Fiche HIDA 5eme. Les noces de Cana
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Fiche HIDA 5eme. Les noces de Cana
Histoire des arts Les noces de cana Paolo Caliari dit Véronese (1528-1588) Huile sur toile. 1563 6,77 x 9,94m Musée du Louvre, Paris Cette gigantesque toile que Véronèse réalise en un an à l'aide de son atelier est une commande de la communauté bénédictine du monastère de San Giorgio Maggiore, un important monastère de Venise. Elle doit occuper la totalité du mur du réfectoire des moines, d'ou le thème retenu, ainsi que la taille gigantesque de la toile. La commande fixe tous les détails comme la date de livraison (au plus tard le 8 Septembre 1563). Elle précise aussi que le peintre pourra représenter autant de personnages qu'il est possible d'en mettre. Le tableau remplit la fonction d'une fresque mais sera réalisée à l'huile sur toile, du fait des contraintes d'humidité du lieu. Le peintre décide néanmoins de réaliser l’œuvre directement sur le lieu de son exposition pour éviter de la déplacer. Les noces de Cana, c'est d'abord une grande profusion de personnages : 132 figures humaines dont certains sont des portraits de personnes ayant existé, parmi lesquelles six musiciens et trois bouffons chargés d'animer la fête, une multitude de serviteurs parmi lesquels on peut distinguer trois serviteurs noirs (l'esclavage est encore présent à Venise au XVIe siècle). On peut y ajouter cinq chiens, un chat et un perroquet. La diversité des postures et des tissus, la superposition des figures, le fait que les personnages du bord soient coupés, ce qui suggère que la foule déborde du cadre du tableau, tout le dispositif fait que l’œil se perd dans cette fête dont l'ordonnancement n'apparaît que peu à peu. Au centre de la tablée, à l'endroit que devraient occuper les mariés se trouvent Jésus et Marie, sa mère. Tout deux sont nimbés d'une auréole dont celle du Christ est la plus lumineuse. Les mariés, eux, sont à l'extrême gauche de la toile, relégués au bout de la table. C'est un festin de mariage. Les convives sont répartis le long d'une grande table en U, uniquement sur le côté extérieur. Le tableau montre le mode de vie ostentatoire du patriciat vénitien. C'est pour nous aujourd'hui un document sur l'histoire des manières de table et on y repère par exemple un des premiers usages de la fourchette. Les serviteurs quittent l'espace de la fête par deux escaliers latéraux qui leur permettent de rejoindre une terrasse surélevée occupant tout le deuxième plan, le barrant même avec sa balustrade monumentale. Au milieu de la table en U, six musiciens ont pris place. Derrière eux, on distingue encore un bouffon. Au milieu des musiciens, une table recouverte d'un brocard d'or sur fond vert. Sur la table, des livrets ouverts (sans doute les partitions des musiciens), la boite noire d'un instrument et un sablier. Les divers personnages présents sont habillés de tissus précieux, souvent ornés de bijoux . Leurs vêtements sont ceux qu'on peut porter à Venise à la fin du XVIe siècle, mais pas seulement. De nombreux convives ou serviteurs arborent des turbans évoquant l'Orient. La scène est censée se passer dans la Palestine alors occupée par les Turcs, ce qui justifie cet accoutrement. Les personnages bibliques sont eux vêtus à l'antique, mais cela ne les singularise pas au premier coup d’œil. La scène semble se dérouler à ciel ouvert mais dans un espace architectural très riche. Les parties droite et gauche de la noce ne sont pas similaires; L'éclairage vient de la droite en avant du tableau; De ce fait, la partie gauche est beaucoup plus claire. C'est dans cette partie que l'on rencontre les rares femmes attablées, cinq en tout en comptant la mariée et la Vierge. A part cette dernière, ce sont toutes de jeunes femmes blondes arborant de riches bijoux. Quelques hommes aussi arborent des pierreries, de ce côté-là. La partie droite du tableau est à l'inverse plongée dans une sorte de pénombre. Les vêtements y sont moins brillants, les convives, tous des hommes semblent plus souvent âgés. Les deux mariés sont placés à l'extrême gauche. Leur emplacement est mis en valeur par la lumière qu'y dirige le peintre. Cette place ne leur permet cependant pas de présider le repas. Le tableau décorant le réfectoire d'un monastère, cette disposition n'est pas a priori absurde. Au centre de la table, on trouve le Christ, qu'on ne découvre pas tout de suite mais dont la figure s'impose peu à peu. Jésus n'est qu'un invité parmi d'autres à cette noce et n'a donc pas à occuper une place de choix. C'est le regard rétrospectif du chrétien qui en fait le centre d'intérêt de cet épisode de la Bible. Cette peinture comporte une double perspective. Les lignes de construction s'interpénétrant, le peintre peut vouloir écraser la profondeur de son tableau, éviter de porter le regard du spectateur au loin pour le concentrer dans les premiers plans du tableau. L'accumulation des personnages montre déjà assez à quel point l'espace est comprimé ; il était important de « redresser » la table pour mieux la percevoir. Très peu de personnes regardent le Christ qui vient de réaliser son premier miracle. On peut y compter sa mère et un convive à la droite de celle-ci qu'on identifie traditionnellement à Saint Pierre . A la gauche du Christ, trois personnes assises le regardent. On les identifie aussi traditionnellement avec des disciples sur la foi de leurs vêtements à l'Antique. En fait, les noces de Cana sont un tableau dont les différents niveaux de lecture sont voulus. Ceux-ci ne se juxtaposent pas de manière égale mais s'organisent dans une succession temporelle elle aussi organisée et voulue. Le tableau renferme une progression de lecture qui l'apparente au cinéma La taille même du tableau ne permet pas une saisie immédiate et oblige à se concentrer successivement sur tel et tel aspect. Notre regard va et vient sur la toile en suivant les indications qu'y a porté le peintre.