Radio Chablais a fait renaître une région rayée de la carte
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Radio Chablais a fait renaître une région rayée de la carte
3 24 heures | Lundi 21 juillet 2014 Point fort Radio Chablais a fait renaître une région rayée de la carte Identité Créée en 1984 dans un but fédérateur, la radio est vite devenue un artisan-clé de la communauté du Chablais. Une région en plein essor, dont on avait oublié le nom L’essentiel U Audience Radio Chablais est écoutée une fois par jour par 51% des Chablaisiens. U Plébiscite Le rôle de la radio dans la création d’une identité chablaisienne est reconnu. U Progression Avec l’ère numérique, l’audience augmente. Claude Béda A Saint-Maurice (VS), la plus ancienne abbaye catholique d’Occident toujours en activité fait face à Aigle et à Bex, qui abritent les deux paroisses protestantes de langue française les plus anciennes du monde. C’est presque au milieu, à Monthey, que Radio Chablais a ouvert son petit studio le 20 juin 1984, avec pour mission de rapprocher Vaudois et Bas-Valaisans. Trente ans après, l’exercice est jugé magistralement réussi (lire ci-dessous) par les Chablaisiens, dont plus de la moitié écoutent quotidiennement la radio montheysanne. C’est un fait: désormais en plein essor, considéré comme pôle stratégique par les Cantons de Vaud et du Valais, le Chablais – 28 communes des districts d’Aigle, de Monthey et de Saint-Maurice – a aujourd’hui trouvé sa place dans les administrations cantonales et fédérales, les médias, sur l’autoroute et les cartes météo. Et, selon Georges Mariétan, secrétaire intercantonal de Chablais Agglo, Radio Chablais a fait bien mieux que d’accompagner ce développement. «Ce média a servi de véritable révélateur. Auparavant, Vaudois et Valaisans du Chablais, quelque peu oubliés par leurs capitales respectives, vivaient côte à côte sans se connaître. Au travers des émissions radiophoniques, ils ont découvert qu’ils avaient plein de choses à faire ensemble.» Unité Depuis les hauts d’Yvorne, vue sur la plaine du Rhône. Par-delà le vignoble vaudois, la ville d’Aigle, puis, au fond, celle de Monthey. GÉRALD BOSSHARD naissance – sous l’impulsion des syndics et des présidents de la région – de l’Association du Chablais, qui décida treize ans plus tard de créer Radio Chablais. La période était propice. Berne venait de reconnaître le Chablais comme l’une des 54 régions de Suisse susceptibles de bénéficier de l’aide en matière d’investissements dans les régions de montagne (LIM). Et, surtout, la Confédération avait octroyé une conces- sion radio pour le périmètre chablaisien, qu’il s’agissait de prendre. Trois décennies plus tard, Florian Jeanneret, directeur général, mesure le chemin parcouru: «Les Vaudois peuvent désormais venir au Carnaval de Monthey sans courir le risque de se faire griffer leur voiture, sourit-il. Nous avons sans doute permis aux habitants des deux rives du Rhône d’apprendre à se connaître et de s’apprécier.» Radio Chablais a d’ailleurs suivi la même trajectoire fulgurante que sa région. Elle ne comptait que quatre employés à ses débuts, contre trente-cinq aujourd’hui, auxquels s’ajoutent vingt collaborateurs temporaires. Sa recette? «Nous avons une politique éditoriale régionale et identitaire. Ce qui ne nous empêche pas d’aller à Lausanne et à Sion pour des sujets ayant une implication cantonale, répond Florian Barbey, rédacteur en chef. Mais il n’est pas toujours aisé de trouver des sujets qui parlent à la fois à nos auditeurs vaudois et valaisans. Car réunir les cultures des deux cantons revient à créer, a priori, une identité contre nature.» Reste que, pour la première fois cette année, Radio Chablais a été invitée à la Foire du Valais. Une forme de reconnaissance pour tout le Chablais. 1989 Claude Défago donne la parole 1991 Nicole Tornare, Jocelyne Aymon, 2009 Claude Défago et Valérie Passello 2014 Florian Jeanneret (à g.), directeur au vainqueur d’une compétition sportive. Cl. Défago, Pascal Morand et Daniel Piota. fêtent les 25 ans de leur radio. général, et Florian Barbey, réd’ en chef. Des événements fédérateurs Radio Chablais s’est mise d’emblée à recréer une identité chablaisienne en couvrant l’actualité, en organisant des débats, mais aussi des événements réunificateurs. «Quand une région a le privilège de posséder une radio spécifique qui véhicule son nom, cela ne peut que renforcer son identité», commente Christian Schülé, président de l’Association du Chablais. En 1986, le média chablaisien a lancé la course pédestre du Tour du Chablais, qui attire aujourd’hui encore près de 800 Vaudois et Valaisans six fois par an. Au fil des émissions mises sur pied par la radio montheysanne, le nom Chablais a commencé à réapparaître sur les enseignes des entreprises. On en compte désormais une centaine réunies dans le Groupement des entreprises du Chablais (GEC). «J’ai accepté de me lancer dans cette folle aventure radiophonique le 4 avril 1984, jour de la naissance de ma fille, confie Claude Défago, cofondateur et premier rédacteur en chef. Peu de personnes estimaient alors que nous avions une chance de réussir, de perdurer.» Car, à l’époque, l’idée même du Chablais ne signifiait plus rien. Cette dénomination avait disparu des vocabulaires vaudois et valaisans. Ce terme, Chablais (tête du lac en ancien provençal), apparu au IXe siècle, n’avait survécu qu’en France voisine. On se disait alors Aiglon, Montheysan, Leysenoud, Champérolain ou Ormonan. Uni durant cinq siècles sous le règne des comtes de Savoie, le Chablais avait éclaté à leur départ. Son nom a resurgi en 1971 avec la VC1 Contrôle qualité «Ce média a créé un état d’esprit chablaisien» U «Radio Chablais a joué un rôle essentiel dans l’existence du Chablais, estime Yannick Buttet, conseiller national et président de CollombeyMuraz. Les gens des deux rives du Rhône vivent désormais les uns avec les autres, alors qu’avant son apparition ils vivaient les uns à côté des autres. Grâce à cette radio, Vaudois et Valaisans ont appris à se découvrir tout en s’apercevant qu’ils avaient des préoccupations semblables.» A ses yeux, le rôle de la radio montheysanne est loin d’être terminé: «Elle peut nous aider à gérer la croissance et le développement sans précédent que connaît la région.» Radio Chablais s’est d’ailleurs toujours mise en adéquation avec son temps. Elle diffuse, par exemple, depuis quelques mois des informations routières pour ses pendulaires. Syndic d’Aigle et député, Frédéric Borloz met aussi en avant son rôle unificateur: «Cette radio a fédéré notre région en faisant prendre Frédéric Borloz Syndic d’Aigle et député Jean-Marc Udriot Syndic de Leysin Yannick Buttet Conseiller national, président de Collombey-Muraz conscience aux habitants du Chablais qu’ils devaient impérativement être unis pour affronter l’avenir.» Pour JeanMarc Udriot, syndic de Leysin, Radio Chablais n’est rien de moins que le fer de lance de l’identité chablaisienne: «Elle a non seulement accompagné le développement du Chablais, mais y a aussi fortement contribué en assumant pleinement son rôle de vecteur d’information et en organisant des émissions dans la plupart des communes.» Ancien conseiller d’Etat valaisan et ex-président de Port-Valais, Claude Roch pense que le mérite premier de Radio Chablais est «d’avoir créé un état d’esprit chablaisien et une image du Chablais»: «Cette radio a tout simplement fait sauter la barrière géographique que constituait le Rhône. Le Chablais est ainsi devenu la première région socio-économique de Suisse à cheval sur deux cantons.» Selon Fernand Mariétan, président de Chablais Agglo, Radio Chablais a également notablement contribué à la réalisation des grands projets, l’Hôpital Riviera-Chablais, à Rennaz, ou encore le Centre mondial du cyclisme, à Aigle. «Notre radio a initié beaucoup de choses en popularisant cette notion de Chablais. Auparavant, c’était un concept. Aujourd’hui, c’est devenu une réalité.» Nouveautés L’entrée dans l’ère numérique A 30 ans, Radio Chablais (50 000 auditeurs) entre dans l’ère numérique via le DAB +. Ce qui va lui permettre de franchir les frontières régionales et d’obtenir une couverture dans toute la Suisse romande. La rédaction entend aussi sortir sur le terrain une fois par semaine à bord de son nouveau bus studio. Elle s’apprête encore à diffuser des émissions sur les personnes qui ont créé le Chablais et sur les Chablaisiens du bout du monde. Enfin, elle planche sur de nouveaux programmes, qui seront diffusés dès le 25 août. Radio Chablais fonctionne grâce à un budget de 3,5 millions de francs, financé par la publicité (63%), la quote-part de la redevance Billag (27%) et par les Communes du Chablais, qui versent chaque année 5 fr. par habitant (10%).