Education thérapeutique : face au sentiment d`échec des infirmières

Transcription

Education thérapeutique : face au sentiment d`échec des infirmières
UNIVERSITE DE FRANCHE-COMTE
Faculté de Médecine et de pharmacie de Besançon
EDUCATION THERAPEUTIQUE :
FACE AU
SENTIMENT D’ECHEC DES INFIRMIERES
Mémoire de Diplôme Universitaire d’éducation thérapeutique
Florence Lambert
Juin 2010
2
UNIVERSITE DE FRANCHE-COMTE
Faculté de Médecine et de pharmacie de Besançon
EDUCATION THERAPEUTIQUE :
FACE AU
SENTIMENT D’ECHEC DES INFIRMIERES
Mémoire de Diplôme Universitaire d’éducation thérapeutique
Florence Lambert
Juin 2010
3
MOTS – CLES
Education thérapeutique
Echec soignant
Positiver l’échec
Infirmière
Cadre de santé
RESUME
Les infirmières qui prennent en charge des patients porteurs de maladie chronique souffrent parfois
d’un sentiment d’échec quand leur intervention en éducation thérapeutique ne leur permet pas
d’atteindre les objectifs fixés. Est-il possible de considérer autrement l’absence de progrès du
patient, sans culpabiliser ni le soignant ni le patient ?
Ouvrages et législation décrivent surtout comment mettre en place un programme réussi, efficient
et évaluable.
Les infirmières choisissent ce métier pour guérir, soigner. Dans la maladie aiguë, cet idéal soignant
est souvent malmené, dans la maladie chronique il l’est encore plus. Comment les cadres peuventils aider les infirmières à gérer l’absence de guérison immédiate, les échecs répétés ?
En psychiatrie et plus particulièrement en addictologie, les soignants semblent se forger une
philosophie de soin permettant un meilleur positionnement par rapport au patient : il est considéré
comme un adulte responsable de ses choix et actes, et le soignant plus centré sur la relation que sur
le résultat des soins.
Sous la vigilance des cadres, les infirmières de diabétologie pourraient à leur tour s’en inspirer.
Sans révolutionner leur pratique, un regard simplement différent et positif sur le parcours du
patient et ses acquis, ses projets, des objectifs soignants moins immédiats et ambitieux
permettraient de mieux accompagner le patient. Ajoutant à cela un peu de souplesse dans la mise
en œuvre des méthodes et outils, chacun gagnerait en liberté d’action sans pour autant perdre de
vue la finalité d’éducation et d’autonomisation du patient, ni nuire à l’efficacité de la démarche.
4
«Marcheur, ce sont tes traces ce chemin et
rien de plus. Marcheur il n’y a pas de chemin, le
chemin se construit en marchant.»
MACHADO Antonio
5
Remerciements :
Aux personnes qui avant moi ont ouvert la route de l’éducation thérapeutique dans notre service :
le Pr DROUIN, Melle Leconte, Danièle Durain et leurs prédécesseurs qui avaient compris que
l’ETP nécessite expertise et disponibilité des soignants et avaient organisé le service dans ce sens.
La situation financière actuelle de notre CHU contraint les dirigeants à « déconstruire » cette
organisation et cette équipe qui se distinguait par son excellence et sa reconnaissance en France.
Heureusement, l’équipe actuelle : Pr ZIEGLER, Pr QUILLIOT, Pr GUERCI, Dr BOHME….
garde à cœur de faire perdurer et défendre cette discipline, dans une organisation différente que ce
DU me permet d’envisager.
A Danièle et Lucette, mes référentes en ETP et en pédagogie : nos valeurs communes, excellence,
professionnalisme, réflexion, évolution… nous motivent pour continuer à valoriser l’ETP au sein
du service, du CHU, des étudiants en IFSI et au-delà.
A mon Amie de toujours Yolande, compagne de route, de chambrée, de réflexion pendant ce DU,
mais compagne de cheminement depuis si longtemps et pour aussi longtemps que la vie nous le
permettra.
A mes trois enfants, mes moteurs perpétuels anti-échec.
A mon mari qui m’a lancée dans la réflexion sur ce thème de l’échec.
A mes collègues du DU, ma famille et tous mes amis, nombreux et à venir qui m’ont manifesté
leur soutien, aide, présence et énergie nécessaire tout au long de cette année.
A l’équipe de l’UFATT qui m’a accueillie en stage.
A l’équipe de l’UTEP pour la qualité de son enseignement, la grande cohérence entre son discours
et sa pratique, son approche originale, dynamique et pédagogique.
6
SOMMAIRE
1.
PROBLEMATIQUE ............................................................................................................................................. 9
2.
SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE .................................................................................................................. 14
3.
BIBLIOGRAPHIE .............................................................................................................................................. 23
4.
RAPPORT DE STAGE....................................................................................................................................... 25
5.
PROJET ............................................................................................................................................................... 33
6.
SYNTHESE PERSONNELLE ........................................................................................................................... 40
7.
ANNEXES ............................................................................................................................................................ 43
7
TABLE DES SIGLES ET ABREVIATIONS
DU : Diplôme Universitaire
ETP : Education Thérapeutique
IFSI : Institut de Formation en Soins Infirmiers
LMD : Licence Master Doctorat
ADO : Anti - Diabétiques Oraux
IFCS : Institut de Formation des Cadres de Santé
DGS : direction générale de la santé
ARS : agence régionale de santé
MIG : mission d’intérêt général
DGS : direction générale de la santé
DHOS : direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins
PNL : programmation neuro-linguistique
HbA1C : hémoglobine glyquée
8
1. PROBLEMATIQUE
Mon parcours et mes orientations professionnelles ont évolué au gré de situations de travail,
questionnements, formations, influences de mentors, expériences personnelles, lectures… En voici
les principales étapes qui m’ont amenée à ce Diplôme Universitaire d’éducation thérapeutique, et à
ce mémoire.
Dix années d’exercice infirmier en réanimation polyvalente lourde me font percevoir les limites du
soin technique et me poussent vers le soin relationnel et éducatif. Je m’inscris alors à la formation
de « Conseillère de santé » dirigée par Rosette POLETTI, puis au DU d’éducation à la santé de la
Faculté de Médecine de Nancy. Ces 2 formations révolutionnent mon approche du patient, de la
santé, de la maladie voire de la vie : personne n’est mieux placé que le patient lui-même pour
savoir quels sont ses besoins ; la maladie peut être perçue comme un signal à prendre en compte
dans un contexte et un environnement et non comme un symptôme à faire disparaître à tous prix ;
les comportement humains ne se dictent pas ; la relation soignant soigné se révèle beaucoup plus
complexe que le plus sophistiqué des soins techniques…
Ma formation suivante en IFCS complète mes références théoriques dans les domaines qui me
passionnent : communication, pédagogie, gestion des situations, des individus et des groupes. Mon
projet professionnel comportant les axes suivants : soins centrés sur le patient, patient acteur,
communication, travail pluridisciplinaire, travail en réseau, je me tourne naturellement vers la
diabétologie où j’exerce depuis 8 ans. Je découvre alors simultanément la fonction cadre et l’ETP :
vaste programme….
Dynamisée par mes formations précédentes, je pense alors être capable d’éduquer un patient et
d’animer une séance d’éducation... mais je réalise vite qu’il va me falloir d’abord acquérir de
l’expérience et bien d’autres notions. Je ne suis qu’au point de départ sur le long chemin de l’ETP:
« Un voyage de mille lieues a commencé par un pas1 ».
1 DUCOURANT B. Sentences et proverbes de la sagesse chinoise. (Lao Tseu)
9
Depuis, j’en apprends chaque jour sur le diabète, ses traitements, le vécu des patients, les
difficultés des soignants, les méandres de l’éducation en individuel et en groupe, le parcours sans
fin du patient, son vécu, ses multiples hospitalisations, la formation des nouvelles infirmières,
l’accompagnement des plus anciennes vers la maîtrise puis l’expertise, l’initiation des élèves
infirmières, et maintenant la formation d’autres professionnels.
Abordant ce DU avec cette expérience et plusieurs formations complémentaires en ETP, je pensais
commencer à maîtriser cette discipline, mais la qualité et le contenu des interventions des premiers
modules m’ont vite signifié ce que je pouvais encore acquérir pour parfaire ma formation et mon
approche des patients et des équipes. Tout particulièrement, le témoignage de Mr NOTARO dès le
premier module m’a obligée à convenir que je n’ai pas complètement intégré ce que vivent ces
patients, et ne pourrai peut-être jamais vraiment comprendre ce qu’ils vivent.
Etant depuis 3 ans, chargée de développer le programme d’éducation thérapeutique en nutrition
entérale et parentérale, je découvre parallèlement les patients en nutrition artificielle : soumis à une
pathologie et à un quotidien encore plus effroyables que celui des patients diabétiques, ils doivent
apprendre des gestes d’auto-soins mettant chaque jour leur vie en jeu et rendant leur éducation
d’une complexité extrême.
Malgré les formations et l’expérience, malgré l’expertise de mes collègues et tous ce qui est déjà
mis en place dans le service pour répondre à nos valeurs d’excellence en ETP, je me heurte encore
à certaines difficultés, et m’interroge sur de nombreux points : comment retranscrire sans déformer
les propos du patient recueillis lors des différents entretiens ? Comment un autre professionnel de
santé intervenant ensuite peut-il utiliser ces données sans réinterroger le patient pour se les
approprier ? Peut-on (doit-on ?) vraiment rendre compte par écrit du parcours éducatif du patient ?
Comment assurer la continuité et la complémentarité de l’éducation entre intervenants intra et extra
hospitaliers ? Est-il possible de transposer à la nutrition artificielle l’ensemble de programmes
éducatifs de la diabétologie ? Comment aider le patient à acquérir des compétences d’adaptation ?
Je souhaite trouver des éléments de réponse au fur et à mesure des différents modules.
Outre ces questions, ma préoccupation majeure vient d’une situation vécue au quotidien au sein de
mon équipe infirmière : chaque matin, les infirmières du secteur d’hospitalisation rencontrent les
infirmières du secteur d’éducation pour répartir les patients en séance individuelle ou collective en
10
fonction des objectifs d’éducation définis à l’issue de l’entretien d’accueil et du diagnostic
éducatif.
Lors de cet échange, je constate chaque jour la difficulté, voire le désarroi des infirmières face à
certaines situations récurrentes : un patient « archi connu » de toute l’équipe, a déjà suivi tous les
cours, ateliers, table ronde…. au fil des années, il a toutes les connaissances théoriques nécessaires,
connaît son matériel et sa technique d’utilisation, a un schéma insulinique adapté, et pourtant une
difficulté persiste : il ne fait pas ses glycémies, ou n’adapte pas ses doses, ou reste en déséquilibre
inexpliqué….
Dans ce cas, les infirmières d’hospitalisation sollicitent celles d’éducation pour une ultime
éducation supposée débloquer enfin la situation. Après « marchandage » un énième rendez-vous
d’éducation individuelle est programmé. Souvent le patient a déjà vu plusieurs infirmières de
l’équipe, on en change au cas où il s’agirait d’un problème de personne, on cherche alors celle dont
on espère que son regard neuf permettra d’avancer, avec pour cette dernière comme gageure de
réussir là où les autres ont échoué… ou d’échouer comme ses collègues.
Dans ces situations complexes, les infirmières (surtout en hospitalisation) expriment un sentiment
d’échec, d’inutilité, d’inefficacité personnelle, et stressent à l’idée de la sortie imminente d’un
patient qu’elles estiment en danger. Je constate un appel à une solution souvent identique qui
visiblement ne résout pas le problème et met tout le monde dans l’inconfort, car certains patients le
vivent mal : ils expriment leur déception à la vue d’une glycémie déséquilibrée, même en
hospitalisation après un changement de traitement sensé améliorer leur état. D’autres montrent leur
désespoir quand il arrive qu’après 5 jours d’hospitalisation « pour tentative de relais ADO », ils
repartent non seulement sous insuline, mais avec une injection supplémentaire. Ainsi chez le
patient également, les sentiments sont négatifs : déception, sentiment d’échec, voire culpabilité...
Pour faire face à ces situations, la formation des infirmières constitue un élément de réponse. Les
recommandations de l’OMS préconisent des professionnels formés2. Des agents formés à l’ETP,
sont à même de gérer les cas difficiles : la formulation d’un diagnostic éducatif pertinent, la prise
en compte du
stade d’acceptation de la maladie, le respect des étapes du changement, la
négociation d’un contrat réalisable pour le patient, l’adaptation du contenu et des méthodes
pédagogiques aux capacités physiques et cognitives du patient sont entre autres des éléments
favorables à la réussite du programme.
2
DECCACHE A. Quelles pratiques et compétences en éducation du patient ? Recommandations OMS.
11
D’ailleurs je constate une grande différence de réaction des infirmières selon leur niveau de
formation3 :
Les infirmières d’hospitalisation ont une ancienneté variable en diabétologie, quelques unes ont
bénéficié de formations internes en ETP, mais très peu ont suivi (ou demandé à suivre !!...) une
formation institutionnelle. Or, elles doivent gérer à la fois la demande médicale, la négociation
avec l’infirmière d’éducation et le patient « englué » dans ses difficultés.
Les infirmières d’éducation sont toutes formées à l’ETP niveau 3, elles une longue expérience
en tant qu’infirmière d’hospitalisation avant d’intégrer l’équipe d’éducation. Leur pratique
relève de la maîtrise, ainsi elles peuvent considérer avec plus de recul le parcours des patients,
il leur est plus facile de prioriser leurs interventions, elles ont également plus de faculté à
prendre de la distance quand le patient « résiste », et à respecter ces périodes non favorables à
l’éducation.
Mme Durain, cadre expert en ETP, seule infirmière formée de niveau 1 se révèle la seule
personne ressource ayant la capacité à prendre en charge les patients les plus difficiles. Il s’agit
souvent d’adolescents ou de patients diabétiques anciens, poly compliqués pour lesquels tous
les soignants et toutes les méthodes, approches, changements de traitements… sont restés
infructueux. Bien souvent, son intervention consiste « seulement » en un suivi régulier relevant
plutôt de l’accompagnement : plus que de contrat ou d’objectifs il est question de fenêtre
thérapeutique, de permission, d’écoute… Seul ce niveau de formation semble compatible avec
ce niveau de lâcher prise par rapport à des résultats éducatifs attendus tout en gardant un niveau
de satisfaction suffisant pour le soignant.
Ainsi, l’aisance et/ou la satisfaction dans la pratique de l’ETP semblent aller de pair avec le niveau
de formation qu’il serait souhaitable d’élever pour l’ensemble du personnel. Toutefois, il faut
plusieurs années pour former une équipe, c’est pourquoi, sans négliger cette possibilité, je
souhaiterais explorer d’autres pistes simples, à la portée de toutes les infirmières, pour qu’elles
puissent aborder les patients en grande difficulté autrement que dans l’appréhension, le sentiment
d’échec, voire l’évitement.
Comment les aider à gérer cette impression d’être dans une impasse, de ne pas répondre à la
nécessité d’éducation ?
3
12
Est-il possible de considérer le patient autrement qu’à travers ce qu’il ne fait pas ou fait mal ?
Les infirmières pourraient-elles adopter une autre attitude en pareille situation ?
Déjà dans ce questionnement en début de formation, l’intervention de Pascal Gache au module 2
m’a confortée dans mon intention de recherche. Il nous a initiés à une autre façon de considérer les
situations, les personnes, les évènements : envisager le verre à moitié plein au lieu de moitié
vide, changer simplement le regard plutôt que la situation, mettre de côté ses attentes et laisser
place à un regard neuf….voici l’approche que je souhaite explorer.
" En éducation thérapeutique, comment développer un regard infirmier bienveillant face au
sentiment d'échec de la prise en charge éducative qui est proposée au patient ?"
13
2. SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
Je propose d’explorer dans un premier temps comment l’échec est envisagé dans la législation, les
ouvrages et articles consacrés à l’ETP. Je chercherai ensuite à cerner la notion d’échec en pratique
infirmière pour enfin me pencher sur la possibilité de modifier cette perception.
•
L’échec en éducation thérapeutique :
Il convient de définir dans un premier temps la notion d’« échec en ETP ».
Pour parler d’échec, il faut se référer à une situation précise : on échoue par rapport à un objectif
donné, en l’occurrence un objectif d’éducation.
Selon le Dictionnaire des concepts clés de pédagogie, un objectif est un : « énoncé d’intention
décrivant le résultat attendu à la suite d’une action4.»
D’après Gagnère et Divernois
5
un objectif pédagogique décrit « ce qu’un apprenant devra être
capable de faire à la fin d’une période d’enseignement/apprentissage qu’il n’était pas capable de
faire avant. »
Il est évident qu’un objectif mal formulé risque de conduire à un échec. « Si vous n’êtes pas sûr de
l’endroit où vous allez, vous risquez de vous retrouver ailleurs et de ne pas le savoir» (R.F.
Mager). Mais considérons le cas où la démarche et la formulation sont correctes.
Le Petit Larousse donne comme définition de l’échec : « insuccès, non réussite », le Dictionnaire
de la Langue Française donne comme synonyme : « insuccès » et cite le mot anglais : « failure »
ainsi que 11 synonymes dont déboire, faillite, revers... Tous sont des mots forts et à connotation
négative.
L’ETP s’appuyant sur de nombreux auteurs, théoriciens et concepts de pédagogie, je me tourne de
nouveau vers le Dictionnaire de pédagogie. L’échec y est abordé sous la forme de l’échec scolaire :
« l’échec scolaire est un problème extrêmement grave. Il détruit l’image de soi de l’individu qui le
subit. » L’affirmation y est même faite que cet échec conduit à des personnes mal intégrées dans la
société et perpétuellement assistées. Il pose également la question intéressante de traiter l’échec sur
4
5
RAYNAL F., RIEUNIER A., Pédagogie : dictionnaire des concepts clés.
D’IVERNOIS JF., GAGNAIRE R. Apprendre à éduquer le patient
14
le plan individuel (approche psychologique ou psychométrique) ou collectif (variables externes,
milieu).
Au fil des années, malgré tous les efforts pour favoriser l’accès à l’éducation, les pédagogues
constatent eux même leur propre échec : « les disparités demeurent », Pierre Bourdieu énonce «
l’école exclut comme toujours », Dottrens ajoute : « au mépris du bon sens, elle impose à tous les
mêmes rythmes et les mêmes méthodes…crée artificiellement des échecs à travers des exigences
uniformes prématurées.»
Hutmacher et Cardinet annoncent : « les classent privilégiées semblent profiter autant ou plus que
les autres de l’aménagement des conditions de l’enseignement ».
D’emblée nous percevons la difficulté d’enrayer l’échec et les conséquences dévastatrices qu’il
peut engendrer pour l’individu comme pour la société. Transposant ces propos au diabète, nous
faisons vite le parallèle avec un patient désabusé devant une glycémie toujours haute malgré ses
efforts, tel un élève recevant la sanction d’une copie nulle malgré un réel effort de travail. Pour la
société, nous pensons également au coût des hospitalisations à répétition de patients diabétiques
revenant à plusieurs reprises et sans succès pour le même motif.
•
L’échec dans la législation sur l’ETP :
Le Rapport du groupe de réflexion sur l’éducation thérapeutique de la DGS6* décrit l’enjeu de
l’ETP : éviter la survenue des complications. Il présente l’ETP comme nécessaire pour faire face à
la mauvaise observance fréquente des prescriptions qui diminue l’efficience de la prise en charge
thérapeutique.
D’emblée, je suis interpellée par la force de ces termes : nécessité, mauvaise observance,
efficience… et je l’interprète comme une injonction, une organisation visant le respect de la
prescription médicale, certes pour le bien du patient (évitement des complications), mais dans une
intention de limiter les dépenses de santé à peine voilée.
Heureusement, dans les fondements de cette réflexion, des notions adoucissent les propos : partage
de responsabilité thérapeutique soignant- soigné, respect, liberté individuelle…
Revenant sur le terme même de responsabilité, définie par le Petit Larousse « obligation de
réparer le dommage causé à autrui par soi même… capacité de prendre une décision sans en
6
DGS, Rapport du groupe de travail de la DGS
15
référer préalablement à une autorité supérieure », de nouveau, je trouve les termes employés
susceptibles de générer une certaine pression pour le soignant comme pour le patient.
Le groupe propose 3 niveaux d’éducation : un niveau de « survie », un niveau d’auto-prise en
charge fine et enfin un niveau plus personnalisé s’adressant en particulier à l’exploration des
difficultés des patients en échec pour qui ils proposent des moyens regroupés afin d’assurer la prise
en charge complexe de ces patients. Je trouve que ces propositions prennent bien en compte les
différents niveaux d’intervention que j’ai décrits dans mon service, et tout particulièrement
reconnaissent la complexité de certains cas et la nécessité de disposer de personnel et de lieux
spécialisés dans la prise en charge de ces cas difficiles. Je n’ai pas retrouvé ces propositions dans
les textes suivants.
J’apprécie leur remarque : « il faut viser l’autonomisation du patient, dans le cas où celle-ci est
acceptable et bénéfique pour le patient… progressive et respectueuse des désirs et capacités de la
personne… »
Dans son rapport7, Mr Saout propose 24 recommandations pour une politique nationale d’ETP du
patient : la recommandation 3 présente le rôle des ARS en matière d’évaluation quantitative et
qualitative de l’organisation du programme, de son efficience et son impact sur la qualité de vie du
patient. La recommandation 7 précise qu’un patient est en droit de ne pas accepter un programme.
On retrouve dans ce texte à la fois la réalité économique, mais aussi la notion de qualité de vie du
patient.
Je crois important de réaffirmer la liberté individuelle du patient de ne pas adhérer au programme,
pouvons nous toujours trouver la trace de ce libre choix du patient dans nos parcours éducatifs ?
J’ai rarement vu des patients s’opposer à un programme, et je trouve qu’ils sont plus souvent
incités à le suivre, que réellement demandeurs.
La circulaire8 DHOS du 16 juillet 2008 mentionne l’intention de l’ETP d’ « aider les patients à
acquérir ou maintenir les compétences dont ils ont besoin pour gérer au mieux leur vie avec une
maladie chronique ». J’apprécie cette intention centrée sur le patient et adaptée à sa vie, à ses
besoins, ses compétences, sans notion de nécessité ou de rentabilité. Toutefois, la circulaire
définissant le financement de l’ETP à travers les MIG, l’aspect financier reste bien évidemment
7
8
SAOUT C. Pour une politique nationale d’éducation thérapeutique du patient.
Circulaire N° DHOS/E2/F/MT2A/2008/236 du 16 juillet 2008 relative au financement de la mission d’intérêt général.
16
sous-jacent, ainsi que la notion d’efficacité. Mais les critères de qualité requis du programme
d’éducation, compensent ces exigences : prise en compte globale du patient en tant que personne,
évaluation des acquis intégrant la satisfaction, la qualité de vie, l’autonomie des patients.
•
L’échec dans les ouvrages sur l’ETP :
JP d’Ivernois et R. Gagnayre professeurs en science de l’éducation définissent les concepts de
l’ETP, développent l’approche pédagogique de l’éducation du patient et proposent un guide
méthodologique du diagnostic éducatif à l’évaluation en passant par les différents outils et
méthodes pédagogiques.
Leur approche est essentiellement centrée sur l’ensemble des moyens et méthodes à mettre en
œuvre, elle vise à réunir tous les ingrédients d’une éducation réussie, en conséquence, l’échec y
est peu abordé, sauf sous la forme suivante :
L’échec dans la conception traditionnelle de la médecine est attribué à différents facteurs :
malignité de la maladie, limite de la thérapeutique…, en ETP le non succès renvoie à la notion plus
générale d’échec pédagogique. Le patient n’a pas compris ou on n’a pas su lui expliquer. En
s’engageant dans l’éducation du patient, le praticien accepte non seulement un nouveau mode de
relation mais aussi un autre type de responsabilité.
Nous retrouvons ici la notion de responsabilité et le poids qu’elle peut engendrer en cas d’échec.
De nouveau, les enjeux de l’ETP sont longuement énumérés à travers les différentes études
tendant à prouver l’intérêt de l’éducation et particulièrement le fait d’éviter des complications
graves et invalidantes (amputations, rétinopathie, insuffisance rénale…)
Ils abordent l’efficience différemment des textes précédents : « l’efficience de l’éducation dépend
également de la qualité des stratégies pédagogiques mises en œuvre par les éducateurs et de la
compétence pédagogique de ces derniers ».
Cet angle visant en priorité la qualité du programme me convient mieux que l’approche de la
législation qui visait plutôt d’emblée un résultat. Cela peut éviter l’obsession du résultat avec la
pression inhérente et la déception en cas d’échec.
JP d’Ivernois et R. Gagnayre nous font percevoir également l’influence directe d’un programme
d’éducation sur le patient et les limites à préciser :
17
« Les objectifs du patient ne doivent pas être confondus avec les objectifs de l’équipe soignante ».
Considérer l’échec du patient et non celui de l’infirmière peut soulager l’infirmière, mais
« attention de ne pas déplacer la responsabilité de l’échec thérapeutique du soignant vers le
patient au risque de culpabiliser ce dernier. »
Ainsi se révèle toute la complexité de cette relation de soin d’où il serait bon que chacun sorte
gagnant, et « le juste équilibre entre la responsabilité du malade et celle de son médecin dans un
rapport de partenariat ».
Les incidents sont abordés sous la forme d’erreur à analyser pour en éviter la reproduction :
analyse, étiologie médicale ou autre, mauvaise compréhension, manque de connaissance ou défaut
de technique de soin.
Pour aider l’infirmière, les auteurs précisent que le contrat peut ne pas être atteint dans sa totalité
lors d’une première séance d’éducation. Cet aspect est souvent négligé des soignants qui ont
beaucoup de mal à ne pas finir une tache. Tout comme une infirmière ne laisserait pas un
pansement à moitié fini à sa collègue, elle n’envisage pas non plus une éducation inachevée. Or il
faut accepter l’éducation comme processus continu et sans cesse en mouvement, ni jamais
vraiment fini.
Il est vrai que les infirmières suivent une formation qui les conditionne dans la maladie aigüe avec
le « faire », le court terme, et un rôle sur prescription, exécutante du médecin. La maladie
chronique exige une toute autre approche : complémentarité avec le médecin, continuité du soin,
absence de guérison….
JP d’Ivernois et R. Gagnayre insistent sur la nécessité de procéder certes au diagnostic éducatif,
mais en inventoriant ce qui fonctionne bien, ce qui est mobilisable afin que le patient reprenne
confiance en lui et retrouve les ressources pour dépasser son handicap. Ils intègrent la notion de
temps : inhabituelle dans la maladie aigue où la guérison est attendue rapidement, avec la maladie
chronique arrive la notion de temps d’attente qui ne sont pas des temps morts, mais des périodes de
maturation nécessaires au malade.
Ils cherchent dans l’échec scolaire des pistes et mentionnent l’importance d’un projet personnel,
d’un projet d’avenir, et la nécessité de se centrer plus sur le processus « apprendre » que sur le
contenu des apprentissages : mettre en œuvre une pédagogie active partant des représentations et
18
utilisant des situations problèmes par rapport au projet personnel. Ce double mouvement à la fois
vers soi et vers l’avenir constituerait l’essence de la motivation.
Ils affirment que dans le modèle de médecine traditionnelle, il n’y a pas de place pour l’échec
thérapeutique, la rechute ou l’erreur. Or pour eux « il n’y a pas d’apprentissage sans erreur, les
erreurs faites par le patient dans la conduite de son traitement doivent constituer des repères pour
renforcer sa formation thérapeutique. Il convient qu’ensemble, les soignants et malades analysent
les causes et parfois bonnes raisons que le malade a eues de faire des erreurs. C’est grâce à
l’attitude empathique du soignant, à son absence de jugement… que progressivement ces erreurs
seront comprises et mieux contrôlées par le malade. »
« Le malade a souvent une perception très négative de son échec avec un sentiment d’autoaccusation. Il n’établit pas de hiérarchie entre les erreurs, toutes lui semblent avoir le même degré
de gravité. Il s’ensuit un état d’anticipation négative, il perd confiance en lui-même et ne trouve
plus les mesures de correction à effectuer ».
Ces différents textes tendent à objectiver mon impression : plus qu’un sentiment, des moments de
confrontation à l’échec font bien partie de la vie des patients atteints de maladie chronique, et des
soignants qui les accompagnent.
Je souhaite justement approfondir les raisons de ce ressenti si mal vécu de l’échec pour les
infirmières ; dans les différents textes, on perçoit bien la notion de responsabilité partagée soignant
patient or, les infirmières semblent ne considérer que leur propre échec en minimisant la part du
patient dans cet échec.
•
L’échec en pratique soignante
P Assal et A Lacroix9 proposent une approche plus « psychologique » de l’ETP et développent
l’acceptation de la maladie, les croyances de santé, la problématique des soignants face à la
maladie chronique … avant d’aborder la pédagogie et la formation.
Ils exposent comment les choix professionnels des soignants relèvent souvent d’un désir de
réparer, de guérir, or la maladie chronique les plonge dans l’impossibilité de mettre en œuvre cet
idéal soignant. Ce renoncement peut être difficile voire impossible ou expliquer 2 attitudes
opposées des soignants : baisser les bras pour certains, ou « s’acharner » sur le patient pour
d’autres.
9
LACROIX A., ASSAL J.P. L’Education thérapeutique des patients.
19
Pour expliquer ce comportement Isabelle Conseil10 remonte aux origines de la profession.
L’enseignement des infirmières a été dicté pendant des années par les médecins en fonction de ce
qu’on attendait d’elles, conformément à l’image de la femme, voire à celle de la religieuse et aux
valeurs traditionnelles associées : obéissance, douceur, gentillesse, dévouement, don de soi….
L’infirmière a été longtemps maintenue dans un rôle d’exécutante, « instrument du médecin,
prolongement de ses sens et de sa main »
Construite sur ce mythe de l’éternel féminin11, la profession a longtemps été définie par la
définition même de l’infirmière (1922 à 1978). La bonne ou mauvaise « piqueuse » détermine la
bonne ou mauvaise infirmière. L’identité de l’infirmière se construit à partir de ses prestations et
non par l’héritage d’un métier ou d’une profession.
Avec l’apparition du rôle propre en 1978, les infirmières obtiennent une zone d’autonomie dans
leur pratique, mais se trouvent écartelées entre leur rôle sur prescription (soins techniques et gestes
thérapeutiques réalisés sous la responsabilité ou en présence du médecin) et leur rôle propre qui les
ramène aux fondements de leur profession : prendre soin (dans un rôle plus relationnel).
Difficile pour l’infirmière de trouver une réelle autonomie et une satisfaction dans la réalisation de
soins sous la dépendance médicale pour la partie thérapeutique et relevant du rôle propre pour la
partie relationnelle.
W. Heesbeen développe ce concept du « prendre soin12 », essence même de l’art infirmier, qui
pour une majorité d’infirmières signifie « satisfaire les besoins du malade, l’aider à retrouver ses
ressources physiques, spirituelles et affectives, faire en sorte qu’il se sente bien… ».
Nous constatons l’ampleur de la tâche quand ces valeurs professionnelles rencontrent dans la
maladie chronique l’impossibilité de guérir, les complications, le deuil de la santé.
« A force de ne pas guérir, on s’use » (Anne Véga, ibidem note 10).
Ajoutant à cela, cette fâcheuse tendance qu’ont les infirmières de faire passer le besoin des patients
avant leurs propres besoins, R. Poletti13 fait remarquer aux soignants qu’il faut apprendre à prendre
soin de soi pour pouvoir prendre soin des autres. De même, J. Salomé14 toujours attentif au sens
des mots et des maux, ne manque pas nous faire réfléchir sur le « soi-niant ».
10
CONSEIL, Isabelle. La personnalité de l’infirmière et son incidence sur le choix professionnel.
M.F. COLLIERE. Identité infirmière…mythe…rêve ou réalité.
12
HESBEEN W. La qualité du soin infirmier. Paris : Masson Editeur, 1998, 207 p
11
13
14
POLETTI R. 12 Conférences choisies
SALOME J. T’es toi quand tu parles.
20
En éducation thérapeutique, l’infirmière gère non seulement le soin, mais aussi l’éducation, or
nous l’avons vu, l’éducation relève plutôt de la pédagogie. Les 2 démarches, bien que comportant
des similitudes (recueil d’information, objectifs, actions…), présentent d’énormes différences :
finalité, méthode, formation, voire métier, décrites par Claudine Braisant15. (Annexe 1)
Ainsi malmenée dans son identité, dans sa mission de guérir et dans sa mission pédagogique, il est
normal que l’infirmière ressente ce malaise. Nous sommes dans une situation où l’idéal soignant
malmené à la longue peut conduire au Burn-out dont une des composantes est justement l’écart qui
existe entre l’idéal du moi (ainsi que dans l’idéalisation de la profession d’aide qu’on a choisi pour
réaliser cet idéal) et les limites d‘efficience rencontrées dans la réalité de l’exercice professionnel.
Cette usure psychologique se ressent tout particulièrement dans les professions très relationnelles.
•
Changer la perception des infirmières
Puisqu’il semble difficile d’agir rapidement sur l’identité infirmière, ou de demander à ces
dernières de renoncer au fondement même de leur vocation, encouragée par l’approche de Pascal
Gache au module 2, je souhaite explorer la façon de mieux vivre une relation ou une situation
lorsqu’il est difficile de la changer, ou mieux d’adopter une attitude compatible avec une issue
favorable. Ayant abordé ces thèmes autrefois en PNL, je me replonge dans cette discipline.
Science de la communication, la PNL16 a été modélisée par John GRINDERet Richard Bandler,
respectivement linguiste et mathématicien, et tous deux docteurs en psychologie.
La PNL propose des techniques qui permettent de développer l’habileté relationnelle à travers une
meilleure écoute et observation de l’interlocuteur. On peut également considérer la PNL comme un
outil de changement et de compréhension du fonctionnement du cerveau.
On y découvre que la pensée précède l’action, tout évènement ou action est perçu par un « canal »
(visuel, auditif, kinesthésique) et s’associe à une émotion, c’est « l’ancrage ». Ultérieurement, le
simple fait de repenser à l’évènement déclenchera l’émotion initiale (comme la madeleine de
Proust).
15
16
BRAISANT C. Soigner c’est aussi informer et enseigner.
CAYROL A., BARRERE P. La Programmation Neuro-Linguistique.
21
La PNL affirme que le cerveau ne sait pas se représenter la négation : « ne pense pas à un verre »
amène irrémédiablement à visualiser un verre. En conséquence, la PNL enseigne à penser toujours
positivement, à formuler des objectifs positifs ; une pensée positive permettra de déclencher une
action positive : c’est une sorte de reprogrammation du cerveau.
A l’inverse, des pensées et attentes négatives conduisent plus facilement à des résultats négatifs.
Or, nous avons justement tendance naturellement à penser ou à nous exprimer négativement : « il
ne faut pas que j’oublie le pain, attention tu vas te faire mal… » et à faire le listing de tout ce qu’un
patient ne sait pas faire sans considérer ses acquis.
En PNL, il n’y a pas d’échec, il y a seulement des résultats : un échec est une façon de savoir qu’on
n’est pas sur la bonne voie : Edisson a échoué 999 fois avant d’inventer l’ampoule à
incandescence, mais il a aussi découvert 999 façons de ne pas l’inventer !
Chacun a en lui les ressources nécessaires pour faire face à une situation, et peut apprendre de toute
situation : l’épreuve peut devenir enseignement. Si une expérience négative se reproduit, c’est
qu’on n’a pas compris sa fonction utile car derrière chaque comportement se cache une intention
positive. L’expérience négative se reproduira tant qu’elle apportera un bénéfice secondaire. Au lieu
de chercher à changer le comportement, il vaut mieux en comprendre le bénéfice secondaire.
Nous retrouvons ce concept dans la répétition des scénarios de vie17 : les échecs peuvent se répéter
tant que la personne n’a pas tiré la leçon de la situation.
M.A. Vigil-Ripoche18 le confirme : « « les rechutes ne sont pas vécues comme une opportunité
d’apprendre et de réapprendre… Elles les vivent comme des échecs c'est-à-dire qu’elles auraient
mal fait leur travail »
Dans le même ordre d’idée, selon Watzlawick19, un problème peut être maintenu par une manière
inadéquate de l’envisager, et donc des solutions inappropriées. Les solutions tentées sont souvent
celles qui ont créé, maintenu ou exacerbé le problème : « le problème, c’est la solution ».
Je cherchais comment développer un regard infirmier bienveillant, la PNL m’enseigne : « en
chacun de nous il y a un roi, parle lui il apparaîtra ».
17
COTTRAUX J. La répétition des scénarios de vie
VIGIL – RIPOCHE M.A. D’exécuter le soin à penser le soin.
19
WATZLAWICK P., HELMICK BEAVIN J., JACKSON D. Une logique de la communication.
18
22
3. BIBLIOGRAPHIE
1. DUCOURANT B. Sentences et proverbes de la sagesse chinoise. Paris : Edition Albin Michel, 2006,
230 p.
2. DECCACHE A. Quelles pratiques et compétences en éducation du patient ? Recommandations
OMS. Education du patient et enjeux de santé, 2002, volume 21, N°1.
3. DHOS, Circulaire DHOS/E2 N° 2007-216 du 14 mai 2007 relative au développement de l’éducation
thérapeutique du patient atteint de maladies chroniques, , http://www.sante.gouv.fr
4. RAYNAL F., RIEUNIER A., Pédagogie : dictionnaire des concepts clés. Issy-Les-Moulineaux :
ESF Edition, 2007, 414p.
5. D’IVERNOIS JF., GAGNAIRE R. Apprendre à éduquer le patient. Paris : Editions Vigot, 1995,
189p.
6. DGS, Rapport du groupe de travail de la DGS, Actualité de la réflexion sur l’éducation
thérapeutique, 2000, 15 p, http://www.sante.gouv.fr
7. SAOUT C. Pour une politique nationale d’éducation thérapeutique du patient. Rapport présenté à
Mme Bachelot- Narquin, septembre 2008, http://www.sante.jeunesse-sport.gouv.fr
8. DHOS. Circulaire N° DHOS/E2/F/MT2A/2008/236 du 16 juillet 2008 relative au financement de la
mission d’intérêt général. http://www.sante.gouv.fr
9. LACROIX A., ASSAL J.P. L’Education thérapeutique des patients. Paris : Editions Vigot, 1998,
205p.
10. CONSEIL, Isabelle. La personnalité de l’infirmière et son incidence sur le choix professionnel Paris : Edition Lamarre, 1990.
11. M.F. COLLIERE. Identité infirmière…mythe…rêve ou réalité. Soins N° 645 – mai 2000.
12. HESBEEN W. La qualité du soin infirmier. Paris : Masson Editeur, 1998, 207 p.
13. POLETTI R. 12 Conférences choisies. Genève : Edition Sophia, 1985, 158 p.
14. SALOME J. T’es toi quand tu parles. Paris : Editions Albin, 1991, 183 p.
15. BRAISANT C. Soigner c’est aussi informer et enseigner. Paris : Edition du Centurion, 1990, 81 p.
16. CAYROL A., BARRERE P. La Programmation Neuro-Linguistique. Paris : Les Editions ESF,
1988, 78 + 30p.
17. COTTRAUX J. La répétition des scénarios de vie. Paris : Edition Odile Jacob, 2003, 279 p.
23
18. VIGIL – RIPOCHE M.A. D’exécuter le soin à penser le soin. Recherche en soins infirmiers.
N° 85 – juin 2006.
19. WATZLAWICK P., HELMICK BEAVIN J., JACKSON D., Une logique de la
communication. La Flèche : Edition du Seuil, 1979, 280p.
24
4. RAPPORT DE STAGE
Confortée par ma recherche bibliographique et toujours dans l’idée d’aider les infirmières à porter
un autre regard sur les situations d’échec en ETP, j’ai souhaité me tourner vers d’autres pathologies
dans lesquelles les patients sont susceptibles de suivre un parcours difficile, comportant un lourd
vécu psychologique, une prise en charge longue, complexe, jalonnée d’écarts et de rechutes,
parfois en l’absence de guérison, souvent dans le statut de malade chronique : les addictions.
Alcoologie, tabacologie, toxicomanie, troubles du comportement alimentaire étaient autrefois
traités dans des lieux distincts. Désormais des centres spécialisés dans la prévention et le traitement
des addictions regroupent ces pathologies, travaillent de façon pluri-disciplinaire, avec
des
parcours variés alternant hospitalisation, soins de suite, suivi ambulatoire et une prise en charge la
plus systémique possible.
Ayant ainsi constaté ces similitudes avec la prise en charge du diabète, j’ai souhaité observer
l’attitude des soignants travaillant dans ce milieu des addictions. Mon idée étant que les soignants
formés à ces pathologies et exerçants en milieu psychiatrique auraient certainement une approche
différente, voire un autre comportement ou discours envers leurs patients.
Il existe depuis 1994 au CHU de Nancy une structure appelée UFATT : Unité fonctionnelle
d’accueil et de traitement des toxicomanes, située 22 bis, rue de Malzéville à Nancy (Annexe 2).
Elle accueille des patients atteints de pathologie addictive, essentiellement toxicomanes. Rattachée
au pôle de spécialité médicale 1 du CHU dont le chef de pôle est le Pr Kahn, elle dépend du service
de psychiatrie et psychologie clinique du Pr Schwan géographiquement situé à 30 km (à
Dommartin les Toul).
Un projet doit réunir dans un avenir prochain cette structure avec le centre de consultation
d’alcoologie et d’addiction, pour fonder le CSAPA : Centre de Soin Ambulatoire et de Prévention
des Addictions.
L’équipe de l’UFATT se compose de 2 médecins psychiatres, 1 interne en psychiatrie, 1 interne en
médecine générale, 2 médecins vacataires, 2 psychologues, 1 cadre de santé, 8 infirmiers, 2
éducateurs spécialisés, 50% ETP assistante sociale, 1 secrétaire.
25
Ouverte de 9h à 17h30 du lundi au vendredi (sauf le jeudi : 12h à 17h30), elle a une situation
particulière : maison de ville, située non loin de la vieille ville et d’un quartier commerçant, à
proximité des habitants et à faible distance du CHU dont elle dépend.
Le personnel de l’UFATT participe également au fonctionnement d’autres activités :
⇒ Le centre Méthadone® situé dans des locaux différents à proximité de l’hôpital du centre
ville, seul lieu de dispensation de la Méthadone® (produit de substitution proche de
l’héroïne. L’autre produit de substitution étant le Subutex® que les médecins généralistes
peuvent prescrire).
⇒ La consultation cannabis située dans les locaux de l’hôpital du centre ville,
⇒ L’équipe de toxicomanie de liaison qui aide les équipes soignantes à prendre en charge un
patient toxicomane hospitalisé,
⇒ Le centre « L’échange », lieu d’accueil pour usager de drogue « actif ».
D’autres activités viennent rythmer la vie de l’unité :
⇒ Chaque jeudi matin a lieu une réunion clinique où toute l’équipe est invitée à présenter les
nouveaux cas et échanger sur le suivi de certains patients.
⇒ Un jeudi une semaine sur 2 est dédié à un temps de supervision où un analyste vient
débriefer avec les agents qui le souhaitent sur leurs difficultés dans l’exercice de leur
fonction.
⇒ Un jeudi par mois a également lieu un groupe de parole réservé aux proches de patients
toxicomanes, animé par une infirmière et un psychologue.
Plus de 1000 patients et 200 parents constituent la file active et contribuent à la mission de
l’UFATT : accueil et accompagnement des patients et de leur entourage. Là nous retrouvons les
fondements de l’ETP.
Ma première journée est consacrée à la visite des locaux et à ma présentation aux différents
membres de l’équipe, à la visite de centre méthadone et à un entretien avec le cadre, un infirmier et
un des psychologues.
Le deuxième jour je retourne au centre Méthadone® pour un entretien avec les infirmiers, puis
successivement un médecin psychiatre, et l’autre psychologue.
26
Entre chaque entretien, la salle café me permet d’échanger avec d’autres membres de l’équipe de
façon informelle.
Le dernier jour (une semaine plus tard) me permet d’assister à la réunion clinique hebdomadaire.
Informés de ma venue et de l’objectif de mon stage, l’ensemble de l’équipe se montre d’une
disponibilité exemplaire, m’offre un accueil chaleureux et m’aide très spontanément à répondre à
mon questionnement.
.
•
L’accueil à l’UFATT
Le soin apporté à l’accueil ressort de tous mes entretiens : pour toute l’équipe le premier contact
avec le patient est primordial, la plus grande attention y est consacrée ; en permanence un
éducateur ou un infirmier a pour mission d’accueillir la personne qui va « pousser la porte de
centre », une très lourde porte en fer, difficile à pousser au sens propre comme au figuré. Oser
venir au centre… la démarche peut avoir été difficile, chacun s’emploie à le prendre en compte et à
répondre au mieux à cette première venue.
Répondre à la demande ne veut pas dire donner au patient ce qu’il attend : ni le sevrage ni la
substitution ne sont donnés immédiatement. Toute demande différée sera expliquée.
Les autres venues sont pour de l’information, un traitement de substitution, un avis pour un proche,
un renseignement sur les modalités de prise en charge… Certains patients semblent redouter une
prise en charge enfermante, contraignante.
Ce qui m’interpelle le plus c’est cette attention toute particulière portée à l’accueil, sous-tendue par
l’idée que une fois sur deux la personne ne reviendra pas ou pas dans l’immédiat : il se passe
souvent plusieurs mois ou années avant ce retour. Le plus surprenant est que ce fait est
parfaitement intégré et semble naturel pour chaque membre de l’équipe.
A noter : la personne ayant réalisé ce premier accueil deviendra le référent du patient pour toute la
durée de la prise en charge future, même si elle débute longtemps après.
La volonté est vraiment de faire de cet accueil un moment unique, de créer un lien peut être très
mince mais qui permettra au patient de retrouver le chemin du centre quand ce sera le bon moment,
quand il sera vraiment prêt, un peu comme une graine qu’on sème et dont on ne sait pas si elle
germera ou pas. C’est aussi dès ce premier contact que se tissera la relation de confiance
indispensable pour la prise en charge future. Nous retrouvons là un ancrage évoqué en PNL.
Les modes de venue varient : demande de la famille, du médecin traitant, de travailleurs sociaux…
et parfois sur
« injonction thérapeutique », sorte d’obligation de se soigner. Curieusement ce
27
début de soin sans démarche volontaire du patient ne semble pas préjudiciable à la suite des soins
et peut se révéler le « déclic » utile, comme nous voyons parfois en diabétologie où un évènement
de vie comme une plaie peut devenir un levier de changement.
•
La prise en charge à l’UFATT
Dans cette structure, contrairement à la diabétologie, il n’y a pas de parcours type ou de
chronologie à respecter (sauf dans les cas d’injonction thérapeutique). Toutes les options sont
possibles, toutes les prises en charge sont envisageables : sevrage puis substitution, substitution
seule, substitution sans sevrage…
La seule ligne de conduite qui se dessine est la demande du patient ou l’adaptation à sa situation.
Là encore tous les témoignages concordent : pas de prise en charge possible en l’absence de
demande du patient.
Il n’ y a pas de situation d’urgence identifiée (la seule urgence vitale étant l’over-dose), malgré la
demande pressante de certains patients ou familles. Le sevrage n’est jamais une urgence, il peut se
réaliser en ambulatoire (de préférence dans un contexte socio-familial favorable) ou en
hospitalisation. Le sevrage physique pendant lequel est ressenti le manque ne dure pas plus de 5 à 7
jours, il est accompagné de médicaments destinés à diminuer les troubles : douleurs, troubles
digestifs, anxiété, troubles du sommeil…
Je retrouve comme en diabétologie une équipe pluridisciplinaire avec psychologue, médecin,
assistante sociale et une prise en charge globale : l’évolution favorable ou la simple stabilisation du
patient ne sont envisageables que si parallèlement un projet professionnel ou un travail de
reconstruction personnel se mettent en place. De même, nous revoyons les notions abordées
précédemment : le comportement addictif ou le produit a une fonction et la simple suppression du
produit ne résout pas le problème.
Voici à présent ce qui m’a interpellé dans les différents entretiens que j’ai eus avec les membres de
l’équipe :
•
Entretien avec le cadre de l’UFATT
La prise en charge est influencée par le courant psycho-dynamique de la psychiatrie : le patient est
acteur de son évolution et doit trouver lui-même le chemin de sa guérison, le principe de sa libre
28
adhésion s’impose, cette approche tend à se confronter avec une autre dite comportementaliste, qui
conduit à une pratique plus prescriptive issue de la médecine traditionnelle où le soignant serait
plus guidant, plus injonctif envers le patient.
A l’UFATT, l’objectif de la prise en charge n’est pas le sevrage, la réponse se veut adaptée à la
demande du patient, là où il en est, et à sa situation considérée de façon globale (vie sociale,
famille, ressources…).
•
Entretien avec le psychologue de l’UFATT
La place laissée à l’expression est primordiale, il faut laisser parler le patient, le guider vers
l’autonomie, diminuer sa dépendance, travailler avec lui sur la place du produit dans sa vie :
cheminer vers l’émergence de désir venant remplacer le besoin du produit dans sa vie.
Il n’est pas rare que les patients alternent sevrage et réintoxication : lors de cette pratique, le
sevrage permet de ressentir de nouveau des effets du produit que l’accoutumance avait gommés.
Cela n’explique pas forcément la rechute, mais le patient trouve alors un bénéfice dans la rechute,
paradoxalement grâce au sevrage. On retrouve une démarche similaire en diabétologie quand on
remonte les objectifs glycémiques d’un patient pour qu’il retrouve la sensation des hypoglycémies.
Le psychologue parle de bénéfice et de réintoxication, mais n’emploie pas le mot rechute ou échec,
il met en avant la qualité de la structure psychologique de la personne dans la réussite du sevrage,
et invite à considérer la place que la personne pense devoir occuper, y compris dans l’échec.
Il insiste sur le fait que c’est la relation qui est thérapeutique, pas l’infirmière.
•
Entretien avec les infirmiers de l’UFATT
L’objectif de la prise en charge serait de diminuer ou arrêter la substitution, mais une situation
stable sans infection ou délinquance pour se procurer un produit ou sans signes de manque ou
marquée par un début de reconstruction est une forme de succès.
Les infirmiers évoquent l’échec du Subutex® conduisant à un passage sous Méthadone®, mais il
est abordé non pas de façon négative, mais en terme de ressenti de patient (déception envers le
traitement, manque d’accompagnement du médecin…), de raison liée au médecin traitant (arrêt
prématuré…) et non en terme de « mauvais élève non observant ».
Un infirmier présente la consultation cannabis : il constate chez les soignants de cette consultation
un malaise lié au fait de ne « rien avoir à donner », car il n’est pas délivré de traitement de
29
substitution qui replace l’infirmier dans sa fonction thérapeutique à travers une réponse
médicamenteuse.
Au centre Méthadone®, les patients viennent chaque jour prendre leur traitement en présence des
soignants. L’observance est favorisée par l’évitement d’effets secondaires désagréables : les
patients considèrent la Méthadone® comme « magique ». En revanche, le Subutex®, lui est
largement « mésusé », c'est-à-dire revendu, injecté….
Evoquant ce temps parfois très long pendant lequel un patient « est dans la nature », sans prise en
charge, les infirmiers confirment une totale acceptation de ce parcours qui appartient au patient,
quand il se présente, on reprend simplement le cours du suivi, là où il en était.
Pour le déclic qui pousse à demander des soins : « il faut que cela leur pose problème ».
Un patient qui ne prend pas son traitement ne semble pas un problème pour le soignant : il
considère simplement que le patient n’est pas prêt et qu’il faut respecter cette maturation.
Un patient peut revenir 6 fois et plus pour le même problème sans avoir changé de comportement,
on respecte ce parcours : il ne servirait à rien de le forcer, l’infirmier connaît sa place, ses limites, il
sait qu’il faut au contraire laisser le patient se confronter au problème pour susciter un changement.
Parfois il existe une forte demande de soins « contraints » de la part de familles, en particulier de
parents qui demandent aux soignants de réussir là ou eux-mêmes ont échoué. Dans ce cas, le
soignant veille à prendre du recul et à ne pas endosser cette responsabilité : il fera son travail de
soignant, mais laissera le patient faire son chemin, même si ce chemin ne conduit pas à la réussite
demandée. C’est le patient qui doit avancer et faire un travail sur lui, avancer à sa place ne servirait
à rien. Si le soignant ou les parents contraignaient l’adolescent, celui-ci resterait dans son statut de
dépendant, or il a besoin de s’autonomiser.
Tous mentionnent l’importance d’entendre le symptôme qu’est la toxicomanie.
L’Infirmier de l’équipe de liaison fait remarquer que dans les services « traditionnels » où sont
hospitalisés les patients, la demande des soignants est « que le problème soit réglé » : ils voudraient
supprimer le traitement de substitution pour faire disparaître le problème. On sent qu’ils ne sont
pas dans l’esprit d’un traitement ou d’un suivi au long cours, mais dans la logique de supprimer la
maladie.
30
•
Entretien avec le médecin de l’UFATT
La finalité de la prise en charge reste l’absence de drogue, mais c’est le très long terme qui est visé,
et les interventions ne se font pas dans l’obsession de la réussite ou dans la pression. L’équipe est
habituée à se donner du temps, le temps qu’il faut.
S’il n’y a pas de rechute, c’est qu’il n’y avait pas de dépendance, cela fait partie du processus, mais
il faut parfois la dédramatiser pour le patient.
C’est un postulat : l’échec est celui du patient, pas celui du soignant.
En cas de récidives multiples, deux options sont possibles : maintenir la stratégie car le patient a
besoin d’un cadre, même si il rencontre des obstacles, il a besoin de cette limite, mais parfois il
faut envisager une autre stratégie. C’est là une des perspectives des synthèses cliniques : elles
permettent dans les cas difficiles d’analyser la situation avec plusieurs regards pour envisager une
autre façon d’agir.
•
Entretien avec la psychologue de l’UFATT
Même l’injonction thérapeutique qui ressemble à une prise en charge forcée n’est finalement pas
totalement prescriptive car l’obligation réside seulement dans le suivi, il n’ y a pas de contrôle
visant à s’assurer de l’absence de consommation. On imagine mal en diabétologie un suivi de
patient sans HbA1c !
Encore une fois la justification réside dans la philosophie de soin : plus on met la pression, plus il y
a de chance que le patient transgresse et se mette encore plus en danger.
Une confrontation brutale avec la réalité peut permettre le déclic pour une demande de prise en
charge : infection, interpellation, rejet de la famille, de l’employeur…
La relation de confiance est plus importante que le conseil qu’on va donner, certes l’objectif reste
une perspective de sevrage, mais l’important est de rester centré sur la relation. Ainsi dans tous les
cas, même si résultat n’est pas celui qu’on espérait, cette bonne relation sera au moins une source
de satisfaction pour les deux parties. Nous retrouvons la notion de relation « gagnant-gagnant »
évoquée par JP d’Ivernois et R. Gagnayre.
Le patient collaborera mieux si il comprend que l’objectif est pour lui et non pour l’infirmier.
Il faut penser à explorer la fonction du maintien du comportement, ou la fonction de la relation
soignant- soigné dans le maintien d’un comportement inapproprié.
Il n’y a pas de prescription dès la première venue, car c’est au fil des différents rendez-vous que va
s’élaborer le projet thérapeutique.
31
Nous finissons par diverses questions et réflexions qui alimenteraient des heures de discussion :
Qu’en est-il du désir du soignant ? Lacan cité par Patrick Montribot20 énonce le « non désir de
guérir chez l’analyste… pour laisser une petite chance au patient de s’arracher à son désir de non
guérir ». Sylvie Le Poulichet expliquant : « vouloir le bien de l’autre, c’est vouloir que l’autre
devienne son bien » …..
Dans ce stage, j’ai découvert une philosophie de soin vraiment différente de ce qui se pratique en
médecine traditionnelle, et plus en accord avec mes convictions personnelles. Même si dans mon
service tout est fait pour mettre en œuvre l’ETP en collant au mieux aux meilleures théories du
changement, de l’acceptation de la maladie…, je suis confortée dans l’idée que nos pratiques
restent trop injonctives, toujours motivées par le soucis du bien du patient, mais à trop court terme,
en s’éloignant de sa qualité de vie, de son acceptation, de ses désirs et propres objectifs.
Quant aux soignants, agrippés à leur désir de guérir et de vouloir pour le patient, ils gagneraient à
lâcher leur propre objectif soignant pour laisser le patient s’exprimer, considérer son état d’esprit
dans l’instant présent plutôt que ses complications dans un avenir incertain.
Je ne peux que faire le constat de ces deux philosophies soignantes qui gèrent des situations
similaires de façon si différente. Je suis persuadée que nous aurions à y gagner en nous inspirant de
cette approche laissant plus d’autonomie au patient.
20
Cahiers psychanalytiques de l’est N°9 Automne 2000
32
5. PROJET
Vient le temps de mettre à profit ces lectures, réflexions et observations au sein de mon service de
Diabétologie Nutrition.
Mon intention consiste à proposer dans une perspective cadre une action concrète, utile pour tous
les soignants et répondant à la fois à ma réflexion, mais aussi aux difficultés quotidiennes des
infirmières mentionnées au début ce travail.
L’ensemble de l’équipe étant mobilisé autour de notre prochain déménagement vers un autre site
situé à 30 km, accompagné d’une restructuration, d’un éclatement du service sur 2 secteurs séparés
et d’un éventuel changement de pôle, le projet se devait de rester raisonnable.
Constat :
Avec une infirmière d’hospitalisation et une infirmière d’éducation formées à l’ETP et soucieuses
de travailler sur cette problématique du patient mettant en difficulté le soignant, nous avons choisi
2 patients et analysé leur prise en charge.
Chaque cas est présenté (annexe 3) avec le recueil de données correspondant.
Analyse :
Voici les remarques que ce travail nous a inspiré :
1. Pour les patients :
o Ces 2 patients sont chacun porteurs de 2 maladies chroniques, ce qui complexifie la prise en
charge : chaque étape de la seconde maladie (annonce, étape du deuil…) fait revivre à
l’identique les étapes de la précédente. Ce processus peut nuire à l’éducation si les étapes du
premier deuil n’ont pas été exprimées ou vécues. Cela renforce la nécessité d’accompagner au
mieux l’arrivée dans une maladie chronique, en particulier son annonce.
33
o Paradoxalement, cette première maladie difficilement vécue peut devenir un levier pour ne pas
reproduire les éléments négatifs de la première et essayer d’avoir une prise sur cette maladie :
mieux la gérer pour mieux prévenir les complications. (Tous 2 sont en locus interne).
o Nous constatons également l’intérêt d’un « évènement de vie » pour motiver un patient à
débuter ou reprendre une éducation : ex : projet de grossesse de Melle G, diagnostic
d’intolérance au glucose de Mr T. Même dans l’impasse, un élément imprévu peut devenir un
levier pour rebondir.
o Mr T n’aurait probablement pas bénéficié d’un parcours spécifique diabète si nous n’avions pas
réalisé ce travail commun car il n’est pas diabétique et il n’est pas habituel d’éduquer ce genre
de patient. Son adhésion et son enthousiasme nous ont confortées dans l’idée de l’avoir intégré
dans ce parcours et nous révèle que la motivation peut surgir en cours de route. Attendre que le
patient soit prêt n’est pas toujours opportun, un petit coup de pouce peut accélérer un peu le
processus.
o Nous retenons l’importance d’une relation de confiance dès le début de la prise en charge, et
l’intérêt d’inclure très tôt les patients dans un parcours, même si il n’y a pas encore d’objectif
et d’action éducative précis : le simple fait d’accompagner et écouter les patients les met en
confiance et les rend réceptifs pour la suite de l’éducation. Pour Mr T, il n’y avait pas eu
d’objectif lors du 1er diagnostic éducatif, il n’était pas demandeur d’un suivi, le respect de son
choix a sûrement contribué à son bonne adhésion au parcours quand cette fois la demande
venait de lui.
o Une éducation est débutée dès l’annonce diagnostic, le diagnostic éducatif n’est pas encore
réalisé, ni la formulation d’objectifs, et pourtant cela conditionne le bon déroulement de la
suite de l’éducation
o Chez ces 2 patients inclus dans un circuit ETP dès le début de leur maladie, nous constatons
qu’un suivi précoce et régulier permet des résultats positifs rapides, encourage les patients
dans leurs efforts, et permet de corriger rapidement les « dérapages ». En s’appuyant sur des
résultats positifs il est plus facile d’agir que lorsque le patient a subi de multiples échecs.
34
o Intérêt d’un échec pour reconsidérer une situation : ex : Melle G a peu progressé entre ses 2
venues (persistance des hypoglycémies, du défaut d’auto-surveillance, des lypodystrophies...).
Lors du dernier rendez-vous d’éducation, l’entretien approfondi permet de cerner la douleur
comme facteur de non observance, et de proposer des mesures adaptées.
•
o
2. Pour les soignants :
C’est la réunion de 3 perceptions différentes de ces patients par les 3 soignants qui a permis
de faire émerger une possibilité d’action éducative pour Mr T, cela démontre l’intérêt de la
pluridisciplinarité et la nécessité de prévoir un temps d’échange de ces informations et de
partager les mêmes documents
o
L’éducation est un processus continu dans le temps : les soignants sont souvent frustrés par la
courte durée d’hospitalisation et considèrent tout ce qu’ils n’ont pas eu le temps d’aborder et
tout ce que le patient ne sait pas. Ils doivent apprendre à considérer ce qui est fait, vu et su, et
savoir laisser le reste qui sera abordé lors d’une prochaine séance ou par un autre intervenant.
o
Nous avons été interpellées par les différences significatives sur un diagnostic éducatif fait
par 2 personnes différentes à 1 mois d’intervalle : la différence de cotation montre la grande
évolution du patient au fil des venues, mais nous amène à nous interroger sur la subjectivité
dans l’utilisation de nos échelles : quelques critères pourraient en préciser l’utilisation, ou la
cotation pourrait se faire par le patient lui-même, nous éviterions ainsi la subjectivité de
personnes différentes et augmenterions la participation du patient.
o
Nous avons constaté que chaque document a tendance à être utilisé par un seul professionnel,
et rarement par plusieurs (ex de Mr T : 1er diagnostic fait par la diététicienne sans
intervention infirmière et inversement). De même chaque professionnel a tendance à écrire
ses objectifs et à en assurer le suivi pour lui-même, un bilan partagé se révèle indispensable.
Il est réalisé en hospitalisation de jour, mais en hospitalisation traditionnelle, l’équivalent
n’existe pas (ou n’existe plus : autrefois les hospitalisations duraient plus longtemps, une
visite assise « éducation » permettait de faire le point en équipe. A présent, la durée moyenne
de séjour se réduisant souvent à 3j, ce temps partagé est exclut : l’hospitalisation ne permet
que de traiter les aspects techniques et médicaux, l’éducation est traitée en externe).
35
o
Nous confirmons mon constat de départ : nous avons tendance à programmer un « rendezvous d’éducation » comme mode d’action, quelque soit l’objectif ou le problème du patient
Pistes d’action :
Ce travail commun a permis de réunir 3 regards différents de 3 personnes ayant des missions
différentes, mais travaillant au sein du même service dans l’intérêt du même patient. D’autres
remarques pratiques émergent de cette analyse :
o
Il existe au sein du service plusieurs documents synthétiques, spécifiques à chaque venue du
patient (consultation, hôpital de jour, de semaine...) juxtaposés dans le dossier médical et
infirmier au milieu des autres résultats, examens, courriers...
o
Il faut un temps considérable pour rassembler les informations, elles sont redondantes du fait
des nombreux documents existants (traitement recopié au moins 4 fois) ; beaucoup de temps
est passé à décrire de nouveau une situation déjà connue, mais sans pour autant la
solutionner.
o
Certaines informations pertinentes recueillies lors d’un précédent séjour sont redemandées et
recopiées lors de la venue suivante, avec parfois discordance dans les informations recueillies
et répétition de certaines actions (lecteur de glycémie vérifié 2 fois dans le même mois).
o
Le support de diagnostic éducatif utilisé dans le service est pluridisciplinaire, évolutif, inséré
dans une pochette spécifique ETP destinée à tracer le parcours ETP du patient, mais il ne
suffit pas. Il manque un document permettant de retracer l’évolution de la maladie au fil des
ans et une vision globale de l’éducation.
Notre projet :
Nous décidons de créer un document permettant de répondre aux différents points soulevés dans
notre analyse et de recueillir toutes les informations essentielles à conserver d’une hospitalisation à
l’autre pour éviter de réinterroger le patient à chaque fois, libérer du temps pour les soignants au
profit de la relation et de l’éducation. Ce document devra comporter les caractéristiques suivantes :
o synthétique
o évolutif
o pertinent
36
o simple (compilation de documents existants, il les remplacera)
o compatible avec le dossier harmonisé du CHU
Il permettra d’un seul coup d’œil de visualiser l’histoire de la maladie, les principales étapes (date
de découverte, mise sous insuline…), les différents temps d’éducation (individuelle, groupe, table
ronde…). Il sera facile de voir par exemple qu’un patient a déjà suivi tous les enseignements
existants, et a bénéficié d’un rendez-vous d’éducation à chaque hospitalisation, mais n’a par
exemple jamais rencontré la psychologue.
Dans les cas difficiles, la vision globale de la prise en charge sera facilitée : parcours éducatif,
demandes du patient, et cela évitera de proposer une solution toujours identique à un problème
récurrent. Cela permettra surtout de constater ce problème dont nous n’avions pas la vision
auparavant.
Ce document sera rempli par les paramédicaux, accessible dans le dossier infirmier pendant
l’hospitalisation, il sera consultable par le médecin et rangé dans le dossier patient à la sortie.
L’idéal aurait été un document unique pour les médecins et les paramédicaux, mais les supports et
pratiques institutionnels ne nous le permettent pas. Quand un dossier informatisé nous sera
proposé, un document commun sera envisageable.
Elaboration du document :
En 2 réunions, nous rassemblons plusieurs documents déjà utilisés dans le service ou d’autres en
projet de plus ou moins longue date. Nous établissons une maquette synthétisant toutes les
informations souvent redondantes éparpillées sur de multiples supports : recueil d’entrée, synthèse
d’éducation, dossier d’éducation…
L’informatique permettant aisément de réaliser diverses modifications et mises en page, nous
éditons une première version en format A3 à partir d’un montage de 2 pages A4. (annexe 4)
Phase de pré-test :
Il est testé dans un premier temps uniquement par chacune des infirmières du groupe. Rapidement
nous, constatons les premiers obstacles :
recto verso imprimé dans un sens non compatible avec le dossier de soin
absence de perforation
manque de place pour l’étiquette patient et de nombreuses rubriques
37
Présentation du document :
Nous apportons les modifications nécessaires, et organisons une réunion regroupant les infirmières
d’hospitalisation et d’éducation pour leur présenter notre projet.
Partant du constat et des difficultés mentionnées précédemment, nous expliquons les objectifs du
document, la façon dont il remplacera le recueil d’entrée existant, ses avantages, ses modalités
d’utilisation.
Nous convenons d’une période de test sur le mois de mai. En juin, une réunion fera le point sur les
difficultés rencontrées avant de décider du document définitif et de sa mise en place.
Nous envisagerons de le présenter à une des réunions d’éducation thérapeutique pour inclure les
médecins et les autres intervenants dans la démarche.
Phase de test :
Au début, le document est bien utilisé par les infirmières d’hospitalisation comme recueil dès
l’entrée d’un nouveau patient. Elles ont un peu de mal à s’approprier le nouveau format et la
nouvelle disposition des informations qu’il faut parfaitement maîtriser pour pouvoir écrire les
données pendant l’entretien avec le patient sans trop manipuler le document.
Les infirmières d’éducation utilisant ce recueil dans un deuxième temps ont plus de mal à le
remplir et ont tendance à garder leurs documents habituels, gênées par le type d’information à faire
figurer : recueil d’éducation à l’entrée ou synthèse en fin d’éducation ?
Ensuite, d’autres obstacles sont relevés :
certaines rubriques sont redondantes,
il manque toujours de la place pour écrire : les cases que nous avions voulues pré remplies
pour faciliter le travail ne permettent pas les commentaires individuels indispensables.
L’enthousiasme retombe un peu et en l’absence de temps pour apporter les corrections nécessaires,
le document est délaissé.
L’heure du bilan :
Comme convenu, courant juin, nous réunissons les 2 équipes pour faire le point.
Les remarques précédentes sont confirmées, de plus nous convenons que recueil d’information et
éducation sont intimement liés et décidons de refondre entièrement le document :
Chaque thème sera abordé une seule fois et dans sa globalité : information et éducation, et une
large place sera laissée pour les commentaires.
38
Nous aboutissons au document actuel (annexe 5) que nous mettrons en test seulement au retour des
vacances. Nous améliorons le guide d’utilisation et prévoyons le calendrier suivant : fin Août, à la
réouverture du secteur test de la nouvelle mouture, début septembre présentation à l’ensemble de
l’équipe et mise en place définitive.
39
6. SYNTHESE PERSONNELLE
Nous avons constaté comment les différents textes et ouvrages cités dans la bibliographie visent à
tout mettre en œuvre pour éviter l’échec en éducation thérapeutique, pourtant quand il survient
soignants et patients sont malmenés.
Ayant choisi d’explorer le point de vue des infirmières, nous avons vu qu’il s’agit plus d’un
problème de perception lié à un idéal professionnel élevé ce qui est louable, toutefois il devient
délétère si il prive les soignants d’une satisfaction dans la réalisation de leur exercice.
Il est difficile d’agir dans le domaine de la perception et du ressenti. Les soignants travaillant en
milieu psychiatrique semblent mieux s’accommoder des échecs de leurs patients. Il nous appartient
de nous inspirer de leur pratique pour rendre la notre plus supportable quand nous n’atteignons pas
les objectifs escomptés.
Pour agir dans ce sens, le cadre peut jouer un rôle particulier. Sa position privilégiée lui permet un
regard plus distant, plus systémique : n’étant pas directement dans la situation de soin, il peut
renvoyer aux soignants de nombreux éléments dont ils n’ont pas la perception du fait de leur trop
forte implication dans la situation, notamment les éléments suivants :
ils ne sont pas responsables de l’échec du patient,
l’échec du patient n’est pas l’échec de l’infirmière,
ils ne peuvent pas amener tous les patients au même niveau,
ils ne sont pas les seuls intervenants en cause : la responsabilité est également partagée avec
les diététiciennes, la psychologue, les médecins…
le patient a le droit et le choix d’adopter un comportement de santé non idéal pour lui,
ils peuvent fixer des objectifs moins ambitieux, cela augmentera le niveau de satisfaction
des patients et des soignants,
si les objectifs sont vraiment ceux du patient, ils ont toutes les raisons d’être atteints,
les seules attitudes, pensées, propos, attentes des soignants… peuvent influencer la
situation, le bon déroulement et le succès de l’apprentissage,
en éducation ce qui n’a pas été abordé lors d’une venue pourra l’être la fois suivante,
quand une éducation « tourne en rond », le repérer, « sonner l’alerte », analyser
l’enlisement dans une démarche de résolution de problème,
40
encourager l’intervention de spécialistes (expert en ETP, psychologue, supervision en
équipe),
une fenêtre thérapeutique ne sera pas plus délétère pour le patient qu’un traitement imposé
et non suivi,
inviter les soignants à se former,
définir les finalités et limites de l’éducation, la place attendue du patient et du soignant,
adapter les outils et méthodes pour laisser une large place aux points positifs : succès
précédents, ressources du patient, projet de vie…
inviter les infirmières à prendre soin d’elles mêmes,
considérer un échec non comme un élément négatif à faire disparaître, mais comme un
appel à envisager une autre solution, un indice à prendre en compte et écouter.
Ces mesures sont faciles à mettre en œuvre et peuvent permettre aux soignants de développer ce
regard infirmier bienveillant comme je le souhaitais pour améliorer le déroulement de l’éducation
thérapeutique en hospitalisation.
Pendant cette année de formation, j’ai trouvé une réponse à la plupart de mes interrogations et
acquis ou plutôt construit ma philosophie de l’ETP :
J’ai commencé mon mémoire par la métaphore du chemin. Cette phrase illustre selon moi
parfaitement à la fois le travail et le cheminement de ce mémoire et le concept d’éducation
thérapeutique tel qu’on nous l’a proposé dans cette formation. Elle peut même se révéler une
philosophie de la vie…
Pour le mémoire, cette métaphore du chemin évoque pour moi le fait que prenant une direction
qu’on pense déterminée et dont on n’a pas l’intention de s’écarter, on bifurque parfois vers une
destination inattendue.
Il faut accepter de suivre cette voie sans savoir où elle conduit et laisser le chemin se dérouler sous
nos pas. On a parfois l’impression de piétiner, de ne pas savoir où l’on va et finalement à l’arrivée
il suffit de se retourner et de considérer le chemin parcouru : certaines orientations étaient
inattendues, mais lorsqu’elles sont guidées par de vraies préoccupations et attentes, elles se
révèlent les bonnes.
41
Il en est de même en éducation thérapeutique : il faut avoir une idée de l’endroit où aller, connaître
les étapes de l’ETP telle que définie par la législation, mais garder flexibilité et souplesse dans la
phase de mise en œuvre pour concilier la finalité de la mission des soignants et l’intérêt du patient.
Les cadres peuvent veiller à l’orientation des programmes : certes, il faut des panneaux indiquant
les objectifs, des routes traçant le contenu des séquences pédagogiques et des chemins bordés
d’outils, mais il faut suivre cette voie en sachant regarder les étoiles, en osant faire un détour quand
notre instinct soignant nous le suggère pour découvrir la richesse d’une relation qui ressourcera
suffisamment soignant et patient pour reprendre la suite du parcours plus efficacement que si nous
l’avions suivi d’une traite, aveuglément et sans enthousiasme.
Tout en gardant les étapes, les supports de nos programmes éducatifs et nos évaluations, ne nous
focalisons pas trop sur la démarche et la chronologie : nous l’avons vu, pourvu que la relation et la
confiance soient présentes, tout moment ou toute étape peut être favorable à l’éducation.
Encourageons les infirmières à laisser leurs bons conseils dans le tiroir quand un patient a
simplement besoin de parler, quand il a besoin de faire une pause, quand il ne supporte plus sa
maladie. Aidons les soignants à considérer ces étapes comme inévitables, voire nécessaires et dans
tous les cas constructives et source d’enseignement.
Autorisons les à surprendre le patient en ne lui imposant pas tant de contraintes, en le laissant
expérimenter l’interdit, nous serons surpris de le voir de lui-même redemander un cadre, des
limites, et la poursuite du programme.
Toutes les routes sont bonnes du moment qu’elles accompagnent le patient, prennent en compte ses
désirs et suivent l’intention de l’aider à cheminer là où il peut et veut aller et non pas là où le
soignant a décidé de l’emmener.
«Marcheur, ce sont tes traces ce chemin et
rien de plus. Marcheur il n’y a pas de chemin, le
chemin se construit en marchant.»
MACHADO Antonio
42
7. ANNEXES
43
Annexe 1
44
Annexe 2 a
45
Annexe 2b
46
Annexe 3
LAMBERT Florence
LEROY – DELOFFRE Peggy
VEITMANN Agnès
CAS DE PATIENT N°1
1. RECUEIL DE DONNEES
o Recueil IDE hospitalisation :
Présentation du patient, histoire pondérale :
Mr T , 42 ans, entre en hospitalisation de semaine pour 3 jours pour bilan de surcharge pondérale
(125 kg, 1.76m, IMC 40)
Un mois auparavant : venue en hôpital de jour pour le même motif, lors duquel un diagnostic
éducatif a été commencé, ainsi qu’un parcours ETP pour obésité :
o Bonnes connaissances
o Anxiété à 9
o Locus interne
o précontemplation
o Pas de demande de suivi diet, mais un souhait de suivi psychologique
Prise de poids depuis l’enfance, le décès du père lorsqu’il avait 7ans a été à l’origine de grandes
perturbations : scolaire et comportementale.
A fait de nombreux régimes.
Prise de poids accentuée (+ 10 kg) depuis son licenciement en 2008 dans un contexte anxiodépressif qui peut s’expliquer par de graves pb associés :
o Difficultés professionnelles
o Bec de perroquet vertébraux inopérables = douleur lombaire ++ = traitement par
morphinique
o pb de ménisque mandibulaire nécessitant le port d’une gouttière en permanence.
o difficulté de couple évoqué lors d’entretien préalable avec la diet : l’épouse supporterait
mal les aménagements de vie nécessaire
ATCD et contexte familial
Cadet d’une famille de 3 garçons.
Père obèse : 1, 70m /100 kg (IMC 35) décès d’un cancer du foie
Mère : Prise de poids au décès du papa, cancer du sein il y a 15 ans
1 frère obèse, l’autre fait beaucoup de sport pour stabiliser son poids
Marié, 3 enfants de 7,10 et 12 ans, il s’attache à leur donner une bonne image de lui-même.
Connaît le monde hospitalier, son épouse est aide soignante et travaille en chirurgie de la main,
dans le même établissement que le notre.
Contexte professionnel
Au départ responsable de son propre magasin, il a dû cesser cette activité suite à des difficultés de
gestion et à l’apparition de céphalées occasionnées par un disfonctionnement mandibulaire.
1999 : intègre un poste de salarié en tant que chef de rayon dans une grande surface (33 ans)
47
2005 : arrêt de travail pendant 1 an suite à des dorsalgies chroniques traitées par Skénan
2006 : reprise du travail, prise en charge psy et antidépresseur
2008 : licenciement suite à incapacité de travail pour dorsalgies
depuis janvier 2009 : prise en charge 4 jours par semaine à l’IRR en rééducation à visée antalgique
+ intensification de l’activité physique.
Cadre et habitudes de vie :
Mr T habite en ville ( Nancy ), n’aime pas la marche, mais ferait volontiers du vélo et/ou de la
natation avec ses enfants .
Le port de sa gouttière mandibulaire pourrait représenter un gros handicap esthétique mais le
bénéfice antalgique obtenu est tel qu’il dit ne pas en être affecté.
Mr T se plein souvent d’être très fatigué en journée. (Un dépistage du syndrome des apnées du
sommeil est prévu en cours d’hospit.)
Il se rend volontiers à l’IRR et souhaite essentiellement pouvoir grâce à sa rééducation réduire sa
consommation de morphinique.
Etat psychologique :
Entretien prévu avec notre psychologue
Adhère pleinement à la prise en charge psychiatrique qui lui a été proposée avant de mettre en
place une prise en charge diététique.
Son suivi psy a été interrompu suite au décès de son psychiatre, il ne prend plus d’antidépresseur
mais semble près à chercher un nouveau thérapeute.
Sur le plan diététique :
Est demandeur d’un suivi régulier et ressent le besoin d’être « encadré » car il
grignote le plus souvent par ennui depuis son licenciement
Soins infirmiers :
Le dépistage du syndrome des apnées du sommeil est positif, informations données sur les risques
de conduite et suivi prévu (cs spécialisée pour appareillage)
Intolérance au glucose dépistée lors de l’HGPO : diagnostic annoncé par le professeur du service
lors de la visite quotidienne en présence du cadre de service.
Mise en place d’un traitement par Metformine.
Evaluation du ressenti par rapport à l’annonce du diagnostic, de son degré d’implication dans sa
prise en charge, évocation des actions qu’il pourrait mettre en place pour prévenir l’apparition du
diabète (ex : proposition d’un suivi en entretien individuel avec Ide d’éducation)
o Recueil cadre :
Annonce du diagnostic d’intolérance au glucose par le Pr lors de la visite médicale,
(10 personnes dans la chambre) :
Explication du « pré-diabète» : graves ennuis en perspective si pas de perte de poids.
Proposition d’introduction de Metformine :
o Présentation de l’efficacité dans un cas sur 2 pour justifier cette prescription précoce »
o annonce du non remboursement pour cette indication
o annonce des effets secondaires possibles avec atténuation possible au bout de quelques
semaines
o explication sur la présentation : « grosses pastilles à avaler, mais possibilité de sachets.
48
Réaction du patient :
o à l’annonce du diagnostic : ne parait pas inquiet, semble bien comprendre le mécanisme de
la pathologie et les enjeux pour sa santé, à l’écoute, bien conscient de son pb de poids.
o A la proposition de traitement : « c’est pas un problème, j’avale n’importe quoi »
o Recueil IDE d’éducation :
Pré-requis : lecture du dossier d’hospitalisation
Entretien de prise de contact en vue d’un éventuel parcours ETP diabète / obésité
Reformulation de l’annonce et évaluation de l’état psychologique:
o Pas effrayé par la maladie, mais plutôt par la contrainte des traitements injectables
(insuline)
o Satisfait de la prise en charge précoce : possibilité d’agir avant le diabète avéré
Traitement : a bien entendu les effets secondaires et leur atténuation possible, pas d’inquiétude car
plutôt constipé avec Skénan
Activité physique actuelle :
o pris en charge par IRR : Hospit de Jour 4X/ semaine 9h – 12h (45mn vélo, 1h piscine +
musculation)
o n’aime pas la marche
Attentes :
o Besoin d’être encadré (demandeur d’un suivi diététique régulier, NB : non souhaité lors du
diagnostic éducatif commencé par la diet)
o information sur apnée du sommeil (dort très mal, réveils multiples, endormissement diurne)
Proposition d’un parcours ETP diabète / obésité : accord du patient
2. OBJECTIFS D’ENSEIGNEMENT
Objectif global infirmier:
Mr T doit être capable de prendre en charge son traitement ADO
Objectifs spécifiques :
o citer les modalités de prise de ses comprimés
o reconnaître les principaux effets secondaires
Objectif infirmier:
Mr T doit être capable de se motiver au maintien d’une activité physique régulière à l’arrêt de
l’IRR
Objectif global diet :
Mr T doit être capable de limiter ses grignotages en dehors des repas
Mr T doit être capable de ressentir la satiété lors des repas
49
3. ACTIONS MISES EN OEUVRE
Suite et aménagement du parcours ETP débuté en avril :
o RV d’éduc avec IDE:
Méthode : écoute active, accompagnement dans la résolution de problème
Nouveau diagnostic éducatif (diagnostic précédent non disponible) : éléments significatifs
o Locus interne
o Stade de préparation
o Levier :
o intérêt des traitements bien compris. A déjà l’habitude prendre de nombreux
médicaments
o impression d’une action possible sur la glycémie par la perte de poids
o motivation par apnée du sommeil
o désir d’être un modèle pour ses filles qui croient en lui (cf entretien psy)
o habite à proximité
o supporte un programme de suivi intensif
o obstacles :
o 2 maladies chroniques associées
o échec antérieur de perte de poids
o projet : continuer vélo appartement et piscine avec enfants
o Devenir : cs apnées du sommeil
o Suivi diet J 30 :
A perdu 4 kg en 1 mois, sans frustration et en diminuant les quantités au repas, est motivé par le
diabète. Sera revu en septembre
o Suivi IDE J 30 :
L’IDE complète le diagnostic éducatif, évalue le ressenti de l’hospitalisation, complète les
connaissances du patient sur la pathologie
Méthode : écoute active, accompagnement dans la résolution de problème
Perte de 4 kg en 1 mois
o une expérience précédente de tentative de perte de poids en 2005 s’est soldée par un échec car
les douleurs étaient si intenses et invalidantes qu’il n’imaginait pas qu’une simple perte de
poids pourrait améliorer significativement son état
o la découverte de l’intolérance au glucose le motive : en surveillant ses paramètres sanguins et
en perdant du poids, il peut agir sur l’évolution de la maladie et retarder l’apparition du diabète
(contrairement à la pathologie de son dos qu’il a subie sans pouvoir agir)
o Suivi du traitement : a ressenti des douleurs abdo au début (2 semaines), mais a bien supporté
et persisté dans l’observance car avait été prévenu de ces inconvénients
50
o Suivi de l’activité physique : est toujours hospitalisé (de jour ) à l’IRR, aimerait poursuivre,
mais craint refus de suite de prise en charge. A anticipé en cas de refus : peut rapatrier son vélo
d’appartement de l’IRR vers son domicile, part en famille au bord de la mer : envisage de nager
quotidiennement, aimerait tester vélo sur route en famille si dorsalgies supportables
Un suivi diététique est prévu
CAS DE PATIENT N°2
1. RECUEIL DE DONNEES
o Recueil IDE hospit
Présentation du patient, histoire de la maladie :
Melle G, 21 ans est hospitalisée pour déséquilibre de son diabète type 1 (Hba1c 12.3%)
diagnostiqué en 2007. La même année, elle apprend qu’elle est également atteinte du syndrome de
Sharp (polyartralgie très invalidantes + syndrome de reynaud). Souffre d’un herpes génital.
Elle est actuellement sous Humalog / Lantus. (pas de traitement corticoide pour sa polyartralgie)
Elle semble avoir les connaissances nécessaires à la prise en charge de son diabète, mais a arrêté
l’autosurveillance glycémique et en conséquence n’adapte pas correctement son insuline.
ATCD et contexte familial
Cadette d’une famille de 3 enfants, seule diabétique de sa famille. Vit avec un ami à Toul. Elle est
accompagnée lors de son admission par sa maman avec laquelle elle semble entretenir une relation
très proche et complice.
Contexte professionnel
Elle était coiffeuse, a du arrêter son travail et envisager un reclassement professionnel.
Elle reprendra des études en juin 2009 afin de devenir assistante maternelle
Cadre et habitudes de vie :
Elle aime flâner autour de sa piscine, faire dû shopping, sortir avec des amis et parait pleinement
épanouie sur le plan social. Passionnée de gymnastique, elle a également dû abandonner cette
discipline.
Etat psychologique
Elle est souriante, dynamique et parait aborder l’ensemble des évènements de sa vie très
sereinement : « …Il faut bien… je n’ai pas le choix…. C’est comme ça… je fais avec.... »
Elle envisage une grossesse dans un proche avenir.
Mélanie est soucieuse de’ sa santé : son hospitalisation actuelle a lieu à sa demande pour « repartir
du bon pied », « comme au départ ». Ressent le besoin d’un accompagnement médical. Consciente
des enjeux pour son avenir.
Elle souhaite atteindre un meilleur équilibre et garder de la souplesse dans ses apports alimentaire
et rythme de vie : évoquons l’insulinothérapie fonctionnelle.
51
Sur le plan diététique :
Attirance importante pour le sucre (ne sait pas se limiter, ne sait pas dire non aux amis). Une
enquête alimentaire démontre une part importante de sucres simples dans son alimentation, la
diététicienne l’oriente sur plus de régularité dans ses apports
Soins infirmiers :
Evaluation du savoir et du savoir faire : fiches d’évaluations QCM connaissance diabète, technique
d’injection, glycémie capillaire, Glucagen
Début d’un nouveau diagnostic éducatif qui sera poursuivi lors du rv avec l’IDE d’éducation .
o Recueil IDE d’éducation :
Informations complémentaires recueillies :
o Histoire de la maladie : découverte oct 07, H de J en mai 08 avec réalisation d’un diagnostic
éducatif :
o Locus interne
o Stade d’action
o Strss à 8
o Anxiété à 8
o Objectif : diminuer les hypos, adapter les doses, faire des post-prandiales
o ASG : quasi inexistante malgré du matériel adapté, ne tient pas de carnet
o injections : les réalise toutes en dose fixe, sauf si saute un repas, utilise un stylo jetable,
longueur d’aiguille inadaptée : 5 mm pour 18u = surpression et douleur à l’injection, donc
pique toujours au même endroit (abdomen) : début de lipodystrophies péri-ombilicales.
o Activité physique actuelle : cours à pied 1h 2 X/ semaine : connaît les précautions
o Contrôle connaissances et QCM : pas de manque
o Acceptation de la pathologie : se sent très bien dans sa peau, bien entourée, semble ne pas avoir
de problèmes d’acceptation de ses maladies ou de d’image corporelle (est capable de faire
ses injections devant d’autres personnes, parle facilement de ses problèmes de santé)
o Projet de vie : débute formation prochainement CAP petite enfance, grossesse à 1 an
envisagée : sait qu’elle doit attendre équilibre du diabète (intérêt pour la pompe externe
exprimée par la patiente)
o Attentes : suivi régulier, « reprise en main » verbalise qu’elle fait des efforts uniquement avant
les consultations, puis se relâche. Demande actuelle de suivi car signes identiques à la
découverte de diabète (fatigue, baisse de moral) « repartir à 0, ...... cela ne peut plus
durer......, pour moi plus tard »
o Pb de motivation : ne travaille pas, s’ennuie, n’a pas le permis, déménagement récent,
tentations alimentaires multiples dans la vie sociale
52
o Dégradation du suivi du diabète lors de découverte de Sharp (RV médicaux et médicaments
supplémentaires : 8 cachets/j) le diabète devient alors secondaire.
o Diagnostic éducatif (complément de celui débuté en hospitalisation) : éléments significatifs :
Locus interne
Stade de préparation
Leviers : bon entourage, fait des projets, acceptation de sa maladie, connaissance de
l’équilibre et de l’observance nécessaires pour projet de grossesse ou FIT, bonne
connaissance de la pathologie, habite à proximité
Freins : 2 maladies chroniques associées, devenir incertain, capacités physiques
diminuées, déni possible ? car acceptation trop facile pour une découverte
récente de 2 maladies chroniques (cf 1er diagnostic éducatif)
Devenir : parcours ETP
2. OBJECTIFS D’ENSEIGNEMENT
Objectifs : être capable de
o réaliser 1 ASG
o effectuer une rotation des sites satisfaisante (éviter les zones péri-ombilicales pendant 3 mois)
o adapter ses doses d’insuline en fonction des glycémies de référence
3. ACTIONS MISES EN ŒUVRE
1er RV d’éduc
Méthode : écoute active, entretien individuel, démonstration de matériel
o Présentation d’aiguille avec longueur adaptée
o Contrat avec objectifs négociés :
2 glycémies par jour : 1 à jeun, et 1 post au choix
rythme du suivi non imposé selon son choix (environ 1 fois/mois)
recopiage carnet 1 fois / semaine car refus outil informatique proposé
doit reprendre RV dans 1 mois selon date formation
2ième RV d’éduc
Méthode : écoute active, entretien individuel, accompagnement du changement
Constat des difficultés : encore des irrégularités dans l’ASG, modulation des doses insuffisante en
cas de lever tardif
Renforcement positif autour de ce qui marche : changement d’aiguille, pas d’injection dans le
ventre
Analyse des échecs : 1 hypo sévère
Devenir : suivi toutes les 6 semaines suffisant
Projet : cours collectif vie sociale, FIT, pompe, proposition de suivi psy si besoin (stade
d’acceptation incertain)
53
Annexe 4 a
54
Annexe 4 b
55
Annexe 4 c
56
Annexe 4 d
57
Annexe 5 a
58
Annexe 5 b
59