INTERVIEW / EVENEMENTS DE NOVEMBRE 2004: M. Tchimou

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INTERVIEW / EVENEMENTS DE NOVEMBRE 2004: M. Tchimou
INTERVIEW / EVENEMENTS DE NOVEMBRE 2004: M. Tchimou Raymond,
procureur de la République de Côte d'Ivoire: "La Justice française bloque les
enquêtes"
(Jeudi 18 Janvier 2007 à 16:33) - Contributed by le monde
Une délégation ivoirienne composée de trois magistrats a séjourné à Paris du 4 au 13 janvier 2007. Commis par l'Etat d
Côte d'Ivoire pour enquêter sur les évènements de novembre 2004 dans lesquels 67 patriotes ivoiriens ont trouvé la
mort, le procureur de la République de Côte d'Ivoire et deux de ses collègues sont repartis au pays bredouilles. Avant de
quitter la capitale française, notre correspondant les a rencontrés. Dans cet entretien exclusif, le procureur de la
République dit tout sur l'enquête.
Une délégation ivoirienne composée de trois magistrats a séjourné à Paris du 4 au 13 janvier 2007. Commis par l'Etat
de Côte d'Ivoire pour enquêter sur les évènements de novembre 2004 dans lesquels 67 patriotes ivoiriens ont trouvé la
mort, le procureur de la République de Côte d'Ivoire et deux de ses collègues sont repartis au pays bredouilles. Avant de
quitter la capitale française, notre correspondant les a rencontrés. Dans cet entretien exclusif, le procureur de la
République dit tout sur l'enquête. Vous êtes à Paris depuis quelques jours. Peut-on savoir les raisons fondamentales ?
Je suis en mission avec M. Cissé Losseni, juge d'instruction en charge des évènements de novembre 2004 et le
commissaire du gouvernement, le colonel Ange Kessy, qui, lui, suit le même dossier mais en rapport avec ce qui s'est
passé à Bouaké. Il faut rappeler que les massacres d'Ivoiriens devant l'Hôtel Ivoire sont une conséquence des
évènements de Bouaké (opération Dignité, ndlr). Dès notre arrivée ici à Paris, nous avons saisi le juge d'instruction du
tribunal aux armées de Paris en vue de l'exécution de certaines commissions rogatoires internationales. Nous avons
demandé le rapport d'autopsie des neuf (9) soldats français censés être tués à Bouaké et l'audition de tous les soldats
français qui étaient présents à l'Hôtel Ivoire les 6,7, 8 et 9 novembre 2004. Et qui ont eu à tirer à bout portant sur des
manifestants ivoiriens aux mains nues. En effet, nos deux commissions rogatoires des 10 octobre 2005 et 1er novembre
2005 sont restées jusqu'à ce jour inexécutées. De surcroît, madame le juge d'instruction (Brigitte Raynaud) a été
remplacée par une nouvelle dame, Florence Michon depuis mars 2005. Qui à son tour, ne fait aucun effort pour
l'exécution desdites commissions rogatoires. Nous comprenons les nombreuses pressions politiques sur elle, mais elle
reste pour nous une magistrate et doit peser de tout son poids dans l'exercice de ses fonctions.Qui avez-vous rencontré
concrètement ?
Nous sommes arrivés à Paris le lundi 1er janvier vers 6h du matin. A 16h, nous avons eu une séance de travail avec
Mme Michon Florence, juge d'instruction au tribunal des armées de Paris (TAP), et par la suite avec le procureur Bayet.
Au cours de ces séances de travail, nous avons réitéré notre demande tendant à l'exécution effective des commissions
rogatoires. Pour les auditions, nous avons même cité certains soldats français que nous avons pu identifier grâce à leurs
pièces d'identité retrouvées sur les lieux du crime, à l'hôtel Ivoire. Nous avons demandé que le colonel D?Estremeau qui
a donné l'ordre de tirer sur les Ivoiriens soit aussi entendu. De Même pour le général Poncet. Nous avons donc parlé
de tout cela, malheureusement nous avons constaté une grande réticence de la part de nos collègues français. Ce que
nous observons est que le dossier ivoirien risque d'être enterré si nous restons en Côte d'Ivoire les bras croisés.Quelle
a été la réponse des juges que vous avez rencontrés ce jour là ?
C'est ce que je viens de dire. Rien n'a été fait. Quels arguments avancent-ils ?
Vous savez, dans ce genre de situation, on utilise toujours des mots de courtoisie du genre : " nous allons faire le travail
", " nous attendons un peu ", " nous avons lancé notre réquisition auprès du chef d'Etat major des armées qui n'a pas
encore répondu ". Or, un juge d'instruction n'a pas besoin d'une réquisition pour entendre des soldats. Elle est juge
d'instruction du tribunal des armées. Elle a tous les pouvoirs. A tout moment, elle peut convoquer. Et si c'est fait, je ne
vois pas pourquoi le soldat ne s'exécuterait pas. La juge d'instruction qu'elle a remplacée (Brigitte Raynaud) qui
disposait des mêmes pouvoirs avait pu entendre les soldats français qui ont volé à la Bceao de Bouaké et Man. Ces
soldats ont été entendus, jugés et condamnés.Que va-t-il se passer si vous n'obtenez rien au bout ? Une plainte
contre X est-elle envisageable ?
Non, non. Il faut arrêter ces procédures visant à porter plainte contre X. Aujourd'hui, c'est notre dernière étape. Nous
voulons une véritable et franche collaboration de la part des autorités françaises. Sinon, nous serons obligés de lancer
des mandats d'arrêt contre ces personnes dont nous détenons les identités; mais je tiens à souligner que son
Excellence monsieur Laurent Gbagbo, président de la République de Côte d'Ivoire, m'a demandé de manière express
de privilégier la voie du règlement à l'amiable. Cette option a été portée à leur connaissance. Au départ, on avait senti
chez nos collègues français une volonté d'aller dans ce sens mais subitement s'est imposé un silence d'oubli total. Mais
nous Ivoiriens, nous ne pouvons pas oublier. Dès mon retour à Abidjan, je vais demander à mon juge d'instruction de
préparer une commission rogatoire internationale dans laquelle nous allons exiger l'exhumation des neuf (9) soldats
français tués puis l'autopsie de chaque corps, suivie d'une expertise balistique. Car c'est bien beau de dire que ces
soldats français ont été tués par les soldats ivoiriens. Faudrait-il que nous sachions si effectivement il y a eu mort
d'homme. Vous vous intéressez aux cas des 9 soldats français présumés tués, mais qu'en est-il des victimes
ivoiriennes ?
Je viens de souligner que les deux vont ensemble. C'est à cause des soldats français tués à Bouaké qu'en représailles des
jeunes ivoiriens ont été tués à Abidjan. Nous voulons savoir si la mort des soldats français n'est pas une fiction.
Concernant les jeunes manifestants tués devant l'hôtel Ivoire, il n' y a aucun doute. Nous avons toutes les preuves de la
responsabilité des soldats français à cet effet. C'est pourquoi nous exigeons à notre tour que la France nous apporte sa
preuve que nous sommes responsables de la mort des Français tués.Avez-vous des rapports avec les familles des
victimes ivoiriennes ?
Mon grand souhait au sujet des évènements de novembre 2004, c'est que les jeunes patriotes qui aujourd'hui sont très
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bien organisés m'apportent un soutien. Au moment où les autorités françaises m'avaient demandé de formaliser notre
requête pour aboutir à un règlement amiable, vu les accords de défense militaire entre nos deux pays, je n'ai pas senti
un engouement. Dans le mois où j'ai demandé aux parents des victimes cette formalisation, il n' y avait pas eu de
réaction. Cela s'est passé un peu plus tard. Cinq, six mois après. Dans le temps, les mouvements patriotiques ivoiriens
avaient commis un avocat d'origine britannique. Il fallait aussi prendre un autre avocat d'origine ivoirienne. Je me
souviens que maître Blé Charles était disposé à assumer cette représentation. Ce qui pourrait aboutir à la demande d'une
indemnisation suite aux blessures et décès causés par l'armée française sur des Ivoiriens manifestant aux mains nues.
Dans ce cas, une requête des soins des avocats des victimes aurait pu être adressée à madame Michèle Alliot-Marie,
ministre française de la Défense. Pour qu'il y ait une commission rogatoire paritaire entre les deux pays en vue de
s'entendre sur les modalités des indemnisations. Il fallait rapidement que cet avocat soit saisi. Que les pièces, les
certificats médicaux, de décès soient rassemblés pour faire vite bouger les choses. Malheureusement, on a attendu six
mois. Alors qu'en matière politique, à tout moment un événement peut changer la donne de l'autre. Aussi dès que ce pas
avait été franchi, il appartenait aux jeunes patriotes de s'en servir pour insister partout où l'on pouvait les entendre pour
que justice soit rendue. Si je le dis ainsi, c'est parce que en tant que procureur de la République, je ne suis pas
compétent à faire cette requête. Cela requiert la compétence d'un avocat. Mon action se situe à préparer, organiser,
créer les conditions pour que tout soit prêt pour qu'ils obtiennent gain de cause. Mais il ne sert à rien de défiler tous les
jours devant le président de la République. Ce n'est pas lui qui a demandé aux soldats français de commettre des
massacres. Il est vrai qu'en tant que président de Côte d'Ivoire, sa responsabilité est engagée. C'est pour cela qu'il m'a
donné plein pouvoir afin de les éclairer et les soutenir. Ils ont créé des associations. Je ne vois pas ces associations. Il
faut que leurs avocats locaux prennent d'autres avocats ici en France qui doivent, par tous les moyens, réveiller les
autorités françaises. Le contexte s'y prête actuellement et c'est le moment de faire bouger les choses.Combien de
temps les Ivoiriens devront encore attendre pour voir éclater la vérité et pour que réparation soit faite ?
Le réveil des associations des victimes ivoiriennes peut donner un coup d'accélérateur à la justice française qui
manifestement n'a pas intérêt à ce que le dossier avance. Ce n'est pas la bataille du seul procureur de la République;
c'est celle de tous les Ivoiriens. Pour ce faire, le temps n'est pas important. Seule la détermination de tous compte. Et
comme nous sommes convaincus que des ivoiriens ont été tués gratuitement par l'armée française, il nous appartient
de faire usage de toutes ces preuves devant qui de droit.Avez-vous une idée concrète de la prochaine phase ou
procédure avant la clôture de ce dossier ?
Tout dépend de ce qu'on veut. Si nous recherchons d'abord l'indemnisation, il faudra s'attendre au laxisme des
autorités françaises. Dans le cadre des sanctions, il y a deux possibilités. Les associations des victimes peuvent porter
plainte devant Mme Florence Michon, juge d'instruction du tribunal des armées de Paris. L'autre volet concerne la cour
pénale internationale. Dans ce dernier cas, c'est seul le chef de l'Etat qui peut ordonner une telle démarche.Quelle est
la démarche que vous conseillez ?
Tous les dossiers nous intéressent dès lors que cela engage la responsabilité de l'Etat de Côte d'Ivoire. Mais dans le cas
d'espèce, les évènements de novembre 2004 sont pour nous un cas d'école où nous constatons que dans la guerre qui
est faite à la Côte d'Ivoire, des Ivoiriens aux mains nues sont tués par des individus identifiables sans que la France qui se
veut un pays des droits de l'Homme et qui n'est pas innocente dans ces évènements n'assume sa part de
responsabilité. Il faut noter aussi que le ministre ivoirien des droits de l'homme devra également s'y investir. Car si nous
nous intéressons aux évènements qui ont lieu en zone gouvernementale, il lui appartient de saisir l'extérieur pour tous
les évènements échappant au contrôle du pouvoir légal, du fait de la partition du pays. Mais je dirai aussi qu'il faudra
tenir compte des nouveaux textes de lois tendant à amnistier de façon générale tous les auteurs des crimes commis avec
bien entendu des restrictions. Il y va aussi des solutions ou garanties pour la sortie de crise telles que voulues par le
Président Laurent Gbagbo lui-même. J'exhorte les associations des victimes à mieux s'organiser. Je suis à leur
disposition.Votre fonction a-t-elle des limites ?
Quand on s'arrête au terme de " procureur de la république ", on pense que ma zone de compétence s'étend sur tout
le territoire national ivoirien. De sorte qu'on puisse m'imputer les faits qui se passent en dehors d'Abidjan. Beaucoup
s'étonnent certainement de mon silence sur les massacres qui ont lieu par exemple en zone rebelle. En fait, je n'ai pas
compétence territoriale. Je suis procureur de la république près le tribunal de 1ere instance d'Abidjan-Plateau. Donc ma
compétence se limite dans cette zone là. Car même à Abidjan, je ne suis pas compétent à Yopougon. Par contre, Cocody,
Marcory, Treichville et la zone couvrant les deux ponts sur lesquels ont eu lieu les bombardements des hélicoptères de
la Licorne tuant des Ivoiriens, font partie de ma zone de compétence. C'est d'ailleurs pour cette raison que je suis sur le
dossier du massacre des Ivoiriens devant l'hôtel Ivoire (Cocody). Parlant des massacres en zone rebelle, certes il y a un
procureur près la cour d'appel de Bouaké, mais avec la crise, aucun magistrat n'y exerce de fonction de façon régulière.
Il n'y a aucune juridiction. Tous les tribunaux sont fermés. C'est pourquoi toutes les enquêtes sont concentrées au Sud
dans la zone sous contrôle gouvernemental où existe encore une juridiction qui travaille de façon convenable. Enfin, c'est
pour moi le lieu ici de rendre un hommage à son excellence monsieur le président de la République de Côte d'Ivoire, qui
sans vous mentir, m'apporte un soutien assez important afin d'éclairer la population ivoirienne.
Philippe Kouhon
(Correspondant Europe)
[email protected] juge relance l'enquête au TogoSelon nos informations, Florence Michon est arrivée à
Lomé afin de donner une nouvelle impulsion à l'enquête sur le bombardement qui avait fait neuf morts parmi les soldats
français en 2004. La juge au tribunal aux armées de Paris (TAP), Florence Michon, est actuellement au Togo pour
relancer l'enquête sur le bombardement meurtrier de Bouaké (Côte d'Ivoire), le 6 novembre 2004, qui avait fait neuf
morts parmi les soldats français de l'opération Licorne et une victime civile, un agronome américain. D'après nos
informations, la magistrate, qui instruit une plainte contre X déposée en jnavier 2005 par les familles des victimes pour
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"assassinats, tentative d'assassinats et destruction de biens", serait sur place pour examiner les disquettes informatiques
saisies par les policiers togolais dans le cadre d'une enquête ouverte sur l'affaire de Bouaké par la justice de Lomé. La
question est de savoir si Florence Michon interrogera ou non le marchand d'armes français, Robert Montoya, dont les
avocats français sont eux aussi présents à Lomé. Ancien gendarme de l'Elysée, à l'époque de François Mitterrand,
Montoya est soupçonné d'avoir fourni les avions - deux Sukhoï SU-25 de fabrication soviétique - qui ont été utilisés par
l'armée ivoirienne pour bombarder le campement français à Bouaké. Il est également suspecté d'avoir aidé à exfiltrer les
pilotes, probablement des Biélorusses, qui étaient aux commandes des avions en novembre 2004. Ces dernières
semaines, indique une source judiciaire, la juge du TAP a procédé à l'audition de plusieurs militaires français déployés en
Côte d'Ivoire au moment des faits, notamment ceux qui auraient été en présence des pilotes et techniciens "slaves"
(biélorusses, russes et ukrainiens) chargés des aéronefs militaires de Gbagbo. L'avocat des parties civiles, Me Jean
Balan, reproche aux autorités françaises de ne pas avoir appréhendé les pilotes "slaves" qui, dit-il, étaient identifiés au
moment du raid meurtrier. La juge Brigitte Raynaud, remplacée en février 2006 par Florence Michon avait demandé
des mandats d'arrêt contre deux pilotes, Yuri Sushkin et Barys Smahin. Mais le 5 septembre 2006, le procureur du TAP
Jacques Baillet a émis un avis défavorable à ces demandes d'arrestation, arguant que l'identité de ces mercenaires
restait sujette à caution. En représailles au raid meurtrier sur le campement de la force Licorne à Bouaké, l'armée française
avait détruit la quasi-totalité de l'aviation du président Gbagbo, tandis que les "patriotes", partisans du chef de l'Etat
ivoirien, s'attaquaient à la communauté française, provoquant l'exode de plus de 8000 personnes.
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