Jim Hawkins - La Découvrance
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Jim Hawkins - La Découvrance
Alain LOZAC’H Jim Hawkins Gentleman corsair� Roman La Découvrance éditions 2007 « Vous n’avez jamais pensé que les livres étaient des bateaux et les mots leurs équipages ? » Erik Orsenna Deux étés « Si je n’avais pas cru que l’histoire fût vraiment intéressante, je n’aurais jamais entrepris de l’écrire. » Joseph Conrad prologue — Un matin de l’an de grâce 1841, je reçus une lettre m’informant de la mort de l’un des membres éloignés de ma famille. J’étais invité à me rendre à Bristol, ville portuaire anglaise bien connue, pour recueillir un héritage qui m’avait été laissé par testament. J’y allai la semaine suivante, par le chemin de fer qui venait d’être mis en service par la Great Western Railway Company, ce qui me fit gagner un temps considérable. Quatre heures seulement pour effectuer le trajet dans un wagon confortable ! J’avais déjà eu l’occasion de me déplacer jusqu’à Bath, il y a quelques années, afin d’y passer quelques jours de repos, il fallait alors presque la journée pour atteindre la région en diligence. C’est ainsi que j’appris que j’héritais d’un grand-oncle qui, après avoir fait fortune, était mort dans la misère. Décédé à un âge très avancé dans un hospice de la ville, il avait vécu avec une petite rente ; il lui était resté juste un peu d’argent pour être enterré dignement, sinon il aurait fini dans une fosse commune. Je fus reçu par un homme de loi dont le père avait bien connu mon oncle au temps de sa splendeur ; il y avait alors matière à faire une belle succession, m’indiqua-t-il avec regret. Il avait mis plusieurs mois à rechercher un héritier et finalement à me retrouver. De fait, je revenais d’un long séjour aux Indes quand sa lettre me parvint. En définitive, la lecture du testament m’apprit que le seul patrimoine qui m’était légué consistait en une vieille masure sur le port de Bristol et en un coffre. C’est dans ce coffre que je trouvai une grande quantité de livres, de papiers, de carnets de voyages. En effet, ce vieil oncle n’était autre que Jim Hawkins, il avait vécu longtemps après son fameux périple dans les mers du Sud, qui l’avait rendu riche et respecté. Ayant décidé de ne garder que quelques objets qui me rappelleraient les aventures maritimes, je demandai à l’homme de loi de mettre la maison en vente sur-le-champ et de me faire parvenir l’argent quand il aurait trouvé un acquéreur. Après m’être rendu au cimetière et avoir déposé un bouquet de fleurs sur la tombe de Jim Hawkins, je regagnai Londres avec cette malle bien encombrante. Elle contenait probablement tous les souvenirs conservés par mon grandoncle durant les quatre-vingts années qui avaient séparé son retour à Bristol et sa mort. Ce n’est que quelques semaines plus tard que je pris véritablement le temps d’explorer ce qu’elle renfermait. Cartes marines, lettres de marque, livres de bord, livres de comptes, factures et reçus retraçaient, en résumé, toute sa vie. J’y trouvai également plusieurs livres, des romans, des pamphlets de son époque ainsi que plusieurs carnets – remplis d’une écriture belle puis, au fil du temps, de plus en plus difficile à déchiffrer – dans lesquels Jim avait retranscrit une grande partie de ses aventures. C’est grâce à tout cela que je suis parvenu à reconstituer, autant que faire se pouvait, sa vie. Du moins telle qu’il a bien voulu nous la raconter… Je me suis efforcé, çà et là, de replacer tous ces événements et leur évocation dans leur contexte. Je me suis aussi permis de corriger certaines erreurs dans les textes rédigés par mon oncle, mais sans en altérer le sens. J’ai également intégré quelques éléments se rapportant à cette période où il devint corsaire et qui figurent dans des carnets écrits bien plus tard. J’ai cependant laissé les passages où il raconte certains aspects de sa vie libertine, du moins quand il était encore jeune… Il apparaît aussi certains mystères dans les récits, des lacunes, des omissions, des noms qui semblent avoir été tronqués, volontairement, comme si le narrateur voulait protéger quelqu’un… Il se peut que quelques maladresses subsistent dans ce qui va suivre, et vous voudrez bien m’en excuser. Dommage que mon illustre parent n’ait pas essayé de faire publier ses Mémoires de son vivant, cela lui aurait sûrement permis de finir ses jours dans de meilleures conditions ! Voici donc les souvenirs que Jim Hawkins nous a légués dans ses premiers carnets… Alan Stewart —8— première partie A la recherche du fabuleux trésor du capitaine Flint — Chapitre 1 Tout cela ne serait jamais arrivé si, un jour, mon père et un certain Flint n’avaient été embarqués ensemble sur un navire de la Marine royale. Il faut parfois peu de chose pour faire basculer une vie ! Alors que nous allions entrer dans le port de Bristol, les cales de l’Hispaniola pleines d’or, je me remémorais ce soir de novembre 17… La nuit était déjà tombée. Nous vîmes un vieil homme pénétrer dans l’auberge que ma mère tenait en bordure de la route. Mon père l’avait appelée « Auberge de l’Amiral Benbow ». Cet homme, que nous n’avions jamais vu auparavant dans les environs, demanda : — Est-ce bien ici qu’habite Hawkins ? — Oui. C’est moi Jim Hawkins et voici ma mère ! lui répondis-je tout de go., — Tu me parais bien jeune pour être le Hawkins que j’ai connu, il y a de cela bien longtemps ! — Alors c’est de mon père dont vous parlez ! — Oui ! C’est lui que je cherche depuis quelques jours à Bristol et dans les parages, j’ai une dette envers lui ! — Mon mari est mort, monsieur ! Il y a de cela deux ans maintenant, l’informa ma mère, en enlevant son tablier. — Deux ans… — Oui, foudroyé en une heure ! Il est mort là où vous êtes en ce moment, il s’est écroulé et ne s’est plus jamais relevé ! L’homme regarda le sol autour de lui, hagard, fatigué. Il était de —9— taille moyenne, trapu, portant une barbe de plusieurs jours. Ses vêtements laissaient apparaître une certaine aisance. Il demanda s’il pouvait s’asseoir, dîner et passer la nuit chez nous. Ma mère lui prépara rapidement un repas avec ce qu’elle avait sous la main, c‘est-à-dire pas grand-chose, car, à cette époque, il n’y avait plus beaucoup de voyageurs à fréquenter notre auberge. Depuis la mort de mon père, la clientèle se faisait plus rare, à croire que c’était lui qui attirait les clients, enfin des clients parfois étranges, mais qui avaient quand même le mérite de payer tout ce qu’ils consommaient. Après le dîner, ma mère conduisit l’homme à l’étage et l’invita à dormir dans la chambre située près de la sienne. Elle dut l’aider à monter l’escalier, il traînait un peu la jambe droite. Elle réussit à le mener jusqu’au lit sur lequel, il s’affala en grognant ; il s’endormit tout habillé. Nous remarquâmes qu’il n’avait pratiquement pas de bagages avec lui, un simple sac qu’il portait à l’épaule. Cette intrusion laissa ma mère pour le moins perplexe. Qui pouvait être cet homme qui avait connu son mari ? De quelle dette parlait-il ? Nous avions bien l’intention d’éclaircir cela dès le lendemain. C’était sans compter sur le destin ! Une heure à peine après s’être couché, l’homme poussa des cris qui nous firent sursauter. Ma mère pénétra dans sa chambre et lui demanda ce qui se passait. La main sur la poitrine, il avait du mal à s’exprimer, comme s’il avait la bouche pleine. — Il faut aller chercher le médecin, me dit-elle, paniquée. Jim, prépare-toi et va le prier de venir, vite ! — Bien, maman ! Je m’habillai chaudement et prit la route, enfin un chemin à peine carrossable, qui menait au village de Cornwell, situé à un mile et demi de notre auberge. Une bonne demi-heure de marche dans la nuit, la brume, le vent froid qui persistait depuis plusieurs jours. Le médecin habitait une petite maison en décrépitude à l’écart du village. C’était la première fois que j’empruntais cette route de nuit, et je peux vous dire que je n’en menais pas large ; traverser la petite — 10 — forêt sur près d’un demi-mile n’était pas pour me rassurer. Enfin, là n’est pas l’essentiel, je pris mon courage à deux mains et je ne m’attardai pas en ces lieux. J’arrivai vers minuit chez le docteur Livesey. Il y avait encore de la lumière, ce qui me rasséréna. A peine avais-je frappé à la porte qu’il vint m’ouvrir, les lunettes sur le front. — Qui est là ? — C’est moi, Jim Hawkins ! — Qu’est-ce que tu viens faire ici à cette heure ? — Il y a chez nous un homme malade, ma mère m’a demandé de venir vous chercher ! — Entre ! Je vais préparer ma jument. Le docteur Livesey avait pris la suite du bon docteur Williamson trois ans auparavant, c’était un homme respecté, reconnu pour ses compétences, son flegme. Toujours soigné, poudré, rasé de près. Il fumait la pipe et voyageait à cheval, afin de rendre visite à ses malades. Il venait de Londres et nous nous demandions pour quelles raisons il avait quitté la capitale pour s’installer dans ce trou perdu. Il aurait pu ouvrir un cabinet à Bristol, ville prospère avec de riches patients. Quand il eut fini de harnacher sa monture, il m’appela : — Hawkins, on y va ! — J’arrive, lui répondis-je, en abandonnant en sursaut le fauteuil dans lequel je m’étais assoupi après ce périple nocturne. Je m’accrochai au docteur, et dix minutes plus tard, nous fûmes en vue de l’auberge. Ma mère nous attendait tout angoissée. — Enfin vous voilà ! Jamais je n’aurais dû envoyer mon fils vous chercher, dit-elle au médecin, quand il pénétra à l’intérieur. Elle le conduisit à l’étage auprès de cet homme dont nous ignorions alors la véritable identité. Durant mon absence, ma mère l’avait installé confortablement. Le docteur s’approcha de lui, après avoir posé sa sacoche de cuir et enlevé le grand manteau qui lui tombait jusqu’aux pieds. Sa première réaction fut : — Il pue de la gueule ! Nom de Dieu ! — 11 — L’homme gisait là, bouche ouverte, inanimé. Livesey lui tapota énergiquement les joues, afin de voir ses réactions. Le patient reprit un peu ses esprits, s’exprimant par onomatopées. Le médecin nous demanda de l’aider à le déshabiller. Nous découvrîmes alors qu’il avait déposé de chaque côté, sous les draps, deux magnifiques pistolets, prêts à servir, s’il en avait eu la nécessité, et la force… Quand le médecin eut terminé son examen, il déclara : — Bah, je ne sais pas ce qu’on va faire de ce bougre, sinon attendre le moment du jugement dernier ! Il y a peu de chance qu’il s’en tire ! Ce n’est pas la première fois que certains de mes patients présentent de tels symptômes d’apoplexie. Malheureusement, les espoirs d’un retour à la normale sont pratiquement nuls, tout au plus peut-on espérer soulager les douleurs. De qui s’agit-il ? — Il a dit qu’il s’appelait Flint ou quelque chose comme cela, rapporta ma mère, qui lui avait posé quelques questions alors qu’elle était seule avec lui. — Flint ! Le capitaine Flint ? Comment est-ce possible ? Tout le monde le croit mort au fin fond des Caraïbes ! — Le pirate ? Mon père aurait connu ce pirate ? ajoutai-je, interloqué, en la regardant. — Il semblerait que oui ! Il m’a parlé une fois de ce qu’il avait vécu avant de venir se retirer ici ! — J’ai ma petite idée pour en savoir un peu plus, précisa le docteur. J’ai ce qu’il faut avec moi. Jim, passe-moi ma sacoche ! Livesey en sortit plusieurs fioles, qu’il examina avec précaution. Sur chacune, il avait collé de petites étiquettes comportant la composition et le type de maux qu’elle devait soigner. — Aidez-moi à le redresser, on va essayer de lui faire ingurgiter une petite dose de ce remède ! On verra bien ce que ça va donner ! Nous nous mîmes à trois pour le soulever et l’adosser à plusieurs oreillers. Une fois qu’il fut en bonne position, le médecin lui parla doucement et lui demanda de boire en une seule lapée ce qu’il allait lui donner. Flint gémit, mais ouvrit la bouche, preuve qu’il comprenait parfaitement ce qu’on lui disait. — 12 — — Maintenant, nous allons le laisser tranquille ! Madame Hawkins, si vous pouvez venir de temps en temps, cela suffira. Je reviendrai, demain matin, voir comment les choses évoluent. — Bien ! Je dors à côté, je tâcherais de le surveiller, je ne crois pas qu’il va s’échapper ! — Moi non plus ! Je vais donc vous quitter pour ce qui reste de la nuit. Livesey remit son grand manteau et nous laissa avec cet invité bien encombrant. Chapitre 2 Le lendemain, le docteur revint à l’auberge vers neuf heures. Il monta directement à la chambre de Flint et questionna ma mère : — Alors ? — Des hauts et des bas ! Il s’est endormi après votre départ, puis il s’est mis à délirer pendant près d’une heure, pour retomber ensuite dans un profond sommeil. Nous avons dû l’aider à faire un petit besoin. Avec Jim, nous avons pu le redresser et le mettre sur le pot de chambre. Regardez ! fit-elle, en le lui tendant. Qu’est-ce que vous en pensez ? — Hum, Hum ! Rien d’anormal, inutile de conserver cela dans la chambre… Deux petites crottes nauséabondes… Et qu’a-t-il dit lors de ce délire ? — C’était comme s’il revivait plusieurs moments de son existence ! — Comment cela ? — Des histoires remontant à sa jeunesse, à sa vie de pirate ! — Très bien ! observa-t-il. Nous allons attendre qu’il se réveille pour lui administrer une dose de ce que j’ai préparé ce matin. La potion du médecin avait produit un effet secondaire qu’il avait déjà eu l’occasion de remarquer chez plusieurs de ses malades. Elle calmait les douleurs, du moins pendant quelques heures, puis amenait le patient à divaguer, à parler de choses et d’autres, parfois de — 13 — secrets enfouis au plus profond de son âme. Il confia même en avoir fait l’expérience auprès de son épouse… A petite dose, il est vrai ! Nous attendîmes donc que le capitaine se réveille, afin de lui faire ingurgiter une nouvelle fois un peu de ce précieux remède. Après ce que venait de lui déclarer ma mère, Livesey demanda qu’on lui apporte une plume, un encrier et de nombreuses feuilles de papier, pour noter ce que ce pirate allait pouvoir avouer, s’il se mettait à délirer comme il l’espérait. Je me tenais constamment près de lui. Ma mère quitta la chambre, afin de vaquer à ses occupations auprès de quelques clients. Flint ne se réveilla que vers dix-huit heures, alors que la nuit était déjà bien noire. Il réclama à boire. Je lui tendis un verre d’eau, qu’il eut du mal à saisir de la main gauche. Le médecin le laissa reprendre un peu ses esprits, avant de lui proposer d’avaler une petite dose de remède. — Il me semble que cela vous fait du bien, assura-t-il, en s’approchant de lui. — Oui… — D’ici une demi-heure, je vous en donnerai encore. Il faudrait manger quelque chose en attendant, une purée de légumes, quelque chose de ce genre, et un verre de lait, par exemple. Le pirate fit la grimace. — Je vais demander à ma mère de faire le nécessaire, répondis-je en descendant, laissant les deux hommes seuls Il fallut patienter jusqu’aux environs de minuit, avant que les effets de la potion se fassent à nouveau sentir. Je veillais alors seul le malade. J’avais réussi en quelques heures à gagner sa confiance, alors que le docteur avait dû s’absenter. Un râle, un gémissement, donna le signal de cette phase de délire durant laquelle je pus recueillir des bribes d’abord, puis un récit de plus en plus cohérent de la part du capitaine Flint. C’est ce que j’ai essayé de retranscrire ici dans ce carnet, à ma manière, avec le plus de fidélité, après ces quelques heures passés à ses côtés. Ce fut aussi l’occasion pour moi de découvrir une page de la vie de mon père ! — 14 — Chapitre 3 Il faisait un froid sec, en ce jour de février 1716, quand les tuniques rouges cernèrent le village en début de soirée. Ces soldats de la Marine royale cherchaient à compléter les équipages de la flotte. Ils avaient déjà fait place nette dans tous les ports des environs, entre Bristol et Plymouth ; et maintenant ils pénétraient un peu plus profondément dans les terres, sachant pertinemment qu’à la moindre alerte des dizaines de jeunes gens prenaient leurs jambes à leur cou, afin de s’éloigner du danger. Ils vérifièrent toutes les maisons, une par une. Les « recrues » furent rassemblées sur la place, avec un maigre balluchon contenant quelques affaires. Ils étaient près d’une quinzaine sur lesquels les soldats avaient jeté leur dévolu. Après une rapide inspection menée par le sergent Kirk, qui commandait cette troupe, quelques maigrichons et des éclopés furent rendus à leur famille. Le jeune Hawkins, à peine âgé de seize ans, ne tenta même pas de profiter de l’obscurité pour s’échapper. Connaissant parfaitement toute la campagne environnante, il aurait pu s’y cacher quelque temps. Mais il savait aussi que des mouchards touchaient des primes pour dénoncer les « réfractaires » qui ne voulaient pas servir leur pays ! Il se résigna à une situation inattendue qui lui offrait, à son corps défendant, l’occasion de quitter ce village où il tournait en rond. Depuis quelques mois, il ne pensait qu’à fuir sa vie monotone. Ses parents habitaient une petite localité près de Bath, à quelques miles de Bristol. Son père, bourrelier, fabriquait à longueur d’années des selles, des harnachements pour les chevaux. Son atelier jouxtait la petite maison où il vivait depuis son plus jeune âge, ayant appris le métier avec son père. Ses clients, les fermiers des alentours, ne payaient pas bien cher d’harassantes journées de travail, voire des nuits, quand il fallait terminer les commandes aux dates promises. Nourrir une famille avec de si maigres revenus devenait de plus en plus difficile, surtout avec une épouse à la santé fragile, souvent alitée. Le jeune Hawkins n’avait ni l’envie ni l’espoir de prendre la — 15 — suite de son père ; son frère aîné s’y destinait et il n’y avait ni moyen ni place pour faire vivre deux familles avec ce métier. C’est ainsi que mon père fut conduit à Plymouth avec une dizaine d’adolescents de son âge, enchaînés les uns aux autres. Parmi ces garçons, il y avait un certain Flint, pris également quelques heures auparavant par la même troupe, dans les mêmes circonstances, dans un village voisin. Ils se lièrent d’amitié. Le sergent Kirk les fit marcher nuit et jour, ne leur donnant à manger que des quignons de pain glanés dans les villages traversés. Plusieurs navires mouillaient dans la baie, prêts à repartir combattre les Français dans les mers du Sud. Cela faisait une dizaine d’années que durait la guerre pour la conquête de nouvelles colonies en Amérique et dans le golfe des Caraïbes. On se bousculait pas pour prendre un engagement sur les bâtiments de Sa Majesté à cette époque (et encore moins aujourd’hui !). Alors tous les moyens étaient bons : enrôlements « volontaires » signés tardivement dans une taverne, après avoir bénéficié de la générosité d’un agent recruteur ; primes alléchantes ; promesses de terres dans les nouvelles colonies en plein développement. Pourtant rien n’y faisait ! L’Amirauté devait envoyer régulièrement ses troupes sillonner tout au long de la côte, à quelques encablures des grands ports, puis les campagnes, afin de compléter les équipages. Après cette longue marche dans le froid, ils furent affectés sur un vaisseau, le Rainbow, qui appareilla dès le lendemain. Ils y retrouvèrent quelques-uns de leurs compagnons d’infortune. Benson, le commandant, un homme d’une trentaine d’années, vieilli avant l’âge, faisait régner une discipline de fer. Son second, Radclift, ne valait guère mieux ! Enfin, le pirate ne s’étendit pas très longuement sur cet épisode, pour la simple et bonne raison que le bateau, après six semaines en mer, sombra lors d’une tempête, à quelques dizaines de milles du cap Hatteras, au large de la Caroline du Nord, une possession anglaise. Pour des raisons qui échappaient aux marins, cette zone était souvent le théâtre de naufrages provoqués par des intempéries — 16 — d’une violence effroyable qui se déclenchaient en un laps de temps très court. Pendant cette tempête, les ordres contradictoires du capitaine et de son second coûtèrent la vie à presque tout l’équipage. Dans la tourmente, les mâts furent brisés en quelques minutes, le pont fut submergé par des vagues d’une impressionnante hauteur. Mon père eut une chance inouïe. Dans l’équipe de quart ce soir-là, alors que le navire sombrait inexorablement, il parvint à mettre à la mer une des rares chaloupes se trouvant à bord. Plusieurs marins l’aidèrent à détacher ce qui représentait leur dernière planche de salut. Peu d’entre eux savaient nager, pour ne pas dire aucun. Mon père aperçut alors Flint à l’eau, qui, agrippé à un morceau de la vergue, criait : — A l’aide ! A l’aide ! Il manœuvra la chaloupe, faillit chavirer deux fois dans cette mer démontée, mais il réussit à sauver Flint de la noyade. Ils purent s’éloigner du Rainbow en perdition, avant que les officiers de quart ne soient en mesure de monter à bord. Eux non plus ne savaient pas nager ! Une vingtaine d’hommes était parvenu à sauver leur peau. Flint était probablement le plus jeune à bord de cet esquif, qui allait peut-être devenir leur dernière demeure. Ils trouvèrent dans un coffre quelques boîtes de biscuit et des bonbonnes d’eau douce. Cette maigre pitance ne permettrait pas de survivre très longtemps. Flint fut un des plus vaillants durant cette épreuve et il s’imposa rapidement comme celui que les autres étaient déjà prêts à écouter, à suivre. Ils dérivèrent vers le sud pendant près de deux semaines, économisant leurs maigres vivres et l’eau. Heureusement, un orage survint à la tombée de la dixième nuit et mon père eut la présence d’esprit de se servir de la voile pour recueillir un peu d’eau douce. Ses compagnons d’infortune commençaient à se battre pour un oui ou un non, une répartition prétendument inégale des rations calculées au plus juste. L’un d’eux fut poignardé à la suite d’une altercation, parce qu’il avait fait tomber un bout de biscuit de son voisin. Tous étaient à bout de nerfs. Un vieux marin se mit à raconter une histoire de naufragés, comme eux, qui, pour survivre, en étaient arrivés à manger le cadavre de l’un des leurs. Mon père et Flint espéraient — 17 — qu’ils n’en viendraient pas à une telle extrémité, qui leur fit froid dans le dos. Ils eurent beau scruter l’horizon sans cesse, pas la moindre voile ne fut aperçue. Ils durent leur salut à un navire ne battant aucun pavillon et qui leur porta secours alors que l’équipage de la chaloupe s’était déjà réduit. Les cadavres de deux marins avaient été jetés par-dessus bord la veille, après un simulacre de cérémonie. Un des survivants avait prononcé une courte prière. Durant ce moment de recueillement, chacun s’était demandé qui allait être le prochain… Les naufragés furent chaleureusement reçus à bord du Neptune. Le capitaine de ce bâtiment n’avait rien d’un officier de Sa Très Gracieuse Majesté. Vraiment rien ! Il portait une tenue extravagante, des boucles d’oreilles en or et de grandes bottes de cuir ornées de rubans. Il ressemblait bien plus à un personnage de troupe de théâtre, ou à un saltimbanque, comme ils en avaient vu parfois traverser leur village, pour venir jouer en plein air des pièces de William Shakespeare. — Bienvenue à bord du Neptune, mes amis ! Vous me semblez bien mal en point ! Nous avons justement besoin de quelques hommes supplémentaires pour mettre le cap vers de nouvelles aventures ! — Notre bateau a coulé, il y a près de deux semaines, précisa Flint. — Sur quel navire étiez-vous ? Qui en était le capitaine ? — Le Rainbow, commandé par le capitaine Benson et son second, Radclift ! — Vous n’avez pas dû être à la fête tous les jours avec ces deux canailles. Ils nous ont fait la chasse, il y a de cela quelques années ! Nous en voilà donc débarrassés ! Vous devez avoir soif et faim. Mon second, Edwards, va s’occuper de vous ! — Merci, capitaine, nous vous en sommes très reconnaissants, mes amis et moi, ajouta le jeune Flint, en s’abaissant comme pour faire une révérence. — Vous me remercierez plus tard ! répliqua sèchement le capitaine Kidds, puisque tel était son nom. Les rescapés du Rainbow furent conduits à l’intérieur du bâtiment — 18 — par Edwards. Il les laissa là, le temps pour eux de reprendre quelques forces et leurs esprits. On leur fit servir des biscuits et de l’eau fraîche par un type pour le moins étrange, qui faisait office de cuisinier sur ce mystérieux vaisseau, et à qui il manquait une oreille et un bras. Mon père avait déjà entendu parler de ces pirates, de bien mauvaise réputation, qui écumaient les mers du globe. Certains avaient été pendus sur les quais de Bristol. Un jour que son père avait des affaires à traiter dans la ville, il l’avait accompagné et avait alors assisté avec lui à ce spectacle sordide. Ils se trouvaient près du port, quand ils virent trois hommes amenés sur une charrette et conduits, sous bonne garde, sur une estrade où avait été dressée une potence. Trois cordes se balançaient au vent qui s’engouffrait, ce jour-là, dans la vallée de l’Avon. Il y avait des centaines de personnes sur les quais. On venait parfois de loin assister à l’exécution de ces hommes qui avaient osé défier la Couronne, l’ordre établi, qui s’étaient rendus coupables de meurtres, de pillages, d’attaques de navires de Sa Majesté. Défier l’autorité de droit divin ne pouvait rester impuni ! Il fallait faire des exemples ! Dans la foule, certains connaissaient probablement les condamnés. Un homme cria même : — Alors Jim O’Rourke, tu fais moins le malin aujourd’hui ! Les trois hommes, dans la force de l’âge, furent prestement poussés devant les gibets, les mains et les pieds liés. On leur passa rapidement la corde au cou. La foule assista en silence à leur agonie ; elle ne dura que quelques minutes. Puis les gens quittèrent les lieux, retournèrent vaquer à leurs occupations. Le jeune Hawkins et son père regagnèrent dans ce contexte leur village en début de soirée. Le garçon raconta à sa mère ce qu’il avait vu à Bristol. — Puisses-tu ne jamais rencontrer un de ces hommes ! s’émutelle, en le serrant dans ses bras. Edwards descendit une heure plus tard à la rencontre de ses nouvelles recrues. Il interrogea les marins sur ce qu’ils savaient faire, afin de les intégrer au mieux à bord du Neptune. Il leur expliqua aussi — 19 — les règles en vigueur sur un bateau pirate. Ils devaient s’engager à respecter le code, sinon gare aux traîtres… Le jeune Flint en retint surtout que tout pirate avait le droit de vote pour les affaires d’importance concernant le navire, que le détournement de bijoux, d’argent, au détriment de l’équipage était puni d’une sanction bien particulière : le débarquement du coupable sur une île déserte avec juste de quoi survivre quelques jours. En cas de vol commis au détriment d’un autre pirate, le coupable avait le nez et les oreilles fendus… Les canons, les pistolets et les coutelas devaient être tenus propres et en bon état. Aucune femme ne devait vivre à bord d’un vaisseau pirate. La désertion et l’abandon de poste pendant le combat étaient punis de mort ou de débarquement sur une côte déserte. Un pirate pouvait se retirer, s’il avait amassé au moins mille livres ; les estropiés recevaient des primes spéciales, en fonction des membres qu’ils avaient perdus lors des abordages, etc. Tout cela leur parut clair, et ils s’engagèrent à respecter scrupuleusement ce que venait de leur dire Edwards le second du capitaine Kidds, d’une voix éraillée à l’accent écossais prononcé. Flint fut affecté à la bordée tribord, avec mon père et un autre compagnon. Afin de tester leurs capacités, le second les fit monter en haut du grand mât par les gréements, en promettant une pièce de huit à celui qui arriverait le premier. Il fut le plus dégourdi et réussit à distancer ses deux camarades. — C’est bien, descendez maintenant ! cria Edwards. On fera de vous de bons pirates ! Dès que Flint sauta sur le pont, celui-lui jeta non la pièce promise, mais un sabre qu’il emprunta à un des pirates qui regardaient la scène. — Et maintenant tu vas me montrer si tu sais te battre ! dit-il, en saisissant son propre sabre et en le provoquant en duel. — Je n’ai jamais appris à m’en servir ! J’ai été enrôlé de force sur un navire, on n’a pas eu le temps de m’apprendre quoi que ce soit, à part recevoir des coups ! — Eh bien, c’est le moment ou jamais, on va commencer tout de — 20 — suite ! s’exclama Edwards, en rigolant et en mettant son adversaire en situation pour le moins délicate, s’il ne réagissait pas. Afin d’esquiver la lame qui allait lui effleurer la joue, ce dernier sauta lestement en arrière, puis à gauche, à droite. — Bien, il faut bouger, ne pas attendre de se faire étriper ! A présent à l’attaque, allez, viens me chercher ! Ce combat dura quelques minutes et prit fin quand l’officier réussit à plaquer Flint sur le sol du pont, la pointe du sabre près de la gorge. — Tu t’es bien défendu pour quelqu’un qui n’a jamais appris à se servir de ce genre d’instrument ! Mais tu as encore beaucoup de progrès à faire ! Sois plus vigilant, surprends ton adversaire ! — Bien ! Je vais y penser, dit le jeune homme, tremblant de peur, alors qu’Edwards l’aidait à se relever. — Au suivant ! cria-t-il, en lançant le sabre à mon père, qui subit la même épreuve, mais avec moins de panache que son camarade. Flint s’affirma de jour en jour comme un bon marin : le fait d’avoir dû quitter, dans les circonstances que l’on sait, un navire de Sa Majesté l’avait libéré. Alors qu’auparavant il n’avait qu’à obéir aux ordres plus ou moins intelligents des officiers de bord, sur le Neptune il pouvait prendre des initiatives, faire des propositions, qui souvent étaient suivies d’effet. Mon père non plus ne regrettait pas le maudit bâtiment sur lequel il s’était retrouvé contre sa volonté. Au contraire, ses nouveaux compagnons lui paraissaient bien plus dignes d’intérêt. Il partageait avec eux une autre vision du monde, même si, de temps en temps, lui revenaient en mémoire les paroles de sa mère et le sinistre spectacle des quais de Bristol. Ces trois cadavres abandonnés au bon vouloir des mouettes, des corbeaux, qui venaient leur picorer les yeux, la chair du visage, pour ne plus laisser apparaître que le crâne, jusqu’à ce que les gens de l’Amirauté se décident à les enlever de la vue des habitués du port. En attendant la prochaine exécution… La nouvelle du naufrage du Rainbow avait probablement dû parvenir jusqu’en Angleterre, plongeant de nombreuses familles dans le chagrin. Flint rapporta que mon père revivait régulièrement ces — 21 — derniers instants où sa mère avait essayé de l’arracher aux tuniques rouges. Elle avait été brutalement repoussée par le sergent Kirk et s’était affalée, en larmes, sur le chemin devant leur maison. Mes grands-parents avaient dû faire leur deuil d’un fils, perdu au service du Royaume. Il ne leur restait plus que leur aîné, ils espéraient que la guerre ne vienne pas le leur prendre également. Chapitre 4 C’est ainsi que ces jeunes gens poursuivirent leur apprentissage auprès d’Edwards, le second du capitaine Kidds. Leur périple dans les mers des Caraïbes dura plusieurs années, émaillées de nombreux abordages, de multiples prises. Ils accumulèrent quantité d’or et d’argent, qu’ils allaient dépenser de temps à autre sur une île où des colons s’étaient installés un peu en marge des places tenues par les armées anglaise, française ou espagnole. Au fils des ans, Flint prit une place de plus en plus importante auprès du capitaine Kidds ; et il devint son second, quand, au cours d’un abordage, Edwards fut tué d’une balle entre les deux yeux. Ce dernier l’avait laissé à l’occasion diriger le navire presque seul ; son autorité n’était contestée par personne lors des manœuvres, même parfois les plus délicates. Au cours des abordages, Flint savait se montrer courageux et souvent impitoyable. Il avait appris à manier avec dextérité les armes à feu, qu’il parvenait à recharger en un rien de temps. Il avait d’ailleurs un faible pour les beaux pistolets, qu’il se mit à collectionner, après avoir mis la main sur une magnifique paire provenant d’un navire espagnol, à la crosse d’ivoire sertie d’or et de diamants. Ce sont probablement ces deux armes que nous avons trouvées sous les draps… Il en fit même son emblème, quand il eut son propre navire, associant, à la tête de mort de son pavillon noir, deux grands pistolets croisés. Pourtant la piraterie avait vécu… — 22 — deuxième partie Notre retour à Bristol — Chapitre 15 Nous arrivâmes à Bristol, comme prévu, à la fin du mois d’août 1761. Nous étions attendus, bien évidemment ! Dès que nous fûmes en vue, plusieurs bateaux vinrent à la rencontre de l’Hispaniola à l’embouchure de l’Avon. Personne ne devait monter à bord ! Ordre du capitaine Smollett. Nous avions défini auparavant quelle allait être notre ligne de conduite dans les prochains jours. Un navire chargé d’or ne pouvait rester à quai, sans être gardé jour et nuit. Fallait-il d’ailleurs entrer dans le port, avant d’avoir régler ce problème ? Les avis étaient partagés ! Trelawnay proposa de partir en éclaireur auprès des autorités, afin de rechercher une solution. Un canot fut mis à l’eau au moment de la marée, de sorte qu’il puisse remonter l’Avon sans trop de difficulté, avec trois hommes de l’équipage. Avant notre départ, nous étions convenus de remettre, au cas où nous reviendrions, une partie du trésor au roi et aux pauvres. Cette générosité méritait bien que les autorités de la ville et de la Royal Navy viennent à notre rescousse pour protéger un tel pactole. Dès qu’il fut au port, Trelawnay se chargea également de faire remettre à ma mère un message annonçant notre retour. Quand il revint en fin d’après-midi, il nous expliqua qu’il avait rencontré le — 69 — maire de Bristol. L’assurance de disposer de plusieurs milliers de livres sterling, afin de venir en aide aux indigents et aux orphelins, l’amenait à coopérer. Il mettait à notre disposition plusieurs hommes de confiance armés ; l’officier du port ferait libérer un quai avant notre arrivée, qui ne pouvait se faire qu’à la marée suivante. Plusieurs charrettes viendraient près du navire, tous les curieux seraient éloignés par des troupes de la Marine, qui formeraient un cordon. L’opération ne devait durer que quelques heures, minutieusement préparée par Trelawnay. Ce n’est que le lendemain de notre arrivée que je retrouvai ma mère. Dès que je l’aperçus au bout du quai où nous étions amarrés, je courus à sa rencontre et sautai dans ses bras. Elle avait les traits tirés, mais elle était toujours aussi belle. Elle avait mis une robe que je n’avais jamais encore vue sur elle, de couleur bleue. Ses cheveux étaient ramassés en un élégant petit chignon. — Maman, maman ! — Oh ! Jim, te voilà de retour ! Tu ne peux pas savoir combien j’ai été inquiète. Plus les semaines passaient, plus je perdais espoir de te retrouver ! — Je suis là et nous sommes riches, maman ! Je la serrais contre moi. Cela faisait un bout de temps que je n’avais pas senti un tel réconfort, une chaleur humaine, dans ce périple entre hommes… En quelques phrases, je lui racontai notre aventure, la découverte du trésor, les combats que nous avions dû mener pour sauver notre peau. Le docteur s’approcha de nous, salua ma mère, lui demanda de ses nouvelles. Il lui dit que j’avais été le véritable héros de cette aventure. Sans moi, affirma-t-il, jamais nous n’aurions pu revenir sains et saufs ! Durant mon absence, elle avait été aidée à l’auberge par un jeune apprenti. Mon départ l’avait laissée sans énergie pendant plusieurs semaines. Avec l’arrivée des beaux jours, elle avait repris son rythme de vie, alors qu’approchait la date de notre retour. L’auberge de l’Amiral Benbow ne désemplissait pas ! Depuis que la nouvelle de la mort d’un certain capitaine Flint s’était propagée dans les environs, — 70 — suivie par la découverte de notre expédition vers l’île au trésor, elle avait acquis une certaine renommée. On venait se promener en ces lieux, on s’y arrêtait plus volontiers ! D’autant que la légende enflait de jour en jour. Des bonimenteurs racontaient tout et n’importe quoi : des crimes affreux, une légende noire… Si la plupart des clients étaient, pourrait-on dire, des gens de bonne foi, d’autres, aux accoutrements pour le moins bizarres, et en général silencieux, fréquentaient aussi l’auberge. Ils tournaient également dans les parages, surtout à l’approche de la date probable de notre retour. Ces habitués de la navigation vers les Caraïbes savaient pertinemment combien de temps il fallait à un brick comme l’Hispaniola pour faire un aller-retour au départ de Bristol. La nuit, ma mère entendait des bruits étranges : des rôdeurs probablement… Le déchargement du navire allait commencer d’une minute à l’autre. Toutes les personnes non indispensables furent refoulées à quelques dizaines de pieds par une compagnie de soldats armés de fusils, en rangs serrés. Je quittai ma mère et rejoignis le capitaine Smollett, afin de récupérer mes affaires personnelles. Le trésor fut conduit au château de Bristol, siège de l’Amirauté. Avec ce déploiement de forces, les risques avaient été minimisés. Nous pensions, en effet, que tous les anciens amis du capitaine Flint n’abandonneraient pas facilement la partie. Je remarquai Mary Wilson, là dans la foule à regarder ce qui se passait ; je lui fis un petit signe, qu’elle me rendit, en m’envoyant un baiser de la main ! Vers la fin de l’après-midi, l’opération était achevée. Le bateau était vide ; le trésor, en lieu sûr ! Il restait à en effectuer une évaluation et à procéder ensuite au partage, comme nous l’avions décidé. Chapitre 16 Nous quittâmes Bristol pour nous rendre à notre auberge de l’Amiral Benbow, ma mère et moi, par une diligence qui nous déposa devant la porte à la nuit tombée. Ce fut pour moi une immense joie de retrouver ces lieux familiers, après tant de semaines d’absence. Ils — 71 — table des matières — Prologue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 première partie A la recherche du fabuleux trésor du capitaine Flint . . . 9 deuxième partie Notre retour à Bristol . . . . . . . . . . . . . . 69 troisième partie Mon premier navire, le Mathilda . . . . . . . . . . 103 quatrième partie Notre club littéraire. . . . . . . . . . . . . . . . 189