant de l’Arte Povera, avec sa boîte de conserve « Merda d’artista », (1961) qui est une parodie de l’œuvre d’art. L’excrément qui se vend sur le marché de l’art est associé à un produit de consommation (boîte de conserve, avec une étiquette qui la nomme) et d’équivalence symbolique à l’or (le cours journalier de celui-ci a fixé le prix des canettes de trente grammes.) L’œuvre traîte à l’humour par le fait que l’excrément soit considéré comme une création artistique, quelque-chose de maîtrisé qui lui a demandé du travail. Merda d’artista P. Manzoni 1961 S. Levine after Morandi Sherrie Levine 1985 Nus Rémy Le Guilerm 1994 Traitant du même thème, on a pour exemple les Nus de Rémy Le Guilerm. Où, devant un mur qui porte la reproduction de « La Chute de l’homme et l’expulsion du jardin d’Eden » de M. Buonarroti, un couple nu, comme Adam et Eve, pousse un caddie regorgeant de pommes rouges. Le thème évoque la faute originelle. Ils ont l’air effrayés, comme s’ils avaient peur d’être punis. À l’opposé de « la pomme » unique à valeur hautement symbolique qu’Eve propose à Adam, le caddie plein à ras bord de pommes symbolise la surconsommation. L’humour provient de l’hyperbole, de l’éxagération qui nous apparaît grotesque, à la manière de la commercialisation, de la convoitise des humains d’aujourd’hui, mais aussi par le contraste entre les deux époques, le mystique et le monde actuel. LE BURLESQUE Performance Roi Vaara 2008 Ce type d’humour se caractérise par un comique extravagant et ridicule. Un certain nombre d’artistes, moins engagés, l’utilise pour soulever des questions, sans dégager de messages aussi virulents que d’autres artistes vus précedemment. Dans le domaine de la vidéo, on peut citer Pierrick Sorin et sa série de quatre auto filmages, « Pierrick et Jean-Loup » (1994), mettant en scène les aventures banales de deux frères jumeaux, joués par lui-même. Les deux garçons, en proie à l’ennui, se livrent à des activités déroutantes, où se mêlent la bêtise, la créativité et l’agressivité : ils inventent un jeu vidéo où ils jettent des œufs sur leur propre image pré-enregistrée, avant de ramasser les restes pour en faire une omelette... Cette série d’auto filmages interroge à la fois l’image de la télévision et l’art. Pierrick et Jean-Loup Pierrick Sorin 1994 Fat car Erwin Wurm 2001 Roi Vaara, qui échappe à toute catégorisation, transmet l’absurdité de notre façon de vivre, qui peut devenir une situation comique et tragique à la fois. Il mélange des scènes absurdes et des attitudes assez morbides, où l’on le croit souffrant, dément. Notre quotidien devient la matière première de son travail qu’il exploite avec un grand décalage. Qu’elles soient actions, ou plus simplement basées sur la seule présence de l’artiste, les performances de Vaara sont souvent ironiques et sont empreintes d’un profond humour. Dans la même tendance, Erwin Wurm crée à partir des éléments les plus concrets de notre quotidien. Il a développé un univers fait d’illusions et de mystères. Son travail attire les spectateurs à travers des représentations frappantes, et un certain sens de l’humour. Ses œuvres plus récentes interrogent la société de consommation mais aussi les apparences et la réalité qu’elles masquent, montrent des personnages difformes, des voitures ou des maisons boursouflées. En prenant la question de l’obésité, Wurm met en évidence le lien entre alimentation, richesse et poids corporel. Il se moque de notre système de valeurs actuel, en faisant ressortir ses incohérences (comme dans le monde de la publicité par exemple, qui nous donne envie de rester mince, mais qui nous incite en même temps à consommer de plus en plus.) Il y a une grande quantité de cynisme dans ce travail. Les œuvres de Peter Land varient entre tragédie et ironie, illusion et désillusion. L’humour est omniprésent et pénétrant dans ses représentations d’un anti-héros qui fait des expériences douloureuses par le truchement de mises en situation d’apparences insignifiantes. Par le biais de dessins, films et photographies, le spectateur est amené à questionner sa propre perception. Peter Land manie des références empruntées aux comédies « tarte à la crème » et au théâtre de l’absurde, mais le rire initial qu’il provoque fait toujours place au sentiment coupable d’avoir été le témoin désengagé de quelque chose de confus et de douloureux. Les artistes révèlent leur propre univers imaginaire, comprenant des scènes, des histoires impossibles, jouant sur différents médiums, allant de la peinture jusqu’à la vidéo en passant par le dessin. Les sensations visuelles mises en avant attirent notre attention sur les limites du possible, et nous encouragent à réfléchir sur ce qui peut être considéré comme «réel». D’autres artistes traîtent l’humour de façon gratuite, l’humour n’ayant que pour fonction le rire. Lorsqu’elles sont proférées avec grand sérieux, des idioties, stupidités, n’en sont que plus comiques. Man in bed Peter Land 2003 John Bock, se livre avec son œuvre à une parodie absurde et philosophique de la société moderne. Ses œuvres, essentiellement des films, des installations totales et des performances, combinent le langage, le théâtre et la sculpture en un tout excentrique et complexe. Bock construit des univers surréels et étranges avec divers matériaux. Dans l’œuvre «No time, no screws», il se retrouve dans une valise, entouré de personnages et de figurines en plâtre et en papier. Il prend la place d’un marionettiste qui déplace ces figurines à caractère sexuel, dont on ne comprend ni leurs actions, ni leur sens. L’incohérence des médiums et l’anachronisme (sculptures d’apparence ancienne qui se mélangent aux images pornographiques) provoquent l’humour. No time, no screws John Bock 2009 On peut citer des «nouveaux burlesques», comme Werner Reiterer et ses créations parfois dérangeantes, toujours surprenantes, qui s’appliquent à détourner les situations et les objets pour les faire basculer dans un univers proche du surréalisme (une carte d’embarquement pour le paradis accrochée sur la porte d’une église, une cuisinière tournedisques, un lampadaire avec un caleçon en guise d’abat-jour...). Ses sculptures séduisantes à maints égards mêlent l’art et l’humour pour nous inviter à participer à leur réalisation, tandis que ses dessins bousculent notre conception de la réalité ordinaire par leur fantaisie poussée jusqu’à l’absurde. Beginnings of space travel Werner Reiterer 2009 Hohes C Werner Reiterer 2005 Oeuvre non signée Le rôle de l’humour peut aussi résulter par l’envie de distraire les spectateurs, sans vouloir faire passer de message particulier. Un grand nombre d’artistes du mouvement street-art, qu’ils soient connus ou que ce soit par des interventions non signées, se réapproprient du mobilier urbain. Par l’ajout d’éléments graphiques, ils jouent avec le support, les formes, en révélant ou masquant certains détails pour leur attribuer ou un autre aspect visuel. Ils détournent ces objets uniquement dans le but de faire rire les passants. L’art devient accessible à tout le monde, et n’est pas l’exclusivité du public du milieu artistique. L’humour provocateur, se révèle d’autant plus humoristique par l’audace des artistes qui dépassent toutes les limites, par des actions sans aucune retenue. HUMOUR ET PROVOCATION Quelques artistes jouent beaucoup sur l’effet de choc de leurs thèmes, sur la controverse et le second degré. Dans ce style radical, on pourrait évoquer les frères Chapman, qui n’hésitent pas à utiliser l’humour dans des œuvres insolentes, qui peuvent aller jusqu’à choquer par leur grossièreté, totalement gratuite. La véritable dimension des œuvres tient clairement à atteindre à une valeur culturelle nulle. Leur art ne vise qu’à produire une esthétique de l’inertie, de l’indifférence, du détachement. Dans leur œuvre, on peut voir des figures d’enfants portant parfois un sexe à la place du visage. Tout leur travail se base sur un sens aigu de la provocation. Cet humour cru utilise l’obscénité et la violence, l’idiotie et la vulgarité, qui passent avant la mesure et l’esprit. On l’utilise vraiment pour scandaliser le spectateur. Il ramène les formes académiques trop pudiques de l’Art, sa distinction, son élévation spirituelle, au corps, à la drogue, à l’alcool, etc. Zygotic acceleration Jake et Dino Chapman 1995 Train, Mechanical Paul McCarthy (2003) Bien que ce type de provocation soit sans réel fondement, elle peut aussi entraîner la réflexion et prendre un aspect plus engagé comme avec d’autres artistes comme Paul McCarthy, adepte du trash et qui met en œuvres des scènes agressives, sexuellement explicites. Impitoyable critique de la culture et du système de valeurs dominant dans le monde occidental, et en particulier aux Etats-Unis. Il cultive le paradoxe, le grotesque et l’humour, souvent très noir en détournant les icones les plus inoffensives (Blanche Neige, le Père Noël), les figures politiques (George Bush)... Maurizio Cattelan, a aussi tout en basant son art sur le drôle et le tragique. Ses œuvres, souvent teintées d’un savant mélange de critique décalée, d’ironie et de puissance visuelle, sont facilement accessibles et proche des non-spécialistes. Un style qui n’est qu’une représentation parodique des problèmes de société les plus actuels. Il utilise des éléments forts pour marquer le spectateur. Dans son œuvre «Him» Cattelan voulait traiter la question du mal absolu. On voit d’abord un enfant de dos, agenouillé, dans une position de prière. Mais de face, on s’aperçoit qu’il s’agit de Hitler enfant. Yue Minjun est un artiste chinois contemporain, connu pour ses toiles le dépeignant en diverses mises en scène, figé dans un rictus hilarant. Il est le principal artiste du réalisme cynique chinois. «Le rire est le thème principal de l’ensemble de son œuvre et ill devient, pour lui, une réelle arme de dénonciation. Revisitant les codes du grotesque par une iconographie haute en couleur et des personnages au rire énigmatique, son œuvre porte un regard ironique et désabusé sur le contexte social de la Chine contemporaine et sur la condition humaine dans le monde moderne. Smiles are the soul’s kisses Yue Minjun 2006 Ces œuvres, peuvent de toute évidence surprendre, au-delà du cercle convenu des amateurs d’art contemporain, même si leur rôle n’est pas de provoquer gratuitement ; mais plutôt de provoquer pour amener le spectateur à s’interroger. Him Maurizio Cattelan 2001 conclusion Le rôle des artistes n’est pas de représenter fidèlement la réalité mais d’en donner une vision plus subjective. En effet, il doit regarder le monde qui l’entoure de manière transversale, selon des angles multiples, afin de mettre en évidence les maux de la société, de souligner son absurdité ou de déranger ses normes. On attribue à l’humour un rôle similaire : Il cherche à nous proposer une alternative plus plaisante à une situation puisque l’acte même de rire soulage le stress et les angoisses. Comme nous avons pû le voir, les artistes usent de stratagèmes variés afin de faire sourire ou rire le spectateur : le bouleversement de codes bien établis, les réinterprétations d’œuvres, l’accentuation, les jeux de mots, les associations innatendues. Cela les oriente vers de nombreux styles d’humour : du gag aux parodies, de l’ironie à la satire et l’absurde au burlesque. Tous les moyens sont bons pour nous donner une vision décalée de la réalité. L’art, secteur qui s’est longtemps voulu sérieux, se teinte lui aussi d’humour pour nous rappeler d’affronter le quotidien avec davantage de détachement. Entendons par là le fait de ne pas tout prendre au sérieux, de savoir apprécier le décalage entre la réalité et celle que nous offre l’artiste. Et c’est bien cet écart, cette distorsion légère ou franche, assumée par l’artiste, qui est le point commun à toutes ses œuvres et qui permet à l’homme de prendre du recul sur ce qu’il vit. Les humoristes actuels se permettent des critiques et moqueries de plus en plus faciles qui s’approchent de la méchanceté, on peut se demander quelles sont les limites du rire. Surtout lorsque l’on sait que l’humour d’une part, l’art d’une autre, possèdent la capacité de se justifier et de se reprendre pour sortir de l’impasse : tout peut être relativisé, récupéré. À quel moment dépassera-t-on réellement les limites ?