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L’événement
voile
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Le Tour des ports de la Manche est une course où des équipages très différents expriment pleinement leur amour de la mer et des bateaux
JEAN-MICHEL ENAULT
LE TOUR DES PORTS DE LA MANCHE
Yann Queffélec et la mer
Le départ du Tour des ports de la Manche a lieu le dimanche 15 juillet
à Saint-Vaast-la-Hougue. Cette année il a pour parrain le chanteur Philippe Lavil
qui succède à Yann Queffélec. L’écrivain breton, qui a été séduit autant par l’esprit de la course
que par les paysages, revient cette année sur les quais de la Manche.
Y
ann Queffélec, ce Finistérien
de l’Aber-Ildut, habite en
région parisienne mais il
n’est jamais loin de la mer.
« De manière symbolique et onirique,
je vis en permanence dans le Finistère,
par la pensée. J’ai eu seize bateaux et
naviguer est une première nature chez
moi. Cette année c’est Philippe Lavil
qui est le parrain du Tour des ports de
la Manche mais je suis invité le
14 juillet à lui transmettre cette responsabilité. Et je vais naviguer pendant deux ou trois jours avec mon
ancien filleul.
Qu’est-ce qui vous a attiré dans cette
petite semaine de dépaysement
manchois ?
- D’abord j’aime bien dire “oui” à la
mer. Ensuite, je connaissais de réputation Luc Berthillier, le coordinateur
général du Tour des ports de la
Manche. Je savais que ce marin, outre
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ses grandes prouesses de navigation,
avait fait naufrage. Il est resté, je crois,
plus de huit jours à la dérive sur un
canot de survie à l’est de l’Irlande. Cela
m’intéressait vraiment de faire sa
connaissance. En plus, j’aime énormément les paysages marins normands.
J’ai eu l’occasion d’y naviguer.
Vous connaissiez les ports de la
Manche ?
- À l’exception de Diélette, je les
connaissais tous. Le port de Diélette
est, je dois dire, charmant. Ensuite,
j’aime bien l’esprit de cette course où il
y a du talent nautique, incontestablement. Les skippers sont de vrais
marins. Il y a toutes sortes d’équipages, des familles par exemple. Ce
rassemblement humain à la fois hétéroclite et unifié par la mer est extrêmement sympathique. Il suffit de voir
le soin apporté à l’entretien du bateau.
On sait bien qu’un bateau en bon état
est sûr et, à l’inverse, qu’un bateau en
mauvais état est une catastrophe, une
passoire. On sent bien chez ces marins
cet amour des bateaux qui sont très
beaux, très bien entretenus. J’étais
heureux d’être le parrain de cette
espèce de bande.
Quand on fait ce Tour des ports à
la voile, on se rend bien compte qu’on
est au pays des Vikings. Il y a beaucoup de Normands qui sont dans la
course et ils ont un sens marin qui me
rappelle le sens marin breton, fait de
confiance,
de
bonhomie,
de
méfiance… tout cela mélangé.
Les eaux normandes sont-elles difficiles à naviguer ?
- La région de Saint-Vaast-la-Hougue est très redoutable. Dès que la
visibilité tombe ou que le vent se lève,
il faut savoir se repérer, mener sa
barque… Quant au raz Blanchard,
l’année dernière, c’était un boulevard
NORMANDIE MAGAZINE 251
L’événement
voile
Sur quel type de bateau aimez-vous
naviguer ?
- Je suis plutôt voiliers mais je n’ai
aucun mépris pour les bateaux à
moteur. On peut être très heureux sur
un bon bateau à moteur et on peut
faire toutes sortes de navigations
qu’on ne peut pas faire avec un voilier.
J’ai vendu mon dernier bateau à la
suite d’une traversée de l’Atlantique au
cours de laquelle il s’est abîmé. J’attends avec impatience le moment de
pouvoir en racheter un. Mon choix se
portera soit sur un sloop, un peu le
même que mon dernier bateau, c’està-dire un First de 14 mètres. Un grand
bateau qu’on peut manier tout seul,
très marin et très beau. C’est important, la beauté d’un bateau.
À propos de beaux bateaux, le
Marité est désormais à quai à Granville. Cela vous parle, en tant que
Breton, la grande pêche ?
- Bien entendu. La reconstruction
du Marité, j’en suis extrêmement heureux. Les pêcheurs sont les premiers
marins que j’ai commencé à admirer
quand j’étais gamin. J’ai fait des sorties
Yann Queffélec et Luc Berthillier, le coordinateur général du Tour des ports de la Manche
avec eux. Ils ont le génie du sens
On a trop tendance à dire que la
marin. Ce sens tend à se perdre un France n’est pas une nation maritime.
tout petit peu aujourd’hui avec toute On oublie que certaines régions franl’électronique qu’on trouve à bord des çaises, au contraire, sont typiquement
bateaux.
des régions maritimes au même titre
Les pêcheurs ont payé un prix très que l’Angleterre, la Hollande ou l’Esélevé. Il ne faut jamais oublier le deuil pagne. Les régions normande et brede la mer. Il ne faut
tonne ont intérêt à
jamais oublier dans
revendiquer cette
quelles conditions
idée qu’elles ont
« On a trop tendance à dire
extrêmement diffitoujours vécu de la
que la France n’est pas
ciles ils faisaient
mer, par la mer et
une nation maritime »
vivre leurs familles,
vers la mer. Ces
sans les voir beaubateaux-là nous le
coup et au péril de
rappellent. Le mainleur vie. C’étaient de tien en bon état des vieux gréements
grands
navigateurs et la reconstruction de grands bateaux
anonymes. Ces bateaux d’autrefois, c’est très important pour
étaient aussi une école la conservation, pour le dynamisme
du courage, une école de cette mémoire. »
de la sensibilité et de la
Le Tour des ports de la Manche
relation humaine.
attend 700 participants à bord des
110 voiliers de 7 à 14 mètres. Des parÊtre marin dans ces
ticipants de tous âges, des équipages
conditions,
n’est-ce
composés de familles, d’amis, de
pas l’un des pires
jeunes en réinsertion… avec aussi des
métiers ?
navigateurs anglais et Alexis Loison, le
- Je n’aime pas assoskipper d’Urville-Nacqueville, vaincier le mot “pire” à mer
queur de la Solo Basse-Normandie,
ni à la navigation. Mais
qui rejoint le Tour à Cherbourg avec
quand on voit un chaluson Figaro 2 en équipage, juste après
tier comme le Bugaled
la Solitaire.
Breizh faire naufrage
La devise du Tour des ports de la
avec tout son équipage,
Manche : « Naviguer, échanger, faire la
cinq marins, on est bien
fête ». Alors, rendez-vous le 15 juillet
obligé de se dire qu’ils
à 9 heures sur le quai de Saint-Vaastont vécu le pire avec la
la-Hougue ! ■
mer. Et même chose
Catherine Forestier
pour Tabarly. En même
temps, il est très diffiwww.tourdesports50.fr
cile de ne pas accepter
le destin quand on est
sur l’eau.
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NORMANDIE MAGAZINE 251
© DAVID DAGUIER-CG MANCHE
car il faisait un temps absolument
extraordinaire. C’est un coin plus
impressionnant que dangereux de par
la force des courants, il est moins dangereux que le raz de Sein. Ce n’est pas
du tout pour opposer la Normandie à
la Bretagne, certainement pas ! Je respecte autant le raz Blanchard que la
pointe du Raz.
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