Chapitre 2

Transcription

Chapitre 2
MEMOIRE DE MASTER 2
MASTER EFE-ESE
ANNEE 2010-2011
Ecole Interne IUFM-Midi-Pyrénées/UT2
En partenariat avec : UT1, UT3 et CU-JF Champollion
Présenté et soutenu par :
Manon VEZAT
TITRE DU MEMOIRE :
Les métamorphoses d’Ovide de la Petite Section
Section au CM2
SOUS L’ENCADREMENT DE : Marie-José FOURTANIER
TRAJET RECHERCHE : Littérature de jeunesse
2
A mes professeurs de latin de 3ème et de lycée qui m’ont tant donné le gout de la
littérature gréco-latine…
3
Je te demande de lire les vers où j’ai chanté les métamorphoses des hommes, ouvrage
maudit interrompu par l’exil de son maître.
Ovide, Tristes, I, 7, vers 13-15
4
Remerciements aux personnes qui m’ont soutenue dans la rédaction de ce mémoire.
Remerciements en particulier à Marie-José FOURTANIER pour ses précieux conseils.
5
SOMMAIRE
INTRODUCTION : PEUTPEUT-ON OSER REVER L’ETUDE
L’ETUDE DES METAMORPHOSES DE LA
PS AU CM2 ?
6
PREMIERE PARTIE : EXEMPLES DE TRANSPOSITIONS
TRANSPOSITIONS DE MYTHES EN
LITTERATURE DE JEUNESSE
JEUNESSE
10
CHAPITRE 1 : LA REECRITURE SIMPLIFIEE ET ADAPTEE AU JEUNE LECTEUR
12
CHAPITRE 2 : LA TRADUCTION ILLUSTREE
13
CHAPITRE 3 : LA RETRANSCRIPTION ORALE DU MYTHE PAR UN PERSONNAGE CONTEMPORAIN DU
LECTEUR
14
CHAPITRE 4 : LA REECRITURE PARODIQUE
15
DEUXIEME PARTIE POURQUOI ETUDIER LES METAMORPHOSES DES LA
LA PETITE
SECTION ET JUSQU’AU CM2 ?
CHAPITRE 1
CHAPITRE 2
CHAPITRE 3
CHAPITRE 4
:
:
:
:
UN TEXTE PATRIMONIAL POUR UNE CULTURE COMMUNE
LE DEVELOPPEMENT DU LANGAGE
LA CONSTRUCTION DE SOI A TRAVERS UNE REFLEXION SUR LE MONDE
LE DEVELOPPEMENT DE LA CAPACITE IMAGEANTE
16
18
20
22
23
TROISIEME PARTIE : COMMENT METTRE EN ŒUVRE
ŒUVRE CET ENSEIGNEMENT ?
(EXEMPLES DE PISTES PEDAGOGIQUES)
CHAPITRE 1 : CHOIX DES ŒUVRES
CHAPITRE 2 : EXEMPLES DE PISTES PEDAGOGIQUES
1. Cycle 1
2. Cycle 2
3. Cycle 3
CHAPITRE 3 : BILAN DE LA MISE EN ŒUVRE DE CES PISTES
24
26
27
27
29
32
35
CONCLUSION LES METAMORPHOSES : DE LA LECTURE VERS LA LITTERATURE 36
6
INTRODUCTION :
PeutPeut-on oser rêver l’étude des
des Métamorphoses de la
PS au CM2 ?
7
Essais de définition « mythe », « mythologie »
D’après le dictionnaire Le Petit Robert, la mythologie est la « science, l’étude des
mythes, de leurs origines, de leur développement et de leur signification1 » et le mythe
est un « récit fabuleux, transmis par la tradition, qui met en scène des êtres incarnant
sous une forme symbolique des forces de la nature, des aspects de la condition
humaine2. ». Ces définitions restent quelque peu sommaires, je vais donc exposer trois
autres définitions et les comparer.
Tout d’abord, voici un extrait de la définition du Dictionnaire de la littérature de
jeunesse à l’usage des professeurs des écoles : « Le mythe, du grec muthos (suite de
paroles qui ont un sens) est un récit relatant des évènements imaginaires situés dans des
temps primordiaux. Il est transmis par la tradition, de façon orale et collective, avant
d’intégrer dans certains cas la culture écrite. Le mythe renvoie donc à un événement
fondateur, qui s’est déroulé dans un temps d’avant l’histoire3. »
Ensuite, Jocelyne Giasson compile différentes définitions de genres ou de sous genres
littéraires dont la notion de mythe qu’elle expose ainsi :
« Roux-Lanier et al. (1998, p.251) définissent ainsi le mythe : Un mythe est une
histoire exemplaire, qui se raconte depuis la nuit des temps, qui n’a pas d’auteurs
précis, et qui explique pour un peuple donné les grandes énigmes du monde et les
comportements humains. Le mythe est au carrefour de la civilisation, de la religion,
de la mémoire de la culture.4 »
1
Dictionnaire Le Petit Robert 2006.
2
Ibid.
3
Boutevin, Richard-Principalli, Dictionnaire de la littérature de jeunesse à l’usage des professeurs des
écoles, Vuibert, 2008, p.179-180
4
Jocelyne Giasson, Les textes littéraires à l’école, De Boeck, 2005, p. 48-49
8
Enfin, Catherine Tauveron donne elle aussi sa définition du mythe :
« Le mythe est un récit connu de toute une communauté culturelle, qui développe et
rationalise une configuration imaginaire et qui l’oriente en distinguant les valeurs.
Le mythe, même s’il est le plus souvent connu par un texte « classique », peut
apparaître sous beaucoup de formes de réécriture : variantes, adaptations, parodies,
5
[…] »
Pour conclure, de nombreuses autres définitions existent et la présence de cette
multitude de définitions souligne la difficulté de définir la notion de mythe. C’est pour
cela que j’ai nommé cette partie « essais de définition ». Elles sont variables, insistent
plus sur un point que sur l’autre, essayent d’être complètes. Je reprendrais la réflexion
de Colette Briffard :
« Pour entrer dans une réflexion sur la lecture des mythes, nous pourrions nous
accorder sur l’idée qu’un mythe est, pour une société donnée, une tentative
d’expliquer le monde, de dire comment les hommes le voient, le pensent, se pensent
tout en se donnant une origine et une identité, bref le moyen de se représenter ses
origines dans un passé indéfini, immémorial tout en visant à comprendre son propre
présent 6? »
Présentation et caractérisation de l’œuvre d’Ovide
Quinze volumes, plus de 12000 vers, 230 récits de métamorphoses : voici un des
poèmes les plus longs de l’Antiquité. Cette œuvre a traversé le temps et continue à
inspirer de nombreux artistes. Elle fait partie du patrimoine culturel de l’Europe : c’est
un texte patrimonial.
Lire Les Métamorphoses signifie « entrer dans le tissu génétique des mythes fondateurs
de la Méditerranée préexistant à Rome et à l’empire » (Umberto Todini): Ovide
réélabore des sources qu’il a lui-même recueillies en Grèce. Les merveilles (mirabilia)
du monde sont racontées dans les douze premiers livres, et constituent les formes et les
corps transitoires de la doctrine des quatre éléments. Elles illustrent une vision de
5
Catherine Tauveron, lire la littérature à l’école-Pourquoi et comment conduire cet apprentissage
spécifique ? - De la GS au CM, Hatier, 2002
6
Dossier « mythologie et intertextualités » sur le site du CRDP de Créteil (http://www.crdp.accréteil.fr/telemaque/comite/)
9
l’histoire réglée par les mutations, les échanges et les réincarnations. Ovide suit dans
son livre un fil conducteur chronologique : la création du monde et les débuts de
l’humanité (livre I), les temps légendaires (ceux des héros et des dieux, le récit de leurs
exploits), les temps homériques (la guerre de Troie), les origines de Rome, et enfin le
temps du poète (du meurtre de Jules César au règne d’Auguste.
Ovide se fixe à lui-même la tâche de raconter (dicere), en tant que poète, l’histoire du
monde et il attribue à un philosophe la fonction d’enseigner (docere) la doctrine qui
constitue le fondement de son œuvre.
Un constat
Les Métamorphoses d’Ovide est une œuvre très peu étudiée en cycles 1 et 2, quelque
peu en cycle 3 mais elle est très souvent jugée trop difficile pour des élèves de l’école
primaire. Ce constat a été le point de départ de ma problématique.
Problématique
L’enseignement des Métamorphoses d’Ovide est-il à préconiser à l’école primaire ? Dès
la Petite Section et jusqu’au CM2 ?
Annonce du plan
Pour répondre à cette problématique, je vais d’abord exposer des exemples de
transpositions de mythes en littérature de jeunesse ; ensuite, j’expliquerai pourquoi
étudier les métamorphoses dès la petite section et jusqu’au CM2 ; enfin, je donnerai des
exemples de pistes pédagogiques.
10
PREMIERE PARTIE :
Exemples de transpositions de mythes en littérature
de jeunesse
11
Lors de mes lectures, j’ai pu observer que les éditions n’étaient pas avares en matière de
classiques adaptés pour la jeunesse. Ces ouvrages ont souvent pour but de séduire le
jeune lecteur par des récits susceptibles de marquer son imagination mais aussi de
développer sa culture patrimoniale. En ce qui concerne Les Métamorphoses, la plupart
des adaptations proposent un recueil qui s’inspire des récits les plus célèbres d’Ovide le
plus souvent extraits des premiers livres sur la création du monde, les débuts de
l’humanité et les temps légendaires. Les autres parties, c’est-à-dire les temps
homériques (la guerre de Troie), les origines de Rome, et enfin le temps du poète (du
meurtre de Jules César au règne d’Auguste) sont le plus souvent délaissées.
A la lumière de mes différentes lectures, j’ai pu recenser quatre types d’adaptations de
Les Métamorphoses en littérature de jeunesse. En voici la description et l’intérêt de
chacun d’eux.
12
Chapitre 1 :
La réécriture simplifiée et adaptée au jeune lecteur
(Contes et légendes, Les métamorphoses d'Ovide, Gillot Laurence ; 16 métamorphoses
d'Ovide, Françoise Rachmuhl)
Tout d’abord, je vais présenter le type d’adaptation le plus répandu : la réécriture
simplifiée et adaptée au jeune lecteur. L’intérêt étant de faciliter l’abord de l’œuvre, la
faire découvrir, la faire apprécier, pour en permettre peut-être un jour la lecture
complète :
« Il s’agit d’une adaptation, non d’une traduction, l’expérience montrant qu’un texte
trop fidèle, hérissés de mots compliqués, bardé de références mythologiques, semble
incompréhensible aux jeunes lecteurs et les lasse vite…
Le souci de sélectionner des passages variés, captivants et significatifs m’a guidée
dans mes choix. J’ai pris soin de conserver le mouvement de chaque texte et le
déroulement des épisodes, de respecter le caractère des personnages et la tonalité de
chaque extrait. Mais pour rendre le récit plus facile à suivre et à savourer, j’ai
souvent dû abréger, condenser, supprimer parfois certaines longueurs, gardant
seulement quelques détails expressifs.
Ovide s’adressait à des esprits cultivés, pour lesquels la mythologie n’avait pas de
secrets. Il pouvait procéder par allusion sûr d’être compris. Ce n’est plus le cas à
présent : bien des éléments de la vie compliquée des dieux et de leur généalogie
nous échappent. J’ai donc simplifié les nomenclatures, exprimé en clair les allusions
et, pour ne pas alourdir à l’excès le texte par des notes, incorporé quelquefois au
récit les explications indispensables.
Tel qu’il est, ce petit recueil ne prétend pas à la perfection. Mais il voudrait donner à
ceux qui le liront une idée juste d’un grand auteur latin, de la richesse de son œuvre,
de la beauté de son écriture et leur permettre de pénétrer, le temps de la lecture, dans
le monde d’Ovide, à la fois réaliste et merveilleux7. »
Ces intentions sont louables et il est vrai que l’œuvre d’Ovide est très complexe surtout
pour des élèves d’école primaire. Cependant, à trop simplifier, à trop expliquer, le texte
perd parfois tout son intérêt. Ce type d’adaptation est donc intéressant à lire avec des
élèves d’école primaire mais il ne faut pas tomber dans l’excès en oubliant le texte
source.
7
Françoise Rachmuhl, 16 métamorphoses d'Ovide, introduction.
13
Chapitre 2 :
La traduction illustrée
(Les Métamorphoses d’Ovide, Sara)
Ensuite, certains auteurs font le choix d’isoler un ou plusieurs épisodes de l’œuvre
d’Ovide. En effet, ils reprennent une traduction du texte latin et l’illustrent par des
images : la relation texte/image aide alors à la compréhension du texte. Le texte reste
ainsi au plus près de la version authentique et garde donc tout son intérêt littéraire.
L’auteure Sara a fait ce choix, elle a extrait de l’œuvre complète traduite certaines des
métamorphoses : les textes ainsi isolés, le lecteur n’est pas noyé dans l’œuvre colossale
d’Ovide et il peut mieux apprécier cet écrit littéraire :
« Ce livre propose au lecteur des images de métamorphoses. Ecoutons les plaintes
d’Actéon, de Io, de Callisto et de Daphné. Observons les évolutions que subissent
leurs corps8. »
Ce type d’adaptation est surtout envisagé pour des métamorphoses physiques,
métamorphoses plus faciles à illustrer que les métamorphoses psychologiques.
8
Sara, Les Métamorphoses d’Ovide, introduction.
14
Chapitre 3 :
La retranscription orale du mythe par un personnage
contemporain du lecteur
(Orphée et la morsure du serpent, Yvan Pommaux ; Œdipe, l’enfant trouvé, Yvan
Pommaux)
Ancré dans le présent de l’auteur donc plus ou moins contemporain du lecteur, un
personnage raconte un mythe à un autre personnage. C’est donc un conte oral : à la
manière d’un aède, le personnage conteur transmet le mythe à d’autres personnages et le
transmet ainsi au lecteur. Il y a une mise en abîme de l’histoire, une histoire dans
l’histoire, des récits enchâssés. Yvan Pommaux est un spécialiste de ce type
d’adaptation, il est donc respectueux de ce qu’était Ovide et de son écriture. En effet,
Ovide était avant tout un excellent conteur capable de prendre tous les tons,
d’interrompre un récit pour en conter un autre, à la manière de Shérazade dans Les
Milles et Une Nuits, d’établir des liens d’un conte à l’autre, grâce au rappel d’un épisode
précédent, à la présence d’un personnage déjà connu.
« Donner une nouvelle mais énième version de celui dont on parle ici, se justifiaitil ? Je crois que oui… dans le plus grand respect de l’original, bien sûr : ne pas
ajouter de fioritures, ne pas improviser, restituer les passages souvent édulcorés, se
comporter, au fond, comme un aède, humble transmetteur, chaînon d’une très
longue chaîne9. »
Cet album peut paraître complexe à cause de cette mise en abîme, de ces références
mais c’est tout ce qui fait sa richesse et son intérêt. Tout d’abord, le lecteur peut se
projeter plus facilement : il passe de la vie réelle à la vie mythique via une réalité
fictionnelle. Enfin, il peut s’habituer à ce type de lecture à travers un seul mythe pour
ensuite pouvoir mieux lire d’autres extraits de la traduction voire même lire l’œuvre
intégrale.
9
Yvan Pommaux, Thésée, Comment naissent les légendes, introduction.
15
Chapitre 4 :
La réécriture parodique
(L’extraordinaire aventure d’Alcibiade Didascaux : La Grèce, langue et civilisation
d’alpha à oméga, scénario : Clanet/Clapat, illustrations : Clapat, Athéna éditions)
Il existe des réécritures parodiques de mythes. Une des plus originales que j’ai pu lire
est L’extraordinaire aventure d’Alcibiade Didascaux. C’est une bande dessinée
humoristique et insolite qui relate l’histoire d’un professeur de Grec qui remonte le
temps jusqu’aux origines de l’humanité : il traverse donc toute l’histoire du monde grec.
La pertinence d’un traitement pédagogique de ce support à l’école primaire serait à
réfléchir de façon approfondie. C’est en tous les cas un traitement de la mythologie
original.
Ce type d’adaptations peut être intéressant à étudier en comparant par exemples
plusieurs versions d’un même mythe.
16
DEUXIEME PARTIE
Pourquoi étudier les métamorphoses dès la petite
section et jusqu’au CM2 ?
17
L’étude de Les Métamorphoses d’Ovide à l’école primaire pourra, selon moi, permettre
aux élèves de se construire en réfléchissant sur le monde et sur soi, de développer une
culture commune patrimoniale, d’accroître leur capacité imageante, d’acquérir un
langage plus précis, de travailler l’interdisciplinarité, de faire des liens entre différents
textes d’hier et d’aujourd’hui.
De plus, par cette étude, on assure la liaison école/collège puisque c’est une œuvre qui
est au programme du collège. Pour les plus jeunes, notamment les enfants de
maternelle, l’enjeu est d’initier les élèves à la lecture littéraire le plus tôt possible à
travers l’étude d’extraits d’une œuvre complexe : Les Métamorphoses.
« Le présent ouvrage […] prétend démontrer la nécessité de semer les graines de la
lecture littéraire à la bonne saison, sur le terrain laissé en friche de l’école
élémentaire. Il plaide pour une initiation précoce des jeunes enfants, dès leur premier
contact avec l’écrit, à un moment où se fixent (souvent définitivement) les
comportements adéquats ou inadéquats, où se forgent les représentations adéquats
ou inadéquats de la part qui revient au sujet lecteur dans l’achèvement du texte
littéraire et du plaisir que l’on peut retirer d’une recherche active du sens10. »
10
Tauveron Catherine, op. cit., Hatier, 2002, introduction
18
Chapitre 1 :
Un texte patrimonial pour une culture commune
Dans le socle commun des compétences et des connaissances, la compétence 5 concerne
la culture humaniste :
« être préparé à partager une culture européenne par une connaissance des textes
majeurs de l’Antiquité »
« la culture humaniste que dispense l’école donne aux élèves des références
communes… elle a pour but de cultiver une attitude de curiosité… pour les autres
pays du monde (histoire, civilisation, actualité. Elle développe la conscience que les
expériences humaines ont quelque chose d’universel11. »
Les textes de la mythologie et notamment Les Métamorphoses sont adaptés à cette
définition. En effet, l’œuvre d’Ovide appartient à la culture commune européenne, c’est
un texte patrimonial que l’école se doit de transmettre afin de donner des références
culturelles aux élèves. Certaines parties de cette œuvre ont été fréquemment reprises
voire
réécrites
dans
des
œuvres
artistiques
(littéraires,
plastiques,
cinématographiques…) et notamment des œuvres de littérature de jeunesse. Ainsi, les
mythes fournissent des repères indispensables à la compréhension de ces œuvres. De
nombreux clins d’œil mythologiques sont à repérer dans les œuvres artistiques d’hier et
d’aujourd’hui. Le travail de l’enseignant est de permettre aux élèves de les remarquer,
de faire les rapprochements nécessaires pour mieux appréhender la valeur de ces
œuvres :
« Les mythes font partie des références culturelles communes qui facilitent la
compréhension et l’échange intersubjectif. […] Le maître a ici comme ailleurs un
devoir d’acculturation12. »
11
Socle commun des compétences et des connaissances de juillet 2006, compétence 5 : la culture
humaniste
12
Tauveron Catherine, op.cit., Hatier, 2002, p. 68.
19
En outre, créer une culture commune au sein de la classe notamment à travers ce genre
de texte permet de créer un sentiment d’appartenance à un groupe, le groupe classe et
plus largement à une communauté européenne voire mondiale :
« Avant de cultiver la différence, il faut construire un fond commun qui rassemble,
sur lequel doivent s’appuyer toute les activités d’apprentissage. […] Si nous voulons
que tous les élèves se sentent concernés par l’activité de la classe, enrichissons
d’abord le terrain sur lequel nous voulons semer13. »
13
Serge Boimare, Ces enfants empêchés de penser, Dunod, 2008, p. 166.
20
Chapitre 2 :
Le développement du langage
Beaucoup d’enseignants sont frileux quand on parle de l’enseignement de Les
Métamorphoses en école primaire, et encore plus en maternelle. Une des raisons les plus
fréquentes est la difficulté et la complexité de l’œuvre, de ses tournures de phrases, de
son vocabulaire. Pourtant, c’est justement l’un des intérêts de cette œuvre. En effet, être
fréquemment et le plus tôt possible confronté à des textes quelque peu complexes,
utilisant notamment parfois un vocabulaire difficile permet aux élèves d’apprendre à
surmonter les obstacles, à utiliser des stratégies de lecture afin de comprendre le texte. Il
est important que les élèves sachent comprendre un mot en contexte pour éviter une
lecture faite d’arrêts et de blocages (dû à la présence d’un mot « difficile » ou inconnu).
« Les pratiques habituelles ont pour volonté de simplifier la situation
d’apprentissage, par exemple en sélectionnant des supports ’simples’, en élucidant le
vocabulaire difficile, en recourant à des questionnaires… Notre démarche, à
l’inverse, postule qu’il est possible et nécessaire d’apprendre à comprendre et qu’on
ne peut apprendre à comprendre que sur des textes qui posent des problèmes de
compréhension ou d’interprétation. Elle met donc au centre la difficulté avec pour
seul objectif d’apprendre à la surmonter14. »
Par exemple, lors de l’étude de la métamorphose de Daphné en cycles 1 et 2, les élèves
ont compris, au moins dans sa globalité, la trame de l’histoire, pourtant les tournures de
phrases sont peu habituelles ainsi que le vocabulaire. Ils ont su employer des stratégies
de lecture pour s’adapter et comprendre. Ces stratégies ne sont pas toujours venues
d’eux-mêmes, c’est là le rôle de l’enseignant : mettre en œuvre un enseignement qui
permette de développer la compréhension et l’interprétation de textes littéraires. Un de
ces dispositifs repose sur les échanges oraux. C’est par ce type de dispositif et par le
choix d’œuvre comme Les Métamorphoses que le langage peut se développer. Les
élèves acquièrent un vocabulaire de plus en plus riche en étant confrontés à des mots
14
Catherine Tauveron, op.cit., Hatier, 2002, introduction.
21
nouveaux à plusieurs reprises. Lire plusieurs fois un même texte, organiser des
échanges oraux sur ces lectures qui vont traiter différents points de compréhension et
d’interprétation, permettront à l’élève de s’approprier de plus en plus le langage.
22
Chapitre 3 :
La construction de soi à travers une réflexion sur le monde
« Des mots compliqués pour apprendre à lire…
[…] Vous allez me dire que je ne donne pas dans la simplicité, pourquoi aller choisir
des mots aussi compliqués, d’un usage aussi peu courant […] je dirais qu’en leur
racontant certains récits ou histoires choisis pour leur qualité d’évocation et de
figuration des conflits qui préoccupent les enfants, je suis entré en concurrence de
façon directe et féroce avec les thèmes qui font habituellement disjoncter leur
pensée15. »
Les Métamorphoses prennent en compte les peurs et les inquiétudes des enfants. En
effet, cette œuvre traite d’événements qui correspondent au développement de l’enfant,
à ses questionnements intérieurs (recherche des origines, devenir de l’homme,
interprétation de faits).
« Ovide connaît aussi le cœur humain dans toute sa complexité. Ses héros sont en
proie au doute, au regret, à la passion, à la folie. L’écrivain nous livre leurs
monologues intérieurs, nous les montre pesant le pour et le contre avant d’agir et
nous fait partager ainsi leurs émotions et leurs sentiments16. »
Ainsi, elle permet aux élèves de se questionner sur un certain nombre de choses et de
répondre à des questions existentielles sur le sens de la vie. Ils peuvent donc grandir, se
construire à travers ce texte qui aide à formuler leurs inquiétudes, à en prendre
conscience, ce qui permet d’y répondre.
« Comme les contes de fées, les mythes abordent nos mystères comportementaux,
relationnels, fouillent nos inconscients, nos zones les plus troubles. A la différence
des contes, ils ne finissent pas toujours bien, mais leur résonance avec le monde
actuel est plus forte17. »
15
Serge Boimare, L’enfant et la peur d’apprendre, Dunod, 2004, p. 97-98.
16
Françoise Rachmuhl,
17
Yvan Pommaux, op.cit., introduction.
op.cit., introduction.
23
Chapitre 4 :
Le développement de la capacité imageante
La capacité imageante c’est la capacité à faire des images à partir de mots. Cette
capacité est essentielle dans la lecture : elle permet l’imagination au service de la
compréhension du texte. Ainsi, cette capacité imageante est un élément essentiel pour
prendre plaisir à lire.
« Je prétends qu’il faut en priorité les aider à mettre en route et à faire fonctionner
cette capacité à fabriquer de l’image avec le mot lu. C’est pratiquement toujours
cette insuffisance qui les empêche d’aborder efficacement l’apprentissage de la
lecture18 »
La lecture à voix haute de textes mythologiques et les échanges autour de cette lecture
permettent de travailler cette capacité imageante. Les Métamorphoses est une œuvre
notamment intéressante à étudier dans cette perspective. En effet, la notion même de
métamorphose, qu’elle soit physique ou psychologique, est propice à l’imaginaire,
l’imagination et à la capacité imageante. D’autant plus lorsque l’œuvre d’Ovide est
adaptée de façon pertinente dans la littérature de jeunesse. Par le texte mais aussi par les
illustrations, les élèves peuvent plus facilement mettre en route leur capacité imageante.
18
Poslaniec. C, Pratique de la littérature de jeunesse à l’école : comment élaborer des activités
concrètes, Hachette Education, 2003, « le mythe de la métamorphose »
24
TROISIEME PARTIE :
Comment mettre en œuvre cet enseignement ?
(exemples de pistes pédagogiques)
25
Lors de mes deux stages en responsabilité, j’ai pu mettre en œuvre des séquences sur
Les Métamorphoses d’Ovide. Une séquence a été menée en cycle 1, en classe de petite
et moyenne section ; l’autre séquence a été menée en cycle 2, en classe de CP/CE1.
Dans cette partie, je vais donc présenter de façon succincte ces deux séquences ainsi
qu’un bilan de cette mise en œuvre. De plus, je donnerai quelques pistes pédagogiques
pour le cycle 3.
Les objectifs principaux de ces pistes pédagogiques étant de permettre aux élèves de
rencontrer des textes patrimoniaux ayant une importance dans notre civilisation à
travers des adaptations de la littérature de jeunesse ainsi que d’amener les élèves à
développer des compétences littéraires tout en prenant plaisir à lire.
J’ai bien entendu choisi de n‘étudier que quelques extraits de l’œuvre car elle est trop
longue et difficile pour des élèves de cet âge :
« Ce qui est actif, là-derrière, c’est un mythe multiséculaire, celui de la
métamorphose. […] Dès l’antiquité, ce mythe a nourri la littérature (par exemple Les
Métamorphoses d’Ovide), et ce phénomène a perduré jusqu’à nos jours (par
exemple, La Métamorphose de Kafka). Ce mythe est trop vaste et trop complexe
pour être étudié, dans son intégralité, à l’école primaire. En revanche, il est tout à
fait possible de l’introduire, par le biais de quelques livres mis en réseau19. »
19
Poslaniec. C, op.cit., Hachette Education, 2003, « le mythe de la métamorphose »
26
Chapitre 1 :
Choix des œuvres
Lors de mes stages en responsabilité en cycles 1 et 2, j’ai choisi de construire ma
séquence autour de l’œuvre de Sara, Les Métamorphoses d’Ovide. Cette œuvre est une
traduction illustrée : l’auteure a repris des extraits de la traduction de Georges Lafaye et
les a illustrés. J’ai choisi de m’appuyer sur cet album pour diverses raisons. Tout
d’abord, comme c’est une traduction illustrée, le texte reste au plus près de la version
authentique et garde donc tout son intérêt littéraire. Il est certes difficile pour des
enfants de cet âge d’appréhender ce texte dans sa globalité et d’en comprendre toutes les
subtilités, notamment à cause du vocabulaire et des tournures de phrases employés,
mais il est important que les élèves soient fréquemment confrontés à la difficulté
littéraire et à sa richesse afin de progresser en lecture et en maîtrise de la langue. En
effet, ce n’est pas en écartant systématiquement les difficultés de lecture que l’élève
peut progresser : c’est en y étant confronté de façon raisonnée. En outre, les illustrations
posent un regard sur ce texte qui peut aider à mieux l’appréhender. Enfin, Sara a choisi
de ne traiter que cinq métamorphoses : celles de Daphné, de Callisto, d’Io et d’Actéon.
En effet, elle a extrait de l’œuvre complète de courts textes racontant chacune de ces
métamorphoses : les textes ainsi isolés, le lecteur n’est pas noyé dans l’œuvre colossale
d’Ovide et il peut mieux apprécier cet écrit littéraire. Cette technique amène le jeune
lecteur à découvrir une œuvre complexe sans être découragé par la longueur et la masse
d’informations, ce qui pourra peut-être permettre un jour une lecture complète.
Je n’ai pas pu mettre en place de séquence en cycle 3 mais je présenterai quelques pistes
pédagogiques qui s’appuieront essentiellement sur l’œuvre d’Yvan Pommaux : Orphée
et la morsure du serpent. Dans cette œuvre, le mythe est conté par un personnage
contemporain du lecteur. Ainsi, le lecteur peut se projeter plus facilement : il passe de la
vie réelle à la vie mythique via une réalité fictionnelle.
27
Chapitre 2 :
Exemples de pistes pédagogiques
1. Cycle 1
Lors de mon stage en classe de petite et moyenne section, j’ai réalisé une séquence
autour de l’album Les Métamorphoses d’Ovide de Sara. J’ai choisi de travailler
essentiellement sur les métamorphoses de Daphné et d’Io, j’ai fait également une lecture
offerte de la métamorphose de Callisto et j’ai décidé de ne pas traiter la métamorphose
d’Actéon à cause de son caractère violent, surtout pour des élèves de maternelle.
En travaillant à partir de cet album, j’ai mis en avant la notion de métamorphose comme
passage d’un état à un autre et résultat d’une transformation. Pour comprendre ce
concept complexe, les élèves de maternelle ont besoin selon moi de vivre cette notion
de métamorphose avec leur corps mais aussi métamorphoser eux-mêmes des éléments
en d’autres éléments en parallèle de l’étude de l’album. C’est pour cela que j’ai mené
une séquence d’expression corporelle et une autre d’arts visuels en même temps que la
séquence de littérature proprement dite.
Les objectifs étant d’amener les élèves à :
• écouter et comprendre un texte lu par l’adulte.
• reformuler ce qu’ils ont compris et interroger sur ce qui reste obscur.
• devenir sensible à des manières de dire peu habituelles.
• comprendre des récits de plus en plus complexes ou longs et à les raconter à leur
tour.
J’ai abordé mes premières séances avec la métamorphose de la chenille en papillon. Les
élèves avaient déjà traité ce thème en sciences lors de la deuxième période. J’ai donc
commencé par la lecture de l’album Camille la chenille d’Antoon Krings pour réactiver
les connaissances des élèves sur cet animal et en même temps introduire le terme de
métamorphose.
Ensuite,
nous
avons
travaillé,
en
expression
corporelle,
la
28
métamorphose de la chenille qui rampe en papillon qui vole (action motrice des élèves :
se déplacer de façon légère, comme un papillon, en déployant ses bras et en sautillant
éventuellement) : le cocon étant une étape nécessaire à cette métamorphose, les enfants
devaient « faire le cocon » avant de « faire le papillon ». (Cf. en annexe le schéma du
praticable lors de la séance d’EPS)
Puis, nous avons réellement commencé le travail autour de l’album de Sara.
Tout d’abord, dans la première séance, j’ai lu le titre de l’album, j’ai montré les
illustrations aux élèves et j’ai conduit un échange sur les hypothèses de lecture des
élèves à partir de ces illustrations en pointant le doigt sur la trame de l’histoire : c’est
une dame qui court et qui se métamorphose en arbre (réinvestissement du vocabulaire
utilisé pour le papillon). A la suite de cela, nous avons réalisé une séance d’EPS dont les
objectifs étaient de passer de la narration à l’évocation et de transformer des actions
motrices en mouvements dansés.
Ensuite, dans une deuxième séance, nous avons vu de nouveau les illustrations de la
métamorphose de Daphné ce qui a permis un rappel de la trame générale de l’histoire ;
puis une dictée à l’adulte a pu mettre en évidence les hypothèses des élèves sur la main
et le pied rouges (Qui est-ce ? Est-il méchant ? Est-il gentil ?). Exemples d’hypothèses :
le pied rouge est un géant parce que c’est un grand pied et il est méchant (pas vraiment
de justification). Et puis, j’ai commencé à introduire la notion de progressivité dans la
métamorphose (est-ce que la dame se métamorphose d’un coup en arbre ?). Cette notion
étant difficile pour des enfants de cet âge, elle a été éprouvée petit à petit tout au long
des séances d’expression corporelle : d’abord les élèves courent et s’arrêtent au signal
pour faire l’arbre, ensuite la notion de ralentissement progressif est introduite à l’aide
d’un tambourin qui donne le rythme de marche à suivre. (Cf. en annexe le schéma du
praticable lors de la dernière séance)
Puis, dans une troisième séance, nous avons lu de nouveau les hypothèses de lecture des
élèves pour nous en souvenir et j’ai expliqué que j’allais lire le texte (en montrant les
illustrations) pour vérifier leurs hypothèses. Après la lecture, une discussion a suivi
notamment guidée par mon questionnement : qu’est-ce que cette histoire raconte ?
Aviez-vous raison ou non ? Quelles informations peut-on rajouter ? Avons-nous le nom
des personnages ? Est-ce que le pied rouge est un géant ? Comment s’appelle t-il dans le
29
texte ? Pourquoi Daphné se métamorphose-t-elle ? Est-ce un choix ? Qui la
métamorphose ?
Dans une quatrième et une cinquième séance, j’ai réalisé une relecture du texte d’abord
en montrant les illustrations et ensuite sans les montrer.
Lors d’une sixième séance, les élèves avaient pour tâche de remettre dans l’ordre les
illustrations de l’histoire.
Enfin, dans les séances suivantes, les élèves ont raconté l’histoire en reprenant des
expressions et des mots du texte (les noms et les substituts des personnages,
métamorphose, …) d’abord avec un support visuel et l’aide de l’enseignant puis seul.
En prolongement, un travail sur la métamorphose d’Io aurait pu être mené et les deux
métamorphoses auraient pu être comparées : la métamorphose d’Io est une
métamorphose « inversée » par rapport à la métamorphose de Daphné ; en effet, Io est
une vache qui retrouve forme humaine alors que Daphné est une humaine qui se
transforme en arbre ; de plus, les raisons de leur métamorphoses ne sont pas les mêmes.
De plus, en parallèle de cette séquence en littérature sur les métamorphoses physiques,
j’ai mené une séquence en arts visuels sur le même thème à partir d’un album sans texte
(Les aventures d’une petite bulle rouge, Iela Mari). Dans cet album on suit les aventures
d’une petite bulle rouge qui se transforme, se métamorphose en ballon, en pomme, en
papillon, en parapluie,… Les élèves ont notamment transformé des boules de pâte à
modeler en d’autres éléments. (Cf. en annexe quelques photos de ces séances)
2. Cycle 2
Lors de mon stage en classe de CP/CE1, j’ai réalisé une séquence autour de l’album Les
Métamorphoses d’Ovide de Sara. J’ai choisi de travailler essentiellement sur les
métamorphoses de Daphné et d’Io, j’ai fait également une lecture offerte de la
métamorphose de Callisto.
30
J’ai choisi de travailler sur cet album car il traite la notion de métamorphose physique,
notion plus facile à appréhender pour des élèves de cycle 2 que la notion de
métamorphose psychologique.
Les objectifs étant d’amener les élèves à :
• écouter et comprendre un texte lu par l’adulte.
• Trouver dans le texte ou son illustration la réponse à des questions concernant le
texte lu ; reformuler son sens.
• S’appuyer sur le contexte pour comprendre une histoire dans sa globalité sans
être bloqué dans sa lecture par des mots qu’on ne rencontre pas habituellement.
• comprendre des récits de plus en plus complexes ou longs, les lire et les raconter
à leur tour.
Pendant les quinze jours de stage, j’ai choisi de ritualiser la lecture de contes mythiques.
En effet, tous les matins vers 9h15, je lisais un épisode de l’œuvre de Murielle Szac
illustrée par Jean-Manuel Duvivier, Le feuilleton d’Hermès, La mythologie grecque en
cents épisodes, édition Bayard jeunesse. Cette ritualisation a permis aux élèves de
plonger dans un « bain mythologique ». Ainsi, ils ont pu entrer dans cet univers que
nous offre le mythe en suivant les aventures d’Hermès et commencer à se construire une
culture littéraire commune.
Pour l’étude de l’album de Sara proprement dit, nous avons commencé par l’analyse du
titre : Les métamorphoses d’Ovide. A travers une discussion (connaissances
personnelles des élèves) et des recherches (dictionnaire, internet, …) les élèves ont
défini la notion de métamorphose et ils ont trouvé qu’Ovide était le nom d’un auteur
latin, on a essayé de situer son existence dans le temps. A partir de cette recherche, les
horizons d’attente étaient plus précis et je pense que cela leur a permis d’entrer plus
facilement dans l’histoire.
Ensuite, après avoir lu le titre de l’épisode de Daphné, j’ai lu son histoire sans montrer
aux élèves les illustrations afin de faire travailler la capacité imageante. S’en est suivi
une discussion autour de ce que chacun avait compris de l’histoire.
31
Après quelques séances décrochées sur la description, j’ai lu de nouveau l’histoire, j’ai
demandé aux élèves d’écrire une courte description des deux personnages pour les CE1
et quelques mots qui pourraient décrire les personnages pour les CP. La consigne était
d’écrire comment chacun voyait les personnages dans sa tête à la lecture de l’histoire.
Ainsi, nous avons ensuite confronté ces différentes descriptions pour nous rendre
compte qu’elles ne se ressemblaient pas toutes : j’ai donc amené les élèves à remarquer
que ni Daphné, ni Phébus ne sont décrits que ce soit physiquement ou mentalement.
Lors de la quatrième séance, j’ai lu de nouveau l’histoire de Daphné et les élèves ont
exprimé leur interprétation à travers un dessin :
« Comme l’écriture, le dessin permet, dans un autre registre sémiotique, d’exprimer
une interprétation et d’en discuter la pertinence à partir d’un support tangible. En
libérant les élèves de la difficulté de la mise en mots, il peut même se révéler plus
efficace que l’écriture, […]20 »
Puis, les élèves ont commenté leurs dessins, ce qui a permis la confrontation de
différentes interprétations, la validation de certaines par un retour au texte systématique
et l’invalidation d’autres interprétations qui étaient en réalité des contre-sens.
Les élèves devaient ensuite résumer l’histoire en une phrase minimum pour les CP et
trois phrases minimum pour les CE1 et ils devaient intégrer ce résumé à leur dessin. (Cf.
en annexe quelques travaux d’élèves)
Dans une septième séance, après avoir lu le texte silencieusement, les élèves l’ont lu à
voix haute.
Enfin, lors de la dernière séance je leur ai montré les illustrations de Sara pendant la
relecture du texte. Ils ont ensuite échangé sur leurs premières impressions :
généralement ils ont été déçus par les illustrations, ce qui est un peu normal puisqu’elles
sont très neutres alors qu’eux avaient imaginé tout autre chose. J’ai alors, par mon
questionnement, amené les élèves à réfléchir et à se demander pourquoi Sara avait
choisi de représenter les personnages ainsi. On a alors touché la particularité de certains
personnages mythiques comme les dieux gréco-romains qui ne survivent principalement
20
Catherine Tauveron, op.cit., Hatier, 2002
32
que par le récit de leurs aventures et de leurs exploits plus que par une image ou une
description : les dieux, certains y croient, d’autres non, certains croient en plusieurs
dieux, d’autres en un seul dieu ; quoi qu’il en soit, ils existent dans la littérature et
certains artistes ont essayé de les imaginer, de les décrire et/ou de les représenter
comme. Sara a elle aussi essayé de les représenter à sa manière, elle a choisi de ne pas
les faire de façon très précise comme la description du texte de base : elle a retranscrit la
puissance du Dieu par une taille disproportionnée, ce qui lui a aussi permis d’éviter de
représenter le visage du dieu Phébus ; et elle a représenté Daphné de la façon la plus
épurée possible, en blanc avec des contours noirs et donc sans autres couleurs
distinctives (couleurs des yeux ou des cheveux), afin de mettre plus en relief la
métamorphose que le personnage humain. Les élèves n’ont pas fait une interprétation
telle mais ont tout de même compris qu’il existait plusieurs représentations possibles
d’un même personnage, que Sara avait fait un choix (exemple de remarque d’élèves : «
elle a représenté le dieu comme un géant parce qu’il est très très fort ») et qu’en fait
dans cette histoire le plus important c’était la métamorphose.
3. Cycle 3
Je n’ai pas pu mener de projet en cycle 3 puisque je n’ai pas fait de stage dans ce cycle
et que je n’ai pas eu le temps de trouver un enseignant susceptible de mettre en place un
tel projet. Cependant, j’ai réfléchi à la mise en place de celui-ci et je vais présenter des
pistes pédagogiques en cohérence avec le sujet s’appuyant notamment sur l’œuvre
d’Yvan Pommaux : Orphée et la morsure du serpent (édition l’école des loisirs).
Les objectifs auraient pu notamment être d’amener les élèves à :
• Construire une culture littéraire commune
• Développer le plaisir de lire des textes anciens en lien avec la littérature
contemporaine
• Mettre en relation des textes entre eux
• Donner une interprétation du texte en s’appuyant sur des éléments du texte
33
• Confronter son interprétation du texte et celle des autres notamment dans des
débats et être capable d’autres interprétations et d’en invalider certaines en
justifiant
Lors de la lecture suivie de cet album, il est primordial, à travers des questionnaires bien
construits, des discussions et des débats interprétatifs bien menés, de permettre aux
élèves de bien comprendre ce mythe (les personnages, leur rôle, la trame de l’histoire)
mais aussi d’accéder à une compréhension de plus en plus fine et d’oser des
interprétations en s’appuyant sur le texte. Selon moi, cet album peut arriver après un
travail sur la mythologie ou peut être le tout premier d’une lecture en réseau sur le
thème de Les métamorphoses d’Ovide et plus largement sur la mythologie gréco-latine.
En effet, il explique et reprend des topoi et des personnages mythiques : ceci peut
donner l’envie aux élèves de faire des recherches sur toutes ces références et de lire
d’autres histoires issues de la mythologie. D’ailleurs, je pense qu’il est essentiel
d’immerger les élèves dans un « bain mythologique » sans les faire sombrer bien
évidemment mais en les accompagnant dans la lecture de ces récits fascinants, riches et
complexes qui font partie de notre culture et dont on trouve encore les échos dans la
littérature contemporaine. En outre, la structure en abîme avec ces récits enchâssés est
une particularité de l’œuvre d’Ovide que reprend Yvan Pommaux : un récit en appelle
un autre. Ainsi, cela pourra peut-être permettre aux élèves de lire plus tard quelques
extraits de cette œuvre plus facilement.
A la suite et/ou en parallèle de ce travail sur la compréhension et l’interprétation de
cette histoire, un projet autour de la mise en voix et de la mise en scène de ce texte peut
voir le jour (écrire les dialogues, prévoir éventuellement une voix off/un aède, travailler
la mise en voix des différents personnages avec support écrit puis sans, penser au décor,
aux costumes, aux déplacements des personnages sur la scène, éventuellement à la
musique). On peut aussi comparer différentes versions du mythe d’Orphée ou étudier
d’autres passages de Les métamorphoses d’Ovide.
De nombreux liens interdisciplinaires sont possibles avec l’étude de cet album. Tout
d’abord, en sciences avec l’étude de différents serpents par exemple. Ensuite, en arts
visuels et en histoire de l’art avec l’étude de différentes œuvres artistiques reprenant le
mythe d’Orphée (les textes fondateurs par les images, Daniel Salles, Bordas ; les mythes
34
racontés par les peintres, Marie Bertherat, Bayard Jeunesse). Puis, en maîtrise de la
langue, de nombreuses pistes pédagogiques peuvent être suivies : étude des expressions
mythologiques (On peut parler d'un supplice de Tantale quand on en a assez de ne pas
pouvoir atteindre l'objet de ses désirs alors qu'on en est tout proche ; Dire à un gardien
peu aimable que c'est un Cerbère ne risque pas de lui rendre le sourire ; etc.), travail
autour de l’étymologie (répertorier des mots usuels d’origine grecque, les classer en
fonction de leurs caractéristiques et trouver l’origine de ces orthographes) et des
familles de mots (notion de radical), etc. Enfin, Les Métamorphoses d’Ovide sont une
mine de renseignements sur la manière de vivre des Anciens. Cette approche est à
développer en lien interdisciplinaire : les élèves peuvent commencer à accéder à
l’histoire des Anciens par le biais de cette littérature.
35
Chapitre 3 :
Bilan de la mise en œuvre de ces pistes
Avant de penser, voire de mettre en œuvre ces projets, ma première crainte était liée à la
présence de tournures et de vocabulaires complexes pour des élèves d’école primaire.
Cependant, j’ai fait le pari que ce ne serait pas un obstacle ou du moins que cet obstacle
serait source d’apprentissage pour les élèves :
« Au lecteur revient encore la tâche de tisser des liens entre les mots ‘tremblants’,
ces mots qui vacillent quand on les rapproche d’autres mots et qui, rassemblés en
réseaux pluriels exhibent à chaque confrontation de nouvelles strates de sens21. »
En réalité la lecture à voix haute, les différents débats interprétatifs, l’utilisation de
l’écriture et du dessin ont permis aux élèves de comprendre l’histoire et même de
l’interpréter. Certes, il reste des différences notables entre les élèves mais après ces
quinze jours de stage, les élèves avaient tous compris les récits mythologiques au moins
dans leur globalité et si ce n’est dans leur finesse. Cependant, la période de quinze jours
est réellement trop courte pour mener à bien ce genre de projets.
21
Catherine Tauveron, op.cit., Hatier, 2002
36
CONCLUSION
Les Métamorphoses : de la lecture vers la littérature
37
De la mise en œuvre à ses apports
L’objectif de ce mémoire était d’expérimenter la mise en œuvre d’un projet
pédagogique s’appuyant sur Les Métamorphoses d’Ovide sur les trois cycles de l’école
primaire ; et ainsi essayer de prouver non seulement la possibilité de cette mise en
œuvre mais aussi son intérêt.
A la lumière des expériences que j’ai pu acquérir en cycles 1 et 2 et au regard des pistes
pédagogiques que j’ai pu préparer pour le cycle 3, il est évident qu’il est possible de
mettre en œuvre un tel enseignement dès la petite section de maternelle et jusqu’au
CM2. Cependant, certaines conditions sont nécessaires pour que cet enseignement soit
mené au mieux. En effet, l’œuvre d’Ovide a beau être d’excellente qualité littéraire et
d’un intérêt indéniable pour le développement de la culture commune, si l’étude de cette
œuvre en classe n’est pas aussi de bonne qualité : elle perd tout son intérêt. Ainsi, le rôle
de l’enseignant est de réfléchir et de préparer en amont ce qu’il va mettre en place en
classe : il doit notamment faire un choix parmi tous les supports que nous offre la
littérature de jeunesse. En effet, il doit faire le choix de la meilleure adaptation de
l’œuvre d’Ovide sans jamais oublier de faire ce choix en prenant en compte l’âge de ces
élèves ainsi que la qualité et l’intérêt de ces adaptations. De plus, Les Métamorphoses
est un texte long et complexe, il est donc plus judicieux de n’en choisir que quelques
extraits, qu’on pense significatifs, adaptés et/ou traités intelligemment; le but étant
d’amener les élèves à entrer plus facilement dans le monde d’Ovide et de leur permettre
d’accéder à une lecture littéraire de cette œuvre sans être perdu par sa complexité.
En analysant cette mise en œuvre et grâce à mes différentes lectures, je me suis rendu
compte des travers dans lesquels l’enseignant peut tomber dans l’étude d’une œuvre
littéraire mais j’ai surtout compris tout ce qu’apporte l’étude d’une œuvre comme Les
Métamorphoses à des enfants de 3 à 12 ans… Apprendre à écouter, à lire et à interpréter
des extraits de cette œuvre. En effet, elle permet la création d’une culture littéraire
commune et donc la possibilité de comprendre des références et des inférences, de faire
des liens entre des textes anciens et contemporains. De plus, elle favorise le
développement du langage et de la capacité imageante notamment par son utilisation
38
des mots pour retranscrire une métamorphose physique mais aussi une métamorphose
psychologique. Enfin, grâce à elle, l’élève peut se construire parce que la mythologie
prend en compte ses inquiétudes ; ainsi la connaissance du monde et la réflexion sur
celui-ci conduisent l’enfant à un retour sur soi.
De Les Métamorphoses aux métamorphoses
Les récits de l’œuvre d’Ovide ont souvent été repris et adaptés en littérature mais aussi
au cinéma, en peinture, en sculpture, … Beaucoup d’œuvres artistiques se sont
emparées de ces histoires. C’est notamment pour cela qu’il est important que les élèves
connaissent le texte source au moins en partie.
Au-delà même de l’œuvre, le mythe de la métamorphose a souvent été repris
notamment dans la littérature (La Métamorphose de Kafka) et plus précisément dans la
littérature de jeunesse. En voici quelques exemples : Alice au pays des merveilles de
Caroll Lewis, La petite sirène d’Andersen, Cendrillon de Perrault, Une histoire à quatre
voix d’Anthony Browne, Les aventures d’une petite bulle rouge d’Iela Mari, Harry
Potter de J. K Rowling, etc. Après avoir pris racine dans la religion et la mythologie, le
thème de la métamorphose s’est donc ensuite élargi dans le genre du conte, du
fantastique et du surnaturel.
Pour conclure…
Le plaisir de lire, de comprendre, d’interpréter des textes aussi anciens que celui de Les
Métamorphoses est donc à développer. L’imaginaire dans lequel nous plonge une telle
œuvre est d’ailleurs une source de plaisir pour tout lecteur auquel on fait découvrir
l’univers d’Ovide.
39
BIBLIOGRAPHIE
Le corpus
Les Métamorphoses, Ovide, folio
Les Métamorphoses d’Ovide, Sara, Circonflexe
Orphée et la morsure du serpent, Yvan Pommaux, l’école des loisirs
Dictionnaires et usuels
•
Poslaniec. C, Pratique de la littérature de jeunesse à l’école : comment
élaborer des activités concrètes, Hachette Education, 2003
•
Boutevin, Richard-Principalli, Dictionnaire de la littérature de jeunesse à
l’usage des professeurs des écoles, Vuibert, 2008
•
Grimal Pierre, Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, PUF, 1951
Articles de revues
•
L’école aujourd'hui n°1 SEPTEMBRE 2009, dossier sur l'aide personnalisée.
•
revue NRP, n°3 NOVEMBRE 2000 et n°5 JANVIER 2004.
•
revue TDC, n°935, MAI 2007 sur le mythe des Atrides.
Ouvrages
•
Boimare Serge, Ces enfants empêchés de penser, Dunod, 2008
•
Fourtanier Marie-José, Les Mythes dans l’enseignement du français, BertrandLacoste, 2000
40
•
Tauveron Catherine, lire la littérature à l’école-Pourquoi et comment
conduire cet apprentissage spécifique ? - De la GS au CM, Hatier, 2002
•
Fourtanier Marie-José, Métamorphoses d’Ovide, collection « Parcours de
lecture », Bertrand-Lacoste, Paris, 1996
•
Dutriaux Rémy, Ferrand Françoise, Lire les textes fondateurs, DelagraveCRDP Midi-Pyrénées, 2001
•
Boimare Serge, L’enfant et la peur d’apprendre, Dunod, 2004
•
Giasson Jocelyne, Les textes littéraires à l’école, De Boeck, 2005
Ressources en ligne
•
3 dossiers sur le site du CRDP de Créteil (http://www.crdp.accréteil.fr/telemaque/comite/) : « contes et mythologie », « mythologie et
intertextualités », et « Les métamorphoses ».
•
Intérêt de l’enseignement du mythe à l’école, G.Thibault, http://recherche.aixmrs.iufm.fr/publ/skhole/pdf/04.HS1.5-10.pdf,
•
Site de l’auteure/illustratrice Sara,
http://universdesara.org/article.php3?id_article=81
•
Site officiel de L’Ecole des Loisirs, www.ecoledesloisirs.com
41
ANNEXES
42
Annexe 1
Essais de définition « mythe »
•
Boutevin, Richard-Principalli, Dictionnaire de la littérature de jeunesse à
l’usage des professeurs des écoles, Vuibert, 2008
43
•
Giasson Jocelyne, Les textes littéraires à l’école, De Boeck, 2005
44
• Tauveron Catherine, lire la littérature à l’école-Pourquoi et comment conduire
cet apprentissage spécifique ? - De la GS au CM, Hatier, 2002
45
Annexe 2
Le texte source dans tous ces états
Le texte latin et sa traduction
La métamorphose de Daphné
1, 452 Primus amor Phoebi Daphne
Le premier amour de Phébus fut
Peneia, quem non
Daphné, fille de Pénée, amour inspiré
fors ignara dedit, sed saeua
non par un sort aveugle, mais par la
Cupidinis ira,
colère du cruel Cupidon.
Delius hunc nuper, uicta serpente Le dieu de Délos, fier de sa récente
superbus,
victoire sur le serpent,
1, 455 uiderat adducto flectentem cornua avait vu Cupidon tendre et resserrer
neruo
les cordes de son arc :
« Quid » que « tibi, lasciue puer, « Que fais-tu, enfant délicat, avec ces
cum fortibus armis ? »
armes puissantes ? » avait-il dit ;
dixerat : « Ista decent umeros
« Cette charge convient à mes
gestamina nostros,
épaules, à moi qui suis capable
qui dare certa ferae, dare uulnera de frapper à coup sûr une bête féroce
possumus hosti,
ou un ennemi ;
46
qui modo pestifero tot iugera
je viens en effet de percer
uentre prementem
d'innombrables traits l'énorme Python
1, 460 strauimus innumeris tumidum
qui de son ventre venimeux pressait
Pythona sagittis.
d'innombrables arpents de terre.
Tu face nescio quos esto
Toi, borne-toi à provoquer avec ta
contentus amores
torche je ne sais quels amours
inritare tua, nec laudes adsere
et ne tire pas à toi des éloges qui me
nostras ! »
reviennent. »
filius huic Veneris : « Figat tuus Le fils de Vénus lui répond : « Ton
omnia, Phoebe,
arc a beau tout transpercer, Phébus,
te meus arcus » ait ; « quantoque mais le mien peut te transpercer, toi ;
animalia cedunt
1, 465 cuncta deo, tanto minor est tua
en gloire je l'emporte sur toi
autant qu'un dieu l'emporte sur tous
gloria nostra. »
les vivants. »
Dixit et eliso percussis aere
Il dit et, fendant l'air du battement de
pennis
ses ailes,
inpiger umbrosa Parnasi constitit se posa sans tarder sur la cime
arce
ombragée du Parnasse.
47
eque sagittifera prompsit duo tela De son carquois plein de flèches, il
pharetra
tira deux traits
diuersorum operum : fugat hoc,
aux effets opposés : l'un chasse
facit illud amorem ;
l'amour, l'autre le fait naître.
1, 470 quod facit, auratum est et cuspide Celui qui le fait naître est doré, muni
fulget acuta,
d'une pointe acérée et brillante ;
quod fugat, obtusum est et habet celui qui le chasse est émoussé et
sub harundine plumbum.
cache du plomb sous son roseau.
Hoc deus in nympha Peneide fixit, C'est le premier que le dieu lança sur
at illo
la nymphe, fille de Pénée ;
laesit Apollineas traiecta per ossa mais, avec l'autre, il blessa Apollon,
medullas ;
perçant ses os jusqu'à la moëlle.
protinus alter amat, fugit altera
Lui aussitôt se met à aimer ; elle, elle
nomen amantis,
fuit jusqu'au nom d'amante.
1, 475 siluarum latebris captiuarumque Retirée dans les cachettes des forêts,
ferarum
en émule de la vierge Phébé,
exuuiis gaudens innuptaeque
elle aimait se parer de peaux de bêtes
aemula Phoebes :
sauvages ;
uitta coercebat positos sine lege un bandeau retenait ses cheveux
48
capillos.
disposés sans ordre.
Multi illam petiere, illa auersata Bien des prétendants l'ont courtisée ;
petentes
mais, sourde à leurs prières,
inpatiens expersque uiri nemora ne supportant pas de connaître un
auia lustrat
époux, elle parcourt les bois profonds,
1, 480 nec, quid Hymen, quid Amor, quid et ne se soucie ni d'Hymen, ni
sint conubia curat.
d'Amour, ni d'union conjugale.
Saepe pater dixit : « generum
Souvent son père lui dit : « Ma fille,
mihi, filia, debes »,
tu dois me donner un gendre ».
saepe pater dixit : « debes mihi,
Souvent son père lui dit : « Mon
nata, nepotes ».
enfant, tu me dois des petits-enfants ».
Illa uelut crimen taedas exosa
Elle, qui détestait les torches nuptiales
iugales
comme une infâmie,
pulchra uerecundo suffuderat ora avait senti son beau visage rougir de
rubore
honte, et, caressante,
49
1, 485 inque patris blandis haerens
posant ses bras autour du cou de son
ceruice lacertis :
père, elle lui dit :
« Da mihi perpetua, genitor
« Accorde-moi, père très aimé, de
carissime, » dixit
jouir à jamais de ma virginité ;
« uirginitate frui ! dedit hoc pater Diane, autrefois, a obtenu cette faveur
ante Dianae ».
de son père. »
Ille quidem obsequitur, sed te
Pénée cède, bien sûr ; mais ton
decor iste quod optas
charme, Daphné, interdit
esse uetat, uotoque tuo tua forma la réalisation de ton souhait et ta
repugnat.
1, 490 Phoebus amat uisaeque cupit
beauté fait obstacle à ton voeu.
Phébus aime et désire s'unir à Daphné
conubia Daphnes,
qu'il a aperçue,
quodque cupit, sperat, suaque
il espère ce qu'il désire, abusé par ses
illum oracula fallunt,
propres oracles.
utque leues stipulae demptis
Comme les chaumes légers brûlent,
adolentur aristis,
une fois les épis coupés,
ut facibus saepes ardent, quas
comme une haie s'embrase sous le feu
forte uiator
qu'un voyageur par mégarde
uel nimis admouit uel iam sub
a placé trop près d'elle ou qu'il a
luce reliquit,
abandonné au lever du jour,
50
1, 495 sic deus in flammas abiit, sic
pectore toto
ainsi le dieu s'est enflammé ;
totalement embrasé,
uritur et sterilem sperando nutrit il espère et entretient dans son coeur
amorem.
un amour stérile.
Spectat inornatos collo pendere
Il regarde les cheveux sans apprêts
capillos
flottants sur la nuque de Daphné
et « quid, si comantur ? » ait.
et dit : « Que serait-ce, s'ils étaient
Videt igne micantes
coiffés ! » Il voit ses yeux
sideribus similes oculos, uidet
étinceler, semblables à des astres, il
oscula, quae non
voit sa bouche mignonne,
1, 500 est uidisse satis ; laudat
digitosque manusque
mais voir ne lui suffit pas ; il louange
ses doigts, ses mains,
bracchiaque et nudos media plus ses poignets et ses bras plus qu'à
parte lacertos ;
moitié dénudés ;
si qua latent, meliora putat. Fugit ce qui est caché, il l'idéalise. Elle
ocior aura
s'enfuit, plus rapide que le vent léger,
51
illa leui neque ad haec reuocantis et ne s'arrête pas malgré les propos de
uerba resistit :
l'amoureux qui la rappelle :
« Nympha, precor, Penei, mane ! « Nymphe, fille de Pénée, je t'en prie,
Non insequor hostis ;
reste ; ce n'est pas un ennemi
1, 505 nympha, mane ! Sic agna lupum, qui te poursuit. Nymphe, attends.
sic cerua leonem,
Ainsi l'agnelle fuit le loup,
sic aquilam penna fugiunt
la biche le lion, ainsi les colombes,
trepidante columbae,
d'une aile tremblante, fuient l'aigle ;
hostes quaeque suos : amor est
chacune a son ennemi. Moi, je te suis
mihi causa sequendi !
par amour. Ô malheur !
Me miserum ! Ne prona cadas
Ne tombe pas tête en avant, que les
indignaue laedi
ronces ne griffent pas des jambes
crura notent sentes et sim tibi
qui ne le méritent pas, je ne veux pas
causa doloris !
être pour toi cause de douleur.
1, 510 Aspera, qua properas, loca sunt : Les endroits où tu passes sont
moderatius, oro,
difficiles ; cours moins vite,
curre fugamque inhibe,
je t'en prie, refrène ta fuite ; moi-
moderatius insequar ipse.
même, je suivrai plus lentement.
Cui placeas, inquire tamen : non Sache pourtant qui tu as séduit ; moi,
52
incola montis,
je ne suis ni un montagnard
non ego sum pastor, non hic
ni un berger, ni un vulgaire gardien de
armenta gregesque
bétail et de moutons.
horridus obseruo. Nescis,
Inconsciente, tu ignores, tu ignores
temeraria, nescis,
qui tu fuis
1, 515 quem fugias, ideoque fugis : mihi et c'est pourquoi tu me fuis. J'ai pour
Delphica tellus
me servir
et Claros et Tenedos Patareaque le pays de Delphes, Claros et
regia seruit ;
Ténédos, et le palais royal de Patara ;
Iuppiter est genitor ; per me, quod Jupiter est mon père ; je révèle
eritque fuitque
l'avenir, le passé et le présent ;
estque, patet ; per me concordant je fais s'accorder les poèmes aux sons
carmina neruis.
de la lyre.
Certa quidem nostra est, nostra
Certes, ma flèche est sûre ; il en est
tamen una sagitta
une pourtant plus sûre encore,
53
1, 520 certior, in uacuo quae uulnera
celle qui a blessé mon coeur resté
pectore fecit !
indemme jusqu'ici.
Inuentum medicina meum est,
Je suis l'inventeur de la médecine et,
opiferque per orbem
dans le monde entier,
dicor, et herbarum subiecta
je suis réputé secourable ; je possède
potentia nobis.
la maîtrise des plantes.
Ei mihi, quod nullis amor est
Hélas pour moi, puisqu'aucune herbe
sanabilis herbis
ne guérit l'amour,
nec prosunt domino, quae prosunt mon art, utile à tous, est inutile à son
omnibus, artes ! »
1, 525 Plura locuturum timido Peneia
maître. »
Il allait parler encore mais, dans une
cursu
course éperdue
fugit cumque ipso uerba
la fille de Pénée a fui et l'a planté là,
inperfecta reliquit,
lui et ses paroles inachevées.
tum quoque uisa decens ;
À ce moment aussi, elle lui parut
nudabant corpora uenti,
belle ; les vents la dénudaient
obuiaque aduersas uibrabant
et, soufflant de face, agitaient les
flamina uestes,
vêtements qui leur résistaient,
et leuis inpulsos retro dabat aura tandis qu'une brise légère gonflait ses
capillos,
cheveux rejetés en arrière.
54
1, 530 auctaque forma fuga est. sed enim La fuite accentuait encore sa beauté.
non sustinet ultra
Mais le jeune dieu, en fait,
perdere blanditias iuuenis deus,
ne supporte pas de se perdre plus
utque monebat
longtemps en propos caressants ;
ipse Amor, admisso sequitur
inspiré par son amour même, d'un pas
uestigia passu.
vif, il suit la nymphe à la trace.
Vt canis in uacuo leporem cum
Ainsi, quand un chien gaulois a vu un
Gallicus aruo
lièvre dans un champ dégagé,
uidit, et hic praedam pedibus
les deux courent, l'un pour saisir sa
petit, ille salutem ;
proie, l'autre pour assurer son salut ;
1, 535 alter inhaesuro similis iam
le premier, sur le point de toucher le
iamque tenere
lièvre, croit déjà le tenir,
sperat et extento stringit uestigia et, museau tendu , il serre de près ses
rostro,
traces ;
alter in ambiguo est, an sit
le lièvre, ne sachant s'il va être pris,
conprensus, et ipsis
s'arrache aux crocs
55
morsibus eripitur tangentiaque
et échappe à la gueule qui le frôle.
ora relinquit :
Ainsi le dieu et la vierge,
sic deus et uirgo est hic spe celer, poussés, l'un par l'espoir, l'autre par la
illa timore.
1, 540 Qui tamen insequitur pennis
crainte, accélèrent l'allure.
Lui cependant, porté par les ailes de
adiutus Amoris,
l'amour, continue sa poursuite ;
ocior est requiemque negat
plus rapide, il renonce au repos,
tergoque fugacis
talonne le dos de la fugitive,
inminet et crinem sparsum
et de son haleine effleure les cheveux
ceruicibus adflat.
épars sur sa nuque.
Viribus absumptis expalluit illa
Elle est à bout de forces, livide et,
citaeque
dans sa fuite éperdue,
uicta labore fugae spectans
vaincue par l'effort, elle dit en
Peneidas undas :
regardant les eaux du Pénée :
1, 545 « Fer, pater, inquit, opem ! Si
« Ô père, aide-moi, si vous les
flumina numen habetis,
fleuves, avez un pouvoir divin ;
[...]
[...]
qua nimium placui, mutando
en me transformant, détruis la beauté
1, 546
1, 547
56
perde figuram ! ».
qui m'a faite trop séduisante. »
Vix prece finita torpor grauis
La prière à peine finie, une lourde
occupat artus,
torpeur saisit ses membres,
mollia cinguntur tenui praecordia sa poitrine délicate s'entoure d'une
libro,
1, 550 in frondem crines, in ramos
écorce ténue,
ses cheveux poussent en feuillage, ses
bracchia crescunt,
bras en branches,
pes modo tam uelox pigris
des racines immobiles collent au sol
radicibus haeret,
son pied, naguère si agile,
ora cacumen habet : remanet
une cime d'arbre lui sert de tête ; ne
nitor unus in illa.
subsiste que son seul éclat.
Hanc quoque Phoebus amat
Phébus l'aime toujours et, lorsqu'il
positaque in stipite dextra
pose la main sur son tronc,
sentit adhuc trepidare nouo sub
il sent encore battre un coeur sous une
cortice pectus
nouvelle écorce ;
57
1, 555 conplexusque suis ramos ut
serrant dans ses bras les branches,
membra lacertis
comme des membres,
oscula dat ligno ; refugit tamen
il couvre le bois de baisers ; mais le
oscula lignum.
bois refuse les baisers.
Cui deus : « At, quoniam coniunx Le dieu lui dit : « Eh bien, puisque tu
mea non potes esse,
ne peux être mon épouse,
arbor eris certe » dixit « mea !
au moins tu seras mon arbre ;
Semper habebunt
toujours, tu serviras d'ornement,
te coma, te citharae, te nostrae,
ô laurier, à mes cheveux, à mes
laure, pharetrae ;
cithares, à mes carquois.
1, 560 tu ducibus Latiis aderis, cum laetaTu accompagneras les généraux du
Triumphum
Latium, quand une voix joyeuse
uox canet et uisent longas
chantera leur triomphe, quand le
Capitolia pompas ;
Capitole verra leurs longs cortèges.
postibus Augustis eadem fidissima Tu te dresseras aussi, gardien fidèle, à
custos
l'entrée du palais d'Auguste,
ante fores stabis mediamque
protégeant le portail orné en son
tuebere quercum,
milieu d'une couronne de chêne.
utque meum intonsis caput est
De même que ma tête reste jeune avec
iuuenale capillis,
sa chevelure intacte,
58
1, 565 tu quoque perpetuos semper gere toi aussi, laurier, porte comme un
frondis honores ! »
honneur un feuillage toujours vert. »
Finierat Paean : factis modo
Péan en avait terminé ; le laurier
laurea ramis
approuva de ses branches
adnuit utque caput uisa est
à peine formées et on le vit agiter sa
agitasse cacumen.
cime comme un signe de tête.
Orphée et Eurydice
10, Inde per inmensum croceo uelatus S'éloignant de là, enveloppé d'un voile
1
amictu
couleur de safran,
aethera digreditur Ciconumque
Hyménée traverse l'immense éther et
Hymenaeus ad oras
gagne les rives des Cicones,
tendit et Orphea nequiquam uoce tandis que l'appelle, bien inutilement, la
uocatur.
voix d'Orphée.
Adfuit ille quidem, sed nec
Il y est venu, sans doute, mais sans y
sollemnia uerba
apporter
59
10, nec laetos uultus nec felix attulit
formules solennelles, visage réjoui ou
5
omen.
présage heureux.
Fax quoque, quam tenuit,
Et même la torche qu'il tenait ne cessa
lacrimoso stridula fumo
de grésiller et de fumer
usque fuit nullosque inuenit
à tirer des larmes : il l'agitait sans en
motibus ignes.
faire jaillir aucune flamme.
Exitus auspicio grauior ; nam
La suite du présage fut pire ; en effet,
nupta per herbas
tandis que dans l'herbe
dum noua Naiadum turba
se promène la jeune épousée avec son
comitata uagatur,
escorte de Naïades,
10, occidit in talum serpentis dente
elle meurt, mordue au talon par la dent
10 recepto.
d'un serpent.
Quam satis ad superas postquam Le poète du Rhodope, après l'avoir
Rhodopeius auras
beaucoup pleurée ici-bas,
defleuit uates, ne non temptaret et n'hésita même pas à aller explorer le
umbras,
monde des Ombres,
ad Styga Taenaria est ausus
et osa descendre vers le Styx par la
descendere porta ;
porte du Ténare.
perque leues populos
Traversant foules inconsistantes et
simulacraque functa sepulcro
fantômes honorés de sépulture,
60
10, Persephonen adiit inamoenaque
il rejoint Perséphone et le maître du
15 regna tenentem
lugubre royaume des Ombres.
umbrarum dominum pulsisque ad Alors, accompagnant son chant des
carmina neruis
accords de sa lyre, il dit ainsi :
sic ait : « O positi sub terra
« Ô puissances divines du monde
numina mundi,
placé sous la terre,
in quem reccidimus, quicquid
où tous nous retombons, mortelles
mortale creamur ;
créatures que nous sommes ;
si licet et falsi positis ambagibus si je puis négliger les détours d'un
oris
discours hypocrite,
10, uera loqui sinitis, non huc, ut
si vous me permettez de parler vrai, je
20 opaca uiderem
ne suis pas descendu ici
Tartara, descendi, nec uti uillosa pour visiter l'obscur Tartare ni pour
colubris
enchaîner le monstre
terna Medusaei uincirem guttura de la race de Méduse, avec sa triple
monstri ;
gorge hérissée de serpents ;
causa uiae est coniunx, in quam
la raison de ma venue, c'est ma
61
calcata uenenum
femme : elle a mis le pied
uipera diffudit crescentesque
sur une vipère qui lui a insufflé son
abstulit annos.
venin, la privant de sa jeunesse.
10, Posse pati uolui nec me temptasse J'ai cru pouvoir supporter ce deuil, j'ai
25 negabo ;
essayé, je ne le nierai pas,
uicit Amor. Supera deus hic bene mais l'Amour l'a emporté. Il est un dieu
notus in ora est ;
bien connu, là haut, sur terre.
an sit et hic, dubito ; sed et hic
L'est-il aussi ici ? Je ne sais ; pourtant,
tamen auguror esse ;
je présume qu'il l'est ici aussi.
famaque si ueteris non est mentita Si le récit d'un rapt ancien n'est pas une
rapinae,
fable mensongère,
uos quoque iunxit Amor. Per ego vous aussi, l'Amour vous a unis. Par
haec loca plena timoris,
ces lieux d'épouvante,
10, per Chaos hoc ingens uastique
par cet immense Chaos et ce vaste
30 silentia regni,
royaume du silence, je vous en prie,
Eurydices, oro, properata retexite tissez un nouveau destin à Eurydice,
fata.
qui connut une fin prématurée.
Omnia debentur uobis paulumque Tout doit vous revenir, et même si nous
morati
nous attardons un peu,
serius aut citius sedem
plus tard ou plus tôt, nous nous hâtons
62
properamus ad unam.
vers cet unique séjour.
Tendimus huc omnes, haec est
C'est ici que tous nous tendons, c'est ici
domus ultima, uosque
notre dernière demeure,
10, humani generis longissima regna et vous détenez bien la souveraineté la
35 tenetis.
plus longue sur le genre humain.
Haec quoque, cum iustos matura Elle aussi, lorsque elle aura vieilli et
peregerit annos,
vécu un juste nombre d'années,
iuris erit uestri ; pro munere
elle sera sous vos lois ; je ne réclame
poscimus usum.
pas un don, mais un usufruit.
Quod si fata negant ueniam pro
Si les destins refusent cette faveur à
coniuge, certum est
mon épouse, je ne veux pas,
nolle redire mihi ; leto gaudete
c'est certain, m'en retourner ; jouissez
duorum. »
de notre mort à tous deux. »
10, Talia dicentem neruosque ad
Tandis qu'il parlait, s'accompagnant des
40 uerba mouentem
accords de sa lyre,
exsangues flebant animae ; nec
il arrachait des larmes aux âmes
Tantalus undam
exsangues ; Tantale cessa
captauit refugam stupuitque
de saisir l'onde toujours fuyante et la
Ixionis orbis,
roue d'Ixion s'immobilisa,
63
nec carpsere iecur uolucres
les vautours ne rongèrent plus leur foie,
urnisque uacarunt
les Bélides laissèrent
Belides inque tuo sedisti, Sisyphe, leurs urnes, et toi, Sisyphe, tu t'assis sur
saxo.
ton rocher.
10, Tunc primum lacrimis uictarum
Ce fut la première fois, dit la tradition,
45 carmine fama est
que se mouillèrent de larmes
Eumenidum maduisse genas, nec les joues des Euménides, vaincues par
regia coniunx
son chant ; l'épouse du roi,
sustinet oranti nec, qui regit ima, ni non plus le roi des Enfers, n'ont le
negare,
coeur de repousser sa prière.
Eurydicenque uocant ; umbras
Ils appellent Eurydice. Elle se trouvait
erat illa recentes
parmi les Ombres arrivées
inter et incessit passu de uulnere récemment, et elle s'avança d'un pas
tardo.
ralenti par sa blessure.
10, Hanc simul et legem Rhodopeius Le héros du Rhodope obtient de la
50 accipit heros,
reprendre, à une condition :
ne flectat retro sua lumina, donec celle de ne pas tourner ses regards en
Auernas
arrière, avant d'être sorti
exierit ualles ; aut inrita dona
des vallées de l'Averne ; sinon, la
futura.
faveur sera annulée.
64
Carpitur accliuis per muta silentia Dans un silence total, ils s'engagent sur
trames,
un sentier en pente,
arduus, obscurus, caligine densus abrupt, obscur, plongé dans un
opaca.
brouillard dense et opaque.
10, Nec procul afuerant telluris
Ils étaient tout près d'aborder la surface
55 margine summae ;
de la terre.
hic, ne deficeret, metuens
Orphée eut peur qu'Eurydice ne
auidusque uidendi
l'abandonnât et, avide de la voir,
flexit amans oculos et protinus illa amoureux, il tourna les yeux. Aussitôt
relapsa est ;
elle tomba en arrière,
bracchiaque intendens prendique tendant les bras, luttant pour être saisie
et prendere certans,
et pour le saisir,
nil nisi cedentes infelix arripit
mais la malheureuse n'attrape que l'air
auras.
qui se dérobe.
10, Iamque iterum moriens non est de Et, mourant à nouveau, elle ne reprocha
60 coniuge quicquam
rien à son époux
questa suo (quid enim nisi se
– de quoi d'ailleurs se serait-elle
quereretur amatam ?)
plainte, sinon d'avoir été aimée ?
supremumque « uale », quod iam Elle lui fit un suprême « adieu », qu'il
uix auribus ille
n'entendrait plus qu'à peine,
65
acciperet, dixit, reuolutaque
puis elle retourna sur ses pas à l'endroit
rursus eodem est.
d'où elle venait.
La traduction des métamorphoses de Daphné et Orphé par Georges Lafaye
Daphné
66
67
68
69
Orphée et Eurydice
70
71
La traduction et l’adaptation dans l’album de Sara
72
73
74
Annexe 3
Les Métamorphoses dans la littérature de jeunesse
Daphné, la fille du Fleuve (extrait de Les Métamorphoses d’Ovide de Sara)
75
Thésée, Comment naissent les légendes, Yvan Pommaux
Orphée et la morsure du serpent, Yvan Pommaux
76
Œdipe, l’enfant trouvé, Yvan Pommaux
77
L’extraordinaire aventure d’Alcibiade Didascaux : La Grèce, langue et civilisation
d’alpha à oméga, scénario : Clanet/Clapat, illustrations : Clapat, Athéna éditions
78
Annexe 4
La mise en œuvre
Cycle 1 :
• Les séances en EPS
C
ESPACE CHENILLE :
O
ESPACE PAPILLON :
C
Les enfants rampent
O
Les enfants « volent »
N
S
Les cercles avec le mot « cocon » représentent des cerceaux : les élève deviaent y entrer
et se mette en boule tel un cocon.
79
Les élèves représentaient Daphné par trois et un élève représentait Phébus qui
poursuivait la belle nymphe. Le rythme de course était donné par un tambourin : plus le
rythme ralentissait plus les élèves devaient ralentir jusqu’à la métamorphose complète
en arbre.
Les cercles représentent des cerceaux, c’était un repère pour les élèves : ils devaient s’y
arrêter lorsque le tambourin s’arrêtait.
• Les séances en arts visuels (photos) : la petite bulle rouge, bleue, jaune, … s’est
métamorphosée
La petite bulle rouge s’est métamorphosée en bonhomme puis en sous marin…
Cycle 2 :
• Quelques exemples de dessins d’élèves
80
81
82
83
84
85
• Les descriptions de Daphné des élèves
Alexandre C : elle a des cheveux bouclés et son pull est rose son pantalon bleu et des
yeux verts
Julia : elle a les cheveux beiges la couleur du visage est rouge elle a les yeux beiges.
Alexandre D : elle a des cheveux blonds les pieds beiges les bras beiges.
Mélina : Daphnée a des cheveux blonds et des cheveux grands.
Mila : elle a les cheveux noirs, les yeux marrons, les mains beiges.
Tilia : elle a des yeux bleus. La peau blanche. Des cheveux noirs pas très longs un peu
bouclés. En taille elle est moyenne. Elle est habillée en noir.
Cheyenne : les cheveux sont noirs, les yeux sont marrons et elle est petite.
Matis : elle a le cheveu noir et elle a les yeux noirs gros. Elle est petite, elle a la peau
blanche. Elle a le manteau cuir.
Zoé : elle a les cheveux blonds et elle a les yeux bleus.
Lexane : Daphnée court. Elle a les cheveux blonds, les yeux bleus, la peau rose, robe
jaune
Manon : elle est grande elle a les cheveux blonds les yeux bleus
Lucie : elle a les cheveux blonds. Elle est grande. Elle a les yeux bleus. Elle a une robe
blanche.
Solenne : elle a les cheveux blonds et le corps blanc elle a les yeux marrons et elle a une
jupe.
Mathis : elle a les cheveux blonds elle a les yeux bleus elle est petite elle a une jupe.
86
RESUME
J’ai osé rêver que Les Métamorphoses d’Ovide étaient un texte possible à enseigner dès
la Petite Section de maternelle et jusqu’au CM2 et qu’il y avait un intérêt à le faire.
Cette œuvre souvent étudiée en collège n’est pas l’œuvre favorite des enseignants de
l’école primaire : trop complexe, trop longue. Pourtant, j’ai essayé de tenir ce pari un
peu fou. Fou pas tant que ça, j’ai mené un travail réfléchi afin d’essayer de prouver que
c’était possible. Et effectivement c’est, selon moi, possible, on peut même en retirer un
intérêt mais sous certaines conditions…