JNKS Annecy 2009 JM.LARDRY

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JNKS Annecy 2009 JM.LARDRY
Le massage: une compétence à partager ?
Jean-Michel Lardry
Directeur d’IFMK
Dijon (21)
Le but de cet exposé est de faire un état des lieux de la pratique du massage en France.
En 1946, la création de la profession de masseur-kinésithérapeute (MK) est due à deux facteurs
essentiels :
- le rapprochement de deux corps professionnels : masseurs et gymnastes médicaux,
- la nécessité de confier la pratique du massage à des professionnels de santé reconnus afin de lutter
contre les pratiques de massages utilisées à l’époque dans les officines de prostitution.
Entre 1946 et les années 70, les MK ont évolué tranquillement, plutôt satisfaits de leur activité
professionnelle en utilisant le massage presque exclusivement à des fins thérapeutiques. Les jours
semblaient couler sans problème avec un AMM fort et une offre thérapeutique en constante
augmentation. Le tout, sans véritable concurrence.
Or, au début des années 70, dans leur confort de l’époque, les MK n’ont pas vu venir la vague « Bienêtre », transportée progressivement en France, par les pays anglo-saxons, via l’Inde et l’Asie.
Des années 70 et jusqu’aux années 90, cette vague « Bien-être » se développe considérablement en
France, proposant à tout public diverses techniques de détente, de relaxation, de soins du corps parmi
lesquelles le massage tenait une place prépondérante. La profession, durant ces années-là, ne s’est
pas trop inquiétée de ces pratiques de massage « bien-être ». Les organisations syndicales, trop
préoccupées à cette période par la dévalorisation constante de la tarification des actes de
kinésithérapie en pratique libérale, n’ont pas vraiment pu (ou n’ont pas vraiment su) lutter contre ces
pratiques d’exercice illégal. Et, quand on soulevait le problème de la pratique du massage par des nonMK, la réponse des responsables syndicaux était immuable : « Ne vous inquiétez pas, nous avons le
monopole du massage… ».
A partir des années 2000, la profession de MK commence sérieusement à s’inquiéter de cette montée
en puissance de l’exercice illégal du massage par des non MK. Mais n’est-il pas déjà trop tard ?
Quel constat pouvons-nous faire de l’exercice du massage en 2009 ?
Les MK sont-ils prêts à réagir pour, d’une part, lutter contre les pratiques illégales du massage,
et pour, d’autre part, développer eux-mêmes les massages de bien-être ? On peut en douter au vu
des éléments suivants :
- peu de procès intentés par la profession contre les illégaux qui agissent pourtant, de plus en
plus, au grand jour,
- peu de procès, pour exercice illégal du massage, favorables à la profession (exemple : procès
Savatofski),
XIIIèmes JNKS Annecy,
26, 27 et 28 mars 2009
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utilisation insuffisante du massage par les MK dans la pratique thérapeutique,
utilisation pratiquement inexistante du massage non-thérapeutique en pratique MK,
nombre de publications rédigées à l’initiative des MK, très limité,
programme de formation continue en masso-kinésithérapie inexistant dans le domaine du
massage,
programmes de recherche sur le massage et ses effets, à l’initiative de MK, inexistants.
Pendant ce temps les masseurs non MK s’organisent :
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Création récente de deux fédérations de masseurs, la Fédération Française de Massage de Bienêtre (FFMBE) et la Fédération Française de Massage Traditionnel et de Relaxation (FFMTR) qui
regroupent à elles deux, près de 30 écoles de formation en massage et 300 praticiens.
Ecoles de formation en massage en constant développement : plus de 50 écoles recensées en
2008.
Développement de la pratique du massage par des non-MK : esthéticiennes, coiffeurs, masseurs
thermaux, masseurs de centres de remise en forme, infirmières, aides-soignantes, sages-femmes,
ostéopathes, chiropracteurs, etc.
Listings de masseurs en exercice, proposant des massages en salon ou au domicile des clients
facilement accessibles sur Internet.
Certaines mutuelles se spécialisent dans la prise en charge des soins de bien-être.
Des compagnies d’assurances proposent de prendre en charge, au niveau responsabilité civile
professionnelle, les praticiens du bien-être (dont les « masseurs »).
Des « masseurs » illégaux déposent régulièrement à l’INPI (Institut National de la Propriété
Industrielle) des techniques ou méthodes de massage : « Massage sensitif », « Gestalt massage »,
« Massage créatif », « Lympho-massage », etc.
Des sites Internet de grande renommée proposent en France des séances massage ou des
périodes « remise en forme » avec massage par des non MK : « Guide du Routard », « Lastminute », « Center park », agences de voyage Thomas Cook, Nouvelles Frontières, etc.
Des coffrets cadeaux « bien-être », style « Wonder-box », proposent des séances de massage par
des non-MK
Des Salons professionnels font régulièrement la promotion de massage « bien-être » par des nonMK : « Thermalies », salon « bien-être », salon « Médecines douces », salon de la « Piscine et du
spa », salon « Zen », etc.
Parallèlement à ce constat, tout semble prévu dans notre société pour la mise en place
prochaine d’une profession de « masseur » :
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Modification des textes législatifs relatifs à la définition de la profession de masseurkinésithérapeute. On est passé de : « Nul ne peut exercer la profession de MK, c’est-à-dire
pratiquer le massage et la gymnastique médicale, s’il n’est titulaire du diplôme d’Etat de MK… » À :
« La MK consiste habituellement à pratiquer le massage… »
Réflexion nationale sur les délégations d’actes, de tâches et les transferts de compétences, au
niveau des professionnels de santé.
Formation initiale non réévaluée avec un programme ancien (1989) ne citant pas le massage de
bien-être, ni en cours théorique, ni en travaux pratiques, ni en stage.
Disparition de la cotation « massage » dans la nomenclature générale des actes professionnels.
Mise en place prochaine de l’évaluation des pratiques : le massage fera t-il la preuve de son
efficacité ? Le massage fera t’il toujours partie des techniques paramédicales ?
XIIIèmes JNKS Annecy,
26, 27 et 28 mars 2009
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La législation européenne sur la libre circulation des professionnels sera-t-elle appliquée en
France ? Si oui, les masseurs européens pourront, à terme, comme les membres des professions
médicales ou paramédicales, s’installer librement en France.
Réflexion pour remplacer « masseur-kinésithérapeute » par « physiothérapeute ».
Ce contexte est renforcé par la pénurie actuelle de MK. Ceux-ci ont déjà du mal à assurer les soins
thérapeutiques, serait-il sérieux que ces MK s’orientent vers les soins de bien-être alors que la
demande en prise en charge thérapeutique n’est pas suffisamment satisfaite ? Les MK ne peuvent,
dans ces conditions, assurer les soins de bien-être réclamés par la population.
De plus, les « masseurs » non-MK ont plus d’avantages dans le cadre de leur exercice
professionnel que les MK. Contrairement aux MK, les « masseurs » illégaux ont droit :
- au libre accès du « client » vers le « masseur »,
- à la publicité,
- à la libre tarification des actes,
- à une formation initiale et continue très ciblée sur le massage de bien-être,
- à des formations marketing (savoir « se vendre »),
- aux échos de leur activité dans les médias grand public.
Conclusion
Une question essentielle : « Le monopole du massage existe t-il vraiment ? ». A l’évidence, la réponse
est non. Le massage fait partie du patrimoine de l’humanité et sa pratique regroupe des approches
tellement différentes et tellement attachées à la culture, à la religion, à l’art de vivre, qu’il est difficile,
voire impossible, d’en donner des contours précis. Dans ces conditions il paraît tout aussi difficile de
réserver la pratique du massage sous toutes ses formes à une seule catégorie professionnelle.
Que peut-il se passer dans l’avenir ?
- Soit, sous l’action des « masseurs » non-MK, les pouvoirs publics demandent la création officielle
d’une profession de « masseurs ». Dans ces conditions, les MK vivront cette initiative comme un
coup porté à leur exercice professionnel.
- Soit c’est le statu quo actuel : les MK vivent en acceptant la présence de « masseurs » non-MK qui,
pour éviter des ennuis utiliseront éventuellement des termes comme par exemple : « modelage »,
« toucher », « drainage », etc. cachant, en fait, bel et bien, une activité de massage. Solution qui ne
pourra être que temporaire puisque hypocrite.
- Soit les MK, courageusement, demandent officiellement à nos gouvernants la création d’une
profession dont le titre reste à définir : « masseur » ? « Technicien du bien-être » ? « Aide-MK » ?
Cette profession serait gérée par les MK pour les MK. Les MK en assureraient la formation et
réglementeraient l’exercice professionnel du « masseur ». La présence, notamment, d’un MK serait
indispensable à leur exercice professionnel (comme, par exemple pour les liens qui existent entre
les infirmières et les aides-soignantes ou encore entre les pharmaciens et les préparateurs en
pharmacie).
Le MK resterait ainsi le référent national du massage, le service rendu à la population serait validé et
contrôlé, l’exercice illégal bien défini.
Cependant, les MK garderont bien évidemment un monopole : celui du massage thérapeutique. A
condition, qu’ils réussissent à le définir, ce qui n’est pas facile, vu le manque de consensus et de
réflexion sur le contenu du mot « massage » (définition, techniques, méthodes, effets, etc).
XIIIèmes JNKS Annecy,
26, 27 et 28 mars 2009

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