sexus politicus

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sexus politicus
SEXUS
POLITICUS
Dubois
Deloire
CHRISTOPHE
CHRISTOPHE
SEXUS
POLITICUSDOCUMENT
© Éditions Albin Michel, 2006
« Mieux vaudrait apprendre à
faire l’amour correctement que de
s’abrutir sur un livre d’histoire. »
Boris Vian
Sommaire
Préface .......................................................................
Avant-propos .............................................................
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PREMIÈRE PARTIE
Sous l’œil des médias
1. La liaison dangereuse de Chirac..........................
2. Villepin fait rire avec sa « maîtresse ».................
3. L’autre journaliste du Figaro................................
4. Duo de charme......................................................
5. Giscard en séducteur ............................................
6. Nos amies journalistes..........................................
7. Vies parallèles........................................................
8. La maison de rendez-vous....................................
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DEUXIÈME PARTIE
L’aphrodisiaque absolu
1. Un Américain « very frenchy ».............................
2. Le pouvoir vu par un libertin ..............................
3. Matignon tourne la tête........................................
4. Une femme entre Rocard et Mitterrand .............
5. Les « hirondelles » d’Edgar ..................................
6. Dans la chambre du ministre ..............................
7. Christine et Roland ...............................................
8. Libertinage en public............................................
9. Ébats à la Chambre ..............................................
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TROISIÈME PARTIE
La présidence phallique
1. Du temps de Tante Yvonne ..................................
2. Le charme de « Morland » ...................................
3. Les désillusions d’une épouse ..............................
4. Mitterrand aimait aussi les ragots.......................
5. Quand les femmes menaient Giscard
par le bout du nez… .................................................
6. Anne et Mazarine ..................................................
7. Chirac ne pense qu’à ça !......................................
8. « Où est mon mari ce soir ? » ..............................
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QUATRIÈME PARTIE
L’exception française
1. Parties fines à Versailles.......................................
2. Cresson n’est pas la Pompadour..........................
3. Les égéries d’autrefois ..........................................
4. Maîtresses en campagne.......................................
5. Des maris sous surveillance .................................
6. Le puritanisme américain ....................................
7. La DST enquête.....................................................
8. Une France tolérante ............................................
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184
189
194
199
204
209
215
CINQUIÈME PARTIE
L’État voyeur
1. Tout remonte place Beauvau ...............................
2. Le coffre de la Mondaine .....................................
3. Des maisons très protégées ..................................
4. Les call-girls et le juge ..........................................
5. Les services secrets jouent avec le feu… ............
6. La maîtresse du ministre est une espionne ........
7. Les « chantiers » des RG ......................................
225
231
235
241
246
251
256
SIXIÈME PARTIE
Montages et chantages
1. Scandale sexuel ou montage policier ? ...............
2. Piège à Toulouse ...................................................
8
265
275
3. Les « ballets roses » ..............................................
4. Chantages et tracts................................................
5. Scènes de ménage en public ................................
6. Vendettas à Clochemerle ......................................
7. Les archives du Coral ...........................................
8. Vilenies de campagne ...........................................
9. Jospin, l’homme à abattre ....................................
10. Opération « Mazarin » au Japon .......................
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309
314
317
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SEPTIÈME PARTIE
Derniers obstacles avant le sommet
1. L’explosion d’un couple ........................................
2. Les RG contre Lang ..............................................
3. L’affaire DSK.........................................................
4. Paris Match humilie Sarkozy ...............................
5. Attaques en justice ................................................
6. Le charme de Ségolène.........................................
329
337
345
350
355
360
HUITIÈME PARTIE
Révolutions de palais
1. Le départ de Cécilia ..............................................
2. François Hollande prié de « quitter le domicile »
3. La liberté de Carla ................................................
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373
376
Épilogue.....................................................................
379
9
10
Préface
« Vous n’y arriverez pas », « il y aura trop de pressions », « ce que vous faites est impossible en France »,
combien de fois nous a-t-on rebattu les oreilles avec ces
conseils, ces mises en gardes, ces amicales pressions ?
D’autres clamaient haut et fort dans le Tout-Paris que
le livre ne verrait jamais le jour, que le manuscrit finirait un beau matin au cimetière des projets avortés.
Enfin il y avait ces journalistes, spécialistes de la chose
politique, enclins par habitude à afficher leur scepticisme : « tout ça ne nous intéresse pas ».
Ils allaient déchanter. De notre côté, nous avions
confiance. Nous savions que des dizaines d’hommes et
femmes politiques, non seulement ne nous avaient pas
raccroché au nez quand nous les avions appelés, mais
en outre nous avaient reçus et par-dessus le marché
donné le meilleur accueil.
La première édition de Sexus politicus parut en septembre 2006. Provoqua-t-elle le bruit d’une bombe dans
un couloir ? Non, la publication suscita au contraire un
concert de musique de chambre. Le Monde releva la
sobriété du propos : « Ce livre a le mérite de traiter calmement, sans sensationnalisme, un sujet propre à
nourrir les fantasmes. » Le Figaro Magazine : « documenté et judicieusement mis en scène, Sexus politicus
n’est l’œuvre ni de détectives de bas étage ni de procureurs Starr en herbe ».
Dans Le Point, un historien aussi à cheval sur les
principes que René Rémond, ancien président de la
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Fondation nationale des sciences politiques, se demandait si l’on a raison de parler de tout ça, mais ajoutait :
« ces deux journalistes, je tiens à le dire, ont mené une
enquête considérable ».
De manière générale, comme on dit, Sexus politicus
bénéficia d’une « très bonne presse ». Bien entendu, la
critique eut son lot d’hypocrisie. La plupart des présentateurs de radio et de télévision s’obligeaient à présenter l’ouvrage comme « sulfureux » face à la caméra
alors qu’en privé ils juraient qu’il n’en était rien. Certains organes de presse évoquaient l’ouvrage sans oser
rapporter sa teneur réelle, comme s’il fallait épargner
certaines vérités au bon peuple.
Mais le plus surprenant, invisible de France, fut la
réaction des médias étrangers. Pas un jour sans que les
plus grands journaux du monde évoquent le phénomène Sexus politicus en France. Un jour, c’était le quotidien américain de référence, le New York Times, qui
consacrait toute sa page 4, relevant que le sujet ne choquait pas grand monde en France et que même les personnages évoqués dans le livre, « plutôt que de
protester » étaient « restés calmes ». Un autre, le grand
hebdomadaire brésilien Veja accordait cinq pages à un
article sur le livre. Sur tous les continents, au Japon, en
Australie, en Inde, en Russie, au Canada, en Colombie… Sexus politicus suscitait des reportages et des
commentaires. En Europe aussi, le livre suscita l’intérêt
des plus grands journaux : en Italie La Stampa, en Espagne El País, en Angleterre le Sunday Times, aux PaysBas De Telegraaf.
De la Pologne au Portugal, d’Israël au Mexique, les
médias s’interrogeaient sur ce pays si particulier, la
France, où la séduction n’est pas un vilain mot, où un
goût pour les femmes ne constitue pas un talon
d’Achille. À force d’accorder des interviews à des télévisions asiatiques aussi bien qu’à des radios amazoniennes, et de poser à notre tour des questions aux
journalistes, nous devinâmes la raison de la fascination
de la planète pour cette exception française.
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La raison, c’est que la France, aux yeux du monde,
est un pays exceptionnel dont le président peut avoir
deux femmes, comme dans une République polygame,
et où cela ne choque personne. La photo des obsèques
de Mitterrand à Jarnac, avec les deux familles réunies
dans une même douleur, a ému le monde entier. La
France est un pays extraordinaire où ce n’est pas un
crime d’être libertin. La France enfin est pour les
hommes politiques un paradis sur terre où l’on ne
démissionne pas pour la simple raison qu’on a une
petite amie.
Le lecteur s’en apercevra, c’est parfois un peu plus
compliqué. Car la politique est une guerre de tous
contre tous dans laquelle tous les moyens sont souvent
bons. En attendant d’en venir à ces révélations, il ne
reste qu’à laisser les derniers mots aux intéressés.
Le 25 octobre 2006, l’ancien président de la République Valéry Giscard d’Estaing est interrogé sur
Sexus politicus par l’animatrice de télévision Mireille
Dumas. Après une courte intervention de l’un des
auteurs sur le caractère aphrodisiaque du pouvoir,
Giscard part dans un éclat de rire, se rengorge et
lâche : « Il n’y a rien à ajouter ! » Puis : « C’est excellent son papier, j’espère que son livre ne fera pas
concurrence au mien.1 » De ce point de vue, il sera
déçu. L’animatrice lui demande, à propos du pouvoir :
« Au niveau de la séduction, est-ce que ça rend plus
irrésistible ? » L’ex-chef de l’État rétorque : « Ah oui.
Il y a une chose très mystérieuse pour moi, c’est
l’attrait des femmes pour le pouvoir. » Puis dans une
envolée : « J’aime les Françaises. Les Françaises sont
très remarquables, elles sont libres, assez jolies sans
en faire trop, elles ne sont pas exhibitionnistes. Donc
j’étais amoureux d’elles. »
Alors en fonction à l’Élysée, le successeur de Giscard,
Jacques Chirac réagit aussi à Sexus politicus. Il répond
1. Vie privée vie publique, 25 octobre 2006.
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en fait à la question suivante du journaliste Pierre Péan,
qui prépare son livre L’inconnu de l’Élysée1 :
— Hier soir, j’ai lu le premier chapitre de Sexus politicus, qui raconte une relation passionnelle que vous
auriez eue avec une journaliste, alors que vous étiez
pour la première fois à Matignon…
Le chef de l’État feint de découvrir cette histoire. Il
demande :
— Entre 1974 et 1976 ?
Péan est obligé d’évoquer des détails. Chirac finit par
dire :
— Je ne le conteste pas.
Après un silence, le chef de l’État réfute encore moins
que « cela ait existé », mais tient à préciser qu’en
aucune manière il n’a songé à quitter sa femme à ce
moment-là.
Quelques semaines plus tard, Péan converse avec
l’épouse du président et fait allusion à Sexus politicus.
D’elle-même, Bernadette Chirac cite le titre. Le journaliste écrit : « Elle sourit et me fait comprendre qu’elle
est parfaitement au courant de cette histoire ; en même
temps, elle me dit croire le président quand il déclare
n’avoir jamais voulu la quitter. »
Et l’actuel président, Nicolas Sarkozy, comment a-til accueilli la publication du livre ? L’honnêteté oblige
à dire : mal. Très mal. Car Sexus politicus révèle ses jeux
avec la vérité quand il s’agit de présenter ou d’occulter
sa vie privée. Un jour, dans un avion, alors qu’il était
encore un ministre de l’Intérieur en campagne, il prononça cette phrase peu amène à l’égard des auteurs :
« si je n’étais pas ministre, et si je les croisais dans la
rue, je leur casserais la gueule ». Heureusement que
l’époque des convocations en duel est révolue…
Christophe Deloire
et Christophe Dubois
1. Pierre Péan, L’inconnu de l’Élysée, Fayard, 2007.
Avant-propos
La politique, tâche astreignante et noble, ne se réduit
pas à des réunions d’alcôve. C’est avant tout la défense
des idéaux et des intérêts de classe, la réflexion sur la
cité, le travail militant guidé par des conceptions de justice ou d’efficacité. Mais chez nous, l’Homo politicus
est souvent porté sur la chair. Il a le goût de la sensualité. Il aime conquérir les femmes. Sexus politicus ?
Pour nous, ce Don Juan a dévoilé son vrai visage. Son
moteur est le désir, son but le plaisir. Énarque besogneux qui a longtemps mis ses pulsions en berne,
ancien militant de base ayant passé ses nuits à coller
des affiches au lieu de rester au chaud dans son lit,
Sexus politicus cherche la récompense. Après tant
d’efforts et d’abnégation, le pouvoir lui offre enfin la
faveur de plaire aux dames. Le pouvoir, cet « aphrodisiaque absolu » selon le mot de Kissinger, qui rend
beaux même les plus laids.
Ce livre rose de la politique n’est ni une étude de
société ni un essai philosophique. Il décrit par le menu
les charmes discrets de la vie électorale et ses périls. Le
livre établit que l’appétit de séduction, au cœur de la
conquête du pouvoir, met parfois en danger ceux qui
en rêvent. Tant d’épisodes inédits, révélés ici, prouvent
que l’histoire de la Ve République est pleine de coups
tordus, de traquenards, de manipulations sur fond de
frivolité. Car les adversaires visent les talons d’Achille.
Les guetteurs d’officine regardent par les trous de serrure. Jusqu’à récemment, la police tenait la chronique
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des alcôves. Elle continue, de manière plus relâchée
désormais, car les sujets de scandale se raréfient. Les
services secrets surveillent les Mata Hari contemporaines liées à des puissances étrangères. Si des hommes
politiques de premier rang tombent dans le piège, ils
sont rappelés à l’ordre. Ce livre ouvre pour la première
fois certaines portes, visite les cinquièmes bureaux du
sexe, essuie la poussière des archives.
La vie privée de l’Homo politicus ne nous concerne
pas. Mais quand on les interroge sur la relation entre
politique et sexe, les intéressés eux-mêmes ne sont pas
choqués. Ils savent que, depuis des lustres, les collections de maîtresses ont été des attributs du pouvoir
comme les favorites royales l’étaient à Versailles sous
l’Ancien Régime. Personne ne trouve que le duc de
Saint-Simon était hors sujet quand, dans ses Mémoires, il
évoquait les mœurs de la Cour de son temps, le siècle
des Lumières, ce XVIIIe qui nous obsède toujours. Ce
pair de France n’hésitait pas, selon sa propre expression, à passer « derrière la tapisserie » et à écrire que
Louis XIV avait été « dans sa jeunesse plus fait pour les
amours qu’aucun de ses sujets ». Il dessinait le portrait
des courtisanes et des maîtresses. Serait-on à côté de la
plaque quand on s’intéresse au même sujet sous les
règnes des monarques républicains, Giscard,
Mitterrand ou Chirac, qui, comme leurs prédécesseurs
couronnés, furent sensibles aux charmes des femmes
de leur temps ?
Le duc de Saint-Simon a fait des émules. En 1902,
un ponte de la Bibliothèque nationale, Georges de
Dubor, publia un livre entier sur les favorites royales.
Il répertoriait les cinquante-quatre conquêtes à l’actif
d’Henri IV, le Vert-Galant : « Nous ne parlons, bien
entendu, que des conquêtes sérieuses, bien établies,
laissant de côté les causettes d’une heure que le roi
batailleur eut en ses nombreuses pérégrinations1. » Il
1. Georges de Dubor, Les Favorites royales, Librairie Borel, 1902.
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ne faut pas voir là que des anecdotes sans intérêt. En
1515, Nicolas Machiavel révèle dans Le Prince que la
vertu politique, la virtù, est liée à la virilité. La politique,
Mars contre Vénus. « La puissance génitale a toujours
symbolisé la puissance tout court1. » Sous l’Ancien
Régime, la personne masculine du roi incarnait l’État.
Après la Révolution, les allégories de la République
seront féminines, maternelles ou séductrices. Marianne
empruntera son buste à des sex-symbols comme Catherine Deneuve ou Laetitia Casta. À charge pour les hommes de les prendre d’assaut, de soumettre les femmes,
de les mettre dans leur lit pour les écarter du pouvoir.
Dans son Histoire de la sexualité, Michel Foucault établit l’« isomorphisme », la corrélation « entre relation
sexuelle et rapport social 2 ». Il serait interdit,
aujourd’hui, d’aborder ces questions cruciales ? Il n’est
pas interdit de penser, d’ailleurs, que Sexus politicus est
en voie d’extinction. Que pour la première fois la
France n’exclue pas de porter à sa tête une femme n’a
rien d’anodin, ni pour les femmes en général, ni pour
les hommes politiques.
Il n’est pas question ici de jugement moral. S’ils scrutent les conceptions du pouvoir, les auteurs ne considèrent pas que les sensuels oublient l’intérêt général
sous les draps. On peut songer à la chose publique et à
la chose tout court. Nulle contradiction là-dedans.
Nulle réprobation, nulle tartufferie. La République des
copines et des coquines nous amuse. Le goût de la gaudriole est plutôt le signe d’un esprit libre et d’une bonne
santé. Cette liberté, les hommes et les femmes politiques français nous l’ont témoignée, en nous recevant
bien plus facilement que nous ne l’imaginions au début
de notre enquête. Pour la première fois, d’anciens Premiers ministres, des ministres passés ou en fonction,
des conseillers et des hauts fonctionnaires ont accordé
1. Eugène Enriquez, De la horde à l'État. Essai de psychanalyse du lien
social, Gallimard, 1983.
2. Michel Foucault, Histoire de la sexualité, Gallimard, 1986.
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de leur temps pour évoquer un sujet a priori délicat.
Sans doute les quelque deux cents personnes avec qui
nous avons eu rendez-vous avaient-elles compris notre
état d’esprit. Elles savent aussi combien le sujet est
crucial. Les histoires de cœur et de mœurs sont des
munitions. À droite et à gauche, voilà des hommes et
des femmes prêts à l’affrontement général, disposés, le
cas échéant, à viser en dessous de la ceinture de leurs
adversaires.

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