gogo bar ko samui

Transcription

gogo bar ko samui
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
Femmes prostituées
dans la région du Sud de la Thaïlande
Jean Baffie
Irasec - Occasionnal Paper n°6 (2008)
1
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
Jean BAFFIE
([email protected]; [email protected]),
CNRS-Université de Provence, IRSEA, Marseille,
Projet Franco-Thaï en sciences sociales
Avec le soutien de l’Ambassade de France en Thaïlande
French-Thai Programme in Sociales Sciences
With the Support of the French Embassy in Thailand
Couverture : Mikael Brodu
© IRASEC, 2008
All rights reserved. No part of this publication may be reproduced or transmitted, in any form or
means, without prior permission of the author or the publisher.
The opinions expressed in these papers are solely those of the author(s).
2
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
L’Institut de recherche sur l’Asie du Sud-Est contemporaine (USR 3142 – UMIFRE 22 CNRS
MAEE) s’intéresse depuis 2001 aux évolutions politiques, sociales et environnementales en
cours dans les onze pays de la région. Basé à Bangkok, l’Institut fait appel à des chercheurs
de tous horizons disciplinaires et académiques qu’il associe au gré des problématiques. Il
privilégie autant que possible les démarches transversales.
The Research Institute on Contemporary Southeast Asia (USR 3142 – UMIFRE 22), based
in Bangkok, Thailand, calls on specialists from all academic fields to study the important
social, political, economic and environmental developments that affect, together or separately,
the eleven countries of the region (Brunei, Burma, Cambodia, Indonesia, Lao, Malaysia, The
Philippines, Singapore, Thailand, Timor Leste and Viet Nam).
IRASEC – Institut de Recherche sur l’Asie du Sud-Est Contemporaine
(Research Institute on Contemporary Southeast Asia)
29 Sathorn Tai Rd., Bangkok 10120, Thailand
Tel: +66 26 27 21 80 – Fax: +66 26 27 21 85
www.irasec.com
CONSEIL SCIENTIFIQUE DE L’IRASEC
• Jean BAFFIE, CNRS, IRSEA
• Bénédicte BRAC de la PERRIERE, CNRS, EHESS
• Sophie BOISSEAU du ROCHER, Centre Asie
• Jean-Raphaël CHAPONNIERE, CNRS, AFD
• Gilles DELOUCHE, INALCO
• Jean-Luc DOMENACH, CERI, Réseau Asie
• Evelyne DOURILLE-FEER, CEPII
• Stéphane DOVERT, Ambassade de France à Rangoun
• Frédéric DURAND, Université de Toulouse
• Alain FOREST, Paris VII
• Guy FAURE, IRASEC
• Michel FOURNIE, INALCO
• Charles GOLDBLUM, Ecole d’architecture de Paris
• Christopher GOSCHA, Université de Montréal
• Yves GOUDINEAU, EFEO, AFRASE
• Andrew HARDY, EFEO, Hanoi
• François LAGIRARDE, EFEO Bangkok
• Christian LECHERVY, MAE
• Arnaud LEVEAU, IRASEC
• LE Huu Khoa, Université de Lille
• Charles MAC DONALD, CNRS
• Rémi MADINIER, CNRS, EHESS
• Philippe PAPIN, EPHE
• François RAILLON, CNRS, EHESS
• Jean-François SABOURET, CNRS, Réseau Asie
• Christian TAILLARD, CNRS LASEMA
• Hugues TERTRAIS, Université de Paris VII
• Marie-Sybille de VIENNE, INALCO
3
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
Sommaire
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande
5
1 - La Région Sud et sa complexité
2 - Un paysage ethnique plus complexe qu’il n’est annoncé
3 - Une région connue pour sa violence
4 - Généralités sur la prostitution dans le Sud
5 - Phuket, la « perle du sud » et Patong, son «Pattaya »
L’affaire de Phuket (1984)
Patong, rivale de Pattaya
Les prostituées de Phuket
« Free Sex » des Occidentaux à Phuket
6 - Chaweng, le Patong de ko Samui
7 - La capitale du Sud et « la ville du péché du Sud », Hat Yai
Les Etablissements et les prostituées
Les clients
« Super gonorrhée » et SIDA
8 - Les villes frontières
Betong, « la ville dans la brume » (mueang nai mok) – Une ville
aux caractéristiques bien spéciales
La révolte chinoise de 1933
Le refuge du Parti communiste de Malaisie
Les richesses de Betong
Sungai Kolok, l’autre grande ville du tourisme sexuel de la frontière malaise
Les villes « ordinaires »
La prostitution des ports
9 - La situation de guerre dans le Sud, le sexe et la prostitution
10 - Sadao, Padang Besar, Chang Lon des villes d’avenir ?
Conclusions : Vers un redéploiement de la prostitution dans le Sud
6
8
12
14
18
20
21
22
22
23
24
26
27
31
32
Références
54
4
32
34
35
36
42
47
47
50
50
52
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
Femmes prostituées
dans la région du Sud de la Thaïlande
Cette région du Sud a une personnalité à part en Thaïlande faite de nombreuses
contradictions. Toute en longueur, il est clair qu’il y a peu de points en commun entre les
provinces de Chumphon et de Yala, séparées par plus de 900 kilomètres. C’est une région
parmi les plus dotées en richesses naturelles du pays (car on dit plus bas que c’est la région la
plus pauvre) avec ses mines d’étain, ses plantations d’hévéa, sa pêche et sa crevetticulture,
mais elle compte également des provinces parmi les plus pauvres. Elle est devenue la plus
touristique de Thaïlande (avec le Sud-Est de Bangkok de Chonburi à Trat, mais ce n’est
officiellement qu’une partie de la région Centre) mais elle est aujourd’hui la plus dangereuse
avec la véritable guerre civile qui touche quatre provinces de l’extrême sud. Elle est depuis
longtemps considérée comme une longue séquence de lieux paradisiaques, mais c’est la
région la plus arrosée du pays et la plus menacée par les tempêtes, les inondations voire les
Tsunami. Elle a, en politique notamment, une image de pureté et de sérieux que l’on oppose
volontiers aux provinces du Centre et du Nord-Est, mais c’est une région de tous les trafics et
de toutes les violences. Enfin, ses femmes sont tenues pour les plus réservées et les plus sages
de Thaïlande, pourtant c’est la région du pays qui compte le plus grand nombre de prostituées,
il est vrai importées des autres régions et même de l’étranger.
Dans cette étude j’essaie de mettre le phénomène de la prostitution en perspective, de le
contextualiser, d’adopter une approche globalisante. Ayant une connaissance directe d’à peine
la moitié des quatorze provinces de la région, j’ai essayé de retrouver des recherches –
publiées en langue thaï principalement – peu connues et peu utilisées par les chercheurs.
Inutile d’insister sur le fait qu’une petite partie de ces études a été ici mise à profit. Un
ouvrage de plusieurs centaines de pages serait nécessaire pour révéler davantage la
complexité de cette région et de ses prostitutions.
5
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
Figure n°1 : Le sud de la Thaïlande.
1 - La Région Sud et sa complexité
Même si, pour certaines statistiques, pour certains programmes de développement (et pour
certains guides de voyages) les provinces de Prachuap Khiri Khan (59) voire de Phetchaburi
(58) sont considérées comme méridionales, la Région Sud commence officiellement avec la
province de Chumphon (60), puis comprend Ranong (61), Phangnga (62), Surat Thani (63),
Krabi (64), Nakhon Si Thammarat (65), Trang (66), Phatthalung (67), Satun (68), Songkhla
(69), Pattani (70), Yala (71), Narathiwat (72) et Phuket (73). Le sud musulman inclut
généralement les provinces de Satun, Pattani, Yala, Narathiwat ainsi que les districts de
Songkhla situés au sud et au sud-est de Hat Yai.
La région Sud est celle qui dispose de la plus petite superficie du territoire thaïlandais, de plus
c’est la moins peuplée et la moins riche des quatre régions. 1 Etirée sur 600 Km elle est
constituée par l’isthme de Kra, qui, dans sa partie la plus étroite est large de moins de 50 Km
entre la mer Andaman à l’Ouest et le golfe de Thaïlande à l’Est. En dépit de cette étroitesse, la
région connaît des différences internes importantes. L’ouest, montagneux et parsemé d’îles de
toutes dimensions, est relativement peu peuplé, tandis que l’est, plus peuplé, est constitué de
plaines alluviales. La région dans son ensemble est avec les provinces du sud-est de Bangkok
(Trat, Chanthaburi) la plus arrosée du pays, le record étant généralement détenu par la
province de Ranong.2
1
Cela bien entendu n’est plus le cas si l’on scinde la région Centre en une région Centre proprement dite, une
région Ouest et un région Est (ou Sud-Est) comme cela arrive parfois dans les statistiques.
2
En 1988, il y est tombé 5,15 mètres d’eau en 199 jours (Tera 1990: 61).
6
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
En 1970, un économiste australien faisait une remarque particulièrement pertinente. Il notait
que l’économie de la côte était orientée vers Bangkok, car tous les commerces se faisaient par
le golfe de Thaïlande, tandis que les provinces de la côté ouest (Ranong, Phangnga, Phuket,
Krabi, Trang et Satun) faisaient, jusqu’il y a peu, presque tout leur commerce avec la
Malaysia, et spécialement l’île de Penang (Silcock 1970 : 161). Silcock annonçait cependant
la fin de cette tendance lorsque le réseau routier serait amélioré. Mais l’intégration de cette
partie de la Thaïlande à l’économie malaysienne datait de l’époque coloniale lorsque le
minerai d’étain était le plus souvent exporté directement vers les hauts-fourneaux de Malaisie
(Ingram 1971 : 100-101).
Région
Bangkok
Bangkok et alentours
Région Centre
Région Nord-Est
Région Nord
Région Ouest
Région Est
Région Sud
Pays tout entier
Revenus en 2000
234 398
208 631
75 075
26 755
39 402
59 021
166 916
53 966
78 783
Revenus en 2001
239 207
213 565
78 588
27 381
40 352
63 937
175 292
54 176
81 435
Tableau n°1 : revenus des régions (en millions de baht)
Source : Anonyme 2547 : 10.
Le tableau 1 paraît indiquer que la région Sud se situe en dessous de la moyenne nationale
pour la richesse, mais, si Bangkok et la région Centre (ici décomposée en Centre, Ouest et
Est) est beaucoup plus riche, le Sud ne compte que 12,5% de la population du pays contre
19,4% pour le Nord et 35% pour le Nord-Est et la région Sud est donc en principe mieux
lotie.
Provinces
Population
(en 2006)
Phuket
300 737
Ranong
179 850
Phangnga
245 394
Surat Thani
951 174
Songkhla
1 317 501
Krabi
403 363
Satun
281 545
Chumphon
478 964
Pattani
635 730
Trang
607 450
Yala
468 525
Nakh. Si Thammarat
1 510 460
Narathiwat
707 171
Phatthalung
503 321
Revenu annuel par
habitant
156 796
106 397
67 127
61 122
60 350
56 796
51 436
48 444
47 863
46 584
43 502
39 363
32 998
30 697
Tableau n°2 : Population et revenus annuels par habitant dans les provinces du Sud
Source : http://en.wikipedia.org/wiki/List_of_provinces_of_Thailand_by_population ; Phusawang 2545 : 458,
tableau 2.
7
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
Mais comme le montre le tableau 2, c’est peut-être celle qui connaît les écarts les plus élevés.
Les provinces minières qui ont souvent réussi leur reconversion dans le tourisme comme
Phuket, Phangnga, Surat Thani, Songkhla et Krabi sont beaucoup plus riches que les
provinces tournées seulement vers la pêche ou qui n’ont pas encore pu exploiter leurs
richesses touristiques comme Phatthalung, Narathiwat, Nakhon Si Thammarat et Yala. On
peut également noter que les provinces les plus pauvres sont les provinces à majorité
musulmane qui connaissent traditionnellement des bouffées de violence.
2 - Un paysage ethnique plus complexe qu’il n’est annoncé
Le sud de la Thaïlande est peu peuplé. A la fin des années 1970, les quatorze provinces ne
comprenaient que 12,5% de la population totale du pays. Et la partie la plus riche – l’ouest –
est traditionnellement aussi la moins peuplée. Cela explique que la région soit une terre
d’immigration.
Pourtant tout paraît simple si l’on suit les ouvrages de présentation générale (Sternstein 1976 :
48-52 ; Donner 1978 : 469-72) et les études anciennes disponibles. En dehors des provinces
frontalières avec la Malaysia qui sont peuplées à majorité de Thaïlandais d’ethnie malaise et
de religion musulmane, le Sud ne serait habité que par des Thaïs bouddhistes. On reconnaît
parfois la présence de Chinois et de groupes extrêmement minoritaires placés parfois dans les
circuits touristiques comme les Mokens, les nomades marins, à l’ouest, et les Sakai, des
chasseurs-collecteurs, au sud et au sud-est.
D’un point de vue ethnique, le Sud connaît en fait une intéressante diversité avec des Indiens
et des Môns assimilés, des Jawis musulmans qui font le lien avec la Malaysia voisine, et
presque partout une très large minorité chinoise qui accapare une part importante de
l’industrie et du commerce, dont le commerce de l’hôtellerie et du sexe. Dans l’extrême sud,
la prostitution est un commerce multiethnique dans lequel les patrons et les clients sont plutôt
des Chinois, mais également des Malais, les prostituées plutôt des femmes thaïes du Nord et
du Nord-Est, parfois des Birmanes, mais tout cela se déroule dans un environnement dominé
par une population malaise de langue jawi.
Les Malais musulmans sont effectivement majoritaires dans les provinces de Pattani,
Narathiwat, Satun et Yala et dans certains districts de la province de Songkhla, limitrophe. Le
tableau 3 donne le nombre de mosquées (et d’autres lieux de culte) dans les provinces du Sud
pour l’année 1988.
Les Malais des provinces de Pattani, Yala, Narathiwat et Songkhla parlent généralement le
jawi, une forme locale de malais qui s’écrit toujours en alphabet arabe à la différence du
malais de Malaysia aujourd’hui romanisé. La province de Satun – musulmane à 66% – fait
exception puisque, à l’exception de quelques villages, la quasi-totalité de la population parle
le thaï, entendons une version locale du thaï du sud (Ruetthaphirom 2533 : 49).
8
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
Provinces
Krabi
Chumphon
Trang
Mosquées
134
5
89
Nakhon Si Thammarat
91
Narathiwat
49
Pattani
145
Phangnga
65
Phatthalung
64
Phuket
29
Yala
460
Ranong
16
Songkhla
257
Satun
38
Surat Thani
28
Total
1470
Pagodes
62
168
149
605
65
88
64
215
44
30
27
362
31
262
2172
Autres monastères
1
71
43
214
18
34
6
81
16
11
8
44
18
69
634
Temples/églises
10
9
15
2
5
1
1
1
4
3
15
1
22
89
Tableau n°3 : Mosquées, pagodes et temples chrétiens dans les provinces du Sud
Source : Ministère de l’Intérieur (Samnak… 2531).
Les Thaïs du Sud sont assez différents des Thaïs des autres régions. Leur physique semble
trahir un métissage ancien avec des Indiens et des Malais. Leur langue est quasiment
incompréhensible en raison notamment de l’accent, d’un système tonal différent et de
l’abondance du vocabulaire régional. Dans un livre récent, un grand spécialiste de la culture
du Sud, M. Praphon Ruangnarong, a donné quelques exemples des difficultés de
communication entre policiers du Centre et gens du Sud. Il révèle aussi que la langue thaïe du
sud est riche d’emprunts à de nombreuses langues : le malais, mais également le pâli, le
sanskrit, le khmer, le chinois et même l’anglais ou le français (Ruangnarong 2550 : 13-30).3
Une missionnaire anglaise qui fut en poste à Hat Yai après avoir vécu dans le centre de la
Thaïlande et avoir appris le thaï standard raconte qu’elle fut d’abord incapable de comprendre
le thaï du Sud car les tons étaient parfois inversés et surtout les gens parlaient à une vitesse
inouïe. Elle raconte une anecdote que j’ai plusieurs fois entendue. Deux hommes dans des
trains se croisant à vitesse normale peuvent communiquer : « nai ? » demande l’un ; « Yai »
répond l’autre. Un Thaï du Centre aurait dû demander « pai nai ? » (où vas-tu ?) pour
s’entendre répondre : « pai Hat Yai » (je vais à Hat Yai) (Rose 2006 : 160-161).
Les Chinois sont surtout des Hokkiens sur la côte occidentale. Ce sont des mineurs hokkiens
qui ont surtout travaillé dans les mines d’étain. Peu nombreux dans les autres régions de
Thaïlande, les Hokkiens sont largement dominants dans le Sud. Ils sont venus à partir du
milieu du XIXe siècle de Penang et de Singapour. En effet, il y avait une liaison maritime
entre le Fujian et Singapour qui faisait office de centre de redistribution des immigrants
hokkiens dans la région. Il faut ajouter que pendant très longtemps les liaisons avec Bangkok
étaient beaucoup plus difficiles qu’avec Penang, île malaise à majorité Hokkienne, ou
Singapour. Cela explique que les Chinois hokkiens soient plutôt moins thaïsés que ceux
d’autres régions de Thaïlande. Leurs modèles sont plutôt les Chinois de Malaysia dont
l’assimilation à la majorité malaise n’est pas souhaitée et presque impossible. Par ailleurs,
dans les territoires où les musulmans sont nombreux, les Chinois tiennent le plus souvent à se
démarquer des Thaïs et des Sino-Thaïs qui constituent l’essentiel de l’administration et sont
3
Les femmes de la région disent tha rout pour « mettre du rouge à lèvres », le second mot étant le mot rouge luimême écrit en thaï. L’auteur précise qu’aujourd’hui l’anglais remplace souvent le français et l’expression devient
tha lipsatik (Ruangnarong 2550 : 24).
9
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
souvent très impopulaires. Cela explique ainsi que les Chinois ont parfois préféré garder
ouvertement leurs croyances traditionnelles – liées au taoïsme et au confucianisme – plutôt
que de s’afficher trop ouvertement bouddhistes theravada.
Mais on trouve aussi sur la côte ouest – comme en Malaysia voisine – des Chinois Hakkas,
comme partout impliqués sur le terrain politique. A la fin du XIXe siècle et au début du XXe,
les luttes d’influence des sociétés secrètes hokkien(ne)s et hakkas étaient fréquentes.
Cependant les autres groupes ethnolinguistiques ou géo-dialectaux chinois (Cantonais,
Teochiu) peuvent localement être très présents.
Sur la côte est et au centre de la péninsule, c’est la construction du chemin de fer qui fut
l’élément déterminant. Ce sont d’abord des Hakkas qui sont arrivés en nombre, suivis des
Teochius, des Cantonais et enfin des Hainanais. Comme souvent les Hainanais sont arrivés
après les autres, mais ils ont prospéré dans des secteurs au départ négligés mais qui se
révélèrent finalement très lucratifs tels que la restauration, l’hôtellerie et la prostitution. Les
Hainanais transformèrent l’île de Samui – surnommée « la Petite Hainan » – en véritable base
arrière ou tête de pont. On trouve également de fortes colonies de Hainanais à Hat Yai et dans
l’extrême sud à proximité de la frontière avec la Malaysia.
Il faut également mentionner quelques ultra minorités qui intéressent surtout les ethnologues
et les touristes – thaïlandais autant qu’étrangers – en mal d’exotisme. Il s’agit des Sakai, des
Mokens et des Sam-Sam.
Peut-être les premiers habitants de la région, les Sakai – des Négritos de petite taille à la peau
foncée et aux cheveux crépus – sont bien connus des Thaïlandais grâce à une pièce de théâtre
intitulée Ngo pa (les ramboutans de la forêt) que le roi Chulalongkorn, après un voyage dans
la province de Phatthalung, a composé en 1905 à partir d’un texte poétique sur le même sujet.
L’histoire a été mise en film en 1980 et racontée sous forme de bandes dessinées, de livres
pour enfants… On a trouvé des traces de la présence de Sakai dans les provinces de Satun,
Trang, Phatthalung, Pattani, Yala et Narathiwat. Mais, au cours de la décennie ils se sont
regroupés dans la province de Yala (district de Than To) ainsi que dans le district de Thung
Wa de la province de Satun. Certains, fuyant les troubles du sud de la Thaïlande, se seraient
même réfugiés en Malaysia (Duangchan 2523 : 31). Un film à succès de la fin des années
1970 a encore plus popularisé cette histoire. Plus récemment, fin 2004, un film comique Sakai
United mettait en scène un jeune Sakai de 16 ans originaire du district de Than To de Yala
dans une histoire se déroulant dans le milieu du football (Prayunrasuk 2547).
Les Mokens – chao le (gens de la mer) ou chao nam (gens de l’eau) pour les Thaïs4 –étaient
des nomades marins aujourd’hui quasiment tous sédentarisés en Thaïlande (à la différence de
ceux de Birmanie) et parlant une langue proche du malais. Dans des provinces comme Phuket,
Krabi, Satun, et même Ranong (Samorrat 2008 : 95), ils sont devenus une attraction pour les
touristes. A Satun, en 1990, ils étaient environ 1 200 (Samnak… 2533 : 115). Pour Phuket les
« Sea Gypsies villages » de Rawai et de ko Sire sont mentionnés dans tous les guides. Là
encore, un film thaï – du début des années 1990 –, intitulé simplement Moken, a popularisé
l’ethnie. L’héroïne passait son temps en paréo à collecter dans la mer de superbes coquillages.
Le dernier groupe est beaucoup plus mystérieux. En 1950, A. Kerr et E. Seidenfaden
écrivaient que les Sam-Sam étaient peu nombreux, apparemment issus de Thaïs et de Malais,
4
Les chercheurs distinguent les Mokens, des Moklens et des Urak Lawoi. Cf. Les travaux des ethnologues
français Jacques Ivanoff et Pierre Le Roux.
10
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
vivaient sur la côte ouest de l’extrême-sud et étaient musulmans (Kerr et Seidenfaden 1950 :
31). C’est la version qui fut traduite en thaï et largement diffusée au cours des années 1960.
Mais dans une version plus définitive, publiée par la Siam Society en 1967, E. Seidenfaden
écrit que ces Thaï-Malais qui vivent sur la côte ouest de la province de Satun, ressemblent
beaucoup à des Malais mais ne sont pas musulmans (Seidenfaden 1967 : 104). A ma
connaissance, les femmes d’aucune de ces ethnies n’ont été rencontrées dans le secteur de la
prostitution.
Le Sud manque de main d’œuvre depuis toujours. Il fait donc appel aux populations des
autres régions et même des pays voisins, dont ceux de la Birmanie voisine. Il y aurait
actuellement environ deux millions de Birmans en Thaïlande, dont un million au moins en
situation irrégulière. Dans le Sud, on savait depuis des années que les travailleurs birmans
étaient très nombreux, particulièrement dans les provinces de la côte ouest, mais c’est le
tsunami du 26 décembre 2004 qui a révélé leur présence au public. Dans la province de
Phangnga, la plus touchée, il fut impossible d’identifier comme Thaïs ou comme étrangers
(touristes) 1722 corps. Un rapport officiel de l’ONU se contente de préciser qu’une « grande
partie des corps non identifiés pourraient être ceux de migrants, bien qu’aucun chiffre ne soit
disponible » (anonyme 2006b : 14). En réalité, des chiffres ont bien circulé. Un bref article du
Bangkok Post du 30 décembre 2004 révèle que sur près de 130 000 travailleurs birmans
présents dans les provinces de la côte ouest de la région Sud, seuls 22 504 – soit 17,6% –
étaient officiellement enregistrés au ministère du Travail (cf. tableau n°4).
Province
Ranong
Phuket
Phangnga
Trang
Satun
Krabi
Nombre
47 501
36 483
29 730
8 000
3 000
3 000
127 714
total
Tableau n°4: Nombre de Birmans dans les provinces
touchées par le tsunami en 2004
Source : The Bangkok Post du 30 décembre 2004, p. 5.
Des sources birmanes citées par l’AFP révélaient, le 17 janvier 2005, que pour la seule
province de Phangnga – certes, la plus touchée – entre 2500 et 3000 Birmans auraient pu
trouver la mort et entre 5000 et 7000 auraient disparus (AFP 2005 : 3). Beaucoup travaillaient
comme pêcheurs dans le district de Takua Pa ou comme ouvriers du bâtiment dans les
nombreux resorts en construction de la province de Phangnga. Après la catastrophe, très peu
furent secourus. Beaucoup se cachèrent dans la jungle car ceux qui étaient en situation illégale
furent souvent accusés de pillage et renvoyés en Birmanie quand ils étaient arrêtés
(Samabuddhi 2005 : 2).
Mais le tsunami ne fit que ralentir pour un temps le flot d’immigrants de Birmanie. Début
avril 2008, un drame a bien montré que le trafic continuait. Un groupe de 121 Birmans
originaire de la région de Moulmein, dont de nombreuses femmes et enfants, traversa la
frontière illégalement dans la province de Ranong. Ils furent embarqués dans un camion
frigorifique à destination de Phuket. Mais il y eut un problème de ventilation et 54 d’entre –
dont 37 femmes – succombèrent par asphyxie. Tout cela n’était bien sûr possible que grâce à
des réseaux bien organisés – dans ce cas celui de che (sœur aînée en chinois) Ngo – et de la
11
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
corruption de la police birmane et thaïlandaise. En octobre de l’année précédente, un camion
du même type avait déjà été arrêté avec 51 travailleurs birmans illégaux (anonyme 2008a : 2).
Il faut préciser que, d’un point de vue ethnique, ceux qui sont désignés comme Birmans sont
souvent plutôt des Môns, des Karens ou même des musulmans de l’Arakan birman. Mais
d’autres facteurs compliquent encore l’hétérogénéité ethnique. On sait que depuis plusieurs
siècles les gouvernements siamois ont deplacé vers la plaine centrale des villages entiers de
Malais considérés comme turbulents. Ce que l’on sait moins c’est qu’un mouvement inverse
eut aussi lieu. Encore en 1968, 15.000 « familles loyales » (soit 60.000 personnes) furent
déplacées (de la plaine centrale ou du moyen sud) vers les provinces de Narathiwat, Yala et
Satun dans le but annoncé d’aider à combattre les « terroristes ». Et depuis au moins les
années 1970, des Thaïlandais du Nord-Est – des Isan de culture lao – vinrent travailler sur les
bateaux et dans les ports de la côte est. A ce compte-là, la présence de femmes des régions
Nord et Nord-Est, ainsi que de femmes birmanes travaillant comme prostituées – de façon
directes ou déguisées – n’a rien d’un phénomène extraordinaire.
3 - Une région connue pour sa violence
Le Sud est sans doute la région la plus violente de Thaïlande. C’était vrai autrefois en
raison tout spécialement de la présence des sociétés secrètes chinoises (ang-yi) parmi les
mineurs d’étain. Ainsi, en 1867, la dernière année du règne du roi Rama IV, une mini-guerre
se produisit à Phuket, sans doute en raison d’événements survenus dans la Malaisie
britannique. Deux ang-yi, la Ngi-hin et la Pun Thao Kong, s’affrontèrent pour un problème
relatif à l’eau utilisée pour laver le minerai d’étain dans les mines. Les autorités siamoises
locales expédièrent neuf leaders de ang-yi à Bangkok où ils durent prêter serment de ne plus
jamais causer de troubles (Damrong 2545: 222-3). Mais sous le règne suivant (Rama V,
Chulalongkorn, 1867-1910), des révoltes et des affrontements entre ang-yi éclatèrent
régulièrement comme à Phuket et à Ranong en 1876.
C’est aussi vrai depuis longtemps de la province, pourtant réputée très bouddhiste, de
Nakhon Si Thammarat. Les fonctionnaires n’aiment guère y être mutés tout comme celle
Songkhla. A l’époque des boat peoples, quelques articles de presse avaient montré que c’est
de cette province que partaient les bateaux des pirates qui pillaient, violaient et vendaient des
femmes vietnamiennes aux bordels voisins 5 . C’est encore plus vrai à mesure que l’on se
rapproche de la frontière avec la Malaysia. Là, on trouve depuis longtemps des bandes de
trafiquants, de racketteurs… Une étude commandée par l’armée américaine à des chercheurs
de la Northern Illinois University en 1967 concluait qu’il était quasiment impossible de mettre
en œuvre des projets de développement économique et social dans ces zones où opéraient
d’importants gangs de bandits (anonyme 1967 : 485).
Dans un ouvrage qu’il publia en 1974, George Tanham, qui fut spécialiste de la contreinsurrection à l’ambassade américaine de Bangkok entre 1968 et 1970, écrit (Tanham
1974 : 65):
Pour la Sécurité, la situation est compliquée dans les cinq provinces de l’extrême sud, qui sont peuplées
approximativement de 75% de Malais, de 20% de Thaïs et de 5% de Chinois. C’est une région avec un
banditisme et des pratiques d’extorsion considérables ainsi que du piratage dans les mers locales. Il y a
5
On se souvient de l’article provocateur de Jean-Edern Hallier dans Paris-Match du 2 novembre 1979 intitulé
« Avec les gentils pirates violeurs et assassins » et qui donne le chiffre de 50 000 pêcheurs-pirates (p. 15).
12
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
également un bien mal organisé mouvement séparatiste musulman qui souhaite rejoindre la Malaysia ou
peut-être établir une région autonome. Enfin, il y a l’Organisation terroriste communiste (CTO) qui opère
sous la direction du Parti communiste de Malaysia. Le CTO fut composé au départ de ces terroristes
communistes qui s’installèrent en Thaïlande à la fin des années 1950 à la recherche de sanctuaires après que
les Britanniques les eurent vaincus en Malaisie. Le CTO est sans doute le mouvement communiste le mieux
organisé et dirigé de Thaïlande.
Le 23 avril 1974, deux femmes missionnaires, une Anglaise et une Hollandaise, qui
travaillaient comme infirmières dans une léproserie de la province de Yala, furent enlevées
par des « bandits », en fait, des membres d’une guérilla musulmane. Une rançon de dix
millions de bahts fut réclamée. Elle ne fut jamais payée. En mars 1975, leurs corps furent
retrouvés. Elles avaient été tuées d’une balle dans la tête cinq ou six mois plus tôt. 6
Pourtant, les enlèvements et exécutions d’étrangers ont été exceptionnels. Et pendant
longtemps, le principal mouvement de révolte dans cette région était constitué par le Parti
communiste de Malaisie, largement dominé par des Chinois et qui menaçait le gouvernement
de Kuala Lumpur plutôt que celui de Bangkok. Mais, c’est aussi une région de toutes les
contrebandes alimentant des marchés de produits hors taxes dans les villes frontières, mais
également à Hat Yai et même à Bangkok.
Dans ces régions, les limites ont parfois été difficiles à tracer entre les guérillas
communistes, les mouvements indépendantistes malais et les groupes de simples bandits.
Ainsi en 1971, on estimait à un millier le nombre de guérilleros communistes dans le Sud,
auxquels il fallait ajouter les 500 à 1000 membres du Parti communiste de Malaisie. A la fin
des années 1970, les touristes qui se rendaient à Surat Thani par autocar pour regagner ensuite
l’île de Samui par la mer se rapprochaient dangereusement de zones sous contrôle
communiste.
On peut rappeler que les derniers combattants armés du Parti communiste de Thaïlande
étaient actifs dans la province de Nakhon Si Thammarat, à la fin des années 1980. Et depuis,
cette province a gardé la réputation d’être une des plus dangereuse du pays, ce qui l’a sans
doute handicapée dans son développement touristique, par exemple en comparaison de sa
voisine du nord, Surat Thani.
Un document bilingue – classé « secret » – distribué en 1988 aux membres de la trentième
promotion du Collège de la Défense du Royaume insiste longuement sur ceux qui étaient
alors appelés les bandit terrorists, les séparatistes musulmans, ainsi que la Communist
Terrorist Organization, c’est-à-dire le Parti communiste de Malaisie, les deux passant à
l’occasion des alliances. Il est précisé que cette dernière organisation est sans cesse à la
recherche de ravitaillement et d’abris, mais échange également sa protection contre de
l’argent et recrute des civils dans ses unités de combat (anonyme 2531a : 3-5). Selon Ruth
McVey, qui fit plusieurs séjours dans le district de Na Thawi, situé au sud-est de Hat Yai, au
cours de la période 1972-1976, les guérillas communistes étaient beaucoup plus populaires
que les guérillas séparatistes musulmanes jugées indisciplinées et sans réels contacts avec les
populations urbaines (McVey 1984: 130).
Les mouvements séparatistes anciens sont eux-mêmes assez bien répertoriés, même s’il
existe des divergences sur la date de leur création. Un mémoire de 2005 distingue la Patani
6
Notons que trente ans plus tard une missionnaire de la même congrégation – qui avait pourtant eu l’occasion de
les rencontrer – retient que ce sont des « bandits communistes » qui « les firent se mettre à genoux et leur
tirèrent une balle dans la tête » (Rose 2006 : 96).
13
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
United Liberation Organization (PULO), fondée en 1962 ou 1968, très active chez les
étudiants jawi d’Arabie Saoudite, qui fit parler d’elle en 1975-1976 et reste très active, le
Barisan Rivolusi Nasional Malayu Patani (BRN – Front révolutionnaire national des Malais
de Pattani), une scission gauchiste du précédent en 1960 qui devint célèbre en mars 1965 par
l’enlèvement du gouverneur de la province de Pattani et qui est toujours actif à la fois
politiquement et militairement, le Barisan Nasional Pembebasan Patani (BNPP – Front
national de libération de Pattani) qui fut actif à partir de 1971 comme réaction au gauchisme
du BRN, mais qui semble s’être établi en Malaysia et être peu actif en Thaïlande, le Barisan
Bersatu Mujahidin Patani (BBMP – Front uni des mujahidin de Pattani), né en décembre
1985 d’un regroupement de mouvements islamistes, selon certains, proches du simple
banditisme, mais se fixant comme but ultime l’indépendance des provinces musulmanes et le
triomphe de l’islam, et enfin le Gerakan Mujahidin Islam Patani (GMIP – Mouvement des
mujahidin pour un Pattani musulman), fondé en 1995 par des musulmans ayant combattu en
Afghanistan et qui seraient responsables de l’attaque du camp militaire de 2004, considérée
comme le point de départ des violences qui se poursuivent encore aujourd’hui (Sisomphong,
Thirawan et Misuaisakunwong 2548: 9-10; Iawsiwong 2550: 50-54).
Il est convenu de considérer que les troubles actuels ont débuté en janvier 2004. En effet,
le dimanche 4 janvier, un groupe de personnes, armé seulement de sabres, a attaqué un camp
militaire dans le district de Cho Ai Rong de la province de Narathiwat, tuant quatre soldats
thaïlandais et emportant 102 fusils. Le même jour, 20 écoles étaient incendiées dans les trois
provinces de Narathiwat, Yala et Pattani. Et le lundi 5 janvier, deux bombes explosaient dans
la ville même de Pattani, l’une d’entre elles tuant les deux policiers qui tentaient de la
désamorcer. Ce fut le gros titre du quotidien Bangkok Post du mardi 20 janvier : « Violence in
the South. Bombs explode in Pattani ». Depuis cette date, les attentats furent presque
quotidiens et certains jours on en compta jusqu’à cinq ou six. L’expression de fai tai (incendie
dans le Sud) fit les titres des journaux et de nombreux livres, qui ne manquaient pas de donner
des avis sur les meilleures manières d’éteindre l’incendie (dap fai). Mais l’expression de fai
tai n’est pas nouvelle. Elle fut ainsi utilisée pour les événements qui se produisirent en août
1993 : le 1e août, incendie de 35 écoles, puis douze jours plus tard une bombe endommage
une pagode, et quinze jours plus tard, mitraillage du train reliant Sungai Kolok faisant un mort
et dix blessés (Dittha-aphichai 2536 : 38).7
Une étude plus fine de la violence, du banditisme et des insurrections dans cette région serait
nécessaire. Selon divers témoignages et opinions de chercheurs dès les années 1970, les
habitants faisaient peu de distinctions entre les divers mouvements qui ne perturbaient pas de
manière réellement significative leur vie quotidienne. Rejoindre une rébellion ou un gang était
une solution presque acceptable pour les jeunes qui n’avaient pas envie d’emprunter la voie
de leurs parents et de travailler la terre ou exploiter une plantation d’hévéa (McVey 1984:
127-128).
4 - Généralités sur la prostitution dans le Sud
En 1960, dans l’ouvrage de Thomas M. Fraser sur le village de Rusembilan, un village de
pêcheurs, le premier grand classique sur la culture du Sud musulman, il est écrit qu’il n’y
avait pas de sentiment d’inégalité entre les hommes et les femmes même si les jeunes filles
7
Etrangement, à l’époque l’opinion publique pencha plutôt pour des motifs politiques : déstabiliser le
gouvernement (anonyme 2536).
14
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
pubères étaient gardées isolées dans la maison de leurs parents jusqu’au mariage (Fraser 1960 :
149-150).
Les femmes de la région Sud sont celles qui sont les plus réfractaires à gagner leur vie par la
prostitution sous quelque forme que ce soit. Mais, alors qu’elles y étaient presque totalement
absentes il y a une ou deux décennies, elles sont moins rares aujourd’hui, sans que l’on en
comprenne les raisons. Leur traditionnelle réticence oblige cependant les proxénètes et les
trafiquants de femmes à recruter dans les autres régions du pays, dans le Nord surtout où les
femmes sont connues pour avoir la peau plus blanche, ce qui correspond au goût de la
clientèle locale et malaysienne. Les goûts des touristes occidentaux en matière de type
féminin sont à l’opposé et vont plutôt vers la femme à la peau plus sombre que l’on rencontre
dans le sud ou dans certaines régions du Nord-Est.
La région Sud, après la région Centre, sans comprendre Bangkok mais avec Pattaya, est celle
qui a le plus d’établissements de prostitution en Thaïlande (1 332 contre 1 560) et le plus de
prostituées (16 576 contre 22 969), Bangkok étant un cas à part avec seulement 883
établissements mais 28 666 prostituées.8 C’est ce que l’on apprend dans le « Thamniap laeng
phrae rok titto thang phetsamphan » (Répertoires des lieux de transmission des maladies
sexuelles) Tham kansamruat thuaprathet du Kong khuapkhum rok tito. Krasuang
satharanasuk. (Ministère de la Santé, unité de contrôle des maladies transmissibles) qui est le
résultat d’une enquête concernant l’ensemble du pays, réalisée entre le 1e et le 12 janvier 1990.
Il faut poser quelques remarques générales préalables.
La prostitution dans le sud a, en Thaïlande, quelques caractéristiques spécifiques sur
lesquelles il faut insister dès le départ.
1. L’extrême sud est une région frontière avec un pays à majorité musulmane dans lequel
la prostitution est beaucoup moins tolérée qu’en Thaïlande. Les Français doivent ainsi
se souvenir de l’Espagne franquiste et du rôle que pouvaient alors jouer les villes
françaises proches de la frontière espagnole comme Perpignan. Pour beaucoup de
Malaysiens – surtout mais pas seulement d’ethnie chinoise – le week-end prolongé de
l’autre côté de la frontière permet de « décompresser ». Etrangement, on trouve dans
l’extrême sud de la péninsule malaise, à proximité de Singapour, des bordels pour
Singapouriens, mais il s’agit d’une région plus libérale que celle qui se situe de l’autre
côté de la frontière thaïlandaise.
2. Dans la genèse de la prostitution de la région Sud, il n’est quasiment pas possible
d’incriminer les Occidentaux qui n’ont jamais séjourné en grand nombre dans la
région, à l’exception de l’île de Phuket à l’ouest et de l’île de Samui (et quelquesautres) à l’est. Contrairement au Centre et au Nord-Est, le Sud n’a par exemple jamais
abrité de base aérienne ou navale américaine pendant la guerre du Viêt-nam. Les
touristes qui font vivre et prospérer le secteur de l’hôtellerie, de la restauration et des
distractions nocturnes dans des provinces comme Songkhla, Yala, Narathiwat sont des
Asiatiques et des Thaïlandais, et des Occidentaux mais seulement dans une proportion
particulièrement faible.
8
Viennent ensuite le nord du pays avec 1290 établissements et 10 241 prostituées et le nord-est avec 1095
établissements et 8042 prostituées.
15
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
3. Toutes les études montrent que les Chinois de Malaysia fournissent les gros bataillons
des touristes sexuels des villes frontières et même de Hat Yai. Sungai Kolok se trouve
en face de la province malaysienne du Kelantan, Betong de la province de Perak,
Sadao de la province de Kedah et Padang Besar de la province de Perlis, la plus petite
de Malaysia. D’après le recensement de 1980, le Kelantan comptait 48 000 Chinois,
soit 5,4% de la population, le Perak comptait 737 000 Chinois, soit 40,8% de la
population, le Kedah comptait 208 000 Chinois, soit 18,6% de la population, et le
Perlis comptait 26 000 Chinois, soit 17% de la population (anonyme 1988). En fait, à
l’exception de l’Etat de Perak, ce sont les provinces frontalières de la Thaïlande qui
comptent la plus forte proportion de Malais musulmans (Saw 1988 : 66). Et on peut
comprendre que les Chinois du Kelantan, dont la devise est « le Kelantan est entre les
mains d’Allah » et qui a longtemps été, à partir de 1978, dominé par un parti islamiste,
le Partai Islam Se-Malaysia (PAS)9, ressentent régulièrement le besoin de changer
d’air et de se rendre dans un pays aux mœurs plus libres.
4. Il existe quelques cas particuliers qui devraient faire l’objet d’études séparées comme
la province de Ranong et ses maisons de prostituées birmanes servant une population
de pêcheurs eux-mêmes largement d’origine birmane. Les plages de Phuket, et surtout
la station balnéaire de Patong avec ses nombreux bars à prostituées sur le modèle de
Pattaya, offrent une prostitution originale pour la région puisque essentiellement
tournée vers une clientèle de touristes occidentaux et asiatiques. D’autres plages ont
suivi le modèle de Patong ou sont en passe de le suivre. C’est bien entendu le cas de
Chaweng dans l’île de Samui.
5. Enfin, on ne peut éviter de parler de la situation de violence permanente que
connaissent les provinces frontalières de la Malaysia. L’insécurité quotidienne et les
menaces qui visent chacun n’encouragent guère le tourisme, sexuel ou non. En
revanche, la présence de nombreux soldats et militaires, pour la plupart étrangers à la
région, serait plutôt un facteur favorable au développement d’une certaine forme de
prostitution.
Le tableau 5 indique le nombre de prostituées et d’établissements de prostitution dans les
provinces de Thaïlande. Les chiffres – quasi officiels – sont sans doute sous-estimés, mais ce
sont les comparaisons qui nous intéressent. Avec 17 598 prostituées et 1 378 établissements,
le Sud est la deuxième région de Thaïlande pour le nombre d’établissements de prostitution et
la troisième pour celui des prostituées, mais Bangkok, la capitale constitue un cas à part. La
région Centre est ici entendue dans le sens le plus large et comprend 24 provinces, dont
Chonburi avec la station balnéaire de Pattaya. Si l’on voulait se livrer à un simple calcul
prenant en compte le nombre de provinces et la population de chaque région, on pourrait
vraisemblablement montrer que le Sud est la région où la prostitution est la plus présente.
9
Le PAS du Kelantan aurait ainsi proposé que le développement économique soit subordonné aux principes de
base de l’islam, et aurait songé à appliquer aux non-Malais le système pénal basé sur le Coran (Milne et Mauzy
1999 : 82-89).
16
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
province
Nb d’établissements
Bangkok
688
Sud
1378
Chumphon
71
Krabi
63
Nakhon Si Thammar.
112
Narathiwat
112
Pattani
59
Phangnga
50
Phatthalung
40
Phuket
227
Ranong
44
Satun
52
Songkhla
310
Surat Thani
71
Trang
92
Yala
75
Nord
1008
Chiang Mai
200
Chiang Rai
176
Kamphaeng Phet
34
Nakhon Sawan
70
Lampang
92
Lamphun
46
Mae Hong Son
34
Nan
31
Phayao
71
Phetchabun
32
Phichit
38
Phitsanulok
35
Phrae
57
Sukhothai
33
Tak
27
Uttaradit
32
Centre
1551
Angthong
13
Chachoengsao
33
Chanthaburi
75
Chonburi
388
Kanchanaburi
39
Lopburi
49
Nakhon Nayok
20
Nakhon Pathom
64
Nonthaburi
53
Pathum Thani
46
Prachinburi
60
Prachuap Khirikhan
60
Phetchaburi
24
Phra N S Ayutthaya
44
Ratchaburi
84
Rayong
82
Samut Prakan
78
Samut Sakhon
31
Samut Songkhram
22
Saraburi
61
Singburi
29
Suphanburi
103
Trat
64
Uthai Thani
29
10
Nb de prostituées
20 366
17 598
914
543
896
2 040
693
338
264
2 574
712
320
5 091
943
936
1 334
8 880
3 062
1 133
214
670
643
375
197
201
397
334
211
341
213
244
375
270
22 600
103
368
1 192
6 439
590
451
129
1 252
907
944
867
86710
486
754
1 122
1 142
855
484
263
604
229
902
1 004
160
Comme les données sont identiques pour les provinces de Prachinburi et de Prachuap Khiri Khan, il est
évident qu’il y a une erreur.
17
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
Nord-Est
Buriram
Chaiyaphum
Kalasin
Khon Kaen
Maha Sarakham
Mukdahan
Nakhon Phanom
Nakhon Ratchasima
Nong Khai
Roi Et
Sakon Nakhon
Sisaket
Surin
Ubon Ratchathani
Udon Thani
Yasothon
Total Thaïlande
917
64
36
39
123
38
13
48
110
50
82
31
36
37
91
91
28
5 622
7 798
362
190
590
1 378
185
70
235
1 382
297
497
205
270
313
923
796
105
200 000
Tableau n°5 : Nombre d’établissements de prostitution et de prostituées
dans les provinces de Thaïlande en 1992.
Source : Anonyme 2535 [1992] pp. 26-27.
Le tableau 5 montre encore que les régions qui fournissent les plus forts contingents de
prostituées sont celles qui paradoxalement comptent le moins d’établissements de prostitution
et de prostituées. Ainsi, le Nord-Est, avec 7 798 prostituées, et le Nord, avec 8 880, sont loin
derrière le Sud (17 598 prostituées) et le Centre, sans Bangkok mais avec Pattaya (22 600
prostituées). Le tableau 6 donne des chiffres plus officiels, ceux du département des Maladies
transmissibles du ministère de la Santé publique. Ils sont plus modestes mais les différences
sont aussi nettes.11
Régions
Bangkok
Sud
Centre
Nord
Nord-Est
Nb de prostituées
25 869
11 504
19 252
4 390
5 175
Total
66 190
Tableau n°6 : Nombre de prostituées en Thaïlande
par région, en 1996.
Source : Kokiatkhachon et Kiatprachak 2540 [1997] : 38.
5 - Phuket, la « perle du sud » et Patong, son «Pattaya »
Phuket, la plus grande île de Thaïlande avec 539 km2, est située à environ 900 km de
Bangkok. La grande richesse de l’île avant le tourisme fut le minerai d’étain, ce minerai étant
recueilli à la fois sur terre et en mer. En 1983, Phuket comptait encore 46 mines d’étain, mais
les plate-formes de dragage situées au large des principales plages risquaient de faire fuir les
touristes en troublant durablement une mer vendue comme cristalline. Toutefois, il faut savoir
11
Ces chiffres ont été donnés au cours d’un entretien du Dr Wichai Chokwiwat au quotidien économique
Krungthep Thurakit du 10 décembre 1996 et incluent 1 945 prostitués hommes (Kokiatkhachon et Kiatprachak
2540 : 38).
18
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
qu’en 1979, alors que le tourisme était encore bien peu développé, le PNB (GPP) par
personne était le plus élevé de Thaïlande avec 39 470 bahts (anonyme 1983 : 6).
C’est en 1965-1967 que la compagnie Christiani & Nielsen (Thai) Limited a construit le pont
Sarasin reliant Phuket au continent. Ce pont, long de 360 mètres, donnait un accès beaucoup
plus aisé à Phuket, qui n’était plus tout à fait une île. Le développement touristique – d’un
tourisme d’abord intérieur – pouvait commencer.
Phuket, qui était alors quasiment la seule province de Thaïlande du Sud à ne pas abriter de
guérilla communiste, s’est réellement développée comme un lieu de tourisme international
depuis 1973. Avant cette date, l’île n’avait que 8 hôtels touristiques avec un total de 527
chambres. Il est possible que certains des douze hôtels enregistrés dès 1965 par
l’administration étaient des hôtels à prostituées, mais au cours de l’année 1965 il n’avait été
répertorié que deux cas de blennorragie et trois cas de syphilis (anonyme 2510 : 56, 149).
En juin 1973 une mission de l’Office thaïlandais du tourisme se rendit à Phuket pour préparer
un plan de développement touristique. Il fut présenté lors d’un séminaire intitulé « L’industrie
du tourisme: le nouveau visage de Phuket », qui se tint les 12-14 novembre 1973. Il fallait
changer l’image de Phuket, d’une province minière à un paradis touristique (Thatsanasuwan
2521 : 79). En 1977, le nombre d’hôtels était passé à 26 et le nombre de chambre à 1 314. On
annonçait alors l’ouverture de 10 nouveaux hôtels avant 1979 ce qui devait avoir pour effet
d’augmenter d’un millier le nombre des chambres disponibles (Phonphiriyakunchai 2521 :
15-16). Mais, dans un article du mois d’avril 1977 de Travel East, une revue locale consacrée
au tourisme, on ne mentionne que trois hôtels de classe internationale, le Pearl, un hôtel de
douze étages dans la ville de Phuket, le Phuket Island Resort, ouvert en janvier 1973 dans le
sud de l’île par un propriétaire de mines, et le Patong Beach Hotel, ouvert en 1976 (James
1977 : 9, Thatsanasuwan 2521 : 81). Cependant les bungalows étaient nombreux et bon
marché puisque les prix commençaient à 30 bahts soit 1,5 dollars américains de l’époque.
Jusqu’à la fin des années 1970, il fallait au moins douze heures pour lier Bangkok à Phuket.
En effet, ce n’est qu’en 1978 que l’aéroport de Phuket fut ré-ouvert.12 Il fut possible de se
rendre à Phuket, depuis Bangkok, en deux heures (et aujourd’hui en une heure). Au départ, il
y eut un seul vol quotidien, puis deux, mais il s’agissait de petits avions de 44 places. Très
vite, l’aéroport fut agrandi pour se transformer en un véritable aéroport international acceptant
des Boeing 777. Dès la fin de l’année 1983, il accueillait ainsi des avions venant de Singapour
et de Malaysia. Ainsi, en 1984, huit vols hebdomadaires reliaient Phuket et Singapour
amenant au total environ deux mille Singapouriens (« Ziggy » 1984 : 27). Phuket pouvait
rêver rivaliser avec Penang, en Malaysia, et Bali, en Indonésie.
Phuket est un cas intéressant car il présente deux types de prostitution presque étanches l’une
vis à vis de l’autre. En 1990, après Songkhla, Phuket est la province du Sud qui compte le
plus d’établissements de prostitution (211 contre 292) et de prostituées (2460 contre 4564).
Cependant les chiffres sont douteux puisqu’il n’y aurait eu que cinq bordels employant au
total 48 femmes. Les autres établissements sont des hôtels (39 avec 63 prostituées), des nightclubs (3 avec 78 prostituées), des bar-beer (134 avec 1172 prostituées), des discothèques (3
avec 60 prostituées), des restaurants (39 avec 619 prostituées), des cocktail-lounges (14 avec
127 prostituées), des salons de massage (2 avec 157 prostituées) et des salons de massage « à
l’ancienne » (7 avec 136 prostituées).
12
La liaison avait déjà fonctionnée à la fin des années 1950 et au début des années 1960, mais avait dû être
interrompue, sans doute faute de passagers.
19
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
Ces statistiques recouvrent très clairement deux types de prostitution, une prostitution pour
locaux et une seconde pour les touristes occidentaux. Pour locaux il s’agit de bordels
(samnak), de salons de massage, de cocktail-lounges, d’hôtels et de restaurants situés dans la
ville de Phuket, tandis que les 23 bar-beer de la plage de Karon, les 24 de la plage de Kata, et
les dizaines de la plage de Patong ont bien entendu une clientèle de touristes occidentaux.
L’affaire de Phuket (1984)
La ville de Phuket est, comme celle de Trang, de Hat Yai, de Yala, etc., une ville chinoise.
Dès 1897, 40% de la population de l’île de Phuket était chinoise ; il s’agissait bien entendu
des quelque 11 350 mineurs d’étain (Pramualratana 1986 : 21), mais également des riches
commerçants et industriels qui firent construire en ville les maisons de style « sinoportugais » si caractéristiques de Phuket. Comme toutes les capitales de province, et surtout
des provinces riches, la ville de Phuket ne manque pas de lieux de « distractions nocturnes »
pour locaux. Une liste de mars 1983 mentionnait ainsi un salon de massage – celui de l’hôtel
Pearl –, quatre spectacles de Ramwong, sept night-clubs. Les simples bordels n’étaient pas
répertoriés.
La prostitution locale dans ce qu’elle a de plus sinistre fit la une de la presse pendant des
semaines au cours de l’année 1984. Le 30 janvier de cette année, un incendie se déclara près
du marché central. Le feu se propagea dans les rues voisines où ne se trouvaient pas moins
d’une soixantaine de bordels. L’un d’eux, situé sur la rue de Bangkok, fut totalement détruit
par les flammes. Cinq prostituées qui se trouvaient lourdement enchaînées ne purent
s’échapper et leurs corps calcinés furent découverts dans les décombres. Sept autres avaient
été brûlées, certaines très gravement. Originaires du Nord et du Nord-Est, beaucoup de ces
filles avaient été conduites à Phuket en prévision du surcroît de fréquentation des bordels
occasionné par le nouvel an chinois (Thayahathai 2528:25).
On apprit rapidement que les prostituées décédées avaient été arrêtées par la police quelques
jours plus tôt mais avaient été rapidement relâchées sans doute après paiement d’un bakchich
ou quelque autre arrangement (Bangkok World 15 février 1984: 6). La presse s’empara de
l’affaire et « l’enfer de Phuket » ou « l’enfer du bordel de Phuket » (narok song Phuket) eut
un impact durable sur la population de Thaïlande jusque-là très tolérante. Par chance, le
commandant en chef de la police de cette époque, le général de police Narond Mahanond,
était un homme intègre. Le propriétaire du bordel, un Chinois du nom de ko Leng Thianngarm, fut arrêté puis condamné à la prison à vie tandis que deux autres proxénètes écopaient
de peine de 10 et 21 ans de prison. Toutefois, les trois officiers de police responsables du
secteur de Phuket furent, eux, seulement transférés.
Jusque-là beaucoup de Thaïlandais préféraient penser que la prostitution était d’abord un
phénomène lié à la présence des troupes américaines dans le pays lors des décennies 1960 et
1970, puis des hordes de touristes occidentaux lors de la décennie suivante. Ils savaient que la
prostitution locale existait mais en avaient souvent l’image un peu glamour de la taxi-girl ou
de la chanteuse. Là il s’agissait de privation de liberté et d’esclavage (Sangwanphet 2527 : 5).
Cela eut un effet durable sur les esprits et les législateurs commencèrent de considérer les
prostituées comme des victimes plutôt que des délinquantes.
20
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
Patong, rivale de Pattaya
L’île de Phuket avait accueilli 21 900 touristes étrangers en 1977, l’objectif était alors d’en
recevoir 248 000 vingt ans plus tard, mais, dès 1985, le nombre semble avoir été atteint.
Cependant, après avoir été un paradis pour routards, l’île devait être une destination pour
Occidentaux aisés, le contraire de Pattaya.
Pourtant le développement de la prostitution sur la plage de Patong au cours des années 1980,
surtout sous forme de bars à bière a causé quelques soucis. Mais la politique officielle était
alors loin d’être bien définie, puisqu’en 1983 des milliers de marins américains (en au moins
six visites) avaient été autorisés à faire escale à Patong, qui semblait devoir concurrencer
Pattaya sur ce secteur. Pour éviter les photos – catastrophiques pour l’image de l’île – de
débarquements intempestifs, il fut suggéré que les marins américains débarquent plutôt dans
la province voisine de Phangnga, alors très peu touristique (correspondent 1983 : 15).
Trois ans plus tard, en décembre 1986, c’est l’Office thaïlandais du tourisme (kanthonthiao
haeng prathet thai) qui s’inquiétait que le nombre de bars à bière, de prostituées et de lieux de
distraction nocturne sur Patong puisse nuire à l’image de la station. Le rapprochement avec
Pattaya était répété (anonyme 1986 : 17).
L’ouverture du Club Med. Phuket sur la plage voisine de Kata en décembre 1985 a permis de
rectifier un peu l’image de l’île. C’est la première chaîne occidentale à parier sur Phuket. Le
village de 36 ha de terrain comprenait une piscine, sept courts de tennis, quatre courts de
squash, et des facilités pour de nombreux sports. La nourriture internationale proposée (thaïe,
chinoise, japonaise, européenne) montre qu’il s’adressait aussi aux Asiatiques. Le village eut
de fait un beau succès chez les Japonais.
Certes, la plage de Patong reste un lieu où les Occidentaux vont davantage pour les
prostituées que pour le sable fin, mais les établissements haut de gamme sont devenus très
nombreux, ainsi le Ban Thai Resort qui propose de premières chambres à 5.200 bahts la nuit
et une suite à 50.000 bahts. Un guide sur la vie nocturne en Thaïlande, publié en 1991, se
réfère – pour Phuket – presque essentiellement à Patong. Il mentionne surtout les 54 bars à
bière du soi (ruelle) Bangla. Les auteurs précisent : « Le doi Bangla est de loin l’endroit le
plus populaire pour rencontrer des jeunes femmes libres (…) ; à chacun de ces bars on peut
avoir de la compagnie pour le prix d’une boisson ; et celui qui souhaitera approfondir les
relations avec une des filles devra payer une taxe d’environ 100 bahts au bar, si cela se passe
pendant les heures d’ouverture ». Ils précisent également que tous ces bars se ressemblent et
sont essentiellement des lieux de rencontre (Dingwall, Swabey et Rice 1991 : 123). Comme
pour la plupart des bars de Bangkok ou de Pattaya, 13 il ne s’agit donc pas de lieux de
prostitution, mais il s’agit simplement de mettre en relation une offre et une demande.
Patong essaie de se mettre au goût du jour cependant. En témoigne l’inauguration en 2007 du
Ban Thai Beach Resort and Spa avec trois piscines, un centre de fitness. Mais les tarifs sont
élevés pour un portefeuille asiatique (d’un peu plus de 100 à 1000 euros la nuit) (cf.
www.BanThaiPhuket.com). Mais, aussi coûteux soient-ils, les hôtels de Patong ont intérêt à
fermer les yeux quand les clients rentrent dans leur chambre avec une prostituée.
13
Certains bars se sont transformés en lieu de prostitution au cours des années 1980. En effet, des chambres ont
été aménagées dans des pièces adjacentes aux bars, et les bar-girls proposent ainsi aux clients de faire l’amour
dans le périmètre du bar. De plus, il existe – au moins à Patpong et sur la rue Sukhumvit – deux ou trois bars
dans lesquels les filles proposent des fellations délivrées sur place ou dans une pièce voisine.
21
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
Les prostituées de Phuket
Les prostituées des bars de Phuket (et de Samui) s’adressent à une clientèle européenne et par
conséquent beaucoup plus proches des prostituées des bars de Bangkok ou de Pattaya que de
celles des « bordels », des karaokés et des restaurants que l’on rencontre dans les autres villes
de la région Sud.
Une enquête, diffusée vers 1992-1993, donne le portrait de trois de ces « filles de bar » de
Phuket. L’enquête ne précise pas s’il s’agit de bars de Patong, mais cela paraît plus que
probable. Ari a 19 ans ; elle a suivi l’enseignement primaire et trois années d’enseignement
secondaire ; elle fut d’abord domestique dans un hôtel pour un salaire de 1 500 bahts par mois
(30 euros), puis est venue travailler dans un bar quatre mois avant la date de l’entretien ; elle
travaille entre 20h00 et 2h00 du matin ; si un client veut qu’elle quitte le bar, il doit verser 400
bahts (8 euros) au propriétaire, puis, s’il veut l’amener à l’hôtel, il devra lui verser 500 ou 600
bahts (10-12 euros) de tip, le mot anglais – écrit en thaï – étant utilisé pour donner
l’impression d’un lien marchand moins marqué. Dans le bar où travaille Ary, les filles qui
dansent sur scène reçoivent un fixe mensuel de 3 000 bahts (60 euros). Pour perdre sa
virginité, elle reçut la somme de 3 600 bahts (72 euros). Ari raconte encore que ses parents
sont séparés, que sa mère ignore le type de travail qu’elle fait à Phuket, qu’elle a eu un mari et
un enfant, mais qu’elle ne vit plus avec son mari (Prasitratthasin 1992 : 128).
Supphanni, elle, a 16 ans, et travaille également dans un bar de Phuket. Aînée de trois filles,
ses parents, des hévéaculteurs, étaient très pauvres et elle n’a donc pu aller à l’école que
pendant une année. Elle avait déjà eu un petit ami (faen) avec lequel elle avait eu des relations
sexuelles, « gratuitement » précise-t-elle. Elle travaille de 16h00 à 2h00 du matin. Elle n’a en
moyenne que trois clients par semaine (Prasitratthasin 1992 : 146). La troisième prostituée se
nomme Maliwan et a 19 ans ; elle travaille également dans un bar de Phuket. Elle est la
dernière de six enfants et ses parents étaient des commerçants pauvres. Elle a suivi trois ans
l’enseignement secondaire. Elle est d’abord venue travailler à Phuket comme serveuse avant
d’aller de sa propre initiative travailler dans le bar où elle est interviewée (Prasitratthasin
1992 : 170).
Les bar-girls sont les prostituées que rencontrent le plus fréquemment les touristes
occidentaux. Certaines refuseraient catégoriquement la dénomination de « prostituée »
(sopheni), qui, selon elles, ne convient que pour les filles travaillant en « bordels » (song).
Elles ont relativement peu de clients et elles peuvent toujours garder l’illusion de la séduction :
le client lui offre un verre, paie un dédommagement au bar pour pouvoir sortir avec elle avant
l’heure de fermeture, l’invite souvent à manger, et, si, après l’amour, le client lui laisse de
l’argent, c’est parfois parce qu’elle lui a pris soin de bien lui expliquer que ses revenus étaient
insuffisants, que sa vieille mère avait grand besoin de médicaments coûteux, qu’elle devait
acheter une mobylette à son frère, ou réparer le toit de la maison dans le village avant les
pluies de la prochaine mousson, etc.
« Free Sex » des Occidentaux à Phuket
« Allez observer les femmes occidentales (maem) nues à Phuket » conseillait une revue
populaire en mai 1983 (anonyme 2526a : 48). En 1979, des reportages avec photos avaient
même montré des touristes scandinaves, suisses, australiens, américains et allemands
pratiquant le nudisme intégral sur la plage de Nai Han, dont cela fit la célébrité (Prasopsap
22
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
2522 ; Thatsanasuwan 2521 : 82). Dans Thai Rath, le quotidien leader du pays, le 16 août
1984, un député de Phuket fut même interrogé à ce sujet. M. Charun Serithawan expliquait
qu’en semaine les touristes se faisaient bronzer et se baignaient entièrement nus, mais que le
week-end, étant donnée l’affluence, ils se montraient seulement topless (Long Likhit 2527 : 3).
Mais à Phuket, comme à ko Samui ou à ko Lan, au large de Pattaya, les Européennes bronzant
les seins nus étaient parfois perçues comme des apôtres de l’amour libre et parfois comme une
menace envers une société locale plus habituée à cacher les comportements libertins. Cela
« détruit la morale et la culture » (thamlai sinlatham lae watthanatham) lit-on parfois (Long
Likhit 2527 : 3). Il semble que, pour le Thaïlandais, il y ait une forme de continuité entre cette
liberté vestimentaire, la liberté de mœurs qu’elle suggère et la fréquentation des prostituées
par les touristes occidentaux. Mais la psychanalyse thaïlandaise n’est sans doute pas encore
assez développée pour nous donner davantage d’éléments explicatifs.
6 - Chaweng, le Patong de ko Samui
Samui est la troisième île de Thaïlande, après Phuket et Chang, au large de Trat. Dans un
article publié sur Samui en juillet 1969 dans le mensuel du Bureau thaïlandais du tourisme, il
n’était question que d’industrie du cocotier.14 Jusqu’au début des années 1980 l’île était à six
heures de bateau de la côte. Les jeunes Australiens, Français et Allemands venaient y faire un
séjour tranquille logeant dans des cabanes construites avec les troncs et les feuilles des
cocotiers et se faisant bronzer nus sur les longues plages (Prasopsap 2522 : 21).
En 1979 la route faisant le tour de l’île et permettant l’accès aux plages fut asphaltée. Il y
avait alors une cinquantaine de véhicules – certains datant de la Seconde guerre mondiale –
pour l’ensemble de l’île. En 1983, un service de navettes rapides permit de raccourcir la durée
du trajet à deux heures entre Surat Thani et l’île de Samui, puis le réduisit encore à une heure
vingt. Puis tout alla très vite. L’électricité couvrit l’ensemble de l’île en 1987 par un câble la
reliant au continent15 (Fang 1992 : 96). Surtout, en 1989, un aéroport – géré par la Bangkok
Airways, une compagnie privée – fut ouvert à ko Samui. Il suffisait désormais d’une heure
pour faire un déplacement qui prenait auparavant une journée. Cela permettait à une clientèle
pressée et fortunée de se rendre dans les îles.
Dès le début des années 1990, la plage de Chaweng, la plus longue de l’île avec 6 ou 7
kilomètres, comptait quelques bars, night-clubs et discos, mais la plage de Lamai, plus au sud,
n’en était pas dépourvue. Une décennie plus tard le développement des distractions nocturnes
à Lamai est resté modeste tandis qu’il a connu un développement phénoménal à Chaweng.
Les massages, les bars, les pubs de toutes spécialisations abondent. En 2001, un guide de
langue thaï n’hésite pas à comparer Chaweng à Patong et à Pattaya (Sarakhadi 2544 : 41).
Comme à Patong et à Pattaya, les prostituées sont de deux sortes : celles qui accompagnent
les touristes mâles qui les ont rencontrées au début de leur séjour et qui exercent généralement
14
Donnant des chiffres pour l’année 1965, l’auteur expliquait qu’il y avait 1 335 473 cocotiers donnant des fruits
et 734 333 autres cocotiers, que chaque cocotier donnait cinq noix de coco tous les 45 jours et que tous les mois
c’était entre 1,5 et 2 millions de tonnes de noix qui étaient envoyées vers Bangkok (Raktapurana 2512: 27). En
1985, on lisait que 91,35% de la surface de l’île était plantée de cocotiers.
15
En fait, un générateur au diesel avait été installé par l’Office provincial d’électricité dès 1961 pour couvrir le
village le plus peuplé de Samui, puis deux autres furent construits en 1967 et 1972, mais il aurait été trop
coûteux d’en construire pour toutes les plages (Kan faifa... 2528: 1).
23
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
à Bangkok ; elles ont presque le statut de « petites amies » ; et celles qui travaillent dans un
établissement de Chaweng comme bar-girls, masseuses, chanteuses, serveuses… Je n’ai
encore réussi à trouver aucune recherche ou enquête sur les prostituées de Chaweng, mais il
est peu probable que leur profil diffère des « prostituées » de Patong, ou même de Pattaya ou
de Patpong et du soi Nana de Bangkok.
7 - La capitale du Sud et « la ville du péché du Sud », Hat Yai
Ce n’est qu’en 1917 que le district Nuea (nord) de Songkhla prit le nom de district de Hat Yai.
Hat Yai était au début des années 1980 à plus de 18 heures de train de Bangkok-Thonburi,
mais à seulement une heure de la Malaysia, pays à majorité musulmane et aux mœurs plutôt
strictes, surtout dans les provinces proches de la Thaïlande où les non-musulmans sont
extrêmement minoritaires. Même si elle n’est pas chef-lieu de sa province – c’est Songkhla –
Hat Yai est la grande ville de cette partie de la région Sud. Au milieu des années 1980, elle
était même – avec 130 000 habitants – la troisième ville la plus peuplée de Thaïlande, après
Bangkok et Chiang Mai (anonyme 1985 : 33). Hat Yai est une ville à dominante chinoise. Elle
compte tout de même 6 mosquées, 3 églises ou temples chrétiens, 10 pagodes bouddhiques,
mais au moins 12 sanctuaires ou centres végétariens chinois (Songmuang et Chiranakhon
2542 : 8602).
Quatre grandes familles chinoises sont à l’origine du développement de Hat Yai : 1. La
famille Sukhum, descendant de phra Sanehamontri, un ancien chef de district de Hat Yai, qui
a construit l’hôtel Sukhontha. 2. La famille de khun Niphat Chinnakhon, dont l’héritier est
propriétaire de mines et fut président du Conseil municipal de Hat Yai. 3. La famille de M. Si
Kimyong – devenu M. Kimyong Chayakul – qui possède des centres commerciaux. 4. La
famille de phraya At Kalisunthon, qui a vendu ses affaires locales pour s’installer à Bangkok.
Hat Yai est parfois surnommée par les Thaïs mueang setthi ou « ville des millionnaires ». Une
publication de 1987 donne un aperçu des secteurs d’activités porteurs de Hat Yai en donnant
la liste des dix personnes les plus riches de la ville (anonyme 2530 : 72) :
1. M. Kangsaeng Sisawatnuphap, propriétaire de l’hôtel Asian et de diverses affaires.
2. M. Nikhom Woraprichakul (connu sous le nom de sia Yong), propriétaire du
restaurant Hong Yok, et d’une société de transport frigorifique.
3. M. Lapsak Lapharochanakit, PDG de la société Hat Yai Gypsum et de Sun Thai.
4. M. Kitikon Chayakul, propriétaire du centre commercial Chee Kim Yong.
5. M. Chuti Bunsung, propriétaire de l’hôtel Chuti et du centre commercial Chuti.
6. M. Wanchai Lirasirithon, propriétaire de l’hôtel Lee Garden.
7. M. Bunloet Lapharochanakit, propriétaire de la société Ban Suzuki et président de la
chambre de commerce de la province.
8. Mme Ratana Kongkitti, propriétaire de l’hôtel Mit Rama et présidente de l’Association
de l’industrie touristique de Hat Yai.
9. M. Sak Sibawon, propriétaire de l’hôtel My House.
10. M. Nopphon Suchatanon, PDG de la société commercial Saha Phanit et membre du
conseil d’administration de la société Hat Yai Gypsum.
On voit que presque tous les membres de cette élite locale des affaires sont liés à l’industrie touristique : hôtels, restaurants, centres commerciaux, et cimenterie pour la construction des précédents.
A la fin des années 1970, Hat Yai est devenue une ville de marchandises trafiquées en
provenance de Malaysia et de Singapour, notamment de l’or. Il y eut au début des années
24
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
1980 la volonté de faire de Hat Yai la principale ville du sud de la Thaïlande.16 En août 1979
elle reçut un prêt de la Banque mondiale de l’ordre de 200 millions de bahts pour développer
ses équipements. La ville était alors déjà réputée pour sa « vie nocturne » selon l’euphémisme
local pour désigner la prostitution (Kositchotethana 1981 : 15). Hat Yai se trouvait également
sur la route du trafic de l’héroïne depuis le Triangle d’Or jusqu’en Malaysia et Singapour
avant de partir pour l’Europe. Ainsi, le 5 octobre 1978 deux convoyeurs chinois originaires de
Chiang Rai furent arrêtés en plein Hat Yai avec 152 kg d’héroïne (anonyme 1978 : 1, 3). En
1982, un plan de développement prévoyait qu’elle compte 370.000 habitants en 1996 contre
128.000 cette année-là (anonyme 1982 : 14).
Dès 1956, Hat Yai comptait 50 hôtels et au moins quatre d’entre eux étaient de « grands
hôtels de plus de vingt chambres (Niyomchan 2499 : 160). Avec les circonlocutions d’usage
l’auteur nous explique que Hat Yai est le principal centre du Sud pour gagner (en se
prostituant, c’est-à-dire ha ngoen) et dépenser son argent. Les filles viennent de la région
Nord et pour la nuit c’est 100, 150, 200 ou 300 bahts, tandis que pour trois heures c’est
seulement 50 bahts. Sawai Niyomchan ne dit rien sur l’âge des prostituées, mais raconte que
celles qui se préparent pour aller à l’hôtel disent qu’elles vont à l’école « parce qu’elles
s’habillent aussi bien que si elles allaient à l’école » (Niyomchan 2499 : 192). Certaines
rentrent chez elles avec de l’or et racontent à leurs familles qu’elles sont couturières ou
coiffeuses.
En mai 1970, un article du très officiel Anusan O.S.Th dévoile le Hat Yai by night. Cela reste
un peu décevant. Après de longs développements sur le bowling de Hat Yai et avant une
conclusion sur les quatre cinémas que comptait alors la ville, l’auteur mentionne deux nightclubs non climatisés, le Sakura et le Starlight Night-club, puis deux climatisés, le Café Nightclub et le New President Night-club. L’auteur s’est rendu au second, qu’il avait déjà fréquenté
en 1963. Il insiste principalement sur les chanteurs, mais mentionne la présence de phatnoe
(partners) avec lesquelles on peut danser pour 40 bahts de l’heure. L’auteur se rend ensuite
dans les trois autres night-clubs en terminant par le Café Night-club où il redonne le même
tarif pour l’heure de danse avec les phatnoe. Il note la présence de nombreux touristes de la
Malaisie voisine, particulièrement les vendredis et samedis.
En 1968, selon les statistiques de la police, il y avait un millier de chambres d’hôtel à Hat Yai
pour 47 établissements, toutes catégories confondues, mais donc avec une moyenne de
seulement 21 chambres par hôtel. Le premier grand hôtel, le President, fut inauguré le 5
décembre 1968 ; il comptait 114 chambres et avait coûté 14,7 millions de bahts (Nirasai 2518 :
21-22). L’hôtel Sukhontha fut inauguré le 28 avril 1972. Etablissement de 204 chambres pour
338 employés, il coûta 45 millions de bahts ; il comprenait un salon de massage et deux nightclubs. Le 8 février 1975 fut ouvert l’hôtel Kosit, un établissement de 182 chambres sur huit
étages, servi par 217 employés (Nirasai 2518 : 46-47). Dans cette ville qui n’a guère d’attraits
pour les touristes en dehors de la prostitution, l’Office thaïlandais du tourisme avait fixé le
nombre de chambre d’hôtel à atteindre à 3.600 pour l’année 1980. Pas moins de six hôtels,
ayant au total 884 chambres, devaient être construits lors de cette seule année 1980 (anonyme
1980 : 13). Avec l’ouverture en janvier 1982 du Holiday Inn, Hat Yai comptait douze hôtels
de première classe.
En 1982, un Plan de base pour le développement du tourisme à Songkhla-Hat Yai, en trois
phases de 1982 à 2001, fut adopté par l’Office thaïlandais du tourisme. Trois années avaient
16
Entre 1980 et 1988, le Premier ministre fut le général Prem Tinsulanonda, natif de Songkhla où son père était
haut fonctionnaire.
25
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
été nécessaires pour le préparer. Il s’agissait de rééquilibrer si possible le flot des touristes qui
négligeaient Songkhla pour Hat Yai, mais sans trop y croire. Le propos est d’ailleurs direct ; il
convenait surtout de « faire en sorte que Hat Yai reste le seul lieu touristique orienté vers les
distractions (nocturnes) de la province, d’éviter que celles-ci ne se répandent, et ceci pour en
faciliter le contrôle et le maintien de l’ordre » (kong wang… 2525 : 55).
En 1985-86, The Nation, le quotidien anglais de Bangkok (qui compte parmi ses propriétaires
des Chinois de Hat Yai) publia un supplément mensuel Saen Sanuk consacré au tourisme en
Thaïlande. Pour Hat Yai, les premières lignes étaient très directes : « Trépidante, la
bouillonnante Hat Yai est le carrefour du Sud. La ville est un centre d’échange actif et fait un
commerce florissant d’à peu près tout ce que vous pourriez avoir envie d’acheter » (anonyme
1985 : 33). Pourtant les premiers numéros de Saen Sanuk donnent peu d’informations sur les
distractions espérées à Hat Yai. Dans les suivants, on apprend que « les night-clubs de Hat
Yai ont une réputation qui arrive seulement derrière ceux de Bangkok », que « c’est surtout
du jeudi au dimanche que l’ambiance est la plus animée », que « le toujours populaire sport
(sic) du massage d’après les heures de travail est envisageable », et que « pour d’autres types
de distractions, les conducteurs de minibus et les grooms seront heureux de vous servir de
guide, mais que la plus grande discrétion est recommandée ».
Les Etablissements et les prostituées
Le Plan de base pour le développement du tourisme à Songkhla-Hat Yai de 1982 apporte des
précisions intéressantes sur les prostituées de Hat Yai. Une enquête de l’Office thaïlandais du
tourisme d’avril 1981 estimait le nombre de prostituées à 3 000 personnes. La majorité était
originaire des provinces du Nord et avait travaillé à Hat Yai entre 6 mois et 2 ans. Leurs
revenus mensuels moyens s’élevaient à 5 000 bahts (250 dollars américains), ce qui était une
somme relativement importante à l’époque. Au total, cela faisait une somme de 15 millions de
bahts par mois qui était pour l’essentiel envoyée dans les provinces d’origine (wang phaen…
2525 : 18).
L’enquête réalisée en janvier 1990 par l’Unité de contrôle des maladies vénériennes du
ministère de la Santé publique est plus précise et révèle que, dix ans plus tard, Hat Yai abritait
82 bordels, cinq hôtels à prostituées, quinze bar-beer, un bar à go go, cinq restaurants à
prostituées, six salons de massage classiques et seize salons de massage dits « à l’ancienne ».
Au total cela fait 2 464 prostituées, soit 54% des prostituées que comptait alors la province de
Songkhla.
Les grandes rues et les ruelles de la prostitution de Hat Yai sont alors les rues Ratburana (dix
bordels), Thammarot (douze bordels), Channiwet (21 bordels), Niphat Uthit (4 hôtels à
prostituées, 5 massage « à l’ancienne », 2 bar-beer, un bar à go go, 3 restaurants à prostituées),
Ole (4 bordels). Sur la rue Channiwet, une petite rue au sud de la gare de Hat Yai, les bordels
sont regroupés à deux endroits : on en trouve aux numéros 85/84, 85/85, 85/89, 85/91, 85/92
ainsi qu’aux 102/6, 102/12, 102/42, 102/84, 102/128, 102/158, 102/158, 102/163, 102/164,
102/167, 102/178, 102/222, 102/226, 102/233, 102/246, 102/260, 102/311, 102/322. En
dehors de l’établissement situé au 102/164 qui compte 44 filles, et surtout de celui qui est au
102/6 qui compte 96 prostituées, les bordels de la rue sont de dimensions modestes avec entre
4 à 21 prostituées pour un tarif de 300 bahts (6 euros). Une rue comme Niphat Uthit, en
revanche, est très centrale et se trouve à proximité de nombreux hôtels de bons niveaux.
26
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
Les prostituées de Hat Yai sont souvent originaires du Nord de la Thaïlande. L’enquête de
1992-1993 déjà citée donne le profil de Maew, une prostituée mineure de 13 ans travaillant
dans un bordel de Hat Yai. Elle est originaire de Maesai dans la province de Chiang Rai et
n’est jamais allée à l’école. Elle a été trompée car elle pensait venir dans le sud travailler à la
plonge dans un restaurant, mais s’est retrouvée dans un bordel de Sungai Kolok. Ayant pu
quitter cet endroit, c’est elle qui se rendit à Hat Yai et trouva cet emploi. La maison où elle
travaille et habite est seulement un lieu où les clients viennent faire leur choix. Celui-ci arrêté,
ils s’entendent sur un prix avec les patrons, puis les filles les suivent à leurs hôtels
(Prasitratthasin 1992 : 120).
Lors des attentats des 15-16 septembre 2006, une masseuse originaire du Nord et d’ethnie
Lisu fut tuée. Âgée de 31 ans, Mme Nichapa Sehmee, originaire du tambon Pongyaeng dans
la province de Chiang Mai, travaillait à Hat Yai depuis huit ans et envoyait 3 000-5 000 bahts
tous les mois pour subvenir aux besoins de ses deux enfants, âgés de huit et dix ans (anonyme
2006 : 3). Il y a, en fait, depuis longtemps un lien très fort entre les provinces du Nord, qui
fournissent les prostituées, et les provinces de l’extrême Sud et de Malaysia qui apportent les
clients. Une expression d’un « conseiller » de l’hôtel Sukhontha de Hat Yai est très claire
dans sa crudité : « Chiangmai, le pays des filles gracieuses, où vous ne pouvez qu’admirer
leur sourire, car elles sont malheureusement intouchables. Ici, à Had Yai vous y avez accès »
(Prajasaisoradey 1981 : 21). Mais d’autres observateurs estiment que c’est de toute la
Thaïlande que les filles se rendent à Hat Yai pour se vendre (« Samian » 2523 : 6).
Les clients thaïs et peut-être surtout chinois conjuguent également à leur manière érotisme et
exotisme. On sait qu’il y a, à Bangkok, une demande de prostituées originaires de Russie et
des anciennes républiques soviétiques comme l’Ouzbékistan et l’Ukraine. Dans le Sud, les
prostituées issues de minorités ethniques du nord de la Thaïlande, de Chine ou de Birmanie ne
sont pas rares, et il n’est pas exclu qu’il y ait un intérêt pour les femmes des minorités
ethniques autochtones comme les Moken. Le film thaï, sorti au début des années 1990, Moken,
montrait une belle Moken plutôt dévêtue17.
Les clients
Une étude révélée pour la préparation du Plan de base pour le développement du tourisme à
Songkhla-Hat Yai, en 1982, donne quelques éléments intéressants. Les touristes originaires de
la Malaysia voisine, distante d’une soixantaine de kilomètres, sont des Chinois pour 80% ; et
80% de ces touristes de Malaysia viennent à Hat Yai « en célibataires » par la route (kong
wang… 2525 : 30). Les touristes de Singapour sont également presque tous des Chinois et
arrivent en avion, parfois après une escale à Penang. Ils sont attirés par les distractions
nocturnes de Hat Yai parce qu’en ce domaine la politique est chez eux très répressive (kong
wang… 2525 : 31-32).
Nous disposons heureusement d’enquêtes assez approfondies sur les touristes étrangers se
rendant dans les provinces de l’extrême Sud de la Thaïlande. Voici un tableau récapitulant les
éléments qui nous paraissent les plus significatifs, extraits d’une étude demandée en 1993 par
l’Office thaïlandais du tourisme à une équipe de chercheurs de l’université Chulalongkorn de
Bangkok. Je rappelle que les principaux « centres touristiques » de Songkhla sont Hat Yai,
17
Le rôle était joué par Yuyi, une actrice à la peau étonnemment mâte pour la Thaïlande.
27
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
Songkhla, Sadao et Padang Besar, que pour Satun c’est l’île de Tarutao, pour Yala la ville de
Betong et pour Narathiwat c’est la ville frontière de Sungai Kolok.
Songkhla
Touristes orig.
d’Amérique
Touristes orig.
d’Europe
Touristes orig.
d’Asie
Satun
Yala
Pattani
Narathiwat
moyenne
1,4%
1,1%
0,1%
0,1%
1,5%
0,8%
6,5%
10,3%
0,2%
0,2%
8,1%
5,1%
89,5%
85,1%
99,2%
99,6%
90,3%
92,7%
dont Malaysia
dont Singapour
75,2%
13,2%
76,4%
6,5%
97,6%
0,7%
99,3%
0,2%
79,2%
5%
84,3%
3,9%
hommes
femmes
74,2%
25,8%
65,6%
34,4%
82,1%
17,9%
79,8%
20,2%
82,3%
17,7%
76,8%
23,2%
25-34 ans
25-44 ans
43,2%
32,1%
38,5%
20,4%
46,7%
28,1%
48,2%
25,7%
49,3%
29,3%
45,2%
27,1%
fonctionnaires
indépendants
employés
d’une société
24%
26,2%
35%
21,6%
22,7%
35,8%
23,5%
22,7%
35,8%
24%
23,5%
36,8%
22,1%
25,8%
37%
23%
24,6%
36,4%
Revenus
annuels :
55,6%
58,2%
68,7%
65,3%
70,5%
64,5%
3-10 000 US $
10-30 000 US $
28,1%
26,8%
12,3%
11%
12,3%
18,1%
Déjà venus
4-5 fois
Plus de 5 fois
69,9%
65,6%
12,2%
27,5%
11,4%
5,1%
67,2%
46,8%
10,6%
65,4%
29%
5,4%
69,8%
36,7%
21,7%
60%
37,9%
11%
Voyage seuls
Entre amis
En familles
2,5%
78,1%
19,4%
18,2%
72,5%
9,3%
3,1%
83,4%
13,5%
1%
90,3%
8,7%
5,7%
80,4%
13,9%
6,1%
80,9%
13%
Logent sur place
1 nuit
2 nuits
3 nuits
4 nuits
96%
10,5%
16,4%
35,9%
28,3%
90,5%
9,8%
10,2%
12,1%
19,5%
90,7%
65,8%
28,4%
2,4%
0,2%
73,2%
28,9%
37,1%
32%
1,3%
92%
22,5%
51,3%
25,6%
0,4%
88,5%
28,3%
28,7%
22,2%
9,9%
Tourisme
Affaires
séminaires
50,9%
21,7%
12,4%
88,2%
8,2%
1,6
93,4%
4,7%
-
93,2%
1,6%
3,4%
84,5%
12,6%
-
82%
9,8%
3,5%
Intéressés par
les découvertes
86,4%
36,9%
74,2%
76,8%
49,2%
64,7%
Le repos
33,2%
-
97,5%
90,5
38,4%
-
29,1%
50%
55,1%
-
50,7%
18,1%
89,7%
78,2%
35,4%
0,6%
6,4%
0,2%
11,5%
29,6%
0,2%
5,1%
6,2%
3,4%
53,4%
69,3%
2,6%
32,1%
37,9%
8,4%
19,7%
11,3%
1,4%
2,4%
1%
7,2%
Les promenades
en bateau
Les achats
Les distractions
Acquérir
mérites
des
Autres activités
Tableau n°7 : Profil des touristes étrangers dans les cinq provinces de l’extrême Sud de la Thaïlande (Songkhla,
Satun, Yala, Pattani, Narathiwat).
Source : Samnak borikan wichakan mahawitthayalai Chulalongkon décembre 2536 [1992] pp. 3-39 à 3-50.
28
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
Toutes catégories confondues, il y avait 101 établissements hôteliers à Hat Yai en 2004, cinq
de plus que l'année précédente, avec 9322 chambres, 148 chambres de plus qu'en 2003. Pour
le nombre de chambres, Hat Yai se trouve en quatrième position en Thaïlande, après Bangkok,
Pattaya et Chiang Mai.18 Hat Yai accueille depuis 2001 un peu plus d'un million et demi de
touristes par an. En décembre 2004, le taux de remplissage n'était que de 40,77% contre
60,98% en décembre 2003; pourtant pour l'ensemble de l'année 2004 l'Office national du
Tourisme de Thaïlande a relevé une très légère augmentation du nombre des visiteurs, soit
0,93% (anonyme 2005: 73, 88). Près de 55% des visiteurs sont des Thaïlandais mais 30% sont
des Malaysiens et 8,5% des Singapouriens, soit respectivement, pour l'année 2004, 468 236 et
132 396 personnes. Quand l’hôtel Montien ouvrit, en septembre 1981, un de ses responsables
estimait ainsi que 70% de ses clients seraient originaires de Malaysia et viendraient à Hat Yai
les vendredis et samedis (anonyme 1981 : 11).
Au total, ce serait plus de 1,3 millions de Malaysiens qui se rendraient à Hat Yai tous les ans.
Certains, comme M. Chin Yidkhong, un Chinois de 40 ans, se rendaient à Hat Yai tous les
week-ends pour rendre visite à une « petite-amie » thaïlandaise (Boonchote 2006 : 3).
Même si le secteur de la prostitution de Hat Yai n’est pas tourné vers la clientèle occidentale,
mais vers la clientèle locale (chinoise, thaïe), malaysienne et singapourienne, à l’occasion,
certains guides destinés aux touristes européens y font référence. Nightlife in Thailand publié
en 1991 par A. Dingwall, H. Swabey et Ch. Rice consacre les onze dernières pages de leur
guide à Hat Yai (contre vingt pour Chiang Mai, vingt-six pour Phuket, trente-deux pour
Pattaya).
Les auteurs signalent les différences entre Bangkok/Pattaya et Hat Yai en matière de
distractions nocturnes. Dans cette dernière, les bars avec à go go girls sont absents, mais pas
les « sexy shows ». Etonnamment ils les comparent avec le Paris du 19e siècle (Dingall,
Swabey et Rice 1991 : 158):
Les ingrédients de base du sexy show mode Hat Yai sont à peu près stables. Chacune des filles
fait trois passages sur la scène : d’abord assez peu vêtue, ensuite encore moins vêtue, enfin
totalement dévêtue. Mais le spectacle ne relève pas du strip-tease ; il est probablement plus
proche du contenu suggestif du cabaret des Folies Bergères dans le Paris du 19e siècle. Après
son spectacle, chaque fille fait un rapide tour de la salle pour distribuer des bises sur les joues,
puis, aussi rapidement qu’elles avaient commencé, les filles se sont éclipsées pour ne pas rater
l’heure de leur show dans un autre bar.
Les auteurs recommandaient les shows du Lipstick Cocktail Lounge du Royal Hotel et du
Classique dans le centre commercial Chee Kim Yong, où les filles étaient jugées « jeunes et
séduisantes » (Dingall, Swabey et Rice 1991 : 162). Les auteurs nous expliquent que les lieux
permettant de rencontrer des jeunes femmes disponibles (un euphémisme pour prostituées)
sont nombreux, mais que, leur anglais étant particulièrement limité, il était difficile de
discuter. Ils finissent par recommander aux lecteurs qui cherchent « quelque-chose d’encore
plus intime » (un euphémisme pour prostitution) les divers salons de massage, dont le Chao
Phraya de l’hôtel Nora et le Pink Lady, situé derrière l’hôtel Sukhontha. Il est précisé que les
tarifs (de 140 à 350 bahts selon le type de massage) sont pour le massage lui-même et que
« toute autre prestation » (euphémisme pour l’acte sexuel) devra être marchandée (Dingall,
Swabey et Rice 1991 : 162-163).
18
Phuket et Samui comptent également plus d'hôtels et de chambres que Hat Yai, mais il s'agit d'îles entières et
non de ville.
29
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
Les touristes thaïs en revanche semblent peu intéressés par les distractions nocturnes qu’ils
ont sans doute également dans leurs provinces sous une forme bien semblable. Un guide
récent et populaire de langue thaïe signale en trois lignes l’intérêt que portent les « touristes
étrangers » aux distractions nocturnes « guère différentes de celles de Bangkok » ; il cite sans
les identifier « les pubs, les bars, les karaokés et les cabaret shows présents dans toute la
ville », mais pour les Thaïs l’intérêt de Hat Yai est plutôt le shopping et les sites religieux
voisins, thèmes développés sur les deux pages suivantes du même guide (anonyme 2547 : 7173). Signalons également que, dans les années 1980, le quotidien du soir de langue anglaise
The Bangkok World avait à Hat Yai une sorte de correspondant spécialisé dans la vie
nocturne.19
Le concept de l’hôtel à Hat Yai est proche de celui du resort. Le client trouve tout dans
l’établissement et, comme la ville n’a pas de monument exceptionnel à visiter et que les
nombreux centres commerciaux sont plutôt destinés à la clientèle thaïe, puisque les produits et
les marchandises les plus intéressantes sont originaires de Malaysia et de Singapour,20 l’hôtel
doit fournir ce qui attire les voisins en Thaïlande : l’alcool, la cuisine, mais surtout les femmes.
Un article d’un magazine touristique thaï expliquait avec quelque malice où se trouvaient les
touristes dans la journée : « les bars, les clubs, les hôtels, les salons de massage (où on fait
bien d’autres choses que ce qu’indiquent leurs noms)… » (anonyme 1523 : 26). Un autre
auteur dans le même magazine aborde rapidement le sujet des « distractions nocturnes pour
hommes » et commente : « Hat Yai offre tout ce qu’a Bangkok mais a également des choses
que Bangkok n’a pas » (Pachaiyo 2523 : 41).
Les plans pour touristes qui ont des visées plus concrètes sont souvent plus exhaustifs. Ainsi
un plan de 1988 signale 31 « coffee shops et video houses », 19 « night clubs, discos et
bowlings », 9 cocktail lounges, et 15 salons de massage. Il n’est pas impossible en outre que
parmi les 76 hôtels mentionnés certaines fonctionnent également comme des bordels à peine
dissimulés, du type Rose Hotel de la rue Suriwong à Bangkok (anonyme 2531).
Avec de nombreux hôtels de confort acceptable mais peu ou pas de sites touristiques à
proximité, Hat Yai est devenu l’Atlanta de Thaïlande, c’est-à-dire une ville de congrès, de
conférences et de séminaires. Un des premiers grands congrès fut le 4e Congrès du Lion’s
Club de Thaïlande qui rassembla un millier de personnes en mars 1982 dans les hôtels
President, Lee Gardens et Kosit. Certains de ces congrès rassemblent surtout des hommes
venus sans leurs épouses ou leurs compagnes.
Le mélange de diverses activités illégales ou plus ou moins légales fait depuis toujours de Hat
Yai une ville violente. Ainsi le 10 juillet 1982, à 23h30, M. Somphong Phiphatphitthayakun,
âgé de 43 ans, fils d’un Chinois nommé Kung-ngi sae Tang, propriétaire du magasin Tan Sin
Thong, sur le marché de Hat Yai, était abattu par deux tireurs dans son restaurant, le Sport
Friendship. M. Somphong avait fait de nombreux métiers et travaillé dans de nombreux
domaines, mais il était surtout connu pour avoir ouvert le salon de massage Atami, le premier
de la région Sud à être en conformité avec la loi. Au-dessus du restaurant dans lequel il fut tué
se trouvait d’ailleurs un autre salon de massage. Et le dernier projet lancé, pour lequel il avait
19
Tous les vendredis environ deux pages étaient consacrées aux distractions nocturnes de Hat Yai, autant que
pour Pattaya ou Chiang Mai.
20
D’autant que selon un auteur les touristes de Malaysia et de Singapour mentant à leurs épouses sur la
destination de leurs déplacements, ils ne peuvent se trahir en ramenant des produits de Thaïlande (« Samian
2523 : 7).
30
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
investi quatre millions de bahts était la construction du plus grand salon de massage de tout le
sud du pays (anonyme 2525 : 6).
Beaucoup plus récemment, dans la nuit du samedi 16 au dimanche 17 septembre 2006, deux
jours avant le coup d’Etat militaire du général Sonthi Bunyaratglin, cinq ou six bombes
explosèrent à Hat Yai, tuant 4 personnes – dont un enseignant canadien – et en blessant plus
de 80.21 Le 3 avril 2005 des bombes avaient explosées à l’aéroport de Hat Yai ainsi qu’à un
hôtel et à un supermarché, mais cette fois davantage de lieux touristiques comme l’hôtel Lee
Gardens de la rue Sanehanuson, le Monkey Pub de la rue Thammanunwitthi, étaient visés.
Après la bombe de l’aéroport, il avait fallu six mois avant que le tourisme retrouve son état
d’avant la bombe ; cette fois, les commerçants s’attendaient à une reprise plus lente. Et le
coup d’Etat qui suivit n’a pas dû arranger les choses. Selon le président de l’association des
hôtels de Hat Yai-Songkhla, M. Somchart Pimthanapoonporn, les hôtels étaient alors occupés
à 80% par 7 000 touristes ; beaucoup choisirent d’écourter leurs séjours (Boonchote 2006 : 3).
« Super gonorrhée » et SIDA
Selon une source, en 1971-1972, à l’époque de la présence militaire américaine en Thaïlande,
pas moins de cinquante pour cent des prostituées auraient été porteuses de maladies
vénériennes (Dhiratayakinant, 1975: 142). Depuis lors, des articles effrayants sur des
maladies vénériennes résistantes aux antibiotiques paraissent régulièrement à la une de
quotidiens thaïs populaires comme Thai Rath, Daily News, et Khao Sot. Presque chaque fois
ces épidémies auraient lieu à Hat Yai et dans les villes frontières de l’extrême sud fréquentées
par des touristes sexuels originaires de Malaysia et de Singapour. Les responsables thaïlandais
s’en tirent généralement en expliquant que ce sont les autorités malaysiennes et
singapouriennes qui font courir ces rumeurs afin de tenter de décourager leurs ressortissants
de se rendre dans les provinces du sud de la Thaïlande et de fréquenter les lieux de
prostitution. Tout cela est pris très au sérieux puisque, des 7 au 9 octobre 1983, l’Office
thaïlandais du tourisme et l’Association pour la promotion du tourisme à Hat Yai durent
organiser une réunion avec les représentants de vingt tour opérateurs pour réfuter des
supposées informations sur une « super gonorrhée » répandue à Hat Yai (The Bangkok Post,
27 septembre 1983, p. 2). En 1998, après la crise économique de l’année précédente et la
perte de la moitié de sa valeur de la monnaie malaysienne, le gouvernement de Malaysia
décida un temps d’interdire la convertibilité de sa monnaie. Ce fut sans doute plus efficace
que les rumeurs, fondées ou pas.
Mais, en mai 2000, Mahathir, le Premier ministre de Malaysia mit en garde ses compatriotes
sur les risques qu’ils couraient de contracter le virus du HIV en fréquentant trop assidûment
les prostituées de Hat Yai et de Songkhla. Les autorités thaïlandaises se montrèrent à
nouveau outragées de l’insinuation et la presse thaïlandaises ne manqua pas de souligner que
certains bordels de la région Sud étaient la propriété d’hommes d’affaires malaysiens et que
des Malaysiens étaient actifs dans le secteur du trafic de prostituées (Askew et Cohen 2004 :
97).
21
Hat Yai est presque habituée à ces bombes. En juin 1978 un bombe avait fait 16 blessés à la gare de Hat Yai.
En octobre 1978, cette même gare fut encore la cible d’un attentat qui fit 10 blessés (The Bangkok Post 20
octobre 1978). Le mois suivant une bombe explosa dans un hôtel et fit deux morts (The Bangkok Post 7
novembre 1978).
31
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
Dans les répertoires des communications à des congrès concernant le SIDA on trouve
principalement des travaux concernant les provinces du Nord (Chiang Mai, Chiang Rai),
Bangkok et Pattaya. Dans un ouvrage de 1990 faisant le point sur les recherches menées en
Thaïlande en matière de SIDA, les deux ayant été réalisées dans le Sud (Nakhon Si
Thammarat et Yala) concernent en réalité la préparation du personnel hospitalier et la
disponibilité des tests (anonyme 1990). Encore plus inattendues, les deux communications
concernant le Sud présentées au Dixième séminaire national sur le Sida, les 13-15 juillet
2005 traitaient de la province de Pattani pas spécialement connue pour son secteur de la
prostitution (anonyme 2548 : 146, 218).22
On pourrait en conclure que le Sida n’est plus réservé au seul secteur de la prostitution, mais
qu’il se transmet désormais au sein de la famille, dans des relations entre petits-amis, etc. On
peut surtout penser que les prostituées du Sud étant rarement originaires de cette région,
celles qui contractent le Sida sont plutôt répertoriées et traitées dans leurs provinces d’origine
au Nord ou au Nord-Est. Car il est bien moins négatif en terme d’image que le nombre de
séropositifs soit très élevé dans des provinces peu touristiques comme Phayao, Phrae,
Lampang, Chiang Rai ou même Khon Kaen et Udon Thani, plutôt que dans des lieux
touristiques comme Hat Yai, Betong, Sungai Kolok où elles ont pourtant vraisemblablement
contracté la maladie.
8 - Les villes frontières
Ces villes thaïlandaises proches de la frontière avec la Malaysia et qui offrent des services de
prostitution aux citoyens malaysiens sont surtout au nombre de quatre, Betong, Sungai Kolok,
Sadao et Padang Besar. Mais Hat Yai, pas si éloignée de la frontière, pourrait également être
incluse dans ce groupe.
Betong, « la ville dans la brume » (mueang nai mok) – Une ville aux caractéristiques bien
spéciales
Betong, d’un mot malais signifiant bambou, dans la province de Yala, est un établissement
ancien, puisqu’elle a le statut de district depuis 1898. Par la route, Betong est à 1 506
kilomètres de Bangkok, c’est le district et la ville les plus éloignés de la capitale. Elle se
trouve aussi à environ 140 kilomètres de la ville de Yala, la capitale provinciale, mais
seulement à sept kilomètres de la frontière malaise. Cette route de montagne entre Yala et
Betong est particulièrement sinueuse et difficile en raison de son étroitesse et des précipices23,
sans parler des problèmes de sécurité qui ne datent pas d’aujourd’hui. Lors de sa visite à
Betong vers 1983, Madame Supphatra Supphap, professeur de sociologie à l’université
Chulalongkorn, et dont le mari semble être originaire de Betong, insiste sur les dangers de
cette route de montagne et sur la menace des « bandits musulmans et des bandits chinois »
(chon khaek chon chin), des derniers tout spécialement (Supphap 2527 : 195). Les Thaïlandais
préfèrent parfois passer par Sadao, dans la province de Songkhla, et la Malaysia pour
22
La première de ces contributions, par Chuthamat Sinprachakphon, concernait les séro-positifs qui avaient
ensuite contracté la tuberculose. Ils étaient 606, dont 182 allaient décéder, ils étaient thaïlandais à 96%, étaient
citadins, étaient surtout âgés de 30-34 ans, étaient employés et avaient été infectés du VIH au cours de relations
sexuelles (anonyme 2548 : 146).
23
Selon un auteur, dans les années 1950, cinq ou six heures étaient nécessaires pour parcourir les 126 kilomètres
qui séparaient – selon lui – Betong de Yala, car la route n’était asphaltée que sur les seize premiers kilomètres
(Niyomchan 2499 : 165-167).
32
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
atteindre Betong plutôt que de s’engager sur cette route dangereuse. Dans un ouvrage de 1939,
c’est même la route d’accès – par la Malaysia – qui est recommandée, l’autre route n’étant
tout simplement pas praticable toute l’année (anonyme 2481 : 71).24
Un projet pour un plan de développement touristique, en 1993, proposait de lancer une étude
de faisabilité pour la réouverture de l’aéroport de Ban Chantharat, à proximité de Betong
(Samnak… 2536 : 8-18). A ce jour, rien n’a été décidé. C’est en raison de cette situation
d’accès difficile que Betong a toujours été un cas unique dans l’administration thaïlandaise.
Le chef de district (nai amphoe) était appelé « gouverneur » (phu wa ratchakan amphoe) du
district et les véhicules portaient une plaque d’immatriculation avec les lettres bo to pour
Betong au lieu de yo lo pour Yala comme dans les autres districts, et il y avait un tribunal
propre indépendant de celui de Yala (Nuansakun 2517 : 16). Dans un texte écrit par Sukhum
Nuansakun et publié en 1974 dans le livre de crémation de son père, on apprend que le district
de Betong disposait d’une grande autonomie administrative. Il s’agit là de caractéristiques
uniques en Thaïlande. En 1974, même si Betong était le moins peuplé des cinq districts de la
province de Yala – avec 19 782 habitants – c’était aussi le seul, en dehors du chef-lieu de la
province, à compter des succursales de banques (Nuansakun 2517 : 11). Betong, c’est presque
une principauté autonome.
C’est une ville habitée par des Chinois, des Yawi musulmans et des Thaïs bouddhistes. Dans
l’ouvrage de 1939, déjà cité, on lit : « les habitants du lieu sont des Thaïs Islam ; il y a
beaucoup d’ouvriers chinois. Ils exploitent des mines et des plantations d’hévéa » (anonyme
2481 : 71). Un guide de langue thaïe de 1983 précisait qu’il y avait plus de Chinois que de
musulmans (anonyme 2526 : 266). Plus directs, I. Besson, P. Le Roux et J. Ivanoff, dans un
article de 1991 sur les Chinois de Betong, parlent d’une « enclave chinoise municipale » et
écrivent « la ville même de Bétong et les quelques cantons avoisinants sont presque
exclusivement peuplés de Chinois venus initialement de Malaisie au début de
l’hévéaculture… » (Besson, Le Roux, Ivanoff 1991 : 42)25. Plus direct encore, un guide de
langue thaïe de 1960 explique : « le district de Betong connaît une situation assez semblable à
celle de Bangkok ; absolument tous les commerces sont entre les mains de Chinois »
(Chaichana et Suwannasuk 2503 : 708).
Nous avons des chiffres très précis mais anciens puisqu’ils se trouvent dans une étude –
jamais publiée – préparée en 1968 pour l’armée américaine par le Stanford Research Institute.
Le tableau 8 les présentent d’une manière agrégée.
24
Certains disent même qu’autrefois le meilleur moyen pour se rendre de Betong à Yala était de passer par la
Malaisie puis de passer par la province thaïlandaise de Pattani (Thatsanasuwan 2520 : 180), car par la route
intérieure le trajet prenait – dans les années 1950 – quatre ou cinq heures (Niyomchan 2499 : 165). Aujourd’hui
encore, on ne peut atteindre Betong que par la route nationale 410. Mais l’accès de la Malaysia reste toujours
plus aisé et plus sûr que du côté thaï, d’où les projets d’aéroport et bien entendu l’idée que Betong devrait être
rattaché à la Malaysia.
25
Ces auteurs donnent des chiffres pour l’ensemble du canton de Bétong : 48,9% de Jawi, 35,7% de Chinois et
15,3% de Thaïs, mais laissent entendre qu’une partie de ces Thaïs seraient en fait des Chinois ayant adopté le
bouddhisme thaï (Besson, Le Roux, Ivanoff 1991 : 43).
33
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
Municipalité
de Betong
Tambon
Yarom
Tambon
Tanauh
Maerauh
Tambon
Ayer Weng
%
Nombre de
maisonnées
3 118
Population
Thaïs
musulmans
8 385
Thaïs chinois
Autres
15 748
Thaïs
bouddhistes
1 133
6 104
126
1 052
7 788
102
2 176
4 498
1 012
1 365
9 726
682
721
6 466
1 857
246
1 574
461
1 085
6
22
6,52
20,86
57,47
15,14
Tableau n°8 : Profil démographique et ethno-religieux du district de Betong en 1968.
Source : MacMichael et Waller 1968 : 16, table 11.
Il faut noter que dans la municipalité même de Betong les musulmans sont majoritaires avec
53,2% contre 38,8% de Chinois, que deux tambon (sous-districts, communes) ont une nette
majorité de Chinois avec 57,8% dans le tambon Yarom et 66,5% dans le tambon de Tanauh
Maerauh, alors que le troisième tambon n’a quasiment pas de Chinois. Les chercheurs de la
Stanford s’étaient procurés les recensements au niveau des villages et l’on constate que les
situations sont extrêmement diverses. Un village du tambon Yarom ne compte aucun
musulman, un autre seulement cinq, tandis que dans le tambon Ayer Weng un village ne
compte aucun Chinois (MacMichael et Waller 1968 : 16).
Les chiffres dont nous disposons – pour 1997 – donnent 53% de bouddhistes pour 45% de
musulmans et 2% se réclamant d’autres religions (vraisemblablement le christianisme). Cela
concerne l’ensemble du district peuplé de 49 905 habitants plutôt que la seule ville de Betong.
Pour le même district on compte pourtant parmi les sanctuaires religieux une majorité de
mosquées, dix-sept, contre seulement quatre pagodes et quatre autres monastères bouddhiques,
et un temple chrétien (Borisat… 2540 : 1-7). Mais les Chinois se contentent souvent de
sanctuaires de dimensions modestes qui ne sont pas considérés comme de véritables pagodes.
La révolte chinoise de 1933
Un ouvrage récent rapporte une histoire assez peu connue mais révélatrice de la situation à
Betong. L’affaire se déroule en octobre 1933. A cette époque, la ville (ou probablement plutôt
le district) de Betong comptait 4 000 habitants, parmi lesquels 2 000 Chinois (marchands,
ouvriers et paysans), 1 500 musulmans malais, environ 150 Thaïs et une centaine de Thaïs
originaires des provinces birmanes voisines (Tanmahaphran 2542 : 76-77).
L’histoire raconte l’attaque du poste de police de Betong par un groupe de 500 « bandits
chinois » (chon chin), le 28 octobre 1933. Armés seulement de revolvers et de couteaux ils
tuèrent trois personnes, mais furent eux-mêmes décimés puisque 82 d’entre eux y laissèrent la
vie. Une large partie de ceux qui échappèrent à l’arrestation s’enfuit vers Saiburi. Les raisons
avancées pour expliquer cette attaque ne sont pas très convaincantes. Le leader du mouvement,
M. Low Sek Ngi, un Hakka, laissa des lettres qui donnaient le détail des griefs qu’il
nourrissait contre l’administration thaïe, dont un arbitrage contestable quand une de ses
chèvres avait mangé le Durion d’un Malais. On comprend difficilement qu’un différend de cet
ordre ait pu mobiliser un demi-millier de personnes… à moins que Low Sek Ngi n’ait été un
leader d’une société secrète hakka de cette région (Tanmahaphran 2542 : 81-124).
34
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
Dans un article universitaire sur Betong, M. Manot Bunyanuwat parle seulement de « 200
Chinois armés », dirigés par un certain Lu Ngek Si, mais, surtout, explique qu’ils avaient pour
objectif le rattachement de cette partie du Siam à la Malaisie anglaise. De fait, il semble bien
que des Anglais aient proposé une médiation pour mettre fin aux affrontements (Bunyanuwat
2542 : 4123). Il est vrai qu’en 1909, lors de la fixation des frontières Betong avait été dépecée
puisque quatre de ses tambon (sous-districts) étaient passés à la Malaisie.
Le refuge du Parti communiste de Malaisie
La région de Betong a une position géographique bien particulière ; elle est insérée dans le
territoire malaysien : on parle généralement d’avancée ou de saillie de Betong. Pendant plus
d’une quarantaine d’années, des années 1940 à 1989, la région servit de base de repli aux 10e
et 12e régiments du Parti communiste de Malaisie (PCM) en guérilla contre le gouvernement
de Kuala Lumpur. Pendant la Seconde guerre mondiale les communistes de Malaisie avaient
combattu les Japonais en espérant qu’une fois la victoire acquise leur parti serait accepté
officiellement par les autorités de Malaisie. Mais, il n’en fut rien, et après la guerre les
communistes malais furent contraints à la clandestinité. Il est possible que, dès 1943 les
communistes de Malaisie se soient réfugiés dans les montagnes de la région de Betong pour
résister aux Japonais (Tanmahaphram 2542 : 110). En 1982, le nombre des troupes du PCM
était estimé à environ 2 300 (Prateepchaikul 1982 : 12).
Dans ses mémoires, M. Chin Peng, le leader le plus connu du Parti communiste de Malaysia,
raconte que les relations avec le gouvernement de Bangkok ne furent pas toujours faciles,
notamment aux époques les plus anticommunistes, mais que les liens étaient beaucoup plus
cordiaux avec les autorités locales. Il semble même qu’au début leur présence fut plutôt bien
accueillie, car des troupes chinoises du Guomindang faisaient régner un climat d’insécurité
dans la région et que l’on comptait sur les troupes du parti communiste malais pour les mettre
hors d’état de nuire.
Le 10e Régiment du PCM s’installa près de Sadao, dans la province de Songkhla, au nord de
l’Etat malaysien du Kelantan, tandis que le 12e Régiment s’établit près de Betong, au nord de
l’Etat malaysien de Perak. La Grande Bretagne puis la Malaysia n’eurent de cesse de vouloir
éliminer cette guérilla communiste et la Thaïlande leur accorda des facilités. Un droit de
poursuite de 25 (puis seulement 5) miles en territoire thaï, puis l’autorisation de stationner un
corps de 500 policiers malais dans la banlieue de Betong (Dassé 1978 : 194-195). En août
1978, l’armée malaysienne lança une offensive soutenue dans la région de Betong grâce à une
meilleure coopération avec les Thaïlandais. Ce type d’opération fut plusieurs fois renouvelé.
Ainsi, en février 1986, des bases du PCM, situées à 16 km au nord de Betong, furent envahies
et une station de radio fut rendue inutilisable.
Fin avril 1983, le chef d’état-major de la 4e Armée thaïlandaise (celle qui couvre la région
Sud) réunit plus d’une dizaine de leaders chinois de Betong dans un temple chinois pour leur
demander de faire en sorte que la communauté chinoise locale cesse de soutenir le Parti
Communiste de Malaisie installé dans la région et d’inciter les jeunes Sino-Thaïlandais
l’ayant rejoint à retourner dans leurs familles. Les leaders chinois expliquèrent qu’ils étaient
parfois obligés de contribuer financièrement au budget du PCM pour avoir accès en toute
tranquillité à leurs plantations d’hévéa ; ils avancèrent aussi la crainte que, si les forces du
PCM venaient à être anéanties, les maquis indépendantistes musulmans ne les remplacent, ce
35
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
qui seraient pour eux beaucoup plus problématique. Devant les assurances des responsables
militaires que le mouvement indépendantiste musulman serait éliminé prochainement, les
leaders acceptèrent de coopérer (anonyme 1983a : 6) ; mais, l’article de presse qui donnait
tous les détails de cette rencontre était suivi d’un article plus court révélant qu’un
hévéaculteur chinois de Betong, qui avait conduit des rangers thaïlandais vers un camp du
PCM, avait été retrouvé décapité et les deux jambes mutilées (anonyme 1983b : 6). On
comprend plus aisément que l’étude menée en 1968 par le Stanford Research Institue pour
l’armée américaine signalait que « les Chinois de Betong [étaient] tous, volontairement ou
involontairement des soutiens des terroristes communistes » (MacMichael et Waller 1968 : 25).
Les bases des communistes de Malaisie étaient protégées par des mines qui doivent rendre
périlleuses encore aujourd’hui bien des promenades en forêt (anonyme 1986a : 3). Lors des
accords de décembre 1989 le sujet avait été longuement discuté et il avait été convenu qu’une
somme de 30 ringgits (dollars malaysiens) serait donné pour chaque mine retrouvée, mais on
ignore dans quelle mesure cette partie de l’accord a été couronnée de succès (Ratanachaya
1996 : 267-268). Le PCM abandonna la lutte à la fin de l’année 1989 ; il ne comptait plus
qu’entre 900 et 1 200 combattants, la grande majorité chinois (de Malaisie ou de Thaïlande),
contre 5 000 dans les années 1950. Apparemment, ils étaient plus occupés à se livrer à divers
trafics de part et d’autre de la frontière plutôt qu’à monter des opérations d’envergure contre
les troupes de la Malaysia (Tasker 1989 : 36). Un accord fut signé le 2 décembre par Chin
Peng, venu spécialement de Chine, au Lee Gardens Hotel de Hat Yai.26 La radio du PCM
cessa d’émettre le 2 janvier 1990 et les camps furent fermés en juin de la même année. Une
partie des troupes du PCM choisit de rester dans le district de Betong où ils ont pu se
constituer en villages.
Au moment où tout était joué, l’hebdomadaire de Hong Kong Asiaweek publia un reportage
photographique sur un camp du PCM de la région de Betong ; le plus surprenant était sans
doute le nombre important de femmes, « plus de la moitié » des résidents selon le texte de
l’article (anonyme 1990b). Selon une source, 16% des membres du PCM étaient alors des
Chinois de nationalité thaïlandaise, sans doute recrutés à Betong (Tanmahaphrom 2542 : 111).
Les richesses de Betong
En 1956, un auteur indiquait que 75% de la population de Betong vivait de l’hévéaculture,
mais ajoutait que les hôtels étaient très nombreux et que la vie y était plus chère que partout
ailleurs en Thaïlande (Niyomchan 2499 : 168). Vingt ans plus tard, une étude avançait le
chiffre de 80% d’agriculteurs (pour le district) et 18% de personnes employées dans les
secteurs du commerce et du tourisme. Grâce à l’hévéaculture, au commerce et au tourisme, le
revenu annuel moyen par habitant (en 1995) était le plus élevé de Thaïlande avec 60 000
bahts (1 250 euros) contre seulement environ 39 000 bahts (812 euros) pour l’ensemble de la
province de Yala (Borisat… 2540 : 1-7).
Avec son climat agréable et sa source d’eau minérale chaude à proximité, Betong est parfois
présentée comme un lieu de tourisme pour la santé (Thuengfang 2530 : 49-51). Mais si la
petite ville de Betong avait dès 1987 plus de mille chambres d’hôtels pour accueillir les
touristes de Malaisie et Singapour, c’était plus pour les prostituées que pour les spécialités
26
Le signataire de l’accord du côté thaïlandais a publié, en février 1996, un ouvrage de langue anglaise qui
donne tous les détails des négociations entre Thaïlandais, Malaysiens et dirigeants du Parti communiste de
Malaisie et publie l’intégralité des accords signés (Ratanachaya 1996).
36
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
culinaires locales comme le poulet de Betong, le poisson à la chinoise ou les grenouilles des
montagnes ou voir la curiosité de la ville, la plus grande boîte postale du monde.
En 1991, un guide très officiel mentionne huit hôtels à Betong : le Khong Kha (140
chambres), le Thai (81 chambres), le Fortuna (72 chambres), le My House (64 chambres), le
Rama (40 chambres), le Venus (54 chambres), le Si Charoen (40 chambres) et le Si Betong
(52 chambres) (anonyme 1991 : 284-285). La même année, 63 495 touristes visitèrent Betong.
Le nombre augmenta jusqu’en 1994 avec un total de 91 286 puis connut une chute brutale
peut-être en raison des craintes d’une contamination par le virus du VIH (cf. tableau 9).
Année
1991
1992
1993
1994
1995
1996
Nombre
63 495
77 171
86 699
91 286
55 700
58 011
Tableau n°9 : Nombre de touristes étrangers à Betong de 1991 à 1996
Source : Borisat… 2540 : 2-2.
Lorsque Pramot Thatsanasuwan visita Betong en 1973, il ne mentionna pas le tourisme sexuel
(Thatsanasuwan 2516 : 198-99). Un ouvrage officiel publié en 1979 par le gouvernorat de
Yala cite le chiffre de 754 « prostituées et femmes exerçant des professions voisines » pour
l’ensemble de la province, sans préciser davantage leur lieu d’exercice (anonyme 2522 : 86)27.
Mme Supphatra Suphap, professeur à Chulalongkorn, rendue célèbre au cours des années
1980-1990 par ses rubriques dans de grands quotidiens de langue thaïe et ses manuels de
« Problèmes sociaux » (panha sangkhom), se rendit à plusieurs reprises à Betong et nota dans
son journal de voyage que c’est parce que les prostituées sont interdites en Malaysia que les
Malaysiens viennent se défouler en Thaïlande, ce qui a pour effet d’éviter qu’ils sombrent
dans la folie et violent des femmes chez eux (Supphap 2527 : 199). C’était alors la théorie de
l’utilité de la prostitution à laquelle s’était rallié bon nombre d’auteurs thaïlandais et qui avait
justifié le développement de la prostitution pour soldats, surtout américains à l’époque de la
guerre du Viêt-nam.28
L’année 1987 fut déclarée « année du tourisme » en Thaïlande et la province de Yala fut une
des 32 provinces du pays officiellement annoncées comme « provinces touristiques ». Etant
une province montagneuse et assez pluvieuse, les touristes thaïs peuvent être attirés par des
sites naturels et quelques autres spécialités locales. Une des rares brochures (autres que des
dépliants) publiées à l’époque consacre des développements au pilier fondateur (lak mueang)
de la province de Yala, installé en 1962, au grand bassin du parc Khwan Mueang, ouvert en
1986, à la grotte de Khan Tho, située à six kilomètres de la ville de Yala, à un grand Bouddha
couché de l’époque Srivijaya, situé dans une autre grotte, à une variété locale de palmiers, à
une variété locale de bananiers, au barrage de Bang Lang avec son lac artificiel, aux trente
représentants de l’ethnie Sakai qui habitent un village du district de Than To, aux élevages de
tourterelles, … et au district de Betong. Le fameux poulet de Betong, la boîte postale de 3,2
mètres de haut installée en 1924, les poissons Dragons, l’art martial sila et la danse rongngeng, un pavillon pour observer la lune, des mosquées de construction récente, des cascades,
27
28
Le chiffre concerne l’année 1978.
C’est ce qu’écrivait Supphatra Supphap elle-même dans un manuel publié en 1977 (cf. Baffie 1998 : 615).
37
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
peu de ces attraits sont réellement spécifiques à la province et ils ne justifient guère le titre de
Sane Yala, le charme voire la fascination ou la magie de la province de Yala, que portait la
brochure en question (collectif 2530).
Pourtant, un article non signé du quotidien anglais Bangkok Post du 15 juillet 1982 ne laissait
guère planer de doutes. Son titre disait : « Women are the big draw for visitors to Betong » (ce
sont les femmes qui constituent le principal attrait pour les visiteurs à Betong »). Il précisait
que Betong avait peu à offrir aux touristes de Thaïlande et que son accès était bien difficile
pour une sécurité loin d’être garantie. Un résident aurait confié à l’auteur de l’article que
« l’économie de Betong reposait entièrement sur les touristes malaysiens et que, s’ils
cessaient de venir, tout disparaîtrait » (anonyme 2525 : 10). Le journaliste interviewa
également un policier qui précisa que deux cents touristes arrivaient quotidiennement de la
Malaysia et passaient une nuit ou deux à Betong ; il interrogea également un proxénète
chinois qui expliqua qu’il y avait 20 bordels et 600 prostituées, la plupart originaires des
provinces du Nord, mais qu’elles étaient bien traitées car chacun était bien conscient que, sans
elles, les affaires ne survivraient pas. Il expliqua qu’avec des tarifs de cent bahts pour trois
heures et trois cents bahts pour la nuit ces prostituées étaient spécialement bon marché pour
les Malaysiens (anonyme 2525c : 10).
Pourtant, encore très récemment, certains responsables voulaient ignorer l’importance de la
prostitution à Betong. C’est ainsi le cas, en octobre 2006, de M. Songpol Kaopatumtip dans
son article sur M. Khunawut Mongkhonprajak, qui fut élu maire de Betong en 1988. On y
apprend toutefois que la municipalité compte 55.000 habitants dont 51% de musulmans,
qu’une université chinoise où l’enseignement se fera en mandarin y est en construction, et que
l’école de la fondation Jong Fa fut la première école de Thaïlande où le chinois fut enseigné,
en 1923 (Kaopatumtip 2006 : P2). Il revient sur les six bombes qui touchèrent six banques de
Betong le 31 août 2006. Le maire veut néanmoins développer le tourisme et évoque le projet
de construction d’un aéroport, celui d’un pont de 300 mètres et d’un tunnel de 800 mètres qui
faciliteraient la liaison de Betong avec Yala et le monde extérieur. En janvier 2007, Chettha
Siriyothai dans son article sur Betong pour le quotidien Khao Sot ne mentionne lui non plus ni
la prostitution ni même les bombes. Il termine toutefois son article en citant le dicton local
« celui qui vient à Betong n’a pas envie de repartir ». On comprend mal à la lecture de
l’article consacré aux rares sites touristiques naturels et architecturaux ce qui pourrait retenir
longtemps le voyageur (Siriyothai 2550 : 23).
Sans doute mieux informé, le quotidien anglais The Nation du 24 mars 1986 publiait une
photo d’un registre (de police ?) listant les bordels de Betong avec le nombre des prostituées
(cf. tableau 10).
Ce tableau (qui comporte sans doute quelques erreurs dues à une lecture difficile, la
photographie manquant parfois de netteté) montre – si cela était nécessaire – que la
prostitution était, à Betong en 1986, totalement tolérée, alors qu’officiellement elle était
illégale et punie par la loi. Le nombre total des prostituées de Betong aurait alors été de 446
personnes ; ce qui peut paraître peu. Cela fait une moyenne de 18 à 19 prostituées par
établissement. Le chiffre exact était sans doute supérieur ; d’abord parce que d’autres
établissements que les bordels et les hôtels devaient offrir ce type de service (on pense aux
restaurants, aux salons de coiffure…), ensuite parce que les propriétaires des bordels devaient
sous-estimer volontairement le nombre des prostituées pour réduire les pots-de-vin qu’ils
devaient verser à la police, ceux-ci étant habituellement proportionnels au nombre des
prostituées.
38
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
Nom de
l’établissement
1. maison Bunying
2. maison Oi Chusai
(Bunmi)
3. maison Arichai
4. maison Maew
5. maison de Mme
Khim
6. maison Charungsi
(Suk)
7. maison de M.
Phon (Samrueng)
8. maison Darling
9. maison de Mme
Nuan
10. maison Kulap
(Rose)
11. maison Ari
12. maison Nok Noi
(Rat)
13. maison de M.
Thawip
14. maison de M.
Kasem
15. maison de M. Ti
(Thira)
16. maison de M.
Sathai
17. maison de M.
Khlao (Cesar)
18. maison de M.
Hoi (Seri)
19. maison de M.
Khamsan (Sakura)
20. maison de MM.
Buai et Kip
21. maison de M.
Prawe
22. maison de Mme
Siap (Prani)
23. hôtel Sisombun
24. hôtel
Thaksinnalai
25. hôtel Saenfa
Adresse
Nombre de
prostituées
Illisible
105/4 rue
Chantharothai
35/5 ruelle Fusak
78 rue Chantharothai
28 rue Chantharothai
40
21
95 rue Chantharothai
6
100 rue
Chantharothai
23/20 rue Rattanakit
23/19 rue Rattanakit
6
32
55
23/22 rue Rattanakit
24
44/11 rue Rattanakit
1 ruelle
Phraphanphesat
104 rue
Chantharothai
96/4 rue
Chantharothai
130/1 ruelle
Falaprung
36 ruelle Phamonsin
43
23
rue Fusak
18
278/15 rue
atthawetthi
16/2 rue
Chayachaowalit
24 ruelle Fusak
20
Derrière Falaprung
7
86/8 Khamphawira
Non mentionné
20
10
7
30
45
50
35
30
9
Non mentionnée
Non mentionnée
3
7
Non mentionnée
5
Tableau n°10 : Les bordels de Betong en 1986
Source : The Nation du 24 mars 1986, p. 5
En 1990, selon les statistiques « officielles » du ministère de la Santé publique, la
municipalité de Betong abritait alors vingt-deux bordels, trois hôtels à prostituées et un
restaurant avec trente prostituées. Trois rues sont particulièrement concernées, la rue
Chantharothai avec six bordels, la rue Fusak avec cinq bordels et la rue Phamonsing avec
quatre bordels. Alors que les bordels de Yala ont entre trois et seize prostituées, ceux de
Betong en ont entre six et quatre-vingts. Cela fait une moyenne de trente-neuf prostituées par
bordel à Betong contre un peu plus de huit pour la ville de Yala. A peu près à la même époque
on apprenait que les tarifs étaient de l’ordre de 100 à 500 bahts (2 à 10 euros), ce qui était
effectivement très bon marché (Rungchanchai 2532 : 79).
39
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
Outre ce tableau, nous avons des informations assez précises et plus qualitatives sur la
prostitution à Betong entre mars 1986 et mars 1992 grâce aux articles publiés en anglais et en
thaï par Chamlong Bunsong et Evelyne Gira(r)det (Bunsong 1986, 1992 ; Giradet et
Boonsong 1990). 29 Dans un premier article du 24 mars 1986 nous apprenons que Betong
compte de mille à deux mille prostituées sur 18 000-20 000 habitants selon s’il s’agit de la
saison touristique ou pas ; il y aurait au total 27 bordels, beaucoup opérant sans dissimulation.
Le directeur-adjoint de l’hôpital de Betong confirme que les prostituées constituent 5 à 10%
des habitants de la ville. Les visiteurs de Malaysia et de Singapour dépensent ente 70 et 100
millions de bahts par an à Betong, en comptant le coût de la prostitution. Les prostituées sont
originaires des provinces de Chiang Rai, Chiang Mai, Phayao. Beaucoup seraient des
Chinoises descendantes des soldats des troupes du Guomindang demeurés en territoire
thaïlandais après 1949 et établis dans la province de Chiang Rai. Leur avantage est la
connaissance du mandarin, car le chinois est la langue de communication à Betong entre
touristes et résidents. Les prostituées rapportent entre 500 et 1 000 bahts par jour, mais ne
peuvent garder pour elle qu’une fraction de cette somme ; néanmoins, elles peuvent envoyer
chez elle environ 5 000 bahts par mois, une somme non négligeable en 1986. Selon une
propriétaire de bordel citée par l’auteur, beaucoup de clients étaient des ouvriers et des
mineurs d’étain toujours affectés par le cours de ce minerai. Cette informatrice reconnaît
qu’elle doit payer des agents conduisant les filles depuis le nord de la Thaïlande, mais
également les autorités locales. Une de ces agents explique qu’elle reçoit 2 500 à 3 000 bahts
pour chaque fille qu’elle conduit dans un des bordels de Betong. La tendance est de recruter
davantage parmi les femmes des minorités montagnardes que les propriétaires des bordels
sont prêts à payer plus cher ; en effet, comme elles sont sans papiers d’identité et peu
instruites, elles sont plus faciles à contrôler (Bunsong 1986 : 5).30
L’article d’avril 1990 est signé par Chamlong Boonsong et Evelyne Girardet, qui ont passé
une semaine à Betong parmi les prostituées. Au-delà de quelques données chiffrées (les
touristes malaysiens – environ 100 000 par an – dépensent en moyenne 20 000 bahts lors de
leurs séjours ; les parents vendent leurs filles pour 5 000 à 30 000 bahts et celles-ci doivent
rembourser le double aux propriétaires des bordels avant de pouvoir garder de l’argent pour
elles ; les prostituées doivent payer sur leurs revenus la somme de 450 bahts à la police
chaque semaine ; seuls les touristes plus âgés peuvent payer la somme de 5-6 000 bahts
exigée pour déflorer une vierge ; les 18 salons de coiffure pour hommes de Betong sont aussi
des lieux de prostitution…), les auteurs essaient de montrer un visage assez bon enfant de la
prostitution à Betong. Les clients sont souvent généreux et des relations stables se nouent ; les
filles parlent de « petits-amis » malaysiens revenant fréquemment leur rendre visite à Betong.
Une photo montre même une prostituée ayant épousé un de ses clients et ayant un bébé de lui.
Les auteurs ont même rencontré un « gentil » proxénète, Monsieur Tau, qui gagne 4 000 bahts
par mois et explique qu’aucun proxénète de Betong ne frappe les prostituées. Etrangement,
les auteurs avancent que ces conditions privilégiées seraient dues au fait que les clients des
prostituées de Betong sont des Chinois plutôt que des Européens comme à Pattaya ou à
Patpong présentées comme de simples « marchés de viande ». Même si les auteurs évoquent
ensuite des expériences moins positives ils suggèrent que les prostituées de Betong peuvent
être heureuses (« Can prostitutes be happy ? » est le titre de l’article) et se demandent avec
horreur si Betong ne va pas devenir semblable à Pattaya (Girardet et Boonsong 1990).
29
Nous avons retrouvé ces trois articles (deux en anglais publiés dans le quotidien The Nation et un, plus long,
en thaï, dans le mensuel The Decade Magazine), mais il est fort possible que cet auteur ait publié d’autres
articles sur le sujet.
30
On sait aussi que c’est un biais pour avoir des prostituées mineures puisque aucun document d’identité
n’indique leurs dates de naissance.
40
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
Pour le troisième article, publié en mars 1992, l’auteur – M. Chamlong Boonsong – raconte
qu’il a passé un mois tout entier à Betong. Il explique que les prostituées – au nombre d’un
millier – sont d’abord originaires de la province de Chiang Rai, puis de Phayao et de Phrae,
trois provinces du Nord. Les langues parlées avec les touristes sont essentiellement le chinois
(cantonais et teochiu) et le malais ou le yawi. Les proxénètes et les rabatteurs sont donc des
Malais, mais surtout des Chinois. Dans les bordels, les filles se tiennent derrière des vitres,
comme dans les salons de massage. Elles jouent aux cartes ou tricotent. Le client fait son
choix, paie et donne le nom de son hôtel au proxénète. Ensuite, le client rentre à l’hôtel
attendre la prostituée qui le rejoindra à l’heure convenue. Les prostituées, âgées de 17 ans et
plus, doivent elles-mêmes connaître un minimum de chinois si elles veulent avoir quelque
succès auprès des clients. Les touristes de Malaysia dépenseraient entre 5 000 et 15 000 bahts
à chacun de leurs séjours. Les proxénètes découragent les prostituées à prendre des clients
thaïlandais qui pourraient devenir des « petits-amis » qui les encourageraient à quitter le
bordel (Boonsong 1992).
L’article est moins optimiste que les précédents. Visiblement davantage de femmes ont été
interrogées et elles parlent des dettes qui les accablent, des clients saouls ou sales. Certes, on
trouve encore des cas de prostituées devenant des maîtresses régulières ou même des mia noi
(petites femmes), quand un lien durable s’établit avec un client malaysien qui finit par se
rendre à Betong tous les week-ends et qui propose un salaire mensuel à sa « femme », lui
évitant ainsi le bordel. Mais, le plus souvent celle-ci finit par s’ennuyer, s’adonne aux jeux de
cartes et prend un petit ami thaï, un gigolo beaucoup plus jeune que son « mari » malaysien.
Quelques cas intéressants sont présentés comme celui de Nit, originaire de Chiang Rai. A 22
ans, elle est prostituée depuis déjà 7 ans et était donc mineure à ses débuts. Elle a travaillé
dans plusieurs bordels de Bangkok et de Hat Yai avant de venir à Betong. C’est une parente
qui l’a incitée à se prostituer. Elle fut déflorée à Bangkok, dans le quartier populaire de
Sutthisan, connu pour ses bars et ses bordels pour Thaïs, par son premier client pour la somme
de 5 000 bahts (100 euros).
Le cas de Ampha, également orignaire de Chiang Rai, est un peu différent. Elle vint presque
directement à Betong conduite par Chanda, une ancienne camarade de classe qui y avait déjà
travaillé. Son père décédé, elle devait gagner de l’argent pour venir en aide à sa mère et à ses
deux plus jeunes frère et sœur. Elle fut d’abord vendeuse, puis danseuse de ramwong mais les
revenus étaient irréguliers. Quand il l’engagea le patron du bordel lui donna 10 000 bahts et
elle fut déflorée par un vieux Chinois de Malaysia pour 4 000 bahts, dont le proxénète prit la
moitié. Ampha ne se trouvait guère jolie en arrivant à Betong. Pour 4 000 bahts, elle se fit
refaire le nez et, grâce à une meilleure alimentation, sa peau devint rapidement plus
lumineuse. Dès la deuxième année, elle attira davantage de clients et put retourner voir sa
famille au village avec 20 000 bahts en poche. Après quatre ans, elle avait pu économiser pas
moins de 100 000 bahts (2 000 euros) avec lesquels elle fit construire une nouvelle maison
familiale dans son village. Elle en est particulièrement fière quand elle compare avec la
famille de Chanda, prostituée depuis plus longtemps qu’elle, mais qui a gaspillé ses gains
dans l’alcool et le jeu. Ampha devint finalement « épouse » (non officielle) d’un jeune
Malaisien et quitta le bordel pour s’installer avec une autre ancienne prostituée qui s’était
mariée avec un musulman de Betong. Son « mari » lui rend visite régulièrement.
La troisième histoire de vie esquissée est celle de Champa qui, depuis l’âge de 16 ans, a
connu de nombreux bordels de Bangkok, Hat Yai, Sungai Kolok et finalement Betong. Elle a
41
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
même travaillé en Malaysia, ce qui lui valut presque six mois de prison. Une tentative
d’ouvrir un petit restaurant à Bangkok se solda par une tricherie de son partenaire. Amoureuse
d’un Malaysien, elle le suivit chez lui à Penang, mais elle se sentit tellement méprisée par la
famille du garçon qu’elle choisit de retourner à Betong. Désormais âgée et fatiguée, elle n’a
plus auprès des clients le succès d’autrefois.
Le 14 mars 2007, on a tiré pour la première fois sur un mini-bus transportant des passagers
sur la route reliant Betong à Yala. Vers 8h30 du matin l’autocar de M. Abdul-raman Khodae,
âgé de 40 ans, qui transportait dix passagers fut bloqué par un tronc d’arbre de bonnes
dimensions ; puis des agresseurs armés de fusils d’assaut M 13 et AK 47 ouvrirent le feu sur
les passagers et le conducteur. Ils voulurent même achever les blessés d’une balle dans la tête.
Le bilan fut lourd : huit morts, trois femmes, deux adolescentes et trois hommes, et deux
blessés dont le conducteur. Trois des victimes portaient des noms chinois (« Khonsuea kao »
2550 : 14-17). Cela frappa les esprits des habitants de Betong qui se croyaient jusque-là
relativement à l’abri d’une telle menace.
Puis en mai 2007 la même route a été longtemps bloquée par des villageois réclamant la
libération de parents arrêtés pour leur participation à des actions violentes. Les résidents de
Betong devaient faire un détour considérable – par la Malaysia – pour se rendre en territoire
thaïlandais. L’accès de Betong reste très aisé pour les visiteurs de Malaysia, s’ils ne redoutent
ni la violence possible ni l’augmentation des tarifs : en raison des violences et des difficultés
d’approvisionnement, le prix d’un œuf serait passé de 3 à 10 bahts (Chinmaneevong 2007 :
B10).31
Sungai Kolok, l’autre grande ville du tourisme sexuel de la frontière malaise
Sungai Kolok est le plus grand district de la province de Narathiwat. C’est une ville frontière
et la dernière gare ferroviaire avant la Malaysia. La frontière est en fait à cet endroit la rivière
de Sungai Kolok elle-même.32 C’est un district à large majorité musulmane, puisque ceux-ci
sont estimés à 75% de la population pour 20% de bouddhistes et 5% de chrétiens (Phromkaeo
et Phongphaibun 2542 : 8178).
C’est un district prospère. En 1983 on y dénombrait pas moins de 27 ateliers de batik. Le
nombre diminua par la suite, mais, encore en 1995, on comptait 92 usines diverses pour une
population de 62 200 personnes (Phromkaeo et Phongphaibun 2542 : 8178). On y trouve
depuis longtemps beaucoup plus d’hôtels que dans la capitale provinciale de Narathiwat
(Thatsanasuwan 2520 : 168). Dès 1956, un auteur mentionne les nombreuses distractions et
évoque les prostituées (phisuea rattri ou papillons de nuit) (Niyomchan 2499 : 176). Le
passage du train venant de Malaysia en ont fait le premier marché des produits de contrebande
(calamar, champignons noirs, ailerons de requin, cigarettes).
Les données touristiques pour Sungai Kolok sont précises car l’Office thaïlandais du tourisme
l’a incluse parmi les principales destinations touristiques du pays depuis plusieurs décennies
et les chiffres sont régulièrement publiés. On sait ainsi qu’en 1982 Sungai Kolok accueillit
149 815 touristes dont 99 219 étrangers, soit 23 000 de plus que Phuket à la même époque. Le
31
Mais, déjà dans les années 1950, les auteurs se plaignaient du coût exorbitant de la vie à Betong : les kuai tiao
phat thai (nouilles frites) coûtaient trois bahts, le chok (soupe) coûtait cinq bahts et le flanc khanom mo kaeng
sangkhaya un baht (Niyomchan 2499 : 168).
32
En malais su-ngai signifie canal et kolok a le sens de courbe, sinueux.
42
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
nombre d’hôtels était passé de 22 en 1981 à 30 en 1982. Toujours en 1982, les établissements
de Sungai Kolok affichaient un taux de remplissage de 68,86% (et jusqu’à 79,79% en avril).
C’était le record du pays exception faite de Bangkok. C’était également la seule ville (pour
lesquelles les chiffres étaient donnés) qui avait plus de touristes étrangers que locaux : en effet,
95 800 de ces 149 815 touristes étaient originaires de la Malaysia voisine. En revanche, les
séjours étaient très courts avec une moyenne de 1,25 jour en 1981 et de 1,59 jours en 1982
(Tourism… 1983 : 60-2, 66-67).
Six ans plus tard, en 1988, le nombre d’hôtels avait presque doublé et était passé à 56, mais le
taux de d’occupation n’était plus que de 49,39%. Le nombre total de touristes était de 257 135
dont 185 710 étrangers, et 179 850 de ces touristes étrangers venaient de la Malaysia proche
et 4 315 de Singapour. Les Malaysiens visitaient Sungai Kolok surtout en février, mai et
juillet, moins souvent en janvier et novembre. Quant à la durée du séjour, le document ne la
donne que pour l’ensemble des touristes malaysiens visitant la Thaïlande, elle était de 3,88
jours (Tourism… 1988 : 35, 67-68, 75).
Un guide des hôtels de Thaïlande de 1991 mentionne cinq hôtels à Sungai Kolok, le Genting
avec 190 chambres et une discothèque, le Grand Garden avec 129 chambres, et le P.A. Super
Club, le Thaksin Hotel 2 avec 49 chambres, et un Coffee House, le Merlin avec 98 chambres
et des restaurants, et le Venice Palace Hotel avec 132 chambres et un autre Super Club
(anonyme 1991 : 246-48). En fait, selon une source, on comptait en 1995, une soixantaine
d’hôtels et 2 156 chambres (Phromkaeo et Phongphaibun 2542 : 8179).
Type de touristes
Nombre quotidien de
touristes
Touristes passant la 300 personnes par
nuit
jour
Touristes pour la 50 personnes par
journée
jour
Total
350 personnes
Dépenses par jour et Dépenses totales par Dépenses annuelles
par touriste
jour
3500 bahts
1 050 000 bahts
383 250 000 bahts
2500 bahts
125 000 bahts
45 625 000 bahts
6000 bahts
1 175 000 bahts
428 875 000 bahts
Tableau 11: les dépenses des touristes et visiteurs de Sungai Kolok
Sources : tableau corrigé et complété à partir des chiffres donnés dans l’article de Phonsak Phromkaeo et
Sutthiwong Phongphaibun (2542 : 4180).
Un guide de langue thaïe de 1960 note que les nuits de Sungai Kolok sont particulièrement
lumineuses, car éclairées de néons à tous les carrefours (Chaichana et Suwannasuk 2503 :
479). Le répertoire – non publié – des établissements de prostitution établi par le ministère de
la Santé est plus précis. On trouvait dans la province 76 établissements avec au total 1 634
prostituées, soit 47 bordels (samnak) avec 1 328 prostituées, 11 hôtels avec 70 prostituées, 8
restaurants avec 52 prostituées, 6 bar-disco avec 119 prostituées et 4 massages de style ancien
avec 66 prostituées (142). Un seul de ces établissements ne se trouve pas dans le district de
Sungai Kolok, mais dans celui de Ra-ngae ; il s’agit de l’hôtel Lang Heng qui compte 10
prostituées ayant un tarif de 100-150 bahts (2-3 euros). (141).
A Sungai Kolok, les bordels comptent entre 6 et 72 filles et les tarifs vont de 200 à 500 bahts
(4-10 euros). Ils se trouvent dans les rues Waman Amnuai (21), Arif Mankha (15),
Prachawiwat (5), Butsayaphan (2), Charoen Khet (2), Chuen Mankha (1), Worakhamin (1).
Dans la rue Waman Amnuai, les bordels se trouvent aux numéros 9, 12, 14, 15/2, 16, 56/4, 60,
62/2, 66, 74, 75/1, 75/2, 85/2, 89, 91, 95/1, 98, 105, 109, 138. Le vingt-et-unième
établissement, celui Monsieur Suwan Piklong, qui ne compte que neuf prostituées, n’est pas
situé avec précision. On peut dire qu’il s’agit d’une rue spécialisée. En revanche, dans la rue
43
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
Arif Mankha, on note des bordels aux numéros 14/1, 27, 70-73, 72/4, 74/20, 86/2, 104/2,
112/20, 123, 124, 156/6, 165,33 mais l’on trouve également un bar-disco au numéro 104, deux
restaurants à prostituées aux numéros 31-32 et 44/1, et deux salons de massage à prostituées
aux numéros 55-56 et 102/1-3.
La rue Prachawiwat compte des établissements plus variés. Elle a cinq bordels aux numéros
92/11, 102, 163, 201, 225, un bar-disco au numéro 160/6, un hôtel avec huit prostituées au
numéro 103, et un restaurant avec également huit prostituées au numéro 295/6. De même, la
rue Charoen Khet compte des établissements variés quoiqu’en nombre restreint : deux bordels
aux numéros 15/2 et 75/3, un bar-disco avec dix-huit prostituées au numéro 45, un hôtel avec
six prostituées au numéro 213/2 ainsi que deux salons de massage « à l’ancienne » avec
respectivement quatorze et dix-huit prostituées aux numéros 40 et 45.
Les noms des établissements sont également donnés. Pour les bordels (samnak), il s’agit du
nom du propriétaire. Les informations que l’on peut en tirer sont réduites. Sur 47 propriétaires
16 sont des femmes. On trouve seulement deux bordels ayant le même propriétaire, M. Tui
Thananusak, l’un au 102 de la rue Prachawiwat qui compte 64 prostituées, l’autre au 74 de la
rue Waman Amnuai qui compte 46 prostituées. On trouve encore deux bordels ayant des
propriétaires portant le même nom de famille. Il s’agit de M. Bunmi Khom-awut et de Mme
Moei Khom-awut, dont les deux établissements sont situés aux numéros 72/4 et 86/2 de la rue
Arif Mankha. Un seul propriétaire porte un nom directement chinois : il s’agit de M. Sanguan sae Lue. Mais d’autres noms ou prénoms semblent indiquer une origine chinoise
comme ceux de M. Tui Thananusak, M. Fung Namwong, Mme On Sutthipaeng, M. Mueang
Tanprasoet, et M. Meng, dont le nom de famille n’est pas donné.
Les autres établissements ont un caractère plus officiel et portent des noms occidentaux, thaï
ou chinois. Ainsi les bar-discos se nomment Inter, Plaza, Grand Garden, Family, Kenting et
Thara. Les hôtels ont pour noms Savoy, 9000 Miles, December, Sinto, Siang Hai, Lang Heng,
Tang Seng, An-An, Nam Saeng, Chat Li, La, Si Wathana, Nam Thai, Thaksin, Thip Sud, Yot
Rak, Sam Huachai, Amarin.
En 2004, Sungai Kolok comptait 37 établissements hôteliers et 1837 chambres. Cette annéelà, la violence séparatiste s'étant grandement amplifiée dans la province, le nombre de
chambres avait légèrement diminué par rapport aux trois années précédentes et le taux de
remplissage était passé de 46,99% en 2001 à 31,46% en 2004. A la fin de l'année 2004 la
perte était encore plus évidente avec 22,42% de taux de remplissage en novembre 2004 au
lieu de 43,27% en novembre 2003. Le nombre de touristes était passé de 406 890 en 2003 à
334 477 en 2004 soit un déficit de 72 413 personnes. Pour l'ensemble des visiteurs la baisse a
été de plus de 20% en 2004 par rapport à 2003. En 2004, 72,9% de ces visiteurs étaient
originaires de Malaysia tandis que 26,55% étaient des Thaïlandais (anonyme 2005: 71-3, 81,
88).
En 1998, l’époque la plus importante de l’essor du tourisme sexuel à Sungai Kolok, deux
chercheurs de l’université Chulalongkorn de Bangkok ont réalisé une étude pour inciter les
prostituées du district à exiger de leurs clients l’utilisation de préservatifs. A cette occasion,
une enquête précise sur 101 prostituées de Sungai Kolok fut menée dont une partie des
résultats est donnée dans le tableau 12.
33
Là encore, deux bordels, ceux de M. Meng et de M. Saithong Sunklang, ne sont pas identifiés de manière très
précise.
44
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
célibataires
mariées
divorcées
séparées
Veuves
43,2%
0,9%
42,3%
10,8%
2,7%
Ne savent ni lire ni écrire
Savent lire et écrire un peu
Niveau moyen
Niveau correct
Très bon niveau
6,3%
13,5%
26,1%
27%
27%
Aucune étude
Six années d’études primaires
Niveau bac
3,6%
82,9%
12,6%
Bouddhistes
Musulmanes
99,1%
0,9%
Age aujourd’hui (moyenne)
Age à l’entrée dans la profession
25,2 ans
22,7 ans
Originaires de Bangkok
Du Nord
Du Nord-Est
Du Centre
Du Sud
De l’Est
De l’étranger
1,8%
60,4%
30,6%
2,7%
1,8%
2,7%
« nationalités » thaïes
Montagnardes
Birmanes
Sans réponse
90,1%
6,3%
2,7%
0,9%
Employées dans un bordel (song)
Dans un restaurant
64%
36%
Nombre de fille dans l’établissement
Moins de 10
10-20
21-30
31-40
Ne sais pas
29,7%
47,7%
19,8%
0,9%
1,8%
Le patron est un homme
Une femme
Un couple
36%
54,1%
9,9%
A commencé la profession à S Kolok
Ailleurs
70,3%
29,7%
A travaillé à Bangkok
Dans le Nord
Dans le Centre
Dans le Sud
Dans l’Est (Pattaya ?)
63,6%
9,1%
18,2%
9,1%
Revenus mensuels moyens
11 513 bahts (240 euros)
Les relations sexuelles se déroulent sur le lieu de travail
En dehors
1,8%
98,2%
Clients de nationalité malaysienne
Thaïlandaise
Singapourienne
Autre
91,9%
6,3%
0,9%
0,9%
Nombre de clients par jour lors du dernier mois
Nombre de clients la semaine dernière
2,9
4,4
Coût du service pour le client
1136 bahts (24 euros)
Tableau 12: Profil des prostituées de Sungai Kolok
Sources : Limanon et Van Griensven (2541 : 14-18).
45
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
A peu près à la même époque, une étudiante en maîtrise de l’université Ramkhamhaeng,
originaire de la province de Narathiwat (peut-être même de Sungai Kolok) écrivait un
mémoire sur « la Santé mentale des prostituées de Sungai Kolok ». Elle rencontra 120
prostituées sur les 757 officiellement répertoriées pour la ville.34 Elle donna un rapide profil
de ces 120 prostituées retenant les éléments lui paraissant les plus pertinents (tableau 13).
Age
De 17 à 27 ans
A partir de 28 ans
Chiffres absolus
79
41
%
65,8
34,2
Etudes primaires
Etudes secondaires
98
22
81,7
18,3
Célibataires
Ont déjà été mariées
57
63
47,5
52,5
Moins de 3 ans
3 à 7 ans
115
5
95,8
4,2
5000 bahts et moins
5001 à 12 000 bahts
98
22
81,7
18,3
Education
Sit. matrimoniale
Exercent depuis…
Revenus de…
Tableau 13: Profil de 120 prostituées de Sungai Kolok
Sources : Choomuang (2542 : p. 40, tableau 2).
Au moins depuis 1982 la visite des touristes malaysiens à Sungai Kolok est favorisée par le
fait qu’ils n’ont pas besoin de visa ni même de faire viser leur passeport par la police
thaïlandaise (Crowther et Wheeler 1982 : 47). Encore en 2006, les prévisions concernant la
venue de touristes étrangers à Sungai Kolok étaient étrangement optimistes. Il faut dire que
l’évolution avait été jusque-là étonnamment favorable comme le montre les chiffres du
tableau 14.
Année
Nombre de touristes
étrangers
1982
1987
1988
2004
2005
2006
2007
2008
99 219
178 575
185 710
334 477
390 102
440 093
478 406
496 890
Tableau 14 : Evolution du nombre de touristes à Sungai Kolok
(pour 2006, 2007, 2008, il s’agissait de prévisions)
Sources : Tourism… 1983 : 62, 1989 : 68 ; Diethelm… 2006 : 30.
34
Parmi les 17 « quartiers » (yan) de prostitution de Sungai Kolok, elle choisit « celui situé derrière l’hôtel
Grand » qui rassemblait 40 établissements, et il semble que dans chacun elle interviewa et fit passer des tests à 3
prostituées (Choomuang 2542 : 32).
46
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
L’augmentation du nombre de touriste en 2008 par rapport à 2007 est cependant très modeste
et, comme la violence paraît loin de son terme, il est probable que la tendance s’accentuera les
prochaines années.
Les villes « ordinaires »
Mais contrairement à toute attente, si la province de Yala comptait en 1990 68 établissements
de prostitution avec 1 439 prostituées (il y a 39 bordels avec 1 001 prostituées, dix restaurants
avec 169 prostituées, neuf hôtels avec 143 prostituées, cinq « cafés » avec 56 prostituées,
deux pubs avec 12 prostituées, un night-club avec 13 prostituées et un coffee-shop avec 29
prostituées), la majorité de ces établissements ne se trouvaient pas à Betong, mais bien dans le
chef-lieu de la province de Yala. En effet, quarante-trois (63%) sont à Yala et vingt-cinq (27%)
à Betong, les 10% restant se trouvant dans d’autres villes de la province.
Comme Yala est tout sauf une ville touristique, il faut admettre que ce sont les habitants de
Yala et des environs qui fournissent l’essentiel de la clientèle des prostituées35.
La prostitution des ports
Tous les ports de commerce et de pêche connaissent un secteur de la prostitution développé.
Généralement, on pense aux marins étrangers qui font des escales, mais, en Thaïlande, les
pêcheurs « locaux » sont très souvent eux-mêmes étrangers à la région ou même au pays.
Provinces
Surat Thani
Pattani
Songkhla
Nakhon si Thammarat
Trang
Chumphon
Krabi
Phuket
Phangnga
Satun
Ranong
Phatthalung
Narathiwat
Total
Villages de pêcheurs
Familles de pêcheurs
138
110
106
104
69
63
56
52
46
44
38
35
18
879
9 798
11 286
6 402
5 471
4 187
2 888
1 534
1 485
1 186
3 104
1 201
2 304
4 170
55 016
Tableau n°15: Villages et familles de pêcheurs dans les provinces du Sud en 1974.
Source : Sisantisuk, Ondam et Khumkhanap 2517 : 5
35
Les données de l’enquête menée par l’Unité pour le contrôle des maladies transmissibles du ministère de la
Santé publique thaïlandais montre qu’au moins neuf des dix-sept bordels de la ville de Yala ont des femmes à
leur tête. Les noms chinois ou indiquant une origine chinoise sont nombreux : sae Tang, sae Lao, sae Ngong,
Kaewyingyong, Ueadamrongkun, Kingtong. Il y a un M. Dam sae Tang et une Mme Chinda sae Tang, mais le
nom de Tang étant un des plus répandus chez les Chinois de Thaïlande, il est impossible d’en déduire un
quelconque lien de parenté. Les deux rues de bordels dans la ville de Yala sont les rues Thetsaban 4 et
Thanawithi qui se situent au nord de la ville. La première en compte six et la seconde cinq.
47
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
Ranong est sans doute une des moins touristiques des provinces de la Thaïlande du sud. Il est
significatif qu’elle ait été la seule « oubliée » par Pramot Thatsanasuwan dans sa tournée des
provinces méridionales en 1977 (Thatsanasuwan 2520). Ranong est également la province la
moins peuplée de Thaïlande. Au milieu des années cinquante elle ne comptait que 20 000
habitants, en 1989, elle en avait environ 112 000. Depuis le XXe siècle au moins, une large
partie de la population est constituée par des Chinois qui vinrent d’abord travailler dans les
mines d’étain. Les deux activités employant le plus de main d’œuvre sont la pêche et les
mines. En 1982, par exemple, Ranong comptait 426 bateaux de pêche employant 6390
personnes et 112 mines employant 3 260 personnes (Udomphong 2525 : 64). Or, on sait que
les marins et les mineurs sont des immigrés d’autres régions de Thaïlande, le Nors-Est –
l’Isan – en particulier, ou de pays étrangers, ici bien entendu de la Birmanie voisine. Tout
naturellement les bordels de Ranong sont fréquentés par les Birmans qui travaillent comme
marins ou employés du port et les prostituées elles-mêmes sont souvent originaires de
Birmanie. Une étude spécifique serait très intéressante, mais sans doute peu représentative de
la situation ailleurs dans le pays.
Les relevés de l’Unité pour le contrôle des maladies transmissibles du ministère de la Santé
publique indiquent qu’en 1990 la province de Ranong ne comptait que 49 établissements de
prostitution rassemblant 651 prostituées. Seuls quatre d’entre eux ne se trouvent pas dans la
ville même de Ranong. A Ranong ils se trouvent presque tous dans les « villages » 1 et 5 du
tambon Bangrin. Quelques-uns sont dans le « village » 1 du tambon Paknam. Les noms des
rues ne sont pas spécifiés. La plupart sont bon marché avec des tarifs allant de 50 à 100 bahts,
cependant deux bordels présentent des tarifs allant de 300 à 1 000 bahts. Les établissements
les plus onéreux étant un salon de massage, le Chansomthara, avec des tarifs de 1 000 à 1 500
bahts et un cocktail-lounge avec des tarifs de 1 000 à 1 200 bahts, tous deux situés dans
l’hôtel Chansomthara de la rue Phetkasem, à l’extrémité est de la ville.
En dehors de Hat Yai et de Sadao, la province de Songkhla ne manque pas d’établissements
proposant des prostituées. On se souvient des « pêcheurs-pirates » décrits par Jean-Edern
Hallier en 1979 qui kidnappaient de jeunes femmes boat-people pour les vendre aux bordels
locaux. Dans la ville même de Songkhla, il n’y a pas moins de 46 bordels, de quatre
restaurants à prostituées et de trois hôtels à prostituées. Tous les établissements sont dispersés
dans la ville et sont de dimensions modestes. Le bordel le plus important, le Ban Si Fa 2, situé
au 10/4 de la ruelle Nai Tra, compte 44 prostituées et la « Maison de nai Suraphon », au
numéro 50 de la rue Si Suda, réunit 42 prostituées.
Comme dans la ville de Phuket en 1984, c’est dans cette ville de Songkhla huit ans plus tard,
plutôt qu’à Hat Yai ou à Sadao, qu’une affaire de prostitution défraya la chronique et choqua
la population. Le 2 novembre 1992, en effet, Melle Phatsawara Samrit, une jeune prostituée
de 14 ans originaire de Chiang Mai, fut retrouvée morte derrière le palais du gouverneur de
Songkhla. Elle était venue demander des secours aux responsables locaux du département de
l’Aide publique. Dès le lendemain la police arrêta les deux propriétaires du bordel dans lequel
Melle Phatsawara avait été retenue avec 43 autres filles. Le 4 novembre furent aussi arrêtées
deux femmes accusées d’en livrer d’autres aux bordels de Songkhla. Une commission fut
alors créée par le ministère de l’Intérieur pour enquêter davantage sur l’affaire, puis une autre
le 12 décembre. Le 5 puis le 6, puis le 27 novembre, d’autres arrestations suivirent. Enfin, la
police arrêta M. Sorasak Bunchoet, qui fut présenté comme l’assassin de Melle Phatsawara,
mais très vite on découvrit celui-ci pendu dans sa cellule (Miwongukhot s.d. : 45-49 ;
Sakthaisong 2536 : 43-47). Le Premier ministre de l’époque, M. Chuan Leekpai, avait peu de
temps auparavant annoncé en s’adressant aux gouverneurs de toutes les provinces qu’il ne
48
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
devait plus y avoir de prostituées enfants et que cela serait très sévèrement réprimé
(Sakthaisong 2536 : 43). Cette tragique affaire de Songkhla contribua sans doute à rendre les
autorités plus strictes à cet égard.
La quasi-totalité des districts maritimes de Songkhla compte également quelques bordels et
surtout des restaurants à prostituées. C’est le cas des districts de Ranot, Sathing Phra,
Singhanakhon, Thepha, mais aussi de Saba Yoi, à l’intérieur des terres. Mais le nombre des
prostituées est extrêmement réduit : le restaurant Sai et le restaurant Hat Ruen Rom du district
de Singhanakhon ne comptent même qu’une seule prostituée, dont le tarif est à débattre. Trois
autres restaurants – le Choeng Doi du district de Ranot, le Tharathip du district de Khethra et
le Ban Phai du district de Singhanakhon ne comptent, chacun, que deux prostituées ; là
également, les tarifs sont bon marché (100-200 bahts soit 2-4 euros) ou à débattre.
La province de Pattani n’est pas connue pour son commerce du sexe. Elle compte tout de
même vingt-deux bordels, vingt et un restaurants avec prostituées, deux salons de massage et
un hôtel à prostituées. Beaucoup d’établissements ne comptent qu’une dizaine de filles, mais
on trouve un bordel de 110 prostituées au numéro 68/12-14 de la rue Ramkomut appartenant à
Mme Aphon Limcharoen, une Chinoise ou une épouse de Chinois. Cette rue Ramkomut,
située dans la partie est de la ville comprend la quasi-totalité des bordels, vingt sur vingt-deux.
Les restaurants à prostituées sont davantage dispersés dans la ville. On en trouve plusieurs sur
les rues Charoen Pradit, Nong Chik, Sukkhasem et Rong Lao.
La province de Satun n’a pas de liaison routière majeure avec la Malaisie voisine et n’est
guère touristique si l’on excepte l’île de Tarutao, un parc national. La prostitution y est un
phénomène local. La plus grande partie des prostituées est attachée à des restaurants plutôt
qu’à des bordels. De fait, on trouve seulement dix bordels employant au total 88 prostituées,
mais 38 restaurants employant 277 prostituées, ainsi que 4 hôtels (26 prostituées), 3
bungalows (10 prostituées), un night-club (12 prostituées) et un pub (7 prostituées). Les
établissements sont de très petites tailles ; seuls deux bordels comptent plus de 20 prostituées,
il s’agit du Daraki au numéro 8 de la rue Rueangruetcharun avec 25 prostituées et le
Thidinkao au numéro 83 de la rue Tamma-ngong Uthit avec 27 prostituées. Cinq
établissements ont entre 13 et 17 prostituées tandis que les autres en comptent 9 ou moins. La
moyenne générale pour l’ensemble de la province n’est que de 7,4 prostituées par
établissement. Une rue de la ville de Satun concentre dix bordels : c’est la rue Phanatwitthi
avec des maisons de prostituées aux numéros 10, 23, 30, 59, 98, 101, 142, 145, 146 et 150.
En dehors de la ville de Satun, on trouve des restaurants à prostituées au district de Thungwa,
de La-ngu et de Khuankalong, ainsi que des hôtels et des bungalows à prostituées dans le
district de La-ngu.
Nakhon Si Thammarat est une ville ancienne et un port où des étrangers se rendent depuis
longtemps pour faire du commerce (Amatayakul 2517 : 77). Dans un article de 1981
détaillant les attraits touristiques de Nakhon Si Thammarat, il est mentionné six coffee shops,
associés à des hôtels ou à des cinémas, deux night-clubs et un cocktail-lounge
(Wiriyasiriwatthana 2524 : 155-156). En 1992, la ville avait bien 25 hôtels, mais seulement
trois ou quatre de dimensions convenables (Atthamakon 2535 : 36). Jusqu’ici la province est
peu connue pour son secteur de la prostitution, mais, depuis 2006, avec l’engouement
étonnant des Thaïlandais pour les amulettes de type Chatukham Ramathep originaires de cette
province, le « tourisme » connaît un boom surprenant qui doit être accompagné d’un
49
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
développement de la prostitution, puisque que l’on sait que pèlerinages et prostitution ont
toujours fait bon ménage.
Ces villes ordinaires de la région, surtout si elles sont des ports de pêche importants, si elles
sont relativement riches, ont un secteur de la prostitution qui est loin d’être négligeable,
surtout en comparaison des villes équivalentes dans les autres régions de Thaïlande.
9 - La situation de guerre dans le Sud, le sexe et la
prostitution
La prostitution a toujours fait bon ménage avec les soldats. Chacun connaît le cliché du
permissionnaire qui claque en un soir sa solde avec les filles et l’alcool. Or, la présence
massive de troupes thaïlandaises dans les villes de la région Sud depuis janvier 2004, si elle
décourage la venue de touristes de Malaysia, représente une clientèle nouvelle, moins
fortunée certes, mais sans doute aussi moins difficile.
Et même, c’est paradoxalement le manque de prostitution qui, selon certains leaders
musulmans, met en danger l’honneur de jeunes filles musulmanes de la région. Naturellement
les Thaïs trouvent les femmes musulmanes très jolies avec leurs nez aquilins et leurs visages
ovales (Chaichana et Suwannasuk 2503 : 698). Et on parla beaucoup, dès mai 2005, de ces
relations coupables entre des soldats surtout originaires du Nord-Est du pays et de jeunes
filles locales, en particulier dans les districts de Waeng, Sungai Padi et Ra-ngae de la province
de Narathiwat.
Au 30 mai 2005, il se disait que plus de cent filles avaient été contraintes au mariage après
être tombées enceintes. Les soldats, eux, devaient se convertir à l’islam, mais certains
considéraient ces mariages comme provisoires et abandonnaient leurs épouses à la fin de leurs
séjours, à moins que ce ne soit les parents musulmans qui aient refusé que leurs filles quittent
la région pour le lointain Nord-Est. On cita le cas d’un soldat qui fut assassiné quelques mois
après avoir contracté un tel mariage (Nanuam 2005 : 4).
Nul doute que si la situation actuelle se prolonge, davantage de données seront bientôt
disponibles sur ces alliances provisoires qui rappellent celles contractées par les Européens au
Siam, notamment à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Il reste toutefois délicat de les
considérer comme une forme de prostitution.
10 - Sadao, Padang Besar, Chang Lon des villes d’avenir ?
Sadao, dans la province de Songkhla, est la dernière ville de Thaïlande sur la route Phetkasem
(n°4) qui commence à Bangkok. Le district de Sadao comptait en 1997 plus de 80 000
habitants, bouddhistes à 64%, les autres étant musulmans (35%) et chrétiens (1%)
(Songmuang 2542 : 7875). C’est un district riche, puisque c’est celui qui produit le plus
d’hévéa dans la province de Songkhla, elle-même à la tête de cette production en Thaïlande.
Aussi, en 1998, le district avait 81 usines (surtout de transformation de l’hévéa), 18
coopératives, 13 banques et 11 stations services (Songmuang 2542 : 7875).
50
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
Tambon de
Sadao
Tambon
Pangla
Tambon Prik
Tambon
Samnak Taew
Tambon
Thung Mau
%
Nombre de
maisonnées
552
Population
6 482
Thaïs
bouddhistes
1 930
Thaïs
musulmans
1 806
Thaïs
chinois
1 949
Chinois
étrangers
797
2 647
12 197
6 157
1 246
3 813
969
1 143
890
7 879
6 026
3 237
2 036
2 452
2 686
1 830
986
360
318
1 316
5 374
3 820
585
627
341
48,5%
22%
23%
6%
Tableau n°16 : Profil démographique et ethno-religieux du district de Sadao en 1968.
Source : MacMichael et Waller 1968 : 42-44, table VII.
Comme le montrent les données présentées dans le tableau 16, il y avait, en 1968 dans la
municipalité de Sadao, 40% de Chinois (dont 10% étrangers), 30% de Thaïs musulmans et
30% de Thaïs bouddhistes. Dans les quatre autres tambon les proportions étaient légèrement
différentes avec 48,5% de Thaïs bouddhistes, 29% de Chinois (dont 6% étrangers) et 22% de
Thaïs musulmans (MacMichael et Waller 1968 : 44, 44).
Ville frontière, elle connaît un commerce du sexe florissant, même si la ville est moins
connue que Betong ou Sungai Kolok. En 1990, la ville comptait vingt-deux bordels, quatre
bar-beer, six restaurants à prostituées. A la frontière malaise se trouve une autre ville –
souvent oubliée sur les cartes officielles – qui porte le même nom que sa voisine de Malaisie,
Padang Besar, et qui vit aussi des produits hors taxes et de la prostitution. Dans cette ville, on
trouve encore trente-six bordels, sept bar-beer, un bar à go go, une discothèque, deux hôtels à
prostituées. Pour les deux villes, les établissements sont seulement identifiés par leur nom ;
les adresses précises ne sont jamais données. A Sadao, les bordels comptent de 3 à 37
prostituées avec une moyenne de 17,3 prostituées, tandis qu’à Padang Besar les bordels
comptent de 7 à 38 prostituées avec une moyenne de 20,3 prostituées. Au total, cela fait 450
prostituées pour Sadao et 922 pour Padang Besar, soit plus du double.
De Hat Yai, Sadao n’est qu’à 40 km et pouvait être atteinte en taxi, en 2000, avec une course
(aller-retour) de 800-900 bahts (Nordlander 2000 : 160). En 1982, des informations
indiquaient que la Malaysia en avait assez que des millions de ringgits soient dépensés chaque
année du côté thaï pour les distractions et la nourriture ; dans l’Etat de Kedah, face à Sadao, la
ville de Chang Lon se devait d’avoir des boutiques hors-taxes, mais surtout des night-clubs et
des salons de massage, afin que les Malaysiens dépensent leur argent dans leur pays. Les
prostituées thaïlandaises ne devaient pas manquer de venir travailler dans cette ville, si la
clientèle s’y trouvait (anonyme 1982b : 13).
Face à la Chang Lon malaysienne se trouve une Chan Lon thaïlandaise, plus connue sous le
nom de Ban Dan Nok. Dès 1991, il s’y trouvait trente bordels et plus d’un millier de
prostituées. Marc Askew et Erik Cohen, qui y ont mené des enquêtes en décembre 2001, ont
recensé treize hôtels, quarante guest houses, plus de 140 établissements de prostitution et au
moins 2 000 prostituées. Tout cela est situé le long de douze ruelles proches du poste
frontière. L’article d’Askew et Cohen laisse penser que Chang Lon/Ban Dan Nok peut encore
se développer. Il n’y avait encore ni banque ni bureau de poste ni même un système moderne
d’approvisionnement en eau (Askew et Cohen 2004 : 97).
Car en 2007, Sadao connaissait un étrange boom économique. Epargnée par les bombes et les
assassinats, la petite ville de la province de Songkhla, sur la frontière malaise, voyait les
51
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
capitaux affluer. Début septembre, un article annonçait la construction de pas moins de quatre
nouveaux hôtels (Arunmas 2007 : B1).
Il faut encore une fois signaler l’hypocrisie ambiante. Dans le guide de Songkhla publié en
2004 en langue thaïe, l’intérêt des touristes de Malaysia pour Sadao est bien mentionné, mais
il semble que ce soit seulement pour venir acheter des produits locaux et les produits horstaxes traditionnels (cigarettes, alcools, parfums, chocolats) (anonyme 2527 : 118-119).
Même chose pour Padang Besar où passe le chemin de fer. Un guide de la Malaysia signale
simplement que c’est un lieu de rencontre des systèmes ferroviaires thaïlandais et malais « qui
a un marché très populaire pour les Malaysiens le week-end » (Stephens et Black 1984 : 189).
Conclusions :
Vers un redéploiement de la prostitution dans le Sud
Pour les Thaïlandais, ce Sud qui s’étire en longueur est de plus en plus étranger et étrange à
mesure que l’on s’éloigne de Bangkok. En langue thaïe, sud (tai) a aussi le sens de dessous ;
on dit tai din et tai thale pour sous terre et sous la mer. C’est dans l’extrême sud, dans l’île –
aujourd’hui tenue pour paradisiaque – de Tarutao, au large de Satun, que l’on pris l’habitude
d’envoyer les prisonniers politique, une sorte de bagne. Or, ce sud extrême est d’abord un
carrefour pour les marchandises, pour les groupes ethniques, et pour les femmes prostituées.
C’est sans doute le propre des régions frontières que de regarder davantage vers les pays
voisins que vers le centre de leur propre pays. Toutefois, dans le cas thaïlandais, la situation
politique et économique de la Birmanie, du Laos et du Cambodge n’a – jusqu’à présent –
guère incité les provinces du Nord et du Nord-Est à prendre ces pays pour modèle ou
souhaiter un rattachement. La situation dans le sud est tout autre. De nombreux Jawi ont la
double nationalité et souhaitent vraisemblablement au fond d’eux-mêmes qu’au moins les
trois provinces à majorité musulmane et de langue malaise soient rattachées à la Malaysia
voisine. Et ce dernier pays verrait sans doute d’un œil favorable un tel apport de population
bumiputra qui donnerait aux Malais un avantage démographique définitif vis-à-vis de la
population chinoise, toujours dominante sur le plan économique, plus de trente ans après la
mise en place de la politique de la NEP.
Quant aux Chinois, leur position est pour le moins ambiguë. Ceux de Thaïlande regardent
vers Penang, Malacca, Kuala Lumpur et Singapour – par où leurs ancêtres ont transité – pour
le commerce, notamment. Tandis que – de plus en plus – les Chinois de Malaysia incluent les
provinces méridionales de la Thaïlande dans leur espace social et culturel. Ils se rendent en
pèlerinage dans des lieux sacrés comme le sanctuaire de la déesse Lim Ko Niao à Pattani, et
participent à des fêtes chinoises comme la fête végétarienne de Phuket. Ils y rencontrent un
climat de liberté difficilement imaginable dans les provinces malaysiennes limitrophes où ils
ne constituent qu’une toute petite minorité vis-à-vis d’une majorité à l’islam de plus en plus
rigoureux.
Même si cela peut choquer, la prostitution fait bien partie de l’espace social et culturel des
Chinois de la Malaysia. Les villes frontières de Sungai kolok, Betong, Sadao, Padang Besar et
surtout Hat Yai, véritable métropole frontière même si elle est située, par la voie ferrée, à une
cinquantaine de kilomètres de Sadao et à 64 km de la frontière malaysienne, sont des espaces
de liberté pour des Chinois qui après une semaine sans distractions en Malaysia se précipitent
52
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
entre copains en Thaïlande le vendredi ou le samedi pour prendre du bon temps. Là, ils
peuvent boire de l’alcool, manger du porc – le cochon de Betong est renommé – et rencontrer
des prostituées. Si les cas sordides ne sont pas rares, ces prostituées établissent souvent avec
leurs clients chinois des relations durables dans lesquelles chacune des parties trouve son
compte. Le client ne perd pas de temps à chercher une fille et redoute moins les maladies
sexuellement transmissibles tandis que la prostituée n’a plus le risque de tomber sur un client
violent ou mauvais payeur. Dans quelques cas – sans doute moins nombreux qu’on ne le dit –
la prostituée devient une seconde femme ou même une véritable épouse.
Mais la violence islamiste quasi quotidienne que connaissent, depuis janvier 2004, les
provinces de Pattani, Narathiwat et Yala, et notamment les villes de Sungai Kolok et de
Betong, a mis un coup de frein brutal à ce phénomène puisque désormais le week-end de
relaxation avec les prostituées de Thaïlande risque bien d’être le dernier. Jusqu’ici, des
touristes sexuels de Malaysia ont été blessés dans des attentats à la bombe, mais aucun n’a été
tué. Cependant, cela suffira pour en décourager un grand nombre.
Il est donc à prévoir que la province de Satun et la partie ouest de la province de Songkhla
vont développer leur industrie des distractions nocturnes dans l’espoir de récupérer la
clientèle malaise désœuvrée. Un article (non signé) du Bangkok Post du 24 mars 2008
explique clairement que Satun et Songkhla ont été choisies pour un projet de « revitalisation
économique sous direction militaire » puisque dans les trois autres provinces (Pattani, Yala,
Narathiwat) la violence avaient tari les secteurs du tourisme et du commerce (anonyme 2508 :
2). Est déjà en construction une route qui reliera la Malaysia à Satun ; elle desservira ensuite
les provinces de la côte ouest comme Trang, Krabi, Phuket. Le gouverneur de Satun propose
en outre qu’une autre route relie Satun à la province de Songkhla, et donc vraisemblablement
à la ligne de chemin de fer qui passe la frontière à Padang Besar.
D’autres provinces pas trop éloignées de la frontière ou disposant d’aéroport pourraient se
lancer dans l’aventure, si leurs milieux d’affaires ne rechignent pas à ce secteur d’activités, ou
si des entrepreneurs d’autres régions sont prêts à s’y installer. Trang, par exemple, dont le
lancement touristique n’avait auparavant pas pris.
Des provinces réputées plutôt paisibles mais disposant déjà d’une prostitution développée
essentiellement pour les locaux pourraient également se mettre sur les rangs. Ranong, avec
ses prostituées birmanes, pourraient apporter un certain exotisme. C’est une province de la
partie septentrionale de la région Sud où les musulmans ne comptent que pour 9% de la
population (Udomphong 2525 : 71). Ou, si la Birmanie s’ouvre davantage au tourisme,
Ranong pourrait devenir une étape vers des villes frontières birmanes dans lesquelles des
hommes d’affaires thaïlandais – avec des partenaires locaux – pourraient bénéficier de la
complaisance de la police locale et ouvrir des établissements de prostitution qui seraient plus
difficiles à maintenir en activité sur le territoire thaïlandais. Sinon de mondialisation, on
pourrait parler de régionalisation de l’industrie de la prostitution.
Il est à la fois peu probable que la clientèle – les Chinois de Malaysia et de Singapour – se
tarisse et que la prostitution se développe suffisamment dans ces pays pour qu’il ne soit plus
nécessaire de se rendre en Thaïlande à cet effet. Les pressions officielles ou privées pour
mettre fin au tourisme sexuel risquent de ne pas suffire.36
36
Notons qu’un livret – publié en 1982 par une association de Penang – dénonçant le tourisme sexuel des
Japonais et des Européens en Thaïlande fait l’impasse sur le tourisme sexuel auquel se livrent les Malaysiens
eux-mêmes (Consumers... 1982: 37-45).
53
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
Références
AFP 2005 « Burmese death toll ‘at least 2,500’ » The Bangkok Post (17 janvier) p. 3.
Amatayakul, Tri 2517 [1974] Changwat nakhon si thammarat (province de Nakhon Si
Thammarat) Livre de crémation de Madame Chuan Manlikamat, distribué le 23
décembre au wat That Thong, 79 p.
Anonyme 1967 « Socio-economic approach to political integration of the Thai-Islam: an
Appraisal » in: Joint Thai-U.S. Military Research and Development Center. Semi
annual report (U) 15 may 1967 to 15 november 1967. Bangkok (classé comme
confidentiel) pp. 481-493.
Anonyme 1969 « Bandits battle police in Yala » The Bangkok Post (26 mai) pp. 5.
Anonyme 1978 « Massive drug haul in South. Two arrested in Hat Yai » The Bangkok Post (6
octobre) pp. 1, 3.
Anonyme 1980 « 6 New hotels to open soon in Hat Yai » The Bangkok Post (27 juillet) p. 13.
Anonyme 1981 « The hotel management » The Nation Review (21 septembre) supplément de
18 pages.
Anonyme 1982a « Hat Yai ready to tackle expansion problems » The Bangkok Post (5 août) p.
14.
Anonyme 1982b « New town to compete with Hat Yai » The Bangkok Post (8 avril) p. 13.
Anonyme 1982c « Women are the big draw for visitors to Betong » The Bangkok Post (15
juillet) p. 10.
Anonyme 1983a « 4th Army asks for Chinese help » The Nation Review (1er mai) p. 6.
Anonyme 1983b « Local man beheaded by CPM for aiding govt » The Nation Review (1er
mai) p. 6.
Anonyme 1983c « Provincial report : Phuket » Economic Times (2 mars) p. 6.
Anonyme 1984 « Betong wants air links resumed » The Bangkok Post (23 août) p. 10.
Anonyme 1985 « Crossroads of the South » Saen Sanuk 5 (5 mai) p. 33.
Anonyme 1986a « Malaysian troops advance towards Thai border » The Bangkok Post (19
février) p. 3.
Anonyme 1986b « TAT worried over image of Patong beach » The Bangkok Post (22
décembre) p. 17.
Anonyme 1988 Information Malaysia 1988 Yearbook Kuala Lumpur. Berita Publishing Sdn,
738 p.
Anonyme 1990a AIDS Research in Thailand Bangkok. Ministry of Public Health, 296 p.
Anonyme 1990b « Coming down the mountain » Asiaweek (9 février) pp. 34-41.
Anonyme 1991 Foem (Firm) Directory 1991. Nangsue naenam sathanthi thonthiao rongraem
risot thua mueang thai (guide des lieux touristiques et des hôtels de la Thaïlande)
Bangkok. 483 p.
Anonyme 1993 « Chine – Le cri des innocents. De jeunes Chinoises forcées à la prostitution
en Thaïlande » Bulletin EDA n°162 du 01/10/1993
Anonyme 2005 Rai-ngan sathiti pracham pi 2547/Statistical Report 2004. Bangkok. Tourism
Authority of Thailand. 92 p.
Anonyme 2006a « Family loses breadwinner » The Bangkok Post (19 septembre) p. 3.
Anonyme 2006b Tsunami, Thailand. One year later. National response and contributions of
international partners Bangkok. ONU, 120 p.
Anonyme 2007 « Arrivals » Diethelm Travels Thailand Tourism Review 2007 supplément du
Bangkok Post pp. 8-9.
Anonyme 2008a « Gang linked to tragedy identified » The Bangkok Post (14 avril) p. 2.
Anonyme 2008b « South : Sleepy Satun to be developed » The Bangkok Post (24 mars) p. 2.
54
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
Anonyme 2481 [1939] Akkkharanukrom phummisat 7 changwat khue Narathiwat Pattani
Phatthalung Yala Songkhla Satun Surat Thani (répertoire géographique de 7 provinces:
Narathiwat Pattani Phatthalung Yala Songkhla Satun Surat Thani) livre de crémation
de Mme Sae Kanitthadit, distribué au wat Yannawa le 29 janvier 1939) 152 p.
Anonyme 2510 [1967] Rai-ngan kitchakan pracham pi 2508 changwat Phuket (rapport
d’activité de la province de Phuket pour l’année 1965) Bangkok. Imprimerie Suan
Thongthin, 353 p.
Anonyme 2513 [1970] Khabuan a.s.th. long tai mesayon 2513 (mission du T.O.T. dans le Sud
en avril 1970) Bangkok. 76 p.
Anonyme 2516 [1973] Khwamru thuapai kiaokap changwat tai nai khet monthon thahan bok
thi 5 (connaissances de base sur les provinces méridionales de la 5e Région de l’armée
de terre) Kongamnuaikan fuek kradom sampha kamlang pi thi 2516. s.l.e. Ronéoté, 93 p.
Diffusion restreinte.
Anonyme 2519a [1976] « Betong: nutaphao chai daen phak tai » (Betong, un cobaye dans la
région frontalière de la région Sud) Chaturat 2, 43 (13 juillet) pp. 10-11.
Anonyme 2519b [1976] « sam changwat phak tai : yang yu nai phaendin thai ik rue » (est-ce
que les trois provinces du Sud se trouvent encore en Thaïlande ?) Chaturat 2, 47 (1er
juin) pp. 33-35.
Anonyme 2522 [1979] Yala changwat thang tai sut khong prathet (Yala, la province la plus
méridionale du pays). Yala. Yala Kanphim, 191 p.
Anonyme 2525 [1982] « Tamla tamkha ‘sia Phong’ » 191 6, 100 (26) (août) pp. 4-6.
Anonyme 2523 [1980] « Hallo ! Hat Yai Khun sabai di rue ? » (Bonjour Hat Yai, comment
allez-vous ?) Doen thang thongthiao 2, 16 (avril) pp. 24-27.
Anonyme 2524 [1981] « Hat Yai 48 cho mo » (Hat Yai de la 48e heure) Matichon Sutsapda
(22-28 novembre) pp. 16-17.
Anonyme 2526a [1983] « Pai aep du maem plueai thi Phuket » (allez observer les femmes
occidentales nues à Phuket) Rathuek 1, 3 (mai) pp. 47-48.
Anonyme 2526b [1983] Ruam phak tai (l’ensemble du Sud) Bangkok. Phi.Em. Phapbliching.
Phuean duen thang, 328 p.
Anonyme 2530 [1987] « 10 mahasetthi Hat Yai » (dix milliardaires de Hat Yai) Chumnum
setthi phumiphak mueang thai (millionnaires des provinces de Thaïlande) Bangkok.
Banthuek Thurakit, p. 72.
Anonyme 2531a [1988] Huakho khaosan samrap nakrian witthayalai ponkan ratcha-anachak
pi 2531 (données d’actualité à destination des élèves de la promotion de 1988 du collège
de la sécurité du royaume) pagination diverse (documents classés « secret » ou « très
secret »).
Anonyme 2531b [1988] Phaenthi Hat Yai/Map of Hat Yai Bangkok. Prannok Witthaya.
Anonyme 2535 [1992] « Sopheni wanni ! mot khrai khrai cha mong » (les prostituées
aujourd’hui. Qui les regardera une fois âgées) 100 Chiwit 1, 10 (1er octobre) pp. 25-32.
Anonyme 2536 [1993] « Homkraphue fai tai kem kheya ratthaban » (l’incendie du Sud : un
jeu pour déstabiliser le gouvernement Kanmueang 13, 32 (9-11 septembre) pp. 62-65.
Anonyme 2540 [1997] Chumnum chao Trang. Khanakammakan chu thi 3, 2540-2542
(Rassemblement des gens de Trang. Troisième comité directeur, 1997-1999) s.l.e. 112 p.
Anonyme 2547a [2007] Khomun thi na ru khong prathet thai 2547 (données à savoir sur la
Thaïlande pour 2004) Bangkok. Samnak-ngan khanakammakan phatthanakan setthakit
lae sangkhom haeng chat, 143 p.
Anonyme 2547b [2004] Songkhla Bangkok. Sarakhadi, collection « Nai ropru », 173 p.
Anonyme 2548a [2005] Kansammana radap chat rueang rok et khrang thi 10. Phon-ngan
wichakan/botkhat yo (10e séminaire national sur le Sida : travaux scientifiques, résumés
des communications) Bangkok. Ministère de la Santé Publique, 220 p.
55
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
Anonyme 2548b [2005] Suenami mahawibat haeng Andaman (le tsunami, désastre majeur
des Anfamans) Bangkok. Matichon, 122 p.
Arunmas, Phusadee 2007 « Sadao emerging as safe and prosperous haven » The Bangkok
Post (3 septembre) p. B1.
Askew, Marc et Erik Cohen 2004 « Pilgrimage and prostitution: contrasting modes of border
tourism in lower South Thailand » Tourism Recreation Research 29 (2), pp. 89-104.
Atthamakon, Wichot 2535 [1992] « Okat kanlongthun dan kanthongthiao khong changwat
nakhon si thammarat » (Opportunité d’investir dans le tourisme à Nakhon Si Thammarat)
San Nakhon Si Thammarat 22, 1 (janvier) pp. 31-36.
Azman, Suhaini et Rodney Tasker 1989 « Farewell to arms » Far Eastern Economic Review
(14 décembre) pp. 36-37.
Baffie, Jean. 1998. « La prostitution féminine en Thaïlande. Ancrage historique ou
phénomène importé ». In Le Voyage inachevé... à Joël Bonnemaison, D. Guillaud, M.
Seysset & A. Walter (eds). Paris: ORSTOM/PRODIG, pp. 313-20.
Besson, Igor, Pierre Le Roux et Jacques Ivanoff 1990 « Stratégies agraires et dynamisme de
la minorité chinoise dans le Sud-Est de la Thaïlande péninsulaire : l’exemple de
Betong » communication au colloque franco-thaïlandais d’anthropologie culturelle.
Salaya. Université Mahidol, 5 p.
Besson, Igor, Pierre Le Roux et Jacques Ivanoff 1991 « Les saigneurs de Bétong. Aspect
agraire et économique d’une minorité chinoise » in : Identités Sud… Regards sur trois
minorités de Thaïlande Pierre Le Roux et Jacques Ivanoff (éds.) Patani. PSU/ECASE,
« Carnets du SERIA » n°1, pp. 39-64.
Boonsong, Chamlong 1986 « Betong puts up with unsavoury money-maker » The Nation (24
mars) p.5.
Boonsong, Chamlong 1992 « Sopheni chai daen thai-mae. Kha khai seri thi Betong »
(prostituées de la frontière thaïlando-malaysienne : libre commerce à Betong) The
Decade Magazine (mars) pp. 33-46.
Borisat thipruehsa wichai phak tai chamkat/Southern Research Consultants Co. Ltd 2540
[1997] « Khrongkan sueksa chat thamphaen maebot phuea praprung mueang chaidaen
thang kanthongthiao: Mae Sot, Chiang Khong, Betong. » (projet de plan de
développement touristique des villes frontières: Mae Sot, Chiang Khong, Betong)
Bangkok. Kanthongthiao haeng prathet thai, pagination diverse.
Bunyanuwat, Manot 2542 [1999] « Betong » in : Saranukrom watthanatham phak tai lem 9,
pp. 4123-35.
Chaichana, Charoen et Chuen W. Suwannasuk 2503 [1960] Thongthiao thua mueang thai
(thiao 71 changwat thuk amphoe) (Voyager dans toute la Thaïlande (tous les districts
des 71 provinces) Bangkok. Kasembannakit, 1050 p.
Chantharanimi, Phairot 2531 [1988] « Phalik pum setthi mai kap khwamthuean ! Behind the
making of Hat Yai » Phuchatkan rai duean 5, 52 (janvier) pp. 97-112.
Chantharanimi, Phairot 2531b [1988] « Setthi kao hatyai. Anakhot thi ang mai mi kham
top ? » (l’avenir incertain des milliardaires anciens de Hat Yai) Phuchatkan rai duean 5,
52 (janvier) pp. 88-96.
Chin, Tara 1983 « Tough times for Betong hotels » The Bangkok Post (7 avril) p. 17.
Chinmaneevong, Chadamas 2007 « Blues on the Border » The Bangkok Post (22 mai) p. B10.
Chittangwatthana, Bunloet 2548 [2005] Utsahakam kanthongthiao. Thurakit thi mai mi wan
tai khong prathet thai (l’industrie touristique, un business incontournable pour la
Thaïlande) Bangkok. CP Books Standard, 218 p.
Chongsuchiphan, Wirot 2530 [1987] « Kan phatthana lae songsoem kan thongthiao changwat
Yala » (le développement et la promotion touristique dans la province de Yala) Sane
Yala Yala. Ongkan Borihan suan changwat Yala, pp. 71-74.
56
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
Choomuang, Nopawan 2542 [1999] Sukkhaphap chit phu prakop achip sopheni : sueksa
chapho korani amphoe Sungai Kolok, changwat Narathiwat (la santé mentale des
prostituées : étude du district de Sungai Kolok de la province de Narathiwat) Bangkok.
Université Ramkhamhaeng. Mémoire de maîtrise de psychologie, 60 p.
Chouffan, Alain 2000 « Israël : les passagères pour Bangkok » Le Nouvel Observateur (10-16
août) p. 16.
Chuenban, Bunna 2510 [1967] « Khai yipun thi khao chong kachok » (le camp japonais de la
montagne Chong Krachok) Khon di muang Prachuap Khiri Khan Phetchaburi. Phanek
sueksathikan changwat Prachuap Khiri Khan, pp. 16-20.
Chula Unisearch 1997 Analysis of tourism investment trends in Indonesia-Malaysia-Thailand
Growth Triangle Development Project. Bangkok. Présenté au Tourism Authority of
Thailand, pagination diverse.
Collectif 2539 [1987] Sane Yala (le charme de Yala) Yala. Ongkan Borihan suan changwat
Yala, 85 p.
Consumers’ Association of Penang 1982 Abuse of women in the media Penang, 85 p.
Correspondent (a) 1983 « Phuket worries about reputation » The Nation Review (20 novembre)
p. 15.
Crowther, Geoff et Tony Wheeler 1982 Malaysia, Singapore and Brunei, a travel survival kit
Victoria. Lonely Planet, 319 p.
Damrong Rajanubhab (Prince) 2545 [2002] « Ruang ang-yi » (sur les sociétés secrètes
chinoises) Nithan Boranakhadi Bangkok. Dokya pp. 210-243. 1ère édition: 1944.
Dassé, Martial 1978 La Face politique cachée de la Thaïlande Bangkok. Editions Duang
Kamol, 261 p.
Dhiratayakinant, Kraiyudht. 1975. Thailand-Profile 1975. Bangkok: The Voice of the Nation.
Diethelm Co. 2006 Diethelm Travel’s Thailand Tourism Review A Special publication of the
Bangkok Post, 34 p.
Dingwall, Al, Heather Swabey et Charles Rice 1991 Nightlife in Thailand Brighton, Stepping
Out Publications, 168 p.
Dittha-aphichai, Charan 2536 [1993] « Sathanakan phak tai sutthai thahan ko yang pen yai »
(la situation dans le Sud: l’armée garde le contrôle) Kanmueang 13, 32 (9-11 septembre)
pp. 38-40.
Duangchan, Phaibun 2523 [1980] Sakai chao haeng khukhao lae samunphrai (les Sakai, rois
des montagnes et des plantes médicinales) Bangkok. Anongsin, 127 p. (une version
presque identique a été publiée la même année par le Bureau de la Commission de la
culture nationale du ministère de l’Education).
Fang, Sam 1992 Popular Beach Resorts. Thailand. Singapour. SNP Publisers, 172 p.
Fraser, Thomas M. 1960 Rusembilan : A Malay Fishing Village in Southern Thailand. Ithaca.
Cornell University Press, 281 p.
Girardet, Evelyne 1990 « Betong’s wives for hire » The Nation (18 mai) p. 34.
Girardet, Evelyne et Chamlong Boonsong 1990 « Can prostitutes be happy ? » The Nation
« Focus » (8 avril) pp. 11-18.
Goi, Kim 1979 « The paradox of Betong » The Bangkok Post (8 juillet)
Grimes, Barbara (éd.) Ethnologue. Languages of the World. Dallas. Wycliffe Bible
Translators. 10e édition. 592 p. également disponible sur internet en version mise à jour
à http://www.ethnologue.com/show_country.asp?name=TH
Hallier, Jean-Edern 1979 « Avec les gentils pirates violeurs et assassins »Paris-Match (2
novembre) pp. 3-28. Le texte sera publié dans un recueil.
Hamilton, Annette 2006 « Relections on the ‘diasappearing Sakai’. A tribal minority in
Southern Thailand » The Journal of Southeast Asian Studies 37, pp. 293-314.
57
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
Hogan, David H. 1972 « Men of the Sea: Coastal tribes of South Thailand’s West Coast » The
Journal of The Siam Society 60, 1 (janvier) pp. 205-235.
Ingram, James C. 1971 Economic change in Thailand, 1850-1970 Stanford. Stanford
University Press, 352 p.
Inthachat, Khanchit (éd.) 2522 [1979] Thaksin chumnum khrangthi 20. 22 thanwakhom 22.
520e rassemblement du Sud le 22 décembre 1979) Bangkok. Pricha Kanphim, 212 p.
Ivanoff, Jacques 1991 « le Vandalisme culturel » Inter-Mondes. Revue de l’Université
Ramkhamhaeng 2, 1 (3) pp. 120-134.
James, Robert 1977 « Phuket, Jewel of the South » Travel East (avril) pp. 8-12.
« Ijustwannateach » 2005 « Thai mayor seeks to turn brothel town into college hub »
http://www.thaivisa.com/forum/lofiversion/index.php/t47861.html
Kan faifa suan phumipak 2529 [1985] Sarup khrongkan kosang chueanyong rabop camnai
duai sai kheboen tai nam pai yang ko Samui (projet de pose d’un cable sous-marin vers
l’île de Samui) Bangkok, 18 p.
Kan thongthiao haeng prathet thai/Tourism Authority of Thailand s.d. Map of Narathiwat
Sungai Kolok. Thaï et anglais.
Kan thongthiao haeng prathet thai 2546 [2003] Thongthiao Yala (visiter Yala) Bangkok, 24 p.
Kan thongthiao haeng prathet thai 2548 [2005] Sinkha kanthongthiao phrom khai pi 2540
(produits touristique prêts à vendre pour 2006) Bangkok. 269 p.
Kaopatumtip, Songpol 2006 « Balancing cultures in Betong » The Bangkok Post (1er octobre)
p. P2.
« Karakot » (pseud.) 2546 [2003] Senthang thiao thai 14 changwat phak tai (guide de voyage
des 14 provinces du Sud) Bangkok. Tharabuakaeo, 235 p.
Kerr, A. et E. Seidenfaden 1950 « Ethnology » in : Thailand. Nature and Industry. Bangkok.
The Department of Commercial Intelligence. Ministry of Commerce, 37 p.
Khana kammakan borihan raeng-ngan tang dao lopni khao mueang (commission sur la main
d’œuvre étrangère) Khumue kan chat rabop kanchang raeng-ngan tan dao (manuel pour
embaucher la main d’œuvre étrangère) Bangkok. Krom prachasamphan, 210 p.
« Khon suea kaw » (pseudo.) 2550 [2007] Banthuek khon suea kao rueang lao chak Yala
(rapport de Yala par « Khon suea kaw ») Bangkok. Panyachon, 267 p.
Kokiatkhachon, Wiphaphan et Sunthari Kiatprachak (éds) 2540 [1997] Sarup sathanakan
sangkhom thai 2539 mummong lae khosanoe chak khruakhai ongkon phatthana
ekkachon Bangkok. Thai Development Support Committee-TDSC, 136 p.
Kong khuapkhum rok tito. Krasuang satharanasuk. (ministère de la Santé, unité de contrôle
des maladies transmissibles) « Thamniap laeng phrae rok titto thang phetsamphan »
(Répertoire des lieux de transmission des maladies sexuelles) Tham kansamruat
thuaprathet : 1-12 janvier 2533 (enquête concernant l’ensemble du pays réalisée entre le
1e et le 12 janvier 1990) 323 p.
Kong wangphaen khrongkan. Kan thongthiao haeng prathet thai (Office thaïdais du tourisme)
2525 [1982] « Phaenlak phatthana kanthongthiao : Songkhla-Hat Yai » (plan de base
pour le développement du tourisme à Songkhla-Hat Yai) Chunlasan kanthongthiao 2, 1
(août) pp. 2-74.
Kositchotethana, Boonsong 1981 « TAC plans new service between Hat Yai and KL » The
Bangkok Post (17 juin) p. 15.
Lau, Leslie 2004 « Thai border town to set up Chinese varsity » The Straits Times Interactive
(8 novembre) http://straitstimes.asia1.com.sg/sub/asia/story/0,5562,283562,00.html
Limanon, Phatsara et Godfried J. P. Van Griensvien 2541 [1998] « Khrongkan fuek oprom
duai witthi watchana phasa khong sattri khai borikan thang phet hai lukkha chai thung
anamai nai amphoe Sungai Kolok, Changwat Narathiwat » (An intervention experiment
58
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
to improve non verbal negociations skills among female sex workers in Sungai Kolok,
Thailand) Bangkok. Sathaban Prachakonsan, Chulalongkon Mahawitthayalai, 49 p.
« Long Likhit » 2527 [1984] « Farang chop ap daet mueang thai » (les Occidentaux aiment
venir prendre des bains de soleil en Thaïlande) Thai Rath (16 août) p. 3.
MacMichael, D. C. et P. B. G. Waller Insurgent support denial measures for Southern
Thailand. Research memorandum. Menlo Park (Californie). Stanford Research Institute,
192 p. Document classé « confidentiel ».
Maneerungsee, Woranuj 2007 « Blockade the priority, say businessmen » The Bangkok Post
(22 mai) p. B10.
McVey, Ruth T. 1984 « Change and consciousness in a Southern countryside » in: Han
tenBrummelhuis et Jeremy H. Krmp (éds) Strategies and structures in Thai society
Amsterdam. Antropologisch-sociologisch centrum, pp. 109-137.
Milne, R. S. et Diane K. Mauzy 1999 Malaysian politics under Mahathir Londres. Routledge,
225 p.
Miwongukhot, Samrit s.d. Sayam onmanaek pho so 2535, 2536, 2537/Siam Almanach ’92-’94
Bangkok. Sayam chotmaihet, 1142 p.
Monzini, Paola 2005 Sex traffic. Prostitution, crime and exploitation Londres/Bangkok. Zed
Books/White Lotus, 184 p.
Na Chiangmai, Duangduan (chao) 2517 [1974] « Spheni… Thammai tong sao nuea »
(pourquoi les prostituées doivent-elles être des filles du Nord ?) Prachachat 1, 32 (27
juin) pp. 19-21. (entretien)
Nanuam, Wassana 2505 « Islamic leader: End talk of sex » The Bangkok Post (30 mai) p. 4.
Nathan, K. S. 1990 « Malaysia in 1990: Communists end armed struggle » Asian Survey XXX,
2 (février) pp. 210-220.
Nirasai, Thatsu 2518 [1975] « Khwam kaona khong utsahakam rongraem thi Hat Yai » (le
progress de l’industrie hôtelière à Hat Yai) Anusan O.So.Tho. 15, 12 (juillet) pp. 20-23,
46-48.
Niyomchan, Sawai 2499 [1956] Khumue thiao sueksa khwampenma 20 changwat tam thang
rotfai sai tai tueng kalantan saiburi pinang (guide des vingt provinces du Sud) Bangok.
Imprimerie Prasoetsin, 148 p.
Nordlander, Eva et al. 2000 Living in Songkhla and Hat Yai Songkhla. Songkhla International
Women Group, 193 p.
Nuansakun, Sukhum 2517 [1974] « Changwat Yala » (la province de Yala) Livre de
crémation de Luang Anukunprachakit distribué le 23 mars 1974 au Wat Thepsirin
Tharawat, pp. 1-34.
O.So.Tho. s.d. Narathiwat dépliant de six pages publié avec le concours de l’Agence
thaïlandaise pour le pétrole.
O.So.Tho. 2538 [1995] Thonthiao phak tai (voyager dans le Sud) brochure, 40 p.
Ott, Jacky 1983 Thailand guide/führer 1983 Bangkok and Southrn Thailand/Bangkok and
Südthailand Bangkok. Victory Press, 174 p.
Patchaiyo, Udomsin 2523 [1980] « SongkhlaHat Yai 30 limomet haeng khwam taek tang »
(Songkhla-Hat Yai: 30 kilomètres de différence) Doen thang thongthiao 2, 16 (avril) pp.
40-42.
« Po Duangdi » (pseud.) 2541 [1998] « Talui rattri Phuket » (dans les nuirs de Phuket) Fai
klang khuen 15, 118 (août) pp. 72-73.
Phonphiriyakunchai, Narong 2521 [1978] « Phaenphattana kanthongthiao changwat phuket :
pratu su khwammangkhang khong phuket » (plan de développement touristique de
Phuket : voie vers l’enrichissement de Phuket) Phuket 21 Bangkok. Imprimerie
Phikhanet, pp. 11-31.
59
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
Phusawang, Nanthawan 2545 [2002] «Phak tai nai rabop watthanatham baep phasamphasan »
(La région Sud dans un système culturel assimilationniste: Thaïs, Chinois, Malais) in :
Phummisat kap witthi chiwit thai Bangkok. Sun manutsayawitthaya Sirinthon, pp. 445475.
Piyophiraphong, Piyaruethai 2537 [1994] « Thi sut rotfai thi... Sungai Kolok » (à la fin de la
ligne de chemin de fer à... Sungai Kolok) Anusan...O.So.Tho 35, 5 (novembre) pp. 74-82.
Prajasaisoradey, Charoenrat 1981 « Songkla… Paradise is Here » The Nation Review (31
octobre) p. 21.
Pramualratana, Promporn 1986 « Portrait of a peerless beauty » The Nation (16 février) p. 21.
Prasitratthasin, Suchart s.d. (1992 ?) Sopheni dek. Saphap panha, patchai, sahet lae
naewthang kaokhai (la prostitution infantile: problème, causes et solutions) Bangkok.
181 p.
Prasopsap, Borisut 2522a [1979] « Plueai daet chak phuket thueng hit kadut » (bronzer nu)
Phalang Num 2, 14 (août) pp. 25-30, 105.
Prasopsap, Borisut 2522b [1979] « Samui yang mi wanni samrap khwamching » (Samui, la
vérité) Phalang Num 2, 21 (janvier) pp. 18-21, 99.
Prateepchaikul, Vivat 1982 « It’s all quiet on the Betong guerrila front » The Bangkok Post
(17 juin) p. 12.
Prayunrasuk, Sakuna 2547 [2004] « Khomsan Sithanto ‘Sakai’ yuk ai thi chak Yala thueng
Bangkok » Matichon (5 décembre) pp. 17-18.
Phromkaeo, Phonsak et Sutthiwong Phongphaibun 2542 [1999] « Sungai Kolok » in :
Saranukrom watthanatham phak tai lem 17, pp. 8171-80.
Raktapurana, Mali 2512 [1969] « Tham ma ha kin bon phaendin Samui » (gagner sa vie à
Samui) Anusan O. S. Th. 9, 12 (juillet) pp. 26-29, 57-58.
Ratanachaya, Kitti 1996 The Communist party of Malaya, Malaysia and Thailand. Truce talks
ending the armed struggle of the Communist party of Malaya Bangkok. Duangkaew,
320 p.
Rattanaporn, Pramuan et Vasana Kulprasut 1986 « The sights of Yala » The Nation (24 mai)
pp. 24.
Rose, Dorothy 2006 Bus from Bangkok. An astonishing true history Eastbourne. Kingsway
Publications, 240 p.
Ruangnarong, Praphon 2548 [2005] Pak tai chai daen (la zone frontalière de la région Sud)
Bangkok. Arunwitthaya, 191 p.
Ruangnarong, Praphon 2550 [2007] Lao rueang mueang tai : phasa watthanatham
khwamchuea (histoires de la région Sud : langue, littérature, croyances) Bangkok.
Satthaphon Buk, 192 p.
Ruetthaphirom, Bunsoem (éd.) 2533 [1990] Ruam Rueang Mueang Satun thi raluek khroprop
150 pi (collection d’histoire sur Satun à l’occasion de son 150e anniversaire) Satun.
Samnak ngan kanprathomsueksa changwat satun, 138 p.
Rungchanchai, Ong-at 2532 [1989] Lui khrap khao kam sopheni khu lok salok haeng chiwit
mueang (études sur la prostitution) Bangkok. Matichon, 162 p.
Ryan, Chris et C. Michael Hall 2001 Sex tourism. Marginal people and liminalities Londres.
Routledge
« Sakdichai » (pseud.) 2525 [1982] « Hat Yai chumthang phak tai » (Hat Yai centre de la
région Sud) Bangkok Phap khao 3, 41 (juillet) pp. 52-55.
Sakthaisong, Suriyan 2536 [1993] « 100 sopheni » (cent prostituées) 100 Chiwit 2, 17 (août)
pp. 41-50.
Samabuddhi, Kultida 2005 « Catastrophe aftermath: Burmese receiving no help » The
Bangkok Post (11 janvier) p. 2.
60
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
Samnak borikan wichakan, Chulalongkorn mahawitthayalai 2536 [1993] Kansueksa
thopthuan phaenphatthana kanthongthiao phak tai ton lang. Changwat Songkhla, Satun,
Pattani, Yala, Narathiwat (étude révisée sur le tourisme dans l’extrême Sud : provinces
de Songkhla, Satun, Pattani, Yala et Narathiwat) Bangkok. Kanthongthiao haeng prathet
Thai, paginations diverses.
« Samian » (pseud.) 2523 [1980] « Mueang Hat Yai » Phra Sayam (revue de la banque de
Thaïlande) 3, 9 (septembre) pp. 4-9.
Samnak nayobai lae phaen mahatthai. Krasuang mahatthai. 2531 Khomun mahatthai
2531/Mahadthai Fact and Figure 1988. Bangkok. Rongphim Ongkan songkhro thahan
phansuek, 650 p.
Samorrat, Suriya 2008 « Mu Phayam National Park. The Backpacher’s Heaven » Trips (mars)
pp. 78-99. (en thaï)
Sangwanphet, Manit 2527 [1984] « So truan haeng sitthi manutsayachon nai mueang phuket »
(les droits de l’homme enchaînés dans la ville de Phuket) Matichon 7 février, p. 5.
Sarakhadi (équipe des éditions) 2544 [2001] Ko Samui Bangkok. Sarakadee Press, 212 p.
Saw Swee-Hock 1988 The Population of Peninsular Malaysia Singapour. Singapore
University Press, 342 p.
Siriphaisan, Supphakan 2550 [2007] Chin Hat Yai. Prawattisat watthanatham lae sangkhom
(les Chinois de Hat Yai : histoire, culture et société) Songkhla. Sun nangsue
Mahawitthayalai Thaksin, vol. 143, 135 p.
Siriyothai, Chettha 2550 [2007] « Nai man mok sankhalakhiri : ‘Betong’ tai sut daen sayam »
(derrière les brumes du Sankalakhiri, Betong, à l’extrême sud siamois) Khao Sot 16,
5880 (4 janvier) p. 23.
Sisantisuk, Somsak, Banthon Onkham et Saichai Khumkhanap 2517 [1974] Chiwit
khwampenyu lae panha khong chao pramong thi changwat Chumphon lae Satun (la vie
quotidienne et les problèmes des pêcheurs dans les provinces de Chumphon et de Satun)
Bangkok. Université Thammasat, 102 p.
Songmueang, Sa-ngop 2542 [1999] « Sadao » in: Saranukrom watthanatham phak tai lem 16,
pp. 7873-75.
Songmueang, Sa-ngop et Laksami Chiranakhon 2542 [1999] « Hat Yai » in: Saranukrom
watthanatham phak tai lem 16, pp. 8601-13.
Satainoe (Steiner), Chun (June) 2007 « Explore Sky: Koh Phangan: Full Moon Party » Exray
Magazine 11 (mars) pp. 30-33. (en thaï)
Satcha, Phot 2542 [1999] « Khrua Phuket luk phasom thai-chin hokkien » (la cuisine de
Phuket, fruit d’un mélange d’éléments thaïs et chinois hokkien) Khrua/Food and
Culture Magazine 6, 65 (novembre) pp. 56-67.
Seidenfaden, Erik 1967 The Thai People Bangkok. The Siam Society, 162 p.
Silcock, T. H. 1970 The Economic development of Thai agriculture Ithaca. Cornell University
Press, 251 p.
Sisomphong, Bunyang (col.), Ratchadaphon Thirawan et Aphinyani Misuaisakunwong 2548
[2005] Satthanakan 3 changwat chai daen phak tai (la situation dans les 3 provinces de
la frontière méridionale) Bangkok. Université Chulalongkorn. « Etudes bouddhiques »,
21 p.
Stephens, Harold et Star Black 1984 Malaysia Singapour. APA Productions, 348 p.
Sternstein, Larry 1976 Thailand. The environment of modernization. Sydney. McGraw-Hill
Book Company, 200 p.
Supphap, Supphatra 2527 [1984] Thong Malesia yuean Singkhapo (visites de la Malaysia et
de Singapour) Bangkok. Bannakit, 208 p.
Sutchaya, Sudara (éd.) 2543 [2000] Phuket Bangkok. Sarakhadi, 262 p.
Tanham, George K. 1974 Trial in Thailand New York. Crane, Russak & company, inc. 175 p.
61
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
Tanmahaphran, Charoen 2542a [1999] Ang-yi mueang Sayam (les triades du Siam) Bangkok.
Chatanphi, 112 p.
Tanmahaphran, Charoen 2542b [1999] Chon thalom mueang (les bandits attaquent la ville)
Bangkok. Thanbuakaeo, 335 p.
Tantayothin, Surasak s.d. Phak Tai (la région Sud) Bangkok. Khaemping thongthiao.
Collection « Phaendin rao suai », 184 p.
Tasker, Rodney 1989 « Out of jungle » Far Eastern Economic Review (14 décembre) pp. 3637.
Tera International Co. Ltd. 1990 Thailand in Figures 1990 Bangkok. Theeraphong Printing,
774 p.
Thatsanasuwan, Pramot 2506 [1963] « Ruedufon thi Phuket » (la saison des pluies à Phuket)
Anusan…O.S.Th. 3, 12 (juillet) pp. 22-30, 48-67.
Thatsanasuwan, Pramot 2512 [1969] Thong Thai (Visiter la Thaïlande) Bangkok.
Udomsueksa, 164 p.
Thatsanasuwan, Pramot 2520 [1977] Thiao phak tai (Visite de la région Sud) Bangkok. Odian
Sato, 182 p.
Thatsanasuwan, Pramot 2516 [1973] Thiao phak tai (Visite de la région Sud) Bangkok.
Mittraphap, 200 p.
Thatsanasuwan, Pramot 2521 [1978] « Phuket bang chomna thi kamlang plianplaeng »
(Phuket, des faces en changement) Anusan…O.S.Th. 18, 10 (mai) pp. 7-15, 72-84.
Thayahathai, Itsara 2528 [1985] “Saphapkan sopheni pi 2528” (situation of the prostitutes in
1984) Matichon sutsapda 5, 237 (17 March) p. 25.
Theparat, Chatrudee 2007 « Tourism: Filing in for absent Asians » 2007 Year-end Economic
Review supplément du Bangkok Post (décembre) p. 52.
Thuengfang, Direk 2530 [1987] « Betong krasae than haeng mueang nai mok lae dokmai »
(Betong, tendances de la ville de la brume et des fleurs) Sane Yala Yala. Ongkan
Borihan suan changwat Yala, pp. 48-51.
Tourism Authority of Thailand 1983 Annual statistical report on tourism in Thailand 1982
Bangkok, 67 p.
Tourism Authority of Thailand 1989 Annual statistical report on tourism in Thailand 1988
Bangkok, 80 p.
Udomphong, Phon 2525 [1982] Ranong ’25 chalong r.s. 200 (Ranong célèbre le bicentenaire
de Rattanakosin) s. l. e., s. n. e., 98 p.
Uengchusak, Khamnuan et al. 2541 [1998] Kanpramuan lae sangkhro ong khwamru dan
rabatwitthaya rok et nai prathet thai: korani kanfao rawang rok/State of the art review.
HIV/AIDS Epidemiology in Thailand: Surveillance issue. Bangkok. Rianbun Kanphim,
120 p.
« Ulacha » (pseud.) 2531 [1988] « Songkhla, Yala, Narathiwat » Phuean doen thang 9, 107
(novembre) pp. 55-65.
Wilai, Ayut 2513 [1970] « Sopha rattri thi chumthang hatyai » (les belles nuits de Hat Yai)
Anusan O.S.Th 10, 10 (mai) pp. 14-15, 76-78.
Wannasan, Nattawat 2006a « chaidaen mueang yai phak tai, laeng chopping sut sanuk, Hat
Yai-Padang Besar » (villes de shopping du Sud : Hat Yai et Padang Besar) Trips
Magazine 10, 116 (juin) pp. 108-114.
Wannasan, Nattawat 2006b « Ranong-Koh Song » Trips Magazine 10, 116 (juin) pp. 98-106.
Weber, Karl E. 2005 Tsunami 2004. Nam chai Thai. Bangkok. The National Identity Board,
112 p.
Wiriyasiriwatthana, Narong 2524 [1981] « Khomun dan kanthongthiao nai changwat nakhon
si thammarat » (informations touristiques sur la province de Nakhon Si Thammarat)
62
Femmes prostituées dans la région du Sud de la Thaïlande – Jean Baffie
Duean sip’24. Thiraluek nai kan chat ngan thetsakan duean sip pracham pi 2524 khong
changwat nakhon si thammarat Bangkok. Krung Sayam Kanphim, pp.139-160.
Worakawin, Kawi 2547 [2004] Phaenthi khwamru thongthin thai. Phak tai. (atlas du sud de
la Thaïlande) Ba ngkok. Phatthana Khunnaphap Wichakan, 100 p.
« Ziggy » 1984 « Hotel room glut spreads to Phuket » The Bangkok Post (5 juillet) p. 27.
Cartes et plans :
Apiluk 1986 The Definitive map of Phuket Island Phuket
Community infomap. S.d. Koh Samui. Koh Phangan. Koh Tao. Angthong Marine National
Park. Koh Samui
Krom phaenthi thahan 2531 [1988] Changwat Narathiwat et Amphoe Betong feuilles NB 47-8
et NB 47-12 1: 250 000. Bangkok
Krom phaenthi thahan/Krom thangluang 2521 [1978] Phaenthi sadaeng thangluang phak
tai/Highway map Southern Region 1: 1 000 000, Bangkok
Panawongs Realy Co. Ltd. 1990 Phuket Island. Guide and Map. Bangkok.
Prannok witthaya Maps Center Map of Songkhla, Hat yai and around. Phatthalung, Trang,
Satun Bangkok
Prannok witthaya Publisher 1991 Phaenthi phak tai/Map of Southern (sic) Bangkok.
Senanarong, Sawat et Nom Ngamnisai (éds) 2529 [1986] Thai aetlat (Atlas thaï) Bangkok.
Akson Charoenthat, 178 p. nombreux plans historiques et géographiques.
Siam Map company 2004 Samui guide map Chaweng, Samui
Tourism Authority of Thailand s.d. Map of Narathiwat Sungai Kolok
Sites Internet généraux
www.phangnga.go.th
www.phatthalung.go.th
www.phuket.com
www.phuket.go.th
www.phukettoday.com
www.psu.ac.th
www.ranong.go.th
www.satun.go.th
www.songkhla.go.th
www.suratthani.go.th
www.tat.or.th
www.thaisurat.com
www.trang.go.th
www.trangalltour.com
www.yala.go.th
www.airportthai.or.th/html/hatyai.html
www.airportthai.or.th/html/phuket.html
www.bkkair.co.th
www.chumphon.go.th
www.chumporn.com
www.info.moi.go.th
www.kohsamui.org
www.krabi.go.th
www.moph.go.th
www.muanglung.com
www.muslimthai.com
www.nakhonsithammarat.go.th
www.narathiwat.g.th
www.nso.go.th
www.pattani.go.th
63

Documents pareils