la situation politique au cachemire

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la situation politique au cachemire
ETUDE
Département thématique
Politiques externes
LA SITUATION POLITIQUE AU CACHEMIRE
AFFAIRES ETRANGERES
Mars 2005
FR
Direction Générale pour les Politiques Externes de l'Union
Direction pour des Délégations Interparlementaires et Département Thématique
Département Thématique Relations Extérieures
TITRE
LA SITUATION POLITIQUE AU CACHEMIRE
Résumé:
La crise du Cachemire, ouverte dès les lendemains de la partition qui fit naître Inde et
Pakistan en 1947, reste le point de friction majeur entre les deux pays. En 1989, l'insurrection
de jeunes cachemiris contre la présence indienne au Jammu et Cachemire fut aussitôt
appuyée par le Pakistan, qui y infiltra bientôt des combattants du jihad, sans pour autant
déloger les forces indiennes. Les changements structurels récents (nucléarisation des deux
pays en 1998, effets régionaux du 11 septembre et montée en puissance de l'Inde) amenèrent
finalement les deux pays à calmer le jeu, après deux périodes de graves tensions, en 1999 et
en 2002.
Les positions rigides d'autrefois évoluent. Le général Musharraf, et une partie des
séparatistes de la Conférence Hurriyat, abandonnent désormais les résolutions de l'ONU qui
préconisaient un référendum, sans pour autant accepter la logique du statu quo, que l'Inde
accepterait. Les hypothèses de découpages régionaux créant, de part et d'autre de la ligne de
contrôle, des entités politiques spécifiques ne seront pas acceptées par New Delhi, récusant
toute nouvelle partition du territoire. Mais à défaut, l'ouverture de liaisons entre les deux
Cachemires prend corps. Le dialogue "composite" entamé par l'Inde et le Pakistan en 2004
n'est donc pas sans effet, sans qu'on puisse envisager une solution de jure à court terme. En
revanche, Indiens, Pakistanais et Cachemiris pourraient, non sans ambiguïtés et non sans
soupçons, avancer vers une stabilisation de facto de la région, si l'Inde assouplissait sa gestion
du Cachemire, et si le Pakistan confirmait un début de changement de paradigme régional.
Dans ce contexte, l'Union européenne peut encourager les dialogues croisés entre
Inde et Pakistan et entre Cachemiris, en offrant son expérience de gestion des conflits et de
frontières ouvertes, et en proposant de nouvelles coopérations économiques bénéficiant au
Cachemire indien comme au Cachemire pakistanais, après le séisme d'octobre 2005. Sur le
plan diplomatique, des convergences avec les autres grands acteurs — Etats-Unis au premier
chef, Chine et Russie—, pourraient, avec la souplesse requise, conforter les deux adversaires
dans la voie de nouvelles flexibilités permettant de sortir le Cachemire d'un long cycle de
violences meurtrières, au bénéfice des Cachemiris eux-mêmes, et de toute la région.
EXPO/B/AFET/2005/38/01010
PE 381.390
March 2005
FR
Cette étude a été demandée par la commission Affaires étrangères du Parlement européen.
Cette étude est publiée Dans les langues suivantes : FR
Auteur:
Administrateur responsable:
Editeur
Jean-Luc RACINE
Directeur de recherche au CNRS
Centre d'Etudes de l'Inde et de l'Asie du Sud,
Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris
M. Xavier NUTTIN
Parlement européen
Direction générale pour les Politiques externes de l'Union
Département thématique
ATR 09K 050
rue Wiertz
B-1047 Brussels
E-mail: [email protected]
Manuscrit complété le 10 mars 2006.
Cette étude est disponible sur internet
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veuillez vous adresser par e-mail au secrétariat pour obtenir une copie:
[email protected]
Bruxelles: Parlement européen, mars2006.
D'éventuelles opinions exprimées sont celles de l'auteur et ne reflètent pas nécessairement la
position officielle du Parlement européen.
© Communautées Européennes, 2006.
La reproduction et la traduction à des fins non commerciales sont autorisées, moyennant la
mention de la source et à condition notifier au préalable l'éditeur et d'envoyer au préalable une
copie de la publication à l'éditeur.
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PLAN
INTRODUCTION .................................................................................................. 4
I. LE CONTEXTE HISTORIQUE
1. Un héritage de guerres et de tensions : 1947-1989 ................................. 4
2. L'insurrection de 1989 et ses suites: identités, jihad et sale guerre ........ 5
II. LES POSITIONS DES DEUX CAMPS ........................................................... 6
III. LES CHANGEMENTS STRUCTURELS DEPUIS 1998 ............................... 7
IV. LE DIALOGUE EN COURS. NEGOCIATIONS ET NOUVEAUX DISCOURS
1. Procédures, avancées, ambiguïtés .......................................................... 8
2. Les propositions pakistanaises ............................................................... 9
3. Les positions de la Conférence Hurriyat (APHC) ................................ 11
4. Les inflexions indiennes ....................................................................... 11
5. Le difficile dialogue entre les séparatistes et New Delhi, et entre
Cachemiris ................................................................................................ 12
6. Les conséquences du séisme d'octobre 2005 ....................................... 14
V. HYPOTHESES ET SCENARIOS
1. La capacité du Pakistan à changer de paradigme ................................. 14
2. Les possibles concessions indiennes .................................................... 15
3. L'évolution des Cachemiris .................................................................. 15
4. Le contexte international ...................................................................... 15
5. Trois scénarios ...................................................................................... 16
a)-La rechute dans la tension indo-pakistanaise ........................... 16
b)- Une solution de jure ................................................................ 16
c)- Une stabilisation de facto ........................................................ 16
VI. QUEL ROLE POUR L'UNION EUROPEENNE ? ....................................... 16
1. Les grands acteurs internationaux : Etats-Unis et Chine ...................... 17
2. Le Parlement européen et le Cachemire ............................................... 17
3. L'Europe et la résolution des conflits .................................................... 18
4. Nourrir la réflexion, faciliter le dialogue .............................................. 18
5. Dans le domaine économique et social : coopération et prospective ... 18
6. Dans le domaine diplomatique ............................................................. 19
ANNEXES
1. Bibliographie ......................................................................................... 20
2. Population et religions .......................................................................... 21
3. Partis et mouvements politiques............................................................ 22
4. Les avancées du dialogue indo-pakistanais .......................................... 28
5. Cartographie ......................................................................................... 30
3
INTRODUCTION
Née dès les lendemains de la sanglante partition de l'Empire des Indes, la question du
Cachemire est un sujet si sensible et si complexe qu'il ne peut être abordé par une instance
politique, parlementaire ou exécutive, qu'avec les plus grandes précautions. D'un côté, une
bataille de principes : le droit à l'autodétermination contre l'intégrité nationale; la dénonciation
des violations des droits de l'homme, ou celle du terrorisme; des conceptions opposées de la
nation: multiculturelle en Inde, religieuse au Pakistan. De l'autre côté, la réalité plus obscure des
convictions et des passions, mais aussi des ambiguïtés, des tactiques et des manipulations.
A l'arrière-plan, de grands enjeux : l'Inde émergente, le Pakistan tournant peut-être la
page de vingt-cinq ans d'instrumentalisation de l'Islam combattant. A l'horizon, la Chine, les
Etats-Unis, la prolifération nucléaire, les ramifications internationales de réseaux terroristes. Le
bilan humain est lourd : 40 000 morts au moins, en quinze ans d'insurrection, de répression,
d'attentats, d'assassinats, de disparitions. L'aspiration à la paix dans la justice et profonde, mais
les Cachemiris sont divisés entre indépendantistes, islamistes ou non, pro-pakistanais, proindiens. L'échiquier religieux est complexe : sunnites, chiites, hindous, bouddhistes. La mosaïque
linguistique l'est tout autant, dans ce milieu himalayen compartimenté.
Au nord de la Ligne de contrôle s'étendent les Territoires du Nord et l'Azad Cachemire,
pakistanais. Au sud, la vallée de Srinagar, le cœur de l'insurrection, ainsi que le Jammu et le
Ladakh, indiens. Au-delà de l'Himalaya: les terres sous contrôle chinois: la vallée de la
Shaksgam et l'Aksai Chin : quasi vides, mais stratégiques, entre Tibet et Sinkiang. Au total, un
territoire contesté de 222 000 km2 et près de 15 millions d'habitants (deux tiers de l'Allemagne
en superficie, presque les Pays-Bas en population) vivant au point de contact des trois pays
nucléarisés d'Asie, dans un héritage de guerres, de tensions, de méfiance et de rancoeurs
accumulées. Le dialogue aujourd'hui engagé entre Islamabad et Delhi n'est pas le premier, mais il
se déploie dans un nouvel environnement régional et global, auquel n'échappe pas les
dynamiques internes du Cachemire lui-même. Les avancées sont lentes, mais prometteuses. Les
soupçons planent toutefois, dans chaque camp.
Un rappel historique, l'exposé des positions des deux camps, l'évocation des récents
changements structurels et l'analyse du dialogue en cours nourriront ici hypothèses et scénarios,
avant d'évoquer un possible rôle pour l'Union Européenne.
I. LE CONTEXTE HISTORIQUE
1. Un héritage de guerres et de tensions : 1947-1989
L'image dominant l'histoire du Cachemire contemporain est celle d'un territoire contesté,
marqué par des tensions récurrentes et des guerres multiples: 1947-48, 1965, 1971, 1999. En
1947, des mouvements cachemiris s'opposent au maharaja qui les gouverne, sans partager les
mêmes objectifs. La "Conférence musulmane", pro-pakistanaise, lance la révolte, qu'appuient
très vite des francs-tireurs venus du Pakistan, encadrés par des officiers pakistanais. Le maharaja
en appelle à l'Inde, qu'il décide de rallier. Cette accession à l'Inde est censée préserver une très
grande autonomie au Cachemire, et doit être entérinée par référendum. Les troupes pakistanaises
entrent en action. Sous l'égide de l'ONU, qui a renvoyé dos à dos les deux parties, une ligne de
cessez-le feu tranche le Cachemire à compter du 1er janvier 1949. Des résolutions de l'ONU
(1948, 1949, 1957) appellent au référendum, après retrait préalable des forces engagées.
A Srinagar, la "Conférence nationale" de Sheikh Abdullah arrive au pouvoir en 1949,
avec l'appui de Delhi. Mais ses appels à l'autonomie sont jugés ambigus. Abdullah sera
longtemps emprisonné, tandis que l'Inde rogne peu à peu l'autonomie promise. L'assemblée du
Jammu et Cachemire confirme le rattachement à l'Inde (1954) puis adopte une Constitution
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spécifique pour le Jammu et Cachemire, "partie intégrante de l'Inde" (1957). Sheikh Abdullah
entérina cette évolution en 1975 en revenant au pouvoir. Côté pakistanais, le Cachemire est
défini comme "territoire contesté". Il n'est pas officiellement intégré au pays. Le bastion de la
"Conférence musulmane", près de Muzzafarabad, devient l'Azad Cachemire, le Cachemire libre,
avec Président, Premier ministre et Assemblée, mais sans souveraineté. En réalité, Islamabad
contrôle tout, comme elle contrôle les Territoires du Nord, sous administration directe, sans
assemblée. En 1957, la Chine a discrètement mis la main sur l'Aksai Chin, au-delà de
l'Himalaya. En 1963 le Pakistan lui a cédé la vallée transhimalayenne de la Sashgam.
Le Cachemire maximal hérité du maharaja est donc divisé entre Inde, Pakistan et Chine.
Mais il est aussi très divers sur le plan linguistique, le cachemiri (38% du total) n'étant langue
majoritaire que dans la vallée de Srinagar et sur ses marges. Les musulmans, sunnites et chiites
comptent pour 99% dans la zone pakistanaise. En 1981 ils comptaient pour 68% dans la zone
indienne (95% dans la vallée de Srinagar) avec des régions où dominent les hindous ( 66 % au
Jammu) et les bouddhistes (51% au Ladakh). Les guerres de 1965 (lancée par le Pakistan) et de
1971 (contrecoup de la guerre de sécession du Bangladesh, aidée par l'Inde) ne modifièrent pas
sensiblement le partage du territoire. Mais par l'accord de Shimla, en 1972, Inde et Pakistan
affirmaient que "les deux pays ont résolu de régler leurs différends de façon pacifique, par des
négociations bilatérales ou par d'autres moyens pacifiques définis d'un commun accord", la
Ligne de contrôle devant "être respectée par les deux parties, sans préjudice de leur position
respective".
La question du Cachemire ne résulte pas seulement d'une compétition portant sur des
terres d'importance stratégique (ressources en eaux de l'Indus, route vers la Chine). Sont aussi en
cause deux conceptions opposées de la nation, formulées à la veille de l'indépendance: un
Pakistan, terre musulmane fondée sur l'identité religieuse, face à une Inde multiculturelle,
prônant "l'unité dans la diversité". Plus tard, les crises auraient peut-être été évitées si l'Inde avait
su s'attacher les Cachemiris sous son contrôle. Ce ne fut pas le cas: elle abandonna l'idée du
référendum, rogna l'autonomie. Nombre de Cachemiris déplorèrent la manipulation de la vie
politique locale par New Delhi (on pourrait dire de même côté pakistanais). La fraude aux
élections de 1987, au détriment du nouveau Front Musulman Uni, accrut les frustrations. Fin
1989 la révolte éclatait à Srinagar.
2. L'insurrection de 1989 et ses suites: identités, jihad et sale guerre
A partir de 1990, les excès des forces de répression indienne (400 000 hommes?) opérant
sous la protection de lois d'exception aidèrent en fait l'insurrection cachemirie à s'étendre. Le
Pakistan fournit très vite aux jeunes Cachemiris passant la Ligne de contrôle un soutien actif,
dans des camps établis en Azad Cachemire. Pour contrebalancer les indépendantistes du Front de
Libération du Jammu et Cachemire (JKLF), Islamabad renforça son appui au Hizbul Mujahideen
pro-pakistanais. En 1993, le Pakistan appuya en sous-main la création, à Srinagar, de la All Party
Hurriyat Conference (APHC), regroupement de partis et de mouvements sociaux séparatistes. En
parallèle, Islamabad et ses services secrets (l'ISI) formaient et infiltraient au Cachemire des
combattants, pakistanais pour l'essentiel, menant le jihad contre l'Inde. Parmi eux deux groupes
phares: les Lakshar e Taiba et l'Harkat ul Ansar, transformé en Jaish e Mohammad en 2000. Ces
forces n'avaient plus pour philosophie la "kashmiriyat" traditionnelle. Elles étaient liées à de
complexes réseaux de groupes radicaux armés, jihadis au Cachemire, extrémistes sunnites antishiites au Pakistan. Certains combattants étaient passés par des camps d'entraînement des
Talibans, en Afghanistan, où Osama ben Laden était revenu en 1996. En quinze ans
d'insurrection et de répression, on dénombrait au Cachemire 40 000 morts (certains disent 75
000), victimes, comme tant d'autres survivants, de la guerre asymétrique et de ses dommages
collatéraux, des attaques terroristes contre les civils, des assassinats ciblés, des opérations
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militaires, des ratissages urbains ("cordon and search operations"), des disparitions après
arrestations, des morts en détention.
Après six ans d'administration directe (1990-96), la crise persista sous un nouveau
gouvernement élu, dirigé par Farooq Abdullah, leader de la National Conference. A New Delhi,
les gouvernements successifs —dont le Bharatiya Janata Party (BJP), bras politique du
nationalisme hindou— ne purent ni vaincre l'insurrection, ni négocier avec les séparatistes (une
tentative avorta rapidement en 2000). Pour autant, la politique pakistanaise de "saigner l'Inde"
par insurgés interposés pesait sur les Cachemiris, sans réussir à changer leur statut. En outre,
l'instrumentalisation de l'islam radical par les services secrets de l'ISI, en Afghanistan et au
Cachemire, devenait risquée pour le Pakistan lui-même.
II. LES POSITIONS DES DEUX CAMPS
A la fin des années 40, le Pakistan définit le Cachemire, en majorité musulman mais
rattaché à l'Inde par son maharaja hindou, comme étant "l'agenda inachevé de la partition" . La
construction nationale pakistanaise est donc mise en avant plus que les attentes des Cachemiris,
qui sont supposés, en tant que musulmans, vouloir être pakistanais. Le Jammu et Cachemire est
"occupé par l'Inde", l'ensemble du Cachemire étant "territoire contesté". De cette notion résulte
le statut d'attente des Territoires du nord et celui de l'Azad Cachemire, en réalité entièrement
dans la main d'Islamabad. Le Pakistan ne se prononce pas sur l'Aksai Chin tenu par Pékin.
Dans une deuxième phase, les autorités pakistanaises ont plutôt mis en avant "le droit
inaliénable des Cachemiris à l'autodétermination", énoncé par les résolutions des Nations Unies.
Ce discours est encore entendu aujourd'hui, alors même qu'à la fin des années 90 une troisième
formule se fait jour : la solution au problème du Cachemire doit se faire "selon les vœux des
Cachemiris", sans toujours mentionner un référendum. Les positions officielles pakistanaises
ont donc varié au fil de l'histoire, usant tour à tour d'interprétations juridiques, de grands
principes, ou de la mise avant des Cachemiris, mais elle ont toujours contesté le statu quo.
Les thèses indiennes, à l'opposé, affirment la validité de l'accession du Cachemire à
l'Inde, au terme des règles régissant le statut spécifique des Etats princiers à l'heure de la
Partition. D'où une position officielle maximaliste : tout le Cachemire est indien, y compris les
terres "occupées par le Pakistan" et celles "occupées par la Chine". Le référendum promis n'a pu
avoir lieu (le Pakistan n'ayant pas retiré ses troupes), mais les résolutions de l'Assemblée du
Jammu et Cachemire ont confirmé, au suffrage indirect, le rattachement à l'Inde. En fait, l'Inde
s'accommoderait de l'officialisation du statu quo, transformant la Ligne de contrôle en frontière,
qui pourrait être ouverte. Le contentieux frontalier avec la Chine est par ailleurs négocié avec
Pékin. A en croire la thèse indienne, l'insurrection au Cachemire, lancée par "des jeunes gens
égarés", ne se prolonge qu'avec l'appui du Pakistan, et les combattants jihadis qu'il infiltre côté
indien : à la fin des années 1990, Delhi parle de "guerre par procuration" (proxy war) menée par
Islamabad et de "terrorisme transfrontalier" (transborder terrorism). Le Pakistan parle de
"combattants de la liberté" (freedom fighters) indigènes et voit dans la répression indienne un
"terrorisme d'Etat".
La guerre des argumentaires et le rappel récurrent des vilenies de l'autre camp ne
sauraient masquer les failles des deux thèses en jeu. La faiblesse indienne s'exprime dans
l'insurrection même, et dans la frustration manifeste des Cachemiris, qui ne sont pas simplement
manipulés par le Pakistan. Mais si l'Inde n'arrive pas à régler la crise, elle peut en revanche tenir
bon sur le terrain le temps qu'il faudra. Tâche sur la démocratie indienne, le Cachemire ne peut
pour autant effacer, à l'échelle nationale, les succès et la stabilité d'un véritable régime
parlementaire d'une ampleur inégalée. La puissance émergente de l'économie indienne ajoute à
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son image. La communauté internationale, qui plus est, se satisferait du statu quo territorial
souhaité par l'Inde, sous réserve d'une meilleure gouvernance.
Côté pakistanais, l'appel aux grands principes ne saurait masquer une stratégie récurrente
d'intervention violente toujours niée (dès 1947, et a fortiori à compter de 1990). Le double jeu de
1999 (accord politique de Lahore avec l'Inde, suivi de la "guerre de Kargil") menant au coup
d'état qui porte le général Musharraf au pouvoir, et l'instrumentalisation tous azimuts
(Afghanistan et Cachemire) de l'islamisme armé ternissent l'image du pays. Le Pakistan de l'an
2000, habitué aux régimes militaires, apparaît comme un pays déstabilisateur, où nucléaire et
culture du jihad coexistent. Mais ce facteur est aussi une force : nul ne souhaite voir le chaudron
pakistanais s'enferrer dans une impasse dangereuse. Le général Musharraf saura bientôt en tirer
parti.
III. LES CHANGEMENTS STRUCTURELS DEPUIS 1998
Trois paramètres ont profondément transformé la crise du Cachemire en quelques années.
En premier lieu, les essais nucléaires conduits par l'Inde et le Pakistan en mai 1998 contribuèrent
à internationaliser la question du Cachemire, ce que l'Inde a toujours voulu éviter depuis les
années 50. Mais cette internationalisation joua contre le Pakistan, quand Washington, avec
l'accord silencieux de Pékin, contraignit Islamabad à retirer ses forces infiltrées, au-delà de la
Ligne de contrôle, sur les hauteurs de Kargil (1999). La tentation de la guerre limitée ouverte
sous parapluie nucléaire paraissait trop risquée dans un tel contexte. En 2002, après l'attaque
terroriste contre le Parlement indien, New Delhi mobilisa massivement ses troupes sur la
frontière du Pakistan, qui mobilisa à son tour. Le face à face dura dix mois, sans que l'armée
indienne passe à l'action, pour les mêmes raisons : le seuil menant à la dérive nucléaire est trop
incertain.
Second changement : les marges de manœuvre du Pakistan se rétrécirent
considérablement après le 11 septembre et le lancement, en Afghanistan, de la "guerre contre le
terrorisme". L'aventurisme transfrontalier d'Islamabad cherchant une "profondeur stratégique"
face à l'Inde dut se résorber, d'abord en Afghanistan puis, de façon plus ambiguë, au Cachemire.
Le général Musharraf se résolut en janvier 2002 à condamner le jihad au Cachemire. Cette
nouvelle ligne, si limitée fut-elle, engendra des scissions: la Conférence Hurriyat, le Hizbul
Mujahideen et le Jaish e Mohammad se divisèrent en 2003, tandis qu'une frange radicale chercha
à assassiner Musharraf par deux fois. Après le 11 septembre, l'Inde marqua des points, son
discours dénonçant le terrorisme devenant plus audible, mais Washington jouait en même temps
la carte Musharraf contre les Talibans et al Qaeda.
Troisième facteur, l'émergence économique et géopolitique de l'Inde en Asie a conforté
son statut diplomatique. Le rapprochement entre New Delhi et Washington, à partir de l'an 2000,
et la normalisation en cours avec Pékin ont altéré la géométrie traditionnelle des relations des
Etats-Unis et de la Chine avec l'Asie du sud. Dans le même temps, la croissance économique de
l'Inde a accru la disparité entre Inde et Pakistan, en termes de PNB mais aussi de budget de la
défense. Cette double évolution a affaibli le statut relatif du Pakistan face à son grand voisin.
Ces évolutions structurelles ont fait bouger les choses au Cachemire même. Après le 11
septembre, la Conférence Hurriyat comprend que la stratégie du jihad mise en œuvre par le
Pakistan en appui des insurgés cachemiris dessert désormais la cause et l'image de ces derniers.
L'Hurriyat demande aux "frères" combattants de se tenir coi, mais n'a pas de pouvoir sur eux. Sa
stratégie, du coup, devient peu lisible. Ceux qui proposent un dialogue avec Delhi se sentent
menacés, quand ils ne sont pas abattus, tel Abdul Ghani Lone, un des leaders de l'Hurriyat,
assassiné en 2002, et Abdul Majid Dar, ancien commandant du Hizbul Mujahideen, assassiné en
2003. Côté politique, les élections de l'automne 2002 au Jammu et Cachemire, jugées honnêtes
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mais boycottées largement dans certaines villes de la Vallée, amènent au pouvoir un nouveau
parti cachemiri, le Parti Démocratique du Peuple (People Democratic Party) de Mufti
Mohammad Sayeed, en coalition avec le parti du Congrès. Sayeed souhaite discuter avec toutes
les parties, et préconise une politique d'apaisement ("healing touch") au bénéfice des Cachemiris
écrasés par douze années de violence (au terme de l'accord de coalition, un chef de
gouvernement congressiste, Ghulam Nabi Azad, a succédé à Mohammad Sayeed en novembre
2005, à mi-mandat). Mais c'est bien Delhi qui continue de définir la politique à suivre vis-à-vis
des insurgés, de l'Hurriyat, des jihadis et du Pakistan.
Du côté des sociétés civiles, les choses bougent aussi. En Inde comme au Pakistan le
Cachemire est l'objet d'un large consensus national, qui n'empêche pourtant pas les bonnes
volontés de travailler, au sein de diverses associations, à un dialogue indo-pakistanais conduit
hors des cercles diplomatiques ou des réseaux paradiplomatiques de la "second tract diplomacy".
Au Pakistan même, après le 11 septembre, des voix s'élèvent publiquement pour remettre en
cause la stratégie mise en œuvre au Cachemire.
IV. LE DIALOGUE EN COURS. NEGOCIATIONS ET NOUVEAUX DISCOURS
Depuis 2002, le général Musharraf proclamait vouloir dialoguer "n'importe où, n'importe
quand, à n'importe quel niveau". La réponse indienne était ferme : pas de dialogue sans arrêt du
terrorisme (formule dure) ou des infiltrations (formule adoucie). La sortie de la crise militaire à
l'automne 2002 a eu le mérite de pousser les deux parties à revoir leur position.
1. Procédures, avancées, ambiguïtés
En avril 2003 A.B. Vajpayee tend au Pakistan "la main de l'amitié". S'ouvre une phase de
contacts secrets qui aboutissent, en novembre, à la proposition pakistanaise de cessez-le-feu le
long de la Ligne de contrôle, et en janvier 2004 à une déclaration conjointe ouvrant le dialogue,
engagé le mois suivant. Chacun a fait des concessions : l'Inde engage le dialogue alors que les
infiltrations, en baisse en hiver, n'ont pas été verrouillées, et que les groupes durs, Cachemiris ou
non, ont toujours des bases en Azad Cachemire. Les attentats se poursuivent toujours, du reste,
au Cachemire ou à Delhi. Quant au Pakistan, il abandonne les résolutions de l'ONU, que le
général Musharraf "met de côté" le 16 décembre 2003. Cette concession importante, en rupture
de la doctrine pakistanaise traditionnelle, est inspirée par un constat pragmatique (la
communauté internationale n'entend pas appliquer ces résolutions). Mais elle n'implique pas de
retournement stratégique. L'objectif affiché reste d'aller au-delà du statu quo, en invoquant les
vœux des Cachemiris, l'indépendance du Cachemire tout entier restant cependant exclue.
Le chef de l'Etat pakistanais abandonne aussi la doctrine du "Cachemire d'abord" (qui
veut que les autres contentieux et les échanges commerciaux ne soient abordés qu'après de
réelles avancées sur le Cachemire) pour revenir à la proposition indienne, acceptée par
Islamabad en 1997, mais rejetée ensuite, celle d'un dialogue "composite", abordant toutes les
questions selon une structure 2+6 : les deux questions clés, sécurité/nucléaire et Cachemire étant
traitées en même temps que six autres dossiers (dont, au Cachemire, le glacier du Siachen,
militarisé en 1984 par les deux pays, et le barrage de Wullar). Après les grands sommets
décevants (Lahore 1999) ou ratés (Agra, 2001), l'heure est aux mécaniques diplomatiques
structurées, avec cycles de négociations très préparés. Après les élections indiennes de mai 2004,
la défaite du BJP et l'arrivée au pouvoir de Manmohan Singh, à la tête d'une coalition menée par
le Parti du Congrès, n'affectent pas le dialogue, qui se poursuit au même rythme.
Engagé début 2004, ce dialogue est un processus lent, mais durable pour le moment. Au
Cachemire même, la principale avancée est l'ouverture, en avril 2005, de la liaison routière
Srinagar-Muzaffarabad entre les deux Cachemires, une initiative mesurée mais emblématique,
encore impensable il y a peu de temps, et qui sera suivie d'autres liaisons. Politiquement, pas de
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grandes avancées —et les faucons des deux camps le dénoncent, doutant de la réelle bonne
volonté de l'autre camp. Pour les uns, l'Inde ne chercherait qu'à gagner du temps, sans rien céder
d'important. Elle gérerait le conflit, sans chercher à la résoudre. Pour les autres, la nouvelle ligne
du général Musharraf ne serait qu'un leurre: l'armée pakistanaise, Etat dans l'Etat, a trop à gagner
à maintenir ouverte la question du Cachemire.
Le climat change, pourtant, sans être pleinement serein. En avril 2005, une déclaration
conjointe Musharraf-Singh affirme que "le processus de paix est irréversible", et que le
terrorisme ne saura le faire dérailler. En parallèle, les avancées sur les autres dossiers sont lentes,
mais pas négligeables. La réouverture annoncée de voies de communications routières et
ferroviaires entre l'Inde et le Pakistan va dans le sens d'une normalisation, que tempèrent
régulièrement, d'un côté ou de l'autre, des signes d'impatience. L'Inde s'inquiète de la persistance
des attentats. Le Pakistan dénonce le peu de mobilité de l'Inde sur le statut du Cachemire. En
fait, tout le monde bouge, mais différemment, dans la forme comme dans le fond. Le climat
généré par le dialogue offre en effet, hors de la table de négociations, l'opportunité de tenir de
nouveaux discours, et d'envisager de nouvelles options inégalement réalistes, mais qui toutes
témoignent d'une mobilité relative des deux parties par rapport aux rigidités d'autrefois.
2. Les propositions pakistanaises
Le général Musharraf a pour tactique de multiplier, hors des circuits diplomatiques, des
propositions diverses, au nom d'une nécessaire "flexibilité". De style très différent du Premier
ministre indien, il joue volontiers des médias. Mais derrière son côté parfois brouillon, cet
activisme est aussi tactique: il s'agit de montrer à la communauté internationale que le Pakistan
essaie d'avancer, tandis que l'Inde ne bouge guère. Derrière la rhétorique pakistanaise, on trouve
des formulations de principes nouvelles, mais de bon sens, comme cet appel à trouver une
solution de compromis en rejetant les thèses inacceptables pour l'Inde, le Pakistan et les
Cachemiris. On note aussi des concessions considérables (mettre de côté les résolutions de
l'ONU en 2003, accepter un dialogue composite en 2004) mais qui sont moins des propositions
stricto sensu que des ajustements au principe de réalité. Au-delà, le contenu reprend désormais
des hypothèses anciennes, qui toutes s'appuie sur l'idée que, d'une façon ou d'une autre,
l'appartenance religieuse doit servir de guide à des changements de statut territorial, qui
permettraient d'une façon ou d'une autre de reconnaître une personnalité particulière aux districts
indiens à majorité musulmane, voire sunnite. Les propositions, souvent formulées en primeur
devant la presse au risque de vouloir placer les dirigeants indiens devant le fait accompli, restent
généralement imprécises : il s'agit sauf exception de principes, que les négociations officielles
pourraient, le cas échéant, préciser. Dressons-en un court tableau.
La formule du 25 octobre 2004 : les sept régions
Le 25 octobre 2004, le général Musharraf offre à des journalistes pakistanais "de
nouvelles options" sur Cachemire, "pour lancer le débat au Pakistan". Il reprend les découpages
en sept régions ethno-linguistiques (et religieuses) du Cachemire : deux du côté pakistanais
(Azad Kashmir et Territoires du Nord) et cinq du côté indien (i- les districts du Jammu à majorité
hindoue; ii- les districts du Jammu à majorité musulmane; iii- la vallée du Cachmire à majorité
musulmane; iv- la partie du Ladakh à majorité chiite; v- la partie du Ladakh à majorité
bouddhiste). Musharraf suggère d'identifier ces régions, puis de les démilitariser avant d'en
changer le statut, au cas par cas. Plusieurs options sont envisagées rattachement à l'Inde ou au
Pakistan, autonomie, condominium indo-pakistanais, mandat de l'ONU ou autre.
Ce sont là des positions nouvelles pour le pouvoir, mais qui renvoient à diverses options
envisagées depuis des années par le Kashmir Study Group ou, dans l'esprit sinon dans la forme, à
l'ancienne "formule Chenab" (donnant la Vallée et les zones à majorité musulmanes au
Pakistan), ou encore au plan Dixon de référendum par région avancé dans les années 50. Devant
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les protestations de l'opposition, le Ministère des Affaires étrangères pakistanais dément le 29
octobre que le président pakistanais aie fait là des "propositions" . Deux jours plus tôt, le
Pakistan Observer, avait publié un rectificatif précisant que, contrairement à ce que pouvaient
comprendre ses lecteurs, Président n'avait pas "dévié de la position nationale sur le
Cachemire"…
L'Inde ne donne pas suite à ces positions non formulées officiellement, et rappelle qu'elle
ne saurait entériner un nouveau partage du Cachemire sur des bases religieuses.
Démilitarisation et "self-governance"
Dans les semaines qui suivent, sans se référer nécessairement au découpage régional, les
autorités pakistanaises mettent deux concepts en avant : la démilitarisation, en précisant qu'elle
concernerait aussi l'Azad Kashmir pakistanais (mais rien n'est dit des Territoires du Nord), et la
"self-governance" , un concept imprécis, qui permet d'éviter le mot "autonomie", plus souvent
avancé côté indien). Les deux concepts deviennent des leitmotiv du discours pakistanais, entre
autres quand le mirwaiz Omar Farooq, leader de l'Hurriyat, rencontre le général Musharraf à
Islamabad, le 5 janvier 2006. L'Inde, qui a pourtant déplacé quelques milliers d'hommes en 2005,
remarque que la démilitarisation ne peut être à l'ordre du jour tant que des infiltrations et des
attentats se poursuivent. Cette thèse n'en demeure pas moins celle qui est mise en avant par
Islamabad à la veille de la visite du Président Bush en Inde et au Pakistan.
La démilitarisation de trois villes
Le 7 janvier 2006, dans une interview à une télévision indienne, le général Musharraf
suggère, cette fois de façon limitée mais précise, de commencer par démilitariser trois villes du
Cachemire indien: Srinagar, Kupwara et Baramullah. En échange, il promet assez curieusement
"de faire en sorte la violence des groupes militants s'arrête" ("Pakistan would ensure there was
no violence by militants", The News, 8.1.2006), ce qui implique qu'il dispose d'influence sur ces
groupes. Les observateurs indiens soulignent que les trois villes citées sont précisément de hauts
lieux de la violence, Kupwara et Baramullah, proches de la Ligne de contrôle, étant les chefslieux des districts où les infiltrations ont été maximales dans le passé.
La proposition, unilatérale, revient à démilitariser le côté indien de la Ligne de contrôle. C'est
ambigu, par rapport à une autre option qui serait la démilitarisation d'un ruban de plusieurs
kilomètres de profondeur, des deux côtés de la Ligne. L'Inde ne donne pas suite. Au terme de la
réunion de reprise du troisième cycle du dialogue bilatéral, la déclaration conjointe indopakistanaise du 19 janvier ne se réfère à aucune de ces propositions, mais se dit satisfait des
progrès accomplis. A la presse, Syam Saran, Foreign Secretary indien, précise toutefois les
positions de New Delhi : il faut voir au-delà des propositions pakistanaises, et faire de la Ligne
de contrôle une "Ligne d'amitié"et que la self-governance devrait plutôt s'appliquer au
Cachemire sous contrôle pakistanais, qui ne dispose pas d'assemblées élues comparables à celle
du Jammu et Cachemire.
Le discours d'Oslo: 24 janvier 2006
En visite en Norvège, le général Musharraf précise le 24 janvier que l'indépendance du
Cachemire doit être exclue, puisque l'Inde comme le Pakistan la rejettent. Il rejette aussi, comme
'le peuple cachemiri", "l'autonomie dans le cadre de la Constitution indienne". Comme l'Inde ne
veut pas changer les limites territoriales (boundaries) et que le Pakistan refuse d'entériner la
Ligne de contrôle, il faut envisager un "mécanisme de gestion conjointe " (joint management
mechanism) garantissant la sécurité et la "self-governance" sous la supervision de l'Inde, des
Cachemiris et du Pakistan. La presse pakistanaise est très discrète sur ces propos. Le mécanisme
évoqué n'est pas précisé par la suite.
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La visite attendue de George W. Bush, mars 2006
Fin février 2006, à la veille de la visite du Président G.W. Bush en Inde et au Pakistan, il
semble que les contacts entre diplomates pakistanais et américains s'intensifient, pour rendre la
proposition de démilitarisation et de "self-governance" plus acceptable à New Delhi. Le
Président américain a précisé dans le même temps qu'il juge nécessaire l'implication des
cachemiris dans le dialogue indo-pakistanais, mais aussi une action plus ferme contre les groupes
terroristes.
3. Les positions de la Conférence Hurriyat (APHC)
Dans le camp "séparatiste", l'APHC est divisée depuis 2003. La ligne dure, minoritaire,
est incarnée par Syed Ali Shah Geelani, toujours favorable aux résolutions de l'ONU et au
rattachement au Pakistan. Geelani, cependant, comme la Jamaat e Islami pakistanaise, dénonce
désormais la "flexibilité unilatérale envers l'Inde" du général Musharraf qui n'a "aucun mandat
pour proposer une solution politique inacceptable pour la population du Jammu et Cachemire
occupé". (no mandate to propose a political solution unacceptable to the people of occupied
J&K). Cette ligne semble en voie d'affaiblissement, mais elle peut être réactivée si nécessaire.
La ligne dominante, dite modérée, est incarnée par le mirwaiz Omar Farooq, qui plaide
pour intégrer les Cachemiris au dialogue indo-pakistanais. En visite au Pakistan, Omar Farooq,
le 9 juin 2005, s'aligne de fait sur Musharraf sur de nombreux points: dépasser les résolutions de
l'ONU, refuser d'officialiser la Ligne de contrôle, démilitariser avant toute chose. Il n'avance
aucune proposition concrète de "solution", mais imagine l'hypothèse d'Etats-Unis du Cachemire,
un concept délibérément flou, qui pourrait impliquer une large autonomie des cinq grandes
entités administratives constituant aujourd'hui le Cachemire de part et d'autre de la Ligne de
contrôle (Jammu, Cachemire, Ladakh du côté indien, Azad Cachemire et Territoires du Nord du
côté pakistanais). Omar Farooq précise à New Delhi, en novembre 2005, qu'il n'est pas l'heure
d'avancer des hypothèses précises ou des arguments juridiques, mais qu'il convient de construire
des préalables et des mesures de confiance. Il réclame de nouveau la démilitarisation du
Cachemire (et la cessation parallèle des opérations des "militants"), la libération des prisonniers
politiques, l'arrêt des violations des droits de l'homme, la mise en place d'un dialogue entre les
deux parties du Cachemire. Il souligne l'impérieuse nécessité d'impliquer sérieusement les
Cachemiris dans le dialogue indo-pakistanais, au départ sous forme de dialogue tripartite, les
Cachemiris étant consultés séparément par Delhi et Islamabad, ensuite sous forme de dialogue
trilatéral, les trois parties discutant ensemble. Le mirwaiz refuse toujours de participer à des
élections au Jammu et Cachemire, ce qui vaudrait reconnaissance de la Constitution indienne.
Aux yeux de New Delhi, la représentativité de l'Hurriyat reste ainsi contestable, faute de test
électoral.
4. Les inflexions indiennes
Si l'Inde, contrairement au Pakistan, ne multiplie pas les propositions médiatiques, on ne
saurait la taxer d'immobilisme. A.B. Vajpayee s'était rendu à Lahore en 1999, avait invité
Musharraf à Agra en 2001, et avait appelé de nouveau au dialogue en 2003. Depuis 2004 le
dialogue s'est poursuivi, sans que les infiltrations disparaissent pour de bon, et alors que les
attentats ont frappé le pays. L'ouverture de la liaison Srinagar-Muzzafarabad en 2005 eut aussi
une valeur symbolique forte. Certes, New Delhi ne change pas sa ligne sur le fond : pas de
redécoupage territorial du Cachemire, soit entre Inde et Pakistan, soit par le biais de régions
chevauchant la Ligne de contrôle, que les dirigeants indiens préféreraient officialiser, après avoir
opéré des ajustements mineurs si besoin était.
Des inflexions sont pourtant notables sur plusieurs plans. New Delhi serait prête à ouvrir
la Ligne de contrôle pour favoriser les échanges entre les deux parties du Cachemire, et entre le
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Cachemire et le Pakistan. L'Inde propose d'ailleurs au Pakistan de rétablir rapidement deux
autres axes routiers fermés de longue date : au Jammu, la route Jammu-Sialkot, au Ladakh, la
route Kargil-Skardu. Côté indien, le Jammu et Cachemire pourrait bénéficier d'une autonomie
accrue, mais sans revenir à la situation prévalant jusqu'en 1953, quand seules la défense, la
monnaie et les communications étaient sous la juridiction du Centre. Sur ce point, les
propositions de la Conférence Nationale, faites à l'Assemblée du Jammu et Cachemire en 2000
devraient pouvoir être partiellement reprises, même si certains élus cachemiris voudraient
revenir à 1952.
Par ailleurs, New Delhi envisage de réduire sa présence militaire, si la situation le
permettait, (quelques milliers d'hommes ont déjà été transférés), ce qui renvoie explicitement à la
question décisive des infiltrations et du terrorisme. A cet égard, New Delhi s'interroge sur la
stratégie du général Musharraf, qui n'a toujours pas sérieusement inquiété les dirigeants des
groupes les plus radicaux (Hafiz Saeed, émir de la Jamat ud Dawa, la maison-mère des Lashkar e
Taiba, et le maulana Masood Azhar, chef du Jaish e Mohammad). L'état-major indien considère
qu'il reste toujours des infiltrations et des camps de jihadis au Cachemire pakistanais, même si
les chiffres de 2005 marquent une baisse sensible des infiltrations par rapport à 2004 (-50%) et à
2003.
Sur un terrain moins tendu, New Delhi donne aussi des signes encourageants en matière
de dialogue et de ce qu'on appelle "les contacts de peuple à peuple". Depuis 2003 les visites de
délégations diverses se multiplient entre Inde et Pakistan (sportifs, jeunes, élus, groupes
professionnels). Pour la première fois, en 2004, des journalistes pakistanais ont pu se rendre au
Jammu et Cachemire. Pour la première fois aussi, Delhi accepte (voire appuie) des rencontres
portant sur le Cachemire auxquelles participent des Cachemiris venus des deux côtés de la Ligne
(initiatives Pugwash en décembre 2004 à Kathmandu et en avril 2005 à Srinagar, rencontre du
Centre for Dialogue and Reconciliation à Gurgaon près de New Delhi en janvier 2006).
En matière de droits de l'homme, Delhi tente de faire bonne figure. Le gouvernement
d'alliance PDP-Congrès a mis en avant une politique de "healing touch", et la présidente du
Peoples Democratic Party, Mehbooba Mufti, est sensible à ce dossier. Son père, le chef du
gouvernement Mufti Mohammad Sayeed a bien démantelé le Special Operations Group de triste
mémoire, mais ses hommes ont été recasés dans d'autres unités. L'Hurriyat et tous les séparatistes
continuent de soulever ce point essentiel.
C'est précisément en leur direction que New Delhi va tenter d'avancer.
5. Le difficile dialogue entre New Delhi et les séparatistes, et entre Cachemiris
Depuis des années le gouvernement de New Delhi a multiplié les tentatives de nouer des
contacts discrets avec les principales figures contestant son autorité: les leaders de l'Hurriyat et
Shabir Shah, chef du Democratic Freedom Party en particulier (voir la liste des partis et
mouvements politiques en annexe 3). Des émissaires du gouvernement ont été nommés sous le
BJP (K.C Pant, A.S. Daulat, N.N. Vohra) et un groupe de personnalités a même été encouragé a
créer un "Kashmir Committee" qui a noué un dialogue répété avec les séparatistes, sans réussir
toutefois à les convaincre de participer aux élections de 2002. "Poudre aux yeux" commentèrent
souvent les groupes cachemiris. Des liaisons secrètes ont toujours été maintenues, même quand
certains leaders (Syeed Shah Geelani et Yasin Malik en particulier), étaient arrêtés. En 2000, une
rencontre avec des émissaires du Hizbul Mujahideen, mouvement armé, avait tourné court pour
avoir été rendue publique. A compter de 2004, des leaders de l'Hurriyat commencent à
rencontrer les dirigeants indiens au plus haut niveau. Deux visites les mènent jusqu'au vicepremier ministre et ministre de l'intérieur L.K. Advani, les 22 janvier et 27 mars 2004, jour où la
délégation rencontre aussi A.B. Vajpayee, le Premier ministre. Il s'agit de premiers contacts
publics, pas encore de négociations.
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Après l'arrivée au pouvoir de Manmohan Singh, il faut attendre plus d'un an pour qu'une
rencontre officielle ait lieu. L'Hurriyat décline l'invitation du Premier ministre en avril 2005
(mais rencontre Musharraf alors à Delhi). L'Hurriyat ne rencontre Manmohan Singh qu'en
décembre 2005. Le Premier ministre indien invite ensuite d'autres leaders séparatistes hors
Hurriyat : Sajjad Lone, chef d'une faction de la Peoples Conference en janvier 2006, et Yasin
Malik, leader du JKLF, en février 2006. Hurriyat et autres leaders séparatistes déclinent un peu
plus tard l'invitation faite de participer à la Conférence sur le Cachemire organisé par le Premier
ministre le 25 février 2006. A cette conférence, où siègent des élus du Cachemire, Manmohan
Singh annonce toutefois qu'une politique de libération de prisonniers va être mise en œuvre: c'est
l'une des revendications majeures de l'Hurriyat.
Le dialogue entre les séparatistes et le pouvoir indien est donc très ambigu. Jamais le fil
n'a été sérieusement coupé entre les deux camps, mais aujourd'hui le mouvement cachemiri
semble hésiter sur la marche à suivre, pour plusieurs raisons. La première tient aux objectifs
mêmes des opposants: sont-ils encore, en majorité, de vrais séparatistes ? Ils affichent leur refus
d'une "solution dans le cadre de la Constitution indienne", c'est-à-dire le respect de la Ligne de
contrôle, son ouverture, et une autonomie accrue pour le Jammu et Cachemire. Ils bougent sur la
question du référendum. Mais pour le reste, le flou prévaut. Un flou qui s'aligne sur les
propositions pakistanaises : démilitarisation, soit, et "self-governance", dont le contenu et les
contours territoriaux ne sont pas précisés, car ils seraient précisément l'objet d'une négociation
entre les trois parties. A cet égard, qui représenterait les Cachemiris? Hurriyat et autres groupes
qui l'ont quittée ne peuvent mettre de côté les élus du Jammu et Cachemire, même s'ils ont traité
les élections de "farce".
D'autres paramètres affaiblissent les séparatistes. Leurs divisions d'abord, des propakistanais à ceux qui pourraient être tentés de participer aux prochaines élections. L'incorrigible
factionnalisme de nombreuses formations, affaiblies par des luttes internes et des exclusions
réciproques. L'absence d'un leader charismatique incontesté. L'ombre du terrorisme plane aussi :
tous ceux qui avancent vers la voix d'un compromis sont en péril, comme tous ceux qui
participent au jeu électoral et au pouvoir. Des attentats ont visé les grandes forces politiques
établies (Conférence Nationale, People Democratic Party entre autres), des ministres, des élus,
mais aussi les séparatistes eux-mêmes (Abdul Ghani Lone) ou leur proche (dernier signal :
l'assassinat de l'oncle du mirwaiz, Mustaq Ahmed, en 2004). Le pouvoir d'influence de
l'Hurriyat ou du JKLF sur les groupes jihadis est minimal. L'Hurriyat sollicitait de Delhi
l'autorisation de se rendre en Azad Kashmir pour "convaincre les combattants" : l'argument est
incertain, même si l'on dit Syed Salahuddin, chef du Conseil Uni du Jihad, prêt à certaines
inflexions. Enfin, les liens entre l'Hurriyat et Islamabad sont considérables. Chacun à besoin de
l'autre pour avancer, mais entre les deux, l'Etat pakistanais pèse évidemment plus lourd.
On peut conclure de ce bilan qu'une multiple dynamique de consultations est nécessaire :
-d'une part, entre les "séparatistes cachemiris" et les forces politiques parlementaires du
Jammu et Cachemire indien. Par-delà leurs différences, quels compromis, quelles avancées
pourraient être envisagés sur l'allégement des forces militaires, le contrôle des droits de l'homme,
les changements politiques (autonomie ou self-rule) ?
-d'autre part entre les "séparatistes cachemiris" et les représentants "ouverts" de l'Azad
Kashmir (tel Abdul Qayoom, ancien Premier ministre et ancien Président). La chose vaut aussi
entre ces derniers et les élus du Jammu et Cachemire, si des synergies devaient être développées
entre les deux parties du Cachemire
- enfin, entre les "séparatistes cachemiris" et les gouvernements indien et pakistanais. A cet
égard, l'Hurriyat et ses épigones semblent encore réticents à rencontrer les représentants de New
Delhi, balançant entre la volonté affichée d'être partie prenante du dialogue indo-pakistanais, et
la politique du doute vis-à-vis de New Delhi, dont les initiatives, telle l'ouverture de la ligne de
bus, sont toujours jugées "insuffisantes".
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Au-delà des hypothèses encore prématurées de "solution" du problème du Cachemire,
l'une des questions délicates du moment est bien de définir la façon d'associer tous les
mouvements cachemiris (séparatistes ou non) à la recherche de nouvelles options, conduite à
New Delhi comme à Islamabad. L'ambiguïté du moment ne doit pas faire oublier que vis-à-vis
des séparatistes comme entre Inde et Pakistan, la conduite continue du dialogue depuis 2004 a
permis des avancées, récapitulées dans l'annexe 4.
6. Les conséquences du séisme d'octobre 2005
Au-delà de la tragédie qu'il engendra —80 000 morts et des centaines de milliers de
sinistrés au Pakistan, 1400 morts en Inde— le séisme du 8 octobre 2005, dont l'épicentre était en
Azad Cachemire, a conforté le sentiment d'identité partagée entre les deux côtés de la Ligne, et a
accru la volonté des populations locales de pouvoir la franchir (moins bureaucratiquement qu'aux
cinq postes qui furent lentement ouverts en novembre 2005). L'aide indienne a été appréciée,
mais Islamabad a refusé les hélicoptères indiens, dès lors que Delhi entendait les envoyer avec
leurs pilotes. Sur un autre plan, le séisme semble avoir confirmé la présence de bases militantes
en Azad Cachemire, et les forces islamistes radicales (la Jamat ud Dawat, maison mère des
Lashkar e Taiba) ont saisi l'opportunité d'intensifier leur travail social en conduisant d'efficaces
opérations de secours. L'avenir dira si les lenteurs des réactions officielles, juste après le séisme,
nourriront une critique de l'armée, et plus largement du rapport de domination d'Islamabad sur
l'Azad Cachemire et plus encore sur les Territoires du Nord. Un tel mécontentement favoriserait
la demande d'une autonomie accrue, et donc la normalisation des relations avec le Jammu et
Cachemire, qui elle-même permettrait aux Territoires du Nord d'espérer un nouveau statut,
probablement comme Province pakistanaise. Des personnalités de premier plan d'Azad Kashmir
(dont le Premier ministre Sikandar Hayat Khan et l'ancien Président Abdul Qayoom) ont en tout
cas regretté qu'Islamabad n'ait pas accepté l'aide indienne d'urgence sur le terrain, alors qu'elle
aurait été beaucoup plus accessible à travers la Ligne de contrôle que les secours lentement
acheminés depuis le Pakistan.
V. HYPOTHESES ET SCENARIOS
L'avenir du Cachemire, qui reste imprévisible, dépend de quatre facteurs :
1. La capacité du Pakistan à changer de paradigme.
C'est un critère décisif. Le général Musharraf appelle ses concitoyens à la "modération
éclairée" tout en réaffirmant le soutien du Pakistan à la cause des Cachemiris. Deux optionstypes peuvent être envisagées par l'armée, qui est restera après 2007 —fin (??) du mandat
présidentiel de Pervez Musharraf— l'instance décisive en matière de relations indopakistanaises, de stratégie au Cachemire, et de questions de sécurité.
Première option : jouer la réforme minimale, voir en trompe l'oeil. La méfiance envers
l'Inde reste déterminante. Le dialogue se poursuit, mais sans céder sur la Ligne de contrôle, et
sans verrouiller totalement les groupes extrémistes, qui permettent de maintenir une certaine
pression. L'hypothèse d'un redécoupage "ethnique" (lire : religieux" ) du Cachemire resterait
avancée, et bloquée par Delhi.
Seconde option : l'armée considère qu'une réforme de fond est souhaitable pour l'avenir
du Pakistan. Une normalisation des relations avec l'Inde ouvrirait la voie à une dynamique
régionale dans le cadre de la SAARC, (Association régionale pour la coopération en Asie du
Sud, qui vient d'intégrer l'Afghanistan) et de la SAFTA, sa zone (encore virtuelle) de libreéchange. Le Pakistan pourrait accélérer son redressement économique, tirer pleinement parti de
son rôle de plaque tournante entre Chine, Océan indien, Moyen-Orient, Asie centrale et Asie du
Sud, et afficher à la fois modération et puissance, afin de hausser son statut mondial. Les
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tensions internes au pays (zones tribales, Baloutchistan, équilibre régional, crise latente dans les
Territoires du nord) pourraient être mieux gérées dans un contexte régional apaisé. L'opinion
publique suivrait. L'opposition parlementaire (Muslim League pro-Nawaz Sharif et Pakistan
People Party pro Benazir Bhutto) aussi, quitte à critiquer la méthode. Les partis islamistes
(Muttahida e Majlis e Amal, MMA) ne sont pas en mesure de s'opposer réellement à une
évolution, modeste ou profonde, qu'entérineraient l'Hurriyat et l'armée.
2. Les possibles concessions indiennes
Sans récuser la Ligne de contrôle, fondement de sa doctrine, New Delhi peut faire
évoluer sa gestion du Cachemire de façon significative sur trois points :
a)- alléger sa stratégie répressive en satisfaisant certaines des demandes de l'Hurriyat (lois
d'exception, droits de l'homme, prisonniers politiques), le retrait de troupes restant lié pour partie
à la fin des attentats, qui se poursuivent pour l'heure (66 morts dans trois attentats à la bombe à
Delhi le 29 octobre 2005). L'Inde n'acceptera sans doute pas une présence internationale dans
une éventuelle zone démilitarisée le long de la Ligne de contrôle. Un accord sur le Siachen aurait
une valeur emblématique forte.
b)- avancer des propositions concrètes en matière d'autonomie, à l'endroit des Cachemiris
pro-indiens, à l'inverse de la fin de non-recevoir opposée par le gouvernement Vajpayee aux
propositions de la Conférence nationale en 2000.
c)- faciliter les relations entre les deux Cachemires, en matière de communication, de
gestion des ressources naturelles et de dialogues en tous genres.
3. L'évolution des Cachemiris
L'heure de vérité approche pour la faction modérée de l'Hurriyat, qui s'appuie toujours sur
le Pakistan pour peser sur l'Inde, en vue d'une véritable avancée sur le statut du Cachemire, et
non d'un simple retour au calme. L'évocation floue d'Etats-Unis du Cachemire n'a qu'un objectif:
pointer du doigt un type de solution acceptable, réunissant avec une certaine souplesse les deux
Cachemires, ou des éléments des deux Cachemires. En clair, après l'abandon des résolutions de
l'ONU, l'Hurriyat abandonne la thèse de l'indépendance ou du simple rattachement au Pakistan.
Si l'hypothèse d'un tel statut politique (et toutes ses variantes) reste inacceptable pour New Delhi,
une part de son contenu pourrait être négociable. Musharraf a besoin de l'Hurriyat à double titre :
pour faire pression sur l'Inde, et pour légitimer d'éventuelles concessions supplémentaires du
Pakistan. Reste la question de la représentativité de l'Hurriyat: boycottera-t-elle encore les
élections au Cachemire en 2008 ? L'exemple du Hamas en Palestine n'est pas du même ordre,
l'Hurriyat n'ayant pas de branche armée en propre. Mais on ne peut écarter l'hypothèse de la
participation d'une fraction de l'Hurriyat ( la People's Conference de Sajjad Lone, déjà tentée en
2002).
4. Le contexte international.
Opposé au jihad et ne soutenant pas le droit à l'autodétermination, la communauté
internationale est plutôt favorable à un statu quo territorial accompagné de l'arrêt des attentats, du
respect des droits de l'homme et, si nécessaire, d'une autonomie accrue. Elle n'entend pas se
mêler des subtilités de nouveaux découpages régionaux, mais verrait d'un bon œil des
coopérations entre les deux Cachemires. Tout compromis calmant durablement le jeu aurait sa
faveur, à défaut d'une accord en bonne et due forme. Le contexte est donc plutôt favorable à
l'Inde, qui sait très bien que son échec à entrer comme membre permanent au Conseil de sécurité
en 2005 n'a rien à voir avec le Cachemire, même si un règlement de la question du Cachemire
améliorerait son image.
15
5. Trois scénarios
Ceci noté, trois scénarios principaux peuvent être envisagés.
a)-La rechute dans la tension indo-pakistanaise
Le dialogue s'interrompt ou échoue, moins faute de résultats, que pour des raisons de
politique intérieure impérieuses. Côté pakistanais, on pourrait arguer d'une mauvaise volonté
indienne à offrir des concessions suffisantes sur le Cachemire. Autre cas de figure : la disparition
du général Musharraf susciterait des incertitudes, mais un de ses proches à l'état-major pourrait
prendre le relais. Côté indien, un attentat majeur contre les dirigeants ou le public pourrait
affecter le dialogue. Une campagne terroriste de grande ampleur qui frapperait à la fois au
Cachemire, en Inde et au Pakistan pour les déstabiliser pourrait avoir un effet opposé, en
poussant les décideurs à s'unir pour tourner la page. L'hypothèse d'une rechute ne paraît pas la
plus vraisemblable aujourd'hui, mais l'histoire tourmentée des dialogues indo-pakistanais incite à
la prudence.
b)-Une solution de jure
A court terme, sauf coup de théâtre, ce scénario est peu vraisemblable. La disparité des
positions affichées y fait obstacle. Le rôle des aléas de la vie politique est plus incertain Côté
indien, même si le BJP sous Vajpayee a inauguré une politique de rapprochement avec le
Pakistan, il pourrait s'opposer à une avancée significative, pour des raisons tactiques. Un
scénario parallèle au Pakistan est possible, mais sans la même efficacité, l'armée restant l'acteur
clé. Par ailleurs, certains plans de redécoupage régional envisagent ouvertement une longue
période de transition entre réforme et ratification.
c)-Une stabilisation de facto
C'est le scénario optimiste le plus prudent, qui ne signifie pas un retour à 1989. Sans
entériner un accord de jure, Inde et Pakistan peuvent continuer d'avancer sur un certain nombre
de points, dans l'ensemble de leurs relations bilatérales (le 2+6). La normalisation croissante de
leurs relations atténue en partie le climat de méfiance, et gagne l'appui des sociétés civiles et de
la communauté internationale. Au Cachemire, l'Inde avance en matière de gouvernance et
d'autonomie. La Ligne de contrôle s'ouvre, et les relations entre les deux Cachemires
s'intensifient. Le Siachen est démilitarisé. Le scénario "soft power, soft border" convient bien à
l'Inde, sans qu'elle baisse sa garde. Si Musharraf a affirmé que l'ouverture de la Ligne de contrôle
n'est pas une solution en soi, il a concédé en juin 2005 qu'elle "puisse être un pas confortant la
confiance qui peut faciliter une solution" ("Soft borders are not a solution (…). This may be a
step towards confidence building that could facilitate a solution" ). Les optimistes verront dans
cette stratégie de la "soft border" une solution "post-moderne", permettant de dépasser les
crispations frontalières des états-nations. D'autres n'y verront qu'une façon nouvelle de "mettre le
Cachemire de côté" ("pushing Kashmir on the backburner") sans régler vraiment la question.
D'autres encore préconiseront d'aller plus loin dans l'ouverture, en instaurant une manière de
condominium indo-pakistanais ou d'état autonome sans pleine souveraineté sur le cœur des zones
en débat, la Vallée de Srinagar et l'Azad Cachemire). Cette dernière hypothèse, inacceptable
pour New Delhi, renverrait du reste à un règlement de jure.
VI. QUEL ROLE POUR L'UNION EUROPEENNE ?
L'Union européenne n'est pas sans voix sur la question du Cachemire, et elle s'est souvent
prononcé sur le dossier. En temps de crise, comme en 2002, la troïka a pesé dans le concert
international appelant l'Inde et le Pakistan à calmer le jeu et à dialoguer. Sur un plan plus large,
l'Union est le principal partenaire commercial de l'Inde et du Pakistan. Elle a développé avec
16
l'Inde un dialogue régulier depuis 2000, et signé avec New Delhi en 2004 un "Partenariat
stratégique Union Européenne-Inde". Un cran au-dessous, un accord de troisième génération a
finalement été signé avec le Pakistan en 2001. Il n'a été ratifié qu'en 2004, suite aux critiques de
la mission d'observateurs envoyée lors des élections générales de 2002, mais le Conseil et la
Commission entendent bien rester engagés au Pakistan.
1. Les grands acteurs internationaux : Etats-Unis et Chine
Très présente (trop discrètement peut-être) sur le front de la coopération et de l'économie,
l'Union et les Etats membres ne sont toutefois pas l'acteur en pointe sur le plan stratégique et de
sécurité. L'enlisement du projet de Constitution n'a fait que renforcer cette perception, en Asie du
sud comme ailleurs. S'agissant du Cachemire et des relations indo-pakistanaises, les Etats-Unis
sont d'évidence le pays qui compte. Washington a répété maintes fois ne pas vouloir être
médiateur entre les deux pays, mais être prêt à jouer un rôle de facilitateur du dialogue en cours.
C'est peu dire. L'activité des think tanks américains sur le Cachemire (et sur l'Asie du sud en
général) est intense. L'existence d'une feuille de route sur le Cachemire inspirée par les EtatsUnis a été niée, à Washington comme à Islamabad, mais sans convaincre tout à fait. Washington
dispose de moyens de pression sur Islamabad et, plus discrètement, sur Delhi (projet d'accord sur
l'énergie nucléaire civile et les technologies duales), tout en voulant sortir du jeu à somme nulle
dans ses relations bilatérales. L'administration Bush ménage le Pakistan, mais parie sur l'avenir
de l'Inde.
Autre acteur clé dans la région, la Chine ne semble plus vouloir perturber le jeu. Certes,
la Chine a joué contre l'Inde la carte du Pakistan, qu'elle a contribué à nucléariser. Elle est aussi
partie prenante de la question du Cachemire, puisqu'elle contrôle des terres transhimalayennes
revendiquées par l'Inde. Dans les Territoires du Nord, la Chine a modernisé la route du
Karakorum, qui connecte le Sinkiang et le Pakistan : c'est l'axe qui la reliera au nouveau port de
Gwadar, construit par le Pakistan aux portes du Golfe Persique, avec de gros financements
chinois. Mais depuis 1997, Pékin appelle le Pakistan à normaliser ses relations avec l'Inde sans
faire du Cachemire un préalable. La Chine s'est aussi inquiétée des réseaux de l'islam radical
établis entre Afghanistan, Pakistan et Cachemire, et de leur influence sur les séparatistes
ouighours, musulmans turcophones qui s'agitent au Sinkiang. Elle n'a pas soutenu l'intrusion
pakistanaise à Kargil, et a contribué, avec les autres puissances, à la sortie de crise en 2002.
Aujourd'hui, Pékin discute avec New Delhi de leur contentieux frontalier tout au long de
l'Himalaya. Elle accroît son commerce avec l'Inde, et entend apparaître partout comme cherchant
la paix sur son pourtour, au profit d'un essor économique partagé. Au service de ses objectifs
stratégiques à long terme, la Chine accroît sa présence au Pakistan, tout en se satisfaisant du statu
quo au Cachemire où elle ne saurait être favorable ni à l'autodétermination, ni à l'indépendance.
Au-delà des Etats-Unis et de la Chine, il faut porter attention à la Russie, pour qui le
croissant qui court de l'Afghanistan au Sinkiang et qui borde l'Asie centrale, est d'un intérêt
stratégique évident, comme le sont les liens de coopération militaire avec l'Inde, et la volonté
pakistanaise d'avoir de meilleures relations avec Moscou.
2. Le Parlement européen et le Cachemire
Les activités du Parlement sur le Cachemire se sont intensifiées avec la création en 2000
du "Groupe multipartis sur le Cachemire" (All Party Group on Kashmir). En 2003 une ONG
cachemirie, l'International Council on Human Rights, a ouvert à Bruxelles un "Kashmir CentreEU", dirigé par un cadre du Jammu and Kashmir Liberation Front. Organisées conjointement par
le groupe parlementaire et par le Kashmir Centre-EU, une semaine "Cachemire-EU" en 2004 et
deux conférences en 2004 et 2005, entre autres activités, ont mis en avant trois points: les
violations des droits de l'homme au Cachemire indien, la nécessité d'un dialogue indopakistanais incluant les Cachemiris, et le droit des Cachemiris à l'autodétermination. Sur ce point
17
au moins, le Kashmir Centre-EU est donc en retrait sur le Pakistan et sur l'Hurriyat (mirwaiz),
tout en affichant, par son nom et par son logo, des liens privilégiés avec l'Union européenne.
Les visites conduites par une délégation ad hoc du Parlement européen en Azad
Cachemire et à Islamabad (2003) et au Jammu et Cachemire et à Delhi (2004) résultent d'une
autre logique, officielle et symétrique celle-là. Les six résolutions jointes au rapport de la
délégation en novembre 2004 offrent un cadre pertinent pour envisager ce que pourrait être une
politique européenne vis-à-vis du Cachemire, en tenant compte des orientations du Conseil et de
la Commission, et des derniers développements des relations indo-pakistanaises et intracachemiries. Sans reprendre, faute de place, le détail des recommandations parlementaires, on
peut offrir ici quelques remarques et suggestions.
3. L'Europe et la résolution des conflits
L'Europe en ce domaine offre des atouts (la réconciliation franco-allemande après 1945 et
la construction européenne elle-même) mais aussi des faiblesses (l'échec en Bosnie, le rejet de la
Constitution et donc les limites de sa politique de puissance et de sécurité). Le Pakistan et les
séparatistes cachemiris ont toujours souhaité voir l'Europe jouer un rôle accru au Cachemire,
l'Inde souhaitant seulement qu'elle fasse pression sur Islamabad sur la question du terrorisme.
Des experts pakistanais invoquent, au titre de solutions hypothétiques, des expériences
européennes (la Sarre, Trieste, Andorre, les îles Aland, ou l'accord irlandais du Vendredi saint).
Plus largement, l'expérience européenne en matière de "soft border" et d'espace de paix peut être
offerte à la réflexion. L'Union peut aussi souligner l'intérêt de penser l'avenir à long terme. Audelà d'un marché commun d'Asie du Sud (entériné par la SAARC en 2005, mais prenant du
retard), si l'hypothèse plus hypothétique d'une monnaie commune sud-asiatique (envisagée par
certains experts pakistanais) prenait corps, l'implication en serait évidente pour les relations entre
les deux Cachemires, quel que soit alors leur statut.
4. Nourrir la réflexion, faciliter le dialogue
Ces hypothèses, et tout ce qui touche au dialogue sur le Cachemire peuvent être l'objet de
conférences envisagées par les recommandations du Parlement Européen. Question: l'Union doitelle ajouter à ce qui existe déjà, et que doit-elle ajouter ? Il existe diverses options : celles de
type "second tract diplomacy", et celles privilégiant ONG et sociétés civiles; celles focalisées sur
le Cachemire, et celles l'abordant parmi d'autres thèmes; celles qui sont ouvertes; et celles, plus
utiles à l'étranger, qui sont fermées et discrètes.
Au vu des dynamiques en cours, il pourrait être envisagé d'organiser hors des feux
médiatiques des rencontres où participeraient, aux côtés d'indispensables autres intervenants, des
élus du Parlement indien, du Parlement pakistanais, de l'Assemblée du Jammu et Cachemire
indien, de l'Assemblée de l'Azad Cachemire, en pariant sur la capacité à échapper à la "langue de
bois". Problème: les Territoires du Nord, qui ont des choses à dire, n'ont pas d'Assemblée.
L'important est d'obtenir l'accord de toutes les parties, et de travailler dans la discrétion
(Chatham's rules). Plaider pour l'intégration des Cachemiris au dialogue, comme le recommande
le Parlement, implique que tous les grands courants d'opinion du Cachemire soient présents, afin
d'aider au dialogue, y compris au sein du Jammu et Cachemire.
Sur un plan plus modeste, un appui au dialogue stratégique conduit depuis plusieurs
années entre experts allemands, français et indiens d'une part; allemands, français et pakistanais
d'autre part, serait utile, en élargissant les participations de think tanks européens, qui devraient
mieux se coordonner.
5. Dans le domaine économique et social : coopération et prospective
L'Union européenne est un acteur considérable dans le champ de la coopération, tant en
Inde qu'au Pakistan, en matière économique comme sur le plan de la gouvernance. Education,
18
santé, développement rural et ressources, réhabilitation après catastrophes, définissent autant de
besoins essentiels dans un Cachemire affaibli par des décennies de violences. Une stratégie de
soutien psychologique à des milliers de familles endeuillées par ces violences serait aussi
nécessaire. Plus largement, l'Union pourrait proposer à New Delhi et à Islamabad d'étendre aux
deux Cachemires des modes de coopération qui ont déjà été approuvés pour des Etats indiens
(Chhattisgarh, Rajasthan) et pour des provinces pakistanaises (Sindh, NWFP), en sus de ce qui se
fait déjà dans les Territoires du Nord. Un intérêt particulier peut être porté aux infrastructures qui
favoriseront les communications au travers de la Ligne de contrôle, le trafic marchandise étant
désormais envisagé. Bien entendu, les besoins de la reconstruction après le séisme d'octobre
2005 doivent être pris en compte.
Il existe depuis peu des études portant sur les dimensions économiques de la crise du
Cachemire, sur les potentiels ouverts par le développement des échanges entre les deux
Cachemires, et sur leurs domaines d'intérêts communs, tels que ressources naturelles,
développement durable, partage des eaux. Ces travaux méritent d'être poursuivis. Ils vont bien
au-delà des contentieux existants (la Banque mondiale est médiatrice sur la question du barrage
de Baghliyar, construit par l'Inde et contesté par le Pakistan). Notons également au passage que
des pays européens hors EU, la Norvège et la Suisse, sont actifs en matière de développement
dans les Territoires du Nord, côté pakistanais (Projet IUCN).
6. Dans le domaine diplomatique
Diverses lectures du conflit au Cachemire et diverses opinions quant à la façon de le
résoudre s'expriment naturellement au sein du Parlement Européen. Reste à la Commission et au
Conseil de définir une politique vis-à-vis de cette question. Veulent-ils prendre une position
explicite, ou plutôt procéder par petites touches ? La discrétion semble la voie choisie. Quelle
que soit la forme retenue par la diplomatie, de grandes lignes peuvent être l'objet d'un consensus.
Encourager le processus de dialogue quoi qu'il arrive. Vis-à-vis du Pakistan, encourager les
dirigeants à poursuivre le changement de paradigme en cours, éclairer les bénéfices structurels
que le pays tirerait d'une pleine normalisation de ses relations avec l'Inde. Vis-à-vis de l'Inde,
encourager les dirigeants à donner les signes attendus au Cachemire, pour accroître la confiance
dans une avancée pacifique, tant chez les "séparatistes" que chez le voisin pakistanais. Dans les
deux cas, prendre garde à ne pas apparaître comme donneurs de leçons pratiquant l'ingérence.
Tous ceux qui suivent de près les dialogues indo-pakistanais et les positionnements cachemiris,
qu'ils soient officiels, semi-officiels, ou initiés par la société civile, connaissent à la fois les codes
en usage, les stratégies en jeu et le champ laissé à l'ambiguïté. Ils savent aussi, au-delà des
tactiques des uns et des autres, ce que sont les aspirations réelles et les bonnes volontés qui
travaillent à sortir de l'impasse.
Au-delà, l'Union européenne peut, dans un tel dossier, et dans le cadre général de sa
politique envers l'Inde et envers le Pakistan, développer le dialogue avec les grands pays qui
pèsent en Asie du Sud, particulièrement les Etats-Unis, la Chine, la Russie, pour favoriser
concertations et suggestions communes. Le contrôle de la grave crise de juin 2002 donne un bon
exemple des méthodes à suivre : des voies diverses d'intervention au service d'un objectif
convergent, sans apparaître comme un bloc dictant une marche à suivre./.
19
ANNEXES
ANNEXE 1. UNE COURTE BIBLIOGRAPHIE SUR LE CACHEMIRE
(travaux récents)
Ouvrages
Bose, S., Kashmir. Roots of Conflict, Paths to Peace, Harvard University Press, Cambridge, MA,
2003, p. 306
Cheema, P.I., and Nuri, M.H., The Kashmir Imbroglio: Looking Towards the Future, Islamabad
Policy Research Institute, Islamabad, 2005, p. 239
Ganguly, S. (ed), The Kashmir Question. Retrospect and Prospect, Frank Cass, London, 2003, p.
218
Kumar, R., Making Peace with Partition. Penguin Books, New Delhi, 2005, p. 126
Racine, J.L., Cachemire. Au péril de la guerre. Autrement, Paris, 2002, p. 160
Reynolds, N., Le Cachemire dans le conflit indo-pakistanais (1947-2004), L'harmattan, Paris,
2005, p. 340
Schofield, V., Kashmir in Conflict. India, Pakistan and the Unending War, I.B. Tauris, London,
2003, p. 304
Wirsing, R. G., Kashmir in the Shadow of War. Regional Rivalries in a Nuclear Age, M.E.
Sharpe, Armonk & London, 2003, p. 296
Rapports
Galez, C., Jammu and Kashmir and the India-Pakistan Dialogue. The Prospect Ahead. Report
on Pughwash meeting 203, 11-14 december 2004, Kathmandu, Nepal
European Parliament, Committee on Foreign Affairs. Visit of the ad hoc Delegation of the
European Parliament to Kashmir. Summary Report. Recommandations, Brussels,
November 2004. PE 346.887v04
Habibullah, W. ,The Political Economy of the Kashmir Conflict: Opportunities for Economic
Peacebuilding and for U.S. Policy, Special Report, United States Institute for Peace,
Washington D.C., June 2004
International Union for Conservation of Nature: Northern Areas Strategy for Sustainable
Development. Background Paper on Governance, Gland, October 2002
International Crisis Group, India/Pakistan Relations and Kashmir: Steps toward Peace, Asia
Report Nº79, Brussels, 2004
Jaffrelot, C. et Zérénini, J. , La question du Cachemire. Après le 11 septembre et la nouvelle
donne au Jammu et Cachemire, Occasional Paper 43, Institut d'études de sécurité de
l'Union Européenne, Paris, mars 2003
Kashmir Study Group, Kashmir: a Way Forward, Larchmont, NY, 2005
Schaffer, Teresita C., Kashmir. The Economics of Peace Building. Centre for Strategic and
International Studies, Washington, December 2005
Articles de Jean-Luc Racine sur des sujets proches (sélection)
- The Case of Pakistan. A Strategy for Europe, in Daalder, I., Gnesotto, N. and Gordon, P. (eds) :
The Crescent of Crisis. U.S.-European Strategy for the Greater Middle East, Brookings
Institution Press, Washington, & European Union Institute for Security Studies, Paris, 2005, pp.
198-217
- European Union and South Asia: an Appraisal, in Khan, J. A. (ed) : Major Powers and South
Asia, Institute for Regional Studies, Islamabad, 2004, pp. 131-162
- Cachemire: une géopolitique himalayenne, Hérodote, n°107, 4e trimestre 2002, pp. 17-45
Un site web neutre, présentant des études et des propositions :
- Stimson Center Kashmir Forum : http://www.stimson.org/southasia/?SN=SA20050202767
20
ANNEXE 2. POPULATION ET RELIGIONS AU CACHEMIRE
DATA ON KASHMIR
area km2
population
2001 (1000)
main religion 2001
main language 2001
Kashmir
15 948
5 441
muslims
95%
kashmiri
89%
Jammu
26 289
4396
hindus
66%
dogri
53%
Ladakh
59 146
233
buddhists
51%
tibetan
90%
TOTAL
101 383
10 070
muslims
64%
kashmiri
52%
13 297
3 194
muslims
99%
punjabi
85%
INDIAN SIDE
PAKISTAN SIDE
Azad Kashmir
Northern Territories
64 817
1 045
muslims
99%
shina
TOTAL
78 114
4 139
muslims
99%
punjabi
66%
?
Shaksgam
5 180
nil
Aksai Chin
37 755
nil
TOTAL
42 735
nil
GRAND TOTAL
222 236
14 209
muslims
75%
kashmiri
37%
CHINESE SIDE
source. Kashmir Study group. Kashmir. A way Forward 2000. Kashmir. A way Forward. 2005
21
ANNEXE 3. PARTIS ET MOUVEMENTS POLITIQUES AU CACHEMIRE
I. LES PARTIS DU JAMMU ET CACHEMIRE INDIEN
A. Partis participant aux élections
Les élections à l'Assemblée du Jammu et Cachemire indien ont eu lieu en 2002, en dépit d'une
campagne d'assassinats terroristes qui ont fait environ 500 victimes. Le taux de participation
moyen dans l'Etat (43,70 %) a été jugé satisfaisant, vu les circonstances et l'appel au boycott des
séparatistes. La participation a été très faible dans la Vallée de Srinagar (moins de 10% à
Srinagar par exemple). Les observateurs nationaux et étrangers ont jugé crédible cette élection,
qualifiée de "farce" par les séparatistes et par le Pakistan.
Elus à l'Assemblée du Jammu et Cachemire en 2002 (mandat de six ans)
Jammu and Kashmir National Conference
Indian National Congress :
Peoples Democratic Party :
Communist Party of India Marxist :
Panthers Party :
Autres partis :
Indépendants :
Total :
:
28
20
16
2
4
4
13
87 sièges
Depuis 2002 une coalition menée par le Parti du Congrès et le Parti Démocratique du Peuple
gouverne le Cachemire, avec le soutien du petit Panthers Party et d'indépendants. Le Congrès à
accepté de donner la direction du Gouvernement à Mufti Mohammad Sayeed, leader du PDP
pour les trois premières années du mandat. Le Congressiste Gulam Nabi Azad a bien succédé à
Sayeed le moment venu, en novembre 2005.
Les habitants du Jammu et Cachemire élisent aussi leurs représentants au Parlement indien
La Conférence Nationale
Parti "historique" du Jammu et Cachemire indien, fondé en 1939 par Sheikh Abdullah, leader
emblématique pro-indien au départ, arrivé au pouvoir en 1947, puis emprisonné par Nehru pour
suspicion de sédition. Finit par entériner l'amenuisement de l'autonomie du Cachemire, par un
accord signé avec Indira Gandhi en 1975. Chef du Gouvernement de 1975 à sa mort en 1982.
Après son décès, son fils Farooq Abdullah prend les commandes du parti, et du gouvernement.
Relations tumultueuses avec New Delhi. Revient au pouvoir aux élections de 1996, les premières
depuis le lancement de l'insurrection en 1989-90. En 2000, à l'initiative de la Conférence
Nationale (57 sièges sur 87) l'Assemblée du Jammu et Cachemire s'est prononcée en faveur d'une
double autonomie ; des régions au sein du Jammu et Cachemire, et de l'Etat au sein de l'Inde. Ces
thèses sont toujours défendues par Omar Abdullah (fils de Farooq Abdullah), l'actuel président
du parti et chef de l'opposition à l'Assemblée. En 2002, la Conférence Nationale a perdu la
moitié de ses sièges par rapport à 1996. Mais elle a des élus dans tout le Cachemire. Elle a gagné
22
18 sièges sur 40 dans la Vallée de Srinagar, 9 sièges sur 39 au Jammu, 1 sur quatre au Ladakh.
Premier parti du Jammu et Cachemire, elle a trop subi l'usure du pouvoir pour forger une
coalition apte à gouverner.Omar Abdullah (né en 1970) a été ministre délégué aux affaires
étrangères (Union Minister of State for External Affairs) sous le gouvernement de A.B.
Vajapayee, la Conférence Nationale ayant alors rejoint la coalition menée par le BJP.
Le parti du Congrès
Revenu en force aux élections de 2002 avec 20 élus (contre 7 en 1996). Premier parti du Jammu,
où il écrase le Bharatiya Janata Party (droite nationaliste), le Congrès a aussi des élus dans la
Vallée de Srinagar. Branche locale du Parti du Congrès (Congrès National Indien), dont elle suit
la ligne : en théorie, revendique tout le Cachemire de l'ancien maharajah, et donc les terres sous
contrôle pakistanais. Prêt à une certaine autonomie, mais pas au retour à l'autonomie maximale
de 1952. Posture ambiguë, car le parti incarne l'hégémonie de New Delhi et la longue histoire de
subjugation du Cachemire depuis 1953, et de manipulation de sa vie politique. A adroitement
cédé la première place au nouveau venu des partis cachemiris: le Parti Démocratique du Peuple.
Au terme de l'accord conclu avec le PDP, c'est un congressiste qui est devenu chef du
gouvernement de coalition à mi-mandat en novembre 2005: Ghulam Nabi Azad, musulman du
Jammu, qui était alors ministre du gouvernement de Manmohan Singh, chargé des relations avec
le Parlement
Le Parti Démocratique du Peuple (Peoples Democratic Party)
Parti cachemiri en 1999 par Mufti Mohammad Sayeed, ancien du Parti du Congrès et du Janata
Dal. Né en 1936, plusieurs fois ministre au Cachemire, il était ministre de l'intérieur du
gouvernement central indien lors du lancement de l'insurrection. La coalition du Congrès et du
PDP l'a fait chef du gouvernement du Jammu et Cachemire de 2002 à 2005. Les élus du PDP
viennent de la Vallée de Srianagar. Le PDP, et particulièrement Mehbooba Mufti, fille de
Sayeed, et présidente du parti, se prononcent pour le dialogue avec tous les opposants à l'Inde,
politiques de la Conférence Hurriyat ou d'autres mouvements séparatistes, ou même militants des
groupes armés cachemiris. Née en 1969, Mehbooba Mufti est élue au Parlement indien.
Le Parti Communiste Indien Marxiste
Sa présence est modeste (deux élus) mais il a à sa tête une personnalité particulièrement
respectée, Mohammad Youssef Tarigami, qui se prononce pour une solution du conflit dans le
cadre de l'unité indienne
Le Panthers Party
Mené par Bhim Singh. Allié à la coalition au pouvoir. Ses quatre élus représentent tous la région
d'Udhampur. Séculariste, le parti est favorable à la création, au sein de l'Union indienn, d'un Etat
du Jammu dissocié du reste du Cachemire.
Le Ladakh Union Territory Front
Créé à la veille des élections de 2002, c'est le bras politique de l'Association Bouddhiste du
Ladakh. Se prononce pour séparer le Ladakh du Cachemire pour en faire, à moyen terme, un
"Territoire de l'Union", dans le cadre de l'Union indienne. Dispose de deux élus à l'Assemblée du
Jammu et Cachemire, qui soutiennent la coalition Congrès-PDP, l'un des élus, Nadwang Rigzin,
étant ministre. Le LUTF a gagné 21 des 25 sièges du Leh Autonomous Development Council, le
conseil régional de la région orientale du Ladakh à majorité bouddhiste
23
Le Bharatiya Janata Party
Le grand parti de la droite nationaliste hindoue n'a plus qu'un siège (au lieu de huit) à
l'Assemblée du Jammu et Cachemire. En 2002, les tensions entre les instances nationales du BJP
et la base du parti au Jammu, son ancien bastion, ont porté sur le futur du Cachemire. Le
Rashtriya Swayamsevak Sangh, le noyau dur idéologique du nationalisme hindou, s'était
prononcé pour la "tripartition" du Jammu et Cachemire (Cachemire, Jammu, Ladakh). Les
instances nationales du BJP étaient contre, celles du Jammu plutôt pour. Le RSS avait alors lancé
le Jammu State Morcha, alliance de divers mouvements sociaux et professionnels. Un
compromis électoral avait été trouvé entre les deux factions.
B. Les partis "séparatistes", boycottant les élections
Le tableau des partis dits "séparatistes" se bornera à essayer d'éclairer une situation très confuse
et fluide. Les mouvements connaissent tous des scissions à répétition. Cette complexité
structurelle affaiblit la cause de ces mouvements, incapable de s'unir autour d'un leader
inscontesté.
La All Party Conference Hurriyat (en abrégé : l'Hurriyat)
La "Conférence de tous les partis pour la liberté" a été fondée en 1993, pour fournir une
organisation commune a un ensemble de 26 partis politiques et associations sociales ou
professionnelles, opposées à la présence indienne au Cachemire. Certains de ses membres
avaient, comme Abdul Ghani Lone, siègé à l'Assemblée du Jammu et Cachemire.
L'Hurriyat regroupe par vocation des partis d'obédience et d'idéologie diverses, dont le seul
point commun est l'opposition à l'Inde ou, dans le présent contexte, l'opposition au statu quo
politique et territorial. L'actuel président de l'Hurriyat est un clerc, le mirwaiz de la grande
mosquée sunnite de Srinagar: Omar Farooq. C'est la figure la plus connue de l'Hurriyat et la plus
respectée. La plus médiatique aussi.
En 2003, une faction explicitement en faveur du rattachement au Pakistan a fait sécession. Elle
est menée par Ali Shah Geelani (voir ci-dessous)
Les principaux partis membres de l'Hurriyat étaient au départ:
- L'Awami Action Committee , dirigée par Omar Farooq
- La Jamaat-e-Islami , dirigée par Syeed Shah Geelani
- La Jammu and Kashmir People's Conference, dirigée par Abdul Ghani Lone
- La Conférence musulmane (Muslim Conference ) dirigée par Abdul Ghani Bhatt
- Le Front de Libération du Jammu et Cachemire (Jammu & Kashmir Liberation Front),
dirigée par Yasin Malik
- La Ligue du Peuple, dirigée par Sheikh Abdul Aziz
- L'Ittihad-ul Muslimeen , dirigée par le moulvi chiite Abbas Ansari
Jusqu'à 2005, la ligne officielle de l'Hurriyat, énoncée en 1993, était le droit à
l'autodétermination, en incluant une possibilité d'indépendance, non prévue par les résolutions de
l'ONU. Demande la participation des Cachemiris aux négociations entre Inde et Pakistan. Récuse
toute solution dans le cadre de la Constitution indienne. L'identité musulmane du Jammu et
Cachemire dans son entier entend laisser toute leur place aux minorités religieuses.
24
L'Awami Action Committee
Formation fondée en 1964 par le mirwaiz Mohammad Farooq, assassiné en 1990. Son fils Omar
Farooq a hérité à la fois de la charge religieuse de son père, principal prêcheur de la grande
mosquée de Srinagar, et du parti politique qu'il avait fondé. L'Awami Action Committee a rejoint
la Conférence Hurriyat dès sa formation.
La Conférence du Peuple (People Conference)
Formation fondée en 1979 par Abdul Ghani Lone, qui deviendra un des dirigeants principaux de
l'Hurriyat, assassiné en 2002. Ses deux fils Sajjad et Bilal sont désormais opposés, et se sont
réciproquement exclu du parti. Bilal Ghani Lone reste le représentant du parti au sein de la
direction de l'Hurriyat. Il s'est prononcé contre la participation à la Conférence sur le Cachemire
organisée par le Premier ministre indien à New Delhi le 25 février 2006. Sajjad Ghani Lone est
président du parti. Il a en son temps accusé les islamistes d'avoir assassiné son père, coupable
d'envisager de discuter avec New Delhi. Sajjad Lone a officiellement rencontré le Premier
ministre Manmohan Singh à New Delhi en janvier 2006.
Le Parti est soupçonné d'avoir présenté des candidats sans étiquette lors des élections de 2002,
que l'Hurriyat avait appelé à boycotter.
Le Parti Démocratique de la Liberté (Democratic Freedom Party)
Parti dirigé par Shabir Ahmed Shah, activiste de la première heure, ayant renoncé à la lutte
armée. Pour l'autodétermination. N'affiche pas d'affiliation religieuse spécifique. Shabir Shah
jouit d'un prestige personnel qui en fait un interlocuteur privilégié, mais réticent, des émissaires
de New Delhi cherchant à nouer le dialogue avec les séparatistes. Le DFP fut un temps membre
de l'Hurriyat. Le parti a connu une scission en 2003. Le DFP a refusé de siéger à la Conférence
sur le Cachemire organisé par le gouvernement indien le 25 février 2006.
Le Jammu and Kashmir Liberation Front
La plus vieille organisation luttant contre "l'occupation indienne", fondée en 1977. Son leader
historique, Amanullah Khan, vit dans l'Azad Kashmir pakistanais. Le JKLF a connu une scission
importante quand Yasin Malik, jeune militant de premier rang lors de l'insurrection de 1989,
s'est séparé d'Amanullah Khan en 1995. Il avait abandonné la lutte armée en 1994, après quatre
ans de prison. L'idéologie est indépendantiste, non religieuse. Comme Shabir Shah, Yasin Malik
jouit d'un réel prestige. Le JKLF a quitté l'Hurriyat en 2004. Yasin Malik est, comme Shabir
Shah, un interlocuteur qu'aimerait avoir le gouvernement. Malik a rencontré officiellement le
Premier ministre Manmohan Singh en janvier 2006, mais le JKLF a refusé de siéger à la
Conférence sur le Cachemire organisé par le gouvernement indien le 25 février 2006. Le
Kashmir Centre-EU, qui défend à Bruxelles, auprès du Parlement européen, la cause des
Cachemiris opposés à "l'occupation indienne", est animé par un membre du JKLF.
Jamat e Islami Jammu and Kashmir
Parti islamiste, antenne cachemirie du Jamat e Islami du Pakistan. Pro-pakistanais. Son leader
Ahmed Shah Geelani, ancien Président de l'Hurriyat a démis le conseil exécutif de l'organisation,
jugé trop modérée, en 2003, pour fonder ensuite la Tehrik-e-Hurriyat Jammu and Kashmir,
entraînant avec lui un certain nombre de mouvements de second rang, et jetant le trouble dans
son parti, la Jammat e islami. Geelani représente aujourd'hui la tendance dure, opposée à toute
discussion avec New Delhi.
25
C. Les mouvements armés
Tous les mouvements politiques insurgés ont eu au départ leur branche armée. La seule qui
compte vraiment aujourd'hui, et qui soit cachemirie, est le Hizb ul Mujahideen. Les mouvements
politiques séparatistes (Hurriyat, JKLF) se démarquent aujourd'hui des groupes combattants
Hizb ul Mujahideen
Le Hizb ul Mujahideen n'est pas un mouvement politique, mais un groupe armé, le plus
important des groupes insurgés cachemiri, encouragé par le Pakistan pour contrer le JKLF
combattant du début des années 1990. Supposé proche du Jamaat e Islami. Syed Salahuddin, son
leader historique est basé à Muzaffarabad, en Azad Kashmir, où il préside aussi le Conseil Uni
du Jihad, qui regroupe les mouvements combattants cachemiris ou pakistanais opérant au
Cachemire. Le commandant opérationnel dans la vallée de Srinagar, Abdul Majid Dar, avait
tenté de négocié un cessez-le-feu avec l'Inde en 2000. Il a été assassiné en 2003. Syed
Salahuddin avait fait pression sur l'Hurriyat pour boycotter les élections de 2002. En jnavier
2006, la presse pakistanaise supposait que Salahuddin, proche d'Islamabad, cherchait à
convaincre Ahmed Shah Geelani, leader de l'Hurriyat "dur", de se rapprocher de l'Hurriyat
"modérée" d'Omar Farooq.
Pour mémoire : groupes du jihad pakistanais. Lashkar e Taiba, Jaish e Mohammad
Parmi les divers groupes de combattants du jihad recrutés et formés au Pakistan, les deux plus
importants sont les Laskhar e Taiba et le Jaish e Mohammad
Les Lashkar e Taiba (Combattants de la pureté) sont la branche armée de l'Association pour la
prédication de la parole divine, Markaz ud Dawat ul Irshad, basé à Muridkote, au Punjab
pakistanais. Fondée en 1990, les Lashkar apparaissent au Cachemire en 1992. L'idéologie est
radicale (école de pensée Ahle Hadit) et mène le jihad pour la réislamisation de l'Inde. Liens
avec l'extrémisme radical dans toute la région. Interdit par le général Musharrf après le 11
septembre, l'organisation reste active. Son idéologue, Hafiz Mohammad Saeed, a transféré les
Lashkar en Azad Kashmir, pour se concentrer ostensiblement sur l'organisation de prédication,
rebaptisée alors Jamat ud Dawa.
La Jaish e Mohammad (l'Armée de Mohamed), est la réincarnation, apparue en 2000, d'une
suite d'organisations combattantes pakistanaises Mujahideen et l'Harkat ul Ansar, classées
comme terroristes par l'administration américaine. Elle a pour chef le maulana Masood Azhar,
libéré par l'Inde après un détournement d'avion. Mouvement islamiste radical, combattant pour le
jihad, interdit par le Général Musharraf en 2002, le Jaish n'a pas dispâru pour autant. Il a connu
une scission en 2003.
II. LES PARTIS DU CACHEMIRE PAKISTANAIS
A. En Azad Kashmir
L'Azad Jammu et Cachemire a disposé de sa première Assemblée en 1971. L'Etat, pourvu d'un
Président et d'un gouvernement, n'est pas indépendant. Aucun parti politique, et aucun candidat,
ne peut s'opposer à "l'idéologie de l'accession de l'Azad Kashmir au Pakistan".
Conference Musulmane (Muslim Conference)
Fondé en 1931. Fer de lance du mouvement contre le Maharajah en 1947. pro-pakistanais à partir
de 1947. La "All Jammu-Kashmir Muslim Conference" (son nom complet) dispose d'une large
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majorité à l'Assemblée: 31 sièges sur 48. Le gouvernement est dirigé par le Premier ministre
Sardar Sikander Hayat Khan. La Chambre Haute, dite State Council, compte 14 membres, en
majorité de la Conférence Musulmane. Le ministre fédéral des affaires du Cachemire est ex
officio membre de ce Conseil.
Parti du peuple du Pakistan
Branche locale fondée par le Pakistan Peoples Party de Benazir Bhutto (objet d'une scission
depuis 2002). Dispose de 16 sièges.
B. Dans les Territoires du Nord (Northern Areas)
Les Territoires du Nord n'ont pas d'assemblée ni de gouvernement élu, et sont définis comme
"Federally Administered Areas". Il existe depuis 1994 un Northern Areas Executive Council de
26 membres, devenu en 2000 Northern Areas Legislative Council, qui peut légiférer sur les
affaires locales, les Territoires restant pour l'essentiel sous la férule du Ministry of Kashmir and
Northern Areas Affairs, à Islamabad. Le ministre fédéral préside le Conseil Législatif. Il est aussi
le chef de l'exécutif. Les projets de réforme du statut et de la vie participative (rapport de 2002)
n'ont pas abouti. Les partis sécessionnistes tel le Balawaristan National front, ou autonomiste
comme le Gilgit Baltistan United Action Forum for Self Rule ne disposent d'aucun espace
politique pour s'exprimer, et sont jugés négligeables. Toute évolution du statut des Territoires du
Nord, qui stabiliserait leur relation au Pakistan irait dans le sens d'une reconnaissance du statu
quo et, indirectement, de la Ligne de contrôle.
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ANNEXE 4. LES AVANCEES DU DIALOGUE INDO-PAKISTANAIS
Les faucons des deux pays dénoncent volontiers le dialogue engagé depuis 2004 comme
n'apportant guère de résultats : pas d'avancée de fond sur le statut du Cachemire pour les faucons
pakistanais, qui soupçonnent l'Inde de vouloir détourner Islamabad de la "question clé du
Cachemire" (the core issue of Kashmir) au nom d'avancées économiques ou commerciales; pas
d'éradication complète des groupes armés opérant au Cachemire pour les faucons indiens, qui
soupçonnent le général Musharraf de double jeu. Il est de mode dans ces milieux de dénoncer le
dialogue comme une illusion entretenue par les gouvernants demandant à leurs diplomates de
"parler pour parler".
En réalité, le dialogue a apporté de multiples avancées, qu'il convient d'évaluer à la lumière d'un
lourd héritage de tensions et de méfiance, voire de propagande. Les avancées peuvent sembler
modestes, et favoriser davantage les mesures de confiance que la résolution des conflits. Les
infiltrations et les attentats n'ont pas disparu, et les Cachemiris demandent toujours le respect des
droits de l'homme et le retrait des militaires indiens des villes où ils sont implantés. La politique
des petits pas permet cependant d'avancer.
A. Les avancées dans la pratique du dialogue
1)- Préparation au dialogue
Avril 2003 : le Premier Ministre indien A.B. Vajpayee tend au Pakistan "la main de l'amitié".
A partir d'avril : contact secrets entre les émissaires de Vajpayee et de Musharraf. Accord
sur les modalités du dialogue à venir. Les deux pays abandonnent la formule des sommets
médiatisés (type Agra en 2001) pour un travail de fond.
Novembre : le Pakistan propose un cessez-le-feu le long de la Ligne de contrôle: accepté par
l'Inde, qui propose de l'étendre au glacier du Siachen : accepté par le Pakistan. Le cessezle-feu tient bon depuis. Un incident en 2005 n'a pas entraîné de dérives.
Décembre : le général Musharraf propose de "mettre de côté" les résolutions de l'ONU en faveur
d'un référendum sur le statut du Cachemire. Concession considérable.
Fin décembre, les émissaires précisent le contenu de la déclaration qui suivra la rencontre
de Vajpayee et de Musharraf en marge du sommet régional de la SAARC à Islamabad.
2)- Annonce du dialogue
Janvier 2004: Vajpayee présent au sommet de la SAARC. Le 6 janvier: déclaration conjointe
pour lancer le dialogue. Concession indienne, qui réfutait autrefois le dialogue "tant que
le terrorisme et ses infrastructures ne seraient pas démantelées". Concession pakistanaise,
la déclaration conjointe officielle précise : "President Musharraf reassured Prime Minister
Vajpayee that he will not permit any territory under Pakistan's control to be used to
support terrorism in any manner." Deuxième concession pakistanaise: le principe du
dialogue "composite" est acceptée. L'Inde parlera du Cachemire, mais pas uniquement du
Cachemire. Les autres contentieux et les autres domaines de coopération possible seront
abordés. C'est un retour à l'accord de 1997. L'abandon de la thèse pakistanaise du
"Kashmir first".
3)- Le processus de dialogue officiel
Février 2004 Démarrage du premier cycle de négociations. Deux cycles seront conduits en 2004
et 2005. Le troisième cycle commençant en janvier 2006. Dialogue très structuré, à
différent niveaux: dialogues techniques, rencontres des "Foreign secretaries", rencontres
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des ministres des affaires étrangères, rencontres des chefs d'Etat et de gouvernement.
Quatre déclarations conjointes entre le Président pakistanais et le Premier ministre indien
scandent le cycle de rencontres : 6 janvier 2004, 24 septembre 2004, 18 avril 2005, 14
septembre 2005. En outre jamais les diplomates des deux pays ne se sont autant
rencontrés.
Avril 2005. Déclaration conjointe (le 18) Musharraf et Singh déclarent que le processus de paix
est "irréversible"
B. Les avancées du dialogue au Cachemire
1. Ouverture de la Ligne de contrôle
Avril 2005. Première ligne de bus Srinagar Muzaffarabad
Novembre 2005 . Cinq points de passage ouverts après le tremblement de terre d'octobre
Accord à mettre en oeuvre :
*ouverture de la ligne Srinagar Muzaffarabad au trafic marchandise
Propositions indiennes :
*ouvrir à l'est de la Ligne la route Kargil Skardu, entre Ladakh et Baltistan
*ouvrir au sud de la ligne la route Jammu Sialkot, entre Jammu et Punjab
2. mesures de confiance vis-à-vis des séparatistes cachemiris
Janvier 2004. rencontre entre l'Hurriyat et le premier ministre indien A.B Vajpayee
Octobre 2004. Première visites de journalistes pakistanais au cachemire indien
Avril 2005. Première conférence à Srinagar avec des personnalités de l'Azad Kashmir. D'autres
suivront
Juin 2005. Delhi autorise l'Hurriyat et Yasin Malik à se rendre officiellement en Azad Kashmir
Novembre 2005. Première conférence à Delhi où les leaders élus (PDP, National Conference) et
le chef de l'Hurriyat partagent la tribune
Décembre 2005. rencontre entre l'Hurriyat et le premier ministre indien Manmohan Singh
Janvier 2006. Invitation de Sajjad Lone (Peoples Conference) par Manmohan Singh
Février 2006 . Invitation de Yasin Malik (JKLF) par Manmohan Singh
Février 2006. Manmohan Singh annonce la volonté de libérer les prisonniers politiques
cachemiris.
3. infiltrations et attentats
Avril 2005. déclaration conjointe de Musharraf et Singh : "they pledge that they would not allow
terrorism to impede the peace process".
Les attentats se poursuivent pourtant, au Cachemire et ailleurs en Inde
Octobre 2005 : Le 29, trois bombes explosent à Delhi: 50 morts, 70 blessés.
Le dialogue tient bon cependant.
Février 2006. le ministère de l'intérieur indien confirme la baisse des infiltrations répertoriées:
1395 en 2002; 1313 en 2003, 507 en 2004, 231 en 2005
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C. Avancées générales du dialogue indo-pakistanais
1. intensification des communications et des relations économiques
Janvier 2006 : ouverture de la liaison de bus Amritsar Labore (entre les deux Punjabs)
Janvier 2006 : préparation pour l'ouverture de la liaison ferroviaire entre l'Etat indien du
Rajasthan indien et la province pakistanaise du Sindh
Février 2006 : ouverture de la liaison de bus Amritsar Nankana Sahib (lieux saints sikhs)
Négociations en cours pour une liaison routière Poonch (Cachemire indien)-Rawahalkot
(Azad Kashmir)
Négociations en cours pour un gazoduc Turkmenistan-Afghanistan, Pakistan, Inde
Négociations en cours pour un gazoduc Iran-Pakistan-Inde (incertain au vu des pressions
américaines)
2. Négociations en cours sur des contentieux territoriaux
Au Cachemire: à propos du glacier du Siachen
Hors Cachemire : sur la frontière de Sir Creek, entre Sindh et Gujarat
3. Avancées en matière de dialogue stratégique
Octobre 2005 accord de pré-notification de tirs de missiles balistiques
Dialogue en cours sur :
- les risques d'accidents nucléaires ou les tirs non autorisés
- modalités des rencontres mensuelles entre commandants des deux côtés de la Ligne
de contrôle
4. Autres sujets négociés
Agriculture, santé, information, éducation, sciences et technologie, technologies de
l'information, environnement, tourisme
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ANNEXE 5. LE CACHEMIRE ET SES SUBDIVISIONS
Source : http://www.lib.utexas.edu/maps/middle_east_and_asia/kashmir_region_2004.jpg
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