Alain Buffard, le “Mauvais genre” sans chichis
Transcription
Alain Buffard, le “Mauvais genre” sans chichis
Culture COULISSES Jazz Brad Mehldau à Sérignan DANSE midilibre.fr MARDI 12 NOVEMBRE 2013 ❘ R1--- Ce soir et demain au Théâtre de Nîmes SAISON Alain Buffard, le “Mauvais genre” sans chichis Montpellier Danse en hiver Sur scène, douze interprètes mettent en pièces les stéréotypes. D Piano hero (comme on a pu dire guitar hero), le jazzman américain Brad Mehldau a fait de l’état de grâce un mode de fonctionnement. Marqué par Bill Evans et Paul Bley, aussi à l’aise avec le classique que la pop, le contemporain ou le be-bop, le pianiste présente enfin Mehliana, le duo qu’il rêvait de monter depuis fort longtemps avec le batteur virtuose Mark Giuliana, un proche d’Avishai Cohen. Détail d’importance : Brad Mehldau abandonne le piano au profit d’un Fender Rhodes et de synthétiseurs vintage. En attendant l’album prévu pour début 2014, la date héraultaise est le rendez-vous jazz contemporain à ne pas louper ! Ce jeudi 14 novembre, 21 h. La Cigalière, 1 avenue de Béziers, Sérignan. 15 € à 25 €. 04 67 28 37 32. Danse Sanou en solo à Narbonne Depuis son arrivée en France, en 1993, dans la compagnie de Mathilde Monnier à Montpellier, le danseur et chorégraphe burkinabé Salia Sanou a tracé un joli parcours. Au terme d’une résidence à la Scène Nationale de Narbonne, il présente ce soir et demain ans un spectacle hors norme pour une douzaine d’interprètes, le danseur et chorégraphe français Alain Buffard met en pièces les stéréotypes. Masculin, féminin, travesti, transexuel, bon et mauvais genre, ou bon chic bon genre : il n’y a pas de différences de fond entre les êtres quand le corps passe à l’acte. C’est une question d’éthique. Depuis 2003, date à laquelle il conçoit le subversif Mauvais genre, Alain Buffard en assume les interrogations et les prises de risque. Formé à la danse américaine dès 1978 par Alwin Nikolaïs, ancien interprète de Régine Chopinot et Philippe Découflé, passé chez les Rita Mitsouko, il interrompt ce cursus pendant sept ans. Occasion d’aller voir ailleurs, ce qui se trame de novateur dans les arts plastiques, notamment à la galerie parisienne d’Anne de Villepoix, dont il devient l’assistant. Petite révolution personnelle : il rencontre aussi Yvonne Rainer et Anna Halprin, deux pionnières de la post-modern dance, avec qui il élargit ses explorations en faveur de l’art de la danse et de ses rapports avec la vie. « Ce qui est mauvais genre est, pour moi, plutôt sexy » Alain Buffard, chorégraphe Dix ans plus tard, ce propos n’a pas pris une ride. Le corps de l’artiste, et a fortiori de chacun, n’est pas une machine anonyme. Quand on fait un mouvement, il faut se demander : « À qui on s’adresse, et pourquoi ? Il est nécessaire d’être conscient de ce que l’on est, des tâches que l’on nous a apprises, et qu’il faut décaler pour qu’on perçoive l’envers des choses. » En mars dernier, les Nîmois ont eu la primeur de ce que peut révéler cet envers de l’emprise colonialiste, au cours d’un événement distribué dans neuf lieux de la ville. Cette fois-ci, on rentre de plein fouet dans une actualité où se profilent des questions d’identité, de mariage pour tous et d’interrogations sur la masculinité et l’homosexualité, via l’actuelle exposition Masculin, masculin du musée d’Orsay. OPÉRA (19 h 30) Doubaley (Le Miroir), une création pour un danseur et une musicienne. Salia Sanou explore son corps et son intériorité à travers le reflet pendant que Takumi Fukushima l’accompagne par la voix et un violon très contemporain. letheatre-narbonne.com Théâtre Femmes savantes à Sète Les Femmes savantes de Molière, dans la mise en scène de Denis Marleau, ouvre la saison de la Scène Nationale de Sète dans un théâtre totalement rénové. La production ludique du Québécois donne une vivacité inattendue à cette satyre de la pédanterie au féminin avec quelques échos contemporains. Ce soir et demain (20 h 30). scenenationale-sete-bassindethau.com ■ La tournée de Benjamin Millepied passe à Montpellier. ■ Le corps humain est au cœur de la création, conçue il y a dix ans. Artistiquement parlant, plusieurs chorégraphes se sont depuis emparés du sujet : du Français François Chaignaud au Sud-Africain Steven Cohen, en passant par la Portugaise Marlène Freitas, ou les Montpelliérains Matthieu Hocquemiller et Fabrice Ramalingom. Un sujet qui en a passionné beaucoup d’autres, de Rita Cioffi à Germana Civera et Nadia Beugré. Comme cette dernière, proche du collectif lillois Latitude Prod., plusieurs artistes régionaux sont parties prenantes de Mauvais genre. Et pour cause, plus soft que certains de ses contemporains, Alain Buffard parie sur la nudité et « la porosité entre les genres ». Entre féminin et masculin, vé- Photo DR gétaux et animaux, « rien n’est assigné à une position fixe ». Sur une palette où se conjuguent le sain, le vif et la maladie (sida en filigrane), le chorégraphe subvertit la morale et les préjugés. « Ce qui est mauvais genre est, pour moi, plutôt sexy », conclut le chorégraphe, qui est aussi programmé dans la saison Montpellier Danse. LISE OTT [email protected] ◗ Au Théâtre de Nîmes, ce soir, à 20 h (version originale) et demain à 19 h (version improvisée). Forfait pour les deux soirées: 20 €. A voir aussi, à Montpellier, au Théâtre de Grammont, mardi 26 novembre à 20 h, précédé à 19 h à l’Agora, d’une conférence de Chantal Aubry, “La femme et le Travesti”. La reprise de Mauvais genre d’Alain Buffard (lire ci-contre), qui fait étape à Montpellier (26 novembre) et à Marvejols (28 novembre), est au programme de la saison d’hiver de Montpellier Danse. Le spectacle Sadeh21 de la compagnie israélienne Batsheva (17, 18 décembre), la création circassienne d’Aurélien Bory (4 février), le décoiffant Tragédie d’Olivier Dubois (14 février), le hip-hop de Kader Attou (25, 26, 27 février), et l’hommage de Benjamin Millepied (le futur directeur du Ballet de l’Opéra de Paris) à Merce Cunningham et William Forsythe (11 mars) constituent les principaux rendez-vous montpelliérains. Mais Montpellier Danse se décentralise aussi en région. The Goldlanbergs d’Emmanuel Gatt qui avait ouvert le festival d’été est programmé à Alès (19 novembre) puis à Narbonne (21 novembre). On verra aussi le très ludique Robot ! de Blanca Li à Bédarieux (6 décembre). My Pogo de Fabrice Ramalingom à Florac (13 décembre), Spekies en création à Perpignan (19, 20 février) par La Zampa, et Ha ! de Bouchra Ouizguen à Nîmes (20, 21 mars) portent aussi le label de Montpellier Danse. J-M. G. [email protected] ◗ www.montpellierdanse.com Ce soir, demain et vendredi à 20 h à l’Opéra Comédie de Montpellier Une séduisante “Elena” met l’opéra en fête La distribution exceptionnelle est magnifiquement accompagnée par la Cappella Mediterranea. L’opéra de Cavalli redécouvert par Leonardo García Alarcón tient les promesses de son succès à Aix, malgré sa longueur. C’est un feu d’artifice baroque qui suggère fort bien, hors contexte, ce que pouvait être une fête à Venise, en 1659. Jean-Yves Ruf adapte sa mise en scène à toutes les situations, dans des dispositifs élégants et épurés, rythmant les déplacements. Il y a toujours un fil pour lier les extravagances, passer d’un raffiné à une chasse à l’ours, du tragique au burlesque. Le travail d’Alarcón dans cette riche partition est admirable. Il dirige chaque musicien dans l’accompagnement de la voix - tout en tenant l’orgue et un clavecin... C’est assez inédit, et la musicalité est multipliée. On ne se lasse pas d’écouter la Cappella Mediterranea, ses sensuels violons, ses flûtes et cornets, la basse bien calée. Le chant se devait d’être exceptionnel. Il l’est. On n’entend que des belles voix dans la nombreuse distribution des personnages mythologiques qui entourent Hélène de Sparte, ravie par Thésée et désirée par Ménélas (Pâris n’est pas encore là). Au service des voix L’héroïne est superbement campée par Emöke Baráth, au timbre voluptueux, mêlant ardeur et humour. Les ravisseurs, Fernando Guimaráes et Rodrigo Ferreira, se complètent à merveille, abordant avec vaillance les péripéties du drame. Tous ont une personnalité vocale marquée, et l’on apprécie la basse Krzystof Baczyk, ainsi qu’Anna Reinhold, qui est Menestée ou Kitty Whately, impressionnante reine des Amazones. Zachary Wilder est un irrésistible bouffon, indispensable. Dominant cet explosif mélange où contre-ténors et mezzos jouent une ambiguïté piquante, le jeune Kangmin Justin Kim incarne un fascinant Ménélas déguisé en amazone. Aussi féminin que viril, et doté de talents de sopraniste rarement égalés, il a un art des nuances et une flexibilité vocale qui étonnent. Il touche les cœurs - « plutôt mourir que vivre muet » - plus séduisant encore, s’il est possible, que la Belle Hélène. MICHELE FIZAINE [email protected] ◗ “Elena” de Cavalli, à 20 h, à l’Opéra Comédie de Montpellier. De 21 à 65 €. Tél. 04 67 60 19 99 ■ Ambiguïtés et artifices d’une mythologie baroque. Photo MARC GINOT