La protection des transformateurs de distribution
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La protection des transformateurs de distribution
Appareils de coupure La protection des transformateurs de distribution Yvan Tits, Laborelec; André Even, EvenConsults Résumé Les transformateurs de distribution sont présents en grand nombre dans tous les environnements urbanisés. Ils doivent être protégés efficacement pour assurer la sécurité des biens et des personnes, en particulier au niveau des risques d’incendie car la majorité de ces transformateurs sont immergés dans des cuves remplies d’huile minérale. La coupure des courants par fusibles et la coupure par disjoncteur sont deux méthodes qui différent fondamentalement quant au principe de fonctionnement, chacune des technologies ayant ses avantages et inconvénients. L’application à la protection des transformateurs de distribution est à la croisée de ces deux techniques et, selon la taille des transformateurs à protéger, il est fait appel à l’une ou à l’autre. La connaissance des mécanismes de défaut interne et de leur évolution est fondamentale dans le choix du type de protection. Les règles de bonne pratique diffèrent selon qu’il s’agit de distribution publique ou d’installations privées. Dans la deuxième partie de cet article, on donne un aperçu de ces règles telles qu’elles sont définies et validées dans les publications. Samenvatting Distributietransformatoren zijn aanwezig in grote aantallen in alle stedelijke omgevingen. Ze dienen efficient beveiligd te worden om de veiligheid van personen en goederen te verzekeren, in het bijzonder op het niveau van brandgevaar omdat de meerderheid van deze transformatoren in kuipen met minerale olie onderdompeld zijn . De onderbreking van de foutstromen door smeltzekeringen of vermogenschakelaars zijn twee methoden waarvan het werkingsprincipe fundamenteel verschilt. Elke technologie heeft zijn voor-en nadelen. De toepassing van de beveiliging van de distributietransformatoren ligt op de kruising van deze twee technieken en, afhankelijk van de grootte van de te beschermen transformatoren, wordt het ene of het andere gebruikt. Kennis van interne foutmechanismen en de evolutie ervan is van fundamenteel belang bij het kiezen van de gepaste bescherming. De regels van goede vakmanschap verschillen in openbare distributie en in privefaciliteiten. In het tweede deel van dit artikel geven we een overzicht van deze regels, zoals ze gedefinieerd en gevalideerd worden in de literatuur. Summary Distribution transformers are present in large numbers in all urban environments. They must be adequately protected to ensure the safety of persons and property, particularly at the level of fire risk because the majority of these transformers are immersed in tanks filled with mineral oil. The current cutoff by fuses and circuit breaker are two methods that differ fundamentally in principle of operation, each technology having its advantages and disadvantages. The application to the protection of distribution transformers is at the crossing of these two techniques and, depending on the size of the transformers to protect, the one or the other is used. Knowledge of internal failure mechanisms and their evolution is fundamental in choosing the appropriate type of protection. The rules of best practice differ for public distribution and private facilities. In the second part of this article, we give an overview of these rules as defined and validated in the literature. Revue E tijdschrift– 125me année/125ste jaargang – n° 2-2009 (juin/juni 2009) 9 Schakelapparatuur Introduction Cet article traite des transformateurs dans la gamme de 100 à 1000 kVA qui sont largement utilisés dans les réseaux de distribution publique pour l’alimentation des réseaux basse tension (BT) et dans les installations privées raccordées en HT. Ils méritent une attention particulière à plusieurs titres. Ils sont souvent installés au cœur de bâtiments dont la sécurité peut être mise en danger en cas d’avarie grave. Le risque d’incendie est très présent à l’esprit du législateur et des exploitants, y compris le fait que le transformateur est susceptible de jouer le rôle de combustible passif dans de telles circonstances. Ils sont aussi utilisés en très grand nombre; l’ordre de grandeur du nombre d’unités en service en Belgique est de 100.000 et, dans l’absolu, cela augmente forcément les risques. Par ailleurs c’est aussi une raison pour concevoir une protection qui assure la sécurité tout en restant aussi économique que possible. La préoccupation vient principalement des transformateurs à bain d’huile, c-à-d ceux dont les parties actives sont immergées dans une huile minérale isolante. Il s’agit de prendre les précautions pour éviter qu’en cas de défaut interne au transformateur, il y ait rupture de la cuve et projection d’huile et de flammes. Le rôle de la protection est donc d’empêcher ce qu’il est convenu d’appeler des manifestations extérieures qui mettraient en péril les locaux environnants et les personnes qui s’y trouvent. Dans sa nomenclature des surintensités contre lesquelles il faut protéger les machines électriques, le RGIE distingue les courants de surcharges, les courants de défauts impédants et les courants de courts-circuits. Concernant ces derniers, en particulier en cas de court-circuit dans les circuits alimentés par les transformateurs, et donc un court-circuit externe au transformateur, l’intégrité de celui-ci est assurée par les exigences de la norme et dûment vérifiée par des essais en vraie grandeur. Du point de vue de la tenue du transformateur, il faut que le courtcircuit externe soit éliminé dans un délai de 2 s ce qui est à la portée de 10 Fig. 1: Oscillogramme de coupure par fusible l’appareillage. Cette tenue aux courtscircuits externes est un aspect important de la conception des transformateurs, mais ce sujet (actuellement bien maîtrisé) sort du cadre du présent article qui se concentre sur l’élimination des autres types de surintensité. transformateurs dans les cabines privées (cabines clients) et enfin les dispositions spécifiques à l’usage des transformateurs secs (par opposition aux transformateurs à bain d’huile). La question de la protection se pose aussi parce qu’il y a deux types d’appareillage utilisés pour la coupure des surintensités en amont des transformateurs de distribution, à savoir les fusibles combinés avec un interrupteur et les disjoncteurs. Chacun de ces matériels a ses avantages et inconvénients et il se trouve que l’application «protection des transformateurs de distribution» se positionne en plein dans la zone frontière délimitant les domaines préférentiels d’application de l’une et l’autre de ces technologies. Il y a matière à réflexion si l’on veut opérer le meilleur choix. Comme on le verra par la suite, cela se traduit concrètement par des logigrammes permettant effectivement d’adopter les meilleures pratiques. Les particularités de ces types d’appareillage seront exposées ci-dessous, en préliminaire à la description du comportement des transformateurs en cas de défaut. Il y a une grande différence entre les principes de coupure mis en jeu dans les fusibles d’une part et dans les disjoncteurs d’autre part. Les fusibles dont il est question ici sont les fusibles limiteurs1 qui ont pour caractéristique principale d’interrompre les surintensités dans des temps très courts. La technique mise en œuvre consiste à développer à l’intérieur du fusible, dès la fusion de l’élément conducteur, un arc électrique de grande longueur (grâce au développement spirale du fil fusible), énergiquement refroidi par le sable de remplissage, avec une tension d’arc bien supérieure à la tension de service. Cette force contre-électromotrice qui se développe dès la première milliseconde de la fusion force la diminution du courant et l’éteint extrêmement rapidement. La durée d’arc n’est que de quelques millisecondes, le temps total de coupure est quant à lui influencé par la durée de fusion de l’élément fusible (temps de pré-arc) qui dépend de l’intensité du courant à couper (=> courbes temps courant de pré-arc). Les principes de protection sont basés sur l’expérience concernant le comportement des transformateurs en défaut. Nous exposerons également les enseignements que l’on peut retenir d’une campagne d’essais en vraie grandeur et qui a été à la base d’une réflexion sur les pratiques à adopter. Ensuite, nous passons en revue les dispositions qui s’appliquent aux 3 cas de figure principaux, à savoir les transformateurs de distribution publique, les Les combinés interrupteur-fusible Il en va tout autrement de la coupure dans un disjoncteur qui maîtrise le courant non pas en développant une force contre-électromotrice élevée, mais en refroidissant et soufflant l’arc de 1 La catégorie des ‘fusibles limiteurs’ s’oppose à celle des ‘fusibles à expulsion’ qui n’est pas utilisée en Europe. Revue E tijdschrift– 125ste jaargang/125ème année – n° 2-2009 (juni/juin 2009) Appareils de coupure Limitation en tension Fig. 2: Oscillogramme de coupure par disjoncteur manière à le rendre suffisamment instable pour qu’il s’éteigne à l’occasion du passage naturel par zéro. Le temps de coupure par un disjoncteur résulte de la concaténation du temps de fonctionnement du relais de protection, du temps d’ouverture mécanique et de séparation des contacts et enfin du temps d’arc. Typiquement, là où un fusible maîtrise le courant de défaut en 5 ms, il en faut 80 au disjoncteur (cfr Figs. 1 et 2 extraites de [3] ) Le point fort des fusibles est d’assurer une élimination très rapide des grands courants et de limiter de façon très spectaculaire les conséquences des défauts puisque l’énergie libérée dans le défaut est en première approximation directement proportionnelle à l’intensité et à la durée du défaut. De ce point de vue, les fusibles ont un avantage notable par rapport aux disjoncteurs. L’effet limiteur est lié à la longueur de l’arc qui se développe dans le fusible; dans le volume confiné d’un fusible, la longueur de l’arc ne peut être augmentée indéfiniment sans perdre le contrôle. D’autre part, après fonctionnement du fusible, il faut obtenir une rigidité diélectrique suffisante entre les pôles de l’appareil. En pratique, ceci limite l’usage des fusibles à la gamme des ‘moyennes tensions’ jusqu’à 36 kV. Ce n’est donc pas une contrainte pour l’application en distribution. Limitation en courant L’élément fusible est parcouru par le plein courant du circuit à protéger. Cela provoque une dissipation de chaleur qui, en régime normal, peut dépasser 100 W par fusible, soit 300 W par cellule triphasée. C’est un problème potentiel qui est d’autant plus aigu que le courant assigné du fusible est élevé. C’est pourquoi, l’utilisation de fusibles est limitée dans une gamme de courants qui va environ de 16 à 100 A. Il y a cependant plusieurs facteurs qui limitent ou en tout cas compliquent l’utilisation des fusibles. AVWdgZaZX! Xdci^cjdjhan dc i]Z ^ccdkVi^dc eVi]! ]Zaeh ndj ^c ^cXgZVh^c\ i]Z gZa^VW^a^in d[ ndjg cZildg` gZ\VgY^c\/ i]Z fjVa^in Xdcigda d[ ZaZXig^XVa cZildg` Zfj^ebZci XVWaZh! hl^iX] \ZVg! igVch[dgbZgh! ### i]Z YgVl^c\ je d[ Zfj^ebZci heZX^ÒXVi^dch [dg Y^hig^Wji^dc VcY ^cYjhig^Va cZildg` i]Z XVjhZ d[ [V^ajgZ VcVanh^h d[ YZ[ZXi^kZ Zfj^ebZci Vi XjhidbZg h^iZ dg ^c aVWdgVidgn Id \Zi i]dhZ i]gZZ dW_ZXi^kZh [jaÒaaZY h^bjaiVcZdjhan! eaZVhZ XdciVXi jh# AVWdgZaZX 7Za\^jb GdYZhigVVi &'* &+(% A^c`ZWZZ` 7Za\^jb AVWdgZaZX I]Z CZi]ZgaVcYh 6bZg^`VaVVc (* +&.. 6: BVVhig^X]i"6^gedgi I]Z CZi]ZgaVcYh I# (' ' (-' %' && ;# (' ' (-' %' )& lll#aVWdgZaZX#Xdb _d\e6bWXeh[b[Y$Yec I# (& )( (+ ,* %%% Schakelapparatuur Fig. 3: Fusibles dont un avec percuteur sorti Non-fonctionnement en protection contre les surcharges La maîtrise de l’arc qui se développe après la fusion de l’élément fusible repose d’une part sur une bonne distribution des points de fusion le long de l’élément fusible et un refroidissement énergique par le sable de remplissage (création de « fulgurite » par fusion du sable). Dans la zone des faibles courants, ces phénomènes sont instables et le fusible ne va pas réussir à limiter et maîtriser le courant. Il va ‘exploser’ et constituer lui-même un défaut électrique. Cette caractéristique importante du comportement des fusibles HT est parfois méconnue et pourtant il est essentiel d’en tenir compte: les fusibles HT ont un courant minimum de coupure (désigné par I3 dans les caractéristiques) c’est à dire que dans la zone des Fig. 4: Réalisations ancienne et moderne de combinés interrupteurs fusibles courants entre le courant assigné du fusible et ce courant minimum coupure, le fusible est en danger. En aucun cas il ne peut être considéré pour assurer la protection contre les surcharges. Combinaison du fusible avec un interrupteur Pour remédier à cet inconvénient majeur le fusible va être combiné à un interrupteur qui possède les qualités complémentaires, à savoir qu’il est capable de couper des surintensités dans la gamme des courants peu élevés. En combinant les capacités de coupure de l’interrupteur et du fusible, on peut couvrir de manière très efficace la gamme complète des surintensités. Le fonctionnement des fusibles est autonome puisque c’est la surintensité elle-même qui déclenche le processus de coupure. Il n’en va pas de même d’un interrupteur qui requiert un signal et une source d’énergie extérieure pour opérer la manœuvre d’ouverture. Les interrupteurs sont le plus souvent munis d’une commande manuelle à ressort qui, au moment de la manœuvre de fermeture, accumule l’énergie nécessaire à la manœuvre d’ouverture qui pourra être déclenchée ultérieurement par impulsion mécanique ou électrique. Dans les «combinés interrupteurfusibles» le déclenchement d’ouverture est obtenu par l’action des percuteurs (voir Fig. 4) libérés par les fusibles à l’instant même où le fil fusible fond. Grâce à cette action rapide, si le fusible est en difficulté à la suite d’une surintensité inférieure à son courant minimum de coupure, il est «sauvé» par l’interrupteur qui maîtrise et interrompt proprement le courant. Par contre, si la surintensité est très forte, le fusible a terminé la coupure bien avant que les contacts de l’interrupteur aient eu le temps de se séparer et de mettre ce dernier en difficulté. La combinaison de ces deux modes de coupure donne un appareil remarquablement économique et fiable. L’application des combinés interrupteur-fusible pour la protection des transformateurs nécessite de respecter plusieurs règles concernant le choix des courants nominaux des fusibles. Fonctionnement en régime normal Fig. 5: Oscillogramme de coupure par disjoncteur 12 Le courant du transformateur ne doit pas dépasser le courant nominal des fusibles utilisés. Le choix doit être fait en prenant en compte les surcharges admissibles sur les transformateurs ainsi que le déclassement éventuel lié à Revue E tijdschrift– 125ste jaargang/125ème année – n° 2-2009 (juni/juin 2009) Appareils de coupure l’échauffement additionnel lorsque les fusibles sont logés dans des alvéoles et ne sont pas refroidis au contact de l’air ambiant. Le déclassement dû à cet effet thermique dépend du type de fusible et du type d’appareillage dans lequel le fusible est placé. L’utilisateur se référera aux indications du constructeur à ce sujet. Passage des courants d’enclenchement Lorsqu’on enclenche un transformateur, le transitoire de magnétisation crée un appel de courant élevé («inrush current») qui se maintient et met plusieurs secondes avant de disparaitre totalement. Il faut évidemment que les fusibles s’abstiennent de fonctionner à l’occasion de l’enclenchement et donc ne soient pas trop rapides dans cette zone de courant. Coordination entre les capacités de coupure de l’interrupteur et des fusibles Pour une surintensité dépassant le pouvoir de coupure de l’interrupteur, il faut que les fusibles soient suffisamment rapides pour couper le courant avant que l’interrupteur n’entre en action. Dans ce contexte, on utilise la notion de courant de transition. Pour une combinaison particulière d’interrupteur (caractérisé par son délai mécanique d’ouverture) et de fusible (caractérisé par sa courbe de temps/courant et les tolérances sur cette courbe), le courant de transition est le courant de défaut triphasé le plus élevé pouvant donner lieu à une coupure par fusible sur une phase, suivie par une coupure par l’interrupteur sur les autres phases. Les normes donnent une règle simple pour déterminer ce courant de transition pour une combinaison particulière d’interrupteur et de fusible. Une caractéristique importante de l’interrupteur est le courant de transition maximum qu’il peut prendre en charge, il s’agit du courant de transition assigné de l’interrupteur. Lors de l’application, l’utilisateur vérifie que le courant de transition effectif est bien inférieur au courant de transition assigné de l’interrupteur utilisé. Pouvoir de coupure au secondaire des transformateurs: en cas de défaut franc au secondaire des transformateurs, la dynamique2 du circuit concerné n’est Fig. 6: Essai de vérification d’une chaîne de protection intégrée au disjoncteur pas compatible avec le pouvoir de coupure des interrupteurs. Pour éviter de solliciter indûment l’interrupteur il faut donc que le courant de transition propre à l’application concernée soit inférieur au courant de court-circuit franc au secondaire du transformateur. Un défaut au secondaire du transformateur doit être éliminé le plus rapidement possible, y compris dans le cas d’un défaut monophasé. La limite ultime est que le défaut monophasé soit éliminé en moins de 2 s. La combinaison de ces contraintes, telles qu’illustrée dans l’exemple de la Fig. 5, laisse peu de marge sur le choix du fusible à utiliser. La difficulté est d’autant plus réelle que les caractéristiques temps/courant de pré-arc des fusibles HT (ou courbes de fusion) ne sont pas normalisées. Dans la série R10 des courants normalisés (16, 20, 25, 32, 40, 50, 63, 80, 100, 125) il n’y a parfois qu’une valeur qui respecte l’ensemble des contraintes. L’utilisateur est donc, à défaut d’avoir lui-même fait la démarche complète de sélection, contraint de suivre les indications du constructeur et ne pas improviser quant à l’utilisation des fusibles. Avantages Par comparaison avec la protection par fusibles où il faut remplacer les fusibles après fonctionnement sur défaut, le disjoncteur a un avantage pratique évident puisque le ré-enclenchement peut être effectué dès que la cause du défaut a été identifiée et éliminée, sans intervention d’un opérateur sur l’appareil de coupure pour remplacer des éléments. La réalisation d’ensembles compacts avec des disjoncteurs est d’autant plus aisée qu’il ne faut pas prévoir toutes les sécurités nécessaires pour accéder aux fusibles HT sans mettre l’installation hors service. Le pouvoir de coupure des disjoncteurs couvre facilement toute la gamme des surintensités, y compris dans la zone des courants de surcharge, ce qui n’est pas le cas pour les fusibles. L’utilisation d’une chaîne de protection complète avec capteur de courant, relais et disjoncteur permet de réaliser des fonctions plus complètes et plus facilement paramétrables. Particularités La protection par disjoncteur Une des particularités dont il faut s’accommoder, c’est la nécessité de prévoir une alimentation du relais de protection, alors que les appareils sont placés dans des cabines qui ne disposent pas de source de tension sécurisée (atelier La protection par disjoncteur a des avantages et des inconvénients. 2 Plus précisément, la tension transitoire de rétablissement après coupure. Moyennant le respect de ces règles, l’utilisation du combiné interrupteur-fusible pour la protection des transformateurs est un moyen efficace et économique. Revue E tijdschrift– 125me année/125ste jaargang – n° 2-2009 (juin/juni 2009) 13 Schakelapparatuur d’énergie – redresseur/batterie). La solution ancienne consistait à utiliser des «relais directs», soit des capteurs de surintensité, directement placés sur les conducteurs parcourus par le courant de service et donc mis au potentiel de ces conducteurs (le réglage ne peut se faire qu’après mise hors service de la cellule) et actionnant mécaniquement le déclenchement à l’aide d’une tringlerie isolante. Cette technologie est actuellement abandonnée. Par opposition, on désigne par protection indirecte la chaîne de protection avec transformateur/capteur de courant assurant l’isolation entre le circuit principal et le circuit de protection proprement dit. La question de l’alimentation des relais n’est pas résolue pour autant, sauf à utiliser une chaîne de protection autonome dans laquelle l’énergie nécessaire au fonctionnement du relais de protection est prélevée sur le courant de service au travers du capteur de courant. Généralement, la chaîne de protection autonome est intégrée, c-à-d incluse dans le module disjoncteur, on parle alors de disjoncteur à protection intégrée, l’ensemble étant totalement autonome et parfaitement adapté à l’usage dans une cabine de distribution. Inconvénients La Fig. 2 illustre parfaitement le désavantage de la protection par disjoncteur: le temps d’élimination des surintensités élevées est nettement supérieur à celui que l’on peut obtenir avec des fusibles. Le temps d’élimination du défaut est la somme de trois composantes: – le temps de réaction du relais; – le temps d’ouverture mécanique et de séparation des contacts; – le temps d’arc. Le temps d’arc est typiquement d’une dizaine de ms; combiné avec le temps de séparation des contacts, le temps propre au disjoncteur (entre réception de l’impulsion de déclenchement et extinction de l’arc) est typiquement de 60 à 70 ms mais il existe des disjoncteurs rapides («commandes 1 cycle») pour lesquels le temps est de 30 ms. Le relais quant à lui doit traiter numériquement le signal courant transmis 14 A noter aussi que pour des relais autonomes, il y a un courant minimum en dessous duquel le relais n’est pas suffisamment alimenté et en pratique il est très difficile de déclencher pour des niveaux correspondant à 200 kVA. Au total, on peut considérer qu’avec les technologies appliquées dans les cabines de distribution, les temps d’élimination des défauts par disjoncteurs sont de: – 60 à 90 ms pour les disjoncteurs «rapides»; – 90 à 135 ms pour les disjoncteurs «classiques». Fig. 7: Transformateur à bain d’huile par les capteurs. On comprend bien que le temps de traitement est de l’ordre de grandeur de la période d’un signal 50 Hz, à savoir 20 ms. En réalité, le temps de réaction est de 30 à 50 ms, en tout cas pour un relais qui, au moment du défaut, dispose de la réserve d’énergie nécessaire à son fonctionnement. A ce sujet, 3 situations se présentent: – Relais ‘dual-powered’: outre l’alimentation par le courant de service le relais est alimenté par une source externe, non-fiabilisée, prise par exemple sur le réseau de distribution BT ; la combinaison des deux sources assure une fiabilité totale et un fonctionnement accéléré lorsque la source externe est disponible, c-à-d pratiquement dans tous les cas. – Protection autonome dans la situation où le courant de service avant le défaut est suffisant pour alimenter le relais. – Protection autonome dans la situation où le courant de service avant le défaut est insuffisant pour alimenter le relais ; le système prélève l’énergie sur le courant de défaut, ce qui ajoute un délai supplémentaire. Dans ces trois cas, les temps de fonctionnement de la chaine de protection sont: Relais ‘dual powered’ alimenté 30 – 50 ms Relais autonome, «pré-chargé» 30 – 55 ms Relais autonome, non «pré-chargé» 35 – 65 ms Comportement des transformateurs (à bain d’huile) en défaut Le danger que l’on veut éviter dans le cas des transformateurs de distribution à bain d’huile est l’initiation d’un incendie qui pourrait résulter de la rupture de la cuve suite à un défaut interne et la projection de flammes et d’huile. L’expérience que l’on a de la protection des transformateurs de distribution est très rassurante à ce sujet et les mécanismes qui entrent en jeu sont bien connus. Une étude poussée a été faite (cfr [2]) afin de confirmer la pertinence des pratiques courantes qui ont été ultérieurement formalisées et codifiées (cfr chapitres suivants). Les transformateurs de distribution à bain d’huile sont actuellement (quasi sans exception) de type hermétique à remplissage intégral. Cela signifie que la cuve est soudée (ou hermétiquement boulonnée) et est conçue pour assurer une étanchéité tout au long de la durée de vie du transformateur, soit plus de 30 ans. Le remplissage de la cuve se fait sous vide de manière à éviter la présence de matelas gazeux sous la face supérieure de la cuve. Un tel design implique que la cuve soit suffisamment flexible pour s’adapter aux variations de volume dues à la dilatation thermique de l’huile. C’est le cas grâce aux ailettes de refroidissement qui forment les parois latérales et sont conçues pour se déformer légèrement (mais de façon nettement visible) et limiter la montée en pression. Typiquement, la montée en pression dans les conditions extrêmes de tempé- Revue E tijdschrift– 125ste jaargang/125ème année – n° 2-2009 (juni/juin 2009) Schakelapparatuur rature est de l’ordre de 0.2 Bar relatif. A vide et avec des températures ambiantes inférieure 15°C, on peut également avoir une dépression. Les transformateurs sont soumis quotidiennement à ces variations de pressions, également de saison en saison, c’est la raison pour laquelle la résistance à la fatigue mécanique fait l’objet d’essais de type. Si un défaut interne donne lieu à la production de gaz, il y aura une montée en pression qui est fonction de la quantité de gaz produits et de l’élasticité de la cuve. C’est à ce niveau que l’on doit constater que la montée en pression sera plus importante pour un petit transformateur. En effet, le type de défaut, l’énergie développée, la production de gaz3 ne dépendant pas directement de la taille du transformateur tandis que l’élasticité (mesurée en litres /bar) est évidemment plus grande pour les transformateurs de plus grande taille. Ce qui est important pour pouvoir mettre en place une protection efficace c’est de connaître d’une part l’évolution de la surintensité au cours du développement du défaut et, d’autre part la vitesse de la montée en pression afin de s’assurer que la protection élimine le défaut avant que la pression n’atteigne des valeurs supérieures à la limite de tenue des cuves. Ceci est d’autant plus important que pour des surintensités faibles, les fusibles sont lents à réagir. Les essais sur des transformateurs de distribution ont montré que – un arc direct dans la cuve entre les connexions primaires, non éliminé rapidement (50.. 100 ms) peut provoquer la rupture de la cuve; ce n’est pas un problème pour les fusibles, mais c’en est un pour les disjoncteurs; – la montée en pression est progressive (autrement dit la rupture ne se fait pas sous l’effet d’une onde de choc); – les défauts dans les enroulements évoluent de façon erratique mais génèrent en temps utile des courants provoquant un fonctionnement efficace des fusibles; – les défauts au niveau des enroulements secondaires sont les plus critiques; – la protection par fusibles est efficace, elle peut être améliorée par l’utilisation 16 de détecteurs de pression qui peuvent la doubler et aussi couvrir les cas d’évolution lente d’un défaut latent. Ces résultats corroborent la pratique d’exploitation; parmi les dizaines de cas de défaut expertisés par les auteurs, un seul a donné lieu à une perforation locale de la cuve suite un passage du courant de défaut BT par la cuve métallique. En conclusion, la protection des petits transformateurs se fera préférentiellement par fusibles. Si la protection par disjoncteur est appliquée à des transformateurs de taille modeste, il y a lieu de mettre en œuvre des disjoncteurs rapides. Par ailleurs les transformateurs de plus grande taille (> 630 kVA), on sort du domaine d’application des fusibles et la protection par disjoncteur s’impose. Si les risques résiduels encourus en cas de défaillance sont élevés, le meilleur moyen de compléter la protection est d’inclure un système de détection de pression (p.ex. bâtiments à risque). Ceci montre bien que la protection des transformateurs de distribution se situe dans une zone frontière entre l’application de deux technologies différentes et qu’une guidance formelle était nécessaire pour cette application. C’est l’objet des chapitres suivants. Protections à prévoir dans les cabines raccordées au réseau de distribution moyenne tension Les gestionnaires des réseaux belges ont publié sur le site de Synergrid, le document C2-112 intitulé «Prescriptions techniques de raccordement au réseau de distribution haute tension». Ce document, complété par sa note d’interprétation C2-116, précise le type de matériel adapté à la protection des transformateurs MT/BT. Le matériel agréé pour être raccordé au réseau de distribution est répertorié au document C2-117 disponible sous la rubrique «matériel reconnu». Deux modes de protection de transformateur peuvent être appliqués: – L’association d’une protection contre les courts-circuits par un combiné interrupteur-fusibles avec une protection contre les surcharges par disjonc- teur BT équipé de relais thermiques adaptés à la surcharge autorisée. Cette dernière protection peut également être assurée par un contrôle de la température de l’huile du transformateur (thermostat) actionnant l’ouverture du combiné interrupteur-fusibles par l’intermédiaire d’une bobine à émission. Comme expliqué plus haut, l’association des fusibles et du combiné interrupteur doit être judicieusement choisie, suivant les instructions du fabricant de l’appareil. Etant donné la difficulté de fabriquer des fusibles fiables pour des intensités importantes, ce mode de protection est généralement limité à une puissance maximale du transformateur de 800 kVA pour les tensions de service les plus courantes. Les performances à l’échauffement de l’appareil sont particulièrement importantes pour protéger les transformateurs ayant des puissances élevées (> 400 kVA), les températures maximales des contacts risquant d’être dépassées en fonction de la dissipation de chaleur émise par les fusibles parcourus par le courant. La puissance dissipée maximale admise par l’appareil est donnée au document C2-117 dans la colonne «Ur/Ir ou W-Iassocié/Irth» pour les cellules protection transformateur par combiné. – La protection contre les courts-circuits et les surcharges par disjoncteur HT associé à des relais indirects équipés d'une chaîne de protection autonome intégrée, sans source d'alimentation extérieure. Ce mode de protection est obligatoire pour des transformateurs de puissances supérieures à 800 kVA (ou égales, en fonction de la tension). Il peut être mis en œuvre pour des puissances inférieures en fonction des caractéristiques de tenue thermiques des appareils raccordés en aval. Le relais indirect, tout en étant alimenté par le courant de défaut, peut néanmoins disposer d’une seconde alimentation, ce qui lui permet de réagir plus rapidement. Protection des transformateurs de distribution Comme nous l’avons vu dans les chapitres précédents, le choix de la protection optimale des transformateurs de distribution dépend de leur puissance ou de paramètres qui y sont liés tels 3 On trouvera en [2] les ordres de grandeurs des quantités mises en jeu. Revue E tijdschrift– 125ste jaargang/125ème année – n° 2-2009 (juni/juin 2009) Appareils de coupure Fig. 8: Logigramme 2 du C2/120 - 02.2007 de Synergrid que la dimension de sa cuve, sa tension assignée et son courant assigné. Synergrid, qui représente l’ensemble des gestionnaires de réseaux de Belgique, a publié sur son site web www.synergrid.be le document C2-120 intitulé «Les règles de bonne pratique pour la protection des transformateurs de distribution» afin de guider l’utilisateur dans ce choix. Bien que ce docu- Revue E tijdschrift– 125me année/125ste jaargang – n° 2-2009 (juin/juni 2009) ment ait été écrit pour conseiller les gestionnaires de réseaux, ses recommandations sont bien entendu également valables pour tous les transformateur MT/BT. 17 Appareils de coupure Ce document reprend les différents dispositifs principaux et complémentaires qui permettent de bien protégér les transformateurs. Il décrit les règles à observer pour respecter les obligations légales ainsi que des recommandations d’installation des protections en fonction du lieu d’installation du transformateur et de son type de gestion de charge. En particulier, il classe les disjoncteurs de protection de transformateurs en 3 catégories en fonction de leur temps total de déclenchement. Celui-ci tient compte du temps de coupure le plus défavorable du disjoncteur ainsi que du temps de réaction le plus défavorable du relais et de la chaîne mécanique de fonctionnement, et ce en fonction de la présence ou non d’une alimentation de type « dual ». Ces classes sont adaptées à la protection des transformateurs en fonction de leur puissance. Certains GRD ont mentionné ces caractéristiques de rapidité basée sur le temps de déclenchement dans leurs listes de matériel agréés (document C2/117 publié sur le site de Synergrid). Afin de faciliter la sélection du type de protection à utiliser en fonction du lieu d’installation du transformateur et de son type de gestion de charge, le document C2-120 propose divers logigrammes tenant compte de la nature du risque contre lequel le transformateur doit être protégé. L’exemple du logigramme permettant de choisir le type de protection la plus appropriée en fonction de la puissance du transformateur est présenté en Fig. 8. Cas particulier des transformateurs secs L’huile minérale isolante des transformateurs a un pont d’éclair < 300 °C. De ce fait, des précautions particulières pour la protection contre les incendies sont prévues pour des bâtiments dans lesquels les conséquences d’un incendie sont aggravées par la disposition des lieux (p.ex. bâtiments élevés) ou leur affectation (p .ex. hôpitaux). L’avantage des transformateurs secs est qu’ils ne sont pas soumis à ces exigences complémentaires. Toutefois, avec des parties actives dans l‘air, ils introduisent un autre type de risque, à savoir le risque d’arc électrique dans des locaux et donc des risques pour la sécurité des personnes et des locaux. Réintroduire par le biais de transformateurs secs un risque d’arc électrique dans les locaux alors que de gros efforts ont été consentis pour maîtriser et éliminer ce risque au niveau de l’appareillage électrique (tableaux électriques – cfr les autres articles à ce sujet dans la présente revue) est contraire à l’évolution récente. C’est la raison pour laquelle les gestionnaires de réseaux imposent de placer ces transformateurs de type sec dans un local séparé, afin d’éviter les risques pour les travailleurs qui sont amenés à pénétrer dans le local de manœuvre de la cabine. Lorsque l’utilisation de liquides isolants avec un point d’éclair < 300 °C n’est pas possible, par exemple pour répondre aux impositions des services incendie, les transformateurs à isolation dans l’huile de silicone ou d’esther naturel ou synthétique sont une alternative intéressante aux transformateurs secs car combinent les avantages des 2 technologies. Conclusions La coupure des courants par fusibles et la coupure par disjoncteur sont deux méthodes qui différent fondamentalement quant au principe de fonctionnement, chacune des technologies ayant ses avantages et inconvénients. L’application à la protection des transformateurs de distribution est à la croisée de ces deux techniques et selon la taille des transformateurs à protéger, il est fait appel à l’une ou à l’autre. Les règles de bonne pratique sont définies et validées par dans les publications en la matière. Références [1] Règlement Général des Installations électriques (RGIE) [2] Safety of distribution transformers against internal failure; A. Even, M. Desmedt, R. Van Schevensteen CIRED 1997 paper 1.17 [3] Current-Limiting Fuses Improve Power Quality; R. Wilkins, H.C. Cline Power Quality Assurance magazine – September 1999 Revue E tijdschrift– 125me année/125ste jaargang – n° 2-2009 (juin/juni 2009) [4] Les règles de bonne pratique pour la protection des transformateurs de distribution Synergrid http://www.synergrid.be/ download.cfm?fileId=C2-120FR022007 .pdf [5] Prescriptions techniques de raccordement au réseau de distribution haute tension; http://www.synergrid.be/Media/C2112FR03_2004.pdf [6] Note d’interprétation du document C2/112; http://www.synergrid.be/download.cfm?fileId=C2-116_FR_090529.pdf Les auteurs Yvan Tits, né en 1957. Ingénieur industriel électricien-électronicien - 1979 (ISIL), formation complémentaire en gestion d’entreprise - 1980 et conseiller en prévention niveau I 1987 (ULg). Dans la société Intercom, a été responsable de la construction des réseaux électriques de la région de La Louvière en 1984-1985. Fait partie du bureau d’étude de la zone Hainaut en 1985-1986. Responsable de l’exploitation des réseaux gaz de la région de Mons de 1986 à 1989. Responsable de la coordination de la technologie du matériel des réseaux de distribution d’Electrabel de 1990 à 2000. Expert en équipements de réseaux électriques de distribution puis «Technology manager» de cette activité à Laborelec à partie de 2001, période au cours de laquelle il effectue également un retour de 2 ans dans le réseau de distribution Wallons. André Even est consultant indépendant au service des sociétés du secteur de la distribution et de l’utilisation de l’électricité. Diplôme de l’université de Liège, Institut Montéfiore, en 1971 il d’abord travaillé dans la coopération universitaire comme chargé de cours à l’université de Concepcion au Chili, est ensuite entré dans le secteur électrique belge, d’abord en bureau d’étude ELECTROBEL pour lequel il a notamment suivi des chantiers de construction de postes HT en Algérie. Il a passé la plus grande partie de sa carrière à Laborelec, d’abord comme spécialiste en coordination d’isolement et simulation des phénomènes transitoires en réseau. Ensuite il a dirigé à Laborelec les laboratoires d’essais HT et courts-circuits et, enfin, il a été Account manager et coordinateur de projets de R&D. 19