des opérateurs visent une envergure
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des opérateurs visent une envergure
DOSSIER 33 AU SOMMAIRE z MULTIFRET (34) ET FLASH EUROPE INTERNATIONAL (57) DES STRATÉGIES AFFIRMÉES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 35 ... P. 36 © W. Barros z NOVÉA (92) ACTEUR DE LA CONCENTRATION COURSES ET TRANSPORTS URGENTS DES OPÉRATEURS VISENT UNE ENVERGURE Avec la vente de Taxicolis à Flash Europe International (57) en septembre 2008, le marché du transport rapide est-il promis à la concentration? L’extrême atomisation des acteurs et la délimitation complexe, à l’image du transport léger dans son ensemble qui compte 19200 sociétés, ralentit le mouvement. Dans la course urbaine, aucun spécialiste n’a d’envergure nationale. Ce qui n’empêche pas certaines ambitions… RÉALISÉ PAR ANTOINE ARTOUS C ourse ou transport urgent ? Les frontières qui délimitent ces activités sont difficiles à repérer. Globalement, elles relèvent du développement très important du secteur du transport de marchandises en véhicule utilitaire léger (VL) dans les zones urbanisées. Mais pas seulement… Ainsi, Flash Europe International (57), devenu le n°1 du transport urgent en France, se définit d’abord comme un commissionnaire de transport multimodal et son activité est loin de se réduire à la distribution urbaine. Par ailleurs, la course ne renvoie pas seulement à l’image du coursier en zone urbaine, très liée à l’activité « tertiaire ». Ainsi à Nantes (44), Transporturgent.com, dirigé par Jérôme et Christophe Durand, réalise autour de 60 % de son chiffre d’affaires de 662 K€ dans l’industrie. Le coursier industriel s’est déve- loppé dans le maillage industriel composé par les multiples sous-traitants travaillant pour Airbus et les Chantiers de l’Atlantique (L’OT 2496). Le marché du transport léger est multiple. D’après le syndicat national du transport léger (SNTL), il représente 19200 entreprises et 45 000 emplois. L’offre se concentre en général dans les grandes métropoles. Toutefois un grand nombre de ces PME ou micro-entreprises travaillent comme « louageurs » pour des réseaux nationaux de colis express et rapide. Le secteur de la course comporterait 300 sociétés spécialisées, dont 750 implantées en région parisienne. À l’image de Multifret (34), nombre de sociétés de course réalisent des opérations de sous-traitance pour les réseaux nationaux (voir article p. 35). Elles sont nombreuses dans ce cas. Mais il s’agit d’opérations à la demande et non d’une L’Officiel des Transporteurs – N° 2507 du 12 juin 2009 DOSSIER COURSES ET TRANSPORTS URGENTS L’Officiel des Transporteurs – N° 2507 du 12 juin 2009 press de moins de 30 kg, depuis racheté par TNT Express (69), est issu d’une activité de coursier à Lyon. Même chose pour Extand, à Toulouse, qui deviendra filiale de Geodis, puis sera rachetée par GLS (31). Si des coursiers ont donné naissance à des expressistes, aucun grand réseau express ne s’est intéressé à la course. En fait, le seul placé pour le faire était La Poste qui avait lancé une société DOSSIER 35 z MULTIFRET (34) ET FLASH EUROPE INTERNATIONAL (57) DES STRATÉGIES AFFIRMÉES Deux tailles et deux stratégie. Multifret (34) réalise près de la moitié de son chiffre d’affaires dans la course. Avec forte activité dans le sang. Son statut de commissionnaire et son appartenance au réseau TEN lui permettent une couverture de l’Hexagone. Même ambition pour Flash Europe International (57) qui, depuis le rachat de Taxicolis (59), revendique le leadership en France. I nstallé à Montpellier (34) et disposant d’un parc de 15 véhicules (du porteur à hayon à la voiture en passant par l’utilitaire léger), Multifret annonce un chiffre d’affaires de 650K€, dont 50 % dans la course. Tous ses véhicules sont équipés d’un système de géolocalisation (Trageo). À première vue, la société présente le profil classique de nombreuses PME de province qui disposent d’une activité course. Pour autant, le savoir-faire de Multifret est spécifique : les prestations pour les établissements français du sang représentent la moitié de l’activité. « Au départ, nous faisions seulement quelques courses par an pour l’hôpital – petit colis,greffon osseux… –, puis, compte tenu de notre qualité de service, nous avons été choisis pour le sang », explique Raphael Bonnenfant, fondateur de Multifret. Le reste de la clientèle inclut des expressistes et des messagers comme TNT Express, Ciblex, GLS ou Alloin. Ils font appel à la PME pour livrer en urgence un colis qui a pris du retard et/ou ne peut pas passer par leur réseau classique de distribution. Ou bien pour des distributions complexes, comme le centre de Montpellier où il n’est plus possible de distribuer après 9 h. « J’ai démarré mon activité comme transporteur puis, il y a quatre ans, je suis également devenu commissionnaire pour avoir de la souplesse dans l’organisation des prestations de transport », poursuit Raphaël Bonnenfant. La PME a alors rejoint le réseau TEN (Transport Europe Network). Créé en 2005, il dispose d’une quinzaine de sites en France et se positionne sur tous les services transport et logistique. La société qui représente TEN dans le Languedoc bénéficie d’un réseau pour développer ses services dans l’Hexagone. Et le statut de commissionnaire lui permet de moduler son offre. Ainsi, un véhicule D. R. ont accéléré ce mouvement ; cela dit c’est une activité dans laquelle La Poste a du mal à se positionner car son mode de distribution fonctionne par circonscription, ce qui implique une rupture de charge. Le métier de coursier ne s’est pas seulement développé dans la région parisienne, au regard des initiatives prises dans les métropoles régionales. Ainsi, Jet Services spécialisée dans l’ex- de course de droit privé, Allo Postexpress. Sous la houlette de Chronopost, elle deviendra Top Chrono. Mais cette filiale a été vendue en 2005. Suivie de près par Novea (voir article), Top Chrono reste d’ailleurs leader dans la course urbaine en Ile-deFrance, avec un chiffre d’affaires (2007) de 11 M€ et 150 coursiers. Son offre est caractéristique du marché. Elle se décline selon deux grands segments : la course (normale, express, prioritaire) et la « tournée programmée », avec 100 coursiers qui ramassent dans 800 points de l’Ile-de-France. Il existe quelques autres sociétés de course urbaine performante, mais ce segment semble encore très atomisée. Et si de très nombreuses « petites » société de course annoncent disposer d’un réseau national de correspondants, aucun coursier urbain n’est structuré nationalement. Après le rachat de Taxicolis, Flash Europe International dispose d’un chiffre d’affaires important (100 M€) dans le transport urgent. Toutefois, il se réalise à 80 % dans l’industrie, sa capacité à structurer le marché de la course urbaine reste encore limitée. Et ne semble pas sa préoccupation première. l ANTOINE ARTOUS dédié peut prendre en charge une course jusqu’à Paris ou adapter une solution moins coûteuse : le coursier ramasse le fret sur Montpellier, « l’injecte » dans un réseau d’express et le lendemain matin organise une course à Paris pour la livraison finale. Avec Multifret, Montpellier dispose de trois PME fortement engagées dans cette activité de course, incluant l’antenne locale de Taxicolis, dans le giron de Flash Europe International (57) depuis septembre 2008. Flash est devenue n°1 du transport urgent en France. Avec un CA 2007 tournant autour de 66 millions, Taxicolis avait un volume d’activité légèrement supérieur à celui de Flash Europe et l’ensemble représente un chiffre d’affaires avoisinant les 100 M€ en 2008. « Taxicolis était notre principal concurrent, c’est donc logique- D. R. DEUX SEGMENTS Le métier de coursier a commencé à prendre corps dans les années 1970, en lien avec l’externalisation des activités courses des services généraux des entreprises. Les grandes grèves des Postes du milieu des années 1970 Jerôme et Christophe Durand, codirigeants de Transporturgent.com (44) COURSES ET TRANSPORTS URGENTS D. R. activité de « louageur » dans le cadre de tournées régulières. En termes de délai, la course ou le transport urgent livre le jour même. En 2006, Taxicolis qualifiait ce marché de « très dilué », en l’estimant en France à plus 300 M€ et en s’attribuant 19 % de parts de marché. Des chiffres difficiles à contrôler ! Plus généralement, la réglementation du secteur est relativement récente. Elle remonte à la « loi Gayssot » (1998) qui étend la LOTI aux véhicules légers (PTAC de – 3,5t) à deux essieux. En décembre 2005, un accord collectif (avenant à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires de transport) a posé un ensemble de règles pour l’activité de la course en deux roues et a élargi la LOTI à ces entreprises qui ne faisaient jusqu’alors l’objet d’aucune disposition spécifique. © Hubert Heulot 34 « AU DÉPART, NOUS RÉALISIONS SEULEMENT QUELQUES COURSES PAR AN POUR L’HÔPITAL ». ment que nous nous sommes portés candidats à la reprise », explique Philippe Higelin, Directeur général et co-actionnaire de l’entreprise lorraine fondée et contrôlée par Philippe Mantz. L’origine de Flash Europe International remonte à Flash 57, lancé en 1951 par Michel Bigot, puis repris en 1992 par Philippe Mantz, par le biais de la holding Symbiose. Le modèle Flash est alors développé sur plusieurs départements de l’Est de la France. Et en 1998, Philippe Mantz recrute Philippe Higelin à la direction générale, en lui ouvrant 30 % du capital (L’OT 2495) Flash Europe International s’est tourné en 2002 vers le transport sous température dirigée pour la santé, notamment en créant des logiciels permettant de disposer d’un suivi en temps réel des températures dans les véhicules, mais c’est surtout dans l’industrie, avec une forte dimension internationale, que s’est développé l’opérateur, comme commissionnaire de transporteur multimodal (80 % pour la route, dont 20 % avec PL). C’est en 1999, qu’un premier contrat avec l’équipementier Valeo pour un transport urgent Maroc-France a fait décoller la société dans ce type d’activité. Le rachat s’est traduit par trois mesures : les activités santé de Taxicolis et de Flash Europe ont été regroupées sous la marque BioLogistic ; les activités services sont regroupées, avec une nouvelle marque ; les activités automobile et industrie restent indépendantes sous leurs marques, « afin de capitaliser ces marques fortes ». Dans le nouvel ensemble, l’industrie représente 80 % de l’activité, la santé 11 % et le « tertiaire » 19 %. Le groupe possède quelques véhicules en propre (une quarantaine et autant de conducteurs), mais sa problématique est plutôt celle d’un commissionnaire. Il dispose de 18 sites en France et des agences dans neuf pays. Philippe Higelin insiste sur la dimension internationale : « Quand vous travaillez avec les grands groupes industriels, vous êtes obligé de raisonner immédiatement au moins au niveau de l’Europe. » Outre l’international géré depuis la France, l’opérateur réalise 11 % de son CA hors de l’Hexagone. l A. A. L’Officiel des Transporteurs – N° 2507 du 12 juin 2009 DOSSIER COURSES ET TRANSPORTS URGENTS z NOVEA (92) ACTEUR DE LA CONCENTRATION Lancé en 2002, Novea a multiplié les opérations de rachats pour devenir un des leaders de la course en Ile-de-France. Sa problématique : sortir le métier de la course de l’artisanat aux niveaux économique et opérationnel en misant sur… l’informatisation et la numérisation du réseau. © VISAVU D ébut 2009, le groupe Novea (92) a annoncé le rachat de deux sociétés aux Ulis (91) : la première, Sept of course, spécialisée dans la course urgente à la journée ; la seconde, Sept Express, à J + 1, avec une activité logistique. L’ensemble représente un chiffre d’affaires de 3 M€. Ces achats devraient permettre à Novea d’atteindre un chiffre d’affaires de 14 M€ en 2009, pour un effectif avoisinant les 200 employés. En 2008, Novea avait pris 15 % dans Urban Cycle (course à vélo) et procédé à l’acquisition de deux sociétés (Pierre-Louis Courses et ECT Chavanet). En 2007, le groupe a intégré Eginea et Moving et deux sociétés en 2006, dont une à Strasbourg. Du coup, la progression du chiffre d’affaires est spectaculaire : il est passé de 3,2 millions en 2004 à 12 M€ en 2008, avec 170 coursiers. La croissance externe est assumée par Mickaël Macé, P-dg de Novea : « Notre objectif est un chiffre d’affaires de 40 à 50 M€ dans les trois années qui viennent. Le marché de la course reste très atomisé. Il va se structurer et nous voulons être un acteur important de ce mouvement ». Novea est né en 2002, à travers l’association de Mickaël Macé et de Philippe Lereffait, l’actuel Dg. Le premier, diplômé d’une école de commerce, avait fondé son propre cabinet de conseil, le second dirigeait Api Courses, en Ile-de-France. Passionnés par les nouvelles technologies, ils se sont rencontrés aux États-Unis, en 1997, dans un salon professionnel où les premiers PDA (Personnel Digital Assistant) étaient présentés. L’histoire n’est pas anecdotique : les nouvelles technologies vont jouer un rôle décisif dans le développement de la société. « Il Mickaël Macé, P-dg de Novea. fallait tout d’abord remettre en cause un modèle économique instable dans lequel les coursiers sont poussés à griller des feux rouges pour gagner de l’argent », explique Mickaël Macé. De très nombreuses sociétés de course fonctionnent encore sur la base d’un système de « bons » qui servent à la fois à calculer la valeur d’une course et la rémunération des coursiers considérés comme des « indépendants » (voir article). Une pratique qui a des effets non seulement au niveau social (importance de la part variable dans le salaire) et de la sécurité dans la conduite, mais également du point de vue des gains de productivité : ils sont directement dépendants de la vitesse du véhicule. PAS DE SOUS-TRAITANCE Dès le départ, Novea a salarié tous ses coursiers et a fourni les véhicules quatre roues. Pour les deux roues, la tradition est différente. Mais s’il le demande, le coursier peut travailler sur un véhicule Novea. En découplant le système de rémunération des coursiers du système de facturation, Novea a basé son développement sur la performance du réseau entièrement informatisé DES LIVRAISONS « ÉCOLO » Novea dispose de 30 vélos, deux vélos cargo et trois vélos remorque pour les colis les plus encombrants. Depuis 2004, le groupe a ouvert plusieurs agences de proximité à Paris, au sein de ses principales zones d’interventions, afin de réorganiser les déplacements des coursiers et opérer des économies de CO2 en regroupant les expéditions par zones de livraisons. La prise de participation au capital de la société Urban Cycle va lui permettre de multiplier par deux les livraisons « écolo » en 2009. L’Officiel des Transporteurs – N° 2507 du 12 juin 2009 D. R. 36 et… a créé sa propre filiale informatique. La traçabilité des courses a été mise en place dès 2002, chaque coursier disposant d’un PDA. La seconde étape a résidé dans l’autonomisation des commandes sur Internet. « Cette chaîne numérique est dupliquée dans chaque nouvelle société qui rejoint le groupe et nous garantissons une chaîne numérique unique pour tout le marché de la course », souligne Mickaël Macé. Deux commandes sur trois sont saisies par l’informatique. Et le groupe vient de lancer une nouvelle marque, « Novea Direct.fr » qui permet d’enregistrer et de gérer ses commandes de course 100 % en ligne et en direct. Dans la course, les plans transport s’organisent autour deux grands modèles : la course ponctuelle, avec un véhicule dédié ; les tournées (ou les navettes) régulières pour une entreprise qui veut desservir plusieurs de ses établissements. Mais, la aussi, Novea a cherché optimiser son réseau, avec la mise en place de hub et d’agences de proximité qui permettent des livraisons en vélo. Contrairement à d’autres sociétés de course, Novea ne sous-traite pas du fret issu des grands réseaux express et/ou messagerie. Les « grands comptes » représentent 80 % de sa clientèle, avec une forte représentation des banques, mais aussi des PME et, pour l’instant peu d’industriels. « Nous allons enrichir et diversifier nos prestations – e-commerce, logistique – mais sans sortir de la livraison dans la journée, notre cœur de métier, de la distribution dans la journée entre 9 h et 19h et, pour, l’instant, essentiellement en Ilede-France ». Novea dipose d’une agence à Strasbourg et d’un partenaire à Lyon. Et l’idée du réseau fait son chemin…l A. A.